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Les Humas
Juin 2010
Projet Personnel en Humanités
Médias de masse, médias alternatifs
et traitement de l’actualité sur
Internet
Saad BENBOUZID, 5e année, Département Informatique
INSA Lyon
Sommaire
Introduction............................................................................................................................................. 3
La presse sur Internet.............................................................................................................................. 4
Particularités des médias sur Internet ................................................................................................ 4
L’information sur Internet................................................................................................................... 6
Facteurs d’expansion........................................................................................................................... 8
Médias de masse sur Internet................................................................................................................. 9
Economie et marché de l’Internet ...................................................................................................... 9
Popularité des médias de masse....................................................................................................... 10
Information et journalisme ............................................................................................................... 13
Médias alternatifs sur Internet ............................................................................................................. 15
Analyses et objectifs du journalisme alternatif................................................................................. 15
Types de médias et particularités ..................................................................................................... 16
Critique de l’activité .......................................................................................................................... 18
Bilan de l’état des lieux sur Internet ..................................................................................................... 20
Similarités et différences entre les deux professions ....................................................................... 20
Neutralité de la presse sur Internet .................................................................................................. 20
Libertés, censures et menaces sur Internet...................................................................................... 21
Conclusion ............................................................................................................................................. 22
Références bibliographiques................................................................................................................. 23
Introduction
Si l’histoire des médias en tant que véhicule d’information a débuté avec l’avènement de la presse au
XVe
siècle, celle des médias de masse a commencé à voir le jour au rythme des révolutions
technologiques et de l’information dès le début du XXe
siècle. Les supports à l’initiation du courant
médiatique de masse ont en effet été en étroite corrélation avec le développement des techniques
de diffusion d’idées contemporaines (télévision, radiodiffusion, presse écrite à grand tirage, etc.).
Marshall McLuhan, théoricien du XXe
siècle, définit en tant que médias de masse tout média capable
de véhiculer une information alors à même de toucher une large audience. C’est la définition que
l’on continue de lui accorder et sur laquelle je m’entends lorsque je fais mention de ce terme dans ce
document. Cette propriété leurs confère les caractères hégémoniques voire propagandistes, faisant
l’objet de critiques de certains analystes des médias mais aussi consommateurs. Alors que, dans
notre société occidentale, les courants de pensée opposés aux messages et aux modèles
économiques et de diffusion des médias ne commencent à émerger vraiment qu’à partir des années
1960, en réponse au parti pris de ces médias de masse en faveur des guerres (Viêt-Nam, Indochine,
etc.), ces mouvements protestataires et dénonciateurs n’ont à partir de là pas désempli. Au début
essentiellement composés de personnes engagées et militantes (écologistes, féministes,
antinucléaires, altermondialistes, etc.), ces mouvements et courants de pensée ont su se faire
entendre en faisant part de leurs idéaux et en communiquant des informations chargées de couvrir
ou de rectifier celles véhiculées en masse par les médias dominants.
Cette communication a commencé avec l’utilisation de moyens d’information et de communication
similaires à ceux utilisés par les entreprises des médias de masse, mais à une échelle beaucoup plus
faible (quelques chaînes de télévision et de radiodiffusion, magazines et journaux indépendants,
etc.). Dans l’optique de l'alignement des supports utilisés par les médias avec les (nouvelles)
technologies de l’information et de la communication, un véhicule pour la diffusion d’information,
mais aussi un marché, a commencé à être utilisé par les groupes médiatiques : Internet. Cependant,
par les caractéristiques sociales, publiques et interpersonnelles qui lui sont attribuées, ainsi que par
d’autres que ce document reprendra, ce support permet à la fois d’être utilisé en tant que vecteur de
communication par les entreprises des médias de masse traditionnels (déjà dominants dans la
télévision, la radio et la presse écrite) mais aussi par les mouvements qui se veulent critiques : les
médias alternatifs.
Dans le souci de limiter la frontière de l’étude dans l’espace et dans le temps, en centrant
strictement sur un seul support d’information et de communication la problématique - déjà
complexe - concernant la primauté des médias de masse dans nos sociétés, j’ai choisi de présenter, à
partir de ma réflexion personnelle et de recherches documentaires, ce sujet qui porte sur la présence
des médias de masse et des médias alternatifs sur Internet. Il tentera de comparer et de critiquer les
médias de masse et alternatifs sur Internet, mais également les types de journalismes qui les
représentent au travers de leurs activités et de leur champ d’action. Cette synthèse introduira en
premier lieu une étude générale sur les attributs, avantages et inconvénients qu’offre Internet pour
la diffusion et la consommation d’information, mais qu’il apporte aussi ; ce dans le but de
comprendre sa complémentarité avec les supports médiatiques classiques. Cette première approche
aura pour finalité de présenter ces deux types de médias sur Internet, avant de conclure sur la
situation actuelle et future de la sphère médiatique dans ce même contexte.
La presse sur Internet
Particularités des médias sur Internet
L’heure actuelle est aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, au travers
d’outils et de gadgets, comme les ordinateurs et la téléphonie mobile, qui permettent de se
connecter à Internet.
Internet est un immense réseau communication mondiale, apparue à des fins militaires dans les
années 1960, dans le but de communiquer de manière sécurisée. Le projet s’est étendu au domaine
civil et permet d’interconnecter « des réseaux avec des réseaux », dans la finalité de relier et de faire
communiquer entre eux un ensemble d’utilisateurs. C’est de ces utilisateurs qu’il est question
lorsqu’il s’agit de qualifier à la fois les acteurs (médias de masse et alternatifs) et les consommateurs
de médias. Basé sur un ensemble de protocoles permettant divers usages, on a pour habitude
d’associer à Internet la notion de « toile », dans la mesure où elle permet de relier à des sites et des
pages Web tout équipement connecté – un ordinateur par exemple. On doit dès 1989 au laboratoire
du CERN de Genève, le standard « World Wide Web » (www) qui permet l’hypertextualisation ainsi
que la mise en page d’informations sous forme de textes, sons, vidéos et images, ce qui permet de
pousser les limites de la communication traditionnelle par télédiffusion, radiodiffusion et presse
écrite. Les modalités de lecture et les postures de réception apportées au travers de l’hypertexte
appliqué à l’information sont entre autres les suivantes :
- L’accès à des documents qui ne présentent pas forcément un contenu textuel (photos,
images mobiles, vidéos, bandes sonores). Il s’agit de liens d’accès.
- L’accès hiérarchisée, voire guidée, à des rubriques (politique, sociologie, musique,…), des
genres (reportages, portraits, interviews,…) ou des thèmes (écologie, tendances
musicales,…). Il s’agit de liens de consultation.
- L’accès en différé dans le temps aux différents médias proposés (avances et retours en
arrière dans la lecture d’une information). Il s’agit de liens de progression.
