Projet de loi sur la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine
Compte rendu-court-a.mette-pfg
1. ANALYSE DE L’HOMOPHOBIE DANS LE FOOTBALL PROFESSIONNEL
Mise en perspective avec les théories de la diversité et les politiques de lutte contre les discriminations
Résumé
Pour la première fois et à la demande de l’association Paris
Foot Gay (PFG), nous proposons une évaluation de
l’intolérance et de l’homophobie dans le football
professionnel français. Au total, 13 clubs de Ligue 1, Ligue 2
et National ont accepté de participer à ce projet. Nos résultats
indiquent que la principale discrimination dans le football
professionnel est l’homophobie. Ce constat est encore plus
important dans les centres de formation, où règne une forme
d’intolérance générale. Même si nous notons une avancée
dans l’acceptation de l’homosexualité dans le football, toutes
les conditions ne sont pas encore remplies pour permettre à
un joueur gay d’effectuer son coming out. Vous trouverez
donc dans ce court document, une analyse de la situation
décrite ainsi que des préconisations proposées.
Rapport d’enquête synthétique – avril 2013
Enquête coordonnée par Anthony Mette pour le Paris
Foot Gay et L’institut Randstad, en collaboration avec
l’Université Bordeaux Segalen, le CERUP et laboratoire de
psychologie EA 4139
2. CONTEXTE ET METHODE
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe estime que l’homophobie dans le sport,
chez les participants comme dans leurs rapports avec les spectateurs, doit être combattue
pour les mêmes motifs que le racisme et les autres formes de discrimination.
En France, le Paris Foot Gay (PFG) apparaît comme une association pionnière dans la lutte
contre l’homophobie dans le sport. En ce sens, le PFG avec le soutien de l’Institut Randstad,
a souhaité mener une enquête sur la réalité de l’homophobie et des discriminations dans le
football professionnel français. Ce projet d’enquête a été construit autour de trois
questions de recherche :
Quelles est la réalité des discriminations dans le football professionnel ?
L’homophobie est-elle présente et pourquoi ?
Les footballeurs sont-ils prêts à accueillir un joueur homosexuel ?
A notre connaissance, aucune étude n’a pour l’instant permis de répondre directement à
ces questions. Suite à notre revue de littérature, nous avons référencé 4 publications
scientifiques, en lien avec l’homophobie dans le football (Adams & Anderson, 2012;
Cashmore & Cleland, 2011, 2012; Caudwell, 2011). Ces auteurs décrivent notamment les
comportements homophobes des supporters dans les stades de foot. Ils soulignent
également la relative avancée dans l’acceptation de l’homosexualité. Malheureusement,
aucun de ces travaux n’a interrogé directement les footballeurs professionnels. Notre
enquête sera donc la première à l’échelle nationale à s’intéresser directement aux
joueurs de foot professionnels et à proposer une évaluation de l’homophobie.
Au total, 13 clubs ont participé à l’enquête. Notre population totale comprend 363
hommes sportifs, répartis comme ceci : 121 joueurs professionnels, 129 joueurs en
centre de formation, 113 sportifs tout-venant. Tous les sportifs ont rempli le même
questionnaire dont voici un exemple d’items :
3. RESULTATS
ANALYSE DES DISCRIMINATIONS
Cinq discriminations ont été évaluées: l’homophobie, la discrimination
économique, le racisme, le sexisme et l’âgisme. Les moyennes de
chaque thématique ont été calculées. Plus les moyennes des joueurs
sont élevées (proches de 5), plus cela indique une opinion négative.
Opinions positives
Opinions négatives
Savoir
5
Joueurs professionnels
4,5
Joueurs en centre de formation
Groupe contrôle
4
3,5
3
2,5
2
1,5
1
Homophobie
Economie
Racisme
Sexisme
Agisme
FIGURE 1 : COMPARAISON DES OPINIONS DISCRIMINANTES ENTRE LES JOUEURS EVOLUANT EN
CENTRE DE FORMATION, LES PROFESSIONNELS ET LES SPORTIFS TOUT VENANTS
Les footballeurs professionnels ont déclaré des
attitudes plus homophobes et plus sexistes que
les sportifs tout venants. Leurs autres opinions ne
sont pas statistiquement différentes. Les jeunes en
centre de formation sont eux moins tolérants que
les joueurs pros.
L’homophobie, le sexisme, les discriminations
économiques et envers les personnes âgées sont
statistiquement plus importantes en centre de
formation. Comme le souligne Beaud (2011) cette
intolérance pourrait s’expliquer par la concurrence
interne et la nouvelle sociologie des centres de
formation.
De façon générale, l’homophobie est la principale
discrimination dans le football. Les autres opinions
ont des scores nuancés. Ceci renforce l’idée de
proposer une politique de lutte contre toutes les
discriminations. Ce travail pourra notamment
s’appuyer sur les théories de la diversité.
