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                                                                                                                                 01.2012 n°4




                                   De l’élasticité du temps

                                                  L    e constat est connu : notre environnement de travail a une influence profonde
                                                       sur notre rapport au temps. Ce que résume Joao Ciaco, vice-président marketing
                                              de Fiat Amérique du Sud et président de l’Association des annonceurs du Brésil : avec
                                              l’avènement du numérique, « la vitesse et le planning sont absolument différents. Tout est
                                              accéléré. Avant l’ère digitale, la définition de nos plans marketing prenait plus de temps et
                                              était beaucoup plus détaillée. Aujourd’hui, nous devons prendre des décisions immédiates.
                                              Et prendre des risques. Donc, nous prenons les risques qui accompagnent des décisions
                                              beaucoup plus rapides. »
                                                   Mais la technique n’est pas seule en cause. La perception du temps varie selon les âges
                                              (les rythmes biologiques), les émotions et situations vécues (traumatisme, mélancolie,
                                              angoisse, etc.) ainsi que les éventuelles pathologies affectant les mécanismes cognitifs
                                              (mémoire, attention). Un colloque scientifique s’est tenu à ce sujet le 16 décembre 2011
                                              à l’Université de Rennes-I, s’attachant à étudier et expliquer les différentes variations de
                                              notre rapport au temps. Parmi de nombreuses contributions de qualité, dont celle du
                                              professeur John Wearden, de l’université de Keele (Angleterre), « un psychologue dont
                                              les travaux ont transformé la notion de perception du temps chez l’homme à la fin des
                                              années 1980 », le mot le plus juste revient peut-être au professeur Yvan Touitou, Vice-
                                              Président de la Société Internationale de Chronobiologie : « Notre organisme comporte
                                              de nombreuses horloges biologiques. Je ne sais pas où est le chef d’orchestre, mais je ne peux
                                              pas imaginer qu’elles ne soient pas coordonnées entre elles. » Sans doute revient-il à chacun
                                              d’entre nous, par souci de bien-être ou d’efficacité, de commencer par veiller à cette
                                              « harmonie entre le temps biologique, le temps mesuré, le temps vécu ».

                                                  Sources : « Internet modifie la prise de décision », interview de Joao Ciaco pour Challenges
                                              n°1654, 10/11/2011 ; « Le temps passe plus ou moins vite selon l’âge », par Damien Mascret, Le Figaro,
                                              20/12/2011 ; Colloque « Temps et Temporalité : Importance de la rythmicité dans l’organisation
                                              psychique », www.temps-rythmicite.com.


                                                              L’INVITÉ DU MOIS : FRÉDÉRIC LACAVE
Dans la mythologie grecque,                       Auditeur de l’INHES, diplômé de 3e cycle universitaire en économie (Paris-IX
l’aigle (       , AETOS) est
                                              Dauphine), ainsi qu’en économie et administration publique (Lille-I), Frédéric Lacave
l’un des attributs de Zeus.
Emblème solaire, expression
                                              a un parcours aussi riche qu’atypique. Après avoir débuté sa carrière dans l’entreprise,
de combativité et de victoire,                au sein du groupe Dumez France, il choisit le service public. Il y exerce de nombreuses
maître des airs et du temps,                  responsabilités, notamment auprès du Président de la Maison de l’Europe de Paris, du
il voit « plus haut, plus vite,               Secrétaire Général du Conseil de Paris ou de parlementaires, maires d’arrondissement,
plus loin » et incarne ainsi                  mais aussi sur l’Ile de Saint-Barthélemy, dans les départements français d’Amérique.
les atouts de la puissance                    En 1999, il est promu délégué à la Coopération internationale et aux organisations
aérienne.                                     internationales de la Mairie de Paris puis, en 2002, Chef-adjoint de cabinet puis conseiller
Cette publication du CESA                     auprès du Président du Sénat pour les questions de sécurité, de défense et du monde
a pour vocation de susciter
                                              combattant. En 2006, il est nommé Sous-préfet, Directeur de cabinet du Préfet du Cher
des échanges et tendre des
passerelles entre les aviateurs,
                                              puis Chef de cabinet du Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris.
et plus généralement les                          Aujourd’hui il pilote le Service de coordination à l’intelligence économique (SCIE)
personnels de la Défense, et                  des ministères économique et financier, à Bercy. Frédéric Lacave est Chevalier de
les décideurs de tous horizons                l’ordre national du Mérite, des Arts et des Lettres, des palmes académiques et du mérite
- publics et privés.                          agricole. Colonel (rc) de l’armée de l’air, il est par ailleurs Président délégué de l’Institut
www.cesa.air.defense.gouv.fr                  Méditerranéen de Coopération et administrateur de l’association Atouts Légion. ●


                   « Agir librement, c’est reprendre possession de soi, c’est se replacer dans la pure durée » Henri Bergson
L’INVITÉ DU MOIS

Entretien avec Frédéric Lacave
« Le monde a déjà changé : il est temps de faire coïncider
le temps de l’administration avec celui de l’entreprise ! »
     Comment une administration comme Bercy s’adapte-                l’autre concept que je me propose de mettre en oeuvre : celui
t-elle aux temps de crise que nous traversons ? Quel est             des 4 P - pour « partenariat patriotique public privé ».
précisément votre rôle à la tête du Service de coordination               Le monde n’est pas en train de changer : il a déjà changé.