- L’accès à de plus amples informations, à la demande, qui sont proposées pour une
information donnée (définitions, explications,…). Il s’agit de liens d’enrichissement.
Les pages web proposées sur les sites Internet ont l’avantage sur les supports classiques de n’être
contraints ni en temps ni en espace, dans la mesure où l’information mise à disposition ne dépend
que de la capacité d’hébergement du site ; condition qui dans la majorité des cas est toujours
satisfaite étant donnés la capacité et le moindre coût des hébergements et des stockages
numériques. Ainsi, une première page de presse sur Internet peut présenter jusqu’à trente
informations là où un quotidien écrit n’en livrera que quatre ou cinq. Bien entendu, dans un souci de
captation du public, les sites Internet travaillent également la forme et le contenu de leur
information afin de satisfaire à certains critères – point développé plus en détail dans la suite du
document.
Ainsi, Internet est en mesure de proposer les mêmes fonctionnalités que celles qu’offrent les
supports classiques, en partie grâce à la télévision numérique et aux radios web que proposent déjà
la plupart des grands groupes médiatiques de masse surtout présent dans ces derniers. C’est le cas
de bons nombre d’entre eux, dont par exemple tf1, bfm, france televisions ou encore rmc. Par
ailleurs, en dépit du fait qu’Internet livre des fonctionnalités nettement plus riches et attractives que
celles offertes par les médias classiques, il n’y a pas une très forte immixtion de leur part « dans
Internet ». En effet, mise à part certaines émissions sur les grandes chaînes nationales (le Grand
Journal de Canal+ par exemple), la télévision semble avoir occulté l’existence d’Internet dans le cadre
de par exemple des programmes destinés au cyberespace et au multimédia. Et lorsqu’elle les aborde,
c’est en général via de courts reportages, souvent superficiels, et dans le but d’en souligner les
risques ou le côté inquiétant (le téléchargement, la sécurité des mineurs, l’apparition d’un virus
informatique, les réseaux pédophiles, etc.). Alors que, notons-le, l’inverse est beaucoup plus
fréquent voire complémentaire de cette lacune : les médias traditionnels demeurent une source non
négligeable et jamais tarie, qui nourrit blogs et forums de discussion – consacrés par exemple à des
émissions télévisées ou à l’analyse de ces médias.
L’usage d’Internet en tant que véhicule d’information divise l’opinion publique, car la pluralité des
contenus et des utilisateurs, alors à la fois diffuseurs et consommateurs, ne garantit pas l’information
qu’ils véhiculent. En effet, la publication sur la toile est moins contrôlée et identifiée que sur les
médias traditionnels pour la bonne et simple raison qu’elle est offerte à absolument tout utilisateur
disposant d’une connexion à Internet. Tout internaute a la possibilité de communiquer publiquement
une information plus ou moins pertinente et riche en contenu, devenant alors potentiellement
accessible à tout internaute. Ces publications se font généralement via les réseaux sociaux à
condition de disposer d’un « profil », et peuvent se présenter sous différentes formes (partage de
contenu textuel, vidéo, image ou sonore). Les principaux réseaux sociaux étant facebook, myspace,
ou encore live spaces. Une autre méthode de publication consiste pour un internaute quelconque de
disposer de son propre site web ou blog d’information au sein duquel il mettra publiquement à
disposition une série d’articles qu’il aura rédigés. Ces plateformes sont d’autant plus nombreuses
que les offres d’hébergement de blogs sont faciles d’accès, tant sur les plans techniques que
financiers – bien qu’en réalité seuls les hébergements privés sont réellement sources de coûts. Les
principales plateformes porteuses de ces offres sont, en plus des hébergeurs proposant gratuitement
ou à très moindre coût de l’espace de stockage limité et un nom de domaine, comme webhost.com :
blogspot, wordpress, skyrock et over-blog.
Bien que la profusion de contenus sur Internet soit difficile à maîtriser, en partie lorsque l’on
recherche une information en particulier, les moteurs de recherche garantissent l’indexation, le
référencement et la catégorisation des sites Web1
. Ainsi, les sites les plus pertinents2
seront les
premiers proposés par les moteurs de recherche, et donc a priori les sites les plus méritoires se
verront être visités le plus et ses informations seront les plus largement diffusées.
Selon les chiffres Ipsos (2008), la France dénombre environ 30 millions d’internautes, soit près de la
moitié de la population. Bien qu’une fracture numérique sur les générations se pose, ce qui ne sera
pas plus développé dans le document dans lequel on parlera plutôt de fracture sociale, on peut
considérer Internet comme un support de large diffusion médiatique, potentiellement vecteur de
médias de masse. Il est important de souligner que le surf sur Internet n’est pas exclusif de la
fréquentation des médias traditionnels. En effet, les « gros internautes » consacrant plus de 31
1
En réalité, cela dépend de l’administrateur ou du propriétaire du site qui a la possibilité de rendre ou non disponible son
site sur les annuaires publics (Google, Yahoo, Bing, etc.). Auquel cas le site ne se verra consultable que par ceux qui en
connaissent l’adresse.
2
Sur internet, la pertinence est mesurée à partir d’algorithmes inconnus du public, propres à chaque moteur de recherche.
Le critère de classement de Google se base sur le pagerank d’un site, prenant en compte en partie la dynamique, le nombre
de visiteurs et la fréquence de mots-clés dans son contenu.
heures mensuelles sur Internet passent également beaucoup de temps à l’écoute de la télévision, de
la radio ou à la lecture de la presse.
Chiffes Ipsos, 2008
En tout état de cause, les exemples ne manquent pas et démontrent de façon quasi quotidienne
qu’un très grand nombre de gens se tournent vers Internet pour suivre en détail et en direct les
événements majeurs de l’actualité mondiale.
L’information sur Internet
Notre société de l’information a des sphères d’intérêts très larges tant sur les plans géographiques
que disciplinaires, auxquelles l’ubiquité et l’universalité d’Internet sont à même de répondre.
Parallèlement, les informations qui nous parviennent nécessitent des internautes des connaissances,
ou du moins des bases, dans différents domaines : dans celui des nouvelles technologies ne serait-ce
que pour la maîtrise des outils et du multimédia Internet d’une part, et dans les sciences techniques,
naturelles et humaines d’autre part (l’astronomie, l’épidémiologie ou encore la géopolitique par
exemple). Les informations et leurs diversités foisonnent sur Internet, et l’internaute a besoin de
maîtriser un minimum de règles et de connaissances pour chercher, sélectionner et trouver
l’information qui lui correspond. Pour celui qui ne les maîtrise pas, son processus d’information peut
conduire à de l’aliénation, sous le poids de la diversité et de la densité d’information, ou à de la
malformation dans le cas où il n’est pas à même de confronter une information avec d’autres points
de vue ou de savoir s’auto-garantir de la fiabilité d’une information.
