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Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?




Chapitre 1 - la préhistoire de lʼinformatique moderne


Les vrais pionniers de lʼinformatique telle quʼon la connaît aujourdʼhui sont peu connus… Il sʼagit
dʼun binôme : J. Presper Eckert et John Mauchly.

En 1946, ce sont eux qui sont à lʼorigine de lʼENIAC (Electronic Numerical Integrator and Compu-
ter). Ce sont encore ces deux-là qui lancent la première start-up informatique afin de commerciali-
ser des ordinateurs (Eckert – Mauchly Computer Corporation, EMCC). La première commande
vient de lʼUS Navy pour le BINAC en août 1949. En 1951, P. Eckert et J. Mauchly, ayant revendu
leur compagnie à Remington Rand, lancent lʼUNIVAC I (UNIversal Automatic Computer). Il sʼagit
du premier ordinateur commercial de lʼhistoire. Le premier fut vendu au bureau de recensement
Américain.

Mais cʼest grâce au flair marketing de Remington Rand que le premier "coup médiatique", véritable
événement fondateur de lʼinformatique, est réalisé : Remington Rand (Unisys aujourdʼhui) proposa
à CBS dʼorganiser une prévision des résultats par ordinateur pour le soir des élections présiden-
tielles américaines de 1952. Walter Cronkite (le présentateur vedette de CBS) était sceptique,
mais la soirée fut un succès car la prévision donnée par UNIVAC était exacte à 1 % près !

Cet épisode eut un grand retentissement dans lʼopinion publique américaine et contribua à faire
connaître la notion "dʼordinateur" au grand public de lʼépoque. Depuis ses débuts à la fin de la Se-
conde Guerre mondiale, lʼinformatique évoluait rapidement mais de façon chaotique  : cʼest une
période où tout est à inventer et où les innovations marquantes sont obligatoires. Mais, dans ce
déferlement, il était impossible de bâtir quelque chose de durable car les changements techniques
où chaque nouveauté, chaque nouvelle génération de machines démodait instantanément la pré-
cédente.

Ce contexte convenait à peu près à la communauté scientifique mais pas du tout au monde des
affaires. Dans un premier temps, cʼest UNIVAC (division de Remington Rand après le rachat de la
start-up de P. Eckert et J. Mauchly) qui domine lʼembryon dʼindustrie qui est en train de se former
mais IBM, lʼacteur dominant du marché des tabulatrices, va sʼefforcer de revenir dans la course.

Il va y parvenir grâce à ses propres efforts (en particulier avec le modèle 1401) mais aussi en étant
impliqué dans les deux projets majeurs de cette époque : les projets SAGE et SABRE…

Ces projets conduiront à lʼinvention de la notion de "fonctionnement temps réel". Jusque-là, les
quelques ordinateurs vendus et installés étaient utilisés sans aucune imagination  : du batch, en-
core du batch et toujours du batch. Ces calculateurs étaient modernes dans leur conception mais
ils étaient employés avec les mêmes démarches et processus que les systèmes mécanographi-
ques quʼils remplaçaient. Lʼinvention du "temps réel" allait permettre de changer cela (mais cela se
fit très progressivement).

Le projet SAGE, le réseau informatique de défense américain 

Le Whirlwind, crée au MIT par Jay Forrester, Ken Olsen (le futur fondateur de Digital Equipment) et
leur équipe, est le tout premier ordinateur temps réel (1949-1951). En 1952, IBM est contacté pour
mettre en chantier la production des ordinateurs du réseau SAGE (Semi Automated Ground Envi-
ronment) dont le Whirlwind était le prototype. 

Une cinquantaine de machines, portant le nom AN/FSQ7, sera produite. Le projet SAGE consistait
à coordonner un flux de messages, à lʼaide dʼune série de gros ordinateurs, depuis des radars jus-
quʼaux unités dʼinterception de lʼUS Air Force, permettant ainsi de réduire significativement le
temps requis pour contrer une attaque éventuelle de bombardiers.

                                                            Page 10 - Première partie : lʼère du matériel
Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?

En juillet 1958, le premier bunker du réseau SAGE devient opérationnel. Lʼordinateur AN/FSQ7 de
chaque centre est capable de gérer 400 avions simultanément. Le dernier bunker du réseau
SAGE fermera en janvier 1984.