à l’intelligence économique (SCIE) ?                                 Il est temps de rassembler nos forces, de mobiliser davantage le
     Le SCIE est un service d’ingénierie transversal d’adminis-      secteur public au profit de l’initiative privée, et notamment de
tration centrale, ouvert et disposant de capteurs et de relais       faire coïncider le temps de l’administration avec celui de l’en-
territoriaux opérationnels : nous sommes avant tout une ad-          treprise. Il faut une prise en compte plus immédiate, et plus
ministration prestataire de services. Nos clients sont, d’une        cohérente, entre le temps réel, qui est celui de l’entreprise, et
part, la trentaine de directions générales et services des minis-    l’accompagnement de cette dynamique par l’administration.
tères économique et financier, en vue de mutualiser et d’opti-             Mais attention : s’adapter au terrain signifie en premier
miser l’information utile à la prise de décision stratégique, et     lieu s’adapter aux rites, aux coutumes, à « l’écosystème cultu-
d’autre part les entreprises françaises. J’inscris ici mon action    rel » de l’autre. C’est le troisième axe que nous mettons en
dans la stratégie fixée par le Gouvernement : l’industrialisa-       oeuvre au SCIE : celui d’« intelligence culturelle », qui est au
tion - ou la réindustrialisation - du tissu économique français,     coeur de notre mission. Il s’agit notamment de développer des
par la détection d’entreprises innovantes et l’accompagne-           partenariats « gagnants-gagnants » avec les pays émergents, en
ment de leur développement économique, pour les aider à              particulier, et d’accompagner l’acculturation des entreprises à
atteindre la taille critique nécessaire à une projection efficace    la complexité de leurs marchés.
à l’international.
     Ce dernier point est essentiel. Le rapport entre la taille et        L’emploi d’un vocabulaire martial n’est-t-il pas antino-
le développement international est mécanique : l’Angleterre          mique avec cet objectif plus « subtil » ?
dispose de 2,5 fois plus d’entreprises intermédiaires que la               Je ne le crois pas. Nous sommes ici dans le domaine des
France, et fait 2,5 voire 3 fois mieux que nous en matière de        stratégies d’influence, qui imposent une manoeuvre, souple
commerce extérieur. Quant à l’Allemagne, c’est 4 fois plus sur       mais déterminée, sur l’environnement global de la cible. La
ces deux critères ! L’objectif est donc clair : il faut réindustria- priorité est de rompre avec notre « technoculture » parfois
liser le pays, renforcer notre tissu intermédiaire pour permettre    très arrogante : le TGV est certes le meilleur train du monde,
l’éclosion d’ETI (établissements de taille intermédiaire, de 250     mais l’argument n’est pas suffisant pour le vendre à l’Arabie
à 5 000 salariés) et être ainsi meilleur à l’exportation.            Saoudite ! Le résultat de ces postures, ce sont des échecs com-
     Lorsque nous sommes dans une zone de croissance faible,         merciaux. Cette arrogance vient de loin : elle puise ses racines
voire négative, nous n’avons pas le choix. Il faut anticiper les     dans un esprit de corps qui habite encore trop souvent l’élite
mutations économiques et re-                                                                           administrative et économique
trouver l’esprit de conquête.           « Il faut retrouver l’esprit de conquête, de notre pays. Les difficultés,
C’est-à-dire donner, par l’éco-                                                                        purement bureaucratiques, que
nomie de la connaissance, des
                                        c’est-à-dire la capacité à conquérir ‘les j’ai dû surmonter pour recruter
avantages compétitifs à nos              coeurs et les esprits’ pour s’implanter le général (2S) Dominique Gé-
entreprises pour s’implanter              sur de nouveaux TOE : les théâtres                           rard comme chef du départe-
efficacement sur de nouveaux                                                                           ment de l’intelligence culturelle
théâtres d’opérations écono-                    d’opérations économiques. »                            et de la recherche de l’informa-
miques (TOE). C’est dans les                                                                           tion économique, illustrent les
périodes difficiles qu’il faut faire preuve de courage et explorer   efforts restant à accomplir en matière de circulation des élites,
tous les champs du possible. Avec mes équipes, notre rôle est        entre sphères civiles et militaires, ainsi qu’entre public et privé.
de détecter les pépites qui ont vocation à devenir les cham-         Alors que nous avons tous - tellement - à y gagner !
pions nationaux de demain, et de leur offrir un accueil privi-            S’agissant de nos capacités de projection à l’internatio-
légié, une capacité de décloisonnement et de mobilisation des        nal, je suis persuadé que nous pouvons être collectivement
différents outils administratifs, ainsi qu’un accompagnement         beaucoup plus efficaces en réorganisant au plus vite les trop
« cousu main ». Pour ces entreprises, nous sommes à la fois          nombreux services dédiés à cette mission de l’Etat, qui fonc-
des chargés d’affaire et des facilitateurs.                          tionnent de façon incohérente, voire contradictoire. Et en
                                                                     utilisant d’autres méthodes de persuasion, d’autres manières
     Vous employez une terminologie - les TOE - qui ren-             de promouvoir nos produits et nos services, de suggérer leur
voie à la culture militaire...                                       avantage comparatif. Ce différentiel de valeur ajoutée, c’est la
     A dessein, bien sûr. Qui mieux qu’un militaire peut             « french touch », qui est une nouvelle gouvernance relation-
s’adapter au terrain et aux espaces d’affrontement ? Il s’agit       nelle, d’égal à égal, dans le domaine commercial. Elle suppose
en effet de se projeter sur ces théâtres d’opérations extérieurs,    de respecter et de valoriser les cultures des peuples, de s’y in-
qui sont aujourd’hui économiques. Car c’est dans le champ            téresser réellement pour apprendre à les connaître et disposer
de l’économie que se jouent les rapports de force, de puis-          in fine d’un angle d’attaque beaucoup plus acceptable - et ef-
sance mais aussi d’influence. C’est ici que se déploie au mieux      ficace. La diversité culturelle est une richesse extraordinaire

2                                   AETOS mensuel n°4 - janvier 2012 - www.cesa.air.defense.gouv.fr
L’INVITÉ DU MOIS

que les Français sont parmi les mieux à même de comprendre               tront d’ouvrir de nombreuses portes. Ce qui nécessite d’être
et d’apprécier. Le savoir-faire est certes indispensable, et doit        en mesure de traiter les personnes, pas seulement en fonction
être renforcé en permanence pour que nos produits soient                 de leurs titres ou de leurs responsabilités officielles, mais de
les plus compétitifs possibles. Mais la compétence ou même               leurs capacités décisionnaires, de leur influence réelle dans les
l’innovation ne suffisent pas si notre démarche est un simple            rouages de décision. Nous sommes loin de la morgue de caste
copier-coller aseptisé de ce que font nos concurrents. La dif-           propre à certains corps que j’évoquais précédemment, mais
férence se cultive dans le savoir-être, une autre façon de faire,        plus proche de cette humilité qui est aussi l’une des vertus
d’aborder les marchés. Car cette intelligence culturelle est au          cardinales des aviateurs.
