SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  58
Télécharger pour lire hors ligne
Années Académiques 2004-2006




                    Mémoire MBL
            Professeur Xavier Oberson




     Scission et transfert de patrimoine
             entre sociétés-sœurs
- Imposition au regard du droit fiscal suisse -




                   Eric Duvoisin
                     15 juillet 2006
Eric Duvoisin
                                                                        Mémoire MBL
                                                         Années Académiques 2004-2006

Eric Duvoisin
Universités de Genève et de Lausanne
Faculté de droit
Master of advanced studies in Business Law – MBL
Lausanne, 15 juillet 2006




                Scission et transfert de patrimoine
                            entre sociétés-sœurs
      - Imposition au regard du droit fiscal suisse -




Howard R. HULL                             Xavier OBERSON
Expert fiscal diplômé                      Avocat, LL.M., docteur en droit
International Tax Partner                  Prof. droit fiscal
Ernst & Young SA                           Université de Genève


                                                                                    2
Eric Duvoisin
                                                                              Mémoire MBL
                                                               Années Académiques 2004-2006




Remerciements

En préambule à ce mémoire de fin de postgrade, je tiens à exprimer mes remerciements à M.
Howard R. Hull, International Tax Partner de la société Ernst & Young SA. Il m’a tout
d’abord encadré et encouragé tout au long de la rédaction de ce travail. Enfin, il a mis à ma
disposition sa grande expérience de la fiscalité.

Je profite de cette occasion pour remercier mes autres collègues cadres chez Ernst & Young
SA qui m’ont permis, lors du traitement de diverses problématiques sur leurs dossiers
respectifs, d’accumuler l’expérience nécessaire dans le domaine de la fiscalité afin de
produire le présent mémoire. Il s’agit en particulier de M. Kim H. Nguyên (Partner), Mme
Marie-Hélène Revaz (Principal), MM. Bernhard Schopper et Cédric Bignens ainsi que Mmes
Karen Simonin et Nancy Sturzenegger (tous Senior Manager).

Par la même, je ne peux omettre de témoigner ma gratitude au Prof. Xavier Oberson qui, par
ses cours au MBL, a assis en moi des bases solides en fiscalité. Celles-ci m’ont ainsi légitimé
à affronter la problématique qui fait l’objet de ce travail. De plus, je ne saurai assez souligner
l’apport du Prof. Xavier Oberson à la rédaction de ce travail de par son incontournable
présence parmi la doctrine du droit fiscal.

Enfin, last but not least, tous mes remerciements vont à mes parents, Marilene et Bertrand
ainsi qu’à mes deux frères, Paul et Michael, et à ma compagne, Aline, pour la patience et le
soutien indéfectible dont ils ont fait preuve à mon égard tout au long de la rédaction de mon
travail. D’ailleurs, le travail de relecture effectué par mon père ainsi que par Paul sont
appréciés à leur juste mesure.




                                                                                                3
Eric Duvoisin
                                                                              Mémoire MBL
                                                               Années Académiques 2004-2006


Résumé sommaire

Il existe deux types de restructuration entre sociétés-sœurs profitant d’exonérations fiscales. Il
s’agit de la scission verticale ainsi que du transfert de patrimoine intragroupe. Ces deux
notions peuvent diverger des termes similaires retenus au niveau du droit civil. Par
conséquent, tant la scission verticale que le transfert de patrimoine intragroupe sont appréciés
du point de vue fiscal dans le cadre de notre travail (respectivement selon les art. 61 al. lit. b
LIFD et 61 al. 3 LIFD).

L’art. 61 al. 1 lit. b LIFD fixe les conditions suivantes pour l’octroi de la neutralité fiscale à
une scission entre sociétés-sœurs :
    la société-sœur reprenante doit rester assujettie en Suisse suite à la scission, ce qui peut
    poser problème en cas de scission vers une société au bénéfice d’une exonération totale
    d’impôts ;
    les éléments scindés doivent être transférés à la dernière valeur déterminante pour l’impôt
    sur le bénéfice, ce qui peut poser problème en cas de scission en vue d’assainissement ;
    les éléments transférés par scission doivent constituer une exploitation /partie distincte
    d’exploitation, même s’il reste possible de transférer avec ceux-ci des éléments non
    nécessaires à l’exploitation pour autant :
         o que l’exploitation n’occupe pas une position subalterne,
         o que l’exploitation n’ait pas été transférée dans le seul but de l’exonération fiscale,
            et
         o que l’exploitation continue après la scission ;
    la société transférante mais aussi sa société-sœur reprenante doivent chacune assurer la
    continuité d’une exploitation après la scission.
Ces conditions valent en général pour déterminer le bénéfice de la neutralité fiscale quel que
soit l’impôt envisagé.

Quant à l’art. 61 al. 3 LIFD, il fixe les conditions suivantes pour l’octroi de la neutralité
fiscale à un transfert de patrimoine entre sociétés-sœurs :
    la société-sœur reprenante doit rester assujettie en Suisse suite à la scission, ce qui peut
    poser problème en cas de transfert vers une société au bénéfice d’une exonération totale
    d’impôts ;
    les éléments transférés doivent l’être à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le
    bénéfice, ce qui peut poser problème en cas de transfert en vue d’assainissement ;
    les éléments transférés doivent constituer :
         o soit une exploitation / partie distincte d’exploitation,
         o soit des éléments immobilisés rattachés à une exploitation,
         o soit des participations détenues à 20% soit par la société (détention directe), soit
            par le groupe (détention indirecte) ;
    la société transférante et sa société-sœur reprenante doivent être réunies sous une direction
    unique, c’est-à-dire une personne morale possédant au minimum 50% des droits de vote
    dans chacune des sociétés (d’autres formes de direction unique peuvent être reconnues) ;
    durant un délai de 5 ans après le transfert de patrimoine intragroupe, ni la direction unique
    ne doit être abandonnée, ni les éléments transférés en neutralité fiscale ne doivent être
    aliénés.
Ces conditions valent en général pour déterminer le bénéfice de la neutralité fiscale quel que
soit l’impôt envisagé.


                                                                                                4
Eric Duvoisin
                                                                                   Mémoire MBL
                                                                    Années Académiques 2004-2006


Il ressort de ce comparatif que la scission donne la neutralité fiscale à des conditions moins
strictes que celles retenues pour le transfert de patrimoine intragroupe. Néanmoins, le transfert
de patrimoine intragroupe permet le transfert en neutralité fiscale d’une plus grande variété de
biens patrimoniaux.


Table des mots clés

Scission                      Scission entre sociétés-sœurs selon la notion fiscale définie sous
                              l’art. 61 al. 1 lit. b LIFD (sauf mention contraire). Selon la
                              Circulaire no 5, la scission peut être qualifiée comme une « société
                              (société transférante) [qui] transfère une ou plusieurs parts de son
                              patrimoine à une autre société (société reprenante) contre l’octroi
                              de droits de participation à ses titulaires de parts »1

Scission horizontale          Démembrement de la société-mère à la société-fille selon la notion
                              fiscale définie sous l’art. 61 al. 1 lit. d LIFD (sujet non traité dans le
                              présent mémoire)

Scission verticale            cf. Scission
Transfert de                  Transfert de patrimoine selon la notion fiscale définie sous l’art. 61
patrimoine                    al. 3 LIFD (sauf mention contraire). Selon la Circulaire no 5, « lors
                              du transfert entre sociétés du groupe en Suisse, une société suisse
                              transfère des valeurs patrimoniales à une autre société suisse dans
                              laquelle elle ne détient pas de droits de participation. Cependant,
                              une autre société (société-mère) réunit, par la détention de la
                              majorité des voix ou d’une autre manière, la société transférante et
                              la société reprenante sous une direction unique (groupe; art. 663e
                              CO) »2
Transfert de                  cf. Transfert de patrimoine
patrimoine intragroupe



Table des abréviations

AFC                           Administration fédérale des contributions
al.                           alinéa(s)
Arrêté Bonny                  Arrêté fédéral du 6 octobre 1995 en faveur des zones économiques
                              en redéploiement (RS 951.93)
art.                          article(s)
ch.                           chiffre(s)

1
    Circulaire no 5, p. 58.
2
    Idem, p. 76.


                                                                                                       5
Eric Duvoisin
                                                             Mémoire MBL
                                              Années Académiques 2004-2006

chap.    chapitre(s)
CO       Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre
         cinquième: Droit des obligations) (RS 220)
FF       Feuille fédérale
LDrEnr   Loi genevoise sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969
         (RSG D 3 30)
LFus     Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la
         transformation et le transfert de patrimoine (RS 221.301)
LHID     Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts
         directs des cantons et des communes (RS 642.14)
LIA      Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l’impôt anticipé (RS 642.21)
LIFD     Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (RS
         642.11)
lit.     lettre(s)
LNPR     Projet de Loi fédérale sur la Nouvelle Politique Régionale (projet
         05.080)
LT       Loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (RS 641.10)
n.       note(s)
no       numéro(s)
OIA      Ordonnance d’exécution du 19 décembre 1966 sur l’impôt anticipé
         (RS 642.211)
OT       Ordonnance du 3 décembre 1973 sur les droits de timbre (RS
         641.101)
PM       personne(s) morale(s)
PP       personne(s) physique(s)
p.       page(s)
p. ex.   par exemple
par.     paragraphe(s)
Prof.    Professeur
RS       Recueil systématique du droit fédéral
RSG      Recueil systématique genevois
SA       société(s) anonyme(s)
SI       société(s) immobilière(s)
vol.     volume(s)




                                                                               6
Eric Duvoisin
                                                                                                       Mémoire MBL
                                                                                        Années Académiques 2004-2006


Plan sommaire

(cf. Table des matières pour un plan détaillé)

Remerciements .......................................................................................................................3
Résumé sommaire ..................................................................................................................4
Table des mots clés.................................................................................................................5
Table des abréviations ............................................................................................................5
1. Introduction ....................................................................................................................8
2. Traitement fiscal de la scission de personnes morales .....................................................9
2.1.    Typologie ...................................................................................................................9
2.2.    Impôt sur le bénéfice au niveau de l’entreprise ..........................................................10
2.3.    Impôt sur le bénéfice / sur le revenu de l’actionnaire .................................................22
2.4.    Impôt sur le bénéfice / sur le revenu en cas de non-respect des conditions de la
neutralité fiscale ...................................................................................................................25
2.5.    Impôt sur le bénéfice / sur le revenu dans les états de fait internationaux ...................28
2.6.    Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................30
2.7.    Droit de mutation ......................................................................................................30
2.8.    Impôt anticipé ...........................................................................................................31
2.9.    Droit de timbre..........................................................................................................33
3. Traitement fiscal du transfert de patrimoine entre personnes morales ............................37
3.1.    Typologie .................................................................................................................37
3.2.    Transfert au sein du groupe .......................................................................................37
3.3.    Impôt sur le bénéfice .................................................................................................39
3.4.    Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................46
3.5.    Droit de mutation ......................................................................................................46
3.6.    Impôt anticipé ...........................................................................................................46
3.7.    Droit de timbre..........................................................................................................47
4. Bilan comparatif ...........................................................................................................48
4.1.    Impôt sur le bénéfice .................................................................................................49
4.2.    Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................51
4.3.    Droit de mutation ......................................................................................................52
4.4.    Impôt anticipé ...........................................................................................................52
4.5.    Droit de timbre d’émission ........................................................................................52
4.6.    Droit de timbre de négociation ..................................................................................53
5.      Conclusion ................................................................................................................53
Table des matières ................................................................................................................55
Bibliographie ........................................................................................................................58




                                                                                                                                      7
Eric Duvoisin
                                                                                   Mémoire MBL
                                                                    Années Académiques 2004-2006

    1.        Introduction
1   Les restructurations au sein des groupes de sociétés répondent aux besoins essentiels de ces
    structures, à savoir allouer de manière efficiente les activités exercées par le groupe (que ce
    soit en raison du marché visé, de la synergie entre certaines activités, de la profitabilité d’un
    secteur d’activité ou même en vue de préparer la vente d’une partie du groupe à un
    acquéreur).
2   Un des coûts principaux qui est pris en considération lors d’une restructuration est la charge
    fiscale directe ou latente qu’implique une telle opération. Pour répondre aux incertitudes ou
    aux insatisfactions qui réglaient ces restructurations jusqu’à peu, le législateur fédéral a
    récemment adopté la LFus.
3   Modifiant la LIFD, la LIA, la LT et d’autres lois en ce qui concerne les dispositions réglant
    les restructurations, ce nouvel ordre juridique ouvre un éventail de possibilités non
    négligeable permettant d’effectuer, en neutralité fiscale ou à un coût fiscal limité, des
    restructurations au sein d’un groupe de sociétés.
4   Parmi ces restructurations, il en est de deux types qui permettent à certaines sociétés-sœurs de
    transférer des actifs, des parties ou la totalité de leurs patrimoines à d’autres sociétés-sœurs du
    groupe. Ce sont la scission et le transfert de patrimoine, dont l’appréciation au regard du droit
    fiscal suisse fait l’objet de notre travail.
5   Vu l’importance de la matière, il nous paraît essentiel de dresser, à titre préliminaire, un
    inventaire des sujets qui seront traités ainsi que de ceux qui seront écartés (pour cause
    d’intérêt pratique limité, de notre manque d’expérience dans la matière ou du maintien de
    notre travail dans une taille raisonnable).
6   Ainsi, seront traités :
         l’impôt sur le bénéfice des sociétés ;
         l’impôt sur le bénéfice de l’actionnaire ;
         l’impôt sur les gains immobiliers ;
         le droit de mutation ;
         l’impôt anticipé ;
         le droit de timbre d’émission ;
         le droit de timbre de négociation ;
         les opérations entre SA ;
         les opérations en Suisse ;
         les opérations de la Suisse vers l’étranger ;


                                                                                                     8
Eric Duvoisin
                                                                                       Mémoire MBL
                                                                        Années Académiques 2004-2006

            les opérations de l’étranger vers la Suisse.
7    Ne seront par contre pas abordés :
            Les opérations de restructuration au sein d’un groupe de sociétés entre des sociétés autre
            que des sociétés-sœurs ;
            la scission et le transfert de patrimoine hors d’un groupe de sociétés ;
            la fusion ;
            la transformation ;
            le droit civil de la scission et du transfert de patrimoine (dans la mesure où il n’influe pas
            sur le droit fiscal) ;
            les opérations entre une PM et une société de personnes ;
            les opérations entre sociétés de personnes ;
            les autres impôts que ceux mentionnés ci-dessus (en particulier, les impôts étrangers et la
            TVA).
     2.           Traitement fiscal de la scission de personnes morales
     2.1.         Typologie
8    A titre préliminaire, il nous faut souligner que la typologie des scissions en droit civil,
     instaurée par LFus, ne se recoupe pas forcément avec celle en droit fiscal, selon la LIFD.
     Nous ne traiterons que de la typologie des scissions impliquant une différenciation fiscale.
9    Le terme de scission s’applique uniquement aux cas où l’exploitation est transférée avec des
     fonds propres adaptés.
10   « Selon la LFus, une scission au sens fiscal peut dorénavant être effectuée [entre autres] ainsi
     en droit civil :
            division (art. 29 lit. a LFus) ;
            séparation (art. 29 lit. b LFus) »3.
11   La scission par division a lieu lorsque l’entité transférante transfère l’ensemble de son
     patrimoine à, au minimum, deux autres sociétés. La scission par séparation s’opère par
     transfert d’une ou plusieurs parts du patrimoine de l’entité transférante à une ou plusieurs
     autres sociétés.
12   Dans la perspective de scission intra-groupe, il est aussi indispensable de distinguer entre la
     scission verticale (entre sociétés-sœurs) et la scission horizontale (entre sociétés mère et fille).
     Dans le cadre de la scission verticale, « le droit fiscal exige le transfert d’une exploitation ou


     3
         Circulaire no 5, p. 59.


                                                                                                        9
Eric Duvoisin
                                                                                          Mémoire MBL
                                                                           Années Académiques 2004-2006

     partie d’exploitation mais admet la scission, même en l’absence de remise de droits de
     participation en échange des actifs transférés »4. Quant à la scission horizontale
     (démembrement), comme seule l’institution du transfert de patrimoine peut lui être appliquée
     selon le droit civil, elle fait l’objet d’un traitement fiscal différent de la scission (art. 61 al. a
     lit. d et al. 2 LIFD).
13   Par conséquent, en vue de notre étude du traitement fiscal de la scission intra-groupe des
     personnes morales, nous n’aborderons que la scission verticale à une société-sœur existante.
     Le transfert intragroupe (entre deux sociétés-sœurs) au sens de l’art. 61 al. 3 LIFD sera
     ultérieurement détaillé (cf. chap. 3) et comparé à la scission verticale quant à leurs
     conséquences fiscales respectives (cf. chap. 4).
14   La scission horizontale entre une mère et sa fille ne sera pas analysée dans le cadre de notre
     travail car elle ne peut faire l’objet que d’un type de restructuration en neutralité fiscale (art.
     61 al. 1 lit. d LIFD) et ne peut par conséquent mener à un bilan comparatif, but déclaré de
     notre travail.
     2.2.        Impôt sur le bénéfice au niveau de l’entreprise
     2.2.1.      Conditions générales de la neutralité fiscale
     2.2.1.1. Maintien de l’assujettissement fiscal en Suisse
15   Selon l’art. 61 al. 1 LIFD, les réserves latentes de la société transférée ne sont pas imposées
     lors de la scission si la société-sœur reprenante reste assujettie à l’impôt suisse (1ère des deux
     conditions générales cumulatives).
16   Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « la jurisprudence et la doctrine distinguent deux
     états de fait dans lesquels il n’y pas respect de la condition du maintien de l’assujettissement
     en Suisse :
            le transfert des réserves vers une entité suisse exonérée d’impôt sur le bénéfice ou vers
            une entité au bénéfice d’un régime fiscal privilégié ;
            le transfert vers une entité étrangère (scission vers l’étranger) »5.
17   La position de OBERSON/GLAUSER concernant la scission vers une entité au bénéfice d’un
     statut fiscal privilégié est plus nuancée. En effet, dans un tel cas, il n’y pas de raison de
     remettre en cause la neutralité fiscale de l’opération car « les réserves latentes transférées ne
     devraient en pratique pas pouvoir bénéficier, après l’opération [de scission], bénéficier d’un
     régime plus favorable qu’il ne l’était auparavant. En effet, comme la [scission] (...) implique

     4
         OBERSON/GLAUSER (2004), p. 69.
     5
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 20 (traduction non officielle).