Le projet SAGE a été bien moins célèbre que le projet SABRE mais il eut beaucoup dʼimportance
dans la montée en puissance dʼIBM dans le nouveau (pour lʼépoque) domaine de lʼinformatique.
Comme lʼa plus tard avoué Tom Watson Jr (dirigeant historique dʼIBM dans la seconde moitié du
XXème siècle) « cʼest la guerre froide qui aida IBM à devenir le roi du secteur informatique… ».

Le projet SABRE

Premier réseau informatique à but commercial, SABRE (Semi Automated Business Related Envi-
ronment) a été réalisé par IBM au début des années soixante. Au moment de sa mise en service, il
va relier 1 200 téléscripteurs à travers les Etats-Unis pour la réservation des vols de la compagnie
American Airlines. Cette compagnie faisait face à de sérieux problèmes dans son processus de
réservation dans les années 1950. Le système de réservation historique dʼAmerican Airlines était
alors entièrement manuel. Un processus plus automatisé était nécessaire pour faire entrer Ameri-
can Airline dans lʼère du transport aérien à grande échelle.

En 1953 un commercial de haut niveau dʼIBM, Blaire Smith, rencontre C. R. Smith, président
dʼAmerican Airlines, à lʼoccasion dʼun voyage dʼaffaires et ils discutent de leurs activités profes-
sionnelles respectives. À cette époque-là, IBM travaillait justement pour lʼUS Air Force sur le projet
SAGE… Il nʼa pas échappé aux deux businessmen que le principe fonctionnel de SAGE pouvait
être adapté aux besoins dʼAmerican Airline en matière de réservation. 30 jours après cette rencon-
tre, IBM soumet une proposition de recherche à American Airlines, suggérant dʼétudier le problème
plus avant et dʼévaluer lʼopportunité dʼutiliser un "cerveau électronique".

Un contrat formel pour le développement est signé en 1957, et le premier système expérimental
déployé en 1960. Le système est un succès — et un succès nécessaire, notamment en raison de
son coût astronomique de 40 millions de dollars (de lʼépoque, soit environ 350 millions de dollars
dʼaujourdʼhui) pour le développement et lʼinstallation. À partir de 1964, toutes les réservations
American Airlines sont gérées par ce système.

Les recherches nécessaires autour du projet SABRE ont aussi amené leur lot dʼinnovations. En
1956, IBM commercialise le premier disque dur, le RAMAC 305 (Random Access Method of Ac-
counting and Control). Il est constitué de 50 disques de 61 cm de diamètre et peut stocker 5
Mo.  Les projets SAGE et SABRE ont également provoqué des retombées positives sur le plan
humain en formant des milliers de programmeurs qui se sont ensuite disséminés dans tous le
pays, contribuant ainsi à créer une vaste et nouvelle catégorie socioprofessionnelle : les informati-
ciens.

LʼIBM 1401 à la suite du 650

On lʼa vu, le projet SAGE fut vraiment profitable à IBM et pas seulement sur le plan financier mais
aussi sur le plan technique. IBM fut invité à examiner les détails du Whirlwind et sʼen inspira lar-
gement pour concevoir ses premiers ordinateurs commerciaux  : le 701 destiné à des usages
scientifiques et militaires ainsi que le 702, version destinée aux usages civils (pour la gestion des
entreprises par exemple).

IBM proposa ainsi une série de machines durant les années cinquante qui étaient toutes des très
petites séries utilisant les techniques de pointe de lʼépoque. Les choses commencent à changer
avec le modèle 650. Il fut le premier au monde à avoir vraiment été fabriqué en "grande" série. Il a
été annoncé en 1954, et plus de 2000 unités ont été produites entre la première livraison en 1954
et lʼarrêt de cette production en 1962.

Le 650 a été le premier succès commercial dʼIBM dans le secteur des ordinateurs. Mais cette
réussite restait limitée : lʼessentiel de lʼactivité de la compagnie restait lié à la production de machi-
nes mécanographiques et les principaux clients continuaient à privilégier cette technologie déjà
ancienne mais fiable et économique. Cʼest avec cela en tête quʼIBM conçu le successeur du mo-
dèle 650 : le 1401.


Page 11 - Première partie : lʼère du matériel
Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ?

Le modèle 1401 était le premier ordinateur reposant sur des transistors. Il était plus rapide que le
650 mais surtout plus fiable et moins coûteux. Ce nouveau "mainframe" fut annoncé en octo-
bre 1959 et les installations commencèrent dès le début de 1960. Les prévisions de livraison dʼIBM
pour ce modèle sʼétablissaient à 1 000 exemplaires. Mais, finalement, plus de 120 000 exemplai-
res du 1401 furent assemblés et installés chez les clients… Comment expliquer que les prévisions
dʼIBM aient été aussi pessimistes ?

