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Le passage de la LGV Tours-Bordeaux au sein du territoire du
pays Ruffécois : effets et stratégies d’acteurs
Auteurs :
MASTER 1 MECI (option aménagement et développement local) et M2 IADL de l’Université
Paris-Diderot
http://www.m2-iadl.info/
Décembre 2014
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LISEA, Société concessionnaire, a mis en place en partenariat avec RFF, concédant
de la ligne grande vitesse Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux, un observatoire
socio-économique destiné à évaluer les effets directs et indirects de la construction,
puis de l’exploitation de la ligne.
Les travaux tirés de l’observatoire doivent pouvoir :
- Être utiles aux acteurs locaux afin qu’ils intègrent au mieux la LGV sur leur
territoire ;
- Participer aux bilans et argumentaires nationaux, établis par l’Etat et RFF, sur les
effets des lignes ferroviaires à grande vitesse et en tirer profit dans le cadre d’une
démarche prospective ;
- Préparer le bilan LOTI.
Le programme de travail de l’observatoire socio-économique pour la période 2013-
2020 s’organise autour de six axes :
1. Effets « chantier »,
2. Offres de transport et mobilité,
3. Effets « gare LGV »,
4. Dynamiques métropolitaines et territoriales,
5. Tourisme et LGV,
6. Stratégies des acteurs et organisations.
Ce rapport financé par l’observatoire socio-économique de LISEA s’inscrit dans le
cadre de l’axe 6 « stratégies des acteurs et organisation ». Il a été encadré par
Sandrine Berroir et Frédéric Santamaria, maîtres de conférences pour l’Université
Paris Diderot Paris 7 et Elodie Manceau pour LISEA.
Les auteurs de la note sont :
- Les étudiants du M1 Meci, option aménagement et développement local
(Université Paris-Diderot Paris 7) : Louise Ayres, Princesse Baku Detila,
Camille Bonfils, Alice Duval, Thomas Gentili, Karine Lebihan, Manel Maadadi,
Adèle Mongeau, Justine Sisman, Souad Saoudi ;
- Les étudiants du M2 Ingénierie de l’Aménagement et du Développement
Local (Université Paris-Diderot Paris 7) : Faïd Abderemane, Rifouata Ali,
Haifa Al-Labadi, Leda Anguelova, Joanna Benito, Natalia Castro, Audrey
Ducreux, Laurianne Hervé, Anna Lacaberats, Chloé Rochefort, Eulalie Tulasne,
Perrine Vandecastele
Nous remercions l’ensemble des participants à cette étude.
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Sommaire
Introduction ………………………………………………………………………… p.4
Méthodologie ………………………………………………………………………. p.6
1. La LGV dans le pays ruffécois : des effets ressentis et attendus, des
risques redoutés
p.8
1.1 La desserte : la crainte de « l’effet tunnel » p.8
1.2 Des effets et des risques territoriaux liés à la LGV p.11
1.3 Des retombées économiques sujettes à controverses p.18
1.4 Les effets attendus de la LGV : un bouleversement sur le paysage et
l’environnement p.21
2. Des acteurs aux postures contrastées vis-à-vis de la LGV et qui
entretiennent un rapport problématique au territoire local p.23
2.1 Des acteurs locaux peu préparés, passifs voire résignés p.23
2.2 Des acteurs critiques et constructifs p.26
2.3 Objectifs nationaux et impacts locaux : la position de l’Etat p.27
Conclusion p.31
Références bibliographiques p.33
Annexes p.34
- Liste des partenaires rencontrés p.34
- Guide d’entretiens p.35
Page 4 sur 36
Introduction
Le projet Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux est un projet de Ligne
ferroviaire à Grande Vitesse (LGV) de 340 kilomètres (dont 38 km de
raccordements), assurant une liaison continue à grande vitesse entre Paris
et Bordeaux. Ce projet s’inscrit dans un schéma global d’aménagement du
territoire issu des décisions du Grenelle de l’Environnement et ouvre la voie
à d’autres projets de LGV (vers Limoges, Toulouse et l’Espagne
éventuellement). Aujourd’hui, sur ce trajet, seule la partie Paris-Tours peut
être parcourue à grande vitesse.
Lors de la mise en service commerciale de la LGV SEA en 2017, Bordeaux
sera à 2h05 minutes de Paris, soit un gain de temps d’environ une heure
sur le trajet actuel. Il permettra aussi de :
- renforcer le développement du fret ferroviaire et des liaisons TER
sur la ligne actuelle entre Tours et Bordeaux
- et devrait apporter une réponse positive aux enjeux de
développement économique du grand sud-ouest en reliant, par la
façade atlantique, les régions du nord et de l’est de l’Europe au
sud-ouest de la France et à la péninsule ibérique.
Ce projet présente des enjeux et des opportunités pour les territoires et les
acteurs concernés, du local à l’Europe qu’il s’agit pour la société
concessionnaire de la Ligne : LISEA d’interroger à travers l’observatoire
socio-économique. Les lignes à grande vitesse (LGV) constituent en effet
des projets de longue période et imposent aux acteurs de clarifier leurs
stratégies et d’anticiper des transformations majeures. Les LGV imposent
aussi pour les acteurs des adaptations permanentes, des procédures plus
ou moins ponctuelles, des mises en surveillance … qu’en est-il alors pour
le territoire du Ruffécois, « traversé et non desservi » par la LGV ?
Ruffec, dans le nord Charente, se situe à mi-chemin entre Poitiers et
Angoulême, au nord de Villognon (Fig.1, p.4). Il s’agit d’une commune
rurale de 3 500 habitants dans une aire urbaine de presque 7 000
habitants.
Sa densité (36 h/km2) reste faible et ce territoire conserve une forte
dominante agricole. Quelques petits pôles urbains structurent cet espace,
dessinant un axe plus important de population du Nord au Sud, de Ruffec à
Saint Amant de Boixe en passant par Mansle. Si la population du Ruffécois
a évolué positivement ces dernières années, ce territoire est soumis à des
dynamiques contrastées, qui tendent à opposer :
- les communes situées au Sud du territoire et sur l’axe RN10 qui
bénéficient indéniablement de l’attractivité de l’agglomération
angoumoisine et du phénomène de périurbanisation. Leur
population augmente et se densifie
- et les franges Est et Ouest du Pays qui souffrent d’une faible
attractivité.
L’arrêt TGV de Ruffec couvre un bassin d’usagers estimé à 100 000
habitants. Il comprend le Nord-Charente (Ruffécois et Charente
Limousine), le sud des Deux-Sèvres et le sud de la Vienne. La fréquence
est de 1 passage le matin (9h39) et 1 le soir (16h46). Le reste du trafic est
assuré par le TER qui dessert également la gare de Luxé (SCOT Pays
Ruffécois) (Fig.2, p.10).
Page 5 sur 36
Fig. 1 Ruffec en Charente (source : http://www.larousse.fr/, 2014)
Si la commune n’est pas directement traversée par la LGV SEA, son lien
tient à la desserte dont elle dispose. En effet, avec la mise en service de
ligne SEA, on peut supposer que l’arrêt existant sera supprimé. En 2011, la
commune anticipait d’ailleurs cette situation et Ruffec criait « gare » pour
reprendre le titre de presse de Sud-ouest.
La LGV, le maire de Ruffec ne s’y est pas opposé mais il témoigne qu’il
n’a pas vraiment eu le choix. Les témoignages évoquent pour le moment
l’absence de projet de territoire à Ruffec lié à l’arrivée de la grande vitesse
et semblent davantage adopter une posture de résignation. Quels sont les
facteurs qui peuvent expliquer cette posture ?
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Photographie 1. Les travaux de la LGV SEA dans le pays ruffécois (Charmé)
(Le Douare pour LISEA, juin 2014)
Méthodologie
La méthode s’articule autour d’une enquête de terrain et des entretiens
auprès des acteurs des territoires du local à l’échelle de l’Etat.
Pour mener à bien l’enquête de terrain auprès des acteurs locaux, un
travail préparatoire en groupe a tout d’abord été effectué. Elodie Manceau
nous a présenté en détail la commande de l’observatoire, ainsi que le
projet global de la LGV et le territoire du Ruffécois.
Cette présentation a ensuite été complétée par deux approches : une
lecture des diagnostics territoriaux du territoire concerné (Ruffec, Poitou-
Charentes) et une lecture du retour d’expériences des territoires ruraux
traversés par la Grande Vitesse.
A la suite de ce travail préliminaire, visant à mieux connaître le territoire
étudié ainsi que les implications que pourrait avoir la LGV sur ce territoire,
nous avons pris contact avec les acteurs concernés et avons élaboré une
grille d’entretien. Les acteurs contactés relèvent des différentes échelles
institutionnelles concernées par le territoire du Ruffécois, de la commune à
l’Etat. Dans ce cadre, des acteurs politiques, économiques et des
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responsables techniques ont été sollicités (Liste des entretiens en annexe).
En ce qui concerne la grille d’entretien, nous avons mis en évidence trois
thèmes à aborder lors de chaque entretien, en lien avec les objectifs de la
commande :
- l’appréciation de l’intérêt de la LGV pour le Ruffécois ;
- le positionnement de l’acteur par rapport à la LGV ;
- la stratégie relative à la LGV mise en œuvre par l’acteur.
Au sein de ces thèmes figurent des propositions de questions et de
relances. L’objectif de cette grille était de cerner les perceptions que
chaque acteur a des effets de la ligne sur le Ruffécois, à court terme
comme à long terme, dans différents domaines tels que l’emploi, l’activité
économique, les dynamiques spatiales ou encore la desserte du territoire. Il
s’agissait également de comprendre la posture de chacun, leur vision du
projet et son évolution au cours des différentes phases d’élaboration et de
conception de la ligne et de saisir les stratégies et initiatives mises en
œuvre et prévues.
La deuxième phase de l’étude s’est déroulée du 3 au 5 mars 2014. Durant
trois jours, des entretiens semi-directifs ont été menés avec les acteurs
concernés par la LGV et le territoire du Ruffécois. Ces entretiens ont été
réalisés par des groupes de deux à trois étudiants, la plupart du temps en
présence d’un enseignant ou d’Elodie Manceau. Une limite peut-être
apportée aux entretiens passés. En effet, l’étude s’est déroulée dans un
contexte d’élections municipales ce qui a pu influencer le discours des
différents acteurs politiques interrogés.
Ces entretiens ont fait l’objet d’une retranscription et d’une analyse
thématique à l’aide d’une grille d’analyse réalisée en groupe. Cette grille
d’analyse reprend les grands thèmes de la grille d’entretiens,
correspondant de fait aux principaux questionnements de la commande :
- les effets ressentis et attendus de la LGV et les risques
perçus ;
- les postures des acteurs, c’est à dire la représentation du
territoire de chaque acteur ainsi que son positionnement et les
stratégies envisagées face à la LGV;
- les relations entre acteurs : entre les acteurs et LISEA et entre
les acteurs territoriaux.
La confrontation des entretiens à la grille d’analyse et aux lectures relatives
au territoire et aux différents projets de LGV a permis de dégager les
résultats de la recherche. Après avoir analysé les différents effets
ressentiset attendus par les acteurs en lien avec la ligne, ce rapport
présente les postures des acteurs ainsi que les relations liées à la LGV.
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1. La LGV dans le pays ruffécois : des effets ressentis et
attendus, des risques redoutés
Les entretiens réalisés au cours de l’enquête auprès des acteurs
territoriaux mettent en évidence différents types d’effet : avérés et attendus
sur des temporalités courtes et longues. Des craintes liées à la perception
de risques potentiels sont également associés au projet. Ces différents
éléments renvoient à quatre thèmes principaux qui font l’objet des
préoccupations et des prévisions des acteurs :
• la desserte,
• l’organisation du territoire,
• l’économie
• et les paysages.
L’analyse sera ici ponctuée de témoignages indiqués en gras et issus des
entretiens réalisés.
1.1 LA DESSERTE : LA CRAINTE DE « L’EFFET TUNNEL »
La construction de la LGV Sud Europe Atlantique suscite deux types de
réaction chez les acteurs institutionnels, économiques et sociaux quant aux
effets possibles sur les dessertes du territoire du Ruffécois. Ces réactions
renvoient à la temporalité du chantier et de l’exploitation.
A court terme, les inquiétudes portent sur les perturbations que la
construction de la ligne peut engendrer sur les dessertes des TGV. En
effet, les travaux ont provoqué une gêne des usagers, occasionnée par la
modification des horaires des TGV, avec notamment une baisse de la
régularité des trains. Ces modifications se reportent sur les habitudes des
usagers quotidiens qui voient leur trajet se rallonger soit par la
multiplication des correspondances, soit par les changements d'horaires
des trains. Les personnes qui empruntent le TGV le matin pour aller
travailler sont contraints de commencer beaucoup plus tôt ou beaucoup
plus tard ou bien d'emprunter d'autres modes de transports. Ces
changements d'horaires poussent certains élus locaux à se demander si à
terme, ces modifications ne vont pas entrainer une suppression totale des
dessertes de Ruffec par le TGV…. Ces perturbations et interrogations sont
donc sources d'inquiétudes autant pour les usagers que pour les acteurs
locaux, communaux et départementaux.
A long terme, les acteurs émettent des inquiétudes quant à l'organisation
des futures dessertes, qui pourrait impliquer un « effet tunnel ».
L’incertitude générée par le manque d'informations, pousse aussi les
acteurs à formuler des hypothèses sur ce que pourraient devenir les lignes
libérées et sur les nouvelles correspondances possibles. En effet, certains
acteurs locaux, communaux et intercommunaux se questionnent quant à la
qualité de la future desserte des TGV, non encore défini, après la fin des
travaux. En effet, le schéma de desserte ne sera connu qu’au début de
l’année 2016.
Très concrètement, les préoccupations portent sur plusieurs aspects du
niveau de service :
- Le futur « horaire de service » (TGV, TET, TER). Certains acteurs locaux
se sont exprimés sur le sujet en ces termes : « je ne suis pas sûr qu’au
Page 9 sur 36
final on ait une aussi bonne desserte en TGV qu’actuellement ».
- La fréquence des rabattements vers les autres modes de transports,
l'organisation et la gestion des correspondances, notamment des
correspondances entre la LGV et les TER : « la LGV sera utile et
efficace (...) si le réseau secondaire est développé en fonction des
besoins des populations qui auront le souhait d’être rabattus vers les
grandes gares de la LGV ».
- Le confort du transport, en lien avec la nécessité de combiner pour un
seul trajet plusieurs modes de transports et d’avoir des points de ruptures
de charge.
- La future organisation des titres de transports. Pour quelques acteurs
économiques, il faudrait assurer un bon service de billettique, c'est à dire
que les usagers devraient pouvoir avoir un même billet pour une
destination, malgré les différents types de transports utilisés, afin de faciliter
leur mobilité.
De façon générale, les acteurs locaux s’interrogent et s’inquiètent sur le
devenir de leur accessibilité, évoquant le risque d’un effet tunnel qui
réduirait le nombre de dessertes pour le Ruffécois, dans une perspective
où seules les villes moyennes et les plus grandes agglomérations sont
desservies. Sur ce sujet, la référence à d’autres territoires français
concernés par des problématiques similaires a souvent été évoquée dans
les entretiens pour appuyer la crainte des acteurs locaux quant au
renforcement de l’isolement de leurs territoires1
.
La mise en place de TER et de bus qui détermineront la qualité des
raccordements ressort aussi comme une source d’inquiétude pour les
territoires locaux. Les acteurs considèrent manquer d’informations à ce
sujet. Ils ne savent pas si des raccordements à la LGV vont être mis en
place. De plus, si des raccordements sont créés, cela ne signifie pas
obligatoirement que ces derniers seront coordonnés avec les dessertes de
la LGV. Par conséquent, il existe une réelle crainte autour de ces
questions, tant par rapport à l’évolution des conditions d’accès aux
métropoles proches, qu’au renforcement de l’usage de la voiture pour
pallier une moindre accessibilité par les transports collectifs. Si la mise en
place et la qualité des raccordements ne se fait pas ou n'est pas bien
gérée, les usagers des TGV, des TER et des bus pourraient « ne plus
trouver utile d'emprunter ces moyens de transports et préférer
prendre leur voiture ». Ainsi, les transports collectifs déjà implantés au
sein du Ruffécois subiraient les conséquences de l'utilisation des modes de
transports privés, tels que la voiture, et verraient le nombre de leurs
usagers fortement diminuer.
De nombreuses hypothèses ont été formulées par les acteurs
économiques et sociaux autour de l'éventuelle possibilité de l'utilisation des
lignes libérées et de leur usage :
• Certains proposent que les libérations de lignes de TGV puissent
servir à la circulation de nouveaux TER. « Cela permettrait ainsi le
1 Bazin S, Beckerich C, Delaplace M, 2011, « Les effets des dessertes ferroviaires à grande
vitesse : des divergences d’objectifs qui limitent la portée des stratégies
d’accompagnement », migrations et territoires, pp.1-17.
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raccordement du Ruffécois aux villes plus importantes qui
possèdent un arrêt LGV comme par exemple Poitiers ».
• Ils suggèrent également que la libération de lignes pourrait « servir
à la circulation des trains de marchandises qui, de ce fait,
allègerait la charge des autres lignes, pour ainsi mieux répartir
l'ensemble du trafic fret ».
Pour accompagner l'arrivée de la ligne à grande vitesse, tous évoquent le
maintien de la qualité de la desserte régionale, notamment vers Poitiers et
Angoulême comme un enjeu majeur, et une condition indispensable pour
que la LGV puisse bénéficier à l’amélioration de la desserte du Ruffécois
(Fig.2). Les rabattements permis par une bonne desserte de TER seraient
bénéfiques pour le territoire du Ruffécois dans la mesure où ce dernier
pourrait profiter des retombées positives de la LGV et ne subirait pas, ou
moins, l'effet tunnel.
Fig 2. Infrastructures routières et ferroviaires (Syndicat de Pays du Ruffécois,
2013)
Si le réseau secondaire est développé en fonction des besoins des
populations du territoire non desservi, celles-ci auront besoin d'être
acheminées vers les grandes gares. Ainsi, la LGV serait, selon le point de
vue des acteurs situés à l'échelle régionale, « beaucoup plus utile et
efficace ».
Finalement, le maintien des arrêts des TGV actuels (2 par jour) à Ruffec
n’est pas un impératif unanimement partagé à l’échelle des territoires
locaux. L’enjeu est davantage porté sur la qualité du rabattement par les
transports régionaux sur les gares métropolitaines LGV et l’attention à
apporter aux ruptures de charge pour passer des trains régionaux aux
trains à grande vitesse (pôle multimodal…). En effet, les acteurs
institutionnels sont bien conscients que « le Pays du Ruffécois est marqué
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par un déséquilibre de service d’un canton à l’autre avec des zones
particulièrement isolées et accentué par l’absence de transport
transversal » (Pays du Ruffécois) (Fig.2).
Les acteurs locaux rencontrés ont aussi bien conscience que la LGV est
d’abord une liaison qui vise à rapprocher les grandes métropoles, « en
court-circuitant de fait les territoires intermédiaires dans lesquels ne
seront pas marqués d’arrêts ». C’est donc bien la qualité des dessertes
régionales pour raccorder ces lignes à grande vitesse qu’ils défendent et
revendiquent, en réfléchissant aux modalités d’utilisation des lignes
ferroviaires classiques.
1.2 DES EFFETS TERRITORIAUX LIES A LA LGV
Les effets sur les dynamiques et recompositions territoriales au sein du
territoire du Ruffécois, comme de son positionnement dans l’espace
régional suscite à la fois des éléments d’appréciation positive, vecteurs de
potentialités de développement, mais également un certain nombre de
réserves et de craintes à différentes échelles de temps et d’espaces de la
part des acteurs territoriaux.