                                                                                                        10
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     la reprise (...) d’une exploitation (scission verticale), le statut privilégié de la société issue de
     l’opération sera soit remis en question du fait de la transaction [(p. ex., une exploitation
     commerciale transférée à une société au bénéfice du statut holding)], soit ne fera que
     perpétuer une situation qui existait déjà chez la société (...) scindée avant l’opération [(p. ex.,
     transfert d’exploitation liée à une activité à l’étranger d’une société auxiliaire à une autre
     société auxiliaire)] »6.
     2.2.1.2. Transfert à la valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice
18   La seconde des conditions générales cumulatives posée par l’art.61 al. 1 LIFD est que les
     éléments commerciaux soient repris à leur dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le
     bénéfice.
19   Il est à noter que « la réalisation de certaines réserves latentes sur les actifs ou passifs à
     transférer effectuée avant la scission par la société transférante au moyen d’une réévaluation
     comptable [par rapport à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice] de
     même que la réalisation de certaines réserves latentes sur les actifs ou passifs transférés
     opérée par la société reprenante n’entraînent pas la perte totale du bénéfice de la neutralité
     fiscale. Seules les réserves latentes ainsi réalisées ne bénéficieront pas de la neutralité
     fiscale »7.
20   Selon la pratique de l’AFC, une reprise d’impôts peut être effectuée dans certains cas où les
     deux conditions générales de la neutralité fiscale sont respectées lors de la scission mais
     risquent de ne plus l’être par la suite. « [Par exemple], si une scission est effectuée dans le but
     d’assainir la société reprenante, il convient d’examiner si l’impôt sur le bénéfice afférent aux
     réserves latentes transférées disparaît et s’il y a évasion fiscale. Comme l’octroi ordinaire d’un
     avantage entre sociétés apparentées [renforcé, dans le cadre notre étude, par la sororité des
     sociétés], un tel procédé génère une imposition, auprès de la société transférante, des réserves
     latentes non imposées transférées. La société reprenante peut faire valoir les réserves latentes
     correspondantes imposées comme bénéfice »8.
     2.2.2.   Cas de réalisation
21   Selon l’aveu même du Conseil fédéral, « les dispositions concernant les restructurations de la
     LIFD (...) donnent faussement l’impression que le droit fiscal fédéral harmonisé est fondé sur
     une notion purement formelle de la réalisation des réserves latentes, alors que ces dispositions


     6
       OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1254-1255.
     7
       WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 20 (traduction non officielle).
     8
       Circulaire no 5, p. 64.


                                                                                                       11
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     ne règlent l’abandon de l’imposition des réserves latentes que lorsqu’il y a effectivement une
     réalisation sur la base des dispositions générales de détermination du bénéfice. »9.
22   En effet, même si le principe de l’opposabilité des comptes reste applicable, l’appréciation des
     autorités fiscales quant à la réalisation des réserves latentes se fait selon une appréciation
     économique.
23   « Les autorités fiscales et une partie de la doctrine sont (...) de l’avis que, dans le cadre d’une
     restructuration, les réserves latentes transférées sont en principe réalisées et que ainsi la
     société transférante tombe sous le coup d’un des cas de réalisation ; l’imposition est
     néanmoins ajournée en cas de respect des conditions de la neutralité fiscale »10.
     2.2.3.   Conditions spécifiques de la neutralité fiscale
     2.2.3.1. Personnes morales
24   L’art. 61 al. 1 lit. b traite de la neutralité fiscale de la scission qui a lieu entre personnes
     morales ; cet art. ne définit pas la portée du terme personnes morales. Néanmoins, dans le
     cadre de notre travail (cf. 1.), il suffit de savoir que, selon l’art. 49 al. 1 LIFD, la SA est
     considérée comme une personne morale au sens de l’art. 61 al. lit. b LIFD.
25   Pour une réflexion poussée plus avant sur la notion de personnes morales mentionnée ci-
     dessus, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER11.
     2.2.3.2. Transfert d’une exploitation ou d’une partie distincte d’exploitation
26   La scission en neutralité fiscale est soumise à la première condition spécifique suivante. La
     scission doit consister en le transfert d’une exploitation ou d’une partie distincte
     d’exploitation. Cette condition ressort de l’art. 61 al. 1 lit. b LFID.
27   « Le terme exploitation signifie (...) un ensemble d’éléments patrimoniaux de nature
     organisationnelle et technique qui constitue une entité relativement autonome pour la
     production d’une prestation fournie par l’entreprise »12. Quant au terme partie distincte
     d’exploitation, il s’agit de « la plus petite unité d’une entreprise viable par elle-même »13.
28   Dans les cas concrets, pour vérifier l’application de cette condition, deux méthodes semblent
     se présenter. D’une part, RIEDWEG propose d’effectuer « une analyse qualitativement
     complète de tous les aspects économiques et entrepreneuriaux objectifs et subjectifs. A cet
     égard, des éléments quantitatifs, comme un certain nombre d’employés propres ou mandatés


     9
       FF 2000 4024, ch. 1.3.9.2
     10
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 27 (traduction non officielle).
     11
        Idem, n. 34-39 (traduction non officielle).
     12
        RIEDWEG, p.271.
     13
        Circulaire no 5, p. 61.


                                                                                                      12
Eric Duvoisin
                                                                                      Mémoire MBL
                                                                       Années Académiques 2004-2006

     ou des relations de coûts et recettes, peuvent dans des cas particuliers être pris comme
     référence. Ces éléments quantitatifs sont cependant lors de l’appréciation de l’existence d’une
     exploitation ou d’une partie distincte d’exploitation (...) peu déterminants »14.
29   La pratique de l’AFC, codifiée par la Circulaire no 5, semble accorder nettement plus
     d’importance à l’appréciation quantitative de la scission (cf. ci-dessus) en n’étendant pas
     seulement son application à des cas particuliers15. L’AFC tient néanmoins à garder une
     certaine marge de manœuvre dans la qualification d’exploitation ou de partie distincte
     d’exploitation en soulignant qu’une « exploitation peut aussi comporter des actifs non
     nécessaires à l’exploitation (...), à condition que l’exploitation n’occupe pas de ce fait une
     position subalterne, qu’elle n’ait pas été créée uniquement dans le but d’une scission en
     neutralité fiscale et qu’elle soit poursuivie dans le futur »16 (cf. 2.2.3.3.).
30   L’application de la condition du transfert d’une exploitation ou d’une partie d’exploitation
     peut être difficile à concrétiser pour des sociétés qui exercent une activité qui ne semble, à
     première vue pas assimilable à une exploitation. C’est en particulier le cas des sociétés de
     participations, des SI et des sociétés financières. Pour une application de la condition
     mentionnée ci-dessus aux sociétés en question, nous renvoyons le lecteur à l’explication de
     WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER17. Nous mentionnons déjà également au lecteur que le
     transfert de patrimoine intragroupe (cf. chap. 3) peut se révéler approprié pour transférer des
     actifs et passifs d’une société-sœur si ceux-ci ne qualifient pas en tant qu’exploitation ou
     partie distincte d’exploitation selon l’art. 61 LIFD (cf. chap. 4).
     2.2.3.3. Poursuite de l’exploitation ou de la partie distincte d’exploitation
31   La LFus requiert, comme seconde condition spécifique de la scission en neutralité fiscale, que
     les deux entités scindées poursuivent chacune de leur côté une activité (double exigence
     d’exploitation). Cette exigence est retranscrite à l’art. 61 al. 1 lit. b LFID. Selon la Circulaire
     no 5, « une poursuite inchangée tant de l’exploitation transférée lors de la scission que de
     l’exploitation non transférée, n’est pas exigée »18.




     14
        RIEDWEG, p.271.
     15
        Circulaire no 5, p. 61.
     16
        Idem.
     17
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 53-67.
     18
        Circulaire no 5, p. 60.


                                                                                                     13
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

32   « Cette condition, interprétée téléologiquement, a pour but d’empêcher les cas de liquidation
     abusives post-scission, c’est-à-dire des scissions ayant pout but la liquidation ultérieure et
     dissimulée de l’exploitation ou partie distincte d’exploitation transférée ou restante »19.
33   Néanmoins, la pratique semble plus généreuse que l’interprétation téléologique ne peut le
     laisser supposer. « La condition de la continuation n’est pas une condition résolutoire, à
     l’inverse de la condition du délai de blocage par exemple. La manifestation de la volonté de
     continuer l’exploitation ou la partie distincte d’exploitation suffit en vue de la constatation
     définitive que la double continuation d’exploitation a bien lieu lors de la scission et/ou qu’il
     n’y a pas de liquidation partielle ou d’aliénation »20.
34   Contrairement au délai de blocage prévu pour d’autres types de restructuration (cf. chap.
     3.3.3.2.), « la condition de la continuation de l’exploitation s’examine seulement au moment
     de la scission [et non après ce moment]. (…) Par conséquent, le comportement de
     l’actionnaire après la scission n’est pas relevant [dans l’appréciation de la condition
     mentionnée ci-dessus] »21.
35   En définitive, la condition de la continuation de l’exploitation ou de la partie d’exploitation
     semble avoir pour principale préoccupation que la neutralité fiscale ne soit accordée que dans
     les cas où les réserves latentes afférentes à des actifs nécessaires à l’exploitation restent
     attachés à ces actifs après la scission.
     2.2.3.4. Délai de blocage
36   Dans le cas de la scission verticale que nous traitons ici, le législateur a renoncé à introduire
     l’exigence d’un délai de blocage. A notre avis, une telle condition ne fait en effet de sens que
     dans le cas où l’opération de restructuration implique un transfert des actions de la société
     reprise, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans la scission verticale au sein d’un groupe
     (cf. chap. 2.1.).
37   Selon la Circulaire no 5, « c’est sciemment qu’on a renoncé à ancrer dans la loi un délai de
     blocage portant sur l’aliénation des droits de participation des sociétés concernées par la
     scission (société issue de la scission et société scindée). Selon la volonté du législateur, le
     comportement des titulaires de parts ne doit pas déployer d'effets sur l’impôt sur le
     bénéfice »22.



     19
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 69 (traduction non officielle).
     20
        Idem.
     21
        Idem, n. 70 (traduction non officielle).
     22
        Circulaire no 5, p. 60.


                                                                                                   14
Eric Duvoisin
                                                                                          Mémoire MBL
                                                                           Années Académiques 2004-2006

     2.2.4.      Modifications possibles des fonds propres suite à la scission
38   La scission verticale entre deux sociétés d’un groupe peut affecter de plusieurs manières les
     fonds propres respectivement de la société scindée et de la société reprenante. Nous allons
     sous ce chapitre 2.2.4. exposer les divers modus operandi de la scission verticale quant à son
     impact sur les fonds propres en prenant comme point de départ la modification des fonds
     propres de la société scindée suite à la scission.
39   A titre préliminaire, nous rappelons au lecteur que le bénéfice de la neutralité fiscale de
     l’opération de scission intra-groupe pour les impôts directs dépend du respect des conditions
     exposées sous 2.2.1. et 2.2.3. Dans ce chapitre 2.2.4., nous nous contentons d’inventorier les
     formes que peut prendre une scission verticale au bénéfice de la neutralité fiscale mentionnée
     ci-dessus.
     2.2.4.1. Réduction de capital
40   En premier lieu, la scission verticale peut être effectuée au moyen d’une réduction de capital
     chez la société scindée. « En règle générale, la société scindée réduira son capital à hauteur
     de l’augmentation du capital nominal chez la société reprenante, ceci afin d’éviter des
     conséquences fiscales chez la société (impôt anticipé) et chez l’actionnaire PP de la société
     transférante (impôt sur le revenu) »23. Ces conséquences ne poseront problème que pour
     l’actionnaire PP de la société transférante ; en effet, dans le cas d’un actionnaire PM, la
     procédure de déclaration permettra d’éviter la perception de l’impôt anticipé et la réduction
     pour participation permettra d’éviter l’imposition sur le bénéfice.
41   Cette solution aura la préférence de la société scindée, pour éviter les conséquences fiscales
     mentionnées ci-dessus, lorsque la société scindée ne bénéficie pas de réserves librement
     disponibles en quantité suffisante.
     2.2.4.2. Réserves ouvertes
42   La scission peut s’effectuer sans réduction de capital à condition que la société transférante
     bénéficie de réserves ouvertes en quantité suffisante ; dans ce cas, la valeur de l’exploitation
     cédée par scission sera imputée sur les réserves de la société transférante.
43   « Cette méthode ne sera en général utilisée pour la scission que si les actionnaires,
     respectivement de la société transférante et de la société reprenante, possèdent des parts aux
     mêmes proportions dans les deux sociétés mentionnées ci-dessus »24. Dans notre cas de figure
     d’une scission verticale intra-groupe, cette possibilité est évidemment ouverte à l’actionnaire.

     23
          WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 84 (traduction non officielle).
     24
          Idem, n. 85 (traduction non officielle).


                                                                                                     15
Eric Duvoisin
                                                                                          Mémoire MBL
                                                                           Années Académiques 2004-2006

44   « Dans le cas où la société transférante se scinde en réduisant uniquement ses réserves
     ouvertes (et non son capital-actions) et que la société reprenante utilise une partie des réserves
     ouvertes ainsi transférées pour créer du capital-actions pour l’actionnaire de la société
     transférante, il y aura perception de l’impôt anticipé ainsi qu’imposition au niveau du revenu
     de l’actionnaire »25.
45   En effet, cette construction est, à juste titre, considérée comme une distribution de réserves
     ouvertes du moment que la création de capital n’a pas été compensée par une diminution chez
     la société transférante. Les conséquences mentionnées ci-dessus ne poseront problème que
     pour l’actionnaire PP de la société transférante (cf. chap. 2.2.4.1.).
     2.2.4.3. Utilisation d’actions propres
46   Outre la contrepartie, en capital-actions créé et/ou réserves ouvertes, versée à l’actionnaire de
     la société transférante, la société reprenante peut également dédommager l’actionnaire de la
     société transférante au moyen d’actions propres.
47   A titre préliminaire, nous rappelons que l’utilisation d’actions propres doit se faire aux
     conditions des art. 4a al. 2 LIA et 20 al. 1 lit. c LIFD (dans le cas d’un actionnaire PP). C’est-
     à-dire que les actions propres utilisées pour le dédommagement de l’actionnaire PP ne
     déclenchent pas les conséquences d’une liquidation partielle directe pour autant que ces
     actions propres aient été détenues moins de 6 ans.
48   « Pour l’actionnaire de la société transférante, est sans importance le procédé utilisé par la
     société reprenante pour obtenir les actions propres à distribuer (que ce soit par une
     augmentation de capital, un achat de titres sur le marché ou une acceptation de titres dans le
     cadre de la scission) du moment qu’il existe une participation réciproque. (...) Dans ce cas,
     l’actionnaire reçoit en effet ces actions propres comme compensation pour la perte de valeur
     de ses parts à la société transférante (rémunération). (...) Il est donc possible d’en déduire que
     l’utilisation d’actions propres comme compensation pour l’actionnaire de la société
     transférante est et/ou reste une opération neutre fiscalement »26.
     2.2.4.4. Vente à valeur comptable par excédent d’actifs
49   Il s’agit du cas où la société transférante se scinde en transférant à la société reprenante une
     exploitation dont la valeur à l’actif dépasse les fonds propres / fonds étrangers qui sont
     transférés avec cette exploitation. Il y a donc excédent d’actifs.



     25
          WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 86 (traduction non officielle).
     26
          Idem, n. 88 (traduction non officielle).


                                                                                                     16
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

50   Il est ici possible que la société reprenante au sein du groupe se retrouve alors avec une dette
     face à sa société-sœur transférante (qui elle-même devient créancière de sa société-sœur) d’un
     montant égal à l’excédent d’actifs.
51   La question se pose de savoir si ce mode de faire bénéficie de la neutralité fiscale. La
     Circulaire no 5 pose comme préalable qu’« il ne peut y avoir scission sans incidence fiscale
     que si une part appropriée des fonds propres (capital-actions et/ou réserves ouvertes) est
     transférée avec l’exploitation »27.
52   Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « lorsque, lors d’une scission, l’excédent d’actifs
     est acquitté en espèces ou que lorsqu’il est acquitté par une dette, les réserves latentes restent
     attachées de manière inchangée aux actifs et passifs transférés. (...) [La question de la
     neutralité fiscale] se révèle donc être ici une question purement académique. (...) Par
     conséquent, la limitation de l’AFC [, prônée la Circulaire no 5 (cf. ci-dessus),] va, selon une
     interprétation purement littérale, beaucoup trop loin et rendrait superflu la base légale »28.
     2.2.4.5. Excédent de passifs
53   Il s’agit du cas où la société transférante se scinde en transférant à la société reprenante une
     exploitation dont la valeur à l’actif est inférieure aux fonds propres / fonds étrangers qui sont
     transférés avec cette exploitation. Il y a donc excédent de passifs.
54   « Une scission avec excédent de passifs peut être effectuée en neutralité fiscale de deux
     manières. Soit la société transférante crée une réserve d’un montant égal à l’excédent de
     passifs (et la société reprenante, qui doit disposer ici de réserves suffisantes, dissout sa réserve
     pour le même montant). Soit la société transférante comptabilise une dette vis-à-vis de sa
     sœur reprenante (qui, elle-même, comptabilise une créance en contrepartie) »29.
55   Au contraire des deux procédés précédents, « une scission avec un véritable excédent de
     passifs peut ne pas bénéficier de la neutralité au niveau fiscal. Il y a un véritable excédent de
     passifs lorsque la société transférante n’octroie aucune compensation à la société reprenante.
     Dans le cas où de nouvelles actions seraient émises pour l’actionnaire PP de la société
     transférante, il y aurait donc perception de l’impôt anticipé (au niveau de la société
     reprenante) et de l’impôt sur le revenu (au niveau de l’actionnaire) car le coût de l’émission
     des actions ne serait pas assumé par l’actionnaire »30.



     27
        Circulaire no 5, p. 60.
     28
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 93 (traduction non officielle).
     29
        Idem, n. 96 (traduction non officielle).
     30
        Idem.


                                                                                                      17
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     2.2.5.   Obligation fiscale et planification temporelle
     2.2.5.1. Date limite de la scission et rétroactivité
56   La question qui se pose ici est de savoir quand débutent l’assujettissement, la période fiscale
     et la période de calcul de la société transférante et celui de la société reprenante. Par
     hypothèse, « on se fonde sur l’inscription au registre du commerce pour déterminer le
     bénéfice imposable. Il est alors nécessaire de procéder à une clôture des comptes [à la date
     inscrite au registre du commerce] »31.
57   Il peut en résulter des conséquences dérangeantes pour les deux sociétés qui devront subir
     deux périodes fiscales d’une durée inférieure à la durée usuelle de l’exercice commercial et
     cela occasionnera des frais supplémentaires (p. ex. : audit interne et externe des comptes
     intermédiaires, convocation des actionnaires).
58   Pour cette raison, la Circulaire no 5 prévoit une solution pragmatique en autorisant la
     rétroactivité de la scission sous réserve que « la réquisition d’inscription et la décision de
     scission [soient] déposées au registre du commerce dans les six mois suivant la date-critère du
     dernier bilan et [que] la réquisition d’inscription [conduise] à l’inscription sans condition »32.
59   « Si l’effet rétroactif de la scission est admis, l’assujettissement, la période fiscale et la
     période de calcul d’une société issue d’une scission débutent à la date à laquelle la scission
     déploie ses effets. Par conséquent, l’assujettissement d’une société scindée cesse à ce
     moment »33. Par cette phrase sibylline, il faut comprendre que, dans ce cas, « la scission sera
     prise en compte, tant au niveau fiscal que comptable, avec effet rétroactif au début de
     l’exercice commercial [en cours] »34.
     2.2.5.2. Report de pertes
60   « Lors d’une scission, la société reprenante peut, conformément à l’article 67, alinéa 1 LIFD,
     faire valoir les pertes reportées afférentes à l’exploitation ou à la partie distincte d’exploitation
     transférée qui n’ont pas encore été prises en compte pour le calcul du bénéfice imposable »35.
61   Dans la pratique, le rattachement des pertes à une exploitation spécifique peut présenter « des
     problèmes de praticabilité en particulier si l’on s’en tient à la conception de la partie distincte
     d’exploitation comme la plus petite unité d’une entreprise viable par elle-même »36.