L’information est une marchandise à part entière, avec ses coûts et ses enjeux, mais aussi ses
bénéfices. Comme dans les autres médias traditionnels, l’information est un produit qu’il faut
travailler et mettre en forme afin de pouvoir être « vendu ». Dans les médias traditionnels, les
bénéfices se comprennent par rapport à la vente de journaux et de magazines ou à la diffusion de
journaux télévisés, dont le lectorat et l’audimat garantissent les revenus selon respectivement la
marge sur les ventes, la publicité et la redevance télé. A la différence de ceux-ci, les médias sur
Internet ont un modèle économique essentiellement basé sur les bannières de publicité, dont les
gains dépendent directement du nombre de visiteurs. La finalité demeure la même : attirer un public
internaute sur un site, améliorer ses statistiques3
et faire en sorte de le fidéliser afin qu’il y revienne.
3
L’utilité principale étant d’améliorer le pagerank d’un site et donc de le faire sortir parmi les premiers résultats des
moteurs de recherche. Elles comptent : le pourcentage de nouvelles visites, le taux de rebond (temps passé sur une page
sans en parcourir d’autres sur le même site), le nombre moyen de pages vues par visiteur, et le nombre de visiteurs
(uniques).
Il y a par ailleurs une deuxième, ou une autre fonction4
, qui est, pour un site d’information
participatif, de fidéliser un public internaute dans le but de garantir le dynamisme, la richesse et ainsi
d’améliorer la crédibilité et le pagerank d’un site. Le caractère multimédia d’Internet peut aussi être
un facteur perturbateur dans la volonté d’informer, dans la mesure où il permet, encore plus que
pour la télévision, de mélanger divertissement et information.
Internet est un support plus à même que les médias traditionnels dans la mission de sélectionner et
d’expliquer une information, en partie par la richesse du contenu qu’il propose et peut proposer (en
plus il n’est limité ni en temps ni en espace). Il se complète par exemple à la règle des 5W (who,
what, where, when, why) auquel doit se soumettre tout travail journalistique, grâce à
l’hypertextualisation qui permettent d’acquérir une information plus rapidement tout en laissant la
possibilité au consommateur de l’approfondir. Alors que les informations dans un journal télévisé ou
dans un article de presse sont mises en forme afin de satisfaire à des exigences commerciales
(augmenter et garantir un audimat et un lectorat), nous verrons comment les éléments suivants
qu’on leur reproche ne sont plus sur Internet :
- La taille des journaux, des articles et la durée des émissions télévisées sont bien définies, et
doivent répondre à des exigences beaucoup plus strictes.
- La part laissée à l’émotion et à la publicité (sponsors) au sein même des bulletins.
- La catégorisation et sélection des informations dont on va parler, afin de respecter les
contraintes en temps (durée d’un journal, durée que se permet de consacrer un lecteur
presse écrite) et en taille (longueur d’un article mesuré au nombre de mots, voire au nombre
de caractères).
- On favorise les faits sur l’explication. C’est une fausse-objectivité qui entrave la mise en
contexte au dépend d’une analyse approfondie.
Cependant, Internet et ses technologies sont aussi porteurs d’une promesse de rapidité (cf. le
« shivel journalism ») où les nouvelles « tombent » avant d’arriver dans les médias traditionnels. Et
rappelons que les grands dérapages de l’information sont souvent liés à la précipitation. Par ailleurs,
il comporte un paradoxe qui est la volatilité de l’information sur Internet (en particulier permise par
le « copié-collé » et par le dynamisme des sites qui se répercute sur les résultats des moteurs de
recherche). En effet, sur les réseaux sociaux par exemple, « l’info va vite ». Alors qu'en moyenne la
moitié des cinq principaux sujets qui « font » l’agenda des médias traditionnels sur une semaine type
étaient déjà présents la semaine précédente, ce taux est d'à peine de 5% sur Twitter5
, 13% sur les
blogs et 9% sur la plateforme de partage vidéo YouTube, prise comme objet d’étude par le Pew
Research Center. La conséquence est que sur les 49 semaines (durée de l’étude), le premier sujet
discuté en ligne n'a que très rarement coïncidé avec celui occupant les médias traditionnels : 13
semaines sur 49 pour les blogs, quatre (sur 29 semaines étudiées) pour Twitter, et huit dans le cas
des vidéos. Internet se complète avec l’actualité médiatique des médias de masse traditionnels, dans
la mesure où les sujets diffusés en ligne ne sont pas ceux qui font leur une ; d’ailleurs tous les réseaux
sociaux ne parlent pas de la même chose.
4
Certains sites d’information sont exempts de toute publicité, c’est le cas par exemple de lemonde.fr ou de blogs.
5 Réseau social de micro-blogging, créé en 2006, qui permet d’échanger des informations sous formes de brèves limitées à
140 caractères, accompagné ou non d’une référence vers un article qui les approfondissent. Slogan : « Discover what’s
happening right now, anywhere in the world ». Les sujets les plus discutés sont mis en valeur par l’indexation d’une brève
au moyen de hashtags.
Couverture médiatique des blogs et de la presse traditionnelle
Alors que les plateformes communautaires et sociales comme Twitter ou encore Facebook diffusent
de l’information qui se distingue des événements des médias classiques (technologies et sciences en
particulier), les blogs ont l’agenda qui colle le mieux avec celui des médias traditionnels. Cependant,
ces supports informatifs présents sur Internet se focalisent souvent sur des sujets importants et
préoccupants, quand l’agenda des médias traditionnels demeure à dominante institutionnelle et très
largement centré sur les événements.
Facteurs d’expansion
Internet est un vecteur essentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication
sur lequel elles s’appuient. En effet, les périphériques numériques tels les ordinateurs, les
smartphones, les PDA ou les téléphones portables dont les derniers sont équipés de technologies en
mesure d’utiliser pleinement toutes les fonctionnalités multimédia d’Internet (sons, images, vidéos,
mais aussi fils d’actualités et messagerie), permettent désormais, au travers du nomadisme, la
mobilité et l’ubiquité du consommateur. Ainsi, alors qu’auparavant la consommation des médias
traditionnels était séparée de celle d’Internet (les ordinateurs, seuls points d’accès, étaient dans des
chambres cloisonnées des postes de télévision et de radio, surtout écoutée en automobiles), les
nouvelles technologies s’immiscent désormais dans ces derniers en franchissant cette frontière. Il est
désormais courant de naviguer sur Internet depuis son ordinateur portable tout en regardant la
télévision, ou de lire un article de presse papier alors qu’on écoute une web-radio depuis son
téléphone mobile.
De plus, l’émergence des réseaux sociaux sur Internet et la large communauté d’utilisateurs qui en
font partie contribuent également à l’engouement des individus pour la consommation et l’échange
d’information sur Internet.