L’homophobie est la
1ère discrimination
dans le football
professionnel
4 discriminations sur 5
sont plus élevées dans
les centres de formation
4. POURQUOI L’HOMOPHOBIE ?
Afin d’expliquer pourquoi l’homophobie semble si prégnante
dans le football professionnel, nous avons cherché à identifier les
facteurs en lien avec les opinions des joueurs. Les facteurs
significatifs que nous allons décrire peuvent être perçus comme
des causes ou des conséquences de l’homophobie.
Comprendre
FIGURE 2 : CATEGORISATION DES OPINIONS ENVERS L'HOMOSEXUALITE DES JEUNES JOUEURS, DES
PROFESSIONNELS ET DES AMATEURS
Professionnels
20%
23%
21%
16%
41% des joueurs professionnels
et 50% des jeunes en formation
ont exprimé des opinions
hostiles à l’homosexualité
20%
Centres de formation
8%
10%
25%
32%
25%
Sportifs tout-venant
2% 6%
34%
27%
31%
Attitudes très négatives
Attitudes négatives
Attitudes ambigües/neutres
Attitudes positives
Attitudes très positives
Que ce soit pour les joueurs professionnels ou les jeunes en
centre de formation, l’homophobie semble partagée.
L’homophobie est la norme. En référence à l’Effet Primus
Inter Pares, il est possible que les joueurs qui perçoivent
cette norme et qui désirent être intégrés à l’équipe,
exagèrent leur propre pensée. Inévitablement, lutter contre
l’homophobie reviendra à « briser » cette norme.
De même, la masculinité est apparue en lien avec
l’homophobie et devra être questionnée. Une des mesures
simple et rapide, serait d’accroitre la mixité dans le
football (favoriser le foot féminin, augmenter le nombre de
centre de formations/pôles féminins, encourager
l’arbitrage féminin, la mixité dans les encadrements).
Plus les joueurs ont des amis
homosexuels, plus ils sont
tolérants. Malheureusement,
80% des pros n’ont aucun ami
gay dans leur entourage.
5. REACTIONS FACE A UN COMING OUT ?
Anticiper
Les joueurs ont exprimé des opinions négatives envers
l’homosexualité. Pour autant, quelles seraient leurs réactions
si un des membres de leur équipe déclarait son
homosexualité ? Comment leur hostilité se retranscrirait, en
termes de comportement ?
Joueurs
professionnels
Centres de
formation
Oui
Non
Oui
Non
Je serais surpris car c’est un sujet tabou dans le football
63%
33%
74%
22%
Cela ne changerait rien
67%
30%
43%
54%
J’aurais peur de me doucher avec lui
25%
71%
55%
43%
Je ne lui parlerais plus
9%
86%
19%
79%
Cela ne me dérangerait pas mais je pense qu’il sera difficile pour lui de
poursuivre sa carrière
32%
63%
47%
50%
Je demanderais à changer d’équipe
3%
91%
8%
90%
Je préfèrerais qu’il change d’équipe
15%
80%
22%
76%
J’aurais peur que l’équipe soit moins performante
7%
87%
23%
74%
Un tabou pour
63% des pros et
74% des jeunes
joueurs
Les déclarations comportementales que nous avons évaluées
semblent faire état d’un possible coming out dans le football
professionnel. Ce résultat peut surprendre, dans la mesure où
nous avons démontré auparavant que 41% des joueurs étaient
hostiles à l’homosexualité. En ce sens, il faudrait distinguer les
opinions envers l’homosexualité en générale et « ce que je
pense » de mon coéquipier homosexuel. Une majorité de joueurs
seraient ainsi ouverte à l’idée de jouer avec un partenaire gay.
Celui-ci serait avant tout perçu comme un joueur professionnel,
un membre de l’équipe, avant d’être un homosexuel.
Les joueurs en centre de formation ont des réponses
contrastées. Il est difficile de prévoir leurs réactions « réelles »
en cas de coming out, tant ils semblent avoir peu anticipés la
situation. Les conséquences de l’homophobie à l’adolescence
ont fait l’objet de nombreux travaux (Verdier & Firdion, 2003).
C’est pourquoi, l’ensemble des résultats que nous avons
obtenus dans cette enquête doivent alerter les formateurs. Il
semble quasiment impossible qu’un jeune homosexuel
puisse s’épanouir dans le contexte des centres de
formation en l’état actuel.
7 réponses
majoritairement
positives chez les
pros
6. PRECONISATIONS
En prenant en compte les caractéristiques de l’association Paris Foot Gay via son programme
National d’éducation b.YOURSELF et de l’organisation du football français, nous présenterons
ici les actions qui serviraient à promouvoir la diversité dans le football. Ces actions viseront
bien évidemment le football professionnel, les centres de formations mais aussi le football
amateur.