Le succès inattendu du 1401 vient du fait quʼil ne sʼagissait pas dʼun ordinateur isolé, aussi sophis-
tiqué quʼil pouvait lʼêtre, mais dʼun véritable "système" : un processeur entouré par des périphéri-
ques innovants. En particulier une imprimante rapide (le modèle 1403) qui était capable dʼimprimer
600 lignes par minute alors que les modèles précédents se contentaient de 150 lignes par minu-
tes. Cʼest cette offre qui a vraiment décidé la base des clients traditionnels dʼIBM à basculer de la
mécanographie à lʼinformatique…

Honeywell modèle H200

Le succès du 1401 inspira le premier "copieur" de lʼindustrie informatique  : en 1963, Honeywell
annonça le modèle H200 qui avait pour particularité dʼêtre entièrement compatible avec lʼIBM 1401
(grâce à un logiciel de conversion des programmes nommé "Liberator"…). Pour la première fois,
les clients avaient une alternative à IBM sans devoir refaire tous leurs programmes…

Alors que les "sept nains" (cʼétait le surnom des concurrents dʼIBM dans les années soixante)
sʼépuisaient à lutter frontalement avec IBM, Honeywell inventait la stratégie de lʼordinateur compa-
tible (une stratégie qui sera suivie des années plus tard par Amdhal, Comparex et les construc-
teurs japonais comme Fujitsu). Honeywell bénéficia dʼun certain succès avec cette démarche mais
elle démontrait surtout que le point clé du succès résidait désormais dans le verrouillage quʼimpli-
quaient lʼécriture et la réécriture des programmes. Verrouillage qui devenait bien plus important
que lʼattrait des derniers progrès en matière dʼélectronique et les gains de performances qui y
étaient liés…

Le logiciel commence à sortir des limbes avec les premiers compilateurs (Fortran et Cobol). Du
côté de lʼélectronique, le transistor a remplacé le tube à vide fragile, encombrant et grand con-
sommateur dʼélectricité. Noyce (au sein de Fairchild) et Kilby (au sein de Texas Instrument) ont
inventé le circuit intégré. Tout est en place pour que lʼhistoire moderne commence. La préhistoire a
permis de passer dʼun secteur dʼactivité quasiment artisanal mais très innovant à une industrie
structurée et aux pratiques technologiques bien établies.

Cʼest IBM qui a suscité ce tournant et cʼest aussi IBM qui en a le plus bénéficié. Cette évolution a
aussi été lʼoccasion de séparer deux types dʼacteurs : ceux qui avaient une logique contractuelle et
ceux qui avaient une volonté industrielle. Les premiers faisaient financer la recherche technique
par les grands donneurs dʼordres (typiquement lʼarmée américaine dans un premier temps) et
nʼenvisageaient pas dʼinvestir leurs propres moyens afin de se ménager une avance et dʼen faire
bénéficier ensuite leurs clients. Ces acteurs raisonnaient au coup par coup, ils étaient seulement
intéressés par la perspective du prochain contrat, non par celle de construire un marché.

À lʼopposé de ce comportement passif, on trouve quelques acteurs comme IBM ou NCR qui se
situent dans une logique industrielle et adoptent un comportement actif : investir eux-mêmes dans
la recherche afin de pouvoir proposer une offre adaptée au marché de masse. Il est naturel que ce
soient IBM et (dans une moindre mesure) NCR qui soient à lʼorigine de ce changement dʼéchelle
puisquʼeux-mêmes se situaient plus sur le marché industriel que sur le marché contractuel (les so-
lutions de mécanographies pour IBM, les caisses enregistreuses pour NCR).