Des risques liés à l’insertion du Ruffécois dans une dynamique
régionale
Deux éléments majeurs sont considérés comme des facteurs de risques
pour le Ruffécois : de nouvelles polarisations liées à l’effet tunnel et un
risque d’accentuation de la fracture régionale.
La ville de Ruffec pourrait subir un « effet tunnel » en raison de l’absence
d’un arrêt TGV. De manière générale, l’analyse des entretiens et des textes
laisse à penser que cela peut avoir pour effet une polarisation au bénéfice
des villes régionales qui seront desservies : Poitiers et Angoulême. Celles-
ci seront en effet plus attractives et potentiellement plus dynamiques. Cette
dynamisation pourrait se faire au détriment du territoire Ruffécois, dont
l’attractivité se verrait réduite.
Cette crainte est issue du retour d’expérience des différentes études
menées sur les LGV en France qui mettent en exergue le potentiel effet de
polarisation du territoire régional sur les grandes villes desservies2
. Plus
largement, la LGV permettrait également de renforcer le phénomène de
métropolisation3
, c’est à dire le développement de la puissance des
métropoles grâce à une meilleure accessibilité. Ce renforcement peut
passer par l’accroissement de la population et de l’activité économique ou
par la concentration des institutions de commandement. Or, cela peut être
2 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace
urbain homogène », Décimal, n°313
Bazin Sylvie et al, 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets
sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine,
p. 245-261.
3 DIACT, 2009, « Les effets de la Grande vitesse ferroviaire sur l’aménagement et le
développement des territoires : Etat de l’art et analyse bibliographique »
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source d’inégalités territoriales à l’égard des petites villes non desservies
qui voient leur accessibilité et leur attractivité réduite.
Le sentiment de risque de polarisation lié à l’arrivée de la LGV-SEA ressort
fortement des entretiens menés. Différents scénarios sont apparus. Tout
d’abord, la ligne pourrait être à l’origine d’un renforcement de l’attractivité
de Bordeaux vis-à-vis d’Angoulême. La plupart des acteurs prévoient
néanmoins un développement de l’attractivité et du dynamisme
d’Angoulême. Mais le propos est aussi nuancé car « si ce développement
pourrait être bénéfique au Ruffécois, le risque serait également de
provoquer des départs d’activités de Ruffec vers Angoulême. Le
territoire pourrait ainsi perdre son autonomie du fait de son
intégration dans la métropole angoumoisine où les ressources
seraient concentrées ». À ce titre, est évoquée l’évolution des territoires
tels que celui du Ruffécois vers de futures « zones périurbaines »
d’Angoulême. Les polarisations engendrées par la LGV s’avèreraient être
un risque de taille pour Ruffec et son territoire local d’insertion si la
desserte du territoire n’est pas au minimum maintenue au niveau actuel.
Photographie 2. Les commerces en perte de vitesse à Ruffec ? (1/2)
(Manceau, 2014)
Ce point de vue assez largement développé par les acteurs locaux du
territoire du Ruffécois est à mettre en perspective de propos sensiblement
différents, tenus par des acteurs de niveau d’intervention départemental ou
régional, pour qui l’avenir du Ruffécois est très largement lié aux
dynamiques des relations entre Poitiers et Angoulême. Pour eux, si les
communes du Ruffécois savent profiter d’une densification des échanges
avec ces deux métropoles régionales, elles pourraient profiter d’un effet
d’entrainement de leur développement. Les témoignages sont éloquents à
propos des conditions du développement du Ruffécois « les relations sont
Page 13 sur 36
faibles entre Angoulême et Poitiers, et Ruffec qui aurait pu jouer le
point d’accroche au milieu n’a pas joué ce rôle. L’avenir des effets
bénéfiques de la LGV sur Ruffec dépend de l’avenir des relations
entre Angoulême et Poitiers. C’est une chance pour Ruffec que la LGV
relie sans arrêt Poitiers à Angoulême, d’abord parce que ça va
relancer Poitiers et Angoulême, et du coup ça va étoffer les deux
bassins d’emploi et Ruffec, s’il sait profiter d’une densification des
relations TER entre Ruffec et Angoulême et Ruffec et Poitiers, ça peut
être bénéfique au second degré. Le fait que le TGV ne s’arrête pas à
Ruffec n’est pas un problème, par contre il y a deux conditions pour
que la LGV leur soit bénéfique : c’est d’une part que le territoire
ruffécois se battent pour des liaisons cadencées TER Ruffec-
Angoulême et Ruffec-Poitiers plus fortes et d’autre part que les
relations Angoulême et Poitiers soient plus fortes au niveau du TGV. Il
faut qu’Angoulême regarde un peu vers Poitiers pour que Ruffec soit
dedans ».
Photographie 3. Les commerces en perte de vitesse à Ruffec ? (2/2)
(Manceau, 2014)
A l’échelle plus locale, des réorganisations du fonctionnement territorial
sont également évoquées, qui amèneraient selon certains acteurs à des
réévaluations possibles des polarisations locales. En effet, actuellement,
Ruffec constitue un petit pôle au sein du territoire du ruffécois. Or, on
pourrait penser que la base travaux4
, transformée en base de maintenance
4 Le projet de la LGV SEA prévoit la création de quatre futures bases de maintenance le
long de la Ligne situées à Nouâtre (Indre-et-Loire), Poitiers (Vienne), Villognon (Charente) et
Clérac (Charente-Maritime) et de trois bases « travaux » situées également à Nouâtre,
Villognon et Clérac. La base travaux doit permettre la réalisation des équipements
ferroviaires. Il s’agit d’installations provisoires raccordées directement au réseau ferré à
Page 14 sur 36
avec la mise en service de la Ligne, pourrait modifier l’organisation du
territoire, en déplaçant la polarité vers la commune de Villognon qui
accueille cette base (Photographie 4). Certains entretiens révèlent que la
base travaux est déjà à l’origine d’un accroissement démographique et
économique de cette petite commune rurale. Villognon pourrait voir son
attractivité se développer au dépend du centre urbain principal du ruffécois.
La base maintenance, à travers ses 4000 mètres carrées de bureaux, va
permettre la création sur le territoire de 80 emplois ce qui est considéré
pour la commune de Villognon comme « une aubaine » (Carin, Charente
Libre, 30/11/2013).
Photographie 4. Base travaux de Villognon (P. Le Doare pour LISEA, 2014)
La ligne LGV présente un second facteur de risque pour le ruffécois :
l’accentuation des lignes de rupture à l’intérieur du territoire à l’échelle
régionale.
Le territoire régional dans lequel s’insère le ruffécois a souvent été évoqué
par les interlocuteurs rencontrés comme un territoire qui « manque de
cohésion ». Les différentes parties du territoire entretiennent des relations
intenses avec les départements limitrophes. Du point de vue de l’identité,
certains territoires sont ainsi tournés vers une autre région où une autre
ville5
. Par exemple, « Angoulême entretient déjà des relations
importantes avec Bordeaux ». De plus, il existe une opposition est-ouest
entre les différentes parties du territoire régional. Ainsi, l’ouest concentre
une grande partie de la population de la région et est plus dynamique en
termes d’emploi et d’attractivité touristique. Ce constat a été corroboré par
proximité et à la LGV en construction.
5 Boyer J-C, 2005, « Poitou-Charentes », in Boyer J-C, Carroué L, Gras J, et al, La France,
les 26 régions, Collection U, Armand Colin, pp 288-297.
Page 15 sur 36
les discours des acteurs du territoire. Il en ressort que « la Région n’est
pas une vraie région […] chaque département regarde vers la Région
voisine. Poitiers n’est pas vraiment un centre régional, Angoulême se
tourne vers Bordeaux, Poitiers regarde vers Tours, Niort regarde vers
Nantes et Tours. Quant à la Rochelle son développement est surtout
orienté vers le tourisme, notamment celui en lien avec des hauts-lieux
dans ce domaine (ex. : île de Ré) [...] ». Dans ce contexte régional, le
ruffécois se présente comme un territoire d’entre deux ayant pu structurer
son propre bassin de vie (Fig.3).
Fig.3 Les bassins de vie picto-charentais selon leur densité de population
(INSEE, 2009)
La LGV est vue selon certains comme un vecteur pouvant contribuer à
renforcer cette situation d’éclatement régional, en permettant
l’intensification des relations avec les autres territoires, au détriment des
interactions internes. La LGV créée de nouvelles polarités de transport et
va intensifier les relations entre ces polarités et les autres pôles reliés par
la ligne, comme Bordeaux et Paris. Les grandes villes pourraient ainsi se
retrouver déconnectées de leur bassin d’influence6
. Ce risque n’est pas
propre à la Région Poitou-Charentes. Il est également évoqué dans le cas
6 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace
urbain homogène », Décimal, n°313
Page 16 sur 36
de la LGV pour le territoire de la Champagne-Ardenne7
.
Cette « rupture » concerne indirectement le territoire du ruffécois, situé
dans un entre-deux, entre Poitiers et Angoulême. Sur cette question, les
propos des acteurs rencontrés sont contrastés. Pour certains, « ce
territoire risquerait de se retrouver aux marges des nouveaux
territoires régionaux reconstitués, voire tiraillé entre différentes
polarités ». A contrario, certains envisagent que le ruffécois, situé au milieu
de ces polarités, puisse en tirer parti, en étant « connecté à ces polarités
et nouveaux territoires fonctionnels ».
Outre les risques liés à la polarisation et au renforcement des disparités
régionales sur lesquelles nos interlocuteurs ont particulièrement insisté,
des effets positifs de la LGV se sont déjà concrétisés, et d’autres sont
attendus par les acteurs.
Des effets attendus et avérés en termes d’attraction démographique et
de désenclavement du ruffécois
En dépit des réserves reportées plus haut, certains de nos interlocuteurs
considèrent que la LGV présente un potentiel de développement
démographique et de désenclavement pour le ruffécois. Ils appuient leurs
propos sur les effets déjà constatés en conséquence des travaux. Selon
eux, « la LGV offre également des possibilités de développement à
plus long terme. Ce développement s’appuie en partie sur le Fond de
Solidarité Territorial (FST) ». Cependant, à partir de l’analyse des propos
des acteurs, force est de constater que cette aide de l’Etat présente un
certain nombre de limites.
« La phase de travaux a été à l’origine de l’arrivée de 50 à 70 familles
sur le territoire du ruffécois ». Cette situation positive à court terme
semble avoir justifié pour certains acteurs une réflexion relative à
l’organisation du territoire à travers un Scot, et être à l’origine d’interactions
entre les acteurs locaux pour penser le devenir du territoire et ses enjeux.
Les acteurs attendent également un essor démographique à long terme,
soulignant combien l’approche par les effets dé-structurants des dessertes
ferroviaires à grande vitesse structure encore très largement la pensée et
l’action des acteurs locaux. Selon certains acteurs : « la LGV pourrait
permettre de développer l’attractivité d’Angoulême. Et l’éventuelle
expansion de l’aire urbaine d’Angoulême pourrait entrainer, dans sa
dynamique, le ruffécois, Angoulême prenant alors le rôle de
métropole locale. Cela serait positif pour la démographie du ruffécois,
dans le cadre d’un mouvement d’installation dans le périurbain de la
population attirée par Angoulême ». En effet, il ressort que la population
attirée à Angoulême, essentiellement pour y travailler, s’installe dans les
campagnes environnantes, ce qui inclue le ruffécois, qui pourrait à l’avenir
être intégré dans la couronne périurbaine d’Angoulême : « [...] à moindre
échelle imaginons une ville comme Angoulême qui prenne de la place
7 Bazin Sylvie et al., 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets
sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine,
p. 245-261.
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dans cet espace un peu vide, qui grossisse avec des pôles d'emplois
secondaires, et avec un territoire périurbain qui s'éloigne, qui s’étend,
Ruffec ne serait plus très loin». Ce n’est que sous cet angle d’un
éventuel effet sur la croissance démographique du ruffécois que la
proximité et le développement des pôles métropolitains peuvent être
perçus vus de façon positive.
Pour accompagner les communes traversées par la LGV dans leurs projets
d'investissement, le Fonds de Solidarité territoriale (FST) a été créé et c’est
en partie sur ce fonds qu’une partie des acteurs territoriaux voient leur
développement. Le Fonds de Solidarité Territoriale est chargé de
cofinancer à hauteur de 80% des actions d’accompagnement d’insertion
économique, sociale ou culturelle liés à l’arrivée de la LGV sur les
territoires traversés (les 20% restant à la charge du porteur de projet). Pour
ce qui concerne le projet de LGV entre Tours et Bordeaux, ce sont 30
millions d’euros de subventions allouées soit 0,4% du coût prévisionnel de
l’infrastructure. Cette subvention s’adresse aux communes traversées ainsi
qu’aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). Fin
2013, 70% de l’enveloppe restait encore disponible (Préfecture de Région
Poitou-Charentes). Cette aide est considérée par les services de l’Etat
comme une aide supplémentaire qui vient s’ajouter aux financements
existants pour la réalisation de certains projets. Certains acteurs parlent
même de « bonus » à ce propos. Dans les faits, les travaux financés
concernent des projets variés, tels que des aménagements de bourgs, des
travaux de voirie ou des créations de lotissement. Cette aide s’avère donc
être un outil d’accompagnement pour les communes qui en bénéficient.
Certains acteurs ont exprimé un point de vue très positif quant au bénéfice
représenté par le FST pour le ruffécois. Cependant, les limites de ce
dispositif ont été abordées par certains interlocuteurs. En effet, le FST ne
touche pas l’ensemble des communes affectées par l’arrivée de la ligne. Ne
sont concernées que celles qui sont sur le tracé. Ainsi, des communes
comme Ruffec, qui ne sont pas physiquement traversées mais pour
lesquelles la LGV présente des enjeux et des risques pour le
développement du territoire, ne peuvent prétendre à cette aide. Cette
situation concerne également d’autres communes, comme Mansle, qui
n’est pas sur le tracé mais qui est fortement impactée par les travaux : « le
passage des poids lourds dans la commune génère des dégâts sur la
voirie et retarde les travaux de rénovation du centre-ville ». Une aide
élargie aux communes qui sont impactées par les travaux et la mise en
œuvre de la ligne serait, selon certains, pertinente, afin d’éviter
d’éventuelles inégalités entre les territoires locaux.
Les effets territoriaux de la LGV-SEA sont donc perçus de façon assez
ambivalente par les différents acteurs locaux, évoquant simultanément les
potentialités de développement, mais également les risques pour le
territoire du ruffécois. Et assez classiquement, ils s’accordent pour
souligner la nécessité de la mise en œuvre de politiques
d’accompagnement, visant non pas tant à améliorer la qualité de la
desserte, qu’à la maintenir dans ces caractéristiques actuelles. C’est tout
l’enjeu, pour un territoire traversé mais non desservi, de la connexion aux
arrêts de la LGV, situés dans les grandes villes extérieures au territoire
local. Les acteurs rencontrés ont également insisté sur l’importance des
partenariats locaux à renforcer, afin de penser davantage la
complémentarité des territoires locaux, de réduire les situations de
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concurrence négative8
, et de peser plus fortement dans les négociations
avec les l’Etat et RFF.
1.3 DES RETOMBEES ECONOMIQUES SUJETTES A CONTROVERSES
Si les entretiens ont permis d’évoquer longuement les effets économiques
à court terme, en lien avec le chantier, à plus long terme, les acteurs sont
assez sceptiques sur d’éventuelles retombées pour le ruffécois. Le
sentiment très partagé repose sur l’idée que du « point de vue
économique, rien ne va vraiment changer, compte tenu d’une
desserte qui serait au mieux légèrement améliorée et d’un espace
encore très marqué par une économie à dominante agricole ». Pour
autant, certains ont été amenés à évoquer des stratégies possibles
d’accompagnement.
Des points de vue controversés sur la dynamique de l’emploi
Pour de nombreux acteurs rencontrés, l’effet économique lié au chantier de
la LGV est réel. C’est d’ailleurs sur ce premier registre que les acteurs
locaux sont les plus explicites, ce qui est peu surprenant compte tenu de la
période à laquelle a été menée l’enquête qui correspondait à la phase
active du chantier dans le territoire concerné. Au plus fort du chantier,
8 500 personnes travaillaient sur le projet de construction de la Ligne.
Parmi les 8 500 emplois, environ 40% relève d’emplois locaux (COSEA,
LISEA).
Selon les acteurs territoriaux interrogés, une redynamisation de l’emploi
local a été observée, et, selon eux, le « chômage a connu une baisse
significative sur ce territoire ». Dès lors, nos acteurs considèrent que le
ruffécois a profité des effets indirects du chantier allant jusqu’à évoquer une
« bouffée d’oxygène » pour l’emploi local. Le passage de la LGV suppose
de lourds chantiers qui nécessitent dans la première phase de travaux
beaucoup de main d’œuvre. D’après la majorité des acteurs interrogés, la
présence de cette main d’œuvre a eu pour effet de dynamiser l’activité des
commerces locaux, de l’hôtellerie et des locations. En effet, «les
compagnons se sont logés et ont consommés sur place. Dès lors,
cela a un effet bénéfique, notamment sur les locations
d’appartements et de terrains dans les campings. […] le pays du
ruffécois est le secteur en Charente qui a le plus bénéficié de ces
effets indirects et induits liés à la vie et à la consommation localisée
des salariés employés sur le chantier ».
Cependant, pour d’autres acteurs régionaux et locaux, ces effets
bénéfiques sur l’emploi sont limités. En effet, « il n’y aura pas de création
d’emplois dans les domaines autres que ceux liés au chantier. Certes,
le chantier demande une certaine main d’œuvre, mais celle-ci sera
mobilisée uniquement dans la période de travaux de la LGV ». Ces
8 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace
urbain homogène », Décimal, n°313
Bazin Sylvie et al., 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets
sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine,
p. 245-261.
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effets sont alors considérés par les acteurs comme des effets de court
terme.
Photographie 5. Poseurs de voix, Villognon (Le Douare pour LISEA, 2013)
De plus, « l’effet sur l’emploi local reste finalement très faible ». En
effet, les emplois que nécessite la LGV sont surtout pourvus par les
fournisseurs, les sous-traitants. La LGV ne permettrait pas de dynamiser le
territoire : « Il ne faut pas uniquement se reposer sur la LGV pour
dynamiser quoique ce soit ».
Enfin, certains ont pu évoquer les difficultés pour des établissements qui se
sont détournées de leur clientèle habituelle pendant la période du chantier,
et qui risquent d’avoir des difficultés pour retrouver cette clientèle une fois
le chantier terminé. Cela a notamment été évoqué pour certains
hébergements qui se sont pendant la durée du chantier fermés à l’accueil
des touristes pour les réserver aux personnels employés sur le chantier.
Plus rares sont les acteurs qui considèrent qu’à plus long terme, le territoire
du ruffécois pourrait profiter de retombées économiques. Seules la base de
maintenance, et l’éventuelle base de fret développées à Villognon sont
mentionnées comme des faits tangibles pouvant à terme impulser une
nouvelle dynamique économique, mais dont est toujours souligné le
caractère relativement modeste. Un acteur souligne l’importance de ce
projet car la plateforme serait « cédée » au territoire afin d’en faire une
base logistique. Cela constituerait un apport intéressant pour le territoire
car cela permettrait d’avoir un outil de développement d’activités logistiques
à disposition.
La création de la base travaux située à Villognon pourrait également, selon
plusieurs acteurs régionaux et locaux interrogés, être source d’effets
positifs pour le territoire. Cette base devrait permettre de maintenir 70 à 80
emplois de façon permanente.
