Landry (2015). pratiques de c.o. auprès d’élèves dyslexiques du secondaire
Memoire acasties meefpif-2014
1. Mémoire de Master 2 Métiers de l’Enseignement et de l’Education et de la Formation
Mention : Pratiques et Ingénierie de Formation
Parcours : Formation de formateurs
Analyser l’activité pour former des
formateurs-accompagnateurs Portfolio
Aurélie Casties
Mémoire réalisé sous la direction de Stefano Bertone et Vanessa Marc
ESPE – SUFP – Université de La Réunion
Année 2013-2014
Jury : S. Bertone et L. Pelletier
2. 2
Considère ton expérience non comme la somme de tout ce que
tu as vécu mais plutôt comme le sens que tu en retires.
C. Marsollier
3. 3
Table des figures
Figure 1 : F en situation de formation (plan large) ......................................................................... 29
Figure 2 : F avec E (plan resserré) .................................................................................................. 30
Figure 3 : schéma des prises de vue ............................................................................................... 30
Figure 4 : F s’adresse à C................................................................................................................ 34
Figure 5 : F face E........................................................................................................................... 34
Figure 6 : F écrit au tableau............................................................................................................. 35
Figure 7 : F s’adresse à C et E......................................................................................................... 35
Figure 8: F et E regardent le tableau ............................................................................................... 35
4. 4
Table des matières
Introduction
..............................................................................................................................................
6
I.
Le
ePortfolio
et
la
démarche
réflexive
de
portefeuille
de
compétences
.......................
8
1.
Le
contexte
...................................................................................................................................................
8
2.
Le
projet
ePortfolio
................................................................................................................................
10
3.
Les
acteurs
................................................................................................................................................
14
II.
Le
problème
professionnel
.......................................................................................................
14
1.
Réorganisation
du
dispositif
de
formation
des
étudiants
........................................................
14
2.
Nouvelle
demande
de
formations
de
formateurs
........................................................................
15
3.
Nouveau
dispositif
de
formation
de
formateurs
..........................................................................
16
4.
Délimitation
de
l’objet
d’étude
..........................................................................................................
18
III.
Eléments
de
problématisation
et
cadre
théorique
.........................................................
20
1.
Revue
de
Travaux
...................................................................................................................................
20
2.
Questionnement
.....................................................................................................................................
24
3.
Cadre
théorique
.......................................................................................................................................
25
IV.
Recueil
de
données
et
méthodologie
...................................................................................
28
1.
Les
participants
..........................................................................................................................................
28
3.
Le
recueil
de
données
...........................................................................................................................
28
4.
Traitement
des
données
......................................................................................................................
32
V.
Présentation
des
résultats
........................................................................................................
34
1.
Premier
jeu
de
langage
:
Faire
comprendre
aux
étudiants
l’importance
de
l’analyse
de
l’expérience
......................................................................................................................................................
35
2.
Deuxième
jeu
de
langage:
utiliser
l’exemple
d’un
étudiant
pour
montrer
la
méthodologie
à
la
classe
...............................................................................................................................
37
3.
Troisième
jeu
de
langage
:
débuter
l’analyse
de
l’expérience
.................................................
39
4.
Quatrième
jeu
de
langage
:
analyser
l’expérience
d’un
étudiant
en
deux
phases
............
41
5.
Cinquième
jeu
de
langage:
Noter
les
éléments
de
l’expérience
de
l’étudiant
au
tableau
43
6.
Sixième
jeu
de
langage:
Vérifier
que
la
classe
suit
toujours
....................................................
44
7.
Septième
jeu
de
langage:
questionner
l’étudiant
sur
son
expérience
..................................
46
8.
Huitième
jeu
de
langage:
détailler
les
missions
en
activité
.....................................................
47
9.
Neuvième
jeu
de
langage:
Faire
émerger
les
compétences
......................................................
49
10.
Dixième
jeu
de
langage:
introduire
l’explicitation
détaillée
des
activités
.......................
50
5. 5
VI.
Discussion
.....................................................................................................................................
52
VII.
Ingénierie
de
formation
..........................................................................................................
59
1.
Dispositif
......................................................................................................................................................
59
2.
Evaluation
du
dispositif
de
formation
.............................................................................................
61
Conclusion
...............................................................................................................................................
63
Bibliographie
.........................................................................................................................................
64
Annexes
....................................................................................................................................................
66
Annexe
1
:
Fiche
“Analyse
d’une
expérience”
.............................................................................
67
Annexe
2
:
Retranscription
de
l’autoconfrontation
..................................................................
69
6. 6
Introduction
Depuis septembre 2009, j’ai pour mission à l’Université de La Réunion de développer l’usage du
numérique au service de la formation. En 2010, suite à un appel à projet de la Commission
Orientation Formation et Insertion Professionnelle, je dépose un projet de ePortfolio. Le ePortfolio
est une plateforme de portefeuille de compétences en ligne. Ce projet a pour objectif de favoriser
l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants.
En 2011, parallèlement au lancement de la plateforme, je débute un processus de Validation des
Acquis de l’Expérience (VAE). Cette démarche personnelle va me permettre d’approfondir
l’analyse des acquis de l’expérience, qui est commune à la démarche portfolio. A travers le
dispositif de validation, je vis une expérience transformatrice qui change mes perspectives
professionnelles.
En faisant le parallèle entre la VAE et le ePortfolio, je souhaite permettre aux étudiants de vivre
cette expérience transformatrice, notamment par la validation des acquis, qui est une
reconnaissance personnelle avant d’être institutionnelle. De cette manière, je cherche à les
responsabiliser dans leur parcours scolaire et professionnel. En effet, j’entends cette démarche
comme un processus qui se réalise tout au long de la vie. Je souhaite qu’ils se donnent les moyens
d’avoir un projet professionnel en accord avec leurs choix et leurs objectifs de vie. Mon but est
non seulement de développer l’utilisation de la plateforme mise en place, mais surtout d’améliorer
la qualité des portfolios créés qui reflètent la pertinence de la réflexion, et de la prise de recul.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place une formation adaptée qui permettra à l’étudiant de
gagner en autonomie dans sa démarche, pour être en mesure de vivre sa vie professionnelle selon
cette perspective.
L’implantation de la démarche étant récente à l’université de La Réunion, il est nécessaire de
former des formateurs. Les formations mises en place au début du projet ne semblent pas avoir
permis aux formateurs de comprendre l’essence de la démarche. Ainsi, il est indispensable pour
développer ce projet que les formateurs puissent comprendre et transmettre les enjeux de ce
processus de réflexion. Le point central de cette démarche nous semble être l’analyse d’une
expérience qui permet d’identifier les acquis et de faire des liens avec le projet professionnel, afin
7. 7
de le confirmer ou de l’infirmer. Ainsi, nous centrerons notre étude sur le questionnement du
formateur afin d’accompagner l’étudiant dans cette réflexion.
Pour cela, nous procèderons par une méthode indirecte, l’entretien d’autoconfrontation, qui sera
construit à partir de la captation d’une situation de formation. Cet entretien permettra au formateur
de réélaborer son expérience, et d’indiquer les règles qui ont guidé son action. Afin de stabiliser et
de développer le projet ePortfolio, il s’agit également de contribuer à construire un collectif de
formateur, avec des règles partagées.
En première partie, je détaillerai les éléments du contexte national et de notre contexte
universitaire à la Réunion qui ont conduit à la mise en place de ce projet. Je présenterai ensuite
notre problème professionnel concernant la formation des formateurs qui permettra de délimiter
l’objet de cette étude. Dans une troisième partie, je ferai une synthèse de l’état de l’art au sujet de
la formation à la démarche portfolio, mais également au sujet de la formation de formateurs
novices. Après avoir explicité la méthodologie employée pour le recueil de données, j’analyserai
les résultats obtenus. Enfin, la discussion permettra de faire ressortir les règles suivies par la
formatrice et les dilemmes observés. Ceci nous permettra de dessiner les lignes de force de ce
métier et d’envisager alors une ébauche de dispositif de formation professionnelle en alternance,
dans une dernière partie.
8. 8
I. Le ePortfolio et la démarche réflexive de portefeuille de
compétences
1. Le contexte
a. Les universités françaises
Avec le passage de la Loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU)
en 2007, le contexte des universités françaises a largement évolué. Cette loi a notamment
institutionnalisé la mission d’Orientation et d’Insertion Professionnelle (OIP) des universités, à
travers la création des Bureaux d’Aide à l’Insertion Professionnelle (BAIP).
L’orientation peut être définie comme une démarche qui «consiste à mettre l’individu en
mesure de prendre conscience de ses caractéristiques personnelles et de les développer en vue du
choix de ses études et de ses activités professionnelles dans toutes les conjonctures de son
existence» et l’insertion professionnelle comme «le cheminement d’un jeune ou d’un adulte vers
un emploi ou une activité au plus près de son projet et de la réalité du marché de l’emploi»
(Danvers, 1998, p26).
Ce nouveau service a pour objectif de favoriser la construction du projet personnel et
professionnel des étudiants et de développer leurs savoirs-être et leur formation à l’insertion
professionnelle (rédaction de lettres, de CV ; entretiens d’embauche, etc.).
Cette mission d’insertion professionnelle devient un réel enjeu pour l’université. En effet,
le faible taux d'insertion professionnelle des étudiants après un parcours à l’université est un des
arguments qui font que les étudiants ont de plus en plus tendance à privilégier les écoles
d’ingénieurs, écoles de commerce ou formations professionnalisantes.
b. Le développement de la démarche portfolio en France
On a pu observer le développement de la démarche portfolio en France, et particulièrement dans le
paysage universitaire ces dernières années. En effet, la démarche de valorisation des acquis de la
formation et de l’expérience s’inscrit dans la dynamique de l’espace européen de l’enseignement
supérieur, depuis le processus de Bologne. Dans cette mouvance, et liés aux questions nouvelles
9. 9
d’identité numérique, de nombreux projets de ePortfolio, pour favoriser l’orientation, la mobilité
et la formation tout au long de la vie se sont développés dans les différents pays européens
(MINES DGESIP, 2013)
c. L’Université de La Réunion
Cette mission est assurée à l’université de La Réunion par le pôle PROFIL (Pôle Relations
extérieures, Orientation et Formation pour l'Insertion professionnelLe). Interface entre les
étudiants et le monde socio-économique, il met en œuvre différents projets, évènements et
formations pour accompagner les étudiants dans la construction de leur projet professionnel et
personnel. Il forme les étudiants à la valorisation de leurs compétences et aux techniques de
recherches d'emplois, et de stages.
L’enjeu pour l’Université de La Réunion est de permettre à l’étudiant de devenir acteur de la
construction de son parcours personnel et professionnel, en l’accompagnant vers l’acquisition
d’une autonomie permettant de gérer sa navigation professionnelle et son employabilité. La
navigation professionnelle est un concept introduit par Le Boterf dans la professionnalisation. Il la
caractérise par « Choisir un cap, une direction, un sens, une signification ; Faire le point, des
bilans de situations ; Explorer la carte des opportunités ; Elaborer et piloter des projets ; Etablir
des plans de routes ; Identifier les conditions favorables à l’action » (2011, p153).