Ce premier niveau de maturité de lʼindustrie se traduit par deux conséquences : le ralentissement
de lʼinnovation et lʼapparition du marketing afin dʼélargir et de dynamiser le marché potentiel… Ce
mécanisme en trois temps (innovations rapides afin de concrétiser la nouvelle percée, puis appari-
tion dʼacteurs imposant une logique de masse, et enfin prise de relais par le marketing afin dʼélar-
gir le marché) va se reproduire à chaque tournant de lʼhistoire de lʼinformatique dans sa période
"moderne"… 

Grosses entreprises pour des gros besoins



                                                            Page 12 - Première partie : lʼère du matériel

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  • 1. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? Chapitre 1 - la préhistoire de lʼinformatique moderne Les vrais pionniers de lʼinformatique telle quʼon la connaît aujourdʼhui sont peu connus… Il sʼagit dʼun binôme : J. Presper Eckert et John Mauchly. En 1946, ce sont eux qui sont à lʼorigine de lʼENIAC (Electronic Numerical Integrator and Compu- ter). Ce sont encore ces deux-là qui lancent la première start-up informatique afin de commerciali- ser des ordinateurs (Eckert – Mauchly Computer Corporation, EMCC). La première commande vient de lʼUS Navy pour le BINAC en août 1949. En 1951, P. Eckert et J. Mauchly, ayant revendu leur compagnie à Remington Rand, lancent lʼUNIVAC I (UNIversal Automatic Computer). Il sʼagit du premier ordinateur commercial de lʼhistoire. Le premier fut vendu au bureau de recensement Américain. Mais cʼest grâce au flair marketing de Remington Rand que le premier "coup médiatique", véritable événement fondateur de lʼinformatique, est réalisé : Remington Rand (Unisys aujourdʼhui) proposa à CBS dʼorganiser une prévision des résultats par ordinateur pour le soir des élections présiden- tielles américaines de 1952. Walter Cronkite (le présentateur vedette de CBS) était sceptique, mais la soirée fut un succès car la prévision donnée par UNIVAC était exacte à 1 % près ! Cet épisode eut un grand retentissement dans lʼopinion publique américaine et contribua à faire connaître la notion "dʼordinateur" au grand public de lʼépoque. Depuis ses débuts à la fin de la Se- conde Guerre mondiale, lʼinformatique évoluait rapidement mais de façon chaotique  : cʼest une période où tout est à inventer et où les innovations marquantes sont obligatoires. Mais, dans ce déferlement, il était impossible de bâtir quelque chose de durable car les changements techniques où chaque nouveauté, chaque nouvelle génération de machines démodait instantanément la pré- cédente. Ce contexte convenait à peu près à la communauté scientifique mais pas du tout au monde des affaires. Dans un premier temps, cʼest UNIVAC (division de Remington Rand après le rachat de la start-up de P. Eckert et J. Mauchly) qui domine lʼembryon dʼindustrie qui est en train de se former mais IBM, lʼacteur dominant du marché des tabulatrices, va sʼefforcer de revenir dans la course. Il va y parvenir grâce à ses propres efforts (en particulier avec le modèle 1401) mais aussi en étant impliqué dans les deux projets majeurs de cette époque : les projets SAGE et SABRE… Ces projets conduiront à lʼinvention de la notion de "fonctionnement temps réel". Jusque-là, les quelques ordinateurs vendus et installés étaient utilisés sans aucune imagination  : du batch, en- core du batch et toujours du batch. Ces calculateurs étaient modernes dans leur conception mais ils étaient employés avec les mêmes démarches et processus que les systèmes mécanographi- ques quʼils remplaçaient. Lʼinvention du "temps réel" allait permettre de changer cela (mais cela se fit très progressivement). Le projet SAGE, le réseau informatique de défense américain  Le Whirlwind, crée au MIT par Jay Forrester, Ken Olsen (le futur fondateur de Digital Equipment) et leur équipe, est le tout premier ordinateur temps réel (1949-1951). En 1952, IBM est contacté pour mettre en chantier la production des ordinateurs du réseau SAGE (Semi Automated Ground Envi- ronment) dont le Whirlwind était le prototype.  Une cinquantaine de machines, portant le nom AN/FSQ7, sera produite. Le projet SAGE consistait à coordonner un flux de messages, à lʼaide dʼune série de gros ordinateurs, depuis des radars jus- quʼaux unités dʼinterception de lʼUS Air Force, permettant ainsi de réduire significativement le temps requis pour contrer une attaque éventuelle de bombardiers. Page 10 - Première partie : lʼère du matériel