     31
        Circulaire no 5, p. 60.
     32
        Idem.
     33
        Idem.
     34
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 97 (traduction non officielle).
     35
        Circulaire no 5, p. 64.
     36
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 100 (traduction non officielle).


                                                                                                       18
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

62   Dans le cas des scissions intercantonales, une base légale garantit que le report des pertes
     transférées à la société reprenante est pleinement reconnu par l’autorité fiscale cantonale du
     lieu du siège ou de l’administration effective de la société reprenante. Il s’agit de l’art. 25 al. 4
     LHID.
63   « Dans le cas des scissions de l’étranger vers la Suisse, la prise en compte de pertes
     reportables est beaucoup plus problématique du fait qu’il n’y pas de base légale qui vienne
     appuyer un tel état de fait. De plus, la pratique antérieure à la LHID relative aux pertes
     intercantonales [qui pourrait être appliqué par analogie] laisse supposer qu’il existe des
     réserves importantes quant à la reconnaissance de pertes reportables en provenance d’une
     société étrangère »37.
64   Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « la reconnaissance de pertes reportables
     provenant de sociétés étrangères pourrait trouver une justification en se référant aux
     exonérations fiscales cantonales et fédérales qui sont accordés aux sociétés nouvellement
     créées »38. Effectivement, en suivant un tel raisonnement, il serait sensé d’accorder, dans un
     tel cas, le report de pertes pour les sept exercices commerciaux suivant la perte étant donné
     que les allègements fiscaux peuvent durer jusqu’à 10 ans.
65   Néanmoins, selon nous, une telle comparaison est inappropriée. En effet, les allègements
     fiscaux accordés par les cantons le sont d’une part pour des sociétés nouvellement créées (ce
     qui peut être le cas dans une scission vers la Suisse) mais surtout d’autre part pour des
     sociétés servant les intérêts économiques du canton (selon l’art. 23 al. 3 LHID). Enfin, les
     exonérations fiscales (au niveau fédéral) prévues par l’Arrêté Bonny ou par la loi qui lui
     succédera éventuellement (LNPR) ne sont accordées qu’à des conditions assez strictes.
66   A notre avis, les pertes reportables provenant d’une exploitation scindée de l’étranger vers la
     Suisse au sein du groupe ne bénéficieront pas du report de pertes en Suisse car aucun texte de
     loi ne garantit une telle construction fiscale. En effet, seule une garantie du transfert de pertes
     reportables entre deux territoires soumis à des souverainetés fiscales différentes pourrait
     conduire au résultat décrit ci-dessus. Pour preuve de notre avis, nous nous permettons de
     comparer la situation internationale avec la situation intercantonale en Suisse ; en effet, pour
     garantir en Suisse le transfert de pertes reportables d’un canton à un autre, il a fallu un accord
     entre cantons qui a pris la forme de la Circulaire de la Conférence suisse des impôts39.


     37
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 102 (traduction non officielle).
     38
        Idem.
     39
        Circulaire du 17 décembre 2003.


                                                                                                       19
Eric Duvoisin
                                                                                   Mémoire MBL
                                                                    Années Académiques 2004-2006

     2.2.5.3. Participations
67   Il est possible d’opérer une scission fiscalement neutre avec un transfert de participations pour
     autant que les conditions énoncées plus haut soient remplies. Il faut donc en particulier que les
     participations transférées contiennent une exploitation ou partie distincte d’exploitation selon
     « le principe de la transparence des participations transférées »40. Dans le cas d’un transfert de
     participations lors d’une scission, la question de la qualification des participations lors du
     transfert peut néanmoins quelque peu modifier la réponse donnée sur la neutralité de la
     scission.
68   En effet, « les anciennes participations qui sont transférées dans le cadre d’une scission
     fiscalement neutre (art. 61, al. 1, let. b LIFD), conservent leur qualification conformément aux
     dispositions transitoires »41. Les participations peuvent être qualifiées d’anciennes ou de
     nouvelles participations.
69   « Les droits de participation acquis après le 31 décembre 1996 sont des nouvelles
     participations »42. A contrario, toutes les autres participations acquises sont qualifiées
     d’anciennes participations. La principale conséquence de la détention d’anciennes
     participations est l’obligation d’augmenter le bénéfice imposable à hauteur du gain en capital
     réalisé (avec néanmoins la possibilité de constituer une réserve à hauteur du même gain en
     capital qui vient donc réduire le montant du bénéfice imposable) en cas d’aliénation à une
     société du groupe à l’étranger avant le 1er janvier 2007. Au 31 décembre 2006, la réserve sera
     dissoute et imposée si la participation a été ensuite aliénée à un quelconque moment à une
     société étrangère au groupe ; dans le cas où la participation aliénée est resté au sein du groupe
     mentionné ci-dessus, la réserve sera dissoute mais bénéficiera de la neutralité fiscale (si les
     conditions en étaient remplies lors de l’aliénation).
70   En ce qui concerne les participations transférées (par scission) entre sociétés-sœurs suisses,
     « les anciennes participations qui sont [ainsi] transférées gardent leur qualification
     conformément aux dispositions transitoires »43. Par conséquent, il ne suffit pas de transférer
     par scission des anciennes participations à une société-sœur suisse puis de les retransférer à
     une société-sœur étrangère pour échapper aux conséquences liées à la qualification comme
     anciennes participations.



     40
        OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1277.
     41
        Circulaire no 5, p. 62.
     42
        Circulaire no 9, p. 10.
     43
        Idem, p. 11.


                                                                                                    20
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

71   « La responsabilité liée à l’aliénation subséquente hors du groupe d’anciennes participations
     incombe uniquement à la société transférante [qui a transféré les anciennes participations lors
     d’une première aliénation intragroupe vers l’étranger] ; cette solution n’est pas celle retenue
     par l’AFC pour le transfert de patrimoine »44 (cf. chap. 3.3.3.4.).
72   Pour s’assurer de la neutralité fiscale d’un transfert de participations lors d’une scission, il
     faudra que l’opération soit effectuée à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le
     bénéfice (cf. 2.2.1.2.), c’est-à-dire à la valeur comptable dans la majorité des cas. Par
     conséquent, lors de transfert de participations opéré par scission, il faudra que « la société
     [reprenante soit particulièrement attentive à] reprendre ces participations à leurs valeurs
     déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice et sans en modifier les coûts d’investissement »45.
     Cela signifie en particulier que « les amortissements et provisions effectuées [par la société
     reprenante] sur les coûts d’acquisition se verront imposées au cas où ils ne seraient pas
     justifiés »46. Il faut donc prendre en considération les ajustements comptables déjà passés
     avant le transfert sur ces participations.
     2.2.5.4. Succession fiscale
73   La succession fiscale est une notion permettant de déterminer qui reprend à sa charge les
     dettes et créances fiscales d’une société qui est amenée à disparaître. Dans cette optique,
     « parler de succession fiscale [dans le cadre de la scission verticale] ne fait sens que dans le
     cas d’une séparation [(cf. chap. 2.1.)]. Comme, dans le cas de la séparation, il y a au moins
     deux sociétés reprenantes, chacune des sociétés ne reprend la dette fiscale de la société
     séparée que dans la mesure des actifs et passifs repris. Contrairement au droit civil, il n’y pas
     ici, en droit fiscal, de responsabilité solidaire des sociétés reprenantes »47.
     2.2.5.5. Cas de changement de système d’imposition
74   Deux cas d’école peuvent se présenter relativement au changement de système d’imposition
     suite à une scission. Tout d’abord, cela peut résulter d’une scission vers une entité bénéficiant
     d’un régime fiscal de faveur (p. ex. : société holding, société de domicile, société auxiliaire).
     Le second cas envisageable est celui d’une scission depuis une entité bénéficiant d’un régime
     fiscal de faveur (cf. ci-dessus).
75   Dans le premier cas présenté ci-dessus, « les réserves latentes transférées avec l’exploitation
     ne pourront plus [(suite au transfert vers une entité exonérée)] ou que dans une mesure limitée

     44
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 103 (traduction non officielle).
     45
        Circulaire no 5, p. 62.
     46
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 104 (traduction non officielle).
     47
        Idem, n. 105 (traduction non officielle).


                                                                                                   21
Eric Duvoisin
                                                                                          Mémoire MBL
                                                                           Années Académiques 2004-2006

     [(due au régime de faveur)] faire l’objet d’une imposition. Différentes solutions sont prévues
     par les cantons pour parer à cette réalisation systématique des réserves latentes transférées.
     Certains cantons (p. ex. : canton de Saint-Gall) constatent les réserves latentes au moment de
     la scission et reportent l’imposition jusqu’au moment de la réalisation effective ultérieure des
     réserves latentes ; l’imposition reportée devra être limitée aux réserves latentes ainsi
     constatées. D’autres cantons (p. ex. : canton de Zurich) prélèvent un impôt spécial sur les
     réserves latentes transférées par scission mais octroient un report de l’imposition (jusqu’à 10
     ans pour Zurich) ; parmi ces cantons, certains (p. ex. : canton de Zurich) n’accordent un tel
     report de l’imposition que pour le transfert par scission de participations qualifiant pour la
     réduction ou de biens immatériels. Enfin, certains cantons (p. ex. : canton de Saint-Gall)
     conditionnent le report de l’imposition à la continuation de l’assujettissement fiscal dans le
     canton. [Notons néanmoins que] les reports d’imposition mentionnés ci-dessus ne sont
     accordés par les cantons que dans les cas de scission vers une entité au bénéfice d’un régime
     de faveur et non en cas de transfert vers une entité exonérée »48.
76   Dans le second cas présenté plus haut, la scission d’une société bénéficiant d’un régime de
     faveur ou d’une exonération vers sa société-sœur imposée ordinairement semble beaucoup
     moins problématique au regard de la neutralité fiscale. En effet, les réserves latentes
     transférées se font vers une entité dont l’imposition est plus avantageuse pour l’administration
     fiscale. Par conséquent, en cas de respect des conditions d’une scission en neutralité fiscale, la
     scission d’une société au bénéfice d’un régime de faveur ou exonérée vers une société-sœur
     imposée ordinairement pourra se faire en neutralité fiscale.
     2.3.        Impôt sur le bénéfice / sur le revenu de l’actionnaire
     2.3.1.      Valeur de la participation dans la société scindée
77   « La scission entraîne une diminution de la valeur des participations dans la société scindée
     pour l’actionnaire. En cas de scission par séparation (cf. chap. 2.1.) au sein d’un groupe, la
     diminution de valeur dans la société scindée est compensée par une augmentation de valeur
     dans la société reprenante. En cas de scission par division, l’actionnaire échange
     [usuellement] ses actions dans la société qui s’est divisée contre des actions dans les sociétés
     reprenantes »49.
78   Comme vu précédemment (cf. chap. 2.2.4.), rappelons néanmoins que bien que l’art. 29 LFus
     indique que la scission résulte en un appauvrissement de la société scindée, le fait que la

     48
          WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 106 (traduction non officielle).
     49
          Idem, n. 116 (traduction non officielle).


                                                                                                     22
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     scission fasse l’objet d’une contre-prestation n’en écarte pas pour autant la qualification de
     scission au sens fiscal. Dans ce cas, la diminution de la valeur de la participation dans la
     société scindée équivaut à la différence entre l’exploitation transférée et la contreprestation
     reçue.
     2.3.2.   Echange de participations
     2.3.2.1. Principe
79   Comme nous venons de le voir ci-dessus, une scission au sein d’un groupe peut conduire pour
     l’actionnaire PP ou PM à un échange de droits de participation en proportion avec la
     diminution, respectivement l’augmentation de valeur dans les sociétés scindée et reprenantes.
80   Néanmoins, dans le cas d’une scission par séparation au sein d’un groupe, nous rappelons au
     lecteur qu’ « un échange de droits de participation n’a pas lieu »50. Par conséquent, l’échange
     de participations au sein du groupe est un cas de figure principalement applicable à la scission
     par division.
81   Un échange de participations dans les sociétés-sœurs suite à une scission par division « est
     neutre fiscalement, tant pour l’actionnaire PP (art. 19 al. 1 lit. c LIFD) que pour l’actionnaire
     PM (art. 19 al. 1 lit. c LIFD), dans la mesure où les conditions générales de la neutralité
     fiscale (cf. chap. 2.2.1.) sont respectées »51.
     2.3.2.2. Prise en considération de la valeur comptable pour l’impôt sur le bénéfice
82   Un échange de participations, suite à une scission entre sociétés-sœurs, est neutre du point de
     vue fiscal pour l’actionnaire PP ou PM lorsque l’appauvrissement, respectivement
     l’enrichissement des sociétés scindée et reprenante se répercute dans la valeur des
     participations que détient l’actionnaire dans chacune de ces sociétés.
83   « La somme des valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice et des coûts
     d’investissement des participations reste inchangée. Le cas échéant, il en résulte, pour la
     participation dans la société appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage
     consenti. Un tel amortissement devrait être compensé par une réévaluation de la participation
     dans la société bénéficiaire (écriture: participation „société reprenante“ à participation
     „société transférante“) »52.




     50
        Circulaire no 5, p. 62.
     51
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 118 (traduction non officielle).
     52
        Circulaire no 5, p. 63.


                                                                                                   23
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     2.3.3.     Prestations de la société à l’actionnaire
84   Il s’agit des prestations à raison de la scission que la société reprenante, voire la société
     transférante peut faire à l’actionnaire à l’occasion de la scission pour compenser la différence
     de valeur nominale entre les actions de la société transférante et celles de la société
     reprenante ; le problème de l’imposition de ces prestations pour l’actionnaire se pose lorsque
     les prestations excèdent la simple compensation de la perte de valeur nominale. Ces
     prestations peuvent prendre la forme de paiements compensatoires, de dédommagements,
     d’accroissement de la valeur nominale, voire d’aliénation d’actions propres.
     2.3.3.1. Paiements compensatoires
85   « Les paiements compensatoires effectués par la société reprenante correspondent à un coût
     d’acquisition de l’exploitation transférée à la particularité près qu’ils sont effectués auprès de
     l’actionnaire et non de la société transférante. Ces paiements sont effectués à charge des
     réserves de la société reprenante. Ils peuvent être qualifiés de paiement partiel »53.
86   Par analogie avec les fusions, nous pouvons considérer que « les paiements compensatoires
     sont [des] rendements de participations et bénéficient de la réduction pour participations [pour
     l’actionnaire PM], pour autant que les conditions subjectives et objectives soient remplies »54.
     Par la même analogie, pour l’actionnaire PP, « les paiements compensatoires (...) constituent
     des rendements de fortune imposables provenant de participations (art. 20, al. 1, let. c LIFD).
     Ils sont imposables (...) dans la mesure où des pertes de valeur nominale ne les neutralisent
     pas »55.
     2.3.3.2. Scission avec dédommagement au comptant
87   « Il y a [scission] avec dédommagement au comptant si [l’actionnaire] renonce complètement
     à l’octroi de parts sociales ou de droits de sociétariat et si seul un dédommagement est
     prévu »56. Une scission avec dédommagement au comptant peut entraîner des conséquences
     fiscales pour l’actionnaire personne physique ; pour l’actionnaire personne morale, la
     réduction pour participations s’applique aux conditions prévues.
88   « Une scission avec dédommagement au comptant est traitée dans la pratique fiscale, par
     analogie avec l’opération similaire de fusion, comme une liquidation totale de l’exploitation
     transférée à condition que le dédommagement au comptant dépasse la valeur nominale de



     53
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 135 (traduction non officielle).
     54
        Circulaire no 5, p. 85.
     55
        Idem, p. 33.
     56
        Idem.


                                                                                                    24
Eric Duvoisin
                                                                                        Mémoire MBL
                                                                         Années Académiques 2004-2006

     l’exploitation transférée »57. Ceci implique que la part excédant la valeur nominale est
     imposée comme un revenu chez l’actionnaire PP.
     2.3.3.3. Augmentation de la valeur nominale
89   « L’impôt sur le revenu frappe les actions gratuites et les augmentations gratuites de la valeur
     nominale obtenues par les détenteurs de droits de participation dans la société reprenante,
     dans la mesure où elles ne sont pas effectuées à charge de la valeur nominale des droits de
     participation dans la société transférante (réduction de capital) »58.
90   C’est pour l’actionnaire PP détenant les titres dans sa fortune privée que l’impact fiscal sera le
     plus élevé néanmoins car la différence entre la valeur nominale des titres créés gratuitement et
     leur valeur nominale sera imposée comme revenu tandis que les autres actionnaires se verront
     imposés sur un rendement égal à la différence entre la valeur comptable et la valeur vénale
     des actions gratuites.
91   Nous renvoyons le lecteur au raisonnement déjà développé sous 2.2.4.2. pour les autres
     conséquences du cas de figure de la création gratuite de capital.
     2.3.3.4. Aliénation d’actions propres
92   Pour les considérations préliminaires quant à l’utilisation de ses propres actions par la société
     reprenante, nous renvoyons le lecteur à notre chapitre 2.2.4.3.
93   « Si (...) la société reprenante utilise ses propres droits de participation dont le rachat n’a pas
     conduit à une imposition, la différence entre la valeur vénale de ces propres droits de
     participation au moment de la [scission] et leur valeur nominale est traitée comme un
     dédommagement au comptant. Si seule une partie des droits de participation échangés
     provient du stock de propres actions de la société reprenante, le revenu de fortune
     correspondant est réparti proportionnellement à la valeur nominale des droits de participation
     de la société reprenante remis »59.
     2.4.     Impôt sur le bénéfice / sur le revenu en cas de non-respect des conditions de la
              neutralité fiscale
94   A titre préliminaire, notons que, dans la pratique, les principales conditions problématiques de
     la scission verticale en neutralité fiscale semblent bien être les deux conditions spécifiques à
     savoir d’une part le transfert d’une exploitation ou partie d’exploitation (cf. chap. 2.2.3.2.) et



     57
        WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 139 (traduction non officielle).
     58
        Circulaire no 5, p. 64.
     59
        Idem, p. 33-34.


