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Entretien avec X Andrade.
Propos reccueillis par Mabel Tapia
«Jamais l’art contemporain n’a si mal été
représenté»: Tractions, dérives et contrefaçons
entre art et recherche
Interview informelle avec l’anthropologue et artiste X
Andrade, réalisée en 2009 dans un taxi de Quito puis au café
où nous sommes allés après, la première fois que nous nous
sommes rencontrés. Andrade est le président à vie de l’en-
treprise Full Dollar, «organisation privée destinée à réaliser
des interventions scientifiques et artistiques portant sur la
vie sociale de l’art contemporain».
Mabel Tapia Quand et comment a commencé Full
Dollar?
X Andrade Dès 2004, à la suite de mes recherches
sur le réaménagement urbain à Guayaquil [Équateur], j’ai
commencé à documenter les changements au niveau de
l’espace et de la vie sociale de la ville à travers la photo et la
vidéo. Lors d’un de mes voyages… Je repère un lieu, quasi-
ment en ruines, servant de refuge aux sans-abri. En revanche,
il y avait là un panneau: Full Dollar… Il appartenait à une
sorte de compagnie de téléphones «Monederos»1 avant que
la téléphonie ne devienne mondialisée. Donc… J’organise une
cérémonie d’ouverture et propose de mettre en place des
activités mensuelles avec un rapport d’activités, enfin… De
créer cette entité fantôme, cette société apocryphe. À cette
époque-là, le projet était orienté vers la production de textes,
des sortes d’anti-manifestes sur le renouvellement de la ville,
toujours pleins d’ironie, en utilisant des ressources impos-
sibles à utiliser à l’université, c’est-à-dire l’ironie, le sarcasme,
l’humour, dans le but d’être totalement politiquement incor-
rect… Ce dont je me suis rendu compte à ce moment-là, c’est
que, en effet, si tu utilises une forme «artistique» tu peux
1 Téléphone portable fonctionnant avec des recharges.
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tout dire… À savoir tout ce que tu ne peux pas dire dans le
milieu universitaire… L’esprit critique est le même mais il n’y
a nul besoin de faire appel à la sensibilité de la communauté
universitaire… Histoire de bousculer le prétendu sérieux de
l’université…
Après trois ou quatre mois — durant lesquels il s’agis-
sait essentiellement de visiter le lieu et de distribuer des
tracts — j’ai été invité au Mexique pour un atelier-résidence
intitulé «Localismos: 20 artistes, 20 regards sur le centre
historique.» Il s’agissait d’aborder la question de l’aména-
gement du centre ville de Mexico, qui entrait alors dans le
même processus que Guayaquil. Ce qu’ils ont fait, c’est de
nous mettre dans un hôtel du centre à l’abandon, de nous
donner le temps d’être là… Un mois et demi, quelque chose
comme ça… L’idée était de penser l’espace urbain et de créer
un projet… Au tout début, je pensais que j’avais été invité en
tant qu’anthropologue… Mais une fois là-bas, ils m’ont dit
que je pouvais faire ce que je voulais. Alors, j’ai raconté que
j’avais ouvert cette «galerie», et j’ai parlé de mes préoccupa-
tions au sujet de ces questions… Et donc j’ai pris le temps
de parcourir la ville, c’était ça l’idée, non? Parcourir la ville,
identifier des acteurs sociaux, certains objets, des images et
même des sons… Il y a des gens qui ont fait des très bonnes
interventions sonores… Et donc, finalement j’y ai participé en
tant qu’artiste… J’ai fait une sorte d’installation dans un des
endroits… Une veille usine désaffectée de Pepsi… En fait, j’ai
parlé avec les employés de l’hôtel pour leur proposer d’être
les curateurs d’une exposition de peinture, parce qu’il y avait
des peintures dans les chambres de l’hôtel mais personne
ne les voyait. Même les artistes n’avaient aucune information
sur ces peintures… Ils savaient qu’il y avait quelque chose,
mais ils n’en avaient aucun souvenir concret… Et moi, ça me
parlait, ça attirait mon attention, car venant de Guayaquil,
j’étais intéressé par les paysages marins, et il se trouve que
la plupart de ces peintures étaient des paysages marins… Qui
sait qui en étaient les auteurs… Et donc je dis aux employés:
«Eh bien, sélectionnez les tableaux qui ont plus d’importance
pour vous» Et… Nous avons fait ça… Ils ont agi comme
des curateurs…
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Ensuite, ce projet au Mexique te permet de concréti-
ser tes intuitions puis de t’engager dans un dialogue
à travers d’autres expériences?