service de la compétitivité de
nos entreprises.                                                                                                     Que vous inspire juste-
                                                                                                                ment la volonté de l’armée
     L’intelligence culturelle                                                                                  de l’air de s’ouvrir davan-
est aussi l’un des piliers                                                                                      tage à la société civile ?
de la stratégie d’influence                                                                                          Je reconnais et salue
américaine, aux côtés de la                                                                                     tout à la fois l’audace et la
puissance économique et                                                                                         ténacité qui caractérisent
militaire. Quelle est ici la                                                                                    l’armée de l’air. La ténacité,
différence ? Quel est l’état                                                                                    parce que je perçois dans
du jeu concurrentiel dans                                                                                       cette initiative le prolonge-
ce domaine ?                                                                                                    ment de l’impulsion donnée
     La France n’est pas dans                                                                                   par le précédent chef d’état-
une logique de nature im-                                                                                       major de l’armée de l’air, le
périaliste, voire néocolonia-                                                                                   général Stéphane Abrial. J’ai
liste, qui viserait à préempter                                                                                 eu l’honneur de connaître
toutes les ressources ou do-                   Frédéric Lacave reçoit le colonel Olivier Erschens               ce grand soldat, qui est un
miner des zones géographiques                   dans son bureau à Bercy, le 19 décembre 2011                  chef et un visionnaire, qui a
entières, mais bien au contraire                                                                              su inscrire son action dans
dans une relation partenariale, d’égal à égal. C’est ce qui               l’époque, en tendant la main à la société civile, au-delà des
change totalement la donne. La relation que je vais avoir avec            réseaux connus comme l’IHEDN, vers les forces vives, éco-
un nouveau pays émergent du Maghreb, par exemple, sera                    nomiques, de la Nation. Et c’est audacieux de faire le choix
à la fois respectueuse et décomplexée. Il est impératif de dé-            de ne pas rester isolé dans son microcosme confortable, ras-
complexer nos relations en direction des pays avec lesquels               surant. Quand on reste entre soi, on est comme en famille :
nous partageons une histoire. Notamment avec l’Afrique,                   on se connaît et on se complaît. Mais « la richesse, c’est les
qui sera le dernier continent émergent, et que nous sommes                autres ». Sachant que ce n’est pas si facile d’aller vers l’autre,
mieux fondés à accompagner que d’autres.                                  de s’ouvrir au monde dans lequel nous vivons. Ce courage
     Nous devons comprendre ces peuples, l’orientation stra-              est pourtant, aujourd’hui, indispensable. Pour paraphraser le
tégique de ces pays, et voir comment jeter des passerelles,               président Mao, je dirais que l’armée doit être au sein de la Na-
voire bâtir des ponts, à partir de l’identification des points            tion « comme un poisson dans l’eau ». Non pour la subvertir
de convergence entre nos cultures. La politique publique                  évidemment, mais pour réellement s’y plonger, sentir ses flux,
d’intelligence économique                                                                                       y participer et rayonner plus
y contribue, en développant                                                                                     efficacement.
une ingénierie de coopéra- « Je salue l’audace et la ténacité de l’armée                                             C’est là encore de l’in-
tion internationale dans ce           de l’air. La ténacité dans la main tendue                                 telligence culturelle : une
domaine, qui nous permet                                                                                        meilleure connaissance de
de mieux apprécier les pers-          vers la société civile. L’audace de s’ouvrir la société et de ses évolu-
pectives de développement au monde dans lequel nous vivons, et de s’y tions constitue un atout dé-
économique de ces pays
partenaires, tout en faisant
                                      plonger ‘comme un poisson dans l’eau’. » cisif. Car disposer de relais    au sein d’un réseau permet
bénéficier ces derniers de                                                                                      d’anticiper les besoins et les
notre expertise. Cet effort s’inscrit dans la durée, notamment            attentes, et de mieux y répondre. Cela passe par l’acquisition
s’agissant de la connaissance et de la maîtrise des langues, qui          de cette vision d’ensemble, de ce « radar à 360° ». C’est un
constituent une forme de confiance, puis de connivence.                   point commun entre l’initiative portée par l’armée de l’air,
     A rebours des méthodes anglo-saxonnes, les Allemands et              telle que je la perçois à travers la revue AETOS, et ce que nous
les Chinois me semblent développer l’intelligence culturelle              faisons à Bercy : décloisonner, désenclaver, mutualiser, pour
avec une grande pertinence. Dans les deux cas, on a une lan-              se projeter plus forts dans un ailleurs qui est source d’interro-
gue particulièrement ardue, peu universelle, qui ne peut donc             gations, mais aussi de richesses.