L’employabilité est définit par Mienville (1996) comme « la capacité des personnes à remplir les
conditions nécessaires et suffisantes pour se maintenir ou trouver un emploi à l’intérieur ou à
l’extérieur de l’entreprise. » (Gauthier et Pollet, 2012, p41).
10. 10
2. Le projet ePortfolio
a. Présentation
Le projet « ePortolio : outil d’aide à l’Orientation et l’Insertion professionnelle » est lancé dans
le cadre d’un appel à projet concernant la mission Insertion Professionnelle en septembre 2010. Il
est piloté par le Service des Usages du Numérique (SUN) et le Bureau d’Aide à l’Insertion
Professionnelle (BAIP), du PROFIL. Il s’agit de proposer aux étudiants de l’université de La
Réunion une plateforme de portefeuille de compétences en ligne, leur permettant de favoriser leur
orientation et leur insertion professionnelle.
Un Portfolio ou portefeuille de compétence est le recueil continu, réfléchi et organisé d’une
variété de produits authentiques qui documentent les progrès de son auteur, ses buts, ses efforts,
ses talents, ses intérêts et son développement au fil du temps. Cette collection de travaux démontre
les résultats obtenus et leurs effets.
Cet outil n’est que la partie visible de la démarche, démarche réflexive, constituée d’un ensemble
de processus :
- réinterprétation et réappropriation de l’expérience, du parcours professionnel,
- de reconnaissance personnelle, professionnelle et même institutionnelle,
- de mise en évidence des liens entre activités, apprentissages, compétences, habiletés et leurs
preuves.
C’est donc un outil pour être acteur de sa vie professionnelle. Son propriétaire a le contrôle
complet de qui y a accès, comment et quand (Layec, 2006, Gauthier et Pollet, 2013, Winsor &
Ellefson 1995, Michaud, 2010). Rosario (2005) le définit comme un « outil unique, qui s’appuie
sur une base de données personnelles, un espace collectif de publication sélective, une méthode
unique d’analyse des situations professionnelles et une méthode générique, d’apprentissage, et
une technologie interopérable » (Gauthier et Pollet, 2012, p18)
Le portfolio se compose d'une présentation généralement personnelle, d'une partie sur le
détail des expériences professionnelles, des formations suivies, des certifications obtenues, d'une
rubrique sur le détail des compétences, et d’un catalogue de travaux, productions, ainsi que des
témoignages (enseignants, maître de stage, collègues...).
Le travail réflexif nécessaire à la réalisation du portfolio permet à l'étudiant de prendre du
recul par rapport à ses apprentissages et ses expériences, qu’ils soient scolaires, professionnels ou
11. 11
associatifs. C'est donc valoriser chaque projet dans ce qu'il peut apporter comme connaissances ou
compétences, mais c'est aussi le responsabiliser dans son parcours universitaire. Cette
autoévaluation conduit à une meilleure connaissance et à une meilleure estime de soi, qui sera
capitale lors de sa recherche de stage ou d'emplois. Cette réflexion représente pour nous le cœur
de la démarche portfolio que Gauthier et Pollet définissent comme « l’ensemble des activités
développées par un apprenant et son accompagnant nécessaires à la construction, à la
formalisation et aux usages d’un portfolio papier, d’un portfolio numérique ou d’un ePortfolio »
(Gauthier et Pollet, 2012, p19). Nous cherchons à promouvoir cette démarche auprès des étudiants
afin de développer « une (méta) compétence à la navigation professionnelle tout au long de la
vie » (Gauthier et Pollet, 2012, p127).
b. Dispositif de formation
• Formation de formateurs
La conception de la plateforme a donc été réalisée dans une collaboration avec le Service
des Usages du Numérique et le Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle du PROFIL. La
plateforme a été mise en ligne en février 2011, et nous avons organisé une première formation de
formateurs, axée sur la présentation du concept et de l’outil. Une deuxième session de formation
en juin 2011 a permis de former de nouvelles formatrices et d’approfondir la prise en main de
l’outil.
Après l’intégration d’évolutions dans la plateforme, nous avons organisé à nouveau une formation
de formateurs, avec une intervenante extérieure. Cette formation avait pour objectif de construire
un nouveau scenario pédagogique de la formation pour orienter celle-ci sur la démarche portfolio
et le travail réflexif. Les formatrices envisageaient la formation comme une formation à un outil
informatique, et n’accordaient que peu d’importance au travail réflexif. Finalement, le fait d’avoir
axé la formation des étudiants sur les aspects « outils » du portfolio, n’a pas permis aux
formatrices de se saisir de la globalité de la démarche. L’objectif sous-tendu par la co-construction
d’un nouveau scenario pédagogique de la formation était également de créer un collectif autour du
portfolio. En effet, depuis le début du projet, bien que co-porteur du portfolio, les employées du
BAIP ont du mal à s’impliquer. Elles ne prennent pas position sur les choix de la plateforme ou de
la formation, et attendent que je donne mon avis, ou que je prenne une décision. Je ressens le
projet ou la démarche comme extérieurs à elles-mêmes. En effet, même si j’ai fortement conseillé
de s’appliquer la démarche à soi-même pour comprendre les enjeux et les impacts de cette analyse,
12. 12
très peu de formatrices ont réellement fait l’expérience de cette transformation. En effet, comme le
souligne Gauthier et Pollet (2012, p136) « C’est une démarche transformatrice de la valeur
perçue de l’expérience. (…)La démarche portfolio, réalisée par l’apprenant, transforme
l’expérience en « acquis de l’expérience », pour ceux qui font l’effort de cette réflexion
transformatrice. ». L’objectif de créer un collectif est de permettre de développer la démarche
portfolio à l’université de La Réunion, et de contribuer à la progression de la réflexion au sujet de
l’accompagnement à la démarche portfolio. En effet, nous verrons que les recherches à ce sujet
sont restreintes et récentes (Gauthier et Pollet, 2012).
Le bilan de la formation est mitigé, elle nous a permis d’avoir un vocabulaire commun sur le
domaine de la formation et de construire un nouveau scenario pédagogique. Elle a été également
l’occasion de mettre à jour la diversité des points de vue, et des approches du portfolio. En
revanche, elle n’a pas permis de créer réellement ce collectif qui porterait une responsabilité
commune. Par ailleurs, l’expertise d’une formatrice ressort nettement de cette formation. Elle s’est
investie dans la conception des évolutions de la plateforme ePortfolio. D’autre part, son
expérience dans le domaine de l’accompagnement VAE lui permet d’appréhender facilement le
questionnement nécessaire.
• Formations des étudiants
Les premières formations aux étudiants débutent en septembre 2011. Ces formations sont
intégrées dans un dispositif de formation obligatoire : CESAME. Le CESAME (Certificat de
l’Enseignement Supérieur pour l’Accès au Monde de l’Emploi), entre dans le cursus de formation
des L2/L3 (licence deuxième et troisième année) des différentes composantes de l’université. Ce
cursus a pour but d’améliorer l’accompagnement des étudiants dans leur choix d’orientation et
leur insertion professionnelle, à travers la validation de quatre modules :
- module 1 : orientation et préparation au monde du travail
- module 2 : acquérir des atouts
- module 3 : découverte du monde du travail
- module 4 : sensibilisation à l’entrepreneuriat
La formation ePortfolio dure 4h, elle se découpe en deux séances de 2h. La première
séance de 2 heures se déroule, en amphithéâtre, et est intitulée « Initiation au ePortfolio ». Il s’agit
de définir ce qu’est un portefeuille de compétences en ligne et d’amener l’étudiant à réfléchir sur
son parcours et ses compétences. L’intervenant présente en quoi consiste le portfolio, ce qu’est
13. 13
une compétence, et leur permet de réfléchir à leur parcours mais ne peut les accompagner
réellement au vu du nombre d’étudiants (environs 120 étudiants par séance). Ils commencent donc
ce travail de réflexion sur leur parcours en séance et doivent le poursuivre chez eux pour la
prochaine séance. La deuxième séance est orientée sur la prise en main de l’outil ePortfolio, sur
poste informatique. L’objet de cette séance est d’apprendre à utiliser la plateforme et de
commencer à remplir les différentes rubriques. Cela nécessitera encore à l’étudiant un travail
personnel pour compléter son ePortfolio afin de le rendre pour l’évaluation.
Sur ces premières formations, nous avons vraiment orienté notre discours durant la
formation, sur les aspects « utilitaristes » du ePortfolio pour l’insertion professionnelle. Cela nous
semblait plus efficient afin de motiver les étudiants pour réaliser leur portfolio. D’autre part, la
notion de ePortfolio, Portfolio ou Portefeuille de compétences en ligne est totalement inconnue
des étudiants. Nous avons donc décidé de simplifier notre discours dans un premier temps en
parlant de « CV en ligne », de rencontrer des entreprises, dans un objectif de « présentation de
soi » (Gauthier et Pollet, 2012, p157).
Seulement, le public ciblé (L2/L3) ne se sent pas directement concerné par cet objectif. Ils
ont encore quelques années avant de finir leurs études pour la plupart. Et nous observons que la
notion d’ « insertion professionnelle » semble évoquer pour les étudiants : obtenir un emploi dans
une société privée. Nous rencontrons donc des difficultés à sensibiliser les étudiants qui se
destinent à la fonction publique. Or nous pensons qu’il est important de commencer cette
sensibilisation à la démarche portfolio tôt dans le cursus, afin de piloter son parcours universitaire.
Les premières formations nous permettent d’observer que les étudiants rencontrent peu de
difficultés à utiliser la plateforme. L’utilisation semble plutôt intuitive, même si elle nécessite tout
de même d’être accompagnée. Les difficultés semblent porter plus sur la compréhension et
l’appropriation de la démarche.
Moins d’un an après la mise en ligne et avec le recul de six mois de formation des
étudiants, nous lançons un projet d’évolution de la plateforme. Nous créons notamment une
nouvelle rubrique centrale : « Mon projet pro ». En effet, le ePortfolio est à ce jour principalement
un support permettant à l'étudiant de capitaliser et de valoriser ses compétences et ses
expériences. Nous souhaitons donc proposer un outil supplémentaire aux étudiants, qui leur
permettrait de réfléchir à leur projet professionnel. Cette nouvelle rubrique permet alors à
l'étudiant d'être plus autonome dans la réflexion de son projet professionnel, à chaque étape de son
cursus.
14. 14
3. Les acteurs
Les formatrices sur le ePortfolio travaillent toutes pour le pôle PROFIL au niveau de
l’orientation et de l’insertion professionnelle : conseillère d’orientation, d’insertion
professionnelle, chargée de projet ou encore responsable de formation. Elles ont des profils
différents, mais un niveau de connaissance et d’utilisation de l’outil informatique assez semblable.
En revanche, elles n’ont pas toutes la même culture de la formation et de l’accompagnement. De
cela, il ressort qu’elles n’ont pas la même approche de la démarche portfolio. Par exemple, une
formatrice (qui était absente lors de la conception de la nouvelle version du portfolio) témoigne ne
pas avoir compris « l’autre finalité » du portfolio autour de la construction du projet professionnel.