                                                                                                     25
Eric Duvoisin
                                                                                      Mémoire MBL
                                                                       Années Académiques 2004-2006

     d’autre part la double continuation d’une exploitation ou partie d’exploitation (cf. chap.
     2.2.3.3.).
     2.4.1.     Non-respect de la condition du transfert d’une exploitation
95   Dans le cas où la condition du transfert d’une exploitation n’est pas respectée, il y prestation
     appréciable en argent de la société-sœur transférante à sa société-sœur reprenante. Selon les
     exemples 12 et 13 de la circulaire no 5, par une fiction du droit fiscal, on considère que « la
     société transférante (...) réalise un bénéfice [imposable] (...) correspondant aux réserves
     latentes (...) transférées à la société. (...) La société reprenante (...), bénéficiaire de l’avantage,
     peut faire valoir les réserves latentes (...) imposées comme bénéfice »60 ce qui vient
     augmenter de ce montant la valeur comptable de l’actif ne constituant pas une exploitation.
96   A noter également que dans le cas ci-dessus, comme la scission ne peut être effectué en
     neutralité fiscale, il y a perception de l’impôt anticipé sur les réserves transférées ; selon la
     « théorie du bénéficiaire direct »61, la prestation est réputée effectuée en faveur du la société
     reprenante et, par conséquent, c’est cette dernière qui a droit au remboursement. De plus, le
     droit de timbre d’émission sera perçu sur le capital créé en relation avec le transfert de cet
     actif ne qualifiant pas d’exploitation.
97   Quant à l’actionnaire PP, dans le cas visé ci-dessus, « il ne restructure pas sa fortune en
     franchise d’impôt. (...) [Il] obtient en principe un avantage appréciable en argent provenant de
     sa participation dans la société [transférante] correspondant au transfert des réserves ouvertes
     et latentes (...), qu’il apporte dans la société [reprenante] (théorie du triangle). Toutefois, afin
     d’éviter une imposition multiple, il peut demander l’application de la „théorie du triangle
     modifiée“. Selon cette théorie, l’imposition d’une distribution n’a pas lieu dans le chef de
     l’actionnaire, à condition que les droits de participation dans la société bénéficiaire (...) ne
     soient pas aliénés pendant 5 ans. Afin que l’imposition dans le cadre d’une procédure de
     rappel d’impôt (art. 151 – 153 LIFD) soit possible, l’actionnaire doit signer une déclaration
     correspondante (« revers ») »62.
98   Pour l’actionnaire PM, une scission ne respectant pas l’exigence du transfert d’une
     exploitation a de toute façon un impact fiscal limité. En effet, si l’opération de scission ne
     qualifiant pas pour la neutralité fiscale entraîne « pour la participation dans la société
     appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage consenti, (...) un tel amortissement


     60
        Annexe I à la Circulaire no 5, p. 29.
     61
        Idem, p. 30.
     62
        Idem.


                                                                                                         26
Eric Duvoisin
                                                                                          Mémoire MBL
                                                                           Années Académiques 2004-2006

      devrait être compensé par une réévaluation de la participation dans la société bénéficiaire.
      Ainsi, les conséquences fiscales pour la société-mère sont les mêmes que lors de l’octroi d’un
      avantage entre des entreprises apparentées »63. Par conséquent, le rendement de participation
      ainsi généré bénéficiera de la réduction pour participations dans l’hypothèse où l’actionnaire
      PM en remplit les conditions. Il faut néanmoins prêter attention aux participations qualifiant
      d’anciennes participations qui conservent leur qualification, comme dans une scission
      fiscalement neutre d’ailleurs (cf. chap. 2.2.5.3.).
      2.4.2.     Non-respect de la condition de la double continuation d’une exploitation
99    Dans le cas où la condition de la continuation d’une exploitation par la société reprenante
      n’est pas respectée, nous renvoyons le lecteur aux raisonnements développés ci-dessus (cf.
      chap. 2.4.1.1.) pour les conséquences fiscales.
100   Néanmoins, en ce qui concerne le non-respect de cette condition, une solution particulière est
      prévue par l’AFC. « En raison de l’appréciation des restructurations d’un point de vue
      économique (axée sur le résultat), la société transférante (...) réalise un bénéfice de liquidation
      correspondant aux réserves latentes (...) qui restent auprès d’elle (interprétation a contrario de
      l’art. 61, al. 1, let. b en relation avec l’art. 58, al. 1, let. c LIFD) »64.
101   En ce qui concerne l’impôt anticipé et le droit de timbre d’émission, nous renvoyons le lecteur
      aux raisonnements développés ci-dessus (cf. chap. 2.4.1.).
102   Quant à l’actionnaire PP, «en sa qualité d’actionnaire, [il] ne restructure pas sa fortune en
      franchise d’impôt. En raison de l’appréciation des scissions d’un point de vue économique
      (axée sur le résultat), [il] obtient les réserves ouvertes et latentes de la société [transférante] et
      les apporte ultérieurement à nouveau dans [celle-ci]. Ainsi, [l’actionnaire] réalise un excédent
      de liquidation partielle provenant de sa participation dans la société [transférante] (art. 20, al.
      1, let. c LIFD). Toutefois, afin d’éviter une imposition multiple, il peut demander
      l’application de la „théorie du triangle modifiée“. Selon cette théorie, l’imposition d’une
      distribution n’a pas lieu dans le chef de l’actionnaire, à condition que les droits de
      participation dans la société qui ne poursuit pas d’exploitation ne soient pas aliénés pendant 5
      ans. Afin que l’imposition dans le cadre d’une procédure de rappel d’impôt (art. 151 – 153
      LIFD) soit possible, l’actionnaire doit signer une déclaration correspondante (« revers ») »65.



      63
         Circulaire no 5, p. 63.
      64
         Annexe I à la Circulaire no 5, p. 34.
      65
         Idem, p. 35.


                                                                                                         27
Eric Duvoisin
                                                                                         Mémoire MBL
                                                                          Années Académiques 2004-2006

103   Pour l’actionnaire PM, une scission ne respectant pas l’exigence de la double continuation de
      l’exploitation a de toute façon un impact fiscal limité. En effet, si l’opération de scission ne
      qualifiant pas pour la neutralité fiscale entraîne « pour la participation dans la société
      appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage consenti, (...) un tel amortissement
      devrait être compensé par une réévaluation de la participation dans la société bénéficiaire.
      Ainsi, les conséquences fiscales pour la société-mère sont les mêmes que lors de l’octroi d’un
      avantage entre des entreprises apparentées »66. Par conséquent, le rendement de participation
      ainsi généré bénéficiera de la réduction pour participations dans l’hypothèse où l’actionnaire
      PM en remplit les conditions. Il faut néanmoins prêter attention aux participations qualifiant
      d’anciennes participations qui conservent leur qualification, comme dans une scission
      fiscalement neutre d’ailleurs (cf. chap. 2.2.5.3.).
      2.5.     Impôt sur le bénéfice / sur le revenu dans les états de fait internationaux
      2.5.1.   Scission vers la Suisse
104   Une scission d’une société-sœur étrangère vers sa société-sœur suisse est possible, pour autant
      qu’elle soit une construction juridique autorisée par le droit étranger ; en effet, pour ce qui est
      du droit suisse, la LFus « est applicable aux opérations transfrontalières »67.
105   Pour un tel cas de figure, la question de la neutralité fiscale de la scission ne semble pas se
      poser en Suisse vu que c’est la société étrangère qui éventuellement transfère et réalise ses
      réserves latentes. Du point de vue de l’impôt suisse sur le bénéfice, « la scission vers la Suisse
      doit être considérée comme un apport en nature [à la société suisse] »68.
106   Par contre se pose la question de savoir comment la société-sœur suisse va comptabiliser les
      actifs et passifs reçus, en particulier à quelles valeurs. « Elle peut [les] comptabiliser à la
      valeur comptable. Néanmoins, ceci n’est pas autorisé lorsque les réserves latentes transférées
      sont réalisées fiscalement à l’étranger et ainsi imposées. [Il est à noter] que le refus de pouvoir
      inscrire les actifs et passifs transférés à valeur comptable vaut tant en cas réalisation fiscale
      immédiate qu’en cas de report de l’imposition par l’autorité fiscale étrangère. Ceci a pour but
      d’éviter une double imposition en Suisse des réserves latentes provenant de l’étranger. (...) Il
      est possible pour la société suisse de montrer au bilan de manière séparée la valeur comptable
      des actifs et passifs transférés et les réserves latentes réalisées fiscalement à l’étranger. Enfin,



      66
         Circulaire no 5, p. 63.
      67
         Idem, p. 11.
      68
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 180 (traduction non officielle).


                                                                                                       28
Eric Duvoisin
                                                                                         Mémoire MBL
                                                                          Années Académiques 2004-2006

      le traitement fiscal de la scission vers la Suisse chez l’actionnaire, étranger ou Suisse, n’a pas
      d’influence sur [ce qui a été dit plus haut] »69.
      2.5.2.   Scission vers l’étranger
107   Comme constaté ci-dessus (cf. chap. 2.5.1.), la LFus autorise de telles opérations. Pour ces
      opérations, c’est bien en Suisse que la question de l’imposition des réserves latentes scindées
      vers la société-sœur étrangère se pose. Dans ces cas, c’est la condition du maintien de
      l’assujettissement en Suisse qui peut s’avérer particulièrement problématique.
108   « Une scission vers l’étranger est fiscalement neutre aussi longtemps que l’exploitation ou
      partie distincte d’exploitation transférée vers l’étranger [continue d’être] conduite en Suisse
      en tant que lieu de l’exploitation [outre le respect des autres conditions de la neutralité
      fiscale]. Si des immeubles sont transférés avec l’exploitation, [la condition ci-dessus] est
      respectée si l’immeuble reste imposable en Suisse aux termes de l’art. 51 al. 1 lit. c LIFD »70.
109   « Une scission vers [une société-sœur étrangère] peut se faire en neutralité fiscale en Suisse
      dans la mesure où la méthode de répartition internationale garantit qu’une imposition des
      réserves latentes transférées [reste possible]. La répartition selon la méthode objective ainsi
      que la répartition selon la méthode directe par quotes-parts [offrent cette garantie] »71.
110   Dans tous les autres cas que ceux mentionnés ci-dessus, la scission vers l’étranger ne peut
      s’effectuer en neutralité fiscale.
      2.5.3.   Actionnaire
111   Il s’agit de savoir si la scission transfrontalière au niveau des droits de participation de
      l’actionnaire déclenche des conséquences au regard de l’impôt sur le bénéfice / revenu.
      « Dans le cas d’une scission vers l’étranger, où les conditions d’une scission en neutralité
      fiscale sont réunies [(en particulier, la condition du maintien de l’exploitation en Suisse ; cf.
      chap. 2.5.2.)], l’actionnaire ne subit pas de conséquences fiscales au niveau de l’impôt
      direct »72.
112   « Tant pour l’actionnaire qui détient la société transférante dans sa fortune privée que celui
      qui la détient dans sa fortune commerciale, l’échange effectif ou économique [(augmentation
      de la valeur nominale chez la société reprenante contre réduction de la valeur nominale chez
      la société transférante)] de participations est neutre du point de vue de l’impôt direct ;
      néanmoins, pour l’actionnaire, l’octroi de participations dans la société reprenante pour une

      69
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 181 (traduction non officielle).
      70
         Idem, n. 182 (traduction non officielle).
      71
         Idem, n. 183 (traduction non officielle).
      72
         Idem, n. 185 (traduction non officielle).


                                                                                                     29
Eric Duvoisin
                                                                                         Mémoire MBL
                                                                          Années Académiques 2004-2006

      valeur nominale plus élevée [que celle des participations échangées dans la société
      transférante], des paiements compensatoires ou d’autres avantages appréciables en argent
      accordés sur les réserves de la société [transférante] sont considérés comme un
      bénéfice/revenu imposable (même si la réduction pour participations peut dans ce cas trouver
      application pour l’actionnaire PM) »73.
      2.6.     Impôt sur les gains immobiliers
113   « Lorsque les conditions d’une restructuration en franchise d’impôt sont réalisées, la neutralité
      de l’imposition du gain immobilier est assurée [tant pour les cantons appliquant le système
      dualiste que ceux appliquant le système moniste] »74. Ceci est garanti par l’art. 12 al. 4 lit. a
      LHID. L’imposition des gains immobiliers répond donc à la même logique que l’imposition
      du bénéfice pour ce qui est de la neutralité fiscale.
114   Pour mémoire, rappelons que le système dualiste consiste à imposer au moyen d’un impôt
      séparé seulement les gains immobiliers provenant d’immeubles dans la fortune privée ; par
      contre, le système moniste implique le prélèvement séparé tous les gains immobiliers.
      2.7.     Droit de mutation
115   L’art. 103 de la LFus stipule que « la perception de droits de mutation cantonaux ou
      communaux est exclue en cas de restructuration [respectant les conditions de la neutralité
      fiscale] »75. Néanmoins, une clause d’entrée en vigueur retardée est prévue pour cette
      disposition à l’art. 111 al. 3 LFus ; selon cette dernière, la neutralité fiscale d’une scission
      quant à au droit de mutation ne sera imposée aux cantons qu’à partir du 1er juillet 2009.
116   « La majorité des cantons prévoient déjà une norme mettant en application la non-perception
      du droit de mutation dans le cas d’une scission respectant les conditions de la neutralité fiscale
      [telles qu’énoncées plus haut] ; [il est malheureux de constater que tous] les cantons
      [romands] restreignent ou ne prévoient pas encore, à ce jour, l’exonération du droit de
      mutation »76. Pour ne citer qu’un exemple, à Genève, l’art. 33 al. 3 LDrEnr devrait être
      modifié au plus tard en 2009 afin de garantir la neutralité fiscale des scissions au regard du
      droit de mutation.




      73
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 186-187 (traduction non officielle).
      74
         OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1299.
      75
         Art. 103 LFus.
      76
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 194 (traduction non officielle).


                                                                                                     30
Eric Duvoisin
                                                                                     Mémoire MBL
                                                                      Années Académiques 2004-2006

      2.8.     Impôt anticipé
      2.8.1.   Transaction entre sociétés suisses
      2.8.1.1. Exception selon l’art. 5 par. 1 lit. a LIA
117   « L’article 5, alinéa 1, lettre a LIA prévoit une exception en ce sens que les réserves et les
      bénéfices d’une société qui, lors d’une restructuration au sens de l’article 61 LIFD, passent
      dans les réserves d’une société de capitaux (...) reprenante, ne sont pas soumises à l’impôt
      anticipé. Cette exception est fondée sur le fait que la substance fiscale transférée reste
      imposable en Suisse »77.
118   Nous pouvons donc constater que le sort des réserves latentes transférées à l’occasion d’une
      scission au regard de l’impôt anticipé suit donc fidèlement celui réservé par l’impôt sur le
      bénéfice.
      2.8.1.2. Contre-prestations ne respectant pas l’art. 61 al. 1 lit. b LIFD
119   Vu le renvoi de l’art. 5 al. 1 lit. a LIA à tout l’art. 61 LIFD, nous devons constater que les
      contre-prestations effectuées par la société reprenante en raison d’une scission seront
      imposées dans la mesure où elles ne respectent pas les conditions de l’al. 1 lit. b de cet art.
120   « Si les conditions d’une scission fiscalement neutre selon l’article 61, alinéa 1, lettre b LIFD
      ne sont pas remplies (l’exigence de l’exploitation faisant défaut), un avantage est octroyé à
      une société-sœur, qui est soumis à l’impôt anticipé. En raison de l’application de la théorie du
      bénéficiaire direct, la société reprenante bénéficiaire de la prestation est l’ayant droit au
      remboursement »78.
121   Peuvent notamment être qualifiées de contre-prestations soumises à l’impôt anticipé « les
      augmentations de capital nominal (...), [et] les paiements de soultes (sous réserve des
      paiements compensatoires d’un montant égal à une réduction de capital nominal en relation
      avec [la scission]) »79.
122   Nous renvoyons le lecteur aux chap. 2.2.4. et 2.3.3. pour tout développement ultérieur quant
      aux opérations de scission qui peuvent faire échouer l’application de l’art. 61 al. 1 lit. b.
      2.8.2.   Scission vers une société non soumise à l’impôt anticipé
123   De manière générale, il peut être affirmé qu’une « scission vers une [société-sœur] non
      soumise à l’impôt anticipé (p. ex., un fond de placement avec une propriété foncière directe)



      77
         Circulaire no 5, p. 65.
      78
         Idem.
      79
         OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1314.


                                                                                                        31
Eric Duvoisin
                                                                                         Mémoire MBL
                                                                          Années Académiques 2004-2006

      n’est pas neutre du point de vue fiscale et conduit donc à la perception de l’impôt anticipé lors
      de la scission ».
124   En effet, comme la société bénéficiaire n’est pas soumise à l’impôt anticipé, l’AFC perdrait la
      mainmise sur le substrat fiscal en accordant la neutralité fiscale à une scission telle que décrite
      ci-dessus.
      2.8.3.   Scission d’une société non soumise à l’impôt anticipé
125   « Si une société non-soumise à l’impôt anticipé (p. ex., un fond de placement avec une
      propriété foncière directe) se scinde en faveur d’une société-sœur soumise à l’impôt anticipé,
      il n’y pas de conséquences au regard de cet impôt lors de la scission »80. Il s’agit des
      conséquences directes concernant l’impôt anticipé.
126   Par contre, l’impôt latent généré lors d’une scission telle que décrite ci-dessus est le suivant.
      Si d’une part, « les fonds propres [(p. ex., des réserves ouvertes et latentes)] transmis par
      scission et qui passent dans le capital nominal de la société reprenante ne génèrent pas
      d’impôt anticipé latent, [d’autre part] les autres fonds propres transférés sont soumis à un
      impôt anticipé latent »81 qui sera perçu lors de la réalisation de ces fonds propres transférés.
      2.8.4.   Scission transfrontalière
      2.8.4.1. Scission vers la Suisse
127   Dans le cadre d’une scission d’une société étrangère vers sa société-sœur suisse, « les réserves
      ouvertes et latentes vont être déplacées dans le champ d’application [territorial] de l’impôt
      anticipé suisse [et donc créer un impôt latent]. Seules les réserves transférées qui sont utilisées
      pour créer du capital nominal dans la société-sœur reprenante permettent d’éviter [l’impôt
      anticipé latent] »82.
128   Du point de vue de l’impôt anticipé suisse, la question n’est donc pas dans ce cas de figure de
      savoir si la scission vers la Suisse peut se faire en neutralité fiscale (c’est le cas en Suisse !)
      mais bien si la création d’un impôt latent peut être évité. A ce sujet, nous renvoyons le lecteur
      aux conséquences du point de vue du droit de timbre d’émission quant aux scissions
      transfrontalières à destination d’une société-sœur suisse (cf. chap. 2.9.1.3.).
      2.8.4.2. Scission vers l’étranger
129   Au contraire du cas ci-dessus (cf. chap. 2.8.4.1.), le cas de figure d’une société-sœur suisse
      qui se scinde en faveur de sa société-sœur étrangère fait quitter les réserves scindées du


      80
         WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 215 (traduction non officielle).
      81
         Idem.
      82
         Idem, n. 218 (traduction non officielle).