être utilisée comme vecteur. Leur force est ici dans le rituel,                Un autre point commun tient à l’importance accordée
c’est-à-dire la culture, cette capacité à s’appuyer sur une « fa-         au facteur temps. Pour ma part, sa maîtrise me semble bien
çon d’être au monde » et à l’assumer de façon visible, presque            ambitieuse : le temps nous échappe un peu, à chaque instant.
sous forme de cérémonial. Allemands et Chinois ont en com-                J’essaie à mon niveau de l’accompagner, de valoriser le mieux
mun le respect de l’autre dans son altérité profonde, sa sin-             possible les différents espaces-temps des acteurs économiques.
cérité, et la capacité à identifier les « mots-clés » qui permet-         Et c’est déjà un combat titanesque ! ●

                                                                                                                                            3
                                  AETOS mensuel n°4 - janvier 2012 - www.cesa.air.defense.gouv.fr
ANALYSES & PERSPECTIVES

                                            L’exemplarité de l’espace « made in France »
                                                Le 19 décembre 1961 était créé le Centre national d’études spatiales (CNES), qui tenait son
      Un attelage                           premier conseil d’administration le 27 février 1962. 50 ans d’espace « made in France » qui at-
                                            testent d’une incontestable réussite. Dès le 26 novembre 1965, la France devient la troisième
      qui va faire                          puissance spatiale, grâce à un lanceur Diamant qui envoie son premier satellite. La même année,
      ses preuves :                         deux appareils scientifiques sont mis en orbite. « Avec la mise en service des premiers satellites de té-
      des militaires                        lécommunication, tout le monde pressent que le proche espace circumterrestre est un enjeu stratégique. »
                                            Dès l’origine, le secteur spatial hexagonal repose sur un attelage apparemment improbable, mais
      « venus du                            qui va faire ses preuves : des militaires, venus des premières bases de lancement au Sahara, qui,
      Sahara » et                           en charge de l’opérationnel, travaillent au quotidien avec « de jeunes ingénieurs aux dents longues
                                            tentant d’industrialiser la filière. » En 1974, « l’Europe signe un accord historique. La construction
      « de jeunes                           d’un nouveau lanceur sous la maîtrise d’oeuvre d’un seul architecte : le CNES. » Ce sera Ariane, dont
      ingénieurs aux                        le succès commercial s’affirme à partir de 1986, quand elle met sur orbite le premier satellite
      dents longues ».                      d’observation de la Terre (Spot 1), tandis que la navette Challenger explose en plein vol, « brisant
                                            net les rêves hégémoniques de la Nasa ». Et c’est aujourd’hui avec la Russie que « l’Europe spatiale »
                                            collabore le plus activement : fin octobre 2011, une fusée Soyouz décollait de Kourou avec à son
                                            bord deux satellites de la constellation Galileo, le futur système de navigation européen concurrent
                                            du GPS américain, et une autre lançait le 16 décembre un nouveau satellite d’observation civil
      Seuls les Etats-                      et militaire, Pleiades 1, ainsi que quatre petits satellites Elisa. Réalisés par Astrium et Thales, ces
                                            derniers forment un démonstrateur technologique d’une importance capitale. Destiné à traiter le
      Unis, la Russie,                      renseignement d’origine électromagnétique, il permet à la France d’être le « premier pays européen
      et peut-être la                       à se doter d’une capacité d’écoute spatiale. » Comme le résume le général de l’armée de l’air Yves
      Chine disposent                       Arnaud, du Commandement Interarmées de l’Espace, le système Ceres qui devrait en découler
                                            « permettra de reconstituer l’architecture d’un réseau de téléphonie ou de radio, donc d’établir l’organi-
      de la capacité                        sation d’un état-major, mais aussi de mesurer son niveau d’activité, c’est-à-dire d’anticiper l’action d’un
      d’écoute                              adversaire. » Seuls les Etats-Unis, la Russie et, peut-être, la Chine disposent d’une telle capacité.
                                                Cette excellence française est d’autant plus essentielle que, comme le note le directeur de
      spatiale                              l’Ecole supérieure de commerce de Grenoble, Jean-François Fiorina, « le spatial est à la fois un
      poursuivie                            territoire de puissance et de développement commercial. » Au delà du prestige et de la suprématie
      aujourd’hui par                       militaire, les enjeux commerciaux sont colossaux : « le développement du secteur spatial engendre
                                            des retombées pour l’innovation et contribue fortement à la compétitivité d’entreprises à forte valeur
      la France.                            ajoutée. » Les pionniers de l’espace sont donc aussi les défricheurs de temps nouveaux : ceux d’une
                                            nécessaire collaboration, étroite et vertueuse, entre les mondes civils et militaires. ●
                                                Sources : « Le CNES, cinquante ans d’espace ‘made in France’ », par Alain Perez, Les Echos, 19/12/2011 ;
                                            « La France, premier pays européen à sa doter d’une capacité d’écoute spatiale », par Nathalie Guibert, Le Monde,
                                            18/12/2011 ; « Géopolitique de l’espace : entre volonté de puissance et applications commerciales », par Jean-
                                            François Fiorina, note CLES n°45, ESC Grenoble, 1/12/2011.


                                                                                             Extraits
                                                « Les systèmes antimissiles se développent, avec des radars adaptés. Tous les grands pays ont besoin
                                            de capteurs supplémentaires pour connaître la défense des autres et, ainsi, bien calibrer leurs moyens
                                            d’attaque, mesurer leur pertinence. C’est donc pour la France une étape importante en matière de
                                            crédibilisation de la dissuasion. » (Xavier Pasco, expert à la Fondation pour la recherche stratégique
           AETOS
                                            - FRS, cité par Nathalie Guibert, Le Monde, op. cit.).