Selon elle, la construction du projet professionnel et l’insertion professionnelle sont deux finalités
complètement différentes. Elle ne « se retrouve pas » dans cette deuxième finalité, qui a été, selon
elle, « ajoutée ». Pour une autre, la dimension est plus globale, et s’inscrit comme un outil de
Formation Tout au Long de La Vie, au service de l’employabilité. Mais aucune ne parle de cette
« réflexion transformatrice ». Aucune formatrice n’a, par ailleurs, réalisé la démarche portfolio
dans son ensemble (8 étapes), comme décrit par Gauthier et Pollet (2012) :
1/ Contractualisation
2/ Biographisation
3/ Capitalisation
4/ Orientation
5/ Médiatisation
6/ Socialisation
7/ Contribution
8/ Navigation
II. Le problème professionnel
1. Réorganisation du dispositif de formation des étudiants
Après deux années de mise en œuvre du dispositif CESAME, le PROFIL a fait évoluer la
formation pour la rentrée 2013.
Le nouveau CESAME est orienté vers l’acquisition de compétences dans trois domaines :
l’informatique, la recherche d’emploi, ainsi que la sensibilisation au monde de l’entrepreneuriat.
Ce dispositif rénové est déployé sur la troisième année de Licence.
15. 15
Le CESAME s’articule autour de quatre unités d’enseignement (UE) :
· UE1 : Technologie de l’Information et de la Communication (TIC)
· UE2 : Aide à l’insertion professionnelle (AIP)
· UE3 : Professionnalisation (PRO)
· UE4 : Entrepreneuriat (ENT)
La nouvelle formation ePortfolio sera proposée dans l’UE 2, sous la forme de quatre sessions de
2h, par groupe de 20 étudiants.
2. Nouvelle demande de formations de formateurs
En novembre 2013, le PROFIL m’adresse une nouvelle demande de formation, afin
d’accompagner de nouvelles formatrices et de permettre à des anciennes formatrices de « se
remémorer ». La demande exprimée est donc simplement une demande de formation à la
plateforme ePortfolio. Au vu des précédentes formations de formateurs, mais également des
retours des étudiants, je propose à la formatrice chargée du relai de cette demande (la formatrice
« experte ») d’aborder différemment cette formation de formateurs. L’objectif est de concentrer la
formation sur la transmission et l’appropriation de la démarche portfolio, et sur les outils
disponibles pour accompagner cette démarche.
Je réalise un entretien préalable avec les trois formatrices ayant assuré la majorité des
formations ePortfolio dans le cadre de CESAME. Cet entretien montre en effet que c’est la
compréhension et l’appropriation de la globalité de la démarche portfolio qui est complexe pour
les étudiants.
Dans les phases de la démarche décrite par Gauthier et Pollet (cf II.3. Acteurs), ce sont jusqu’à
présent les phases 2 à 5 qui ont été abordées lors des formations. Et les formatrices considèrent les
phases 2 et 3 (Biographisation et Capitalisation) les plus complexes à transmettre aux étudiants.
C’est particulièrement le fait d’analyser ses expériences et sa formation pour en extraire les acquis,
qui est le plus difficile à mettre en œuvre en situation de formation de groupe. C’est pourtant ce
qui paraît essentiel dans l’expérience transformatrice que révèle la démarche portfolio.
En outre, ils n’ont pas beaucoup de difficultés à utiliser l’outil numérique proposé. Ils ont souvent
l’impression de n’avoir « rien à mettre dedans » explique une formatrice. Une autre explique que
16. 16
le contexte (formation en amphithéâtre) n’était pas propice à les « accompagner pour de l’analyse
de parcours », et de plus la formation était axée sur la « partie technique » (utilisation de l’outil
ePortfolio). Les formatrices relèvent également le problème de motivation, « ils n’avaient pas
forcément choisi de le faire (…) et sans motivation ils n’adhèrent pas du tout à la démarche ».
Le cadre amené par la formation CESAME (deux séances de deux heures) permettait de faire
uniquement de la sensibilisation, « c’était à eux d’approfondir ». De l’avis des formatrices, assez
peu d’étudiants ont approfondi. Il est arrivé toutefois que certains s’approprient la démarche et
produisent des portfolios très riches.
3. Nouveau dispositif de formation de formateurs
J’ai mis en place une formation sur deux sessions d’une journée, à dix jours d’intervalles
(Janvier/ Fevrier 2014). Les participantes étaient :
- la formatrice en charge de l’ingénierie de la formation ePortfolio pour le service
PROFIL, ayant suivi les différentes formations de formateurs, et ayant participé à
l’entretien, qui comprend globalement la démarche
- une formatrice ayant suivi la dernière formation de formateurs, mais n’ayant pas
utilisé la plateforme et n’ayant fait aucune formation depuis.
- une nouvelle formatrice, ayant un parcours dans l’accompagnement, les
ressources humaines et intervenant déjà sur des problématiques d’insertion
professionnelles
- une conseillère d’orientation psychologue, venue en « découverte ».
Lors de l’introduction à la première session, j’ai posé les raisons de la mise en place de cette
formation : la difficulté de la partie « analyse de l’expérience » et la nécessaire expérience
personnelle de la démarche pour transmettre à l’étudiant ce processus.
J’ai proposé un contrat de confiance. Il était important de préciser qu’au vu de l’implication
personnelle que demandait la formation, chaque personne était libre de présenter ce qu’elle
souhaitait de son parcours et que l’essentiel pour moi était qu’elle partage un point de vue réflexif
par rapport à l’expérience menée. D’autre part, j’ai tenu à ce que tout le monde s’engage à ne pas
divulguer ce qui serait partagé dans le cadre de la formation.
La première session a été organisée en cinq étapes :
- Découverte de portfolio : rapport d’étonnement
17. 17
Découvrir des portfolios de tous types, et noter ce qui me plaît, me déplaît, et les questions que
cela fait émerger.
- Mise en commun des rapports d’étonnement
Cette mise en commun a permis notamment de faire émerger la nécessité de savoir questionner
pour accompagner les étudiants dans la démarche portfolio. Cela a également permis d’aborder
des éléments de définition, et de soulever plusieurs questions sur la formation des étudiants,
notamment sur la place de l’évaluation dans cette formation.
- Identifier ses motivations et ses freins à réaliser la démarche pour soi-même
Un des outils proposé dans l’ouvrage « Accompagner la démarche portfolio » aborde la
motivation et les freins à réaliser la démarche portfolio. J’ai trouvé intéressant d’aborder cette
fiche « s’engager » en formation de formateurs, pour aborder clairement les résistances à mener
cette démarche pour soi-même. Il paraissait tout à fait naturel aux formatrices de demander aux
étudiants de s’engager dans cette démarche sans l’avoir elles-même vécues.
- Présenter son parcours biographique et en dégager le « fil rouge »
L’objectif de cette séquence est de faire également l’expérience d’un outil que l’on pourrait
proposer aux étudiants pour retracer leur parcours, et identifier les satisfactions/insatisfactions,
point de développement et de non-développement. C’est une amélioration d’un outil déjà proposé
dans la précédente version de formations aux étudiants. Cet exercice s’avère réellement difficile
émotionnellement pour une des nouvelles formatrices. Cela met à jour l’implication personnelle
que cette démarche demande.
- Analyser une expérience
Du point de vue des formatrices, cette phase est le point le plus difficile. J’ai procédé à un
enseignement ostensif du questionnement à proposer à un étudiant pour l’analyse d’une
expérience. J’ai réalisé l’analyse d’une expérience d’une des stagiaires, en expliquant la manière
dont je procédais.
Un travail personnel a été demandé aux stagiaires entre les deux séances pour analyser les acquis
de deux expériences : une expérience personnelle et une expérience professionnelle. Ce travail fait
suite à l’enseignement des règles de l’analyse d’une expérience.
Lors de la deuxième séance, nous avons organisé une discussion autour de la démarche qu’elles
avaient vécu, des difficultés qu’elles avaient rencontrées mais également de ce que cela avait pu
leur apporter. Pour beaucoup, on a vu des difficultés à entrer dans le détail de l’analyse de
l’expérience. Le motif souvent invoqué est le manque de temps.
18. 18
Puis j’ai présenté la plateforme ePortfolio de l’université, afin que les stagiaires puissent saisir les
informations travaillées préalablement.
En deuxième partie de formation, nous avons défini ensemble les objectifs pédagogiques de la
formation : objectifs généraux et objectifs par séance.
J’ai pu observer que le fait que la formation s’intitule ePortfolio, les amène trop directement sur
l’outil, par rapport à tout ce qui a été travaillé pendant la formation. Il ressort assez rapidement
qu’il faudrait changer l’intitulé de la formation pour indiquer un objectif plus clair aux étudiants.
Une fois les objectifs posés pour chaque séance, il s’agit de proposer des activités (dont les outils
testés en formation).
Sur les trois formatrices, une seule a déjà de l’expérience dans cette formation (la formatrice
« experte »). Son expérience lui permet de savoir rapidement comment articuler les activités en
fonction de l’objectif pédagogique. Cependant, nous souhaitons co-construire le scenario
pédagogique de la formation, pour impliquer les nouvelles formatrices au sein d’un collectif de
métier en création. Cette formatrice, et moi-même devons nous mettre en recul pour que les deux
formatrices novices puissent s’impliquer et s’approprier ce contenu. Leur regard neuf est d’ailleurs
très important pour nous. Pour chaque séance, nous articulons différentes activités inspirées de
l’ouvrage « Accompagner la démarche portfolio ». Nous sélectionnons différents outils, en
adaptant parfois le vocabulaire à notre public.
4. Délimitation de l’objet d’étude
Des retours d’expériences des formatrices, il ressort que l’étudiant comprend l’intérêt de la
démarche lorsqu’il est accompagné à l’aide d’un questionnement sur l’analyse de son parcours.
Pour s’approprier la démarche, l’étudiant doit comprendre la méthodologie d’analyse des acquis
de l’expérience et être suffisamment motivé pour s’investir dans ce processus qui demande une
implication personnelle. En effet, si la motivation ne concerne que la remise d’un « devoir » pour
un examen (un ePortfolio à un instant T, réalisé pour un enseignant), nous n’atteignons que 50%
de notre objectif. L’étudiant ne se positionne pas dans une perspective d’orientation et de
formation tout au long de la vie.
19. 19
D’autre part, nous pensons que s’ils appliquent la méthodologie, ils se sentiront valorisés de se
rendre compte qu’ils ont des compétences.
Ceci nous permet de concentrer notre objet de recherche sur l’analyse d’une expérience au
travers de trois étapes : la consigne, la fiche « analyse d’une expérience » et le questionnement. De
« savoir questionner » à « savoir se questionner », je m’interroge sur la manière d’amener
l’étudiant à la réflexivité. Entre formation et accompagnement, quelles sont les règles qui
définissent la posture adéquate ?
La réflexivité que l’on souhaite faire acquérir aux étudiants, pour soutenir une démarche
d’orientation et de formation tout au long de la vie, est entendue ici comme « cette dynamique
réflexive (qui) permet à l’apprenant de prendre conscience de son pouvoir, savoir et vouloir agir
et apprendre, sur soi et sur le monde, de développer son sentiment de compétences » (Gauthier et
Pollet, 2012, p121). Nous retiendrons la définition de la formation tout au long de la vie du
ministère de l’éducation nationale, comme « un continuum entre la formation initiale, générale ou
professionnelle, et l’ensemble des situations où s’acquièrent des compétences : actions de
formation continue, activités professionnelles, implications associatives ou bénévoles. Elle inclut
les démarches d’orientation, de bilan, d’accompagnement vers l’emploi, de formation et de
validation des acquis de l’expérience. » (Site Education.gouv, formation tout au long de la vie).