                                                                                                         32
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles
MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles

Contenu connexe

En vedette

La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en Afrique
La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en AfriqueLa veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en Afrique
La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en AfriqueNé Kid
 
Paredes de bruselas
Paredes de bruselasParedes de bruselas
Paredes de bruselasJNR
 
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennes
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennesPlaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennes
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennesMaximilien Pamart
 
Anaerobios rocedimientos en microbiología clínica
Anaerobios  rocedimientos en microbiología clínicaAnaerobios  rocedimientos en microbiología clínica
Anaerobios rocedimientos en microbiología clínicaPrivada
 
Gérer la communication numérique communale (table des matières)
Gérer la communication numérique communale  (table des matières)Gérer la communication numérique communale  (table des matières)
Gérer la communication numérique communale (table des matières)Philippe Allard
 
Techniques et Principes de GameStorming
Techniques et Principes de GameStormingTechniques et Principes de GameStorming
Techniques et Principes de GameStormingcalmr.io
 
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86Uploads newbb 4725_47be9190b1e86
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86bant9ahba
 
Présentation MIP 2016
Présentation MIP 2016Présentation MIP 2016
Présentation MIP 2016Bich Van Hoang
 

En vedette (20)

La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en Afrique
La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en AfriqueLa veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en Afrique
La veille de Né Kid du 071211 : Le téléphone mobile en Afrique
 
Réseaux sociaux et entreprises
Réseaux sociaux et entreprisesRéseaux sociaux et entreprises
Réseaux sociaux et entreprises
 
Textos periodísticos
Textos periodísticosTextos periodísticos
Textos periodísticos
 
Paredes de bruselas
Paredes de bruselasParedes de bruselas
Paredes de bruselas
 
Gas Summit Esp
Gas Summit EspGas Summit Esp
Gas Summit Esp
 
Livre recette
Livre recette Livre recette
Livre recette
 
Cuadernillo
CuadernilloCuadernillo
Cuadernillo
 
Medición datos nominales
Medición datos nominalesMedición datos nominales
Medición datos nominales
 
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennes
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennesPlaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennes
Plaquette-master2_carrieres_juridiques_internationales_et_europennes
 
PD Latest
PD LatestPD Latest
PD Latest
 
Requerimientos funcionales 2
Requerimientos funcionales 2Requerimientos funcionales 2
Requerimientos funcionales 2
 
Anaerobios rocedimientos en microbiología clínica
Anaerobios  rocedimientos en microbiología clínicaAnaerobios  rocedimientos en microbiología clínica
Anaerobios rocedimientos en microbiología clínica
 
Investigación cualitativa
Investigación cualitativaInvestigación cualitativa
Investigación cualitativa
 
Snapchat
SnapchatSnapchat
Snapchat
 
Présentation ESS
Présentation ESSPrésentation ESS
Présentation ESS
 
Gérer la communication numérique communale (table des matières)
Gérer la communication numérique communale  (table des matières)Gérer la communication numérique communale  (table des matières)
Gérer la communication numérique communale (table des matières)
 
Techniques et Principes de GameStorming
Techniques et Principes de GameStormingTechniques et Principes de GameStorming
Techniques et Principes de GameStorming
 
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86Uploads newbb 4725_47be9190b1e86
Uploads newbb 4725_47be9190b1e86
 
Projet master
Projet masterProjet master
Projet master
 
Présentation MIP 2016
Présentation MIP 2016Présentation MIP 2016
Présentation MIP 2016
 

Plus de EricDuvoisin

CV (english version)
CV (english version)CV (english version)
CV (english version)EricDuvoisin
 
CV (version française)
CV (version française)CV (version française)
CV (version française)EricDuvoisin
 
Impôts 2012 Genève
Impôts 2012 GenèveImpôts 2012 Genève
Impôts 2012 GenèveEricDuvoisin
 
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An Analysis
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An AnalysisThe Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An Analysis
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An AnalysisEricDuvoisin
 
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...EricDuvoisin
 
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...EricDuvoisin
 
Impôts 2011 Genève
Impôts 2011 GenèveImpôts 2011 Genève
Impôts 2011 GenèveEricDuvoisin
 
Article 2008 Expert-Comptable
Article 2008 Expert-ComptableArticle 2008 Expert-Comptable
Article 2008 Expert-ComptableEricDuvoisin
 

Plus de EricDuvoisin (10)

CV (english version)
CV (english version)CV (english version)
CV (english version)
 
CV (version française)
CV (version française)CV (version française)
CV (version française)
 
Tax 2012 Geneva
Tax 2012 GenevaTax 2012 Geneva
Tax 2012 Geneva
 
Impôts 2012 Genève
Impôts 2012 GenèveImpôts 2012 Genève
Impôts 2012 Genève
 
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An Analysis
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An AnalysisThe Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An Analysis
The Netherlands–Switzerland Income Tax Treaty (2010) – An Analysis
 
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...
Overview over cantonal tax law developments of selected cantons (Fribourg, Ge...
 
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...
Aperçu des nouveautés introduites par certains cantons dans le cadre de la ré...
 
Impôts 2011 Genève
Impôts 2011 GenèveImpôts 2011 Genève
Impôts 2011 Genève
 
Tax 2011 Geneva
Tax 2011 GenevaTax 2011 Geneva
Tax 2011 Geneva
 
Article 2008 Expert-Comptable
Article 2008 Expert-ComptableArticle 2008 Expert-Comptable
Article 2008 Expert-Comptable
 

MBL Thesis: Spin-off and transfer of assets and liabilities between sister companies – Swiss taxation principles