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Plus hypothétiquement, les quelques interlocuteurs qui espèrent quelques
retombées économiques positives pour le Ruffécois les font dépendre des
dynamiques exogènes attendues de Poitiers et d’Angoulême. Ainsi,
« l’arrivée de la LGV va avoir des effets en particulier sur la ville de
Poitiers car elle devrait entraîner notamment l’implantation de
structures de conseil et de services aux entreprises, qui vont prendre
cette agglomération comme point de diffusion de l’activité de conseil
sur le Centre Ouest de Poitiers ». La LGV aurait également des effets
positifs en termes d’emploi dans la ville d’Angoulême car elle permettra la
création de nouvelles activités économiques. Angoulême et Poitiers
représenteront alors, toujours selon ce même acteur, de nouveaux bassins
d’emplois. Dès lors, le développement économique que devraient connaître
Poitiers et Angoulême, grâce à l’arrivée de la LGV, pourrait éventuellement
profiter aux territoires secondaires, qui se situent entre ces deux villes. En
effet, ce développement peut constituer une chance pour le Ruffécois, mais
à condition qu’ils saisissent cette chance que pourrait représenter la
densification des relations TER entre Angoulême et Poitiers.
D’autres arguments viennent cependant nuancer ce propos, lorsque sont
évoquées les caractéristiques économiques intrinsèques du territoire du
ruffécois, à dominante agricole. Selon certains, les effets d’une éventuelle
croissance de l’emploi dans les métropoles régionales n’aurait qu’un impact
limité pour les populations résidentes du ruffécois. Et pour d’autres, « la
LGV aurait même plutôt des impacts négatifs sur le monde agricole.
En effet, en Charente environ 1 000 hectares consacrés à l’agriculture
sont affectés au domaine ferroviaire, en raison de l’implantation de la
base travaux ». Pour cet acteur, cela se voit notamment sur le territoire du
ruffécois où 50 hectares agricoles seront perdus. D’ailleurs, si les
mobilisations de rejet ou de protestation à l’égard du projet ont semble-t-il
été peu importantes de manière générale depuis son lancement, celles
relatives aux impacts sur la rétraction des terres agricoles ont a contrario
souvent été évoquées lors des entretiens.
La question des potentialités liées au développement de l’activité
touristique ne semble pas faire plus consensus chez les acteurs locaux.
Certes, « la Charente est systématiquement présentée comme un
département très attractif pour les populations nord européennes et,
particulièrement, les britanniques. Ces touristes s’arrêtent à Ruffec et
visitent la commune et ses environs. Pour nos interlocuteurs, cela
peut se constater facilement en observant les voyageurs qui
descendent en gare de Ruffec, lorsque les trains sont en provenance
de Paris [...] La LGV est alors appréciée comme un élément qui
permettrait d’accentuer et de renforcer cet afflux de touristes, ce qui
constitue un point très positif pour le développement du territoire
ruffécois ». Mais pour d’autres, la LGV ne changera rien du point de vue
de l’attractivité touristique et de l’augmentation potentielle de flux
touristiques, au vu du faible gain de temps sur les longues distances.
A court terme comme à long terme, les effets attendus sur le
développement de l’emploi suscitent donc des propos nuancés et
contrastés. Pour tous les acteurs rencontrés, que ces effets soient perçus
dans un sens positif ou dans un sens négatif, ils ne sont jamais vus comme
systématiques. Ils s’inscrivent dans un contexte territorial spécifique et des
jeux d’acteurs particuliers. Leur effectivité renvoie à la nécessaire mise en
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place de dispositifs d’accompagnement qui peuvent intervenir à différents
moments et à différentes échelles.
Des effets sous conditions : l’enjeu de la mise en place de projets
accompagnant la LGV
Plusieurs exemples développés lors des entretiens permettent d’évoquer
concrètement les dispositifs prévus ou à envisager dans cette perspective.
Le chantier de la LGV connaît deux phases. La première est celle du
terrassement. Elle demande beaucoup de main d’œuvre et elle touche à sa
fin aujourd’hui. S’ajoute ensuite la phase des équipements ferroviaires.
Ces deux phases sont assez différentes et demandent des effectifs et
compétences différents. Dès lors, selon un acteur du niveau régional, pour
que les effets soient positifs sur l’emploi à terme, c’est-à-dire au-delà de la
première phase de travaux, « il faut rendre effectif le projet
d’installation d’une plateforme de reconversion professionnelle des
ouvriers afin que ceux-ci puissent conserver leur travail pendant la
seconde phase de travaux ».
Pour certains acteurs qui ont souligné que la LGV elle-même n’aura pas
d’effets économiques pour le ruffécois, les effets potentiels ne peuvent être
envisagés que si des initiatives en matière d’aménagement du territoire
local sont envisagées en lien avec la LGV, notamment quant à la desserte
des gares desservies. Il s’agit alors, par exemple, d’améliorer
l’intermodalité autour des gares de la LGV en général et autour de celle
d’Angoulême en particulier afin de permettre aux habitants de se déplacer
facilement vers le pôle départemental, notamment pour y travailler. Par
ailleurs, pour garantir l’accès à la LGV pour la population de ce territoire, le
prix des billets apparaît comme un enjeu important.
1.4 LES EFFETS ATTENDUS DE LA LGV : UN BOULEVERSEMENT SUR LE
PAYSAGE ET L’ENVIRONNEMENT
Au-delà des effets de nature démographique ou économique, les acteurs
rencontrés ont évoqué de façon très récurrente les impacts paysagers et
environnementaux liés au passage de la LGV. On a pu constater que ces
problématiques sont particulièrement sensibles, comme en témoigne
l’utilisation de termes souvent très forts et imagés. Ils ont souvent constitué
des effets inattendus, par l’ampleur des nuisances sonores, visuelles.
L’impact sur les paysages est associé pour un grand nombre à la
démesure des travaux, et du coup a été l’occasion à plusieurs reprises de
points de vue interrogeant l’utilité même de cette nouvelle ligne et son
intérêt général.
Si les acteurs s’accordent à dire que la ligne LGV entraine des
bouleversements de l’environnement tant dans l’immédiat qu’à plus long
terme : « c’est vrai que le TGV a posé des problèmes d’environnement
[…], c’est un chantier qui déménage », on a pu noter de façon générale
que l’accent reste davantage mis sur la dimension paysagère des
transformations, que sur les problématiques écologiques, en termes
d’altération du fonctionnement des écosystèmes.
A court terme, pour beaucoup, le constat est négatif. Les travaux ont
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transformé le paysage et l’ont rendu moins « joli [qu’] avant ». Certains
disent qu’ « en cette période de chantiers, on peut penser que c’était
plus joli avant. Il y a quand même un ressenti négatif par rapport à
ça ». Certains sont même allés jusqu’à parler de « traumatisme ».
« C'est vrai que ça fait mal au cœur de voir des vallées transformées,
des rivières détournées et des blocs de béton » rapporte un élu local.
On a un sentiment de regret de la beauté du paysage : « ça a quand
même bouleversé sacrément le paysage […] Il y avait des trucs
supers, des moulins qui ont été écrasés […] ».
Selon certains acteurs régionaux, le chantier va laisser des cicatrices dans
le paysage et il va falloir du temps pour que « le tissu se reforme en
quelque sorte parce que là c'est une tranchée ».
A long terme, d’autres acteurs locaux et régionaux estiment que
l’environnement sera dénaturé comme le souligne un élu local en disant
qu’il y aura « un trou dans le paysage quand le chantier sera terminé ».
Ce changement paysager peut être perçu comme étant un facteur de
séparation des habitants, ce qui rendra plus difficiles certains échanges
entre les communes. Un acteur régional illustre ce propos en disant que le
tracé de la LGV « c'est vraiment une saignée dans les collines, dans
les vallées et qui va séparer certains habitants, certaines communes,
qui va faire des frontières presque naturelles, et qui va empêcher
certains échanges ».
Quelle que soit leur échelle d’intervention, les acteurs locaux ont donc
conscience de la modification paysagère qu’engendre la LGV et
reconnaissent le fait que l’environnement connu par les habitants sera
déstructuré : « on leur déstructure totalement l’environnement qu’ils
ont connus […] les gens par ailleurs se sont rendus compte de l'effet
chantier, ça n'a rien à voir avec la construction d'une autoroute qui
fait moins de dégâts dans le paysage, là ce sont des monticules
énormes, des percées, des murs anti bruit partout ». Le caractère
irréversible du bouleversement du paysage est apparu comme une source
d’inquiétude importante de la part des élus locaux. Par ailleurs, ces
nuisances sonores et visuelles ont été assez directement mises en relation
avec la question de l’évolution des prix des terrains et des logements situés
autour de la ligne, certains acteurs locaux estimant que les maisons se
situant à environ 1 kilomètre du passage de la LGV auraient perdu de 10%
à 15% de leur valeur.
De ce fait, la question des transformations du paysage est considérée par
tous comme une priorité et l’intervention de l’Etat indispensable pour aider
les acteurs locaux à réaménager le territoire.
Certains acteurs, rares, relativisent cependant cette situation en
considérant que le paysage a été pris en compte dans le tracé de la LGV et
que tout a été fait pour minimiser les effets négatifs: « la façon dont ont
été faits les travaux, cela s’intégrait parfaitement aux paysages ».
D’autres acteurs relativisent autrement l’impact de la LGV sur les paysages
en soulignant l’idée que tout paysage doit être considéré comme en
perpétuelle transformation : «c’est un processus, il y a simplement des
paysages qui se transforment ».
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Au final et de façon surprenante, les problématiques environnementales,
l’impact sur la biodiversité ont été assez peu abordées lors des entretiens.
Certains ont certes évoqué la perturbation des rivières souterraines. L’un
d’entre eux prend exemple d’une rivière proche du tracé de la LGV et y
témoigne de son inquiétude en disant : « ces 4 200 tonnes, elles ont pris
forcément de la place, elles ont forcément perturbé le cours de cette
rivière ». D’autres ont souligné les problèmes d’inondation dans les
champs du fait de la modification de la structure de l’écoulement des eaux
consécutive aux travaux de terrassement. Mais les propos ont été dans
l’ensemble très peu développés sur ces thématiques.
S’il est vrai que le passage de la LGV a des effets sur le paysage et
l’environnement très fortement ressentis par les acteurs locaux, pour autant
ces modifications semblent, selon ces mêmes acteurs avoir été
relativement bien anticipées en amont afin de prendre en compte et
d’anticiper les inquiétudes des habitants. "A priori, les associations ont
réussi à se faire entendre [...] c'était notamment en termes de
protection paysagère et d'aménagement donc, certains ont obtenu
gain de cause" rapporte un acteur économique local.
2. POSTURES D’ACTEURS ET PARADOXES LOCAUX
Les acteurs, selon leur niveau de responsabilité ou d’action (acteurs
locaux, acteurs régionaux et de l’État), se positionnent de manière
différente par rapport au projet. Au fil des entretiens, trois types de postures
d’acteurs ont pu être identifiés en combinant les critères analytiques
suivants :
- la position institutionnelle et l’échelle d’intervention de l’acteur;
- le degré d’adhésion au projet;
- la posture en termes d’anticipation du projet;
- la posture en termes de représentation du Pays ruffécois.
2. 1 DES ACTEURS LOCAUX PEU PREPARES, PASSIFS VOIRE RESIGNES
Le premier groupe issu de notre typologie rassemble des acteurs qui se
caractérisent par leur manque d'anticipation des conséquences du projet
de LGV. Une position que l’on peut qualifier d’observation passive. Ces
acteurs n’évoquent aucun effet d'aubaine. Dans le même temps, ils jugent
que le projet constitue un frein au développement de leur territoire.
Cependant, cette posture ne s’accompagne pas de propos contestant
fortement le projet, ce que l’on peut interpréter comme une forme de
résignation vis-à-vis d’un projet dont les enjeux dépassent ceux du territoire
concerné par cette étude.
Dans cette perspective, on peut même constater un certain fatalisme
partagé, à des degrés divers, par les acteurs du territoire de référence
(certains acteurs locaux) interrogés ou, pour le moins, un certain
attentisme ; le fait de subir des effets négatifs, ceux directement liés au
chantier, ne semblent pas déclencher de posture de contestation de la part
des acteurs interrogés relevant du type identifié.
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Contestation peu militante et, in fine, une forme de ralliement au
projet…
Nous allons nous intéresser ici aux acteurs qui, tout en contestant, le projet
ne se sont pas engagés dans des actions de refus organisé ; leur
contestation s’étant vraisemblablement diluée dans le processus de
négociation. Ce type spécifique de posture concerne certains des acteurs
strictement locaux.
Tout d’abord, nous avons pu relever l’expression d’un certain scepticisme
vis-à-vis du projet lui-même. À plusieurs reprises, nos interlocuteurs ont
souligné la contradiction entre ce qui apparaît, à leurs yeux, comme un
projet démesuré et le gain de temps limité que permettra la nouvelle ligne :
« on a un peu de peine à comprendre toute cette débauche d'énergie,
de matériaux, de main d’œuvre pour gagner 20 minutes de trajet en
train ». Ce témoigne peut aussi renvoyer au manque d’information lié au
projet.
Ce constat, loin de provoquer un mouvement de contestation du projet,
correspond, pour la même catégorie d’interlocuteurs, à une posture de
résignation. De ceci découle l’absence de discours d’opposition directe au
projet ; les acteurs locaux concernés considérant même, le plus souvent,
que l’ampleur du projet ne peut que décourager toute forme de
contestation. Parfois, l’expression de ce que l’on peut qualifier, a minima,
d’un certain scepticisme s’accompagne finalement, et d’une manière qui
peut surprendre, d’un discours visant à discréditer l’expression d’opposants
potentiels : « les ‘non’ et tous ceux qui sont contre tout ça empêchent
un pays d'évoluer et d'avancer ». Cette posture apparemment
contradictoire s’accompagne d’un discours d’ajustement quelque peu
incantatoire : « Moi, je pars du principe qu'il faut s'accommoder de ce
qui est fait, en tirer le meilleur profit et voir vers l'avenir ».
Dès lors, comment peut-on expliquer ces discours qui présentent de telles
contradictions ? Si l’on voit poindre une justification qui mobilise l’idée
d’intérêt général – que l’on pourrait ici renvoyer à l’évocation de l’ampleur
du projet, d’échelle au moins nationale – voire à la mobilisation d’un
discours favorable, a priori, à une certaine expression de la modernité, il
semblerait, en mobilisant certains propos, que le processus de négociation
avec le constructeur, COSEA, tout au long du projet, ait joué un grand rôle
pour permettre une forme d’acceptation du projet. On évoque alors le fait
que certains acteurs locaux, portant des problématiques spécifiques, aient
pu plaider leurs causes et se faire entendre… Selon un de nos
interlocuteurs local, il s’agit, notamment, « des associations de défense
de l’environnement qui ont souvent obtenu gain de cause dans le
domaine de la protection des paysages et de l’environnement ».
Plusieurs personnes interrogées soulignent également que les
responsables de certaines communes agricoles, qui se sont initialement
fortement mobilisés contre le projet, ont fini par y adhérer suite aux
négociations entreprises… Des compensations ont été obtenues par les
agriculteurs concernant, par exemple, l’intervention sur les systèmes
d’irrigation déjà en place ou la création de bassins de rétention. Il semble
donc que les négociations évoquées auront eu comme avantage, pour
l’opérateur, d’éviter de trop fortes contestations. Elles se sont traduites par
la mise en place de compensations. Cependant, rappelons que cela
n’empêche pas l’expression récurrente d’un certain scepticisme vis-à-vis du
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projet.
Une posture fataliste expliquant l’attentisme des acteurs
L'attentisme qui ressort des entretiens avec les acteurs de ce type peut
s'expliquer par ce que nous qualifions ici de posture fataliste. Cette
dernière découle d’une appréciation négative de la place du territoire étudié
– si tant est qu’il puisse en avoir une… - par rapport au projet de LGV.
Comme nous l’avons présenté au paragraphe précédent, s’il nous semble
possible de repérer un certain fatalisme c’est que nous n’avons pas, au
moment de notre enquête (c’est-à-dire au moment où la construction de la
ligne au sein de ce territoire est presque achevée) constaté, de la part de
ces acteurs pourtant critiques, de véritable opposition au projet. La mention
récurrente de l’impossibilité de faire un choix participe également de ce
sentiment de fatalisme ; l’idée même de choix, une fois émise, est souvent
immédiatement interrogée : dans tous les cas, les acteurs locaux ont-ils eu
la possibilité de choisir quoi que ce soit : « […] de toutes façons nous, en
tant que petite commune, qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on
peut faire ? ».
Si certains interlocuteurs considèrent qu’ils ont subi et qu’ils subissent
encore les effets négatifs de la construction de la ligne, ils ne peuvent que
constater l’avancement du projet. Ici, de manière explicite cette fois, nous
pouvons faire référence à des discours mobilisant l’idée de « progrès »
dont la LGV serait l’emblème. Cependant, l’expression des acteurs sur ce
point est ambiguë : « de toute façon, on ne peut pas aller contre le
progrès […] ».
Souvent, l’expression de ce fatalisme s’accompagne également d’une
appréciation qui, en quelque sorte, met à distance le projet de LGV qui
n’aurait finalement pas de répercussions sur le territoire du ruffécois : « Il
n’y aura aucun impact pour nous ».
Cependant, les entretiens montrent que certains acteurs s’inquiètent des
conséquences négatives du projet pour un territoire par ailleurs peu mis en
valeur.
Un territoire perdant et dévalorisé
Pour les interlocuteurs du type identifié, le territoire semble ignoré voire
dévalorisé. Notons que cette dévalorisation est parfois le fait des acteurs
locaux eux-mêmes. On pourrait dire qu’il s’agit d’une sorte de complexe
d’ « infériorité territoriale ». Le ruffécois est souvent jugé trop petit : « un
petit territoire » ou trop en décalage par rapport aux ambitions du projet.
Ruffec est par exemple qualifiée de « belle petite ville endormie » pour
avoir une réel importance dans l'ensemble du vaste projet de la LGV. Une
certaine logique amène à considérer que l’idée du maintien d’une desserte
TGV à Ruffec - situation actuelle que le maire de Ruffec entend maintenir –
serait incongrue : « Il y a des territoires beaucoup plus pertinents et qui
justifient qu'effectivement il y ait un arrêt sur le territoire ».
En outre, les acteurs intervenants à des niveaux territoriaux supérieurs, soit
ignorent les caractéristiques et enjeux de ce territoire, soit avouent en avoir
une connaissance fort limitée (cf. infra). De ce fait, ils préfèrent souvent
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évoquer des enjeux plus larges d’échelle au moins régionales. En quelque
sorte, on peut dire que le territoire local est mis entre parenthèses.
2.2 DES ACTEURS CRITIQUES MAIS CONSTRUCTIFS
Dans cette seconde partie nous allons nous intéresser à un deuxième type
d’acteurs, ceux qui adoptent une posture critique mais assez constructive
vis-à-vis du projet, notamment parce qu’ils évoquent les bénéfices
potentiels pour le territoire.
Une position critique mais finalement constructive
Ces acteurs peuvent tout à la fois considérer que la ligne LGV est un
progrès pour le territoire local tout en critiquant fortement la manière dont
elle a été réalisée. De ce point de vue, les éléments critiqués sont :
- le coût de la ligne jugée bien trop élevé,
- la concession à un aménageur privé en rupture avec l’idée
d’un aménagement public,
- l’appel injustifié aux collectivités locales pour son financement.