Je peux donc synthétiser le problème professionnel qui nous occupe, ainsi :
Comment former des formateurs-accompagnateurs à amener les formés à la réflexivité au
sein de la démarche portfolio, dans une perspective de formation tout au long de la vie ?
20. 20
III. Eléments de problématisation et cadre théorique
1. Revue de Travaux
a. Professionnalisation de l’accompagnement à la démarche portfolio
JP Boutinet, en préface de l’ouvrage « Accompagner la démarche portfolio » de Gauthier et Pollet
(2012, p1) remarque assez justement que parallèlement au développement de la démarche
portfolio en France, on peut noter une « quasi-absence de littérature documentaire et critique sur
la question ». C’est ainsi le seul ouvrage qui pose la problématique de l’accompagnement à la
démarche et de la professionnalisation de ce métier. Ils ouvrent ainsi une réflexion à partir d’un
référentiel de compétences destiné non pas à définir l’accompagnateur, mais à servir de boussole.
Ce référentiel a pour but de « guider l’accompagnateur dans son développement de compétences »
(Gauthier et Pollet, 2012, p143), et de cette manière d’ouvrir le débat sur la formation à la
démarche portfolio.
Ainsi, ces travaux permettent d’aborder les compétences requises par cet accompagnement
notamment pour mettre en place en place une instrumentation maïeutique. D’autre part, ils
abordent la question de la supervision nécessaire des pratiques dans une perspective de
professionnalisation de ce métier.
• L’instrumentation maïeutique
Si l’instrumentation maïeutique est présentée comme un « mode opératoire de facilitation
privilégié » (Gauthier et Pollet, 2012, p60) par le formateur-accompagnateur, c’est que c’est un
élément central dans l’accompagnement à la démarche portfolio. Pour autant, cette
instrumentation n’est pas détaillée dans les différents travaux qui traitent du portfolio.
En revanche, nous pouvons nous référer aux méthodologies d’analyse de pratiques
professionnelles, et à des ouvrages comme « L’entretien d’explicitation » de P. Vermersch (2011).
Le questionnement que l’on cherche à mener peut se rapprocher de l’analyse de pratiques
professionnelles dans le sens où il permet une « distanciation instrumentée » (Altet, 2000, p3) qui
cherche à développer des capacités à analyser une expérience. Il s’agit d’acquérir une compétence
réflexive. Le questionnement du groupe de pairs a vocation également à clarifier et à analyser la
situation, en faisant ressortir les différents liens et interactions signifiants. De la même manière,
21. 21
l’entretien d’explicitation permet un retour réflexif sur le fonctionnement cognitif lors de la
réalisation d’une action, et sur le vécu d'une expérience professionnelle. Il cherche à faire émerger
des éléments implicites du vécu de l'action.
• La supervision
La notion d’expérimentation personnelle de la démarche portfolio et la supervision de pratiques
semble essentielle dans la problématique de l’accompagnement, comme l’explique Philippe Didier
Gauthier et Maxime Pollet : « L’accompagnateur pour pouvoir proposer cette démarche doit
l’avoir lui-même expérimenté, dans un groupe de pairs, avoir mené un travail de formalisation
non seulement de son portfolio mais aussi de métacognition sur son expérience et les conditions
de déroulement de la démarche » (2012, p143). Maela Paul envisage cette problématique comme
«un emboîtement de postures : celui qui accompagne doit nécessairement être à son tour
accompagné. » (2009, p40). Il est intéressant de voir que dans cette optique de supervision,
Gauthier et Pollet vont plus loin en indiquant qu’il est recommandé aux accompagnateurs de se
situer comme des « praticiens-chercheurs » (2012, p143).
b. Le métier de « formateur-accompagnateur »
La littérature évoque peu le rôle de « formateur-accompagnateur » (Altet, 2000, p6), il est
employé dans le cadre de la formation de formateurs, notamment dans l’éducation nationale, et
concerne principalement des formations de type entretien individuel, ou entretien conseil.
L’ouvrage de Gauthier et Pollet (2012) utilise lui le terme d’accompagnement , et non de
formation à la démarche portfolio.
• Le formateur
Les différents travaux sur le statut de « formateur » dessinent un portrait très large. S’il est
souvent défini comme un expert métier, ayant « une connaissance concrète des réalités du travail,
liée à la nécessité de se référer à des exemples réels et à des expériences vécues » (Hachicha,
2006, p21) il est un professionnel avant tout. C’est généralement son expérience qui lui permet de
devenir formateur, dans une dynamique d’évolution de carrière. D’autre part, certains auteurs
l’envisagent plus dans une fonction pédagogique. B. Schwartz considère que «ses actions peuvent
aller du simple conseil pédagogique à la formation de formateurs, en passant par un apport
d’outils et de documents pédagogiques » (1969, p 66). D’autres auteurs vont attacher
particulièrement d’importance au rôle de facilitateur, ou de conseiller. Pour Knowles, le formateur
22. 22
contribue au processus d’apprentissage comme un facilitateur, il est un partenaire de l’apprenant.
. Pour Daval (1981) et Bachehatt (1988), le formateur doit être tout à la fois un «praxéologue-
conseiller» et un «accoucheur d'idées».
• L’accompagnement ou l’accompagnateur
Le terme d’accompagnement recouvre des problématiques assez différentes selon le domaine
auquel il appartient : domaine scolaire, professionnel, ou encore celui de la santé. Ainsi selon son
contexte, il sera proche du coaching, de l’aide, de l’étayage ou encore de la thérapie. Pour
circonscrire le rôle de l’accompagnateur dans notre contexte, nous nous appuierons sur les travaux
de Maela Paul et Michel Vial.
Maela Paul définit l’accompagnateur dans une posture différente du formateur, celle de
« facilitateur » qui crée « les conditions d’apprentissage et les conditions de construction de
l’expérience, sollicitant la réflexivité » (2009, p24). Un facilitateur, un non-sachant , ces termes
évoquent plus l’accompagnement maïeutique que la transmission. Effectivement, M. Vial souligne
que si l’accompagnement « a des effets formatifs, il n’est pas une formation ». Il le définit comme
une forme d’ « étayage », un « étayage langagier ou dialogique » (2006, p3) qui va permettre à
l’accompagné de transformer la situation, par cette mise en mots, et par là-même de se
transformer. Ainsi, la réflexivité, permise par l’accompagnement, s’incarne dans une mise à
distance de l’expérience et une prise de recul par rapport à soi-même. Cette double distanciation
suppose de l’intersubjectivité, introduite par le dialogue, à travers l’altérité de l’accompagnateur
et ainsi l’activité dialogique permet l’analyse de l’activité (Clot, 2008). Cette mise à
distance passe par une analyse du réel permettant de situer l’expérience dans son contexte
(Chappaz, 1998).
Ces différents éléments engendrent un questionnement sur la formation des accompagnateurs. On
pressent qu’une simple immersion dans le métier ne serait pas satisfaisante. Il s’agit d’identifier
les processus en jeu et de repérer le positionnement des accompagnateurs dans ces processus.
Selon Maela Paul, il est donc nécessaire pour cela de faire évoluer les dispositifs de formation
courants, pour aller chercher dans nos pratiques, dans nos actions, les fondamentaux du métier
d’accompagnateur.
23. 23
c. Formation des formateurs novices
Les différents travaux sur l’efficacité des dispositifs de formation, par alternance, des enseignants
et des formateurs novices montrent des résultats très contrastés (Chaliès & Durand, 2000). En
effet, les entretiens de conseil pédagogique, très utilisés dans dans ce type de formations sont à la
fois « considérés comme cruciaux et peu efficaces » (Bertone, Chaliès & Clot, 2009, p107).
D’autre part, les interventions des formateurs universitaires sont perçues par les enseignants
novices comme trop théoriques et de ce fait trop éloignées des préoccupations de « terrain »
(Bertone, Chaliès & Clot, 2009). En revanche, il ressort qu’il est possible de transformer « les
conceptions et/ou les pratiques professionnelles en faisant du travail réalisé en classe un objet de
pensée et d’interlocution en dehors de son contexte de réalisation. » (Bertone, Chaliès & Clot,
2009, p108). Les différents travaux en clinique de l’activité et en anthropologie culturaliste se
rejoignent sur ce point : l’analyse de l’activité doit être le point de départ de la formation des
formateurs, dans une approche située. En effet, les différentes études ayant trait à la
professionnalisation des formateurs novices mettent en exergue la nécessité de se situer au plus
près de l’action (Chaliès, Flavier, Bertone, 2007). D’ailleurs, les travaux de M. Durand sur
l’ingénierie de contexte nous permettent d’aborder la complexité de la formation de formateurs
pour transformer les pratiques professionnelles. Selon lui, il est donc impossible de modifier des
pratiques professionnelles en dehors de l’activité. A ce sujet, il rejoint les conclusions de Chaliès
(Chaliès, 2012) en indiquant que c’est par « l’agencement d’environnements particuliers que la
formation peut se produire » (Durand et Fillietaz, 2009, p200).
Différentes études (Chaliès, 2012 ; Escalié, 2011) ayant éprouvé l’autoconfrontation, en tant que
méthode indirecte de transformation de l’expérience, font ressortir qu’en revivant la situation, le
formé peut réélaborer son expérience, avec l’aide du tuteur et du formateur universitaire. Cette
réélaboration lui permet de déceler de nouveaux possibles dans la situation et ainsi d’accroître son
pouvoir d’agir. Enfin, Chalies et Escalié (2011) montrent qu’en demandant au novice les raisons
de leurs actions, c’est-à-dire en énonçant le suivi de la règle comme raison de l’action, ils lui
permettent de prendre part à la communauté professionnelle.
24. 24
2. Questionnement
Mon contexte professionnel me conduit à m’interroger sur la manière de former des formateurs-
accompagnateurs, à amener les formés à la réflexivité au sein de la démarche portfolio, dans une
perspective de formation tout au long de la vie.
Si l’accompagnement à la démarche portfolio fait encore l’objet d’assez peu d’études, notre
problématique trouve plusieurs points communs avec la formation d’enseignants novices,
notamment sur le dispositif d’alternance à mettre en place et sur la problématique de la
construction du sujet professionnel. On peut dire en revanche que les règles de métiers
diffèrent. Ainsi, il nous faut documenter les règles de métiers du formateur-accompagnateur, sur
l’accompagnement à l’analyse d’une expérience, qui concerne un des points clés de la posture
réflexive que nous cherchons à développer chez les formés. Ainsi l’analyse du travail, en
l’occurrence la situation de formation, nous semble être une piste intéressante, afin d’étiqueter et
d’étayer les règles de ce métier, encore peu défini.