   Une publication du CESA
                                                 « L’industrie de production et de services spatiaux est en pleine expansion et irrigue de nombreux
         Centre d’études
   stratégiques aérospatiales               secteurs économiques. Comme le soulève un rapport de l’OCDE, les populations sont pourtant peu
          1 place Joffre                    conscientes de la contribution réelle que le spatial apporte à leurs sociétés. Et pourtant ! Jean-Luc
   75700 Paris SP 07 - BP 43                Lefebvre, responsable de programme à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM),
  www.cesa.air.defense.gouv.fr              rappelle qu’'une journée sans satellite perturberait grandement le fonctionnement des sociétés à l’économie
    Directeur de publication :
                                            avancée'. Les télécommunications, la météorologie, la gestion des ressources naturelles et des risques, la
     colonel Olivier Erschens               navigation-localisation : toutes ces activités dépendent directement de quelque 750 satellites civils,
                Contact :
                                            gouvernementaux et commerciaux. En Europe, on estime que 7 % du PIB, soit 800 milliards d’euros par
olivier.erschens@inet.air.defense.gouv.fr   an, est lié à la seule navigation par satellite. En 2009, l’économie du secteur spatial hors budgets étatiques
         Tél : 01 44 42 83 95               était estimée entre 110 et 150 milliards d’euros. Les télécommunications sont le principal marché, devant
        Recevoir AETOS :                    la géolocalisation, l’observation de la Terre ou encore l’industrie de lancement : elles génèrent quelques 11
c2.ds.cesa@inet.air.defense.gouv.fr         milliards d’euros de revenus annuels. » (Jean-François Fiorina, « Géopolitique de l’espace », op. cit.) ●

                                                                                                                                                           4

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Frederic Lacave

  • 1. Mensuel 01.2012 n°4 De l’élasticité du temps L e constat est connu : notre environnement de travail a une influence profonde sur notre rapport au temps. Ce que résume Joao Ciaco, vice-président marketing de Fiat Amérique du Sud et président de l’Association des annonceurs du Brésil : avec l’avènement du numérique, « la vitesse et le planning sont absolument différents. Tout est accéléré. Avant l’ère digitale, la définition de nos plans marketing prenait plus de temps et était beaucoup plus détaillée. Aujourd’hui, nous devons prendre des décisions immédiates. Et prendre des risques. Donc, nous prenons les risques qui accompagnent des décisions beaucoup plus rapides. » Mais la technique n’est pas seule en cause. La perception du temps varie selon les âges (les rythmes biologiques), les émotions et situations vécues (traumatisme, mélancolie, angoisse, etc.) ainsi que les éventuelles pathologies affectant les mécanismes cognitifs (mémoire, attention). Un colloque scientifique s’est tenu à ce sujet le 16 décembre 2011 à l’Université de Rennes-I, s’attachant à étudier et expliquer les différentes variations de notre rapport au temps. Parmi de nombreuses contributions de qualité, dont celle du professeur John Wearden, de l’université de Keele (Angleterre), « un psychologue dont les travaux ont transformé la notion de perception du temps chez l’homme à la fin des années 1980 », le mot le plus juste revient peut-être au professeur Yvan Touitou, Vice- Président de la Société Internationale de Chronobiologie : « Notre organisme comporte de nombreuses horloges biologiques. Je ne sais pas où est le chef d’orchestre, mais je ne peux pas imaginer qu’elles ne soient pas coordonnées entre elles. » Sans doute revient-il à chacun d’entre nous, par souci de bien-être ou d’efficacité, de commencer par veiller à cette « harmonie entre le temps biologique, le temps mesuré, le temps vécu ». Sources : « Internet modifie la prise de décision », interview de Joao Ciaco pour Challenges n°1654, 10/11/2011 ; « Le temps passe plus ou moins vite selon l’âge », par Damien Mascret, Le Figaro, 20/12/2011 ; Colloque « Temps et Temporalité : Importance de la rythmicité dans l’organisation psychique », www.temps-rythmicite.com. L’INVITÉ DU MOIS : FRÉDÉRIC LACAVE Dans la mythologie grecque, Auditeur de l’INHES, diplômé de 3e cycle universitaire en économie (Paris-IX l’aigle ( , AETOS) est Dauphine), ainsi qu’en économie et administration publique (Lille-I), Frédéric Lacave l’un des attributs de Zeus. Emblème solaire, expression a un parcours aussi riche qu’atypique. Après avoir débuté sa carrière dans l’entreprise, de combativité et de victoire, au sein du groupe Dumez France, il choisit le service public. Il y exerce de nombreuses maître des airs et du temps, responsabilités, notamment auprès du Président de la Maison de l’Europe de Paris, du il voit « plus haut, plus vite, Secrétaire Général du Conseil de Paris ou de parlementaires, maires d’arrondissement, plus loin » et incarne ainsi mais aussi sur l’Ile de Saint-Barthélemy, dans les départements français d’Amérique. les atouts de la puissance En 1999, il est promu délégué à la Coopération internationale et aux organisations aérienne. internationales de la Mairie de Paris puis, en 2002, Chef-adjoint de cabinet puis conseiller Cette publication du CESA auprès du Président du Sénat pour les questions de sécurité, de défense et du monde a pour vocation de susciter combattant. En 2006, il est nommé Sous-préfet, Directeur de cabinet du Préfet du Cher des échanges et tendre des passerelles entre les aviateurs, puis Chef de cabinet du Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris. et plus généralement les Aujourd’hui il pilote le Service de coordination à l’intelligence économique (SCIE) personnels de la Défense, et des ministères économique et financier, à Bercy. Frédéric Lacave est Chevalier de les décideurs de tous horizons l’ordre national du Mérite, des Arts et des Lettres, des palmes académiques et du mérite - publics et privés. agricole. Colonel (rc) de l’armée de l’air, il est par ailleurs Président délégué de l’Institut www.cesa.air.defense.gouv.fr Méditerranéen de Coopération et administrateur de l’association Atouts Légion. ● « Agir librement, c’est reprendre possession de soi, c’est se replacer dans la pure durée » Henri Bergson