  • 1. Années Académiques 2004-2006 Mémoire MBL Professeur Xavier Oberson Scission et transfert de patrimoine entre sociétés-sœurs - Imposition au regard du droit fiscal suisse - Eric Duvoisin 15 juillet 2006
  • 2. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 Eric Duvoisin Universités de Genève et de Lausanne Faculté de droit Master of advanced studies in Business Law – MBL Lausanne, 15 juillet 2006 Scission et transfert de patrimoine entre sociétés-sœurs - Imposition au regard du droit fiscal suisse - Howard R. HULL Xavier OBERSON Expert fiscal diplômé Avocat, LL.M., docteur en droit International Tax Partner Prof. droit fiscal Ernst & Young SA Université de Genève 2
  • 3. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 Remerciements En préambule à ce mémoire de fin de postgrade, je tiens à exprimer mes remerciements à M. Howard R. Hull, International Tax Partner de la société Ernst & Young SA. Il m’a tout d’abord encadré et encouragé tout au long de la rédaction de ce travail. Enfin, il a mis à ma disposition sa grande expérience de la fiscalité. Je profite de cette occasion pour remercier mes autres collègues cadres chez Ernst & Young SA qui m’ont permis, lors du traitement de diverses problématiques sur leurs dossiers respectifs, d’accumuler l’expérience nécessaire dans le domaine de la fiscalité afin de produire le présent mémoire. Il s’agit en particulier de M. Kim H. Nguyên (Partner), Mme Marie-Hélène Revaz (Principal), MM. Bernhard Schopper et Cédric Bignens ainsi que Mmes Karen Simonin et Nancy Sturzenegger (tous Senior Manager). Par la même, je ne peux omettre de témoigner ma gratitude au Prof. Xavier Oberson qui, par ses cours au MBL, a assis en moi des bases solides en fiscalité. Celles-ci m’ont ainsi légitimé à affronter la problématique qui fait l’objet de ce travail. De plus, je ne saurai assez souligner l’apport du Prof. Xavier Oberson à la rédaction de ce travail de par son incontournable présence parmi la doctrine du droit fiscal. Enfin, last but not least, tous mes remerciements vont à mes parents, Marilene et Bertrand ainsi qu’à mes deux frères, Paul et Michael, et à ma compagne, Aline, pour la patience et le soutien indéfectible dont ils ont fait preuve à mon égard tout au long de la rédaction de mon travail. D’ailleurs, le travail de relecture effectué par mon père ainsi que par Paul sont appréciés à leur juste mesure. 3
  • 4. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 Résumé sommaire Il existe deux types de restructuration entre sociétés-sœurs profitant d’exonérations fiscales. Il s’agit de la scission verticale ainsi que du transfert de patrimoine intragroupe. Ces deux notions peuvent diverger des termes similaires retenus au niveau du droit civil. Par conséquent, tant la scission verticale que le transfert de patrimoine intragroupe sont appréciés du point de vue fiscal dans le cadre de notre travail (respectivement selon les art. 61 al. lit. b LIFD et 61 al. 3 LIFD). L’art. 61 al. 1 lit. b LIFD fixe les conditions suivantes pour l’octroi de la neutralité fiscale à une scission entre sociétés-sœurs : la société-sœur reprenante doit rester assujettie en Suisse suite à la scission, ce qui peut poser problème en cas de scission vers une société au bénéfice d’une exonération totale d’impôts ; les éléments scindés doivent être transférés à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice, ce qui peut poser problème en cas de scission en vue d’assainissement ; les éléments transférés par scission doivent constituer une exploitation /partie distincte d’exploitation, même s’il reste possible de transférer avec ceux-ci des éléments non nécessaires à l’exploitation pour autant : o que l’exploitation n’occupe pas une position subalterne, o que l’exploitation n’ait pas été transférée dans le seul but de l’exonération fiscale, et o que l’exploitation continue après la scission ; la société transférante mais aussi sa société-sœur reprenante doivent chacune assurer la continuité d’une exploitation après la scission. Ces conditions valent en général pour déterminer le bénéfice de la neutralité fiscale quel que soit l’impôt envisagé. Quant à l’art. 61 al. 3 LIFD, il fixe les conditions suivantes pour l’octroi de la neutralité fiscale à un transfert de patrimoine entre sociétés-sœurs : la société-sœur reprenante doit rester assujettie en Suisse suite à la scission, ce qui peut poser problème en cas de transfert vers une société au bénéfice d’une exonération totale d’impôts ; les éléments transférés doivent l’être à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice, ce qui peut poser problème en cas de transfert en vue d’assainissement ; les éléments transférés doivent constituer : o soit une exploitation / partie distincte d’exploitation, o soit des éléments immobilisés rattachés à une exploitation, o soit des participations détenues à 20% soit par la société (détention directe), soit par le groupe (détention indirecte) ; la société transférante et sa société-sœur reprenante doivent être réunies sous une direction unique, c’est-à-dire une personne morale possédant au minimum 50% des droits de vote dans chacune des sociétés (d’autres formes de direction unique peuvent être reconnues) ; durant un délai de 5 ans après le transfert de patrimoine intragroupe, ni la direction unique ne doit être abandonnée, ni les éléments transférés en neutralité fiscale ne doivent être aliénés. Ces conditions valent en général pour déterminer le bénéfice de la neutralité fiscale quel que soit l’impôt envisagé. 4
  • 5. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 Il ressort de ce comparatif que la scission donne la neutralité fiscale à des conditions moins strictes que celles retenues pour le transfert de patrimoine intragroupe. Néanmoins, le transfert de patrimoine intragroupe permet le transfert en neutralité fiscale d’une plus grande variété de biens patrimoniaux. Table des mots clés Scission Scission entre sociétés-sœurs selon la notion fiscale définie sous l’art. 61 al. 1 lit. b LIFD (sauf mention contraire). Selon la Circulaire no 5, la scission peut être qualifiée comme une « société (société transférante) [qui] transfère une ou plusieurs parts de son patrimoine à une autre société (société reprenante) contre l’octroi de droits de participation à ses titulaires de parts »1 Scission horizontale Démembrement de la société-mère à la société-fille selon la notion fiscale définie sous l’art. 61 al. 1 lit. d LIFD (sujet non traité dans le présent mémoire) Scission verticale cf. Scission Transfert de Transfert de patrimoine selon la notion fiscale définie sous l’art. 61 patrimoine al. 3 LIFD (sauf mention contraire). Selon la Circulaire no 5, « lors du transfert entre sociétés du groupe en Suisse, une société suisse transfère des valeurs patrimoniales à une autre société suisse dans laquelle elle ne détient pas de droits de participation. Cependant, une autre société (société-mère) réunit, par la détention de la majorité des voix ou d’une autre manière, la société transférante et la société reprenante sous une direction unique (groupe; art. 663e CO) »2 Transfert de cf. Transfert de patrimoine patrimoine intragroupe Table des abréviations AFC Administration fédérale des contributions al. alinéa(s) Arrêté Bonny Arrêté fédéral du 6 octobre 1995 en faveur des zones économiques en redéploiement (RS 951.93) art. article(s) ch. chiffre(s) 1 Circulaire no 5, p. 58. 2 Idem, p. 76. 5
  • 6. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 chap. chapitre(s) CO Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) (RS 220) FF Feuille fédérale LDrEnr Loi genevoise sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (RSG D 3 30) LFus Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (RS 221.301) LHID Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (RS 642.14) LIA Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l’impôt anticipé (RS 642.21) LIFD Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (RS 642.11) lit. lettre(s) LNPR Projet de Loi fédérale sur la Nouvelle Politique Régionale (projet 05.080) LT Loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (RS 641.10) n. note(s) no numéro(s) OIA Ordonnance d’exécution du 19 décembre 1966 sur l’impôt anticipé (RS 642.211) OT Ordonnance du 3 décembre 1973 sur les droits de timbre (RS 641.101) PM personne(s) morale(s) PP personne(s) physique(s) p. page(s) p. ex. par exemple par. paragraphe(s) Prof. Professeur RS Recueil systématique du droit fédéral RSG Recueil systématique genevois SA société(s) anonyme(s) SI société(s) immobilière(s) vol. volume(s) 6
  • 7. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 Plan sommaire (cf. Table des matières pour un plan détaillé) Remerciements .......................................................................................................................3 Résumé sommaire ..................................................................................................................4 Table des mots clés.................................................................................................................5 Table des abréviations ............................................................................................................5 1. Introduction ....................................................................................................................8 2. Traitement fiscal de la scission de personnes morales .....................................................9 2.1. Typologie ...................................................................................................................9 2.2. Impôt sur le bénéfice au niveau de l’entreprise ..........................................................10 2.3. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu de l’actionnaire .................................................22 2.4. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu en cas de non-respect des conditions de la neutralité fiscale ...................................................................................................................25 2.5. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu dans les états de fait internationaux ...................28 2.6. Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................30 2.7. Droit de mutation ......................................................................................................30 2.8. Impôt anticipé ...........................................................................................................31 2.9. Droit de timbre..........................................................................................................33 3. Traitement fiscal du transfert de patrimoine entre personnes morales ............................37 3.1. Typologie .................................................................................................................37 3.2. Transfert au sein du groupe .......................................................................................37 3.3. Impôt sur le bénéfice .................................................................................................39 3.4. Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................46 3.5. Droit de mutation ......................................................................................................46 3.6. Impôt anticipé ...........................................................................................................46 3.7. Droit de timbre..........................................................................................................47 4. Bilan comparatif ...........................................................................................................48 4.1. Impôt sur le bénéfice .................................................................................................49 4.2. Impôt sur les gains immobiliers.................................................................................51 4.3. Droit de mutation ......................................................................................................52 4.4. Impôt anticipé ...........................................................................................................52 4.5. Droit de timbre d’émission ........................................................................................52 4.6. Droit de timbre de négociation ..................................................................................53 5. Conclusion ................................................................................................................53 Table des matières ................................................................................................................55 Bibliographie ........................................................................................................................58 7
  • 8. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 1. Introduction 1 Les restructurations au sein des groupes de sociétés répondent aux besoins essentiels de ces structures, à savoir allouer de manière efficiente les activités exercées par le groupe (que ce soit en raison du marché visé, de la synergie entre certaines activités, de la profitabilité d’un secteur d’activité ou même en vue de préparer la vente d’une partie du groupe à un acquéreur). 2 Un des coûts principaux qui est pris en considération lors d’une restructuration est la charge fiscale directe ou latente qu’implique une telle opération. Pour répondre aux incertitudes ou aux insatisfactions qui réglaient ces restructurations jusqu’à peu, le législateur fédéral a récemment adopté la LFus. 3 Modifiant la LIFD, la LIA, la LT et d’autres lois en ce qui concerne les dispositions réglant les restructurations, ce nouvel ordre juridique ouvre un éventail de possibilités non négligeable permettant d’effectuer, en neutralité fiscale ou à un coût fiscal limité, des restructurations au sein d’un groupe de sociétés. 4 Parmi ces restructurations, il en est de deux types qui permettent à certaines sociétés-sœurs de transférer des actifs, des parties ou la totalité de leurs patrimoines à d’autres sociétés-sœurs du groupe. Ce sont la scission et le transfert de patrimoine, dont l’appréciation au regard du droit fiscal suisse fait l’objet de notre travail. 5 Vu l’importance de la matière, il nous paraît essentiel de dresser, à titre préliminaire, un inventaire des sujets qui seront traités ainsi que de ceux qui seront écartés (pour cause d’intérêt pratique limité, de notre manque d’expérience dans la matière ou du maintien de notre travail dans une taille raisonnable). 6 Ainsi, seront traités : l’impôt sur le bénéfice des sociétés ; l’impôt sur le bénéfice de l’actionnaire ; l’impôt sur les gains immobiliers ; le droit de mutation ; l’impôt anticipé ; le droit de timbre d’émission ; le droit de timbre de négociation ; les opérations entre SA ; les opérations en Suisse ; les opérations de la Suisse vers l’étranger ; 8
  • 9. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 les opérations de l’étranger vers la Suisse. 7 Ne seront par contre pas abordés : Les opérations de restructuration au sein d’un groupe de sociétés entre des sociétés autre que des sociétés-sœurs ; la scission et le transfert de patrimoine hors d’un groupe de sociétés ; la fusion ; la transformation ; le droit civil de la scission et du transfert de patrimoine (dans la mesure où il n’influe pas sur le droit fiscal) ; les opérations entre une PM et une société de personnes ; les opérations entre sociétés de personnes ; les autres impôts que ceux mentionnés ci-dessus (en particulier, les impôts étrangers et la TVA). 2. Traitement fiscal de la scission de personnes morales 2.1. Typologie 8 A titre préliminaire, il nous faut souligner que la typologie des scissions en droit civil, instaurée par LFus, ne se recoupe pas forcément avec celle en droit fiscal, selon la LIFD. Nous ne traiterons que de la typologie des scissions impliquant une différenciation fiscale. 9 Le terme de scission s’applique uniquement aux cas où l’exploitation est transférée avec des fonds propres adaptés. 10 « Selon la LFus, une scission au sens fiscal peut dorénavant être effectuée [entre autres] ainsi en droit civil : division (art. 29 lit. a LFus) ; séparation (art. 29 lit. b LFus) »3. 11 La scission par division a lieu lorsque l’entité transférante transfère l’ensemble de son patrimoine à, au minimum, deux autres sociétés. La scission par séparation s’opère par transfert d’une ou plusieurs parts du patrimoine de l’entité transférante à une ou plusieurs autres sociétés. 12 Dans la perspective de scission intra-groupe, il est aussi indispensable de distinguer entre la scission verticale (entre sociétés-sœurs) et la scission horizontale (entre sociétés mère et fille). Dans le cadre de la scission verticale, « le droit fiscal exige le transfert d’une exploitation ou 3 Circulaire no 5, p. 59. 9
  • 10. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 partie d’exploitation mais admet la scission, même en l’absence de remise de droits de participation en échange des actifs transférés »4. Quant à la scission horizontale (démembrement), comme seule l’institution du transfert de patrimoine peut lui être appliquée selon le droit civil, elle fait l’objet d’un traitement fiscal différent de la scission (art. 61 al. a lit. d et al. 2 LIFD). 13 Par conséquent, en vue de notre étude du traitement fiscal de la scission intra-groupe des personnes morales, nous n’aborderons que la scission verticale à une société-sœur existante. Le transfert intragroupe (entre deux sociétés-sœurs) au sens de l’art. 61 al. 3 LIFD sera ultérieurement détaillé (cf. chap. 3) et comparé à la scission verticale quant à leurs conséquences fiscales respectives (cf. chap. 4). 14 La scission horizontale entre une mère et sa fille ne sera pas analysée dans le cadre de notre travail car elle ne peut faire l’objet que d’un type de restructuration en neutralité fiscale (art. 61 al. 1 lit. d LIFD) et ne peut par conséquent mener à un bilan comparatif, but déclaré de notre travail. 2.2. Impôt sur le bénéfice au niveau de l’entreprise 2.2.1. Conditions générales de la neutralité fiscale 2.2.1.1. Maintien de l’assujettissement fiscal en Suisse 15 Selon l’art. 61 al. 1 LIFD, les réserves latentes de la société transférée ne sont pas imposées lors de la scission si la société-sœur reprenante reste assujettie à l’impôt suisse (1ère des deux conditions générales cumulatives). 16 Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « la jurisprudence et la doctrine distinguent deux états de fait dans lesquels il n’y pas respect de la condition du maintien de l’assujettissement en Suisse : le transfert des réserves vers une entité suisse exonérée d’impôt sur le bénéfice ou vers une entité au bénéfice d’un régime fiscal privilégié ; le transfert vers une entité étrangère (scission vers l’étranger) »5. 17 La position de OBERSON/GLAUSER concernant la scission vers une entité au bénéfice d’un statut fiscal privilégié est plus nuancée. En effet, dans un tel cas, il n’y pas de raison de remettre en cause la neutralité fiscale de l’opération car « les réserves latentes transférées ne devraient en pratique pas pouvoir bénéficier, après l’opération [de scission], bénéficier d’un régime plus favorable qu’il ne l’était auparavant. En effet, comme la [scission] (...) implique 4 OBERSON/GLAUSER (2004), p. 69. 5 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 20 (traduction non officielle). 10
  • 11. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 la reprise (...) d’une exploitation (scission verticale), le statut privilégié de la société issue de l’opération sera soit remis en question du fait de la transaction [(p. ex., une exploitation commerciale transférée à une société au bénéfice du statut holding)], soit ne fera que perpétuer une situation qui existait déjà chez la société (...) scindée avant l’opération [(p. ex., transfert d’exploitation liée à une activité à l’étranger d’une société auxiliaire à une autre société auxiliaire)] »6. 2.2.1.2. Transfert à la valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice 18 La seconde des conditions générales cumulatives posée par l’art.61 al. 1 LIFD est que les éléments commerciaux soient repris à leur dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice. 19 Il est à noter que « la réalisation de certaines réserves latentes sur les actifs ou passifs à transférer effectuée avant la scission par la société transférante au moyen d’une réévaluation comptable [par rapport à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice] de même que la réalisation de certaines réserves latentes sur les actifs ou passifs transférés opérée par la société reprenante n’entraînent pas la perte totale du bénéfice de la neutralité fiscale. Seules les réserves latentes ainsi réalisées ne bénéficieront pas de la neutralité fiscale »7. 20 Selon la pratique de l’AFC, une reprise d’impôts peut être effectuée dans certains cas où les deux conditions générales de la neutralité fiscale sont respectées lors de la scission mais risquent de ne plus l’être par la suite. « [Par exemple], si une scission est effectuée dans le but d’assainir la société reprenante, il convient d’examiner si l’impôt sur le bénéfice afférent aux réserves latentes transférées disparaît et s’il y a évasion fiscale. Comme l’octroi ordinaire d’un avantage entre sociétés apparentées [renforcé, dans le cadre notre étude, par la sororité des sociétés], un tel procédé génère une imposition, auprès de la société transférante, des réserves latentes non imposées transférées. La société reprenante peut faire valoir les réserves latentes correspondantes imposées comme bénéfice »8. 2.2.2. Cas de réalisation 21 Selon l’aveu même du Conseil fédéral, « les dispositions concernant les restructurations de la LIFD (...) donnent faussement l’impression que le droit fiscal fédéral harmonisé est fondé sur une notion purement formelle de la réalisation des réserves latentes, alors que ces dispositions 6 OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1254-1255. 7 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 20 (traduction non officielle). 8 Circulaire no 5, p. 64. 11
  • 12. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 ne règlent l’abandon de l’imposition des réserves latentes que lorsqu’il y a effectivement une réalisation sur la base des dispositions générales de détermination du bénéfice. »9. 22 En effet, même si le principe de l’opposabilité des comptes reste applicable, l’appréciation des autorités fiscales quant à la réalisation des réserves latentes se fait selon une appréciation économique. 23 « Les autorités fiscales et une partie de la doctrine sont (...) de l’avis que, dans le cadre d’une restructuration, les réserves latentes transférées sont en principe réalisées et que ainsi la société transférante tombe sous le coup d’un des cas de réalisation ; l’imposition est néanmoins ajournée en cas de respect des conditions de la neutralité fiscale »10. 2.2.3. Conditions spécifiques de la neutralité fiscale 2.2.3.1. Personnes morales 24 L’art. 61 al. 1 lit. b traite de la neutralité fiscale de la scission qui a lieu entre personnes morales ; cet art. ne définit pas la portée du terme personnes morales. Néanmoins, dans le cadre de notre travail (cf. 1.), il suffit de savoir que, selon l’art. 49 al. 1 LIFD, la SA est considérée comme une personne morale au sens de l’art. 61 al. lit. b LIFD. 25 Pour une réflexion poussée plus avant sur la notion de personnes morales mentionnée ci- dessus, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER11. 2.2.3.2. Transfert d’une exploitation ou d’une partie distincte d’exploitation 26 La scission en neutralité fiscale est soumise à la première condition spécifique suivante. La scission doit consister en le transfert d’une exploitation ou d’une partie distincte d’exploitation. Cette condition ressort de l’art. 61 al. 1 lit. b LFID. 27 « Le terme exploitation signifie (...) un ensemble d’éléments patrimoniaux de nature organisationnelle et technique qui constitue une entité relativement autonome pour la production d’une prestation fournie par l’entreprise »12. Quant au terme partie distincte d’exploitation, il s’agit de « la plus petite unité d’une entreprise viable par elle-même »13. 28 Dans les cas concrets, pour vérifier l’application de cette condition, deux méthodes semblent se présenter. D’une part, RIEDWEG propose d’effectuer « une analyse qualitativement complète de tous les aspects économiques et entrepreneuriaux objectifs et subjectifs. A cet égard, des éléments quantitatifs, comme un certain nombre d’employés propres ou mandatés 9 FF 2000 4024, ch. 1.3.9.2 10 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 27 (traduction non officielle). 11 Idem, n. 34-39 (traduction non officielle). 12 RIEDWEG, p.271. 13 Circulaire no 5, p. 61. 12