Outre le fait que les formateurs ePortfolio sont novices dans la fonction de formateurs et
d’accompagnateurs Portfolio, j’ai été confrontée, au cours des différents échanges au sujet du
portfolio, à un manque d’engagement et d’implication par rapport au projet. Les différents
formateurs ne défendaient pas d’opinions personnelles et ne prenaient pas de positions concernant
ce projet. Ils se référaient uniquement à mes choix ou ceux de la formatrice experte. Je cherche
donc à mettre en place un dispositif de formation qui contribue à la construction du sujet
professionnel, qui saura ainsi justifier ses propres choix dans les situations de formation. Leurs
subjectivisations permettront ainsi d’enrichir le collectif de leurs différents styles. Ainsi, il
convient d’analyser la place d’une posture réflexive par rapport aux règles de métiers dans la
construction du sujet professionnel. Comment construire une formation réflexive pour les
formateurs-accompagnateurs qui contribue à la construction du sujet professionnel dans et
par le suivi de règles conscientes et conscientisables ?
Pour cela, il apparaît tout d’abord nécessaire de se rapprocher des situations réelles d’exercice du
métier, dans une approche de l’ « action située ». En effet, d’après les travaux de Durand, les
transformations des pratiques professionnelles seront toujours liées pour le novice à « sa
dynamique endogène et/ou modifications de l’environnement qui sont significatives pour lui »
(2009, p200). D’autre part, nous souhaitons intégrer la formatrice «experte » au dispositif de
formation, comme soutien pour l’enseignement ostensif des règles. Ainsi, nous pourrons
développer ce collectif métier afin de porter la démarche portfolio au sein de l’université.
25. 25
Enfin, nous chercherons à situer les énoncés en utilisant les règles de métier comme référents des
contextes réels de travail. De cette manière, nous allons étiqueter et étayer les règles de métier
dans la situation réelle de formation, afin de pouvoir construire un dispositif de formation qui soit
au plus proche des préoccupations des novices.
3. Cadre théorique
a. Théorie de l’action
La théorie de l'action est l'étude de la nature de l'action humaine, qu'elle soit individuelle ou
collective, elle a été définie par D. Norman (1986). Selon cette théorie, l’action ne doit pas
seulement être interprétée selon le principe de causalité, elle est le « résultat d’acculturation à des
usages liés à des situations particulières» (Sensevy, 2001, p205). L’action est constituée d’un
double caractère à la fois « système clos de comportement » et « intervention intentionnelle »
(Baudouin et Friedrich, 2001). Ainsi, analyser des actions c’est prendre en considération les
raisons, les objectifs et les motifs de l’agir. Selon Ricoeur (Ricoeur, 1977), l’analyse du langage, à
travers ses propriétés sémantiques permet de mieux comprendre et expliciter l’action.
Wittgenstein introduit le concept de jeu de langage, et réhabilite ainsi les notions de contexte
d’usage. Ces orientations vont être enrichies par l’analyse du travail et la clinique de l’activité,
dans une analyse en cours d’action pour repérer ce qui dans le travail et l’organisation du travail
va permettre ou empêcher le développement du sujet (Clot, 1999 ; Schwartz, 2000)».
L’analyse de l’action peut permettre, en outre, à l’acteur, de redéfinir ou de réélaborer son
expérience, dans son rapport discursif, en fonction de ses propres buts (Sensevy, 2001).
b. Approche Située
Le courant de l’approche située, introduit par les travaux de Suchman, soutient l’idée que l’activité
humaine se construit en fonction du contexte de l’action, de l’environnement matériel et social
(Suchman, 1987) et ne peut donc être appréhendée en dehors de la situation (Bertone & Chaliès,
2008). Ce contexte implique des interactions sujet-environnement fondamentales dans la
réalisation de l’action ou de la cognition. On parle alors d’action ou de cognition située. Les
analyses vont donc s’attacher à la singularité des situations.
26. 26
Selon Suchman, le fait que l’action soit située, et donc en co-définition (Bertone & Chaliès, 2008)
avec le contexte signifie deux éléments :
- l’action dépend des circonstances, c’est l’indexicalité,
- l’action définit également le contexte c’est la réflexivité.
Ainsi, le langage ne fait pas simplement partie de l’action, il va influer dessus, et même la
déterminer.
c. Anthropologie culturaliste et construction du sujet professionnel
Dans l’anthropologie culturaliste, la construction du sujet professionnel se réalise «dans et par le
suivi de règles (Chaliès, 2012) , au sein d’un dispositif de formation en alternance. Les situations
de formation cherchent à développer l’activité professionnelle, et se réalisent sous la forme
d’entretiens basés sur des analyses de situations de formation. Selon Chaliès, la construction du
sujet professionnel se réalise par l’exercice de capacités normatives (Chaliès, 2012) c’est à dire en
suivant des règles constitutives du métier (Wittgenstein, 1996), définies dans un collectif. Lors de
ces entretiens, les formateurs novices devront identifier les règles suivies comme des raisons
dicibles et conscientes, ou conscientisables, de leurs pratiques professionnelles. Ces entretiens
visent la co-construction des liens de significations entre la situation et la règle de métier. Les
explications ostensives de la règle permettent au formé de constituer son « métre étalon »
(Chaliès, 2012). au travers d’une multiplicité d’exemples. Ce mètre étalon permettra au novice de
savoir évaluer, juger, agir, et réagir correctement dans une nouvelle situation (Chaliès, 2012).
C’est ce qui permettra au formateur novice de faire preuve de « discernement » (Deleuze, 1993)
professionnel. Ainsi, l’accompagnement mis en œuvre doit permettre que la situation
professionnelle autorise le formé à agir selon les règles préalablement enseignées, et ainsi lui
permettre de « « voir-comme », « sentir-comme », et/ou « agir-comme » » (Chaliès, 2012, p60)
cela lui a été enseigné.
La subjectivisation se fera en deux temps, deux mouvements. Dans un premier temps, le sujet se
construit par la règle, il est subordonné à celle-ci et, n’est pas en mesure d'y mettre une intention.
Il agit sous tutelle intentionnelle du formateur. Le formateur s'assure de la conformité du suivi de
la règle, lors de différentes mises en situation professionnelle (formation en alternance). Le constat
récurrent de résultats permet au formé de suivre la règle avec une intention qui correspond à celle
du collectif. Dans un deuxième temps, le formé intègre réellement le collectif métier lorsqu’il
interprète les règles et met ainsi son propre style dans sa pratique professionnelle. On parle alors
27. 27
de subjectivisation dans la règle. En d’autres termes, le novice est capable de décrire son action
par la règle. Il cite donc les raisons conscientes et explicites, dont les intentions. L’action est
donc intentionnelle. Lorsque les formateurs interrogent les novices sur les raisons de leurs
actions, ils leur permettent ainsi d’intégrer « « pleinement » la communauté professionnelle »
(Chaliès, 2012, P72). En effet, le sujet professionnel ne se construit que si « l’assujettissement »
aux règles ouvre la voie à leur subjectivisation, à leur détournement et pas seulement à leur
« subordination » (Chalies, 2012). Alors, la communauté professionnelle se trouve enrichie par les
créations stylistiques (Chaliès, 2012) qui sont des catachrèses (Clot, 2008) des règles.
d. Accéder aux règles de métier
L’autoconfrontation est une méthode indirecte pour accéder aux vécus des novices en situation,
permettant à la fois de documenter les règles de métiers comme raisons des actions, et de
transformer l’expérience en la réélaborant (Bertone et Saujat, 2013). Son expérience devient alors
un « objet de pensée et/ou d’interlocution » (Bertone, Chaliès et Clot, 2009, p109) dans
l’interaction avec le tuteur. Les règles explicitées par des exemples deviennent alors des mètres-
étalons, des instruments qui alimentent leur activité décisionnelle en situation de formation
(Bertone, Méard, Ria, Euzet &Durand, 2003).
Ainsi, l’autoconfrontation va permettre :
- d’étiqueter la règle, c’est-à-dire de la nommer. Cette étiquette est partagée par un collectif
de métier. Le novice devra apprendre cette règle et la mobiliser en situation.
- d’étayer la règle, c’est-à-dire de donner des circonstances et des exemples de la règle
préalablement étiquetée,
- et d’exposer les résultats attendus et/ou constatés de cette règle.
Ainsi, Chaliès (2012, p99) propose de formaliser toute règle de métier de cette manière [«Objet de
la signification » vaut dans les circonstances où « ensemble des circonstances évoquées pour
étayer la signification » ce qui obtient comme résultats « ensemble des résultats constatés et/ou
attendus »]. ».
28. 28
IV. Recueil de données et méthodologie
1. Les participants
Sur les formatrices déjà formées, et sur les formatrices novices, seulement trois formatrices
allaient assurer des formations cette année universitaire : Morgane, Nadège et Sandra. Seules ces
trois personnes pouvaient donc être concernées par mon étude. Dès la formation de formateurs de
janvier-février 2014, je leur ai expliqué dans quelle démarche de recherche je souhaitais placer ce
dispositif de formation.
Morgane a intégré le projet ePortfolio dès la mise en œuvre des premières formations de
formateurs (2011) et dispose d’une formation et d’une expérience professionnelle en
accompagnement (accompagnement VAE et accompagnement à l’orientation). Ainsi, elle est dans
notre collectif la formatrice « experte » qui soutient la démarche portfolio au sein de notre
établissement.
Nadège a refusé de se faire filmer lors d’une de ses séances de formation. Un certain nombre de
raisons personnelles et professionnelles ont motivé son choix.
Sandra a, quant à elle, accepté. Malgré le stress lié au fait qu’elle n’a jamais participée à des
formations ePortfolio, elle souhaitait vraiment utiliser cette expérience pour progresser.
De manière générale, j’ai dû faire face à la vraie difficulté des formatrices de se confronter à leur
image. Malgré leur envie de progresser dans leur métier, cette confrontation était très difficile à
vivre. D’autre part, il faut noter que pour chacune des formatrices, les formations ePortfolio, et la
formation de manière générale, ne représentaient pas la majorité de leur activité professionnelle.
Elles y ont consacré de huit à cinquante heures par an environ.
3. Le recueil de données
Ce recueil de données s’est déroulé entre mars et avril 2014 et a porté sur l’activité d’une
formatrice experte, Morgane, et d’une formatrice novice, Sandra. La situation de formation de
Morgane n’a été utilisée que dans l’objectif d’un enseignement ostensif des règles de métiers
concernant la partie « analyse d’une expérience », notamment pour démontrer le questionnement à
adopter. Une demande officielle a été faite au directeur du service PROFIL pour faire la captation
de ces séances de formation.
Le corpus est donc constitué des enregistrements audio-vidéo d’une situation de formation portant
sur l’analyse d’une expérience par la formatrice experte, de la même situation de formation
29. 29
réalisée par la formatrice novice et de l’entretien d’auto-confrontation. La totalité de l’entretien
d’auto-confrontation a été retranscrit verbatim (cf Annexe 2).
a. Les prises de vue
Les prises de vue ont été réalisées dans le cadre d’une formation ePortfolio pour le DU CPESIP
(Diplôme Universitaire Cycle Préparatoire aux Études Supérieures et à l'Insertion
Professionnelle). La formation au ePortfolio dure six heures : trois séances d’une durée de deux
heures. La deuxième séance a été filmée. Ces formations se déroulaient en salle d’informatique,
même si les étudiants n’ont pas besoin de l’ordinateur à chaque séance.
J’ai expliqué aux étudiants en début de séance ma présence et l’objet de ma recherche. J’ai
demandé leur autorisation pour filmer, et j’ai proposé à ceux qui se sentiraient vraiment gênés par
la caméra de changer de place dans la salle, sachant que les étudiants volontaires pour la recherche
étaient filmés. J’ai bien évidemment précisé que la vidéo ne serait pas diffusée, et uniquement
utilisée par le collectif des formateurs ePortfolio.