  • 2. L’INVITÉ DU MOIS Entretien avec Frédéric Lacave « Le monde a déjà changé : il est temps de faire coïncider le temps de l’administration avec celui de l’entreprise ! » Comment une administration comme Bercy s’adapte- l’autre concept que je me propose de mettre en oeuvre : celui t-elle aux temps de crise que nous traversons ? Quel est des 4 P - pour « partenariat patriotique public privé ». précisément votre rôle à la tête du Service de coordination Le monde n’est pas en train de changer : il a déjà changé. à l’intelligence économique (SCIE) ? Il est temps de rassembler nos forces, de mobiliser davantage le Le SCIE est un service d’ingénierie transversal d’adminis- secteur public au profit de l’initiative privée, et notamment de tration centrale, ouvert et disposant de capteurs et de relais faire coïncider le temps de l’administration avec celui de l’en- territoriaux opérationnels : nous sommes avant tout une ad- treprise. Il faut une prise en compte plus immédiate, et plus ministration prestataire de services. Nos clients sont, d’une cohérente, entre le temps réel, qui est celui de l’entreprise, et part, la trentaine de directions générales et services des minis- l’accompagnement de cette dynamique par l’administration. tères économique et financier, en vue de mutualiser et d’opti- Mais attention : s’adapter au terrain signifie en premier miser l’information utile à la prise de décision stratégique, et lieu s’adapter aux rites, aux coutumes, à « l’écosystème cultu- d’autre part les entreprises françaises. J’inscris ici mon action rel » de l’autre. C’est le troisième axe que nous mettons en dans la stratégie fixée par le Gouvernement : l’industrialisa- oeuvre au SCIE : celui d’« intelligence culturelle », qui est au tion - ou la réindustrialisation - du tissu économique français, coeur de notre mission. Il s’agit notamment de développer des par la détection d’entreprises innovantes et l’accompagne- partenariats « gagnants-gagnants » avec les pays émergents, en ment de leur développement économique, pour les aider à particulier, et d’accompagner l’acculturation des entreprises à atteindre la taille critique nécessaire à une projection efficace la complexité de leurs marchés. à l’international. Ce dernier point est essentiel. Le rapport entre la taille et L’emploi d’un vocabulaire martial n’est-t-il pas antino- le développement international est mécanique : l’Angleterre mique avec cet objectif plus « subtil » ? dispose de 2,5 fois plus d’entreprises intermédiaires que la Je ne le crois pas. Nous sommes ici dans le domaine des France, et fait 2,5 voire 3 fois mieux que nous en matière de stratégies d’influence, qui imposent une manoeuvre, souple commerce extérieur. Quant à l’Allemagne, c’est 4 fois plus sur mais déterminée, sur l’environnement global de la cible. La ces deux critères ! L’objectif est donc clair : il faut réindustria- priorité est de rompre avec notre « technoculture » parfois liser le pays, renforcer notre tissu intermédiaire pour permettre très arrogante : le TGV est certes le meilleur train du monde, l’éclosion d’ETI (établissements de taille intermédiaire, de 250 mais l’argument n’est pas suffisant pour le vendre à l’Arabie à 5 000 salariés) et être ainsi meilleur à l’exportation. Saoudite ! Le résultat de ces postures, ce sont des échecs com- Lorsque nous sommes dans une zone de croissance faible, merciaux. Cette arrogance vient de loin : elle puise ses racines voire négative, nous n’avons pas le choix. Il faut anticiper les dans un esprit de corps qui habite encore trop souvent l’élite mutations économiques et re- administrative et économique trouver l’esprit de conquête. « Il faut retrouver l’esprit de conquête, de notre pays. Les difficultés, C’est-à-dire donner, par l’éco- purement bureaucratiques, que nomie de la connaissance, des c’est-à-dire la capacité à conquérir ‘les j’ai dû surmonter pour recruter avantages compétitifs à nos coeurs et les esprits’ pour s’implanter le général (2S) Dominique Gé- entreprises pour s’implanter sur de nouveaux TOE : les théâtres rard comme chef du départe- efficacement sur de nouveaux ment de l’intelligence culturelle théâtres d’opérations écono- d’opérations économiques. » et de la recherche de l’informa- miques (TOE). C’est dans les tion économique, illustrent les périodes difficiles qu’il faut faire preuve de courage et explorer efforts restant à accomplir en matière de circulation des élites, tous les champs du possible. Avec mes équipes, notre rôle est entre sphères civiles et militaires, ainsi qu’entre public et privé. de détecter les pépites qui ont vocation à devenir les cham- Alors que nous avons tous - tellement - à y gagner ! pions nationaux de demain, et de leur offrir un accueil privi- S’agissant de nos capacités de projection à l’internatio- légié, une capacité de décloisonnement et de mobilisation des nal, je suis persuadé que nous pouvons être collectivement différents outils administratifs, ainsi qu’un accompagnement beaucoup plus efficaces en réorganisant au plus vite les trop « cousu main ». Pour ces entreprises, nous sommes à la fois nombreux services dédiés à cette mission de l’Etat, qui fonc- des chargés d’affaire et des facilitateurs. tionnent de façon incohérente, voire contradictoire. Et en utilisant d’autres méthodes de persuasion, d’autres manières Vous employez une terminologie - les TOE - qui ren- de promouvoir nos produits et nos services, de suggérer leur voie à la culture militaire... avantage comparatif. Ce différentiel de valeur ajoutée, c’est la A dessein, bien sûr. Qui mieux qu’un militaire peut « french touch », qui est une nouvelle gouvernance relation- s’adapter au terrain et aux espaces d’affrontement ? Il s’agit nelle, d’égal à égal, dans le domaine commercial. Elle suppose en effet de se projeter sur ces théâtres d’opérations extérieurs, de respecter et de valoriser les cultures des peuples, de s’y in- qui sont aujourd’hui économiques. Car c’est dans le champ téresser réellement pour apprendre à les connaître et disposer de l’économie que se jouent les rapports de force, de puis- in fine d’un angle d’attaque beaucoup plus acceptable - et ef- sance mais aussi d’influence. C’est ici que se déploie au mieux ficace. La diversité culturelle est une richesse extraordinaire 2 AETOS mensuel n°4 - janvier 2012 - www.cesa.air.defense.gouv.fr