  • 13. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 ou des relations de coûts et recettes, peuvent dans des cas particuliers être pris comme référence. Ces éléments quantitatifs sont cependant lors de l’appréciation de l’existence d’une exploitation ou d’une partie distincte d’exploitation (...) peu déterminants »14. 29 La pratique de l’AFC, codifiée par la Circulaire no 5, semble accorder nettement plus d’importance à l’appréciation quantitative de la scission (cf. ci-dessus) en n’étendant pas seulement son application à des cas particuliers15. L’AFC tient néanmoins à garder une certaine marge de manœuvre dans la qualification d’exploitation ou de partie distincte d’exploitation en soulignant qu’une « exploitation peut aussi comporter des actifs non nécessaires à l’exploitation (...), à condition que l’exploitation n’occupe pas de ce fait une position subalterne, qu’elle n’ait pas été créée uniquement dans le but d’une scission en neutralité fiscale et qu’elle soit poursuivie dans le futur »16 (cf. 2.2.3.3.). 30 L’application de la condition du transfert d’une exploitation ou d’une partie d’exploitation peut être difficile à concrétiser pour des sociétés qui exercent une activité qui ne semble, à première vue pas assimilable à une exploitation. C’est en particulier le cas des sociétés de participations, des SI et des sociétés financières. Pour une application de la condition mentionnée ci-dessus aux sociétés en question, nous renvoyons le lecteur à l’explication de WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER17. Nous mentionnons déjà également au lecteur que le transfert de patrimoine intragroupe (cf. chap. 3) peut se révéler approprié pour transférer des actifs et passifs d’une société-sœur si ceux-ci ne qualifient pas en tant qu’exploitation ou partie distincte d’exploitation selon l’art. 61 LIFD (cf. chap. 4). 2.2.3.3. Poursuite de l’exploitation ou de la partie distincte d’exploitation 31 La LFus requiert, comme seconde condition spécifique de la scission en neutralité fiscale, que les deux entités scindées poursuivent chacune de leur côté une activité (double exigence d’exploitation). Cette exigence est retranscrite à l’art. 61 al. 1 lit. b LFID. Selon la Circulaire no 5, « une poursuite inchangée tant de l’exploitation transférée lors de la scission que de l’exploitation non transférée, n’est pas exigée »18. 14 RIEDWEG, p.271. 15 Circulaire no 5, p. 61. 16 Idem. 17 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 53-67. 18 Circulaire no 5, p. 60. 13
  • 14. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 32 « Cette condition, interprétée téléologiquement, a pour but d’empêcher les cas de liquidation abusives post-scission, c’est-à-dire des scissions ayant pout but la liquidation ultérieure et dissimulée de l’exploitation ou partie distincte d’exploitation transférée ou restante »19. 33 Néanmoins, la pratique semble plus généreuse que l’interprétation téléologique ne peut le laisser supposer. « La condition de la continuation n’est pas une condition résolutoire, à l’inverse de la condition du délai de blocage par exemple. La manifestation de la volonté de continuer l’exploitation ou la partie distincte d’exploitation suffit en vue de la constatation définitive que la double continuation d’exploitation a bien lieu lors de la scission et/ou qu’il n’y a pas de liquidation partielle ou d’aliénation »20. 34 Contrairement au délai de blocage prévu pour d’autres types de restructuration (cf. chap. 3.3.3.2.), « la condition de la continuation de l’exploitation s’examine seulement au moment de la scission [et non après ce moment]. (…) Par conséquent, le comportement de l’actionnaire après la scission n’est pas relevant [dans l’appréciation de la condition mentionnée ci-dessus] »21. 35 En définitive, la condition de la continuation de l’exploitation ou de la partie d’exploitation semble avoir pour principale préoccupation que la neutralité fiscale ne soit accordée que dans les cas où les réserves latentes afférentes à des actifs nécessaires à l’exploitation restent attachés à ces actifs après la scission. 2.2.3.4. Délai de blocage 36 Dans le cas de la scission verticale que nous traitons ici, le législateur a renoncé à introduire l’exigence d’un délai de blocage. A notre avis, une telle condition ne fait en effet de sens que dans le cas où l’opération de restructuration implique un transfert des actions de la société reprise, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans la scission verticale au sein d’un groupe (cf. chap. 2.1.). 37 Selon la Circulaire no 5, « c’est sciemment qu’on a renoncé à ancrer dans la loi un délai de blocage portant sur l’aliénation des droits de participation des sociétés concernées par la scission (société issue de la scission et société scindée). Selon la volonté du législateur, le comportement des titulaires de parts ne doit pas déployer d'effets sur l’impôt sur le bénéfice »22. 19 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 69 (traduction non officielle). 20 Idem. 21 Idem, n. 70 (traduction non officielle). 22 Circulaire no 5, p. 60. 14
  • 15. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 2.2.4. Modifications possibles des fonds propres suite à la scission 38 La scission verticale entre deux sociétés d’un groupe peut affecter de plusieurs manières les fonds propres respectivement de la société scindée et de la société reprenante. Nous allons sous ce chapitre 2.2.4. exposer les divers modus operandi de la scission verticale quant à son impact sur les fonds propres en prenant comme point de départ la modification des fonds propres de la société scindée suite à la scission. 39 A titre préliminaire, nous rappelons au lecteur que le bénéfice de la neutralité fiscale de l’opération de scission intra-groupe pour les impôts directs dépend du respect des conditions exposées sous 2.2.1. et 2.2.3. Dans ce chapitre 2.2.4., nous nous contentons d’inventorier les formes que peut prendre une scission verticale au bénéfice de la neutralité fiscale mentionnée ci-dessus. 2.2.4.1. Réduction de capital 40 En premier lieu, la scission verticale peut être effectuée au moyen d’une réduction de capital chez la société scindée. « En règle générale, la société scindée réduira son capital à hauteur de l’augmentation du capital nominal chez la société reprenante, ceci afin d’éviter des conséquences fiscales chez la société (impôt anticipé) et chez l’actionnaire PP de la société transférante (impôt sur le revenu) »23. Ces conséquences ne poseront problème que pour l’actionnaire PP de la société transférante ; en effet, dans le cas d’un actionnaire PM, la procédure de déclaration permettra d’éviter la perception de l’impôt anticipé et la réduction pour participation permettra d’éviter l’imposition sur le bénéfice. 41 Cette solution aura la préférence de la société scindée, pour éviter les conséquences fiscales mentionnées ci-dessus, lorsque la société scindée ne bénéficie pas de réserves librement disponibles en quantité suffisante. 2.2.4.2. Réserves ouvertes 42 La scission peut s’effectuer sans réduction de capital à condition que la société transférante bénéficie de réserves ouvertes en quantité suffisante ; dans ce cas, la valeur de l’exploitation cédée par scission sera imputée sur les réserves de la société transférante. 43 « Cette méthode ne sera en général utilisée pour la scission que si les actionnaires, respectivement de la société transférante et de la société reprenante, possèdent des parts aux mêmes proportions dans les deux sociétés mentionnées ci-dessus »24. Dans notre cas de figure d’une scission verticale intra-groupe, cette possibilité est évidemment ouverte à l’actionnaire. 23 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 84 (traduction non officielle). 24 Idem, n. 85 (traduction non officielle). 15
  • 16. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 44 « Dans le cas où la société transférante se scinde en réduisant uniquement ses réserves ouvertes (et non son capital-actions) et que la société reprenante utilise une partie des réserves ouvertes ainsi transférées pour créer du capital-actions pour l’actionnaire de la société transférante, il y aura perception de l’impôt anticipé ainsi qu’imposition au niveau du revenu de l’actionnaire »25. 45 En effet, cette construction est, à juste titre, considérée comme une distribution de réserves ouvertes du moment que la création de capital n’a pas été compensée par une diminution chez la société transférante. Les conséquences mentionnées ci-dessus ne poseront problème que pour l’actionnaire PP de la société transférante (cf. chap. 2.2.4.1.). 2.2.4.3. Utilisation d’actions propres 46 Outre la contrepartie, en capital-actions créé et/ou réserves ouvertes, versée à l’actionnaire de la société transférante, la société reprenante peut également dédommager l’actionnaire de la société transférante au moyen d’actions propres. 47 A titre préliminaire, nous rappelons que l’utilisation d’actions propres doit se faire aux conditions des art. 4a al. 2 LIA et 20 al. 1 lit. c LIFD (dans le cas d’un actionnaire PP). C’est- à-dire que les actions propres utilisées pour le dédommagement de l’actionnaire PP ne déclenchent pas les conséquences d’une liquidation partielle directe pour autant que ces actions propres aient été détenues moins de 6 ans. 48 « Pour l’actionnaire de la société transférante, est sans importance le procédé utilisé par la société reprenante pour obtenir les actions propres à distribuer (que ce soit par une augmentation de capital, un achat de titres sur le marché ou une acceptation de titres dans le cadre de la scission) du moment qu’il existe une participation réciproque. (...) Dans ce cas, l’actionnaire reçoit en effet ces actions propres comme compensation pour la perte de valeur de ses parts à la société transférante (rémunération). (...) Il est donc possible d’en déduire que l’utilisation d’actions propres comme compensation pour l’actionnaire de la société transférante est et/ou reste une opération neutre fiscalement »26. 2.2.4.4. Vente à valeur comptable par excédent d’actifs 49 Il s’agit du cas où la société transférante se scinde en transférant à la société reprenante une exploitation dont la valeur à l’actif dépasse les fonds propres / fonds étrangers qui sont transférés avec cette exploitation. Il y a donc excédent d’actifs. 25 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 86 (traduction non officielle). 26 Idem, n. 88 (traduction non officielle). 16
  • 17. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 50 Il est ici possible que la société reprenante au sein du groupe se retrouve alors avec une dette face à sa société-sœur transférante (qui elle-même devient créancière de sa société-sœur) d’un montant égal à l’excédent d’actifs. 51 La question se pose de savoir si ce mode de faire bénéficie de la neutralité fiscale. La Circulaire no 5 pose comme préalable qu’« il ne peut y avoir scission sans incidence fiscale que si une part appropriée des fonds propres (capital-actions et/ou réserves ouvertes) est transférée avec l’exploitation »27. 52 Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « lorsque, lors d’une scission, l’excédent d’actifs est acquitté en espèces ou que lorsqu’il est acquitté par une dette, les réserves latentes restent attachées de manière inchangée aux actifs et passifs transférés. (...) [La question de la neutralité fiscale] se révèle donc être ici une question purement académique. (...) Par conséquent, la limitation de l’AFC [, prônée la Circulaire no 5 (cf. ci-dessus),] va, selon une interprétation purement littérale, beaucoup trop loin et rendrait superflu la base légale »28. 2.2.4.5. Excédent de passifs 53 Il s’agit du cas où la société transférante se scinde en transférant à la société reprenante une exploitation dont la valeur à l’actif est inférieure aux fonds propres / fonds étrangers qui sont transférés avec cette exploitation. Il y a donc excédent de passifs. 54 « Une scission avec excédent de passifs peut être effectuée en neutralité fiscale de deux manières. Soit la société transférante crée une réserve d’un montant égal à l’excédent de passifs (et la société reprenante, qui doit disposer ici de réserves suffisantes, dissout sa réserve pour le même montant). Soit la société transférante comptabilise une dette vis-à-vis de sa sœur reprenante (qui, elle-même, comptabilise une créance en contrepartie) »29. 55 Au contraire des deux procédés précédents, « une scission avec un véritable excédent de passifs peut ne pas bénéficier de la neutralité au niveau fiscal. Il y a un véritable excédent de passifs lorsque la société transférante n’octroie aucune compensation à la société reprenante. Dans le cas où de nouvelles actions seraient émises pour l’actionnaire PP de la société transférante, il y aurait donc perception de l’impôt anticipé (au niveau de la société reprenante) et de l’impôt sur le revenu (au niveau de l’actionnaire) car le coût de l’émission des actions ne serait pas assumé par l’actionnaire »30. 27 Circulaire no 5, p. 60. 28 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 93 (traduction non officielle). 29 Idem, n. 96 (traduction non officielle). 30 Idem. 17
  • 18. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 2.2.5. Obligation fiscale et planification temporelle 2.2.5.1. Date limite de la scission et rétroactivité 56 La question qui se pose ici est de savoir quand débutent l’assujettissement, la période fiscale et la période de calcul de la société transférante et celui de la société reprenante. Par hypothèse, « on se fonde sur l’inscription au registre du commerce pour déterminer le bénéfice imposable. Il est alors nécessaire de procéder à une clôture des comptes [à la date inscrite au registre du commerce] »31. 57 Il peut en résulter des conséquences dérangeantes pour les deux sociétés qui devront subir deux périodes fiscales d’une durée inférieure à la durée usuelle de l’exercice commercial et cela occasionnera des frais supplémentaires (p. ex. : audit interne et externe des comptes intermédiaires, convocation des actionnaires). 58 Pour cette raison, la Circulaire no 5 prévoit une solution pragmatique en autorisant la rétroactivité de la scission sous réserve que « la réquisition d’inscription et la décision de scission [soient] déposées au registre du commerce dans les six mois suivant la date-critère du dernier bilan et [que] la réquisition d’inscription [conduise] à l’inscription sans condition »32. 59 « Si l’effet rétroactif de la scission est admis, l’assujettissement, la période fiscale et la période de calcul d’une société issue d’une scission débutent à la date à laquelle la scission déploie ses effets. Par conséquent, l’assujettissement d’une société scindée cesse à ce moment »33. Par cette phrase sibylline, il faut comprendre que, dans ce cas, « la scission sera prise en compte, tant au niveau fiscal que comptable, avec effet rétroactif au début de l’exercice commercial [en cours] »34. 2.2.5.2. Report de pertes 60 « Lors d’une scission, la société reprenante peut, conformément à l’article 67, alinéa 1 LIFD, faire valoir les pertes reportées afférentes à l’exploitation ou à la partie distincte d’exploitation transférée qui n’ont pas encore été prises en compte pour le calcul du bénéfice imposable »35. 61 Dans la pratique, le rattachement des pertes à une exploitation spécifique peut présenter « des problèmes de praticabilité en particulier si l’on s’en tient à la conception de la partie distincte d’exploitation comme la plus petite unité d’une entreprise viable par elle-même »36. 31 Circulaire no 5, p. 60. 32 Idem. 33 Idem. 34 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 97 (traduction non officielle). 35 Circulaire no 5, p. 64. 36 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 100 (traduction non officielle). 18
  • 19. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 62 Dans le cas des scissions intercantonales, une base légale garantit que le report des pertes transférées à la société reprenante est pleinement reconnu par l’autorité fiscale cantonale du lieu du siège ou de l’administration effective de la société reprenante. Il s’agit de l’art. 25 al. 4 LHID. 63 « Dans le cas des scissions de l’étranger vers la Suisse, la prise en compte de pertes reportables est beaucoup plus problématique du fait qu’il n’y pas de base légale qui vienne appuyer un tel état de fait. De plus, la pratique antérieure à la LHID relative aux pertes intercantonales [qui pourrait être appliqué par analogie] laisse supposer qu’il existe des réserves importantes quant à la reconnaissance de pertes reportables en provenance d’une société étrangère »37. 64 Selon WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, « la reconnaissance de pertes reportables provenant de sociétés étrangères pourrait trouver une justification en se référant aux exonérations fiscales cantonales et fédérales qui sont accordés aux sociétés nouvellement créées »38. Effectivement, en suivant un tel raisonnement, il serait sensé d’accorder, dans un tel cas, le report de pertes pour les sept exercices commerciaux suivant la perte étant donné que les allègements fiscaux peuvent durer jusqu’à 10 ans. 65 Néanmoins, selon nous, une telle comparaison est inappropriée. En effet, les allègements fiscaux accordés par les cantons le sont d’une part pour des sociétés nouvellement créées (ce qui peut être le cas dans une scission vers la Suisse) mais surtout d’autre part pour des sociétés servant les intérêts économiques du canton (selon l’art. 23 al. 3 LHID). Enfin, les exonérations fiscales (au niveau fédéral) prévues par l’Arrêté Bonny ou par la loi qui lui succédera éventuellement (LNPR) ne sont accordées qu’à des conditions assez strictes. 66 A notre avis, les pertes reportables provenant d’une exploitation scindée de l’étranger vers la Suisse au sein du groupe ne bénéficieront pas du report de pertes en Suisse car aucun texte de loi ne garantit une telle construction fiscale. En effet, seule une garantie du transfert de pertes reportables entre deux territoires soumis à des souverainetés fiscales différentes pourrait conduire au résultat décrit ci-dessus. Pour preuve de notre avis, nous nous permettons de comparer la situation internationale avec la situation intercantonale en Suisse ; en effet, pour garantir en Suisse le transfert de pertes reportables d’un canton à un autre, il a fallu un accord entre cantons qui a pris la forme de la Circulaire de la Conférence suisse des impôts39. 37 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 102 (traduction non officielle). 38 Idem. 39 Circulaire du 17 décembre 2003. 19
  • 20. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 2.2.5.3. Participations 67 Il est possible d’opérer une scission fiscalement neutre avec un transfert de participations pour autant que les conditions énoncées plus haut soient remplies. Il faut donc en particulier que les participations transférées contiennent une exploitation ou partie distincte d’exploitation selon « le principe de la transparence des participations transférées »40. Dans le cas d’un transfert de participations lors d’une scission, la question de la qualification des participations lors du transfert peut néanmoins quelque peu modifier la réponse donnée sur la neutralité de la scission. 68 En effet, « les anciennes participations qui sont transférées dans le cadre d’une scission fiscalement neutre (art. 61, al. 1, let. b LIFD), conservent leur qualification conformément aux dispositions transitoires »41. Les participations peuvent être qualifiées d’anciennes ou de nouvelles participations. 69 « Les droits de participation acquis après le 31 décembre 1996 sont des nouvelles participations »42. A contrario, toutes les autres participations acquises sont qualifiées d’anciennes participations. La principale conséquence de la détention d’anciennes participations est l’obligation d’augmenter le bénéfice imposable à hauteur du gain en capital réalisé (avec néanmoins la possibilité de constituer une réserve à hauteur du même gain en capital qui vient donc réduire le montant du bénéfice imposable) en cas d’aliénation à une société du groupe à l’étranger avant le 1er janvier 2007. Au 31 décembre 2006, la réserve sera dissoute et imposée si la participation a été ensuite aliénée à un quelconque moment à une société étrangère au groupe ; dans le cas où la participation aliénée est resté au sein du groupe mentionné ci-dessus, la réserve sera dissoute mais bénéficiera de la neutralité fiscale (si les conditions en étaient remplies lors de l’aliénation). 70 En ce qui concerne les participations transférées (par scission) entre sociétés-sœurs suisses, « les anciennes participations qui sont [ainsi] transférées gardent leur qualification conformément aux dispositions transitoires »43. Par conséquent, il ne suffit pas de transférer par scission des anciennes participations à une société-sœur suisse puis de les retransférer à une société-sœur étrangère pour échapper aux conséquences liées à la qualification comme anciennes participations. 40 OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1277. 41 Circulaire no 5, p. 62. 42 Circulaire no 9, p. 10. 43 Idem, p. 11. 20
  • 21. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 71 « La responsabilité liée à l’aliénation subséquente hors du groupe d’anciennes participations incombe uniquement à la société transférante [qui a transféré les anciennes participations lors d’une première aliénation intragroupe vers l’étranger] ; cette solution n’est pas celle retenue par l’AFC pour le transfert de patrimoine »44 (cf. chap. 3.3.3.4.). 72 Pour s’assurer de la neutralité fiscale d’un transfert de participations lors d’une scission, il faudra que l’opération soit effectuée à la dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice (cf. 2.2.1.2.), c’est-à-dire à la valeur comptable dans la majorité des cas. Par conséquent, lors de transfert de participations opéré par scission, il faudra que « la société [reprenante soit particulièrement attentive à] reprendre ces participations à leurs valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice et sans en modifier les coûts d’investissement »45. Cela signifie en particulier que « les amortissements et provisions effectuées [par la société reprenante] sur les coûts d’acquisition se verront imposées au cas où ils ne seraient pas justifiés »46. Il faut donc prendre en considération les ajustements comptables déjà passés avant le transfert sur ces participations. 2.2.5.4. Succession fiscale 73 La succession fiscale est une notion permettant de déterminer qui reprend à sa charge les dettes et créances fiscales d’une société qui est amenée à disparaître. Dans cette optique, « parler de succession fiscale [dans le cadre de la scission verticale] ne fait sens que dans le cas d’une séparation [(cf. chap. 2.1.)]. Comme, dans le cas de la séparation, il y a au moins deux sociétés reprenantes, chacune des sociétés ne reprend la dette fiscale de la société séparée que dans la mesure des actifs et passifs repris. Contrairement au droit civil, il n’y pas ici, en droit fiscal, de responsabilité solidaire des sociétés reprenantes »47. 2.2.5.5. Cas de changement de système d’imposition 74 Deux cas d’école peuvent se présenter relativement au changement de système d’imposition suite à une scission. Tout d’abord, cela peut résulter d’une scission vers une entité bénéficiant d’un régime fiscal de faveur (p. ex. : société holding, société de domicile, société auxiliaire). Le second cas envisageable est celui d’une scission depuis une entité bénéficiant d’un régime fiscal de faveur (cf. ci-dessus). 75 Dans le premier cas présenté ci-dessus, « les réserves latentes transférées avec l’exploitation ne pourront plus [(suite au transfert vers une entité exonérée)] ou que dans une mesure limitée 44 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 103 (traduction non officielle). 45 Circulaire no 5, p. 62. 46 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 104 (traduction non officielle). 47 Idem, n. 105 (traduction non officielle). 21
  • 22. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 [(due au régime de faveur)] faire l’objet d’une imposition. Différentes solutions sont prévues par les cantons pour parer à cette réalisation systématique des réserves latentes transférées. Certains cantons (p. ex. : canton de Saint-Gall) constatent les réserves latentes au moment de la scission et reportent l’imposition jusqu’au moment de la réalisation effective ultérieure des réserves latentes ; l’imposition reportée devra être limitée aux réserves latentes ainsi constatées. D’autres cantons (p. ex. : canton de Zurich) prélèvent un impôt spécial sur les réserves latentes transférées par scission mais octroient un report de l’imposition (jusqu’à 10 ans pour Zurich) ; parmi ces cantons, certains (p. ex. : canton de Zurich) n’accordent un tel report de l’imposition que pour le transfert par scission de participations qualifiant pour la réduction ou de biens immatériels. Enfin, certains cantons (p. ex. : canton de Saint-Gall) conditionnent le report de l’imposition à la continuation de l’assujettissement fiscal dans le canton. [Notons néanmoins que] les reports d’imposition mentionnés ci-dessus ne sont accordés par les cantons que dans les cas de scission vers une entité au bénéfice d’un régime de faveur et non en cas de transfert vers une entité exonérée »48. 76 Dans le second cas présenté plus haut, la scission d’une société bénéficiant d’un régime de faveur ou d’une exonération vers sa société-sœur imposée ordinairement semble beaucoup moins problématique au regard de la neutralité fiscale. En effet, les réserves latentes transférées se font vers une entité dont l’imposition est plus avantageuse pour l’administration fiscale. Par conséquent, en cas de respect des conditions d’une scission en neutralité fiscale, la scission d’une société au bénéfice d’un régime de faveur ou exonérée vers une société-sœur imposée ordinairement pourra se faire en neutralité fiscale. 2.3. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu de l’actionnaire 2.3.1. Valeur de la participation dans la société scindée 77 « La scission entraîne une diminution de la valeur des participations dans la société scindée pour l’actionnaire. En cas de scission par séparation (cf. chap. 2.1.) au sein d’un groupe, la diminution de valeur dans la société scindée est compensée par une augmentation de valeur dans la société reprenante. En cas de scission par division, l’actionnaire échange [usuellement] ses actions dans la société qui s’est divisée contre des actions dans les sociétés reprenantes »49. 78 Comme vu précédemment (cf. chap. 2.2.4.), rappelons néanmoins que bien que l’art. 29 LFus indique que la scission résulte en un appauvrissement de la société scindée, le fait que la 48 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 106 (traduction non officielle). 49 Idem, n. 116 (traduction non officielle). 22