La caméra a été placée de façon à pouvoir zoomer sur la formatrice au tableau, et à effectuer
quelques plans larges sur la classe. Dans cette position, elle était discrète et gênait le moins
possible la formatrice.
Figure 1 : F en situation de formation (plan large)
30. 30
Figure 2 : F avec E (plan resserré)
Figure 3 : schéma des prises de vue
31. 31
b. L’entretien d’Autoconfrontation
L’autoconfrontation s’est déroulée une semaine après la formation. Elle a été réalisée à partir d’un
montage audio/vidéo, dans lequel ont été sélectionnés les passages les plus saillants de l’étape de
l’analyse d’une expérience. En effet, le montage m’a permis de conserver les moments où la
formatrice :
1) expliquait les objectifs du travail,
2) transmettait les instructions et consignes de travail et
3) interrogeait un étudiant. Le questionnement de l’étudiant étant relativement long j’ai choisi
les passages les plus représentatifs des règles posées et/ou des difficultés rencontrées.
Le montage ainsi réalisé, qui a servi de support à l’autoconfrontation, durait 19 min 24.
J’ai choisi cette forme d’entretien pour chercher à identifier les règles du métier de « formateur-
accompagnateur » à partir de ce qu’en disaient les acteurs.
Le participant visionnait l’enregistrement avec la chercheure et était invité à décrire et commenter
pas à pas son activité. La formatrice novice (indiquée par « la formatrice » dans les
retranscriptions), la formatrice experte et la chercheure pouvaient à chaque instant interrompre le
défilement de l’image pour en faire un commentaire.
Néanmoins, cette confrontation à sa propre image n’a pas été simple. Parfois, il a été nécessaire de
rassurer la formatrice dans la mesure où ce type de formation ne représentait pas le cœur de son
activité professionnelle, et qu’elle n’était pas familière de ce type d’entretiens.
C’est pourquoi l’introduction présentant le déroulement de l’entretien était essentielle : « Je vais te
questionner, comme tu as fait avec l’étudiant, pour redécrire ce que tu as fait, sur ces passages-là,
ce que tu en penses en le regardant, pourquoi tu as fait ça à ce moment-là, dans le sens où… si tu
veux il y a toujours ce qu’on prépare, ce qu’on veut faire et dans la situation comment on fait (…)
Moi je ferais des arrêts, Morgane peut faire aussi des arrêts, et toi aussi tu peux nous dire quand
tu veux faire des arrêts ou revenir en arrière. »
c. Le guide d’entretien
Afin de reconstituer a posteriori les règles suivies par la formatrice lors de sa séance de formation,
le questionnement a suivi trois étapes :
Etape 1 : Etiqueter la règle : en premier lieu, je demandais à la formatrice de nommer, de décrire
l’action/la séquence qu’elle visualisait ;
Etape 2 : Etayer la règle : pour accéder aux éléments d’étayage, j’invitais la formatrice
autoconfrontée à juger son action (« quel est ton regard sur ce moment-là ? » ligne 62) et à
32. 32
justifier son jugement. Je pouvais lui demander d’étayer son jugement, ou l’aider à aller plus loin
par une reformulation (« qu’ils voient la méthodologie que tu utilises pour qu’eux ils utilisent la
même ? » ligne 153) ou un guidage (« tu es en train de l’accompagner sur un questionnement et tu
parles plus que lui » ligne 638) . Parfois, il était difficile d’aller frontalement sur le « jugement »
car la formatrice avait tendance à être trop dure avec elle-même. Elle avait du mal à justifier ce
qu’elle faisait parce qu’elle pensait immédiatement que ce n’était pas « pédagogiquement
correct ».
Etape 3 : Décrire les résultats attendus : Enfin, je demandais quels étaient les résultats attendus
en rapport avec la règle (« quel serait le résultat que tu attends chez les étudiants de ce passage
là ? » ligne 77).
4. Traitement des données
Les données de l’autoconfrontration ont été analysées selon le cadre théorique et méthodologique
de l’anthropologie culturaliste (Bertone, 2011 ; Chaliès, 2012). Le traitement des données devait
permettre de formaliser les règles suivies par la formatrice lors de la situation de formation
« analyse d’une expérience ». L’objectif était :
- de repérer si les règles préalablement enseignées en formation étaient suivies par la
formatrice en situation de formation,
- de repérer dans la pratique des nouvelles règles qui pourraient enrichir le collectif et le
nouveau dispositif de formation de formateurs,
- et mieux identifier les préoccupations et difficultés de la formatrice afin de mettre au point
un dispositif de formation et d’accompagnement adéquat.
Pour y parvenir, les données ont été traitées comme suit :
1/ Retranscription des données : La séquence de formation filmée, puis l’entretien
d’autoconfrontation, relatif à cette séquence, ont été retranscrit verbatim.
2/ Découpage des données d’autoconfrontation en unité d’interaction : Le verbatim des
autoconfrontations a été ensuite découpé selon l’objet du jugement (étiquette) émis par
l’autoconfronté et a ainsi permis d’identifier une succession d’unités d’interactions ;
3/ Identification du jugement et des éléments d’étayage : pour chaque unité d’interaction, le
jugement porté par la formatrice autoconfrontée ainsi que les éléments d’étayage qui ont été
développés sont indiqués ;
4/ Identification des résultats attendus : je cherche à identifier et à formaliser des résultats
33. 33
attendus par la formatrice lors de chaque suivi de règle ;
5/ Formalisation de la règle : A partir de l’objet de jugement, des éléments d’étayage et des
résultats attendus, je formalise la règle suivie par la formatrice sous cette forme : [ « Objet » vaut
pour « éléments d’étayage » ce qui donne comme résultat « ensemble des éléments de résultats
attendus ou observés »]. Chaque règle a été formalisée au plus près des propos de la formatrice
autoconfrontée. Par exemple, [«décliner les missions en activité » vaut pour « questionner pour
détailler une activité» ce qui obtient comme résultat « donner la portée de l’expérience » pour
« valoriser ses acquis, son domaine d’expertise».]
6/ Identifier les jeux de langage : Enfin, pour chaque règle, j’ai identifié dans quel jeu de langage
elle prenait place.
34. 34
V. Présentation des résultats
Comme nous venons de l’évoquer, nous allons dans cette partie identifier les règles jouées dans
les différents jeux de langage sélectionnés, au regard de la méthode d’analyse de l’anthropologie
culturaliste. L’entretien d’autoconfrontation a duré 1h24 min, j’ai procédé à une sélection des
règles et jeux de langage qui me semblaient cruciaux dans le dispositif de formation des novices.
En préambule de cette analyse, il me semble important de souligner que la vidéo de la formation
fait apparaître cinq actions de la formatrice (F) par rapport à la classe (C) et à l’étudiant (E) :
- La formatrice s’adresse à la classe,
- La formatrice est face à l’étudiant, l’écoute et le regarde,
- La formatrice écrit ou lit le tableau,
- La formatrice s’adresse à l’étudiant et à la classe,
- La formatrice et l’étudiant regardent le tableau, en discutant (tournent le dos à la classe).
La chercheure sera indiquée par CH et la formatrice experte par FE.
Figure 4 : F s’adresse à C
Figure 5 : F face E
35. 35
Figure 6 : F écrit au tableau
Figure 7 : F s’adresse à C et E
Figure 8: F et E regardent le tableau
1. Premier jeu de langage : Faire comprendre aux étudiants l’importance
de l’analyse de l’expérience
Le premier jeu de langage sélectionné se situe au tout début du film support de l’autoconfrontation
(de 0’00 à 1’25 – retranscription de la ligne 32 à 42). La formatrice a expliqué en quoi consistait
« l’analyse d’une expérience ». Elle a distribué à tous, une fiche (cf. Annexe 1) comme support à
cette étape de la démarche. A ce moment-là, elle s’adressait à la classe (cf. figure 4).
Pour cette partie, est présenté l’extrait de la situation de formation et apparaissent, la
communication des acteurs et leurs comportements à partir des traces d’enregistrements
audiovisuels.
Extrait 1 de la situation de formation : formatrice – classe (F- C)
Communication des acteurs Notes d’observations et traces des
enregistrements audiovisuels
36. 36
F analyse d’une expérience … et c’est là ou je vous
disais tout à l’heure c’est sur cette séquence là où on
va apprendre à se poser les bonnes questions …C’est
cette partie là où vous allez vous poser toute une série
de questions à partir d’une expérience, donc dégager
…et c’est un petit peu vos attentes je suppose..vos
acquis, vos savoirs, savoir-faire, savoir-être et un petit
peu aussi on peut dire d’une manière plus globale les
compétences, après est-ce que certains sont gênés par
ce mot « compétence » ?
sinon je l’enlève on va faire quelque chose de plus
simple … moi je ne veux pas mettre un terme qui vous
gêne… c’est là où on va essayer de voir ben… on va
parler en termes de résultats, ce que vous avez obtenu,
si c’était bien si c’était pas bien et ce que vous avez
« connaissance de soi » c’est là où on va essayer de
décortiquer ce que vous avez appris sur vous, voilà
Consigne de l’analyse de
l’expérience
La F s’adresse à toute la classe
Elle écrit au tableau
Une étudiante lève la main
Elle efface « compétences » et écrit
« résultats », « connaissance de soi »
Elle tourne le dos aux étudiants
quand elle écrit
Extrait 2 de l’autoconfrontation de la formatrice
novice (F) à propos de la situation de formation
Analyse
Ch : d’accord, t’avais perdu le fil effectivement… quel
serait le résultat que tu attends chez les étudiants de ce
passage là ? Qu’est-ce qui est important qu’ils
comprennent ou qu’ils retiennent ?
F : pour moi ce qu’il est important de comprendre
c’est… ce que je veux qu’ils comprennent c’est qu’en
fait… Ben c’est pas tout d’avoir un parcours, de pouvoir
le retracer mais il faut passer par cette phase d’analyse
d’expérience qui est nécessaire pour dégager ce qu’on
avait dit, connaissances de soi, savoirs. C’est pas
seulement le premier travail qu’ils ont fait en disant
c’est très bien j’arrive à mettre tout mon parcours
finalement, c’est bien formulé, je m’en sors mais c’est
Unité d’interaction 3
Demande d’Etayage par la CH sur
les résultats attendus
Etayage de la signification par la F :
« c’est pas tout d’avoir un parcours
et de pouvoir le retracer il faut
passer par cette phase d’analyse
d’expérience pour dégager la
connaissance de soi et les savoirs »
37. 37
me dire un petit peu « ben non y a quand même un
travail qui reste à finaliser »
Ch : d’accord donc tu veux leur dire qu’il y a ce travail
là qui est important … plus important ?