Un sujet tabou
• S'appuyer sur différents supports (existants ou à créer) et les réseaux sociaux
• Relayer les résultats lors de congrès scientifiques
Des clubs et des institutions en mouvement
• Accentuer, favoriser les collaborations avec les clubs professionnels
• S'appuyer sur les plans d'actions que sont en train d'élaborer la Belgique,
l'Allemagne, l'Angleterre et les Pays-Bas
Un climat intolérant dans les centres de formation
• Proposer des actions de sensibilisation aux entraîneurs en activité
• Avec l'accord de la FFF, intégrer des modules de formation aux diplômes
d'entraîneurs sur l'homophobie et de la gestion de la diversité
Des opinions négatives mais évolutives
• Proposer des actions de sensibilisation aux jeunes footballeurs , aux
professionnels et aux arbitres, comme le fait actuellement le PFG
• Proposer aux clubs amateurs des outils et des supports de sensibilisation
gratuits, directement en ligne via la Fondation du Football
Un coming out possible mais qui doit être soutenu
• Anticiper le possible coming out d'un joueur professionnel
• Accompagner les sportifs et leur garantir un soutien solennel, matériel et
juridique
Indéniablement, la lutte contre l’homophobie dans le football et toutes les formes
de discrimination passe par un travail collectif. Tous les acteurs institutionnels,
sportifs, politiques, doivent être engagés dans ce projet. Ils doivent, nous devons,
proposer un travail commun en lien avec la réalité des terrains.
7. CONCLUSION GENERALE
Les footballeurs professionnels sont-ils intolérants?
Comme dans tout groupe, tout contexte général, toute culture, on retrouve des pensées
nuancées en fonction des discriminations que l’on mesure. Les footballeurs professionnels
ont des opinions similaires aux sportifs amateurs en ce qui concerne le racisme, les
discriminations économiques et les personnes âgées. Par contre, ils peuvent apparaître
comme plus homophobes et plus sexistes.
La situation est un peu plus difficile dans les centres de formation. Les jeunes joueurs
semblent clairement plus intolérants que les professionnels et que les sportifs dans leur
ensemble. A notre sens, un élément est commun aux professionnels et aux joueurs en
formation : la relative non acceptation de l’homosexualité. Dans les deux cas, l’homophobie
est apparue comme la plus forte discrimination avec 41% et 65% d’opinions négatives.
Les joueurs sont-ils prêts à accueillir un partenaire gay ?
Là encore, il nous faut distinguer les équipes professionnelles des centres de formation. En
l’état actuel, nous pensons qu’il est possible pour un joueur professionnel de faire son
coming out à deux conditions : (1) qu’il se sente soutenu par ses coéquipiers et ses
dirigeants, (2) et surtout qu’il ait réussi à passer le cap du centre de formation ! Les
craintes et les opinions exprimées par les adolescents sont telles qu’il semble réellement
inenvisageable pour un jeune joueur gay d’évoluer sereinement dans un tel
environnement. Les conditions pour amener un joueur gay au plus haut niveau ne sont
donc pas réunies.
Néanmoins, il nous semble important de mentionner le fait que l’acceptation de
l’homosexualité dans le football semble grandissante. Cette analyse découle de notre revue
de littérature, des résultats obtenus, notamment par les joueurs professionnels et de la
« possibilité » que nous avons eu de mener à terme cette enquête. Un tel projet aurait-il pu
voir le jour il y a encore quelques années ? En ce sens, nous tenons encore une fois à
remercier les clubs et les joueurs qui ont accepté de participer à notre enquête. Nous
considérons cela comme un signe de grande ouverture et de changement.
Quelle politique pour quel football?
Investiguer le champ de l’homophobie et des discriminations dans le sport en général n’est
pas toujours chose évidente. Cela relève pourtant d’une réflexion de fond. L’appartenance à
une équipe, à un groupe sportif, est-elle plus forte que les identités (sexuelles, raciales,
ethniques, etc.) des individus qui la composent ? Le cas échéant, la cohésion d’une équipe
ne peut-elle se faire qu’en excluant certaines identités trop « contre nature ». Le travail qui
a été mené envers le racisme et la symbolique des équipes « Black, Blanc, Beur », peut-il se
retrouver dans le cadre complémentaire de la diversité sexuelle. Refuser ce travail serait
renforcer inévitablement l’avancée du sport communautariste. Investiguer le champ de
l’homophobie et des discriminations revient donc à choisir le sport de demain, celui du
sport pour tous, celui du sport vecteur d’intégration, ou bien du sport « entre-nous ».
8. Coordinateur et rédacteur du rapport :
Anthony Mette,
Psychologue du sport - chercheur
Membre du comité permanent de lutte contre les discriminations, Ministère des sports
Membres de l’équipe de recherche :
Greg Décamps, Maître de Conférences Université Bordeaux Segalen
André Lecigne, Maître de Conférences Université Bordeaux Segalen
Aude Rault, Stagiaire-chargée de mission
Avec la participation de :
Aline Crépin, Déléguée Générale de L’Institut Randstad
Ana de Boa Esperanca, Déléguée Générale Adjointe de l’Institut Randstad