Deux tiers des Français âgés de 15 ans et plus déclarent se connecter à Internet, pour un temps
moyen passé de 10-11 heures par semaine. De plus, le lien avec Internet se consolide car plus d’un
internaute sur deux est utilisateur du web depuis plus de 5 ans.
Les services pratiques et l’actualité restent les deux usages les plus répandus, mais on note un clivage
qui apparaît selon l’âge, car ce sont les jeunes qui sont les plus forts consommateurs de contenus
blogs et vidéos en ligne, à raison de respectivement 64% et 60% d’entre eux (chiffres Ipsos 2009).
Médias de masse sur Internet
Economie et marché de l’Internet
Comme nous l’avons vu, Internet permet la diffusion et la réception de contenu multimédia très
diversifié. Cependant, Internet n’est pas un service de communication audiovisuelle mais un support
de diffusion qui peut être utilisé pour véhiculer des services audiovisuels, de la télévision, de la
radiodiffusion mais également du courrier électronique, des conversations téléphoniques ou des
services d’hébergement de sites, dont l’usage principal dans le cadre de l’étude est à des fins
d’actualités et d’informations.
Le marché de l’information n’est pas un marché tout à fait comme les autres. Si les médias sont bien
des entreprises – sur Internet notamment (rédactions, annonceurs, publicitaires, sociétés de
référencement, etc.) – certaines étant même cotées en bourse, la « marchandise » qu’elles
proposent au public possède des caractéristiques propres et elles doivent s’adapter à une logique
commerciale particulière. Par définition, l’information est une marchandise périssable, qui doit être
consommée rapidement, sous peine de perdre de sa valeur. L’enjeu en est d’autant plus grand que
l’information sur Internet est volatile (référencement par les robots des moteurs de recherches très
rapide, « copié-collé », etc.).
Les médias de masse, c’est-à-dire capables de toucher une large audience, sont dans les médias
traditionnels généralement détenus par des grosses entreprises, des holdings, ou par l’état (Hachette
Filipacchi, Lagardère Active, TF1, France Televisions, etc.). Bien que tous ces groupes médiatiques (de
la télévision à la radio, en passant par les presses magazine et quotidienne) aient leurs vitrines sur
Internet dans laquelle ils présentent une partie sinon l’intégralité voire plus de ce qu’ils proposent
dans les médias traditionnels, l’inverse n’est pas toujours le cas pour les « médias de masse » dans le
sens où la définition l’entend. C’est par exemple le cas de sites d’actualités à fortes visites comme
lepost.fr, clubic ou les blogs les plus prisés sur la plateforme la plus populaire comme over-blog.com6
,
qui ne sont présents que sur Internet.
Etant donné que des médias alternatifs peuvent également faire l’objet d’une forte audience
(nombre de visiteurs internautes), et donc être considérés comme médias de masse, il est désormais
nécessaire d’enrichir la notion de « médias de masse » pour la suite. Sauf mention explicite, on
distinguera à présent comme médias de masse sur Internet également les « média-entreprises »,
aussi appelés « médias dominants », qui font référence à la production et à la distribution des médias
de masse mais aussi en tant que propriétés financées et sources de revenus de grandes entreprises.
Leurs modèles économiques suivent des impératifs capitalistes (maximisation des bénéfices pour ses
investisseurs, ses actionnaires et ses annonceurs).
Alors que ces médias de masse s’engagent dans le marché d’Internet dans le seul but de véhiculer
des idées et donc de « vendre à perte » leur information (économiques et politiques, cf. média en
6
Source : sitedelannee.fr, 2009
tant que « 4e
pouvoir » et connivence média/politique) outre les supports traditionnels, d’autres ont
gardé une approche purement lucrative au travers des modèles de revenus qu’offrent Internet.
La principale source de bénéfices provient de la publicité au travers de bannières statiques ou
dynamiques, et de spots vidéo. Elles sont gérées par des régies internes (TF1 Publicité pour son
propre site Internet tf1.fr) ou externes comme Google Adsense par exemple. Les valorisations
boursières des acteurs médias prouvent que l’intérêt des investisseurs pour leurs stratégies est bien
réel. Le chiffre d’affaire de la presse en ligne atteint 840 millions d’euros en début 2010, et la part de
publicité en ligne augmente de 10 à 12% par an en raison du développement de l’ « effort d’offre »
qui rendent les sites dignes d’intérêts (étude Precepta, 2009). Dès lors, les activités en ligne de la part
de ces médias de masse peuvent s’avérer extrêmement rentable, à raison que les coûts soient
maîtrisés. Mais la publicité en ligne séduit les annonceurs car elle démontre ses avantages
concurrentiels dont les principaux sont l’audience quantifiable, la possibilité de mesurer avec
précision le retour sur investissement et la maîtrise des techniques de ciblage.
Alors que ce modèle économique basé sur la publicité apporte bénéfices croissants et pérennes, le
marché de l’information sur Internet n’en est pas moins exonéré du contexte concurrentiel. Ce
dernier étant notamment régi par les moteurs de recherche et les annonceurs, mais aussi par des
partenariats entre différents sites (au moyen de « back links » (liens de retours) entre des articles ou
des sites externes).
Popularité des médias de masse
L’utilisation coordonnée et simultanée de plusieurs médias transportant un message unique vers un
même public cible permet d’en multiplier l’impact. Il s’agit là de la principale connotation que l’on
associe aux médias dominants, aussi appelés « mainstream media » pour reprendre le terme anglais.
Par ailleurs, les médiats-entreprises qui concernent la majorité des médias dominants ont longtemps
fait l’objet de nombreuses critiques dans la mesure où lorsqu’ils sont à même d’être les médias
dominants, ils sont manipulés par les entreprises, souvent affiliées à des grandes banques, qui les
possèdent afin de satisfaire leurs propres intérêts, bien souvent politiques et économiques. Cette
connivence entre les médias, la politique et le modèle libéralo-capitaliste occidental et le rôle exercé
sur l’opinion publique ont été montrés au travers de nombreux exemples et analyses.7
Sur Internet, à l’exception notable des vidéos, où la catégorie « amateur » est largement présente, ce
sont avant tout des sujets produits par des journalistes professionnels qui alimentent les sujets en
ligne. De plus, d’après une étude américaine, plus de 99% des sujets traités sur les blogs et les
plateformes communautaires ont au préalable été traités par des médias professionnels.
Pour couvrir la popularité des médias de masse sur Internet (à la fois en terme d’utilisation et de
confiance qu’on leurs consacrent), toujours dominés8
par les média-entreprises comme lemonde,
l’express ou encore liberation, nous mettrons en avant quelques données statistiques issues d’un
7
Je renvoie le lecteur aux nombreux travaux des analystes des médias Noam Chomsky, Robert McChesney (américains) ou
encore Armand Mattelard et Hervé Coutau-Bégarie (dont son livre Les médias et la guerre, Economica, octobre 2005).