F : voilà, qui est pour moi la clé, parce que c’est là où
ils vont dégager, comme tu dis, l’essence même de ce
qu’on attend
Demande d’Etayage par la CH
Sur le travail
Etayage de la signification par la
F « ce travail est l’essence même de
ce qu’on attend »
Ainsi, cette phase de « consigne » est essentielle au début de l’activité pour chercher l’engagement
des étudiants dans cette phase d’analyse qui reste personnelle. En effet, si l’étudiant ne souhaite
pas expliciter son expérience, personne ne pourra le faire à sa place, il n’y a pas de « bonnes
réponses », il s’agit d’interroger un vécu. La formatrice suit la règle : [« dire qu’il n’y a pas que le
fait de retracer son parcours » vaut pour « dire que l’analyse de l’expérience amène à dégager la
connaissance de soi et les savoirs » ce qui obtient comme résultat pour « faire comprendre que
l’analyse est l’essence de la démarche».].
2. Deuxième jeu de langage: utiliser l’exemple d’un étudiant pour montrer
la méthodologie à la classe
Le deuxième jeu de langage est basé sur un extrait de la situation de formation de 1’30 à 2’13
(retranscription de la ligne 119 à 131). La formatrice explique qu’elle va faire le travail avec
l’exemple concret d’un étudiant, et qu’ils devront ensuite le reproduire sur leur fiche. Une
étudiante demande s’ils doivent le faire pour une seule expérience, et ensuite s’il s’agit d’une
expérience professionnelle ou personnelle. La formatrice précise donc que le travail demandé
maintenant porte sur une analyse, mais que l’important est de comprendre la méthodologie pour
pouvoir la reproduire par la suite sur d’autres expériences. Elle précise également qu’il peut s’agir
d’expériences professionnelles, associatives, sportives, et valorise quelque part les expériences qui
pourraient avoir un lien avec leur projet professionnel. Elle est toujours face à la classe, comme
présenté en figure 4.
38. 38
Extrait 3 de l’autoconfrontation de la formatrice
novice (F) à propos de la situation de formation
Analyse
Ch : comment tu as reçu la question ? est-ce que tu
te souviens quand elle t’a posé la question, est-ce
que tu t’es dit oui je vais préciser…
F : euuuhhh… je crois que je m’étais dit que je vais
préciser quand même, pour moi c’était important de
le dire, c’est vrai que là on le voit pas mais j’en
avais parlé, y’avait une jeune fille qui est venue un
petit peu sur ce terrain, quel genre de chose on peut
mettre, quel genre d’expérience…qu’est-ce qui est
important ou pas..mais ça je lui avais dit en aparté,
j’étais vers le fond de la salle et je lui avais dit
qu’effectivement ça pouvait être perso, associatif,
sportif. Du coup je voulais aussi rebondir, donc ça
tombait bien parce qu’elle m’a posé la question
donc j’ai rebondi dessus mais normalement
effectivement je comptais le préciser.
Ch : C’est bien de leur montrer aussi que ça va faire
un exemple avec le jeune, et qu’ils allaient voir
comme ça un petit peu toute la démarche
F : et en fait quand je disais « on va faire ça »
c’était pour qu’ils…quelque part pour les capter, ce
que je vais faire ça c’est une méthode mais que
vous allez aussi devoir reproduire et pas « ah elle le
fait avec lui moi je suis tranquille » tu vois le but
c’est pas seulement ça, c’était pour essayer de
capter un petit peu leur attention
Ch : d’accord…qu’ils voient la méthodologie que
tu utilises pour qu’eux ils utilisent la même ?
F : l’objectif était de voir un cas concret mais la
finalité c’était de comprendre ce qu’il se passe pour
Unité d’interaction 6
Jugement de la CH
Jugement de la F sur son action : «je
vais faire ça c’est une méthode mais que
vous allez aussi devoir reproduire »
Guidage de la CH sur l’exemple
Etayage de la F : « ça c’est une méthode
que vous allez devoir reproduire »
Demande d’Etayage par la CH sur
l’objectif
Etayage de la signification par le F :
« comprendre ce qu’il se passe pour le
39. 39
le reproduire, je voulais aussi qu’ils en prennent
conscience, pour qu’ils soient pas seulement passifs
en fait, qu’ils soient plutôt attentifs
reproduire »
Ainsi, la formatrice suit la règle : [« faire un exemple avec l’étudiant» vaut pour « faire la
démonstration du questionnement » ce qui obtient comme résultat de « comprendre la
méthodologie pour la reproduire ».]. Cette règle a été enseignée de manière ostensive, lors de
l’entretien préalable à la formation, basé sur la vidéo de la formatrice experte en formation. Le
déroulé du scenario pédagogique comportait 4 étapes :
- présenter la consigne de l’activité,
- donner un exemple en questionnant un étudiant,
- faire faire la fiche analyse d’une activité,
- faire un retour avec les étudiants sur l’activité, expliciter la méthode, voire reprendre le
questionnement avec un étudiant.
3. Troisième jeu de langage : débuter l’analyse de l’expérience
Ce troisième jeu de langage, qui est le début de l’analyse de l’expérience, se base sur l’extrait de la
formation de 2’15 à 2’35 (retranscription ligne 180 à 187). La formatrice a débuté l’exemple avec
l’étudiant, qui est venu s’asseoir au bureau, à côté du tableau. Très rapidement, le ton de sa voix a
baissé, pour ne s’adresser qu’à l’étudiant. Dans cette séquence, la formatrice s’adressait
uniquement à l’étudiant et s’est positionnée comme on le voit dans la Figure 5.
Extrait 4 de l’autoconfrontation de la formatrice novice
(F) à propos de la situation de formation
Analyse
F : c’était aussi pour …en fait j’avais un passif avec cet
étudiant, mais là ça n’a rien à voir. c’est ça donc y’avait un
passif, il se retrouvait au tableau, et c’est vrai j’ai tendance à
être un peu … (directive) donc je me suis un peu adoucie
quelque part j’ai voulu créer une proximité pour le mettre à
l’aise parce qu’il s’était retrouvé au tableau..j’ai tendance à
parler fort, à parler vite… donc là moi c’était plus pour lui le
mettre à l’aise, pour qu’il se dise « bon ben on est entre
nous » c’était un petit peu ça l’idée. Parce qu’au début j’ai
Unité d’interaction 9
Signification attribuée par la
F : « j’ai voulu créer une
proximité pour le (l’Etudiant)
le mettre à l’aise »
40. 40
commencé … et puis j’ai vu qu’il commençait à me regarder
« elle veut quoi ?? » donc je me suis dit « on va se calmer » je
vais lui demander gentiment c’était plus dans cette optique-là
Ch : de créer une relation ?
F : de créer une relation et de le détendre. Parce que même là
je me rends compte que … « alors c’est quoi le titre du stage,
c’est quoi, c’est quoi ?? » je me suis dit « non, non… »
Ch : c’était quoi ce « passif ? »
F : c’était par rapport au stage, il y avait eu des problèmes de
comportement que moi j’avais notés qui gênaient un peu le
fonctionnement administratif, et après c’est administratif et
pédagogique c’était un problème par rapport au stage. Et c’est
peut être aussi pour ça qu’avec lui je me suis particulièrement
adoucie peut-être que ça aurait été un étudiant lambda que je
ne connaissais pas, je te l’avoue franchement, d’une autre
filière avec qui j’avais pas eu de passif j’aurais continué sur la
même lancée, en me disant je vais lui poser ma question bien
haut bien fort , aussi peut-être que j’aurais même pas pensé à
créer cette intimité , mais là je l’ai fait spontanément parce
que je me suis dit « ben c’est pas facile d’être là…d’être
regardé par ses camarades donc si en plus tu te mets à 15 m
du gamin c’est bloquant »
Ch : oui c’est ce que j’allais te demander c’est par rapport au
passif mais aussi par rapport à ce que vous alliez faire ?
F : C’est parce que toi j’avais vu (la FE) que tu l’avais fait en
proximité c’est mieux, mais bon nous la configuration était
pas forcément la même donc j’allais pas être sur ses genoux
quand même, mais il fallait qu’on travaille ensemble
Demande d’Etayage par la
CH de « proximité »
Etayage de la signification
par la F
Demande d’Etayage par la
CH sur le passif
Etayage de la signification
par la F : « c’était par
rapport au stage » (dans sa
fonction d’administrative et
pas de formatrice)
Demande d’Etayage par la
CH sur les raisons
Etayage de la signification
par la F : « c’est parce que
toi j’avais vu (la FE) que tu
l’avais fait en proximité c’est
mieux »
Ainsi, la Formatrice nous explique qu’elle suit la règle : [« s’adoucir » vaut pour « être en
proximité » vaut pour « créer une relation » ce qui obtient comme résultat « détendre l’étudiant »
41. 41
pour « travailler ensemble ».]. Cette règle n’a pas été présentée ostensivement, mais l’attitude de
la formatrice experte a été perçue de cette manière, lors du visionnage de la formation de cette
dernière. Elle a interprété ainsi cette règle qui est suivie de façon ostensible dans sa pratique
professionnelle.
4. Quatrième jeu de langage : analyser l’expérience d’un étudiant en deux
phases
L’objet de la méthodologie était de faire prendre conscience aux étudiants, qu’à partir d’une
expérience présentée généralement de façon très courte, on peut détailler pour faire émerger ce qui
a été appris en terme de connaissances, savoir-faire, mais également ce que chacun a appris sur
soi, à mettre en corrélation avec son propre projet professionnel. Le jeu de langage que nous avons
sélectionné ici rend compte des deux phases de cette analyse d’expérience. L’autoconfrontation se
base sur un extrait de la situation de formation de 2’36 à 4’08 (retranscription lignes 231 à 255).
La formatrice a noté les différents éléments au tableau et se trouvait donc dos à la classe et à
l’étudiant, comme présentée sur la Figure 6.
Extrait 5 de l’autoconfrontation de la formatrice novice (F)
à propos de la situation de formation
Analyse
F : Ben en fait ce que j’ai choisi de faire c’était travailler sur
l’expérience en fait sur la grille d’analyse tout simplement , et
la démarche que je souhaitais faire au départ, tout au départ
avant qu’on démarre je souhaitais partir sur un schéma, juste
noter le titre du stage pour que les gens visualisent, bon c’est
un stage en carrosserie peinture et qu’on discute et qu’après
vienne la partie questionnement et c’est là que je reviens
séquence par séquence et moi-même je suis restée focalisée sur
le papier c’est à dire que au départ je voulais vraiment mettre
juste le stage et je me rends que ben …je.. commence à lui
« bon, ben allez on remplit les cases » et quand je me rends
compte de cette erreur je lui dis « tu voudrais pas qu’en fait on
revienne pour parler globalement de ton expérience « et puis
Unité d’interaction 10
Signification attribuée par la
F : « je souhaitais qu’on
discute et après revenir
séquence par séquence »
42. 42
le gamin m’a dit non, il préfère en fait décortiquer la feuille,
mais à la base l’erreur vient de moi parce que c’était tout bête
partir d’un stage faire un petit peu comme tu avais fait, noter
quelques mots-clés parce que des fois t’as besoin d’un petit
truc pour rebondir et je me suis retrouvée embarquée dans une
histoire qui m’a dépassée, je te le dis clairement, je suis arrivée
et j’ai fait toutes les cases donc en terme de méthodologie c’est
pas du tout ce que je comptais faire mais je me suis laissée
dépasser par les évènements, je suis restée vraiment trop
focalisée sur le papier, c’était un support, parce que si tu veux
avec à moment donné la panique aidant je savais plus ce qu’il
y avait pourtant je l’avais regardé mais la panique, le stress, je
me dis « bon après ça de quoi on parle ? » moi-même on dirait
que je redécouvrais le document alors que c’était pas le cas et
je me suis tellement basée sur le document que c’est lui qui a
pris le dessus sur ce que je voulais faire
CH : d’accord, ok… Et donc en fait là quand je viens de
couper tu dis « je note et on reviendra dessus » donc là c’était
quoi ton idée ?