  • 23. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 scission fasse l’objet d’une contre-prestation n’en écarte pas pour autant la qualification de scission au sens fiscal. Dans ce cas, la diminution de la valeur de la participation dans la société scindée équivaut à la différence entre l’exploitation transférée et la contreprestation reçue. 2.3.2. Echange de participations 2.3.2.1. Principe 79 Comme nous venons de le voir ci-dessus, une scission au sein d’un groupe peut conduire pour l’actionnaire PP ou PM à un échange de droits de participation en proportion avec la diminution, respectivement l’augmentation de valeur dans les sociétés scindée et reprenantes. 80 Néanmoins, dans le cas d’une scission par séparation au sein d’un groupe, nous rappelons au lecteur qu’ « un échange de droits de participation n’a pas lieu »50. Par conséquent, l’échange de participations au sein du groupe est un cas de figure principalement applicable à la scission par division. 81 Un échange de participations dans les sociétés-sœurs suite à une scission par division « est neutre fiscalement, tant pour l’actionnaire PP (art. 19 al. 1 lit. c LIFD) que pour l’actionnaire PM (art. 19 al. 1 lit. c LIFD), dans la mesure où les conditions générales de la neutralité fiscale (cf. chap. 2.2.1.) sont respectées »51. 2.3.2.2. Prise en considération de la valeur comptable pour l’impôt sur le bénéfice 82 Un échange de participations, suite à une scission entre sociétés-sœurs, est neutre du point de vue fiscal pour l’actionnaire PP ou PM lorsque l’appauvrissement, respectivement l’enrichissement des sociétés scindée et reprenante se répercute dans la valeur des participations que détient l’actionnaire dans chacune de ces sociétés. 83 « La somme des valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice et des coûts d’investissement des participations reste inchangée. Le cas échéant, il en résulte, pour la participation dans la société appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage consenti. Un tel amortissement devrait être compensé par une réévaluation de la participation dans la société bénéficiaire (écriture: participation „société reprenante“ à participation „société transférante“) »52. 50 Circulaire no 5, p. 62. 51 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 118 (traduction non officielle). 52 Circulaire no 5, p. 63. 23
  • 24. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 2.3.3. Prestations de la société à l’actionnaire 84 Il s’agit des prestations à raison de la scission que la société reprenante, voire la société transférante peut faire à l’actionnaire à l’occasion de la scission pour compenser la différence de valeur nominale entre les actions de la société transférante et celles de la société reprenante ; le problème de l’imposition de ces prestations pour l’actionnaire se pose lorsque les prestations excèdent la simple compensation de la perte de valeur nominale. Ces prestations peuvent prendre la forme de paiements compensatoires, de dédommagements, d’accroissement de la valeur nominale, voire d’aliénation d’actions propres. 2.3.3.1. Paiements compensatoires 85 « Les paiements compensatoires effectués par la société reprenante correspondent à un coût d’acquisition de l’exploitation transférée à la particularité près qu’ils sont effectués auprès de l’actionnaire et non de la société transférante. Ces paiements sont effectués à charge des réserves de la société reprenante. Ils peuvent être qualifiés de paiement partiel »53. 86 Par analogie avec les fusions, nous pouvons considérer que « les paiements compensatoires sont [des] rendements de participations et bénéficient de la réduction pour participations [pour l’actionnaire PM], pour autant que les conditions subjectives et objectives soient remplies »54. Par la même analogie, pour l’actionnaire PP, « les paiements compensatoires (...) constituent des rendements de fortune imposables provenant de participations (art. 20, al. 1, let. c LIFD). Ils sont imposables (...) dans la mesure où des pertes de valeur nominale ne les neutralisent pas »55. 2.3.3.2. Scission avec dédommagement au comptant 87 « Il y a [scission] avec dédommagement au comptant si [l’actionnaire] renonce complètement à l’octroi de parts sociales ou de droits de sociétariat et si seul un dédommagement est prévu »56. Une scission avec dédommagement au comptant peut entraîner des conséquences fiscales pour l’actionnaire personne physique ; pour l’actionnaire personne morale, la réduction pour participations s’applique aux conditions prévues. 88 « Une scission avec dédommagement au comptant est traitée dans la pratique fiscale, par analogie avec l’opération similaire de fusion, comme une liquidation totale de l’exploitation transférée à condition que le dédommagement au comptant dépasse la valeur nominale de 53 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 135 (traduction non officielle). 54 Circulaire no 5, p. 85. 55 Idem, p. 33. 56 Idem. 24
  • 25. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 l’exploitation transférée »57. Ceci implique que la part excédant la valeur nominale est imposée comme un revenu chez l’actionnaire PP. 2.3.3.3. Augmentation de la valeur nominale 89 « L’impôt sur le revenu frappe les actions gratuites et les augmentations gratuites de la valeur nominale obtenues par les détenteurs de droits de participation dans la société reprenante, dans la mesure où elles ne sont pas effectuées à charge de la valeur nominale des droits de participation dans la société transférante (réduction de capital) »58. 90 C’est pour l’actionnaire PP détenant les titres dans sa fortune privée que l’impact fiscal sera le plus élevé néanmoins car la différence entre la valeur nominale des titres créés gratuitement et leur valeur nominale sera imposée comme revenu tandis que les autres actionnaires se verront imposés sur un rendement égal à la différence entre la valeur comptable et la valeur vénale des actions gratuites. 91 Nous renvoyons le lecteur au raisonnement déjà développé sous 2.2.4.2. pour les autres conséquences du cas de figure de la création gratuite de capital. 2.3.3.4. Aliénation d’actions propres 92 Pour les considérations préliminaires quant à l’utilisation de ses propres actions par la société reprenante, nous renvoyons le lecteur à notre chapitre 2.2.4.3. 93 « Si (...) la société reprenante utilise ses propres droits de participation dont le rachat n’a pas conduit à une imposition, la différence entre la valeur vénale de ces propres droits de participation au moment de la [scission] et leur valeur nominale est traitée comme un dédommagement au comptant. Si seule une partie des droits de participation échangés provient du stock de propres actions de la société reprenante, le revenu de fortune correspondant est réparti proportionnellement à la valeur nominale des droits de participation de la société reprenante remis »59. 2.4. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu en cas de non-respect des conditions de la neutralité fiscale 94 A titre préliminaire, notons que, dans la pratique, les principales conditions problématiques de la scission verticale en neutralité fiscale semblent bien être les deux conditions spécifiques à savoir d’une part le transfert d’une exploitation ou partie d’exploitation (cf. chap. 2.2.3.2.) et 57 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 139 (traduction non officielle). 58 Circulaire no 5, p. 64. 59 Idem, p. 33-34. 25
  • 26. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 d’autre part la double continuation d’une exploitation ou partie d’exploitation (cf. chap. 2.2.3.3.). 2.4.1. Non-respect de la condition du transfert d’une exploitation 95 Dans le cas où la condition du transfert d’une exploitation n’est pas respectée, il y prestation appréciable en argent de la société-sœur transférante à sa société-sœur reprenante. Selon les exemples 12 et 13 de la circulaire no 5, par une fiction du droit fiscal, on considère que « la société transférante (...) réalise un bénéfice [imposable] (...) correspondant aux réserves latentes (...) transférées à la société. (...) La société reprenante (...), bénéficiaire de l’avantage, peut faire valoir les réserves latentes (...) imposées comme bénéfice »60 ce qui vient augmenter de ce montant la valeur comptable de l’actif ne constituant pas une exploitation. 96 A noter également que dans le cas ci-dessus, comme la scission ne peut être effectué en neutralité fiscale, il y a perception de l’impôt anticipé sur les réserves transférées ; selon la « théorie du bénéficiaire direct »61, la prestation est réputée effectuée en faveur du la société reprenante et, par conséquent, c’est cette dernière qui a droit au remboursement. De plus, le droit de timbre d’émission sera perçu sur le capital créé en relation avec le transfert de cet actif ne qualifiant pas d’exploitation. 97 Quant à l’actionnaire PP, dans le cas visé ci-dessus, « il ne restructure pas sa fortune en franchise d’impôt. (...) [Il] obtient en principe un avantage appréciable en argent provenant de sa participation dans la société [transférante] correspondant au transfert des réserves ouvertes et latentes (...), qu’il apporte dans la société [reprenante] (théorie du triangle). Toutefois, afin d’éviter une imposition multiple, il peut demander l’application de la „théorie du triangle modifiée“. Selon cette théorie, l’imposition d’une distribution n’a pas lieu dans le chef de l’actionnaire, à condition que les droits de participation dans la société bénéficiaire (...) ne soient pas aliénés pendant 5 ans. Afin que l’imposition dans le cadre d’une procédure de rappel d’impôt (art. 151 – 153 LIFD) soit possible, l’actionnaire doit signer une déclaration correspondante (« revers ») »62. 98 Pour l’actionnaire PM, une scission ne respectant pas l’exigence du transfert d’une exploitation a de toute façon un impact fiscal limité. En effet, si l’opération de scission ne qualifiant pas pour la neutralité fiscale entraîne « pour la participation dans la société appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage consenti, (...) un tel amortissement 60 Annexe I à la Circulaire no 5, p. 29. 61 Idem, p. 30. 62 Idem. 26
  • 27. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 devrait être compensé par une réévaluation de la participation dans la société bénéficiaire. Ainsi, les conséquences fiscales pour la société-mère sont les mêmes que lors de l’octroi d’un avantage entre des entreprises apparentées »63. Par conséquent, le rendement de participation ainsi généré bénéficiera de la réduction pour participations dans l’hypothèse où l’actionnaire PM en remplit les conditions. Il faut néanmoins prêter attention aux participations qualifiant d’anciennes participations qui conservent leur qualification, comme dans une scission fiscalement neutre d’ailleurs (cf. chap. 2.2.5.3.). 2.4.2. Non-respect de la condition de la double continuation d’une exploitation 99 Dans le cas où la condition de la continuation d’une exploitation par la société reprenante n’est pas respectée, nous renvoyons le lecteur aux raisonnements développés ci-dessus (cf. chap. 2.4.1.1.) pour les conséquences fiscales. 100 Néanmoins, en ce qui concerne le non-respect de cette condition, une solution particulière est prévue par l’AFC. « En raison de l’appréciation des restructurations d’un point de vue économique (axée sur le résultat), la société transférante (...) réalise un bénéfice de liquidation correspondant aux réserves latentes (...) qui restent auprès d’elle (interprétation a contrario de l’art. 61, al. 1, let. b en relation avec l’art. 58, al. 1, let. c LIFD) »64. 101 En ce qui concerne l’impôt anticipé et le droit de timbre d’émission, nous renvoyons le lecteur aux raisonnements développés ci-dessus (cf. chap. 2.4.1.). 102 Quant à l’actionnaire PP, «en sa qualité d’actionnaire, [il] ne restructure pas sa fortune en franchise d’impôt. En raison de l’appréciation des scissions d’un point de vue économique (axée sur le résultat), [il] obtient les réserves ouvertes et latentes de la société [transférante] et les apporte ultérieurement à nouveau dans [celle-ci]. Ainsi, [l’actionnaire] réalise un excédent de liquidation partielle provenant de sa participation dans la société [transférante] (art. 20, al. 1, let. c LIFD). Toutefois, afin d’éviter une imposition multiple, il peut demander l’application de la „théorie du triangle modifiée“. Selon cette théorie, l’imposition d’une distribution n’a pas lieu dans le chef de l’actionnaire, à condition que les droits de participation dans la société qui ne poursuit pas d’exploitation ne soient pas aliénés pendant 5 ans. Afin que l’imposition dans le cadre d’une procédure de rappel d’impôt (art. 151 – 153 LIFD) soit possible, l’actionnaire doit signer une déclaration correspondante (« revers ») »65. 63 Circulaire no 5, p. 63. 64 Annexe I à la Circulaire no 5, p. 34. 65 Idem, p. 35. 27
  • 28. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 103 Pour l’actionnaire PM, une scission ne respectant pas l’exigence de la double continuation de l’exploitation a de toute façon un impact fiscal limité. En effet, si l’opération de scission ne qualifiant pas pour la neutralité fiscale entraîne « pour la participation dans la société appauvrie, un besoin d’amortissement fondé sur l’avantage consenti, (...) un tel amortissement devrait être compensé par une réévaluation de la participation dans la société bénéficiaire. Ainsi, les conséquences fiscales pour la société-mère sont les mêmes que lors de l’octroi d’un avantage entre des entreprises apparentées »66. Par conséquent, le rendement de participation ainsi généré bénéficiera de la réduction pour participations dans l’hypothèse où l’actionnaire PM en remplit les conditions. Il faut néanmoins prêter attention aux participations qualifiant d’anciennes participations qui conservent leur qualification, comme dans une scission fiscalement neutre d’ailleurs (cf. chap. 2.2.5.3.). 2.5. Impôt sur le bénéfice / sur le revenu dans les états de fait internationaux 2.5.1. Scission vers la Suisse 104 Une scission d’une société-sœur étrangère vers sa société-sœur suisse est possible, pour autant qu’elle soit une construction juridique autorisée par le droit étranger ; en effet, pour ce qui est du droit suisse, la LFus « est applicable aux opérations transfrontalières »67. 105 Pour un tel cas de figure, la question de la neutralité fiscale de la scission ne semble pas se poser en Suisse vu que c’est la société étrangère qui éventuellement transfère et réalise ses réserves latentes. Du point de vue de l’impôt suisse sur le bénéfice, « la scission vers la Suisse doit être considérée comme un apport en nature [à la société suisse] »68. 106 Par contre se pose la question de savoir comment la société-sœur suisse va comptabiliser les actifs et passifs reçus, en particulier à quelles valeurs. « Elle peut [les] comptabiliser à la valeur comptable. Néanmoins, ceci n’est pas autorisé lorsque les réserves latentes transférées sont réalisées fiscalement à l’étranger et ainsi imposées. [Il est à noter] que le refus de pouvoir inscrire les actifs et passifs transférés à valeur comptable vaut tant en cas réalisation fiscale immédiate qu’en cas de report de l’imposition par l’autorité fiscale étrangère. Ceci a pour but d’éviter une double imposition en Suisse des réserves latentes provenant de l’étranger. (...) Il est possible pour la société suisse de montrer au bilan de manière séparée la valeur comptable des actifs et passifs transférés et les réserves latentes réalisées fiscalement à l’étranger. Enfin, 66 Circulaire no 5, p. 63. 67 Idem, p. 11. 68 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 180 (traduction non officielle). 28
  • 29. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 le traitement fiscal de la scission vers la Suisse chez l’actionnaire, étranger ou Suisse, n’a pas d’influence sur [ce qui a été dit plus haut] »69. 2.5.2. Scission vers l’étranger 107 Comme constaté ci-dessus (cf. chap. 2.5.1.), la LFus autorise de telles opérations. Pour ces opérations, c’est bien en Suisse que la question de l’imposition des réserves latentes scindées vers la société-sœur étrangère se pose. Dans ces cas, c’est la condition du maintien de l’assujettissement en Suisse qui peut s’avérer particulièrement problématique. 108 « Une scission vers l’étranger est fiscalement neutre aussi longtemps que l’exploitation ou partie distincte d’exploitation transférée vers l’étranger [continue d’être] conduite en Suisse en tant que lieu de l’exploitation [outre le respect des autres conditions de la neutralité fiscale]. Si des immeubles sont transférés avec l’exploitation, [la condition ci-dessus] est respectée si l’immeuble reste imposable en Suisse aux termes de l’art. 51 al. 1 lit. c LIFD »70. 109 « Une scission vers [une société-sœur étrangère] peut se faire en neutralité fiscale en Suisse dans la mesure où la méthode de répartition internationale garantit qu’une imposition des réserves latentes transférées [reste possible]. La répartition selon la méthode objective ainsi que la répartition selon la méthode directe par quotes-parts [offrent cette garantie] »71. 110 Dans tous les autres cas que ceux mentionnés ci-dessus, la scission vers l’étranger ne peut s’effectuer en neutralité fiscale. 2.5.3. Actionnaire 111 Il s’agit de savoir si la scission transfrontalière au niveau des droits de participation de l’actionnaire déclenche des conséquences au regard de l’impôt sur le bénéfice / revenu. « Dans le cas d’une scission vers l’étranger, où les conditions d’une scission en neutralité fiscale sont réunies [(en particulier, la condition du maintien de l’exploitation en Suisse ; cf. chap. 2.5.2.)], l’actionnaire ne subit pas de conséquences fiscales au niveau de l’impôt direct »72. 112 « Tant pour l’actionnaire qui détient la société transférante dans sa fortune privée que celui qui la détient dans sa fortune commerciale, l’échange effectif ou économique [(augmentation de la valeur nominale chez la société reprenante contre réduction de la valeur nominale chez la société transférante)] de participations est neutre du point de vue de l’impôt direct ; néanmoins, pour l’actionnaire, l’octroi de participations dans la société reprenante pour une 69 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 181 (traduction non officielle). 70 Idem, n. 182 (traduction non officielle). 71 Idem, n. 183 (traduction non officielle). 72 Idem, n. 185 (traduction non officielle). 29
  • 30. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 valeur nominale plus élevée [que celle des participations échangées dans la société transférante], des paiements compensatoires ou d’autres avantages appréciables en argent accordés sur les réserves de la société [transférante] sont considérés comme un bénéfice/revenu imposable (même si la réduction pour participations peut dans ce cas trouver application pour l’actionnaire PM) »73. 2.6. Impôt sur les gains immobiliers 113 « Lorsque les conditions d’une restructuration en franchise d’impôt sont réalisées, la neutralité de l’imposition du gain immobilier est assurée [tant pour les cantons appliquant le système dualiste que ceux appliquant le système moniste] »74. Ceci est garanti par l’art. 12 al. 4 lit. a LHID. L’imposition des gains immobiliers répond donc à la même logique que l’imposition du bénéfice pour ce qui est de la neutralité fiscale. 114 Pour mémoire, rappelons que le système dualiste consiste à imposer au moyen d’un impôt séparé seulement les gains immobiliers provenant d’immeubles dans la fortune privée ; par contre, le système moniste implique le prélèvement séparé tous les gains immobiliers. 2.7. Droit de mutation 115 L’art. 103 de la LFus stipule que « la perception de droits de mutation cantonaux ou communaux est exclue en cas de restructuration [respectant les conditions de la neutralité fiscale] »75. Néanmoins, une clause d’entrée en vigueur retardée est prévue pour cette disposition à l’art. 111 al. 3 LFus ; selon cette dernière, la neutralité fiscale d’une scission quant à au droit de mutation ne sera imposée aux cantons qu’à partir du 1er juillet 2009. 116 « La majorité des cantons prévoient déjà une norme mettant en application la non-perception du droit de mutation dans le cas d’une scission respectant les conditions de la neutralité fiscale [telles qu’énoncées plus haut] ; [il est malheureux de constater que tous] les cantons [romands] restreignent ou ne prévoient pas encore, à ce jour, l’exonération du droit de mutation »76. Pour ne citer qu’un exemple, à Genève, l’art. 33 al. 3 LDrEnr devrait être modifié au plus tard en 2009 afin de garantir la neutralité fiscale des scissions au regard du droit de mutation. 73 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 186-187 (traduction non officielle). 74 OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1299. 75 Art. 103 LFus. 76 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 194 (traduction non officielle). 30
  • 31. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 2.8. Impôt anticipé 2.8.1. Transaction entre sociétés suisses 2.8.1.1. Exception selon l’art. 5 par. 1 lit. a LIA 117 « L’article 5, alinéa 1, lettre a LIA prévoit une exception en ce sens que les réserves et les bénéfices d’une société qui, lors d’une restructuration au sens de l’article 61 LIFD, passent dans les réserves d’une société de capitaux (...) reprenante, ne sont pas soumises à l’impôt anticipé. Cette exception est fondée sur le fait que la substance fiscale transférée reste imposable en Suisse »77. 118 Nous pouvons donc constater que le sort des réserves latentes transférées à l’occasion d’une scission au regard de l’impôt anticipé suit donc fidèlement celui réservé par l’impôt sur le bénéfice. 2.8.1.2. Contre-prestations ne respectant pas l’art. 61 al. 1 lit. b LIFD 119 Vu le renvoi de l’art. 5 al. 1 lit. a LIA à tout l’art. 61 LIFD, nous devons constater que les contre-prestations effectuées par la société reprenante en raison d’une scission seront imposées dans la mesure où elles ne respectent pas les conditions de l’al. 1 lit. b de cet art. 120 « Si les conditions d’une scission fiscalement neutre selon l’article 61, alinéa 1, lettre b LIFD ne sont pas remplies (l’exigence de l’exploitation faisant défaut), un avantage est octroyé à une société-sœur, qui est soumis à l’impôt anticipé. En raison de l’application de la théorie du bénéficiaire direct, la société reprenante bénéficiaire de la prestation est l’ayant droit au remboursement »78. 121 Peuvent notamment être qualifiées de contre-prestations soumises à l’impôt anticipé « les augmentations de capital nominal (...), [et] les paiements de soultes (sous réserve des paiements compensatoires d’un montant égal à une réduction de capital nominal en relation avec [la scission]) »79. 122 Nous renvoyons le lecteur aux chap. 2.2.4. et 2.3.3. pour tout développement ultérieur quant aux opérations de scission qui peuvent faire échouer l’application de l’art. 61 al. 1 lit. b. 2.8.2. Scission vers une société non soumise à l’impôt anticipé 123 De manière générale, il peut être affirmé qu’une « scission vers une [société-sœur] non soumise à l’impôt anticipé (p. ex., un fond de placement avec une propriété foncière directe) 77 Circulaire no 5, p. 65. 78 Idem. 79 OBERSON/GLAUSER (2005), p. 1314. 31
  • 32. Eric Duvoisin Mémoire MBL Années Académiques 2004-2006 n’est pas neutre du point de vue fiscale et conduit donc à la perception de l’impôt anticipé lors de la scission ». 124 En effet, comme la société bénéficiaire n’est pas soumise à l’impôt anticipé, l’AFC perdrait la mainmise sur le substrat fiscal en accordant la neutralité fiscale à une scission telle que décrite ci-dessus. 2.8.3. Scission d’une société non soumise à l’impôt anticipé 125 « Si une société non-soumise à l’impôt anticipé (p. ex., un fond de placement avec une propriété foncière directe) se scinde en faveur d’une société-sœur soumise à l’impôt anticipé, il n’y pas de conséquences au regard de cet impôt lors de la scission »80. Il s’agit des conséquences directes concernant l’impôt anticipé. 126 Par contre, l’impôt latent généré lors d’une scission telle que décrite ci-dessus est le suivant. Si d’une part, « les fonds propres [(p. ex., des réserves ouvertes et latentes)] transmis par scission et qui passent dans le capital nominal de la société reprenante ne génèrent pas d’impôt anticipé latent, [d’autre part] les autres fonds propres transférés sont soumis à un impôt anticipé latent »81 qui sera perçu lors de la réalisation de ces fonds propres transférés. 2.8.4. Scission transfrontalière 2.8.4.1. Scission vers la Suisse 127 Dans le cadre d’une scission d’une société étrangère vers sa société-sœur suisse, « les réserves ouvertes et latentes vont être déplacées dans le champ d’application [territorial] de l’impôt anticipé suisse [et donc créer un impôt latent]. Seules les réserves transférées qui sont utilisées pour créer du capital nominal dans la société-sœur reprenante permettent d’éviter [l’impôt anticipé latent] »82. 128 Du point de vue de l’impôt anticipé suisse, la question n’est donc pas dans ce cas de figure de savoir si la scission vers la Suisse peut se faire en neutralité fiscale (c’est le cas en Suisse !) mais bien si la création d’un impôt latent peut être évité. A ce sujet, nous renvoyons le lecteur aux conséquences du point de vue du droit de timbre d’émission quant aux scissions transfrontalières à destination d’une société-sœur suisse (cf. chap. 2.9.1.3.). 2.8.4.2. Scission vers l’étranger 129 Au contraire du cas ci-dessus (cf. chap. 2.8.4.1.), le cas de figure d’une société-sœur suisse qui se scinde en faveur de sa société-sœur étrangère fait quitter les réserves scindées du 80 WATTER/VOGT/TSCHAENI/DAENIKER, chap. 3, n. 215 (traduction non officielle). 81 Idem. 82 Idem, n. 218 (traduction non officielle). 32