8
Selon une étude menée par le très sérieux institut américain Pew Research Center qui a eu les honneurs d'une courte
dépêche AFP, 95 % des "informations nouvelles" sont produites et publiées par les médias traditionnels, quotidiens en tête.
Seules 4 % des actualités proviendraient réellement des nouveaux médias de l'internet (sites d'infos "pure player", blogs,
réseaux sociaux, etc.).
sondage TNS-SOFRES réalisé en janvier 2010, sur un échantillon national de 1000 personnes
représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus.
Evaluation : En général, à propos des nouvelles que vous lisez dans un journal / entendez à la radio / voyez à la télévision
/ Internet, est-ce que vous vous dites :
Selon l’étude, la radio reste le média le plus crédible, Internet l’étant le moins malgré une nette
amélioration depuis 5 ans. A noter que la proportion de stations de radio « alternatives » est très
faible par rapport aux grandes stations des grandes sociétés, ou gouvernementales.
Evaluation : Crédibilité des médias selon l’âge et l’utilisation d’Internet
Les chiffres sont sans appels, Internet demeure le mauvais élève en termes de support médiatique,
alors placé en dernière position en ce qui concerne la crédibilité.
Evaluation : De quelle(s) manière(s) vous tenez-vous au courant de l’actualité nationale et internationale ?
La télévision reste le 1er canal d’information, devant la radio, la presse écrite et en dernière position
encore une fois, Internet. Les Américains sont cependant plus ouverts à l’information sur Internet,
avec des chiffres en hausse. A noter par ailleurs que la blogosphère française ne couvre qu’un tiers
des événements et de l’information de la blogosphère anglophone.
Evaluation : Pour chacun des media suivants, diriez-vous que dans 10 ans on l'utilisera davantage ou moins que
maintenant pour s'informer sur l'actualité nationale et internationale ?
Point positif, l’avenir des médias sur Internet est celui qui se voit du meilleur œil.
Parmi les événements les plus couverts en 2009 sur Internet par les média dominants, la même
étude a listé :
- La grippe A
- Le décès de Mickael Jackson
- La main de Thierry Henry
- L’affaire Polanski
- La cavale de J.P Treiber
- La burqa
- …
Alors que les sujets qui, selon les sondés, auraient pu et dû faire l’objet d’une couverture médiatique
plus importante, ont été en 2009 :
- Les grèves en Guadeloupe
- La Loi HADOPI
- Le thème de l’environnement et du réchauffement climatique
- L’élection présidentielle iranienne
- La mise en place du RSA
- La réforme des collectivités locales
- Le sommet de la FAO sur la faim dans le monde
- …
Evaluation : La remise en cause de l’indépendance des journalistes
Il s’agit de sujets plutôt « à gauche » politiquement, voire altermondialistes en ce qui concerne
l’écologie ou la faim dans le monde. Ce sont naturellement des idéaux que les médias dominants aux
soldes d’entreprises capitalistes et libérales défendent moins vigoureusement, et donc couvrent
moins médiatiquement… Relativisons cependant la chose, car les médias-entreprises se basent aussi
sur les attentes de ses consommateurs, ne serait-ce que pour satisfaire au modèle économique de
l’offre et de la demande.
Information et journalisme
Le journaliste des médias de masse est avant tout un salarié permanent de l’entreprise de presse
dont il dépend. Il peut travailler au sein de la rédaction ou être pigiste, c’est-à-dire salarié mais payé
à la tâche. Alors qu’il est de plus en plus demandé dans les écoles de journalistes qu’ils soient
capables de rapporter et de produire du contenu multimédia, les acteurs de la presse de masse sur
Internet possèdent souvent cette polyvalence (on les trouve rédiger des articles pour le site Internet
de l’éditeur ou pour la presse papier, comme on peut les voir participer à des émissions télévisées ou
radios, tout en tenant un blog sur Internet à leur propre nom). C’est le cas par exemple de célèbres
journalistes-reporters comme Eric Laurent.
On ne peut qualifier de médias dominants l’ensemble de la communauté des journalistes
professionnels, étant donné que des médias alternatifs peuvent être amenés à employer une partie
de leur personnel, comme par exemple le site d’actualités « alternatives », bien que discutables,
rue89.
Comme nous l’avons vu, les informations publiées ou diffusées par des médias traditionnels guident
les sujets qui vont dominer l’actualité sur Internet. Cette victoire sans appel de la vieille presse – on
gardera le terme dans la mesure où les revues papiers sont présentes intégralement au format
numérique sur leurs portails web respectifs - sur les nouveaux médias (les blogs et autres formes de
médias alternatifs dont que développerons dans la suite du document) s’explique en partie par la
disproportion des moyens mis en œuvre. En effet, un « desk web » employant une poignée de jeunes
journalistes à tout faire ne peut pas rivaliser avec une équipe de rédaction d’une centaine de
« rubricards », certes souvent lents à réagir en ligne, mais disposant d’un gros carnet d’adresse et
d’une certaine notoriété.
Les chercheurs du Pew Research Center ont par ailleurs constaté que sur Internet, « le modèle
économique sur lequel est fondé le journalisme professionnel tend à disparaître », ce qui a pour
conséquence de baisser le nombre de personnes dont le métier est de chercher et de trier
l’information (journalisme d’enquête par exemple). C’est généralement le résultat de plans sociaux
et de démarche commerciale courant après la productivité, qui ont pour ainsi dire décimé les
rédactions. La conséquence nécessaire de cet appauvrissement journalistique est donc la
standardisation de l’information sous des formes et contenus souvent contraints et limités, ce qui
aurait pour conséquence de moins en moins bien informer les internautes alors qu’ils ont
paradoxalement l’impression de crouler sous une avalanche d’informations en temps réel.
Dans un article paru sur lemonde.fr9
en mai 2009, une description est faite de ses nouveaux
journalistes du web dont le surnom de « OS de l’info » ou encore « journalistes low cost » leur a été
attribué par l’auteur du livre La fin des journaux et l’avenir de l’information, Bernard Poulet. J’invite
le lecteur à se référer à cet article pour comprendre la situation du journalisme web qui travaille pour
les médias dominants (LExpress.fr, LeNouvelObservateur.fr, etc.). Les éléments à retenir sont
notamment les suivants :
- Les conditions et contrats de travail sont nettement moins attractifs que pour les rédacteurs
de la presse papier.
- Le travail est souvent « bâclé » faute de temps ou sous la pression des rédacteurs en chefs,
étant donné que le modèle économique et technique du web (volatilité de l’information en
parallèle avec la concurrence) répond à des exigences de rapidité. Il faut être le premier à
publier et mettre en ligne une information afin d’être les premiers référencés par les
moteurs de recherche.