  • 3. L’INVITÉ DU MOIS que les Français sont parmi les mieux à même de comprendre tront d’ouvrir de nombreuses portes. Ce qui nécessite d’être et d’apprécier. Le savoir-faire est certes indispensable, et doit en mesure de traiter les personnes, pas seulement en fonction être renforcé en permanence pour que nos produits soient de leurs titres ou de leurs responsabilités officielles, mais de les plus compétitifs possibles. Mais la compétence ou même leurs capacités décisionnaires, de leur influence réelle dans les l’innovation ne suffisent pas si notre démarche est un simple rouages de décision. Nous sommes loin de la morgue de caste copier-coller aseptisé de ce que font nos concurrents. La dif- propre à certains corps que j’évoquais précédemment, mais férence se cultive dans le savoir-être, une autre façon de faire, plus proche de cette humilité qui est aussi l’une des vertus d’aborder les marchés. Car cette intelligence culturelle est au cardinales des aviateurs. service de la compétitivité de nos entreprises. Que vous inspire juste- ment la volonté de l’armée L’intelligence culturelle de l’air de s’ouvrir davan- est aussi l’un des piliers tage à la société civile ? de la stratégie d’influence Je reconnais et salue américaine, aux côtés de la tout à la fois l’audace et la puissance économique et ténacité qui caractérisent militaire. Quelle est ici la l’armée de l’air. La ténacité, différence ? Quel est l’état parce que je perçois dans du jeu concurrentiel dans cette initiative le prolonge- ce domaine ? ment de l’impulsion donnée La France n’est pas dans par le précédent chef d’état- une logique de nature im- major de l’armée de l’air, le périaliste, voire néocolonia- général Stéphane Abrial. J’ai liste, qui viserait à préempter eu l’honneur de connaître toutes les ressources ou do- Frédéric Lacave reçoit le colonel Olivier Erschens ce grand soldat, qui est un miner des zones géographiques dans son bureau à Bercy, le 19 décembre 2011 chef et un visionnaire, qui a entières, mais bien au contraire su inscrire son action dans dans une relation partenariale, d’égal à égal. C’est ce qui l’époque, en tendant la main à la société civile, au-delà des change totalement la donne. La relation que je vais avoir avec réseaux connus comme l’IHEDN, vers les forces vives, éco- un nouveau pays émergent du Maghreb, par exemple, sera nomiques, de la Nation. Et c’est audacieux de faire le choix à la fois respectueuse et décomplexée. Il est impératif de dé- de ne pas rester isolé dans son microcosme confortable, ras- complexer nos relations en direction des pays avec lesquels surant. Quand on reste entre soi, on est comme en famille : nous partageons une histoire. Notamment avec l’Afrique, on se connaît et on se complaît. Mais « la richesse, c’est les qui sera le dernier continent émergent, et que nous sommes autres ». Sachant que ce n’est pas si facile d’aller vers l’autre, mieux fondés à accompagner que d’autres. de s’ouvrir au monde dans lequel nous vivons. Ce courage Nous devons comprendre ces peuples, l’orientation stra- est pourtant, aujourd’hui, indispensable. Pour paraphraser le tégique de ces pays, et voir comment jeter des passerelles, président Mao, je dirais que l’armée doit être au sein de la Na- voire bâtir des ponts, à partir de l’identification des points tion « comme un poisson dans l’eau ». Non pour la subvertir de convergence entre nos cultures. La politique publique évidemment, mais pour réellement s’y plonger, sentir ses flux, d’intelligence économique y participer et rayonner plus y contribue, en développant efficacement. une ingénierie de coopéra- « Je salue l’audace et la ténacité de l’armée C’est là encore de l’in- tion internationale dans ce de l’air. La ténacité dans la main tendue telligence culturelle : une domaine, qui nous permet meilleure connaissance de de mieux apprécier les pers- vers la société civile. L’audace de s’ouvrir la société et de ses évolu- pectives de développement au monde dans lequel nous vivons, et de s’y tions constitue un atout dé- économique de ces pays partenaires, tout en faisant plonger ‘comme un poisson dans l’eau’. » cisif. Car disposer de relais au sein d’un réseau permet bénéficier ces derniers de d’anticiper les besoins et les notre expertise. Cet effort s’inscrit dans la durée, notamment attentes, et de mieux y répondre. Cela passe par l’acquisition s’agissant de la connaissance et de la maîtrise des langues, qui de cette vision d’ensemble, de ce « radar à 360° ». C’est un constituent une forme de confiance, puis de connivence. point commun entre l’initiative portée par l’armée de l’air, A rebours des méthodes anglo-saxonnes, les Allemands et telle que je la perçois à travers la revue AETOS, et ce que nous les Chinois me semblent développer l’intelligence culturelle faisons à Bercy : décloisonner, désenclaver, mutualiser, pour avec une grande pertinence. Dans les deux cas, on a une lan- se projeter plus forts dans un ailleurs qui est source d’interro- gue particulièrement ardue, peu universelle, qui ne peut donc gations, mais aussi de richesses. être utilisée comme vecteur. Leur force est ici dans le rituel, Un autre point commun tient à l’importance accordée c’est-à-dire la culture, cette capacité à s’appuyer sur une « fa- au facteur temps. Pour ma part, sa maîtrise me semble bien çon d’être au monde » et à l’assumer de façon visible, presque ambitieuse : le temps nous échappe un peu, à chaque instant. sous forme de cérémonial. Allemands et Chinois ont en com- J’essaie à mon niveau de l’accompagner, de valoriser le mieux mun le respect de l’autre dans son altérité profonde, sa sin- possible les différents espaces-temps des acteurs économiques. cérité, et la capacité à identifier les « mots-clés » qui permet- Et c’est déjà un combat titanesque ! ● 3 AETOS mensuel n°4 - janvier 2012 - www.cesa.air.defense.gouv.fr