À l’échelle plus locale, ce n’est pas la construction de la ligne en soi qui fait
l’objet de critique mais l’absence de desserte du territoire (en gare de
Ruffec). Un acteur local considère que « la condition pour que le
territoire local bénéficie de la LGV est le maintien de l’arrêt du TGV en
gare de Ruffec ».
À l'inverse, on a pu enregistrer un avis différent sur ce point : en effet, un
des acteurs régionaux considère que « l’enjeu n’est pas la desserte de
Ruffec mais plutôt la question de la desserte TER (train et bus) de la
petite ville […] une bonne desserte TER de cette gare, outre qu’elle
renforcerait l’accessibilité de la ville-centre permettrait une meilleure
desserte du territoire local et au-delà. Ruffec doit profiter des
relations entre Angoulême et Potiers, de sorte à pouvoir bénéficier
des retombées de la LGV, notamment en permettant aux habitants du
territoire d’accéder aux bassins d’emplois des deux villes moyennes».
Cependant, une des conditions évoquées par plusieurs acteurs, et non
remplie actuellement, est que les acteurs de Ruffec soient en mesure de
mieux négocier leurs relations avec leurs partenaires locaux (communes
voisines) de manière à peser dans le débat sur les raccordements
régionaux à la LGV : « Il faudra voir comment Ruffec se solidarise avec
Confolens, avec Aigres, avec d’autres territoires dans ce Nord-Est de
la Charente qui sont des vrais bassins de vie. Et là, il y a forcément un
aménagement du territoire particulier et une solidarité entre ces
territoires à penser ».
Des acteurs qui se mobilisent pour que le territoire bénéficie de
retombées positives
Fréquemment, les acteurs interrogés ont évoqué la création, dès 1996,
d'une association pour la défense de la LGV sur l’initiative des chambres
de commerces des territoires concernés (inter-consulaire). Cette posture
s’explique, pour certains, par le souhait des acteurs, notamment
économiques, « de ne pas être écartés, à nouveau, d’une desserte par
une grande infrastructure de transport ; la réalisation de l’autoroute
Page 27 sur 36
A10, à l’ouest du territoire étudié (Charente-Maritime) était considérée
comme une occasion manquée ».
Certains acteurs ont pu profiter de retombées économiques, pendant et
après le chantier. Pour ce qui est du ruffécois, en particulier, un acteur
charentais considère que le projet de la ligne LGV a été positif. Au niveau
économique, selon lui, le ruffécois a profité des effets indirects du chantier.
Il considère même qu'en ce qui concerne les entreprises artisanales et
commerciales, « c’est le ruffécois qui a le plus bénéficié de retombées
économiques ». Le chantier permettrait donc le développement de
l’emploi local.
Un autre acteur local considère, qu'à court terme, la création de la LGV
n'apporte aucun effet positif ou négatif. Mais, sur le long terme, la LGV est
valorisée comme étant un moyen plus rapide d'accès à Bordeaux ou à
Paris.
Sur le plan économique, la localisation de la base travaux à Villognon a
sans nul doute constitué une aubaine, notamment pour la commune
concernée. Toujours à long terme, les effets économiques subsisteront,
notamment grâce à la présence de la base de maintenance (située sur la
même commune que la base travaux) qui permettra de maintenir quelques
emplois sur place. Ici, la plupart des acteurs considère que seuls les
responsables de la commune de Villognon ont su tirer bénéfice, pendant la
réalisation des travaux et sur le long terme, de la réalisation de la LGV.
L’exemple est cependant ponctuel comme si, finalement, l’ensemble de la
réalisation n’avait de sens que pour une petite partie du territoire de
référence…
A l’échelle départementale (Conseil général), le passage de la LGV en
Charente correspond à une volonté forte des acteurs départementaux de
disposer de cette infrastructure. Il ne s’agit donc pas d’un choix par défaut.
Concernant la desserte du territoire, il apparaît que le Département entend
« être très vigilant en ce qui concerne les liaisons mises en place au
profit d’Angoulême et de la Charente en général ». D’ailleurs, des
actions sont déjà envisagées. Pour certaines, leur mise en œuvre est déjà
prévue (ex. : réseau de cars départementaux vers la plateforme d’échange
multimodale prévue à la gare d’Angoulême). De plus, le Conseil général a
obtenu de la Région une modernisation des infrastructures ferroviaires
actuelles.
Deux autres acteurs considèrent également que la LGV est une chance
pour ce territoire, notamment dans le domaine du tourisme, dont le
développement fait d’ailleurs l’objet, selon eux, d’une attention particulière
des pouvoirs publics départementaux.
2.3 OBJECTIFS NATIONAUX ET IMPACTS LOCAUX : LA POSITION DE L’ETAT
Dans cette dernière partie, nous analyserons le discours d'un troisième
groupe d'acteurs, celui des acteurs étatiques, dont nous avons retenu deux
caractéristiques principales :
- une justification du projet malgré l’expression de craintes
quant aux effets économiques à long terme ;
Page 28 sur 36
- une bonne anticipation et une bonne préparation globale du
projet mais qui s’accompagne d’une méconnaissance du
territoire local étudié, le ruffécois.
Des acteurs qui justifient le bien-fondé du projet tout en exprimant
une certaine inquiétude quant aux effets économiques sur le long
terme
Les acteurs de l’État interrogés disent être conscients des effets néfastes
qu'un tracé de cette envergure peut occasionner. Cependant, « le projet
reste à leurs yeux un projet audacieux, plus utile que contraignant ».
Aussi, selon eux, le projet se justifie au titre « d’une certaine idée du
progrès et de l’intérêt commun qui dépasse les intérêts individuels
des habitants ».
Ces mêmes acteurs s'interrogent sur l'avenir des villes traversées. En effet,
la fin des travaux de génie civil est prévue pour l’été 2014 et les retombées
économiques positives qu'ils ont pu générer disparaîtront avec eux. Des
inquiétudes quant à l’avenir économique de communes qui ont pu
bénéficier des effets du chantier se font jour, aucune stratégie économique,
une fois le chantier achevé, ne semblant avoir été envisagée9
.
En somme, ces acteurs insistent sur le bien-fondé du projet, sur la
nécessité de promouvoir le bien-être collectif grâce à ce type de réalisation,
mais avouent être inquiets sur l’avenir des territoires traversés, notamment
en termes d'emploi.
On évoque également la crainte de voir s’accentuer les phénomènes de
polarisation intra (Poitiers, Angoulême) et extra régionaux (Bordeaux,
Paris) qui pourraient se traduire par l’éclatement de facto de la région
Poitou-Charentes.
Une certaine méconnaissance du ruffécois qui pose la question de la
posture des acteurs étatiques vis-à-vis de l’aménagement et du
développement local
Il nous est apparu que l'ensemble de ces acteurs ignorait largement cette
partie de la région. Lorsqu'on interroge un acteur régional on constate qu'il
ne connaît pas bien le territoire étudié tout en insistant sur l'importance de
soutenir les petites communes ou sur les actions susceptibles de palier le
phénomène de désertification rurale. De même, un autre acteur,
représentant de l'Etat, admet ne pas avoir une représentation personnelle
du ruffécois. Il dit d’ailleurs ne pas avoir rencontré le maire de Ruffec.
Actuellement, il dit ne pas connaître la fréquence des arrêts TGV à Ruffec
ni l’importance de la clientèle qui fréquente cette gare.
Au-delà d’une connaissance étroite du territoire étudié, on a pu relever une
forme de désengagement de l’État vis-à-vis de ce type de territoire. L'Etat,
au niveau régional, affiche en effet une position de retrait, estimant que
c'est aux acteurs locaux de s'impliquer davantage dans le projet pour
9 À noter : ces propos peuvent renvoyer aux acteurs étatiques mais également aux acteurs
des collectivités locales.
Page 29 sur 36
pouvoir bénéficier de ses bienfaits. De fait, selon les acteurs interrogés,
l'Etat n'a pas vocation à intervenir directement sur les territoires concernés
par le tracé de la ligne. Il aurait, tout au plus, un rôle de facilitateur des
négociations entre différents acteurs au sein de la région. Toujours selon
eux, il convient, pour les acteurs locaux, de faire « d'un inconvénient, un
avantage en discutant » entre eux.
Cependant, les représentants de l’Etat en région comptent sur le Fonds de
Solidarité Territoriale comme instrument visant à compenser les nuisances
sonores et visuelles que les habitants subissent ou subiront
quotidiennement.
Face au problème que représente la desserte du ruffécois, nos
interlocuteurs considèrent que « l’amélioration de la desserte TER
constitue une bien meilleure solution pour ce territoire que la
situation actuelle. Cependant, cette compétence dépend de la
Région ».
En dépit d’une posture en retrait vis-à-vis des territoires locaux en général
et du ruffécois en particulier, les acteurs de l’État interrogés expriment leur
préoccupation principale : celle de l’emploi local en lien avec la mise en
œuvre de la LGV. Tout d’abord, ils détaillent les dispositifs mis en place
pour permettre de trouver et former une main d’œuvre susceptible de
s’employer sur le chantier. Ces dispositifs ont parfois correspondu à des
embauches au niveau local. Pour l’avenir, ils se préoccupent des effets que
produira la diminution de l’emploi suite à la fin prochaine du chantier.
Une conception et un suivi global du projet
De manière générale, les propos recueillis auprès des acteurs de l’État
renvoient au souci majeur d’assurer le meilleur déroulement possible des
travaux dans le cadre d’une bonne régulation du partenariat public / privé
en permettant le respect des délais impartis et des coûts estimés.
Cependant, ces acteurs semblent très au fait des conséquences
territoriales de la LGV, que ces conséquences soient positives ou
négatives. Les acteurs admettent, par exemple, que les communes
subissent d’ores et déjà les effets de la LGV en termes de nuisances et de
coûts (construction et réaménagement d'infrastructures publiques en partie
compensés par le FST).
Mais ces acteurs soulignent également les retombées positives du projet :
création d'emploi local, commerces dynamisés... Un représentant de l'Etat
interrogé sur les effets économiques de la LGV, affirme, en effet, que
« l'emploi local est une priorité et insiste sur le nombre de 1 800
emplois locaux créés ». Pour autant, ces acteurs réalisent que la fin des
travaux approche et que cette situation aura une conséquence négative sur
l’emploi local.
Ces acteurs déclarent également avoir joué « un rôle important en
matière d'information autour du projet, mais aussi en matière de
communication et de dialogue, puisque de nombreuses réunions ont
été organisées » à leur initiative, qui rassemblait différents acteurs
concernés par le projet (acteurs politiques locaux, acteurs économiques,
société civile). Un acteur, représentant de l'Etat, déclare, par exemple,
Page 30 sur 36
qu'au cours de la phase des négociations entre acteurs, « l'État a cherché
à mettre en place des réunions avec des élus locaux pour expliquer le
projet et parler aussi de ses effets. Ont découlé de ces réunions la
rédaction d'un cahier de doléances des élus qui cherchait à définir
des mesures pour améliorer la qualité de vie de habitants (ex. :
construction de murs anti-bruit) ». En revanche, ces négociations ont
été longues et souvent difficiles. Des relations conflictuelles entre acteurs
ont été perceptibles durant toute la durée des travaux.
Page 31 sur 36
CONCLUSION
Pour les acteurs directement concernés par le territoire local étudié, les
effets relevés liés au chantier peuvent être qualifiés d’éphémères qu’ils
soient considérés comme positifs (sur l’emploi, sur le commerce…) ou
négatifs (sur le paysage, sur le foncier, gênes quotidiennes, retardement de
certains projets locaux...). Cependant, ce sont les effets sur le paysage qui
focalisent les remarques négatives en termes d’effets aussi bien durant le
déroulement du chantier qu’à terme.
À plus long terme, et de manière générale, les personnes interrogées
attendent peu d’effets de la construction et de la mise en service de la
ligne. En lien avec la construction d’une LGV, la question a priori centrale
de l’accessibilité ne semble pas ici au centre des propos car, selon la
plupart des interlocuteurs, soit la LGV ne changera rien à la desserte, soit
elle contribuera quelque peu à la détériorer (fin des arrêts TGV à Ruffec).
Cependant, nos interlocuteurs repèrent des effets positifs directs (emplois,
retombées économiques…) de long terme pour des espaces très limités au
sein du ruffécois liés à la localisation de la base de maintenance à
Villognon.
Au-delà du territoire local, certains évoquent les enjeux d’insertion du
ruffécois dans un système urbain régional au sein duquel les relations
pourront être renforcées par la desserte TGV. De ce point de vue, les
propos oscillent, d’une part, entre la volonté de profiter de ces dynamiques
(notamment en lien avec Angoulême et Poitiers), ce qui interroge la qualité
de la future desserte locale, et le risque de satellisation, d’autre part.
Finalement, le peu d’effets envisagés à terme, à l’exception des effets
relevant de l’impact sur le paysage, rend compte de la situation de fait : le
territoire est avant tout traversé par la LGV... Cette situation peut également
expliquer la posture des acteurs les plus locaux qui apparaissent
aujourd’hui résignés - à l’exception de quelques acteurs déjà initialement
favorables au projet (chambres consulaires) -. Cependant, cette posture
met en lumière le sentiment souvent évoqué que le territoire local ne pèse
pas dans le cadre d’une réalisation telle que celle d’une LGV. Ce constat
s’accompagne parfois d’une forme de dévalorisation du territoire dont les
caractéristiques et les ressources ne permettent pas, a priori, de peser sur
le projet ou d’en tirer profit.
La résignation repérée explique également le peu de contestation, du
moins à ce stade du projet et au moment de notre enquête ; les
contestations auraient été neutralisées antérieurement en satisfaisant
certains acteurs initialement mobilisés contre le projet de LGV. Cependant,
il est frappant de constater une forme de ralliement au projet ex-post de la
part des acteurs locaux pourtant assez critiques, mobilisant le discours de
la modernité ou de la contribution à l’intérêt général, discours finalement
assez proche de la justification du projet par les acteurs de l’État
interrogés. Ces derniers, tout en craignant pour l’avenir économique du
ruffécois suite à la fin du chantier, attendent des acteurs locaux qu’ils
puissent formuler des propositions pour le développement local. Ainsi,
apparaît une préoccupation évoquée par certains, celle de la capacité
d’organisation des acteurs locaux à organiser le développement du
territoire en prenant en compte la situation nouvelle créée par la LGV. À ce
Page 32 sur 36
titre, la question de l’organisation de la desserte régionale paraît
essentielle. Dans ce domaine, les acteurs départementaux entendent agir
dans ce sens, ce qui aujourd’hui, dans le contexte de la réforme territoriale,
interroge les rapports appelés à évoluer entre la région et le département
mais également le rôle de l’État vis-à-vis des territoires locaux.
Page 33 sur 36
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
• Bazin S., Beckerich C., Delaplace M., 2011, « Les effets des
dessertes ferroviaires à grande vitesse : des divergences d’objectifs
qui limitent la portée des stratégies d’accompagnement », Colloque
AISRe-ASRDLF.
• Bazin Sylvie et al, 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-
Ardenne : quels effets sur la cohésion territoriale champardennaise
? », Revue d'économie régionale & urbaine, Université Bordeaux IV,
Bordeaux, p. 245-261.
• Boyer J.-C., 2005, « Poitou-Charentes », in Boyer J.-C., Carroué L.,
Gras J., et al, La France, les 26 régions, Collection U, Armand
Colin, Paris, pp 288-297.
• Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois
résident dans un espace urbain homogène », Décimal, n°313,
INSEE, Poitiers.
• LISEA, 2013, Programme de travail de l’observatoire socio-
économique 2013-2020, 15 p.
• Manceau E., 2014, « Territories crossed by the high-speed Line
between Tours and Bordeaux.Challenges and opportunities for local
stakeholders », Conférence Grande vitesse ferroviaire et
gouvernance territoriale, Institut de Recherche sur les Transports,
l’Énergie et la Société, Belfort.
• Pays ruffécois, 2013, Les enjeux du territoire : SCOT du ruffécois
• Site de la LGV SEA Tours-Bordeaux : http://www.lgv-sea-tours-
bordeaux.fr/
Page 34 sur 36
ANNEXES – Liste des personnes rencontrées
• M. Charbonneau, Maire de Ruffec
• M. Guitton, Maire de Villognon
• M Tessier, ancien président de l’Association des commerçants
de Mansles
• Mme Desvars, Animatrice, Office de tourisme du pays Manslois
• M. Charpentier, Chargé de mission et d’études LGV,
Interconsulaire de Charente et M. Pouragaud, Vice-président
Formation, Chambre de Commerce et d’Industrie Angoulême
• M. Peter, Chargé de mission LGV, Conseil Général Charente-
Maritime
• M. Pichon, Conseiller général de la Vienne
• Mme Delmotte, service de coordination des politiques
publiques, Mission développement local, Préfecture de
Charente
• M. Emon, Vice-Président de la Commission 6 (Transports
propres et innovants, intermodalité, équipements,
infrastructures), en charge du TER et des transports collectifs,
Région Poitou-Charentes
• M. Jacquillard, Président du Conseil de développement du
Grand Angoulême, membre du Conseil économique social et
environnemental régional
• M. Costat, chargé d’études LGV et M. Pezin, DREAL Poitou
Charentes
• M. Robinet, Directeur régional, Mme Franco-Millet, chef du pôle
entreprises, économie et emploi, Direccte Poitou-Charentes
• M. Etienne, Secrétaire Général aux Affaires Régionales et A.
Molin, chargé de mission pôle Aménagement, Territoires,
Infrastructures, Préfecture de Région Poitou-Charentes
• M. Morreau, Chef de service information et diffusion, INSEE
Poitou-Charentes
• M. Royoux, Directeur du service Prospective et Coopérations
Territoriales de l'agglomération de Poitiers, Professeur associé
à l'Université de Poitiers.
Page 35 sur 36
Annexe 2 – Guide d’entretien
1. Appréciation de l’intérêt de la LGV pour le pays Ruffécois
• Quel est votre avis/appréciation à propos de la LGV, spécifiquement
pour le Pays Ruffécois ?
• Avez-vous observé des effets sur le territoire (Pays Ruffécois) ? De
quelle nature ? positif ? négatif ?
• Attendez-vous des impacts sur le territoire ? De quelle nature ?
positif ? Négatif ?
Relance : effets démographiques (attractivité de nouvelles populations) ;
économiques emploi (local, accès à des bassins d’emploi plus éloignés),
tourisme ; sociaux ; sur la mobilité locale.
• Est-ce que c’est une chance pour le territoire ? A quelles
conditions ?
2. Position des acteurs par rapport à la LGV
• Quand avez-vous pris connaissance du projet pour la 1ère
fois ?
Quelle a été votre réaction à l’annonce du projet ? Comment avez-
vous accueilli le projet ?
• Votre position a-t-elle évolué depuis ? En quel sens ? Est-ce que
des discours extérieurs vous ont fait changer d’avis ? Ou des faits
précis (un raccordement par ex).
• Avez-vous eu un rôle dans la construction du projet ? Si oui,
lequel ? Quel regard portez-vous sur sa mise en œuvre ?
• Quel est votre point de vue sur l’évolution globale du projet ? Selon
vous, quels sont les moments clés du débat ? Quels sont les
acteurs clés du débat ? Les éléments/arguments mis en avant ?
Les acteurs bloquants/débloquants ?
• Quelles interactions (relations entre les acteurs) ont marqué
l’élaboration et la mise en œuvre du projet ? Y a-t-il eu des conflits
entre les acteurs ?
3. Stratégies des acteurs du pays du Ruffécois par rapport à la
LGV
• Quelles sont les initiatives pour accompagner l'arrivée de la LGV ?