- La vérification de l’information n’est pas la priorité. Il arrive parfois même de voir des erreurs
aberrantes en ligne un certain nombre d’heures avant d’être recorrigées (soit par la
rédaction, soit par les réactions des visiteurs).
- Les journalistes sont relativement jeunes (moyenne d’âge de 34 ans contre 44 pour la presse
papier), et pour la plupart stagiaires, CDD ou CDI.
Ajoutons à cela la précarité de ces emplois, ayant fait l’objet de plaintes de la part de syndicaux de
presse. Il faut en plus mentionner l’usage de pigistes qui sont des journalistes rémunérés à la tâche
(rédaction d’articles en particulier) dont la situation peut être d’une extrême précarité10
.
« En reconnaissance de nombreuses années de service, nous aimerions vous offrir un salaire »
Ceci peut être une raison pour le journaliste en contrat de travail de travailler à son nom, afin de
pouvoir exercer librement et pleinement son activité. C’est le cas de bloggeurs non amateurs, qui ont
9
http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2009/05/25/les-forcats-de-l-info_1197692_3236.html
10
http://www.rue89.com/cabinet-de-lecture/2009/04/14/les-galeres-des-intellos-precaires-prolos-du-savoir
préféré se lancer dans des pure players, c’est-à-dire des entreprises ayant démarré et exerçant leurs
activités uniquement sur Internet – en rappelant que les astuces pour générer du revenu de la
publicité en ligne sur un site web ne manquent pas et les résultats sont sans appel. Les journalistes
peuvent alors rédiger leurs articles au rythme et au contenu qu’ils désirent, selon la manière dont ils
gèrent leur site (souvent blog) : en maîtrisant bénéfices liés à la publicité et intérêt personnel pour la
rédaction et la volonté d’informer au-delà des méthodes « formatées », « rapides » et « contrôlées »
des médias de masse pour lesquels ils travaillaient. Ce type de journalisme peut alors constituer une
forme de média alternatif sur Internet.
Médias alternatifs sur Internet
Analyses et objectifs du journalisme alternatif
Un média alternatif se présente par définition comme un média pouvant utiliser les mêmes supports
que les médias de masse, mais à ceci près que leur budget et leur notoriété sont nettement
moindres, et que les informations qu’ils communiquent se revendiquent souvent désintéressées
financièrement et à contre-courant des tendances dominantes (et ce sur presque tous les domaines :
géopolitique, santé, économie, sciences, etc.). Par ailleurs, l’information alternative se caractérise
comme plus engagée, plus critique et plus militante, et se charge de couvrir ce qu’elle estime que les
médias dominants ne couvrent pas suffisamment, biaisent voire passent sous silence. Ils estiment
faire passer un message que les médias dominants, accusés d’être ligotés de par leur appartenance à
de grands groupes financiers, ne diffuseraient pas.
Les caractéristiques d’Internet que l’on a vu précédemment font remarquer combien il est facile pour
un internaute de s’engager dans une démarche de diffuser de l’information au contenu
« alternatif », au moyen des plateformes sociales ou des blogs qui invitent à la participation. Mais les
médias alternatifs sur Internet (sites web à part entière, blogs personnels, web-radios, télévision en
ligne, etc.) ont aussi pour origine un ou plusieurs autres supports traditionnels, et ont vu le jour avant
l’apparition et l’utilisation massive d’Internet dans les ménages (début des années 1990).
L’existence de ces médias revendiqués indépendants, objectifs, critiques et autocritiques, révèlent de
l’éveil d’un phénomène social, dissident et critique, malgré les efforts déployés par les média
dominants de diffusion en masse pour maîtriser la pensée et fabriquer le consentement11
. En dépit
de tout, les gens développent et veulent développer leur capacité et leur volonté de réfléchir en
profondeur. Le scepticisme envers les médias dominants et le pouvoir s’accroît et les attitudes se
sont transformées. Grâce à Internet et aux nombreux médias alternatifs qu’il dénombre, le travail
journalistique critique, participatif voire collaboratif porte ses fruits, et à contrario des médias
traditionnels dont les moyens de communication ne le permettaient que très peu, les individus
découvrent qu’ils ne sont plus seuls et que d’autres pensent comme eux12
. Il devient possible de
renforcer ses propres opinions et d’en apprendre davantage sur ce que l’on pense et sur ce en quoi
l’on croit. Certains des auteurs ou consommateurs de médias alternatifs n’appartiennent pas
forcément à des mouvements politiques ni se revendiquent d’un courant de pensée particulier ; il
11
Noam Chomsky, La fabrique du consentement, 1988.
12
Je renvoie le lecteur par exemple aux termes de contre-culture, de mouvements alternatifs aussi dits « libres penseurs »,
et aux courants dissidents voire subversifs.
s’agit simplement d’un état d’esprit qui favorise les échanges, la réflexion, la volonté de s’informer et
l’esprit critique sur l’actualité dominante.
"En France, la propriété des grands médias est concentrée entre les mains de groupes industriels et
financiers, dont deux fabricants d'armes : Lagardère (via Hachette) et Dassault (via la Socpresse)."
Ignacio Ramonet - Monde diplomatique, janvier 2007
A la différence des média dominants, ils sont pour la plupart désintéressés financièrement, ce qui fait
qu’ils ne suivent pas les mêmes modèles économiques, et la conséquence en est la plus forte part
d’argumentation et de documentation dans les articles et les informations qu’ils proposent.
« There is no alternative » était un slogan politique attribué à Margaret Tchatcher qui signifie que le
marché , le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques, et que
tout régime qui prend une autre voie court à l’échec. C’est par exemple ce genre d’état de pensée,
couramment associé à la tendance des médias dominants détenus par les entreprises capitalistes et
les gouvernements, que les médias alternatifs veulent « attaquer » et défier. La réponse est claire :
« créer une alternative à ce qui semblait ne pas y avoir d’alternative ». Ils se veulent critiques vis-à-
vis de l’uniformisation de la pensée unique, du moins du message unique, véhiculé(e) par les médias
de masse. Les médias alternatifs, dans cette optique-là, sont donc initiés par une démarche critique
et une analyse de l’information dominante, au travers d’informations nouvelles, dans la finalité de
répondre à cette « propagande » dans laquelle ils ne veulent pas se fondre et ne peuvent pas
adhérer.
C’est par exemple le cas d’individus non professionnels ou professionnels dans le métier du
journalisme qui choisissent de s’engager dans l’entretien ou la participation à des médias alternatifs
(sites web, etc.).