  • 4. ANALYSES & PERSPECTIVES L’exemplarité de l’espace « made in France » Le 19 décembre 1961 était créé le Centre national d’études spatiales (CNES), qui tenait son Un attelage premier conseil d’administration le 27 février 1962. 50 ans d’espace « made in France » qui at- testent d’une incontestable réussite. Dès le 26 novembre 1965, la France devient la troisième qui va faire puissance spatiale, grâce à un lanceur Diamant qui envoie son premier satellite. La même année, ses preuves : deux appareils scientifiques sont mis en orbite. « Avec la mise en service des premiers satellites de té- des militaires lécommunication, tout le monde pressent que le proche espace circumterrestre est un enjeu stratégique. » Dès l’origine, le secteur spatial hexagonal repose sur un attelage apparemment improbable, mais « venus du qui va faire ses preuves : des militaires, venus des premières bases de lancement au Sahara, qui, Sahara » et en charge de l’opérationnel, travaillent au quotidien avec « de jeunes ingénieurs aux dents longues tentant d’industrialiser la filière. » En 1974, « l’Europe signe un accord historique. La construction « de jeunes d’un nouveau lanceur sous la maîtrise d’oeuvre d’un seul architecte : le CNES. » Ce sera Ariane, dont ingénieurs aux le succès commercial s’affirme à partir de 1986, quand elle met sur orbite le premier satellite dents longues ». d’observation de la Terre (Spot 1), tandis que la navette Challenger explose en plein vol, « brisant net les rêves hégémoniques de la Nasa ». Et c’est aujourd’hui avec la Russie que « l’Europe spatiale » collabore le plus activement : fin octobre 2011, une fusée Soyouz décollait de Kourou avec à son bord deux satellites de la constellation Galileo, le futur système de navigation européen concurrent du GPS américain, et une autre lançait le 16 décembre un nouveau satellite d’observation civil Seuls les Etats- et militaire, Pleiades 1, ainsi que quatre petits satellites Elisa. Réalisés par Astrium et Thales, ces derniers forment un démonstrateur technologique d’une importance capitale. Destiné à traiter le Unis, la Russie, renseignement d’origine électromagnétique, il permet à la France d’être le « premier pays européen et peut-être la à se doter d’une capacité d’écoute spatiale. » Comme le résume le général de l’armée de l’air Yves Chine disposent Arnaud, du Commandement Interarmées de l’Espace, le système Ceres qui devrait en découler « permettra de reconstituer l’architecture d’un réseau de téléphonie ou de radio, donc d’établir l’organi- de la capacité sation d’un état-major, mais aussi de mesurer son niveau d’activité, c’est-à-dire d’anticiper l’action d’un d’écoute adversaire. » Seuls les Etats-Unis, la Russie et, peut-être, la Chine disposent d’une telle capacité. Cette excellence française est d’autant plus essentielle que, comme le note le directeur de spatiale l’Ecole supérieure de commerce de Grenoble, Jean-François Fiorina, « le spatial est à la fois un poursuivie territoire de puissance et de développement commercial. » Au delà du prestige et de la suprématie aujourd’hui par militaire, les enjeux commerciaux sont colossaux : « le développement du secteur spatial engendre des retombées pour l’innovation et contribue fortement à la compétitivité d’entreprises à forte valeur la France. ajoutée. » Les pionniers de l’espace sont donc aussi les défricheurs de temps nouveaux : ceux d’une nécessaire collaboration, étroite et vertueuse, entre les mondes civils et militaires. ● Sources : « Le CNES, cinquante ans d’espace ‘made in France’ », par Alain Perez, Les Echos, 19/12/2011 ; « La France, premier pays européen à sa doter d’une capacité d’écoute spatiale », par Nathalie Guibert, Le Monde, 18/12/2011 ; « Géopolitique de l’espace : entre volonté de puissance et applications commerciales », par Jean- François Fiorina, note CLES n°45, ESC Grenoble, 1/12/2011. Extraits « Les systèmes antimissiles se développent, avec des radars adaptés. Tous les grands pays ont besoin de capteurs supplémentaires pour connaître la défense des autres et, ainsi, bien calibrer leurs moyens d’attaque, mesurer leur pertinence. C’est donc pour la France une étape importante en matière de crédibilisation de la dissuasion. » (Xavier Pasco, expert à la Fondation pour la recherche stratégique AETOS - FRS, cité par Nathalie Guibert, Le Monde, op. cit.). Une publication du CESA « L’industrie de production et de services spatiaux est en pleine expansion et irrigue de nombreux Centre d’études stratégiques aérospatiales secteurs économiques. Comme le soulève un rapport de l’OCDE, les populations sont pourtant peu 1 place Joffre conscientes de la contribution réelle que le spatial apporte à leurs sociétés. Et pourtant ! Jean-Luc 75700 Paris SP 07 - BP 43 Lefebvre, responsable de programme à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), www.cesa.air.defense.gouv.fr rappelle qu’'une journée sans satellite perturberait grandement le fonctionnement des sociétés à l’économie Directeur de publication : avancée'. Les télécommunications, la météorologie, la gestion des ressources naturelles et des risques, la colonel Olivier Erschens navigation-localisation : toutes ces activités dépendent directement de quelque 750 satellites civils, Contact : gouvernementaux et commerciaux. En Europe, on estime que 7 % du PIB, soit 800 milliards d’euros par olivier.erschens@inet.air.defense.gouv.fr an, est lié à la seule navigation par satellite. En 2009, l’économie du secteur spatial hors budgets étatiques Tél : 01 44 42 83 95 était estimée entre 110 et 150 milliards d’euros. Les télécommunications sont le principal marché, devant Recevoir AETOS : la géolocalisation, l’observation de la Terre ou encore l’industrie de lancement : elles génèrent quelques 11 c2.ds.cesa@inet.air.defense.gouv.fr milliards d’euros de revenus annuels. » (Jean-François Fiorina, « Géopolitique de l’espace », op. cit.) ● 4