Quelles sont-elles ? Par qui sont-elles prises ? Aujourd'hui ?
Demain ?
• Quelles actions envisagez-vous pour soutenir le développement
économique dans le cadre de la nouvelle ligne à grande vitesse ?
En matière d'emplois et notamment d'emplois locaux, comment
votre action publique s'adapte-t-elle à l'arrivée de la LGV ?
• Comment envisagez-vous les nouveaux systèmes de desserte et
de réseau de transport ? (= adaptation à la situation traversée mais
non desservie du territoire).
• Concrètement, est-ce que la politique du logement a été modifiée ?
En quoi ?
• Avez-vous développé une politique de communication en lien avec
la LGV et le territoire traversé ? Que faites-vous ? Avec quel objectif
?
Page 36 sur 36
Pour les 3 thèmes, il faut distinguer :
- Le point de vue de l’acteur/l’institution sur son rôle précis
- Le point de vue de l’acteur plus global sur le projet de la LGV

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Le passage de la lgv sea tours bordeaux au sein du territoire du pays ruffécois effets et stratégies d'acteurs

  • 1. Page 1 sur 36 Le passage de la LGV Tours-Bordeaux au sein du territoire du pays Ruffécois : effets et stratégies d’acteurs Auteurs : MASTER 1 MECI (option aménagement et développement local) et M2 IADL de l’Université Paris-Diderot http://www.m2-iadl.info/ Décembre 2014
  • 2. Page 2 sur 36 LISEA, Société concessionnaire, a mis en place en partenariat avec RFF, concédant de la ligne grande vitesse Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux, un observatoire socio-économique destiné à évaluer les effets directs et indirects de la construction, puis de l’exploitation de la ligne. Les travaux tirés de l’observatoire doivent pouvoir : - Être utiles aux acteurs locaux afin qu’ils intègrent au mieux la LGV sur leur territoire ; - Participer aux bilans et argumentaires nationaux, établis par l’Etat et RFF, sur les effets des lignes ferroviaires à grande vitesse et en tirer profit dans le cadre d’une démarche prospective ; - Préparer le bilan LOTI. Le programme de travail de l’observatoire socio-économique pour la période 2013- 2020 s’organise autour de six axes : 1. Effets « chantier », 2. Offres de transport et mobilité, 3. Effets « gare LGV », 4. Dynamiques métropolitaines et territoriales, 5. Tourisme et LGV, 6. Stratégies des acteurs et organisations. Ce rapport financé par l’observatoire socio-économique de LISEA s’inscrit dans le cadre de l’axe 6 « stratégies des acteurs et organisation ». Il a été encadré par Sandrine Berroir et Frédéric Santamaria, maîtres de conférences pour l’Université Paris Diderot Paris 7 et Elodie Manceau pour LISEA. Les auteurs de la note sont : - Les étudiants du M1 Meci, option aménagement et développement local (Université Paris-Diderot Paris 7) : Louise Ayres, Princesse Baku Detila, Camille Bonfils, Alice Duval, Thomas Gentili, Karine Lebihan, Manel Maadadi, Adèle Mongeau, Justine Sisman, Souad Saoudi ; - Les étudiants du M2 Ingénierie de l’Aménagement et du Développement Local (Université Paris-Diderot Paris 7) : Faïd Abderemane, Rifouata Ali, Haifa Al-Labadi, Leda Anguelova, Joanna Benito, Natalia Castro, Audrey Ducreux, Laurianne Hervé, Anna Lacaberats, Chloé Rochefort, Eulalie Tulasne, Perrine Vandecastele Nous remercions l’ensemble des participants à cette étude.
  • 3. Page 3 sur 36 Sommaire Introduction ………………………………………………………………………… p.4 Méthodologie ………………………………………………………………………. p.6 1. La LGV dans le pays ruffécois : des effets ressentis et attendus, des risques redoutés p.8 1.1 La desserte : la crainte de « l’effet tunnel » p.8 1.2 Des effets et des risques territoriaux liés à la LGV p.11 1.3 Des retombées économiques sujettes à controverses p.18 1.4 Les effets attendus de la LGV : un bouleversement sur le paysage et l’environnement p.21 2. Des acteurs aux postures contrastées vis-à-vis de la LGV et qui entretiennent un rapport problématique au territoire local p.23 2.1 Des acteurs locaux peu préparés, passifs voire résignés p.23 2.2 Des acteurs critiques et constructifs p.26 2.3 Objectifs nationaux et impacts locaux : la position de l’Etat p.27 Conclusion p.31 Références bibliographiques p.33 Annexes p.34 - Liste des partenaires rencontrés p.34 - Guide d’entretiens p.35
  • 4. Page 4 sur 36 Introduction Le projet Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux est un projet de Ligne ferroviaire à Grande Vitesse (LGV) de 340 kilomètres (dont 38 km de raccordements), assurant une liaison continue à grande vitesse entre Paris et Bordeaux. Ce projet s’inscrit dans un schéma global d’aménagement du territoire issu des décisions du Grenelle de l’Environnement et ouvre la voie à d’autres projets de LGV (vers Limoges, Toulouse et l’Espagne éventuellement). Aujourd’hui, sur ce trajet, seule la partie Paris-Tours peut être parcourue à grande vitesse. Lors de la mise en service commerciale de la LGV SEA en 2017, Bordeaux sera à 2h05 minutes de Paris, soit un gain de temps d’environ une heure sur le trajet actuel. Il permettra aussi de : - renforcer le développement du fret ferroviaire et des liaisons TER sur la ligne actuelle entre Tours et Bordeaux - et devrait apporter une réponse positive aux enjeux de développement économique du grand sud-ouest en reliant, par la façade atlantique, les régions du nord et de l’est de l’Europe au sud-ouest de la France et à la péninsule ibérique. Ce projet présente des enjeux et des opportunités pour les territoires et les acteurs concernés, du local à l’Europe qu’il s’agit pour la société concessionnaire de la Ligne : LISEA d’interroger à travers l’observatoire socio-économique. Les lignes à grande vitesse (LGV) constituent en effet des projets de longue période et imposent aux acteurs de clarifier leurs stratégies et d’anticiper des transformations majeures. Les LGV imposent aussi pour les acteurs des adaptations permanentes, des procédures plus ou moins ponctuelles, des mises en surveillance … qu’en est-il alors pour le territoire du Ruffécois, « traversé et non desservi » par la LGV ? Ruffec, dans le nord Charente, se situe à mi-chemin entre Poitiers et Angoulême, au nord de Villognon (Fig.1, p.4). Il s’agit d’une commune rurale de 3 500 habitants dans une aire urbaine de presque 7 000 habitants. Sa densité (36 h/km2) reste faible et ce territoire conserve une forte dominante agricole. Quelques petits pôles urbains structurent cet espace, dessinant un axe plus important de population du Nord au Sud, de Ruffec à Saint Amant de Boixe en passant par Mansle. Si la population du Ruffécois a évolué positivement ces dernières années, ce territoire est soumis à des dynamiques contrastées, qui tendent à opposer : - les communes situées au Sud du territoire et sur l’axe RN10 qui bénéficient indéniablement de l’attractivité de l’agglomération angoumoisine et du phénomène de périurbanisation. Leur population augmente et se densifie - et les franges Est et Ouest du Pays qui souffrent d’une faible attractivité. L’arrêt TGV de Ruffec couvre un bassin d’usagers estimé à 100 000 habitants. Il comprend le Nord-Charente (Ruffécois et Charente Limousine), le sud des Deux-Sèvres et le sud de la Vienne. La fréquence est de 1 passage le matin (9h39) et 1 le soir (16h46). Le reste du trafic est assuré par le TER qui dessert également la gare de Luxé (SCOT Pays Ruffécois) (Fig.2, p.10).
  • 5. Page 5 sur 36 Fig. 1 Ruffec en Charente (source : http://www.larousse.fr/, 2014) Si la commune n’est pas directement traversée par la LGV SEA, son lien tient à la desserte dont elle dispose. En effet, avec la mise en service de ligne SEA, on peut supposer que l’arrêt existant sera supprimé. En 2011, la commune anticipait d’ailleurs cette situation et Ruffec criait « gare » pour reprendre le titre de presse de Sud-ouest. La LGV, le maire de Ruffec ne s’y est pas opposé mais il témoigne qu’il n’a pas vraiment eu le choix. Les témoignages évoquent pour le moment l’absence de projet de territoire à Ruffec lié à l’arrivée de la grande vitesse et semblent davantage adopter une posture de résignation. Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette posture ?
  • 6. Page 6 sur 36 Photographie 1. Les travaux de la LGV SEA dans le pays ruffécois (Charmé) (Le Douare pour LISEA, juin 2014) Méthodologie La méthode s’articule autour d’une enquête de terrain et des entretiens auprès des acteurs des territoires du local à l’échelle de l’Etat. Pour mener à bien l’enquête de terrain auprès des acteurs locaux, un travail préparatoire en groupe a tout d’abord été effectué. Elodie Manceau nous a présenté en détail la commande de l’observatoire, ainsi que le projet global de la LGV et le territoire du Ruffécois. Cette présentation a ensuite été complétée par deux approches : une lecture des diagnostics territoriaux du territoire concerné (Ruffec, Poitou- Charentes) et une lecture du retour d’expériences des territoires ruraux traversés par la Grande Vitesse. A la suite de ce travail préliminaire, visant à mieux connaître le territoire étudié ainsi que les implications que pourrait avoir la LGV sur ce territoire, nous avons pris contact avec les acteurs concernés et avons élaboré une grille d’entretien. Les acteurs contactés relèvent des différentes échelles institutionnelles concernées par le territoire du Ruffécois, de la commune à l’Etat. Dans ce cadre, des acteurs politiques, économiques et des
  • 7. Page 7 sur 36 responsables techniques ont été sollicités (Liste des entretiens en annexe). En ce qui concerne la grille d’entretien, nous avons mis en évidence trois thèmes à aborder lors de chaque entretien, en lien avec les objectifs de la commande : - l’appréciation de l’intérêt de la LGV pour le Ruffécois ; - le positionnement de l’acteur par rapport à la LGV ; - la stratégie relative à la LGV mise en œuvre par l’acteur. Au sein de ces thèmes figurent des propositions de questions et de relances. L’objectif de cette grille était de cerner les perceptions que chaque acteur a des effets de la ligne sur le Ruffécois, à court terme comme à long terme, dans différents domaines tels que l’emploi, l’activité économique, les dynamiques spatiales ou encore la desserte du territoire. Il s’agissait également de comprendre la posture de chacun, leur vision du projet et son évolution au cours des différentes phases d’élaboration et de conception de la ligne et de saisir les stratégies et initiatives mises en œuvre et prévues. La deuxième phase de l’étude s’est déroulée du 3 au 5 mars 2014. Durant trois jours, des entretiens semi-directifs ont été menés avec les acteurs concernés par la LGV et le territoire du Ruffécois. Ces entretiens ont été réalisés par des groupes de deux à trois étudiants, la plupart du temps en présence d’un enseignant ou d’Elodie Manceau. Une limite peut-être apportée aux entretiens passés. En effet, l’étude s’est déroulée dans un contexte d’élections municipales ce qui a pu influencer le discours des différents acteurs politiques interrogés. Ces entretiens ont fait l’objet d’une retranscription et d’une analyse thématique à l’aide d’une grille d’analyse réalisée en groupe. Cette grille d’analyse reprend les grands thèmes de la grille d’entretiens, correspondant de fait aux principaux questionnements de la commande : - les effets ressentis et attendus de la LGV et les risques perçus ; - les postures des acteurs, c’est à dire la représentation du territoire de chaque acteur ainsi que son positionnement et les stratégies envisagées face à la LGV; - les relations entre acteurs : entre les acteurs et LISEA et entre les acteurs territoriaux. La confrontation des entretiens à la grille d’analyse et aux lectures relatives au territoire et aux différents projets de LGV a permis de dégager les résultats de la recherche. Après avoir analysé les différents effets ressentiset attendus par les acteurs en lien avec la ligne, ce rapport présente les postures des acteurs ainsi que les relations liées à la LGV.
  • 8. Page 8 sur 36 1. La LGV dans le pays ruffécois : des effets ressentis et attendus, des risques redoutés Les entretiens réalisés au cours de l’enquête auprès des acteurs territoriaux mettent en évidence différents types d’effet : avérés et attendus sur des temporalités courtes et longues. Des craintes liées à la perception de risques potentiels sont également associés au projet. Ces différents éléments renvoient à quatre thèmes principaux qui font l’objet des préoccupations et des prévisions des acteurs : • la desserte, • l’organisation du territoire, • l’économie • et les paysages. L’analyse sera ici ponctuée de témoignages indiqués en gras et issus des entretiens réalisés. 1.1 LA DESSERTE : LA CRAINTE DE « L’EFFET TUNNEL » La construction de la LGV Sud Europe Atlantique suscite deux types de réaction chez les acteurs institutionnels, économiques et sociaux quant aux effets possibles sur les dessertes du territoire du Ruffécois. Ces réactions renvoient à la temporalité du chantier et de l’exploitation. A court terme, les inquiétudes portent sur les perturbations que la construction de la ligne peut engendrer sur les dessertes des TGV. En effet, les travaux ont provoqué une gêne des usagers, occasionnée par la modification des horaires des TGV, avec notamment une baisse de la régularité des trains. Ces modifications se reportent sur les habitudes des usagers quotidiens qui voient leur trajet se rallonger soit par la multiplication des correspondances, soit par les changements d'horaires des trains. Les personnes qui empruntent le TGV le matin pour aller travailler sont contraints de commencer beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard ou bien d'emprunter d'autres modes de transports. Ces changements d'horaires poussent certains élus locaux à se demander si à terme, ces modifications ne vont pas entrainer une suppression totale des dessertes de Ruffec par le TGV…. Ces perturbations et interrogations sont donc sources d'inquiétudes autant pour les usagers que pour les acteurs locaux, communaux et départementaux. A long terme, les acteurs émettent des inquiétudes quant à l'organisation des futures dessertes, qui pourrait impliquer un « effet tunnel ». L’incertitude générée par le manque d'informations, pousse aussi les acteurs à formuler des hypothèses sur ce que pourraient devenir les lignes libérées et sur les nouvelles correspondances possibles. En effet, certains acteurs locaux, communaux et intercommunaux se questionnent quant à la qualité de la future desserte des TGV, non encore défini, après la fin des travaux. En effet, le schéma de desserte ne sera connu qu’au début de l’année 2016. Très concrètement, les préoccupations portent sur plusieurs aspects du niveau de service : - Le futur « horaire de service » (TGV, TET, TER). Certains acteurs locaux se sont exprimés sur le sujet en ces termes : « je ne suis pas sûr qu’au
  • 9. Page 9 sur 36 final on ait une aussi bonne desserte en TGV qu’actuellement ». - La fréquence des rabattements vers les autres modes de transports, l'organisation et la gestion des correspondances, notamment des correspondances entre la LGV et les TER : « la LGV sera utile et efficace (...) si le réseau secondaire est développé en fonction des besoins des populations qui auront le souhait d’être rabattus vers les grandes gares de la LGV ». - Le confort du transport, en lien avec la nécessité de combiner pour un seul trajet plusieurs modes de transports et d’avoir des points de ruptures de charge. - La future organisation des titres de transports. Pour quelques acteurs économiques, il faudrait assurer un bon service de billettique, c'est à dire que les usagers devraient pouvoir avoir un même billet pour une destination, malgré les différents types de transports utilisés, afin de faciliter leur mobilité. De façon générale, les acteurs locaux s’interrogent et s’inquiètent sur le devenir de leur accessibilité, évoquant le risque d’un effet tunnel qui réduirait le nombre de dessertes pour le Ruffécois, dans une perspective où seules les villes moyennes et les plus grandes agglomérations sont desservies. Sur ce sujet, la référence à d’autres territoires français concernés par des problématiques similaires a souvent été évoquée dans les entretiens pour appuyer la crainte des acteurs locaux quant au renforcement de l’isolement de leurs territoires1 . La mise en place de TER et de bus qui détermineront la qualité des raccordements ressort aussi comme une source d’inquiétude pour les territoires locaux. Les acteurs considèrent manquer d’informations à ce sujet. Ils ne savent pas si des raccordements à la LGV vont être mis en place. De plus, si des raccordements sont créés, cela ne signifie pas obligatoirement que ces derniers seront coordonnés avec les dessertes de la LGV. Par conséquent, il existe une réelle crainte autour de ces questions, tant par rapport à l’évolution des conditions d’accès aux métropoles proches, qu’au renforcement de l’usage de la voiture pour pallier une moindre accessibilité par les transports collectifs. Si la mise en place et la qualité des raccordements ne se fait pas ou n'est pas bien gérée, les usagers des TGV, des TER et des bus pourraient « ne plus trouver utile d'emprunter ces moyens de transports et préférer prendre leur voiture ». Ainsi, les transports collectifs déjà implantés au sein du Ruffécois subiraient les conséquences de l'utilisation des modes de transports privés, tels que la voiture, et verraient le nombre de leurs usagers fortement diminuer. De nombreuses hypothèses ont été formulées par les acteurs économiques et sociaux autour de l'éventuelle possibilité de l'utilisation des lignes libérées et de leur usage : • Certains proposent que les libérations de lignes de TGV puissent servir à la circulation de nouveaux TER. « Cela permettrait ainsi le 1 Bazin S, Beckerich C, Delaplace M, 2011, « Les effets des dessertes ferroviaires à grande vitesse : des divergences d’objectifs qui limitent la portée des stratégies d’accompagnement », migrations et territoires, pp.1-17.