Les médias alternatifs peuvent aussi être nés d’une colère13
vis-à-vis de la profession de journalisme
pour les médias de masse et de la manière dont ils traitent l’information sur Internet (cf. la partie
précédente). Ils estiment par ailleurs qu’une « guerre au savoir »14
est faite - via le modèle
économique des médias de masse sur Internet et le manque de contenu accordé à leur information
voire à l’aliénation -, car le savoir est ce qui est censé amené tout citoyen à pouvoir émettre une
critique et remettre en question l’information. Les médias alternatifs se revendiquent donc
également de produire un contenu qui amène à la réflexion et à la participation citoyenne et
ouverte, et de leur redonner foi en des médias qui sont « toujours » là et qui existent.
Types de médias et particularités
Les médias alternatifs se présentent aussi comme un moyen de s’attarder sur un point qui apparaît
comme un détail ou dont la couverture est raccourcie dans l’information courante (des médias de
masse), en se donnant les moyens de développer une thématique donnée à partir d’un travail de
fond et de la participation de rédacteurs expérimentés et d’anonymes dont chacun apporte sa
contribution et son regard critique. Ils ont pour la plupart la chance de se doter de la capacité d’écrire
13
Vis-à-vis : du modèle économique commercial et intéressé, de la réduction de la taille des articles et de la part d’analyse
qu’on lui accorde, diminution du nombre d’articles d’investigation, travail du contenu multimédia qui se place plus en tant
que «communication» qu’en tant qu’invitation à la réflexion, etc.
14
Propos recueilli de Thierry Delaveau, directeur du site Internet et journal alternatif L’Etranger.
(travail littéraire), on parle aussi d' « artisans de l’information », ce qui contribue aussi à améliorer
l’image de leur discours.
Ce par rapport à quoi ils se distinguent également des médias de masse, c’est de produire, traiter et
rendre disponible de l’information « sans moyens », ou du moins avec des moyens relativement
faibles15
, tout en ne la considérant pas comme « une marchandise ».
Le modèle de revenus de ces médias sur Internet, nourris en information par les internautes
visiteurs, par des bénévoles, par des journalistes freelance indépendants lorsqu’ils peuvent se le
permettre ou par des employés pour des structures plus importantes, est basé sur les dons des
visiteurs ou sur les revenus générés par les annonces publicitaires qu’ils hébergent. Cependant, ceci
apporte un certain nombre de paradoxes sur lesquels les médias alternatifs ne s’accordent pas tous :
- Pour diffuser ses idées, un média alternatif devrait prendre de l'importance et grandir en
diffusion, en influence. Mais si cela arrivait, il serait considéré par le milieu alternatif comme
traitre à la cause car intégrant désormais le camp de l'hégémonie (des médias dominants).
L'accès à une certaine massivité est l'objet d'une polémique dans le milieu alternatif entre
ceux qui voudraient y arriver, ceux qui la rejettent et ceux qui pensent qu’elle est de toute
façon inaccessible.
- Pour pouvoir développer un discours différent, il faut être indépendant. Pour cela, il faut
garantir que personne ne manipule l’information, et pas moins les pressions financières ou
objectifs lucratifs. Ainsi, le rapport à l'argent pour les médias alternatifs est primordial car il
touche à la légitimité du média et de son discours. Pour certains médias, le simple fait
d'accepter un financement, est préjudiciable à l'intégrité du média. Toute aide financière est
vécue comme une tentative d'ingérence et de prise de contrôle de celui-ci.
Pour d'autres, plus pragmatique, la publicité et les subventions de l'état ou d'une fondation,
sont une source de revenus tout à fait acceptables du moment qu'ils ne déterminent pas le
contenu du média.
On recense différents types de ressources alternatives sur Internet, hormis leurs supports (site, blog,
web-radio, etc.), et leurs contenus sont parfois spécialisés sur quelques thématiques bien précises,
alors que d’autres sont beaucoup plus diversifiés. Par exemple des médias alternatifs, comme
alternatives-economiques.fr sont engagés dans des optiques altermondialistes, dans le but de faire
connaître au public et au plus grand nombre, des alternatives économiques, sociales, culturelles et
environnementales, alors que d’autres par exemple se chargent essentiellement de proposer une
critique politique et économique sur la couverture de l’actualité par les média-entreprises, comme
par exemple alterinfo.net, ou encore de se présenter comme vitrine d’analyse des médias dominants
sur Internet pour en corriger le message et en dénoncer les abus et dérives (désinformation et
malformation) : acrimed.org ou encore michelcollon.info.
Les médias alternatifs ont l’avantage de privilégier la participation, ce que les plateformes blogs
comme blogspot.com, over-blog.com ou encore wordpress.com sont à même de proposer au moyen
d’articles que l’auteur, généralement administrateur du site, peut proposer et laisser commenter par
ses visiteurs, ou encore peut également laisser publier par les visiteurs. Bien qu’elles n’aient pas
15
Sauf cas exceptionnels de médias alternatifs qui ont percé, grâce aux dons et aux revenus générés par les quelques
bannières publicitaires, dont l’archétype est HuffingtonPost.com, capable de faire concurrence avec le WashingtonPost.com
et NewYorkTimes.com.
toujours comme première utilité l’échange d’information « utiles » (terme je juge à caractères ni
commerciaux ni ludiques) sur des sujets donnés, les plateformes de réseaux sociaux en proposent
également les fonctionnalités (il existe par exemple des profils et pages facebook spécialisés dans la
diffusion d’informations alternatives, qui sont suivis et invitent à l’échange avec des dizaines de
milliers d’utilisateurs réguliers).
Critique de l’activité
Si les médias alternatifs, participatifs et partants d’une bonne volonté sont plutôt florissants pour
garantir la liberté d’expression et d’opinion sur Internet16
, le travail de ses acteurs n’en est pas moins
exempt de critiques sujettes à polémiques.
Le fait que de nombreux journalistes citoyens soient souvent des militants pour une cause ou une
idéologie en particulier peut prêter à caution (idéologie : politique, religieuse, etc.). Les médias
traditionnels reprochent aux médias alternatifs de manquer de l’objectivité nécessaire à la pratique
du journalisme.
« L’avantage, c’est qu’un citoyen journaliste sera capable de publier quelque chose qu’un journal aura peur
d’imprimer. L’inconvénient, c’est que la vérification des faits se fait après publication »
Craig Alexander Newmark, fondateur du site d’annonces craigslist.org
En effet, la création d’un site web, ou plus particulièrement d’un blog, est une opération à porter de
main de tout internaute. Internet n’étant pas encore, du moins pas complètement (cf. la partie qui
suit), une zone très bien contrôlée, dans laquelle une information peut se communiquer et se
propager aussi rapidement que facilement, la crédibilité et l’objectivité des blogs par rapport aux
intérêts et idéaux (implicites ou explicites) de leurs auteurs ne sont pas toujours garantis. Ou alors, ils
ne le sont que par les réactions des visiteurs qui peuvent les exprimer à ce sujet – mais pour cela il
faudrait encore également être sûr de l’objectivité de cette critique, ce qui conduirait à un cercle
vicieux. A moins que la véritable garantie puisse, après tout, être assurée par l’ensemble des
critiques des visiteurs, sous réserve qu’ils représentent une part suffisamment représentative et
hétéroclite de points de vue ? Mais encore faudrait-il aussi que le visiteur perdu prenne le temps
d’analyser l’ensemble de ces critiques, ce qui représente un travail beaucoup trop conséquent.