Exactement… Ce projet me met en contact avec
beaucoup de gens déjà inscrits dans le circuit de l’art
contemporain.
Mais avant cela, l’étape consistant à proposer aux
employés d’être curateurs a été un processus important de
compréhension… Pour comprendre une dynamique… Tout
d’abord, comment est-ce qu’on arrive à cette proposition, par
exemple… Il y a plusieurs choses… D’une part, une question
personnelle… J’aime les mégapoles, mais jamais je n’ai senti
de ville aussi oppressante que Mexico. Comme cet hôtel était
dans le centre, on était en plein dans la circulation et il y avait
beaucoup de nuisances sonores… J’ai commencé à devenir
sérieusement insomniaque. Par ailleurs, à cette époque-là,
je vivais à Guayaquil depuis trois ans, j’allais tout le temps
à la plage et j’ai ressenti une sorte de nostalgie pour l’air de
là-bas, et comme j’avais une évocation de paysage marin dans
ma chambre, cela a contribué à ce sentiment de nostalgie…
Mais cela a ensuite dérivé vers toutes sortes de négociations
avec le gérant de l’hôtel et tout ça… Ce qui a été passion-
nant… C’est-à-dire… Les gens ne comprenaient pas très bien
ce que je voulais faire, ces paysages étaient mis au placard
et personne ne les regardait plus… Sauf les employés de
ménage auxquels ils rappelaient un souvenir d’enfance ou
permettaient d’échapper à leur routine quotidienne; il y avait
un certain nombre de réflexions de cet ordre. Ainsi, les organi-
sateurs de l’événement, les Perros Negros [les Chiens Noirs],
ce collectif de producteurs basé au Mexique, ont indiqué
les emplacements disponibles pour les différentes interven-
tions que feraient les artistes dans le cadre de la résidence.
L’usine de distribution de Pepsi était un bâtiment à moitié
démoli mais qui avait gardé sa couleur bleu-blanc qui allait
bien avec l’idée de la mer. En plus il y avait encore les noms
des marques des boissons à vendre. Il y avait une référence
liquide qui m’intéressait… Je n’ai pas touché le lieu… On a
un peu nettoyé le sol, un jour avant l’inauguration… Et puis ce
que j’ai fait, c’est de trouver un maçon du quartier, M. Cruz, je
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m’en souviens encore, et de lui proposer de m’aider avec la
muséographie… Je voulais voir comment cet homme percevait
le projet et comment on pouvait faire quelque chose de cet
espace… Pour moi, c’était, une fois encore, un prolongement
de cette idée avec laquelle je joue, ou trafique: s’approprier
des objets, des personnes, des idées qui ne rentreraient pas
forcément dans le monde de l’art… Rien de nouveau dans
tout ça, mais bon… En tout cas, la contribution de ce maçon
m’intéressait pour voir comment on organiserait l’espace, et
elle a été totalement décisive, non? Parce qu’en plus, il y
avait plusieurs exemplaires des mêmes tableaux… Avec la
même image… Ce qui était pour lui un atout précieux! On a
donc fait une installation à partir d’un long banc construit par
un menuisier, du quartier lui aussi, pour que les gens aient
envie de venir, de s’installer là un moment au milieu de ces
images. C’était une espèce d’oasis marine à l’intérieur du
centre historique… Mais au-delà de l’installation elle-même,
ce qui fut vraiment important fut toutes ces discussions avec
des gens possédant différentes idées sur ce qu’est la culture
matérielle, en l’occurrence ces tableaux décoratifs, non? Tout
ce processus m’a semblé fascinant, y compris les réserves
émises par les organisateurs au sujet de mon projet, tout
comme l’accueil extraordinaire qu’il lui a été fait lors de la
soirée d’ouverture.