  • 10. Page 10 sur 36 raccordement du Ruffécois aux villes plus importantes qui possèdent un arrêt LGV comme par exemple Poitiers ». • Ils suggèrent également que la libération de lignes pourrait « servir à la circulation des trains de marchandises qui, de ce fait, allègerait la charge des autres lignes, pour ainsi mieux répartir l'ensemble du trafic fret ». Pour accompagner l'arrivée de la ligne à grande vitesse, tous évoquent le maintien de la qualité de la desserte régionale, notamment vers Poitiers et Angoulême comme un enjeu majeur, et une condition indispensable pour que la LGV puisse bénéficier à l’amélioration de la desserte du Ruffécois (Fig.2). Les rabattements permis par une bonne desserte de TER seraient bénéfiques pour le territoire du Ruffécois dans la mesure où ce dernier pourrait profiter des retombées positives de la LGV et ne subirait pas, ou moins, l'effet tunnel. Fig 2. Infrastructures routières et ferroviaires (Syndicat de Pays du Ruffécois, 2013) Si le réseau secondaire est développé en fonction des besoins des populations du territoire non desservi, celles-ci auront besoin d'être acheminées vers les grandes gares. Ainsi, la LGV serait, selon le point de vue des acteurs situés à l'échelle régionale, « beaucoup plus utile et efficace ». Finalement, le maintien des arrêts des TGV actuels (2 par jour) à Ruffec n’est pas un impératif unanimement partagé à l’échelle des territoires locaux. L’enjeu est davantage porté sur la qualité du rabattement par les transports régionaux sur les gares métropolitaines LGV et l’attention à apporter aux ruptures de charge pour passer des trains régionaux aux trains à grande vitesse (pôle multimodal…). En effet, les acteurs institutionnels sont bien conscients que « le Pays du Ruffécois est marqué
  • 11. Page 11 sur 36 par un déséquilibre de service d’un canton à l’autre avec des zones particulièrement isolées et accentué par l’absence de transport transversal » (Pays du Ruffécois) (Fig.2). Les acteurs locaux rencontrés ont aussi bien conscience que la LGV est d’abord une liaison qui vise à rapprocher les grandes métropoles, « en court-circuitant de fait les territoires intermédiaires dans lesquels ne seront pas marqués d’arrêts ». C’est donc bien la qualité des dessertes régionales pour raccorder ces lignes à grande vitesse qu’ils défendent et revendiquent, en réfléchissant aux modalités d’utilisation des lignes ferroviaires classiques. 1.2 DES EFFETS TERRITORIAUX LIES A LA LGV Les effets sur les dynamiques et recompositions territoriales au sein du territoire du Ruffécois, comme de son positionnement dans l’espace régional suscite à la fois des éléments d’appréciation positive, vecteurs de potentialités de développement, mais également un certain nombre de réserves et de craintes à différentes échelles de temps et d’espaces de la part des acteurs territoriaux. Des risques liés à l’insertion du Ruffécois dans une dynamique régionale Deux éléments majeurs sont considérés comme des facteurs de risques pour le Ruffécois : de nouvelles polarisations liées à l’effet tunnel et un risque d’accentuation de la fracture régionale. La ville de Ruffec pourrait subir un « effet tunnel » en raison de l’absence d’un arrêt TGV. De manière générale, l’analyse des entretiens et des textes laisse à penser que cela peut avoir pour effet une polarisation au bénéfice des villes régionales qui seront desservies : Poitiers et Angoulême. Celles- ci seront en effet plus attractives et potentiellement plus dynamiques. Cette dynamisation pourrait se faire au détriment du territoire Ruffécois, dont l’attractivité se verrait réduite. Cette crainte est issue du retour d’expérience des différentes études menées sur les LGV en France qui mettent en exergue le potentiel effet de polarisation du territoire régional sur les grandes villes desservies2 . Plus largement, la LGV permettrait également de renforcer le phénomène de métropolisation3 , c’est à dire le développement de la puissance des métropoles grâce à une meilleure accessibilité. Ce renforcement peut passer par l’accroissement de la population et de l’activité économique ou par la concentration des institutions de commandement. Or, cela peut être 2 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace urbain homogène », Décimal, n°313 Bazin Sylvie et al, 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine, p. 245-261. 3 DIACT, 2009, « Les effets de la Grande vitesse ferroviaire sur l’aménagement et le développement des territoires : Etat de l’art et analyse bibliographique »
  • 12. Page 12 sur 36 source d’inégalités territoriales à l’égard des petites villes non desservies qui voient leur accessibilité et leur attractivité réduite. Le sentiment de risque de polarisation lié à l’arrivée de la LGV-SEA ressort fortement des entretiens menés. Différents scénarios sont apparus. Tout d’abord, la ligne pourrait être à l’origine d’un renforcement de l’attractivité de Bordeaux vis-à-vis d’Angoulême. La plupart des acteurs prévoient néanmoins un développement de l’attractivité et du dynamisme d’Angoulême. Mais le propos est aussi nuancé car « si ce développement pourrait être bénéfique au Ruffécois, le risque serait également de provoquer des départs d’activités de Ruffec vers Angoulême. Le territoire pourrait ainsi perdre son autonomie du fait de son intégration dans la métropole angoumoisine où les ressources seraient concentrées ». À ce titre, est évoquée l’évolution des territoires tels que celui du Ruffécois vers de futures « zones périurbaines » d’Angoulême. Les polarisations engendrées par la LGV s’avèreraient être un risque de taille pour Ruffec et son territoire local d’insertion si la desserte du territoire n’est pas au minimum maintenue au niveau actuel. Photographie 2. Les commerces en perte de vitesse à Ruffec ? (1/2) (Manceau, 2014) Ce point de vue assez largement développé par les acteurs locaux du territoire du Ruffécois est à mettre en perspective de propos sensiblement différents, tenus par des acteurs de niveau d’intervention départemental ou régional, pour qui l’avenir du Ruffécois est très largement lié aux dynamiques des relations entre Poitiers et Angoulême. Pour eux, si les communes du Ruffécois savent profiter d’une densification des échanges avec ces deux métropoles régionales, elles pourraient profiter d’un effet d’entrainement de leur développement. Les témoignages sont éloquents à propos des conditions du développement du Ruffécois « les relations sont
  • 13. Page 13 sur 36 faibles entre Angoulême et Poitiers, et Ruffec qui aurait pu jouer le point d’accroche au milieu n’a pas joué ce rôle. L’avenir des effets bénéfiques de la LGV sur Ruffec dépend de l’avenir des relations entre Angoulême et Poitiers. C’est une chance pour Ruffec que la LGV relie sans arrêt Poitiers à Angoulême, d’abord parce que ça va relancer Poitiers et Angoulême, et du coup ça va étoffer les deux bassins d’emploi et Ruffec, s’il sait profiter d’une densification des relations TER entre Ruffec et Angoulême et Ruffec et Poitiers, ça peut être bénéfique au second degré. Le fait que le TGV ne s’arrête pas à Ruffec n’est pas un problème, par contre il y a deux conditions pour que la LGV leur soit bénéfique : c’est d’une part que le territoire ruffécois se battent pour des liaisons cadencées TER Ruffec- Angoulême et Ruffec-Poitiers plus fortes et d’autre part que les relations Angoulême et Poitiers soient plus fortes au niveau du TGV. Il faut qu’Angoulême regarde un peu vers Poitiers pour que Ruffec soit dedans ». Photographie 3. Les commerces en perte de vitesse à Ruffec ? (2/2) (Manceau, 2014) A l’échelle plus locale, des réorganisations du fonctionnement territorial sont également évoquées, qui amèneraient selon certains acteurs à des réévaluations possibles des polarisations locales. En effet, actuellement, Ruffec constitue un petit pôle au sein du territoire du ruffécois. Or, on pourrait penser que la base travaux4 , transformée en base de maintenance 4 Le projet de la LGV SEA prévoit la création de quatre futures bases de maintenance le long de la Ligne situées à Nouâtre (Indre-et-Loire), Poitiers (Vienne), Villognon (Charente) et Clérac (Charente-Maritime) et de trois bases « travaux » situées également à Nouâtre, Villognon et Clérac. La base travaux doit permettre la réalisation des équipements ferroviaires. Il s’agit d’installations provisoires raccordées directement au réseau ferré à
  • 14. Page 14 sur 36 avec la mise en service de la Ligne, pourrait modifier l’organisation du territoire, en déplaçant la polarité vers la commune de Villognon qui accueille cette base (Photographie 4). Certains entretiens révèlent que la base travaux est déjà à l’origine d’un accroissement démographique et économique de cette petite commune rurale. Villognon pourrait voir son attractivité se développer au dépend du centre urbain principal du ruffécois. La base maintenance, à travers ses 4000 mètres carrées de bureaux, va permettre la création sur le territoire de 80 emplois ce qui est considéré pour la commune de Villognon comme « une aubaine » (Carin, Charente Libre, 30/11/2013). Photographie 4. Base travaux de Villognon (P. Le Doare pour LISEA, 2014) La ligne LGV présente un second facteur de risque pour le ruffécois : l’accentuation des lignes de rupture à l’intérieur du territoire à l’échelle régionale. Le territoire régional dans lequel s’insère le ruffécois a souvent été évoqué par les interlocuteurs rencontrés comme un territoire qui « manque de cohésion ». Les différentes parties du territoire entretiennent des relations intenses avec les départements limitrophes. Du point de vue de l’identité, certains territoires sont ainsi tournés vers une autre région où une autre ville5 . Par exemple, « Angoulême entretient déjà des relations importantes avec Bordeaux ». De plus, il existe une opposition est-ouest entre les différentes parties du territoire régional. Ainsi, l’ouest concentre une grande partie de la population de la région et est plus dynamique en termes d’emploi et d’attractivité touristique. Ce constat a été corroboré par proximité et à la LGV en construction. 5 Boyer J-C, 2005, « Poitou-Charentes », in Boyer J-C, Carroué L, Gras J, et al, La France, les 26 régions, Collection U, Armand Colin, pp 288-297.
  • 15. Page 15 sur 36 les discours des acteurs du territoire. Il en ressort que « la Région n’est pas une vraie région […] chaque département regarde vers la Région voisine. Poitiers n’est pas vraiment un centre régional, Angoulême se tourne vers Bordeaux, Poitiers regarde vers Tours, Niort regarde vers Nantes et Tours. Quant à la Rochelle son développement est surtout orienté vers le tourisme, notamment celui en lien avec des hauts-lieux dans ce domaine (ex. : île de Ré) [...] ». Dans ce contexte régional, le ruffécois se présente comme un territoire d’entre deux ayant pu structurer son propre bassin de vie (Fig.3). Fig.3 Les bassins de vie picto-charentais selon leur densité de population (INSEE, 2009) La LGV est vue selon certains comme un vecteur pouvant contribuer à renforcer cette situation d’éclatement régional, en permettant l’intensification des relations avec les autres territoires, au détriment des interactions internes. La LGV créée de nouvelles polarités de transport et va intensifier les relations entre ces polarités et les autres pôles reliés par la ligne, comme Bordeaux et Paris. Les grandes villes pourraient ainsi se retrouver déconnectées de leur bassin d’influence6 . Ce risque n’est pas propre à la Région Poitou-Charentes. Il est également évoqué dans le cas 6 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace urbain homogène », Décimal, n°313
  • 16. Page 16 sur 36 de la LGV pour le territoire de la Champagne-Ardenne7 . Cette « rupture » concerne indirectement le territoire du ruffécois, situé dans un entre-deux, entre Poitiers et Angoulême. Sur cette question, les propos des acteurs rencontrés sont contrastés. Pour certains, « ce territoire risquerait de se retrouver aux marges des nouveaux territoires régionaux reconstitués, voire tiraillé entre différentes polarités ». A contrario, certains envisagent que le ruffécois, situé au milieu de ces polarités, puisse en tirer parti, en étant « connecté à ces polarités et nouveaux territoires fonctionnels ». Outre les risques liés à la polarisation et au renforcement des disparités régionales sur lesquelles nos interlocuteurs ont particulièrement insisté, des effets positifs de la LGV se sont déjà concrétisés, et d’autres sont attendus par les acteurs. Des effets attendus et avérés en termes d’attraction démographique et de désenclavement du ruffécois En dépit des réserves reportées plus haut, certains de nos interlocuteurs considèrent que la LGV présente un potentiel de développement démographique et de désenclavement pour le ruffécois. Ils appuient leurs propos sur les effets déjà constatés en conséquence des travaux. Selon eux, « la LGV offre également des possibilités de développement à plus long terme. Ce développement s’appuie en partie sur le Fond de Solidarité Territorial (FST) ». Cependant, à partir de l’analyse des propos des acteurs, force est de constater que cette aide de l’Etat présente un certain nombre de limites. « La phase de travaux a été à l’origine de l’arrivée de 50 à 70 familles sur le territoire du ruffécois ». Cette situation positive à court terme semble avoir justifié pour certains acteurs une réflexion relative à l’organisation du territoire à travers un Scot, et être à l’origine d’interactions entre les acteurs locaux pour penser le devenir du territoire et ses enjeux. Les acteurs attendent également un essor démographique à long terme, soulignant combien l’approche par les effets dé-structurants des dessertes ferroviaires à grande vitesse structure encore très largement la pensée et l’action des acteurs locaux. Selon certains acteurs : « la LGV pourrait permettre de développer l’attractivité d’Angoulême. Et l’éventuelle expansion de l’aire urbaine d’Angoulême pourrait entrainer, dans sa dynamique, le ruffécois, Angoulême prenant alors le rôle de métropole locale. Cela serait positif pour la démographie du ruffécois, dans le cadre d’un mouvement d’installation dans le périurbain de la population attirée par Angoulême ». En effet, il ressort que la population attirée à Angoulême, essentiellement pour y travailler, s’installe dans les campagnes environnantes, ce qui inclue le ruffécois, qui pourrait à l’avenir être intégré dans la couronne périurbaine d’Angoulême : « [...] à moindre échelle imaginons une ville comme Angoulême qui prenne de la place 7 Bazin Sylvie et al., 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine, p. 245-261.
  • 17. Page 17 sur 36 dans cet espace un peu vide, qui grossisse avec des pôles d'emplois secondaires, et avec un territoire périurbain qui s'éloigne, qui s’étend, Ruffec ne serait plus très loin». Ce n’est que sous cet angle d’un éventuel effet sur la croissance démographique du ruffécois que la proximité et le développement des pôles métropolitains peuvent être perçus vus de façon positive. Pour accompagner les communes traversées par la LGV dans leurs projets d'investissement, le Fonds de Solidarité territoriale (FST) a été créé et c’est en partie sur ce fonds qu’une partie des acteurs territoriaux voient leur développement. Le Fonds de Solidarité Territoriale est chargé de cofinancer à hauteur de 80% des actions d’accompagnement d’insertion économique, sociale ou culturelle liés à l’arrivée de la LGV sur les territoires traversés (les 20% restant à la charge du porteur de projet). Pour ce qui concerne le projet de LGV entre Tours et Bordeaux, ce sont 30 millions d’euros de subventions allouées soit 0,4% du coût prévisionnel de l’infrastructure. Cette subvention s’adresse aux communes traversées ainsi qu’aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). Fin 2013, 70% de l’enveloppe restait encore disponible (Préfecture de Région Poitou-Charentes). Cette aide est considérée par les services de l’Etat comme une aide supplémentaire qui vient s’ajouter aux financements existants pour la réalisation de certains projets. Certains acteurs parlent même de « bonus » à ce propos. Dans les faits, les travaux financés concernent des projets variés, tels que des aménagements de bourgs, des travaux de voirie ou des créations de lotissement. Cette aide s’avère donc être un outil d’accompagnement pour les communes qui en bénéficient. Certains acteurs ont exprimé un point de vue très positif quant au bénéfice représenté par le FST pour le ruffécois. Cependant, les limites de ce dispositif ont été abordées par certains interlocuteurs. En effet, le FST ne touche pas l’ensemble des communes affectées par l’arrivée de la ligne. Ne sont concernées que celles qui sont sur le tracé. Ainsi, des communes comme Ruffec, qui ne sont pas physiquement traversées mais pour lesquelles la LGV présente des enjeux et des risques pour le développement du territoire, ne peuvent prétendre à cette aide. Cette situation concerne également d’autres communes, comme Mansle, qui n’est pas sur le tracé mais qui est fortement impactée par les travaux : « le passage des poids lourds dans la commune génère des dégâts sur la voirie et retarde les travaux de rénovation du centre-ville ». Une aide élargie aux communes qui sont impactées par les travaux et la mise en œuvre de la ligne serait, selon certains, pertinente, afin d’éviter d’éventuelles inégalités entre les territoires locaux. Les effets territoriaux de la LGV-SEA sont donc perçus de façon assez ambivalente par les différents acteurs locaux, évoquant simultanément les potentialités de développement, mais également les risques pour le territoire du ruffécois. Et assez classiquement, ils s’accordent pour souligner la nécessité de la mise en œuvre de politiques d’accompagnement, visant non pas tant à améliorer la qualité de la desserte, qu’à la maintenir dans ces caractéristiques actuelles. C’est tout l’enjeu, pour un territoire traversé mais non desservi, de la connexion aux arrêts de la LGV, situés dans les grandes villes extérieures au territoire local. Les acteurs rencontrés ont également insisté sur l’importance des partenariats locaux à renforcer, afin de penser davantage la complémentarité des territoires locaux, de réduire les situations de
  • 18. Page 18 sur 36 concurrence négative8 , et de peser plus fortement dans les négociations avec les l’Etat et RFF. 1.3 DES RETOMBEES ECONOMIQUES SUJETTES A CONTROVERSES Si les entretiens ont permis d’évoquer longuement les effets économiques à court terme, en lien avec le chantier, à plus long terme, les acteurs sont assez sceptiques sur d’éventuelles retombées pour le ruffécois. Le sentiment très partagé repose sur l’idée que du « point de vue économique, rien ne va vraiment changer, compte tenu d’une desserte qui serait au mieux légèrement améliorée et d’un espace encore très marqué par une économie à dominante agricole ». Pour autant, certains ont été amenés à évoquer des stratégies possibles d’accompagnement. Des points de vue controversés sur la dynamique de l’emploi Pour de nombreux acteurs rencontrés, l’effet économique lié au chantier de la LGV est réel. C’est d’ailleurs sur ce premier registre que les acteurs locaux sont les plus explicites, ce qui est peu surprenant compte tenu de la période à laquelle a été menée l’enquête qui correspondait à la phase active du chantier dans le territoire concerné. Au plus fort du chantier, 8 500 personnes travaillaient sur le projet de construction de la Ligne. Parmi les 8 500 emplois, environ 40% relève d’emplois locaux (COSEA, LISEA). Selon les acteurs territoriaux interrogés, une redynamisation de l’emploi local a été observée, et, selon eux, le « chômage a connu une baisse significative sur ce territoire ». Dès lors, nos acteurs considèrent que le ruffécois a profité des effets indirects du chantier allant jusqu’à évoquer une « bouffée d’oxygène » pour l’emploi local. Le passage de la LGV suppose de lourds chantiers qui nécessitent dans la première phase de travaux beaucoup de main d’œuvre. D’après la majorité des acteurs interrogés, la présence de cette main d’œuvre a eu pour effet de dynamiser l’activité des commerces locaux, de l’hôtellerie et des locations. En effet, «les compagnons se sont logés et ont consommés sur place. Dès lors, cela a un effet bénéfique, notamment sur les locations d’appartements et de terrains dans les campings. […] le pays du ruffécois est le secteur en Charente qui a le plus bénéficié de ces effets indirects et induits liés à la vie et à la consommation localisée des salariés employés sur le chantier ». Cependant, pour d’autres acteurs régionaux et locaux, ces effets bénéfiques sur l’emploi sont limités. En effet, « il n’y aura pas de création d’emplois dans les domaines autres que ceux liés au chantier. Certes, le chantier demande une certaine main d’œuvre, mais celle-ci sera mobilisée uniquement dans la période de travaux de la LGV ». Ces 8 Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace urbain homogène », Décimal, n°313 Bazin Sylvie et al., 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne-Ardenne : quels effets sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'Économie Régionale & Urbaine, p. 245-261.
  • 19. Page 19 sur 36 effets sont alors considérés par les acteurs comme des effets de court terme. Photographie 5. Poseurs de voix, Villognon (Le Douare pour LISEA, 2013) De plus, « l’effet sur l’emploi local reste finalement très faible ». En effet, les emplois que nécessite la LGV sont surtout pourvus par les fournisseurs, les sous-traitants. La LGV ne permettrait pas de dynamiser le territoire : « Il ne faut pas uniquement se reposer sur la LGV pour dynamiser quoique ce soit ». Enfin, certains ont pu évoquer les difficultés pour des établissements qui se sont détournées de leur clientèle habituelle pendant la période du chantier, et qui risquent d’avoir des difficultés pour retrouver cette clientèle une fois le chantier terminé. Cela a notamment été évoqué pour certains hébergements qui se sont pendant la durée du chantier fermés à l’accueil des touristes pour les réserver aux personnels employés sur le chantier. Plus rares sont les acteurs qui considèrent qu’à plus long terme, le territoire du ruffécois pourrait profiter de retombées économiques. Seules la base de maintenance, et l’éventuelle base de fret développées à Villognon sont mentionnées comme des faits tangibles pouvant à terme impulser une nouvelle dynamique économique, mais dont est toujours souligné le caractère relativement modeste. Un acteur souligne l’importance de ce projet car la plateforme serait « cédée » au territoire afin d’en faire une base logistique. Cela constituerait un apport intéressant pour le territoire car cela permettrait d’avoir un outil de développement d’activités logistiques à disposition. La création de la base travaux située à Villognon pourrait également, selon plusieurs acteurs régionaux et locaux interrogés, être source d’effets positifs pour le territoire. Cette base devrait permettre de maintenir 70 à 80 emplois de façon permanente.