  • 2. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? En juillet 1958, le premier bunker du réseau SAGE devient opérationnel. Lʼordinateur AN/FSQ7 de chaque centre est capable de gérer 400 avions simultanément. Le dernier bunker du réseau SAGE fermera en janvier 1984. Le projet SAGE a été bien moins célèbre que le projet SABRE mais il eut beaucoup dʼimportance dans la montée en puissance dʼIBM dans le nouveau (pour lʼépoque) domaine de lʼinformatique. Comme lʼa plus tard avoué Tom Watson Jr (dirigeant historique dʼIBM dans la seconde moitié du XXème siècle) « cʼest la guerre froide qui aida IBM à devenir le roi du secteur informatique… ». Le projet SABRE Premier réseau informatique à but commercial, SABRE (Semi Automated Business Related Envi- ronment) a été réalisé par IBM au début des années soixante. Au moment de sa mise en service, il va relier 1 200 téléscripteurs à travers les Etats-Unis pour la réservation des vols de la compagnie American Airlines. Cette compagnie faisait face à de sérieux problèmes dans son processus de réservation dans les années 1950. Le système de réservation historique dʼAmerican Airlines était alors entièrement manuel. Un processus plus automatisé était nécessaire pour faire entrer Ameri- can Airline dans lʼère du transport aérien à grande échelle. En 1953 un commercial de haut niveau dʼIBM, Blaire Smith, rencontre C. R. Smith, président dʼAmerican Airlines, à lʼoccasion dʼun voyage dʼaffaires et ils discutent de leurs activités profes- sionnelles respectives. À cette époque-là, IBM travaillait justement pour lʼUS Air Force sur le projet SAGE… Il nʼa pas échappé aux deux businessmen que le principe fonctionnel de SAGE pouvait être adapté aux besoins dʼAmerican Airline en matière de réservation. 30 jours après cette rencon- tre, IBM soumet une proposition de recherche à American Airlines, suggérant dʼétudier le problème plus avant et dʼévaluer lʼopportunité dʼutiliser un "cerveau électronique". Un contrat formel pour le développement est signé en 1957, et le premier système expérimental déployé en 1960. Le système est un succès — et un succès nécessaire, notamment en raison de son coût astronomique de 40 millions de dollars (de lʼépoque, soit environ 350 millions de dollars dʼaujourdʼhui) pour le développement et lʼinstallation. À partir de 1964, toutes les réservations American Airlines sont gérées par ce système. Les recherches nécessaires autour du projet SABRE ont aussi amené leur lot dʼinnovations. En 1956, IBM commercialise le premier disque dur, le RAMAC 305 (Random Access Method of Ac- counting and Control). Il est constitué de 50 disques de 61 cm de diamètre et peut stocker 5 Mo.  Les projets SAGE et SABRE ont également provoqué des retombées positives sur le plan humain en formant des milliers de programmeurs qui se sont ensuite disséminés dans tous le pays, contribuant ainsi à créer une vaste et nouvelle catégorie socioprofessionnelle : les informati- ciens. LʼIBM 1401 à la suite du 650 On lʼa vu, le projet SAGE fut vraiment profitable à IBM et pas seulement sur le plan financier mais aussi sur le plan technique. IBM fut invité à examiner les détails du Whirlwind et sʼen inspira lar- gement pour concevoir ses premiers ordinateurs commerciaux  : le 701 destiné à des usages scientifiques et militaires ainsi que le 702, version destinée aux usages civils (pour la gestion des entreprises par exemple). IBM proposa ainsi une série de machines durant les années cinquante qui étaient toutes des très petites séries utilisant les techniques de pointe de lʼépoque. Les choses commencent à changer avec le modèle 650. Il fut le premier au monde à avoir vraiment été fabriqué en "grande" série. Il a été annoncé en 1954, et plus de 2000 unités ont été produites entre la première livraison en 1954 et lʼarrêt de cette production en 1962. Le 650 a été le premier succès commercial dʼIBM dans le secteur des ordinateurs. Mais cette réussite restait limitée : lʼessentiel de lʼactivité de la compagnie restait lié à la production de machi- nes mécanographiques et les principaux clients continuaient à privilégier cette technologie déjà ancienne mais fiable et économique. Cʼest avec cela en tête quʼIBM conçu le successeur du mo- dèle 650 : le 1401. Page 11 - Première partie : lʼère du matériel