Cependant, cette expérience a aussi permis d’éta-
blir des contacts avec d’autres entités similaires… C’est à
dire… J’ai trouvé — presque une âme sœur — une fonda-
tion appelée «Adoptez un écrivain», dirigée par Rubén Bonet,
écrivain et peintre… C’est presque la même idée, à savoir:
une entreprise que tu n’arrives pas trop à cerner, un pied dans
l’art, un pied en-dehors; qui tourne totalement en dérision les
discours du capitalisme… En utilisant une rhétorique mana-
gériale comme nous le faisons aussi… Alors, ces rencontres
ont été super importantes. Elles l’ont aussi été de par ce
qu’elles m’ont appris sur les frontières disciplinaires et de
légitimité… Nous avons eu une petite polémique interne avec
un artiste très connu, qui n’a pas été rendue publique, par
rapport à un autre projet que j’avais proposé en même temps
que l’exposition des peintures… Ce second projet n’a pas
été réalisé, mais ça a été l’occasion d’avoir des discussions
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très instructives pour moi, j’ai beaucoup appris de cela… tout
comme j’ai appris du dialogue avec les employés, ou avec
d’autres artistes comme Anton Vidokle de e-flux, ou Antoni
Muntadas qui inaugurait justement à ce moment-là une impor-
tante rétrospective de son travail…
Pour moi, tout ça m’a vraiment porté… Après cela,
je me suis dit «ok, je peux aller au-delà des textes univer-
sitaires.» Il y a toujours un texte au départ, il y eu aussi un
texte pour cette installation au Mexique… Mais j’ai aussi une
vidéo, une vidéo de documentation et une vidéo montée. Ça
a été comme la première fois que je faisais autre chose que
du texte… Avec… À partir de cette expérience, et de la polé-
mique qu’elle a suscitée, je me suis dit: «Bon, ok, moi je suis
dans ce trafic entre anthropologie et art contemporain», De
fait, j’ai réfléchi là-dessus dans un article que j’ai écrit, et en
parallèle, j’ai réalisé une sorte de pièce disons «médiatique»,
un blog dans le cadre de l’événement «Estrecho dudoso»2
à San José au Costa Rica, en 2006, auquel j’ai été invité au
sein d’une section intitulée «Trafics», qui justement avait été
pensée pour les personnes qui s’inscrivent dans l’art contem-
porain à partir d’autres disciplines, ou qui travaillent depuis
l’art contemporain mais en transcendant l’idée d’œuvre, de
sa réalisation matérielle. Le blog est une sorte de pendant
de l’article universitaire… De fait, dans le texte du blog, qui
prend la forme d’un faux entretien, je tourne complètement
en dérision l’autorité universitaire, je fais un display totale-
ment exubérant de la masculinité du président, parce qu’en
plus, c’est moi le président à vie de l’entreprise… du coup je
tourne en dérision toutes ces choses tout comme mon propre
regard ethnographique… En 2006, il devient clair pour moi
que je dois exploiter les tensions et les conflits entre les deux
camps que sont l’art et l’anthropologie, plutôt que penser à
une synthèse harmonieuse entre les deux.
2 Estrecho dudoso (Détroit douteux). Il s'agit d’un
événement artistique d’envergure qui eut lieu à San José (Costa
Rica) entre décembre 2006 et février 2007. Le projet a consisté
en six expositions collectives installées dans différents sites de
la ville: Límites (limites), Tráficos (trafics), Noticias del filibustero
(nouvelles du filibustier) et Rutas intangibles (trajectoires
intangibles). Deux expositions personnelles furent par ailleurs
consacrées aux artistes Juan Downey (Chile, 1940–1993) et
Margarita Azurdia (Guatemala, 1931–1998). L’événement tirait
son titre d’un détroit supposé relier l’océan Pacifique à la mer
des Caraïbes, lequel avait été recherché par Christophe Colomb,
et plus tard par Hernán Cortés.
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La page internet fonctionne t-elle comme un enre-
gistrement ou comme une archive de l’ensemble des
activités de Full Dollar?