  • 20. Page 20 sur 36 Plus hypothétiquement, les quelques interlocuteurs qui espèrent quelques retombées économiques positives pour le Ruffécois les font dépendre des dynamiques exogènes attendues de Poitiers et d’Angoulême. Ainsi, « l’arrivée de la LGV va avoir des effets en particulier sur la ville de Poitiers car elle devrait entraîner notamment l’implantation de structures de conseil et de services aux entreprises, qui vont prendre cette agglomération comme point de diffusion de l’activité de conseil sur le Centre Ouest de Poitiers ». La LGV aurait également des effets positifs en termes d’emploi dans la ville d’Angoulême car elle permettra la création de nouvelles activités économiques. Angoulême et Poitiers représenteront alors, toujours selon ce même acteur, de nouveaux bassins d’emplois. Dès lors, le développement économique que devraient connaître Poitiers et Angoulême, grâce à l’arrivée de la LGV, pourrait éventuellement profiter aux territoires secondaires, qui se situent entre ces deux villes. En effet, ce développement peut constituer une chance pour le Ruffécois, mais à condition qu’ils saisissent cette chance que pourrait représenter la densification des relations TER entre Angoulême et Poitiers. D’autres arguments viennent cependant nuancer ce propos, lorsque sont évoquées les caractéristiques économiques intrinsèques du territoire du ruffécois, à dominante agricole. Selon certains, les effets d’une éventuelle croissance de l’emploi dans les métropoles régionales n’aurait qu’un impact limité pour les populations résidentes du ruffécois. Et pour d’autres, « la LGV aurait même plutôt des impacts négatifs sur le monde agricole. En effet, en Charente environ 1 000 hectares consacrés à l’agriculture sont affectés au domaine ferroviaire, en raison de l’implantation de la base travaux ». Pour cet acteur, cela se voit notamment sur le territoire du ruffécois où 50 hectares agricoles seront perdus. D’ailleurs, si les mobilisations de rejet ou de protestation à l’égard du projet ont semble-t-il été peu importantes de manière générale depuis son lancement, celles relatives aux impacts sur la rétraction des terres agricoles ont a contrario souvent été évoquées lors des entretiens. La question des potentialités liées au développement de l’activité touristique ne semble pas faire plus consensus chez les acteurs locaux. Certes, « la Charente est systématiquement présentée comme un département très attractif pour les populations nord européennes et, particulièrement, les britanniques. Ces touristes s’arrêtent à Ruffec et visitent la commune et ses environs. Pour nos interlocuteurs, cela peut se constater facilement en observant les voyageurs qui descendent en gare de Ruffec, lorsque les trains sont en provenance de Paris [...] La LGV est alors appréciée comme un élément qui permettrait d’accentuer et de renforcer cet afflux de touristes, ce qui constitue un point très positif pour le développement du territoire ruffécois ». Mais pour d’autres, la LGV ne changera rien du point de vue de l’attractivité touristique et de l’augmentation potentielle de flux touristiques, au vu du faible gain de temps sur les longues distances. A court terme comme à long terme, les effets attendus sur le développement de l’emploi suscitent donc des propos nuancés et contrastés. Pour tous les acteurs rencontrés, que ces effets soient perçus dans un sens positif ou dans un sens négatif, ils ne sont jamais vus comme systématiques. Ils s’inscrivent dans un contexte territorial spécifique et des jeux d’acteurs particuliers. Leur effectivité renvoie à la nécessaire mise en
  • 21. Page 21 sur 36 place de dispositifs d’accompagnement qui peuvent intervenir à différents moments et à différentes échelles. Des effets sous conditions : l’enjeu de la mise en place de projets accompagnant la LGV Plusieurs exemples développés lors des entretiens permettent d’évoquer concrètement les dispositifs prévus ou à envisager dans cette perspective. Le chantier de la LGV connaît deux phases. La première est celle du terrassement. Elle demande beaucoup de main d’œuvre et elle touche à sa fin aujourd’hui. S’ajoute ensuite la phase des équipements ferroviaires. Ces deux phases sont assez différentes et demandent des effectifs et compétences différents. Dès lors, selon un acteur du niveau régional, pour que les effets soient positifs sur l’emploi à terme, c’est-à-dire au-delà de la première phase de travaux, « il faut rendre effectif le projet d’installation d’une plateforme de reconversion professionnelle des ouvriers afin que ceux-ci puissent conserver leur travail pendant la seconde phase de travaux ». Pour certains acteurs qui ont souligné que la LGV elle-même n’aura pas d’effets économiques pour le ruffécois, les effets potentiels ne peuvent être envisagés que si des initiatives en matière d’aménagement du territoire local sont envisagées en lien avec la LGV, notamment quant à la desserte des gares desservies. Il s’agit alors, par exemple, d’améliorer l’intermodalité autour des gares de la LGV en général et autour de celle d’Angoulême en particulier afin de permettre aux habitants de se déplacer facilement vers le pôle départemental, notamment pour y travailler. Par ailleurs, pour garantir l’accès à la LGV pour la population de ce territoire, le prix des billets apparaît comme un enjeu important. 1.4 LES EFFETS ATTENDUS DE LA LGV : UN BOULEVERSEMENT SUR LE PAYSAGE ET L’ENVIRONNEMENT Au-delà des effets de nature démographique ou économique, les acteurs rencontrés ont évoqué de façon très récurrente les impacts paysagers et environnementaux liés au passage de la LGV. On a pu constater que ces problématiques sont particulièrement sensibles, comme en témoigne l’utilisation de termes souvent très forts et imagés. Ils ont souvent constitué des effets inattendus, par l’ampleur des nuisances sonores, visuelles. L’impact sur les paysages est associé pour un grand nombre à la démesure des travaux, et du coup a été l’occasion à plusieurs reprises de points de vue interrogeant l’utilité même de cette nouvelle ligne et son intérêt général. Si les acteurs s’accordent à dire que la ligne LGV entraine des bouleversements de l’environnement tant dans l’immédiat qu’à plus long terme : « c’est vrai que le TGV a posé des problèmes d’environnement […], c’est un chantier qui déménage », on a pu noter de façon générale que l’accent reste davantage mis sur la dimension paysagère des transformations, que sur les problématiques écologiques, en termes d’altération du fonctionnement des écosystèmes. A court terme, pour beaucoup, le constat est négatif. Les travaux ont
  • 22. Page 22 sur 36 transformé le paysage et l’ont rendu moins « joli [qu’] avant ». Certains disent qu’ « en cette période de chantiers, on peut penser que c’était plus joli avant. Il y a quand même un ressenti négatif par rapport à ça ». Certains sont même allés jusqu’à parler de « traumatisme ». « C'est vrai que ça fait mal au cœur de voir des vallées transformées, des rivières détournées et des blocs de béton » rapporte un élu local. On a un sentiment de regret de la beauté du paysage : « ça a quand même bouleversé sacrément le paysage […] Il y avait des trucs supers, des moulins qui ont été écrasés […] ». Selon certains acteurs régionaux, le chantier va laisser des cicatrices dans le paysage et il va falloir du temps pour que « le tissu se reforme en quelque sorte parce que là c'est une tranchée ». A long terme, d’autres acteurs locaux et régionaux estiment que l’environnement sera dénaturé comme le souligne un élu local en disant qu’il y aura « un trou dans le paysage quand le chantier sera terminé ». Ce changement paysager peut être perçu comme étant un facteur de séparation des habitants, ce qui rendra plus difficiles certains échanges entre les communes. Un acteur régional illustre ce propos en disant que le tracé de la LGV « c'est vraiment une saignée dans les collines, dans les vallées et qui va séparer certains habitants, certaines communes, qui va faire des frontières presque naturelles, et qui va empêcher certains échanges ». Quelle que soit leur échelle d’intervention, les acteurs locaux ont donc conscience de la modification paysagère qu’engendre la LGV et reconnaissent le fait que l’environnement connu par les habitants sera déstructuré : « on leur déstructure totalement l’environnement qu’ils ont connus […] les gens par ailleurs se sont rendus compte de l'effet chantier, ça n'a rien à voir avec la construction d'une autoroute qui fait moins de dégâts dans le paysage, là ce sont des monticules énormes, des percées, des murs anti bruit partout ». Le caractère irréversible du bouleversement du paysage est apparu comme une source d’inquiétude importante de la part des élus locaux. Par ailleurs, ces nuisances sonores et visuelles ont été assez directement mises en relation avec la question de l’évolution des prix des terrains et des logements situés autour de la ligne, certains acteurs locaux estimant que les maisons se situant à environ 1 kilomètre du passage de la LGV auraient perdu de 10% à 15% de leur valeur. De ce fait, la question des transformations du paysage est considérée par tous comme une priorité et l’intervention de l’Etat indispensable pour aider les acteurs locaux à réaménager le territoire. Certains acteurs, rares, relativisent cependant cette situation en considérant que le paysage a été pris en compte dans le tracé de la LGV et que tout a été fait pour minimiser les effets négatifs: « la façon dont ont été faits les travaux, cela s’intégrait parfaitement aux paysages ». D’autres acteurs relativisent autrement l’impact de la LGV sur les paysages en soulignant l’idée que tout paysage doit être considéré comme en perpétuelle transformation : «c’est un processus, il y a simplement des paysages qui se transforment ».
  • 23. Page 23 sur 36 Au final et de façon surprenante, les problématiques environnementales, l’impact sur la biodiversité ont été assez peu abordées lors des entretiens. Certains ont certes évoqué la perturbation des rivières souterraines. L’un d’entre eux prend exemple d’une rivière proche du tracé de la LGV et y témoigne de son inquiétude en disant : « ces 4 200 tonnes, elles ont pris forcément de la place, elles ont forcément perturbé le cours de cette rivière ». D’autres ont souligné les problèmes d’inondation dans les champs du fait de la modification de la structure de l’écoulement des eaux consécutive aux travaux de terrassement. Mais les propos ont été dans l’ensemble très peu développés sur ces thématiques. S’il est vrai que le passage de la LGV a des effets sur le paysage et l’environnement très fortement ressentis par les acteurs locaux, pour autant ces modifications semblent, selon ces mêmes acteurs avoir été relativement bien anticipées en amont afin de prendre en compte et d’anticiper les inquiétudes des habitants. "A priori, les associations ont réussi à se faire entendre [...] c'était notamment en termes de protection paysagère et d'aménagement donc, certains ont obtenu gain de cause" rapporte un acteur économique local. 2. POSTURES D’ACTEURS ET PARADOXES LOCAUX Les acteurs, selon leur niveau de responsabilité ou d’action (acteurs locaux, acteurs régionaux et de l’État), se positionnent de manière différente par rapport au projet. Au fil des entretiens, trois types de postures d’acteurs ont pu être identifiés en combinant les critères analytiques suivants : - la position institutionnelle et l’échelle d’intervention de l’acteur; - le degré d’adhésion au projet; - la posture en termes d’anticipation du projet; - la posture en termes de représentation du Pays ruffécois. 2. 1 DES ACTEURS LOCAUX PEU PREPARES, PASSIFS VOIRE RESIGNES Le premier groupe issu de notre typologie rassemble des acteurs qui se caractérisent par leur manque d'anticipation des conséquences du projet de LGV. Une position que l’on peut qualifier d’observation passive. Ces acteurs n’évoquent aucun effet d'aubaine. Dans le même temps, ils jugent que le projet constitue un frein au développement de leur territoire. Cependant, cette posture ne s’accompagne pas de propos contestant fortement le projet, ce que l’on peut interpréter comme une forme de résignation vis-à-vis d’un projet dont les enjeux dépassent ceux du territoire concerné par cette étude. Dans cette perspective, on peut même constater un certain fatalisme partagé, à des degrés divers, par les acteurs du territoire de référence (certains acteurs locaux) interrogés ou, pour le moins, un certain attentisme ; le fait de subir des effets négatifs, ceux directement liés au chantier, ne semblent pas déclencher de posture de contestation de la part des acteurs interrogés relevant du type identifié.
  • 24. Page 24 sur 36 Contestation peu militante et, in fine, une forme de ralliement au projet… Nous allons nous intéresser ici aux acteurs qui, tout en contestant, le projet ne se sont pas engagés dans des actions de refus organisé ; leur contestation s’étant vraisemblablement diluée dans le processus de négociation. Ce type spécifique de posture concerne certains des acteurs strictement locaux. Tout d’abord, nous avons pu relever l’expression d’un certain scepticisme vis-à-vis du projet lui-même. À plusieurs reprises, nos interlocuteurs ont souligné la contradiction entre ce qui apparaît, à leurs yeux, comme un projet démesuré et le gain de temps limité que permettra la nouvelle ligne : « on a un peu de peine à comprendre toute cette débauche d'énergie, de matériaux, de main d’œuvre pour gagner 20 minutes de trajet en train ». Ce témoigne peut aussi renvoyer au manque d’information lié au projet. Ce constat, loin de provoquer un mouvement de contestation du projet, correspond, pour la même catégorie d’interlocuteurs, à une posture de résignation. De ceci découle l’absence de discours d’opposition directe au projet ; les acteurs locaux concernés considérant même, le plus souvent, que l’ampleur du projet ne peut que décourager toute forme de contestation. Parfois, l’expression de ce que l’on peut qualifier, a minima, d’un certain scepticisme s’accompagne finalement, et d’une manière qui peut surprendre, d’un discours visant à discréditer l’expression d’opposants potentiels : « les ‘non’ et tous ceux qui sont contre tout ça empêchent un pays d'évoluer et d'avancer ». Cette posture apparemment contradictoire s’accompagne d’un discours d’ajustement quelque peu incantatoire : « Moi, je pars du principe qu'il faut s'accommoder de ce qui est fait, en tirer le meilleur profit et voir vers l'avenir ». Dès lors, comment peut-on expliquer ces discours qui présentent de telles contradictions ? Si l’on voit poindre une justification qui mobilise l’idée d’intérêt général – que l’on pourrait ici renvoyer à l’évocation de l’ampleur du projet, d’échelle au moins nationale – voire à la mobilisation d’un discours favorable, a priori, à une certaine expression de la modernité, il semblerait, en mobilisant certains propos, que le processus de négociation avec le constructeur, COSEA, tout au long du projet, ait joué un grand rôle pour permettre une forme d’acceptation du projet. On évoque alors le fait que certains acteurs locaux, portant des problématiques spécifiques, aient pu plaider leurs causes et se faire entendre… Selon un de nos interlocuteurs local, il s’agit, notamment, « des associations de défense de l’environnement qui ont souvent obtenu gain de cause dans le domaine de la protection des paysages et de l’environnement ». Plusieurs personnes interrogées soulignent également que les responsables de certaines communes agricoles, qui se sont initialement fortement mobilisés contre le projet, ont fini par y adhérer suite aux négociations entreprises… Des compensations ont été obtenues par les agriculteurs concernant, par exemple, l’intervention sur les systèmes d’irrigation déjà en place ou la création de bassins de rétention. Il semble donc que les négociations évoquées auront eu comme avantage, pour l’opérateur, d’éviter de trop fortes contestations. Elles se sont traduites par la mise en place de compensations. Cependant, rappelons que cela n’empêche pas l’expression récurrente d’un certain scepticisme vis-à-vis du
  • 25. Page 25 sur 36 projet. Une posture fataliste expliquant l’attentisme des acteurs L'attentisme qui ressort des entretiens avec les acteurs de ce type peut s'expliquer par ce que nous qualifions ici de posture fataliste. Cette dernière découle d’une appréciation négative de la place du territoire étudié – si tant est qu’il puisse en avoir une… - par rapport au projet de LGV. Comme nous l’avons présenté au paragraphe précédent, s’il nous semble possible de repérer un certain fatalisme c’est que nous n’avons pas, au moment de notre enquête (c’est-à-dire au moment où la construction de la ligne au sein de ce territoire est presque achevée) constaté, de la part de ces acteurs pourtant critiques, de véritable opposition au projet. La mention récurrente de l’impossibilité de faire un choix participe également de ce sentiment de fatalisme ; l’idée même de choix, une fois émise, est souvent immédiatement interrogée : dans tous les cas, les acteurs locaux ont-ils eu la possibilité de choisir quoi que ce soit : « […] de toutes façons nous, en tant que petite commune, qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on peut faire ? ». Si certains interlocuteurs considèrent qu’ils ont subi et qu’ils subissent encore les effets négatifs de la construction de la ligne, ils ne peuvent que constater l’avancement du projet. Ici, de manière explicite cette fois, nous pouvons faire référence à des discours mobilisant l’idée de « progrès » dont la LGV serait l’emblème. Cependant, l’expression des acteurs sur ce point est ambiguë : « de toute façon, on ne peut pas aller contre le progrès […] ». Souvent, l’expression de ce fatalisme s’accompagne également d’une appréciation qui, en quelque sorte, met à distance le projet de LGV qui n’aurait finalement pas de répercussions sur le territoire du ruffécois : « Il n’y aura aucun impact pour nous ». Cependant, les entretiens montrent que certains acteurs s’inquiètent des conséquences négatives du projet pour un territoire par ailleurs peu mis en valeur. Un territoire perdant et dévalorisé Pour les interlocuteurs du type identifié, le territoire semble ignoré voire dévalorisé. Notons que cette dévalorisation est parfois le fait des acteurs locaux eux-mêmes. On pourrait dire qu’il s’agit d’une sorte de complexe d’ « infériorité territoriale ». Le ruffécois est souvent jugé trop petit : « un petit territoire » ou trop en décalage par rapport aux ambitions du projet. Ruffec est par exemple qualifiée de « belle petite ville endormie » pour avoir une réel importance dans l'ensemble du vaste projet de la LGV. Une certaine logique amène à considérer que l’idée du maintien d’une desserte TGV à Ruffec - situation actuelle que le maire de Ruffec entend maintenir – serait incongrue : « Il y a des territoires beaucoup plus pertinents et qui justifient qu'effectivement il y ait un arrêt sur le territoire ». En outre, les acteurs intervenants à des niveaux territoriaux supérieurs, soit ignorent les caractéristiques et enjeux de ce territoire, soit avouent en avoir une connaissance fort limitée (cf. infra). De ce fait, ils préfèrent souvent