F : c’est à dire prendre en vrac ses informations sans jugement
sans l’orienter tu vois pas tout de suite commencer à faire un
travail, parce que moi je le voyais plus comme ça aussi, c’est à
dire on note les idées en vrac, ce qui nous vient à l’esprit et
après on décortique, c’est pour ça dans « revenir dessus » c’est
noter et puis montrer qu’à partir des choses qu’on dit comme
ça, il y a encore matière à ..C’est pas seulement d’aligner une
phrase, c’est sur chaque phrase ou sur chaque terme, il faut
creuser, creuser, creuser pour arriver d’une phrase à dix-huit,
c’était un petit peu ça que je voulais
Demande d’Etayage par la
CH à propos de la
signification
Etayage de la signification
par la F : « prendre en vrac
ses informations
puis revenir dessus, c’était
décortiquer, montrer qu’à
partir de ce qu’il vient à
l’esprit il y a beaucoup de
matière » « creuser pour
arriver d’une phrase à dix-
huit »
Dans cette séquence, la formatrice suit la règle, [« noter puis revenir dessus » vaut pour « prendre
en vrac ses informations pour décortiquer » ce qui obtient comme résultat de « montrer qu’à
partir de ce qui vient à l’esprit il y a beaucoup de matière » pour « on peut passer d’une phrase à
dix-huit ».]. Cette règle a été enseignée de manière ostensive, lors de la formation de formateurs
43. 43
(janvier/février 2014) et lors de l’entretien préalable basé sur le film de la formatrice experte.
L’accent a été mis sur le fait de faire détailler, expliciter. Néanmoins, l’objectif n’était pas
réellement de faire expliciter pour développer simplement le contenu présenté. L’intention donnée
à cet étayage devait permettre de valoriser les compétences de la personne accompagnée ou
d’affiner son projet professionnel. On peut clairement observer que sur ce point la formatrice était,
pour ainsi dire, sous tutelle intentionnelle, ne s’étant pas encore véritablement appropriée
l’intention adéquate à ce questionnement.
5. Cinquième jeu de langage: Noter les éléments de l’expérience de
l’étudiant au tableau
Sur ce même extrait (de 2’36 à 4’08 - lignes 231 à 255), la formatrice a noté les différents
éléments que lui énonçait l’étudiant en présentant son expérience (position Figure 6). A ce sujet, la
formatrice avait assisté à deux styles différents : la formatrice experte, qui interrogeait l’étudiante
en étant assise près d’elle, et moi-même lors de la formation de formateurs qui notais des mots-
clés au tableau.
Extrait 6 de l’autoconfrontation de la formatrice novice (F)
à propos de la situation de formation
Analyse
F : et moi j’avais le tableau, et je me rends compte que
effectivement je sais pas la bonne méthode c’est pas forcément
d’écrire au tableau, moi il faut que j’arrive à me décoller de ce
tableau
Ch : pourquoi il faudrait que t’arrives à te décoller de ce
tableau ?
F : Ben je me rends compte que je suis pas trop comme
Morgane (FE) alors est-ce que ça fait pas trop… ? Alors ma
question à moi c’est est-ce qu’il se rend compte que même si on
est au tableau malgré tout on est dans l’écoute parce que quand
toi tu es assise, tu es pas collée au tableau ou comme le faisait
Aurélie tu notes les mots-clés, ben on se dit la formatrice elle est
à l’écoute et là moi j’ai l’impression…bon j’ai essayé d’être à
l’écoute et tout ça mais est-ce que ça peut pas donner
l’impression au gamin que finalement y’a un manque
Unité d’interaction 11
Jugement par la F de son
action : « j’arrive pas à me
décoller du tableau »
Demande d’étayage de la
CH sur les raisons
Etayage de la F :
« Morgane elle était assise,
pas collée au tableau elle
est à l’écoute » « ça pouvait
donner l’impression qu’il y
a un manque d’attention »
44. 44
d’attention je sais pas . Tu vois je me dis j’ai peut être pas
trouvé le juste milieu, j’ai pas su me décrocher parce que moi
quelque part c’était ma béquille qui me rassurait aussi, ca me
permettait de canaliser un petit peu mon stress mais je me dis
par rapport à l’objectif j’ai pris une béquille qui est peut-être
devenue trop présente
La prise de recul de la formatrice lors de cette séquence a été particulièrement intéressante. En
effet, elle s’est rendue compte qu’un outil qu’elle utilisait comme support (pour visualiser
clairement les différentes étapes) est devenu une « béquille trop présente » (ligne 306). En effet,
elle n’a pas toujours réussi à se détacher du tableau pour être dans une position d’écoute avec
l’étudiant, et cela lui faisait souvent tourner le dos à la classe. Ainsi, elle a formulé cette règle
[«être assis proche de l’étudiant» vaut pour « ne pas être collé au tableau» ce qui obtient comme
résultat pour « montrer une attitude d’écoute, de l’attention»], qui paraît intéressante à approfondir
d’alors de la conception du dispositif de formation des formateurs.
6. Sixième jeu de langage: Vérifier que la classe suit toujours
Ce sixième jeu de langage se révèle extrêmement important dans notre problématique du métier de
formateur-accompagnateur qui contient un enjeu essentiel et complexe : accompagner un étudiant
dans l’analyse personnelle d’une expérience, et former la classe à une méthodologie. Cette
séquence de l’entretien d’autoconfrontation portait sur la situation de formation de 5’00 à
6’44 (retranscription ligne 325 à 344). Lors de cette séquence, la formatrice a interrompu le
questionnement de l’étudiant pour attirer l’attention de la classe sur la méthodologie à appliquer.
Elle s’est trouvée alors dans la position présentée en Figure 7, proche de l’étudiant, tout en
s’adressant à la classe. Cette position a été emblématique du lien continu qu’il doit y avoir entre
les activités d’accompagnement et de formation.
Extrait 7 de l’autoconfrontation de la formatrice novice (F)
à propos de la situation de formation
Analyse
Ch : Et du coup est-ce que t’attends quelque chose des étudiants
là ?
F :Euuuuhhhh…ben j’attends….j’attends que oui ils me disent
si c’est pas clair, soit « madame on comprend pas ? pourquoi
Unité d’interaction 14 :
Demande d’Etayage par la
CH
Etayage de la signification
par la F : «qu’ils me disent
45. 45
vous avez fait tout ce travail et vous revenez… » vraiment
j’attends pour moi quelque part j’attends leur jugement
« madame, c’est trop compliqué je pourrai jamais le faire…ou
madame j’ai compris » là quand je suis là c’est vraiment pour
faire le point avec eux
Ch : d’accord, situer si ce que tu dis c’est clair ?
F : oui si c’est clair pour eux, parce que voilà je leur tourne le
dos, quelque part je suis lancée je suis avec Benjamin, on
avance tous les deux et je me dit qu’il faut pas oublier qu’à la
base c’est pas de l’individuel, donc je repose, et puis comme il y
avait eu le passif aussi, je reviens vers eux « si vous avez pas
compris vous me le dites »
Ch : c’est ce double travail ?
F : moi j’avais peur que me connaissant ils osent pas me dire on
a pas compris, donc c’est pour ça qu’à chaque fois je leur dis si
y’a un truc …parce que je me dis que peut être ils ont pas
compris mais y’en a aucun qui ose me dire « madame c’est pas
clair on a des questions »
FE : donc tu anticipes pas mal leurs réactions ?
F : comme tu dis j’avais mis ma casquette administrative de côté
donc là, si ça va pas, ça va pas, moi aussi ça me permettait de
m’évaluer quelque part, c’est un indicateur pour moi de toutes
manière si un étudiant me dit « on comprend plus où on en est »
ben c’est un questionnement aussi que je dois me poser
« qu’est-ce qui a fait que ? »
Ch : oui, tu cherches un indicateur de réactions, pour voir s’ils
suivent toujours ?
F : C’est ça !
si c’est pas clair, faire le
point avec eux »
Demande d’Etayage par la
CH
Etayage de la signification
par la F : «si vous avez pas
compris vous me le dites »
Demande d’Etayage par la
CH
Etayage de la signification
par la F : «j’avais peur
qu’ils (les étudiants)
n’osent pas me dire qu’ils
n’avaient pas compris»
Demande d’Etayage par la
FE
Etayage de la signification
par la F : «ça me permet de
m’évaluer quelque part,
c’est un indicateur»
Demande d’Etayage par la
CH
Confirmation de la F
46. 46
Ainsi, la formatrice a énoncé ici une règle appartenant au domaine de la formation et
l’enseignement : [« demander s’ils ont des questions » vaut pour « voir s’ils n’ont pas compris »
vaut pour « faire le point avec eux » ce qui obtient comme résultat de « chercher des indicateurs
de réactions pour voir si la classe suit toujours » pour « m’évaluer »]. Il est tout de même très
intéressant de constater la présence d’une activité de recherche d’indicateurs auprès des étudiants,
permettant d’ajuster l’action de formation aux circonstances et à l’activité réelles. Ceci ne dit pas,
toutefois, comment ces indicateurs sont censés favoriser le développement professionnel et
permettre de réorganiser l’activité de formation dans le cours de l’action.
7. Septième jeu de langage: questionner l’étudiant sur son expérience
Ce septième jeu de langage décrit bien le cœur du questionnement qui nous occupe, sur
l’explicitation et l’analyse d’une expérience, et qui a été peu étudié dans la littérature. L’entretien
a porté sur un extrait de la situation de formation de 6’45 à 9’45 (retranscription de la ligne 490 à
542).
Extrait 8 de l’autoconfrontation de la formatrice novice (F) à
propos de la situation de formation
Analyse
Ch : on va travailler par passage…du coup, là qu’est-ce que tu
attends de l’étudiant sur ce questionnement là ?
F : ce que j’attends … l’étudiant avec qui je travaille ?
CH : oui
F : c’est que lui-même il soit étonné, quelque part c’est un peu
l’étonnement, de dire « ah oui c’est vrai que j’y avais pas pensé »
c’est un peu ce que tu nous as fait, c’est l’étonnement la réaction
que j’avais eu quand on avait fait un petit exercice très simple et
je t’avais dit juste après « ah ben dis donc je suis étonnée » il y a
avait quelque chose tu sens qu’il y avait quelque chose de latent,
et d’avoir ce questionnement là et ben j’ai pu mettre des mots, j’ai
pu voir un peu plus clair . Ce que j’attendais aussi parce qu’on est
parti d’une situation, donc que finalement il aime la carrosserie
peinture mais qu’il arrive à cet étonnement et à faire le lien un
peu avec le projet pro, qu’il commence à dégager ce que j’aime,
Unité d’interaction 16 :
Demande d’Etayage par
la CH à propos du résultat
attendu
Etayage de la
signification par la F :
« c’est que lui même soit
étonné » pour que grâce
au questionnement il (l’E)
puisse « mettre des mots
sur quelque chose de
latent» et pour « faire du
lien avec le projet pro »