La page qui archive la période 2004 – 2007 fut
hébergée par un groupe de jeunes artistes qui sont les gens
de La Selecta. Ils ont été les premiers hôtes de la galerie Full
Dollar… C’est grâce à leur réactivité, à leur intérêt, alors même
qu’ils ont travaillé pour rien, avec zéro honoraires, que nous
avons réussi à mettre en place ce système de compte-ren-
dus mensuels. On a produit plusieurs séries thématiques.
L’une s’appelle «projets refusés», une autre «projets curato-
riaux»… Cette dernière réunit une compilation d’initiatives qui
me semblent proches de mes intérêts — entre anthropologie
et art contemporain. Ces initiatives peuvent venir ou ne pas
venir de l’art. Je me suis évidemment aussi mis en rapport
avec des gens de l’art contemporain également très désireux
de se placer sur ces frontières, ou avec des personnes venant
de l’université que j’avais rencontré à travers mon travail de
recherche. Ce que j’essaie ainsi de faire, quand l’occasion se
présente, c’est de proposer des croisements entre ces diffé-
rents pôles d’intérêts.
Et toi, tu te présentes comme Full Dollar?
Toujours Full Dollar, ça c’est important aussi. Les
gens emploient l’un ou l’autre, mais moi j’insiste pour que
ce soit Full Dollar et que mon nom n’apparaisse pas, bien
que je dise toujours que X Andrade ou Xavier Andrade est un
nom super commun ici en Equateur, ce qui produit une sorte
d’ambigüité… Les gens demandent toujours «Qu’est-ce que
c’est? C’est une marque? C’est qui? Est-ce que c’est un
collectif?» C’en est un, et ç’en est pas un. Je suis seulement
moi en pratique, mais il y a beaucoup de gens qui se mobi-
lisent autour des projets… Dans le dernier projet que nous
avons fait à Guayaquil cette année [2009], c’était dans un
local qu’on ouvre seulement une soirée par mois, qui s’ap-
pelle «Espacio vacío» [Espace vide], j’ai participé à quelques
expositions là-bas — on finit par être légitimé de différentes
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manières. Récemment on a fait une installation Temporada
Playera [saison estivale] qui reprend des éléments commer-
ciaux très communs l’été à Guayaquil. Pour ce projet, j’ai
travaillé avec un de mes groupes d’étudiants de l’ITAE [une
école d’art] qui s’appelle Las Brujas [les sorcières]… C’est
aussi important pour moi de soutenir la démarche de gens
jeunes… Parfois je jette une idée et laisse aux autres le soin
de la concrétiser comme ils l’entendent. Un autre projet que
nous avons fait, peut-être plus important, a une fois de plus à
voir avec cette manière de tourner en dérision le système de
l’art et de la gestion culturelle de ce pays. Nous avons créé
un lieu d’accueil d’artistes en résidence. Nous avons été les
premiers à avoir un lieu d’artistes en résidence en Équateur.
Il s’agit tout simplement de la réappropriation de l’une des
installations qu’on utilise à la plage, 4 poteaux qui te per-
mettent de monter une sorte de tente. On a documenté ça
avec des photos, on a déclaré l’ouverture du lieu. À nouveau,
à travers les compte-rendus mensuels, on donne quelques
clés de lecture, de façon un peu énigmatique, concernant la
manière d’accéder à ce lieu perdu au milieu de nulle part, face
à la plage. On précise, néanmoins, qu’on n’accepte pas tout
le monde… Nous sommes super sélectifs pour l’admission.
Ainsi, les personnes qui n’ont pas été directement invitées
n’ont pas été acceptées.
Est-ce qu’on peut dire que le travail de Full Dollar est
éminemment performatif?
De fait, Full Dollar est entré dans un processus de
production d’objets, mais toujours afin de répondre à des
questions de recherche anthropologiques. Nous avons une
importante collection de tableaux… Elle a été présentée
dans cet espace très intéressant qui s’appelle: La Otra Feria,
une foire parasite d’Artbo, la foire d’art commerciale à Bogotá,
en Colombie. La Otra Feria ouvre une nuit après l’ouverture
l’Artbo et elle ferme aussi une nuit après. C’est intéressant de
voir que par un effet de génération spontanée, des initiatives
en syntonie ont parfois lieu. Pour sa part, La Otra Feria opère
dans des bâtiments abandonnés; cette année ce fut dans un
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ancien atelier de lithographie en passe d’être démoli. Il y avait
un étage pour les publications, un étage pour les galeries, etc.