  • 26. Page 26 sur 36 évoquer des enjeux plus larges d’échelle au moins régionales. En quelque sorte, on peut dire que le territoire local est mis entre parenthèses. 2.2 DES ACTEURS CRITIQUES MAIS CONSTRUCTIFS Dans cette seconde partie nous allons nous intéresser à un deuxième type d’acteurs, ceux qui adoptent une posture critique mais assez constructive vis-à-vis du projet, notamment parce qu’ils évoquent les bénéfices potentiels pour le territoire. Une position critique mais finalement constructive Ces acteurs peuvent tout à la fois considérer que la ligne LGV est un progrès pour le territoire local tout en critiquant fortement la manière dont elle a été réalisée. De ce point de vue, les éléments critiqués sont : - le coût de la ligne jugée bien trop élevé, - la concession à un aménageur privé en rupture avec l’idée d’un aménagement public, - l’appel injustifié aux collectivités locales pour son financement. À l’échelle plus locale, ce n’est pas la construction de la ligne en soi qui fait l’objet de critique mais l’absence de desserte du territoire (en gare de Ruffec). Un acteur local considère que « la condition pour que le territoire local bénéficie de la LGV est le maintien de l’arrêt du TGV en gare de Ruffec ». À l'inverse, on a pu enregistrer un avis différent sur ce point : en effet, un des acteurs régionaux considère que « l’enjeu n’est pas la desserte de Ruffec mais plutôt la question de la desserte TER (train et bus) de la petite ville […] une bonne desserte TER de cette gare, outre qu’elle renforcerait l’accessibilité de la ville-centre permettrait une meilleure desserte du territoire local et au-delà. Ruffec doit profiter des relations entre Angoulême et Potiers, de sorte à pouvoir bénéficier des retombées de la LGV, notamment en permettant aux habitants du territoire d’accéder aux bassins d’emplois des deux villes moyennes». Cependant, une des conditions évoquées par plusieurs acteurs, et non remplie actuellement, est que les acteurs de Ruffec soient en mesure de mieux négocier leurs relations avec leurs partenaires locaux (communes voisines) de manière à peser dans le débat sur les raccordements régionaux à la LGV : « Il faudra voir comment Ruffec se solidarise avec Confolens, avec Aigres, avec d’autres territoires dans ce Nord-Est de la Charente qui sont des vrais bassins de vie. Et là, il y a forcément un aménagement du territoire particulier et une solidarité entre ces territoires à penser ». Des acteurs qui se mobilisent pour que le territoire bénéficie de retombées positives Fréquemment, les acteurs interrogés ont évoqué la création, dès 1996, d'une association pour la défense de la LGV sur l’initiative des chambres de commerces des territoires concernés (inter-consulaire). Cette posture s’explique, pour certains, par le souhait des acteurs, notamment économiques, « de ne pas être écartés, à nouveau, d’une desserte par une grande infrastructure de transport ; la réalisation de l’autoroute
  • 27. Page 27 sur 36 A10, à l’ouest du territoire étudié (Charente-Maritime) était considérée comme une occasion manquée ». Certains acteurs ont pu profiter de retombées économiques, pendant et après le chantier. Pour ce qui est du ruffécois, en particulier, un acteur charentais considère que le projet de la ligne LGV a été positif. Au niveau économique, selon lui, le ruffécois a profité des effets indirects du chantier. Il considère même qu'en ce qui concerne les entreprises artisanales et commerciales, « c’est le ruffécois qui a le plus bénéficié de retombées économiques ». Le chantier permettrait donc le développement de l’emploi local. Un autre acteur local considère, qu'à court terme, la création de la LGV n'apporte aucun effet positif ou négatif. Mais, sur le long terme, la LGV est valorisée comme étant un moyen plus rapide d'accès à Bordeaux ou à Paris. Sur le plan économique, la localisation de la base travaux à Villognon a sans nul doute constitué une aubaine, notamment pour la commune concernée. Toujours à long terme, les effets économiques subsisteront, notamment grâce à la présence de la base de maintenance (située sur la même commune que la base travaux) qui permettra de maintenir quelques emplois sur place. Ici, la plupart des acteurs considère que seuls les responsables de la commune de Villognon ont su tirer bénéfice, pendant la réalisation des travaux et sur le long terme, de la réalisation de la LGV. L’exemple est cependant ponctuel comme si, finalement, l’ensemble de la réalisation n’avait de sens que pour une petite partie du territoire de référence… A l’échelle départementale (Conseil général), le passage de la LGV en Charente correspond à une volonté forte des acteurs départementaux de disposer de cette infrastructure. Il ne s’agit donc pas d’un choix par défaut. Concernant la desserte du territoire, il apparaît que le Département entend « être très vigilant en ce qui concerne les liaisons mises en place au profit d’Angoulême et de la Charente en général ». D’ailleurs, des actions sont déjà envisagées. Pour certaines, leur mise en œuvre est déjà prévue (ex. : réseau de cars départementaux vers la plateforme d’échange multimodale prévue à la gare d’Angoulême). De plus, le Conseil général a obtenu de la Région une modernisation des infrastructures ferroviaires actuelles. Deux autres acteurs considèrent également que la LGV est une chance pour ce territoire, notamment dans le domaine du tourisme, dont le développement fait d’ailleurs l’objet, selon eux, d’une attention particulière des pouvoirs publics départementaux. 2.3 OBJECTIFS NATIONAUX ET IMPACTS LOCAUX : LA POSITION DE L’ETAT Dans cette dernière partie, nous analyserons le discours d'un troisième groupe d'acteurs, celui des acteurs étatiques, dont nous avons retenu deux caractéristiques principales : - une justification du projet malgré l’expression de craintes quant aux effets économiques à long terme ;
  • 28. Page 28 sur 36 - une bonne anticipation et une bonne préparation globale du projet mais qui s’accompagne d’une méconnaissance du territoire local étudié, le ruffécois. Des acteurs qui justifient le bien-fondé du projet tout en exprimant une certaine inquiétude quant aux effets économiques sur le long terme Les acteurs de l’État interrogés disent être conscients des effets néfastes qu'un tracé de cette envergure peut occasionner. Cependant, « le projet reste à leurs yeux un projet audacieux, plus utile que contraignant ». Aussi, selon eux, le projet se justifie au titre « d’une certaine idée du progrès et de l’intérêt commun qui dépasse les intérêts individuels des habitants ». Ces mêmes acteurs s'interrogent sur l'avenir des villes traversées. En effet, la fin des travaux de génie civil est prévue pour l’été 2014 et les retombées économiques positives qu'ils ont pu générer disparaîtront avec eux. Des inquiétudes quant à l’avenir économique de communes qui ont pu bénéficier des effets du chantier se font jour, aucune stratégie économique, une fois le chantier achevé, ne semblant avoir été envisagée9 . En somme, ces acteurs insistent sur le bien-fondé du projet, sur la nécessité de promouvoir le bien-être collectif grâce à ce type de réalisation, mais avouent être inquiets sur l’avenir des territoires traversés, notamment en termes d'emploi. On évoque également la crainte de voir s’accentuer les phénomènes de polarisation intra (Poitiers, Angoulême) et extra régionaux (Bordeaux, Paris) qui pourraient se traduire par l’éclatement de facto de la région Poitou-Charentes. Une certaine méconnaissance du ruffécois qui pose la question de la posture des acteurs étatiques vis-à-vis de l’aménagement et du développement local Il nous est apparu que l'ensemble de ces acteurs ignorait largement cette partie de la région. Lorsqu'on interroge un acteur régional on constate qu'il ne connaît pas bien le territoire étudié tout en insistant sur l'importance de soutenir les petites communes ou sur les actions susceptibles de palier le phénomène de désertification rurale. De même, un autre acteur, représentant de l'Etat, admet ne pas avoir une représentation personnelle du ruffécois. Il dit d’ailleurs ne pas avoir rencontré le maire de Ruffec. Actuellement, il dit ne pas connaître la fréquence des arrêts TGV à Ruffec ni l’importance de la clientèle qui fréquente cette gare. Au-delà d’une connaissance étroite du territoire étudié, on a pu relever une forme de désengagement de l’État vis-à-vis de ce type de territoire. L'Etat, au niveau régional, affiche en effet une position de retrait, estimant que c'est aux acteurs locaux de s'impliquer davantage dans le projet pour 9 À noter : ces propos peuvent renvoyer aux acteurs étatiques mais également aux acteurs des collectivités locales.
  • 29. Page 29 sur 36 pouvoir bénéficier de ses bienfaits. De fait, selon les acteurs interrogés, l'Etat n'a pas vocation à intervenir directement sur les territoires concernés par le tracé de la ligne. Il aurait, tout au plus, un rôle de facilitateur des négociations entre différents acteurs au sein de la région. Toujours selon eux, il convient, pour les acteurs locaux, de faire « d'un inconvénient, un avantage en discutant » entre eux. Cependant, les représentants de l’Etat en région comptent sur le Fonds de Solidarité Territoriale comme instrument visant à compenser les nuisances sonores et visuelles que les habitants subissent ou subiront quotidiennement. Face au problème que représente la desserte du ruffécois, nos interlocuteurs considèrent que « l’amélioration de la desserte TER constitue une bien meilleure solution pour ce territoire que la situation actuelle. Cependant, cette compétence dépend de la Région ». En dépit d’une posture en retrait vis-à-vis des territoires locaux en général et du ruffécois en particulier, les acteurs de l’État interrogés expriment leur préoccupation principale : celle de l’emploi local en lien avec la mise en œuvre de la LGV. Tout d’abord, ils détaillent les dispositifs mis en place pour permettre de trouver et former une main d’œuvre susceptible de s’employer sur le chantier. Ces dispositifs ont parfois correspondu à des embauches au niveau local. Pour l’avenir, ils se préoccupent des effets que produira la diminution de l’emploi suite à la fin prochaine du chantier. Une conception et un suivi global du projet De manière générale, les propos recueillis auprès des acteurs de l’État renvoient au souci majeur d’assurer le meilleur déroulement possible des travaux dans le cadre d’une bonne régulation du partenariat public / privé en permettant le respect des délais impartis et des coûts estimés. Cependant, ces acteurs semblent très au fait des conséquences territoriales de la LGV, que ces conséquences soient positives ou négatives. Les acteurs admettent, par exemple, que les communes subissent d’ores et déjà les effets de la LGV en termes de nuisances et de coûts (construction et réaménagement d'infrastructures publiques en partie compensés par le FST). Mais ces acteurs soulignent également les retombées positives du projet : création d'emploi local, commerces dynamisés... Un représentant de l'Etat interrogé sur les effets économiques de la LGV, affirme, en effet, que « l'emploi local est une priorité et insiste sur le nombre de 1 800 emplois locaux créés ». Pour autant, ces acteurs réalisent que la fin des travaux approche et que cette situation aura une conséquence négative sur l’emploi local. Ces acteurs déclarent également avoir joué « un rôle important en matière d'information autour du projet, mais aussi en matière de communication et de dialogue, puisque de nombreuses réunions ont été organisées » à leur initiative, qui rassemblait différents acteurs concernés par le projet (acteurs politiques locaux, acteurs économiques, société civile). Un acteur, représentant de l'Etat, déclare, par exemple,
  • 30. Page 30 sur 36 qu'au cours de la phase des négociations entre acteurs, « l'État a cherché à mettre en place des réunions avec des élus locaux pour expliquer le projet et parler aussi de ses effets. Ont découlé de ces réunions la rédaction d'un cahier de doléances des élus qui cherchait à définir des mesures pour améliorer la qualité de vie de habitants (ex. : construction de murs anti-bruit) ». En revanche, ces négociations ont été longues et souvent difficiles. Des relations conflictuelles entre acteurs ont été perceptibles durant toute la durée des travaux.
  • 31. Page 31 sur 36 CONCLUSION Pour les acteurs directement concernés par le territoire local étudié, les effets relevés liés au chantier peuvent être qualifiés d’éphémères qu’ils soient considérés comme positifs (sur l’emploi, sur le commerce…) ou négatifs (sur le paysage, sur le foncier, gênes quotidiennes, retardement de certains projets locaux...). Cependant, ce sont les effets sur le paysage qui focalisent les remarques négatives en termes d’effets aussi bien durant le déroulement du chantier qu’à terme. À plus long terme, et de manière générale, les personnes interrogées attendent peu d’effets de la construction et de la mise en service de la ligne. En lien avec la construction d’une LGV, la question a priori centrale de l’accessibilité ne semble pas ici au centre des propos car, selon la plupart des interlocuteurs, soit la LGV ne changera rien à la desserte, soit elle contribuera quelque peu à la détériorer (fin des arrêts TGV à Ruffec). Cependant, nos interlocuteurs repèrent des effets positifs directs (emplois, retombées économiques…) de long terme pour des espaces très limités au sein du ruffécois liés à la localisation de la base de maintenance à Villognon. Au-delà du territoire local, certains évoquent les enjeux d’insertion du ruffécois dans un système urbain régional au sein duquel les relations pourront être renforcées par la desserte TGV. De ce point de vue, les propos oscillent, d’une part, entre la volonté de profiter de ces dynamiques (notamment en lien avec Angoulême et Poitiers), ce qui interroge la qualité de la future desserte locale, et le risque de satellisation, d’autre part. Finalement, le peu d’effets envisagés à terme, à l’exception des effets relevant de l’impact sur le paysage, rend compte de la situation de fait : le territoire est avant tout traversé par la LGV... Cette situation peut également expliquer la posture des acteurs les plus locaux qui apparaissent aujourd’hui résignés - à l’exception de quelques acteurs déjà initialement favorables au projet (chambres consulaires) -. Cependant, cette posture met en lumière le sentiment souvent évoqué que le territoire local ne pèse pas dans le cadre d’une réalisation telle que celle d’une LGV. Ce constat s’accompagne parfois d’une forme de dévalorisation du territoire dont les caractéristiques et les ressources ne permettent pas, a priori, de peser sur le projet ou d’en tirer profit. La résignation repérée explique également le peu de contestation, du moins à ce stade du projet et au moment de notre enquête ; les contestations auraient été neutralisées antérieurement en satisfaisant certains acteurs initialement mobilisés contre le projet de LGV. Cependant, il est frappant de constater une forme de ralliement au projet ex-post de la part des acteurs locaux pourtant assez critiques, mobilisant le discours de la modernité ou de la contribution à l’intérêt général, discours finalement assez proche de la justification du projet par les acteurs de l’État interrogés. Ces derniers, tout en craignant pour l’avenir économique du ruffécois suite à la fin du chantier, attendent des acteurs locaux qu’ils puissent formuler des propositions pour le développement local. Ainsi, apparaît une préoccupation évoquée par certains, celle de la capacité d’organisation des acteurs locaux à organiser le développement du territoire en prenant en compte la situation nouvelle créée par la LGV. À ce
  • 32. Page 32 sur 36 titre, la question de l’organisation de la desserte régionale paraît essentielle. Dans ce domaine, les acteurs départementaux entendent agir dans ce sens, ce qui aujourd’hui, dans le contexte de la réforme territoriale, interroge les rapports appelés à évoluer entre la région et le département mais également le rôle de l’État vis-à-vis des territoires locaux.
  • 33. Page 33 sur 36 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES • Bazin S., Beckerich C., Delaplace M., 2011, « Les effets des dessertes ferroviaires à grande vitesse : des divergences d’objectifs qui limitent la portée des stratégies d’accompagnement », Colloque AISRe-ASRDLF. • Bazin Sylvie et al, 2006, « La LGV Est-Européenne en Champagne- Ardenne : quels effets sur la cohésion territoriale champardennaise ? », Revue d'économie régionale & urbaine, Université Bordeaux IV, Bordeaux, p. 245-261. • Boyer J.-C., 2005, « Poitou-Charentes », in Boyer J.-C., Carroué L., Gras J., et al, La France, les 26 régions, Collection U, Armand Colin, Paris, pp 288-297. • Insee Poitou-Charentes, 2011, « Deux Picto-Charentais sur trois résident dans un espace urbain homogène », Décimal, n°313, INSEE, Poitiers. • LISEA, 2013, Programme de travail de l’observatoire socio- économique 2013-2020, 15 p. • Manceau E., 2014, « Territories crossed by the high-speed Line between Tours and Bordeaux.Challenges and opportunities for local stakeholders », Conférence Grande vitesse ferroviaire et gouvernance territoriale, Institut de Recherche sur les Transports, l’Énergie et la Société, Belfort. • Pays ruffécois, 2013, Les enjeux du territoire : SCOT du ruffécois • Site de la LGV SEA Tours-Bordeaux : http://www.lgv-sea-tours- bordeaux.fr/
  • 34. Page 34 sur 36 ANNEXES – Liste des personnes rencontrées • M. Charbonneau, Maire de Ruffec • M. Guitton, Maire de Villognon • M Tessier, ancien président de l’Association des commerçants de Mansles • Mme Desvars, Animatrice, Office de tourisme du pays Manslois • M. Charpentier, Chargé de mission et d’études LGV, Interconsulaire de Charente et M. Pouragaud, Vice-président Formation, Chambre de Commerce et d’Industrie Angoulême • M. Peter, Chargé de mission LGV, Conseil Général Charente- Maritime • M. Pichon, Conseiller général de la Vienne • Mme Delmotte, service de coordination des politiques publiques, Mission développement local, Préfecture de Charente • M. Emon, Vice-Président de la Commission 6 (Transports propres et innovants, intermodalité, équipements, infrastructures), en charge du TER et des transports collectifs, Région Poitou-Charentes • M. Jacquillard, Président du Conseil de développement du Grand Angoulême, membre du Conseil économique social et environnemental régional • M. Costat, chargé d’études LGV et M. Pezin, DREAL Poitou Charentes • M. Robinet, Directeur régional, Mme Franco-Millet, chef du pôle entreprises, économie et emploi, Direccte Poitou-Charentes • M. Etienne, Secrétaire Général aux Affaires Régionales et A. Molin, chargé de mission pôle Aménagement, Territoires, Infrastructures, Préfecture de Région Poitou-Charentes • M. Morreau, Chef de service information et diffusion, INSEE Poitou-Charentes • M. Royoux, Directeur du service Prospective et Coopérations Territoriales de l'agglomération de Poitiers, Professeur associé à l'Université de Poitiers.
  • 35. Page 35 sur 36 Annexe 2 – Guide d’entretien 1. Appréciation de l’intérêt de la LGV pour le pays Ruffécois • Quel est votre avis/appréciation à propos de la LGV, spécifiquement pour le Pays Ruffécois ? • Avez-vous observé des effets sur le territoire (Pays Ruffécois) ? De quelle nature ? positif ? négatif ? • Attendez-vous des impacts sur le territoire ? De quelle nature ? positif ? Négatif ? Relance : effets démographiques (attractivité de nouvelles populations) ; économiques emploi (local, accès à des bassins d’emploi plus éloignés), tourisme ; sociaux ; sur la mobilité locale. • Est-ce que c’est une chance pour le territoire ? A quelles conditions ? 2. Position des acteurs par rapport à la LGV • Quand avez-vous pris connaissance du projet pour la 1ère fois ? Quelle a été votre réaction à l’annonce du projet ? Comment avez- vous accueilli le projet ? • Votre position a-t-elle évolué depuis ? En quel sens ? Est-ce que des discours extérieurs vous ont fait changer d’avis ? Ou des faits précis (un raccordement par ex). • Avez-vous eu un rôle dans la construction du projet ? Si oui, lequel ? Quel regard portez-vous sur sa mise en œuvre ? • Quel est votre point de vue sur l’évolution globale du projet ? Selon vous, quels sont les moments clés du débat ? Quels sont les acteurs clés du débat ? Les éléments/arguments mis en avant ? Les acteurs bloquants/débloquants ? • Quelles interactions (relations entre les acteurs) ont marqué l’élaboration et la mise en œuvre du projet ? Y a-t-il eu des conflits entre les acteurs ? 3. Stratégies des acteurs du pays du Ruffécois par rapport à la LGV • Quelles sont les initiatives pour accompagner l'arrivée de la LGV ? Quelles sont-elles ? Par qui sont-elles prises ? Aujourd'hui ? Demain ? • Quelles actions envisagez-vous pour soutenir le développement économique dans le cadre de la nouvelle ligne à grande vitesse ? En matière d'emplois et notamment d'emplois locaux, comment votre action publique s'adapte-t-elle à l'arrivée de la LGV ? • Comment envisagez-vous les nouveaux systèmes de desserte et de réseau de transport ? (= adaptation à la situation traversée mais non desservie du territoire). • Concrètement, est-ce que la politique du logement a été modifiée ? En quoi ? • Avez-vous développé une politique de communication en lien avec la LGV et le territoire traversé ? Que faites-vous ? Avec quel objectif ?
  • 36. Page 36 sur 36 Pour les 3 thèmes, il faut distinguer : - Le point de vue de l’acteur/l’institution sur son rôle précis - Le point de vue de l’acteur plus global sur le projet de la LGV