  • 3. Cow-boys contre chemin de fer ou que savez-vous vraiment de lʼhistoire de lʼinformatique ? Le modèle 1401 était le premier ordinateur reposant sur des transistors. Il était plus rapide que le 650 mais surtout plus fiable et moins coûteux. Ce nouveau "mainframe" fut annoncé en octo- bre 1959 et les installations commencèrent dès le début de 1960. Les prévisions de livraison dʼIBM pour ce modèle sʼétablissaient à 1 000 exemplaires. Mais, finalement, plus de 120 000 exemplai- res du 1401 furent assemblés et installés chez les clients… Comment expliquer que les prévisions dʼIBM aient été aussi pessimistes ? Le succès inattendu du 1401 vient du fait quʼil ne sʼagissait pas dʼun ordinateur isolé, aussi sophis- tiqué quʼil pouvait lʼêtre, mais dʼun véritable "système" : un processeur entouré par des périphéri- ques innovants. En particulier une imprimante rapide (le modèle 1403) qui était capable dʼimprimer 600 lignes par minute alors que les modèles précédents se contentaient de 150 lignes par minu- tes. Cʼest cette offre qui a vraiment décidé la base des clients traditionnels dʼIBM à basculer de la mécanographie à lʼinformatique… Honeywell modèle H200 Le succès du 1401 inspira le premier "copieur" de lʼindustrie informatique  : en 1963, Honeywell annonça le modèle H200 qui avait pour particularité dʼêtre entièrement compatible avec lʼIBM 1401 (grâce à un logiciel de conversion des programmes nommé "Liberator"…). Pour la première fois, les clients avaient une alternative à IBM sans devoir refaire tous leurs programmes… Alors que les "sept nains" (cʼétait le surnom des concurrents dʼIBM dans les années soixante) sʼépuisaient à lutter frontalement avec IBM, Honeywell inventait la stratégie de lʼordinateur compa- tible (une stratégie qui sera suivie des années plus tard par Amdhal, Comparex et les construc- teurs japonais comme Fujitsu). Honeywell bénéficia dʼun certain succès avec cette démarche mais elle démontrait surtout que le point clé du succès résidait désormais dans le verrouillage quʼimpli- quaient lʼécriture et la réécriture des programmes. Verrouillage qui devenait bien plus important que lʼattrait des derniers progrès en matière dʼélectronique et les gains de performances qui y étaient liés… Le logiciel commence à sortir des limbes avec les premiers compilateurs (Fortran et Cobol). Du côté de lʼélectronique, le transistor a remplacé le tube à vide fragile, encombrant et grand con- sommateur dʼélectricité. Noyce (au sein de Fairchild) et Kilby (au sein de Texas Instrument) ont inventé le circuit intégré. Tout est en place pour que lʼhistoire moderne commence. La préhistoire a permis de passer dʼun secteur dʼactivité quasiment artisanal mais très innovant à une industrie structurée et aux pratiques technologiques bien établies. Cʼest IBM qui a suscité ce tournant et cʼest aussi IBM qui en a le plus bénéficié. Cette évolution a aussi été lʼoccasion de séparer deux types dʼacteurs : ceux qui avaient une logique contractuelle et ceux qui avaient une volonté industrielle. Les premiers faisaient financer la recherche technique par les grands donneurs dʼordres (typiquement lʼarmée américaine dans un premier temps) et nʼenvisageaient pas dʼinvestir leurs propres moyens afin de se ménager une avance et dʼen faire bénéficier ensuite leurs clients. Ces acteurs raisonnaient au coup par coup, ils étaient seulement intéressés par la perspective du prochain contrat, non par celle de construire un marché. À lʼopposé de ce comportement passif, on trouve quelques acteurs comme IBM ou NCR qui se situent dans une logique industrielle et adoptent un comportement actif : investir eux-mêmes dans la recherche afin de pouvoir proposer une offre adaptée au marché de masse. Il est naturel que ce soient IBM et (dans une moindre mesure) NCR qui soient à lʼorigine de ce changement dʼéchelle puisquʼeux-mêmes se situaient plus sur le marché industriel que sur le marché contractuel (les so- lutions de mécanographies pour IBM, les caisses enregistreuses pour NCR). Ce premier niveau de maturité de lʼindustrie se traduit par deux conséquences : le ralentissement de lʼinnovation et lʼapparition du marketing afin dʼélargir et de dynamiser le marché potentiel… Ce mécanisme en trois temps (innovations rapides afin de concrétiser la nouvelle percée, puis appari- tion dʼacteurs imposant une logique de masse, et enfin prise de relais par le marketing afin dʼélar- gir le marché) va se reproduire à chaque tournant de lʼhistoire de lʼinformatique dans sa période "moderne"…  Grosses entreprises pour des gros besoins Page 12 - Première partie : lʼère du matériel