Quand j’ai reçu l’invitation à l’attention de la galerie Full Dollar,
j’ai essayé de leur expliquer que je ne représentais pas d’ar-
tistes — car ils m’avaient envoyé les prix du stand etcétéra…
Et j’ai dit: «Nous sommes une société fictive, nous ne faisons
rien…»; et eux ont répondu: «C’est exactement ce que nous
voulons pour cette foire…» Nous y sommes donc allés avec
un projet que je commençais à développer… C’est un projet
qui compte aujourd’hui 97 petits tableaux… Au départ, j’ai
appelé la série Problemas dramáticos del mundo contem-
poráneo [questions dramatiques du monde contemporain], le
format était celui des planches d’images pour les écoliers. Il
y avait 13 tableaux autour d’un thème, visant à informer et
à éduquer sur une question — la prostitution, la drogue, le
terrorisme… J’avais passé commande à un peintre de rue,
un de ceux qui sont poursuivis et expulsés du centre ville de
Guayaquil, qui faisait des paysages tropicaux. Je lui ai dit:
«Voyez… Nous allons garder le format que vous utilisez, mais
nous allons discuter des idées et travailler à partir de ces
planches scolaires», Du coup, je proposais un concept, et le
type faisait une sorte de diagramme, il ajoutait des éléments
au cours de notre échange, puis il réalisait les tableaux chez
lui, et quelques jours plus tard il m’amenait la série réalisée.
Autrement dit je n’avais en pratique aucun moyen de rejeter
sa proposition. Je lui payais la série et lui débarquais un
jour avec la série terminée. Jusqu’au moment où le type s’in-
quiète et me demande: «bon, et qu’est-ce que vous allez faire
avec ces images»? Je lui explique qu’il est possible qu’on
m’invite à un événement international et que j’avais pensé
amener ça là-bas… Évidemment le type il est devenu tout
blanc, l’art contemporain il ne comprenait pas ce que c’est. À
partir de cette conversation on a fait deux séries, l’une, c’est
un récit de vie, la sienne (encore une fois l’anthropologie)
jusqu’au moment de notre rencontre: ça commence par sa
trajectoire depuis son diplôme à l’école d’art de Guayaquil,
puis son entrée immédiate dans l’économie informelle… Car
il n’y a pas d’autre option… Cette série s’appelle Renovación
urbana [Rénovation urbaine], parce que ce qu’on voit, c’est
la répression policière suite au processus de gentrification,
9. quand on lui vole ses tableaux. Le dernier tableau représente
notre rencontre. Et la série suivante — à juste titre appelé
Art contemporain —, parle de la manière dont il s’imagine
que j’obtiens gloire et richesse à l’international grâce à ses
tableaux. Le dernier tableau de cette série me représente en
train d’ouvrir un journal où on peut lire: «Full Dollar, jamais
l’art contemporain n’a si mal été représenté» qui marque une
sorte de tournant à la fin de la série. C’est à partir de là que
nous avons défini le slogan de l’entreprise. Ce tableau a été
inclut dans un projet éducatif de l’artiste équatorienne Ana
Fernández, un musée où l’on apprend l’art contemporain aux
enfants.
C’est vrai que, souvent, les œuvres que je fais sont
des textes, des textes universitaires; je ne me soucie pas
vraiment de la manière dont ils sont perçus parce que, pour
moi, tout cela fait partie d’une même stratégie consistant à
profiter de la porosité des champs, d’y entrer et d’en sortir
librement, de mise en tension. Ce qui est intéressant c’est
que tandis que cela me délégitime dans le champ universi-
taire, particulièrement traditionnel, cela me confère une éton-
nante légitimité dans d’autres circuits.
Traduit de l’espagnol par Mabel Tapia