Il y a toutefois des outils qui le permettent, comme par exemple MyWot.com (Web Of Trust). Il s’agit
d’un outil mis à la disposition des navigateurs (Chrome, Firefox et Safari) sous la forme d’une
extension, qui avertit les utilisateurs quant au contenu d’un site. MyWot est communautaire et
revendique l’évaluation de millions de sites Internet, et l’inscription de millions d’utilisateurs alors
évaluateurs. Il vous avertit des sites qui sont connus comme « escroquerie » sur Internet, vendeurs
de faux, etc. Mais il peut également être appliqué pour les sites d’actualités.
16
On parle également de « journalisme citoyen », dont le média alternatif agoravox.fr s’en revendique en permettant à
tout internaute de témoigner sur ce qu’il voit, entend et constate dans le cadre d’articles et de commentaires dont la
forme, le contenu et la longueur est à la libre appréciation de son auteur. Il ne s’agit que rarement, rappelons-le, de
journalistes professionnels ou en en ayant suivi la formation.
Résultats d’une recherche Google : le site est classé « en vert » (les sites faisant l’objet de plaintes et de critiques
accompagnés sont accompagnés d’une icône orange ou rouge), et est classé 28
e
meilleur site francophone dans la
catégorie «Economie» parmi les sites ajoutés en favoris (uniquement pour les utilisateurs du gestionnaire de favoris
XMarks, ayant des millions d’utilisateurs également). Un clic sur l’icône donne accès aux notes par critère (fiabilité,
sécurité des mineurs, crédibilité, etc.) et à des commentaires argumentés d’utilisateurs.
On reproche également aux médias alternatifs de se contenter de relayer une information déjà
donnée sur une autre source, au risque d’apparaître comme des agrégateurs de sites (un nouvel
article d’un blog reprendrait mot pour mot celui paru dans un autre média, alternatif ou dominant,
soit de manière manuelle, soit automatique (cf. les agrégateurs de fils RSS), ou alors en ferait la
transcription dans une autre langue). Comme nous avons déjà pu le voir (cf. note numéro 8), une
forte majorité des médias alternatifs relaieraient les informations des médias traditionnels. « La
pluralité des médias en ligne peut générer l’unicité de l’information » affirme Simon Piel dans un
article paru en juin 2009, dans lequel il traite au travers d’un cas réel (le crash d’un avion entre Paris
et Rio) la redondance de l’information et le circuit fermé du net17
.
Les acteurs des médias alternatifs se plaignent notamment d’un manque de collaboration au sein des
différents supports, dont une agence de presse, en réponse à l’AFP ou à Reuters, serait
particulièrement profitable. Bien que des réseaux de collectifs indépendants existent déjà
(Independant Media Center - Inymedia.org ou encore Alternative Media Global Project –
ourmedianetwork.org), leur influence est encore très limité.
Les médias alternatifs d’aujourd’hui, alors de plus en plus nombreux grâce à Internet, ne s’inscrivent
plus exclusivement dans la critique et la correction de l’information donnée par les médias de masse,
ce qui leur permet de se détacher progressivement du caractère d’opposition avec la pensée
dominante qu’on a pour habitude de leurs associer. Cela contribue aussi à leur conférer une nouvelle
forme de notoriété.
17
http://www.bakchich.info/Infos-le-net-en-circuit-ferme,07902.html
Bilan de l’état des lieux sur Internet
Similarités et différences entre les deux professions
Nous avons fait les portraits des formes de journalisme et de consommation qu’il y a dans les deux
médias, de masse et alternatifs, sur Internet.
Cependant, par la proximité et l’immédiateté offertes par Internet dans la recherche et la diffusion
d’information, ces deux médias peuvent être amenés à collaborer, même si généralement (cf. étude
Pew Research Center, 2008) cette collaboration s’effectue surtout dans le sens où les médias
alternatifs puisent leur source d’information dans les médias de masse (surtout par manque de
moyens de se « rendre sur le terrain » et d’effectuer le travail d’investigation que peuvent se
permettre les grosses structures médiatiques).
Au travers de la profession de journalistes indépendants, ces derniers peuvent être amenés à
proposer leurs travaux dans les deux plateformes, où bien souvent leur contribution « alternative »
émane de leur propre volonté, souvent désintéressée financièrement mais néanmoins pas toujours
sur le plan de la notoriété et l’image de marque qu’ils veulent se donner sur Internet (c’est le cas par
exemple du blog johnpilger.com du journaliste éponyme).
Neutralité de la presse sur Internet
Dans une démocratie, il est toujours difficile de gérer au mieux l’existence d’un journalisme
démocratique assez souple et ouvert pour couvrir à la fois les questions d’intérêt public et l’actualité.
Dans la mesure où le journalisme traite de politique, il donne toujours naissance à des controverses.
Ajoutons à cela que dans les cas des médias-entreprises, il ne peut pas se passer d’appuis et de
financement institutionnels, et qu’il reflète les choix conscients des rédacteurs en chef et des
reporters, et donc de ceux qui l’emploient et le congédient. Le journalisme ne peut jamais être
complètement neutre. Or, la tâche devient difficile lorsqu’on cherche à minimiser l’exigence de la
neutralité pour le journaliste avec plus de précision, lorsqu’il se veut de refléter tout l’éventail des
opinions dans une société. En tenant compte de cela et de la complexité de nos sociétés modernes
dans laquelle on vit, en en ajoutant la diversité et la densité d’Internet, il semble bien qu’il n’existe
pas de « solution » unique au problème de journaliste, si ce n’est en commençant par le décharger
des pressions (rapidité, forme, contenu mais aussi conservation de son emploi) auxquelles il est
soumis lors de la rédaction d’un article.
Par ailleurs, l’information sur Internet, très volatile, est dans une zone de non droit peu surveillée, ou
du moins permet d’être contournée ou de récidiver tout « manquement à la règle » assez facilement.
C’est actuellement le seul support qui revendique une liberté d’expression et d’opinion aussi
importante, ce qui peut laisser place, lorsqu’il y a manque d’autocensure et de sérieux dans le travail
d’informer, à la subjectivité et à l’engagement plus ou moins démesurés (sous couvert militantiste ou
autre). Ce sont tant de points qui portent et continueront de porter sérieusement atteinte à la
« neutralité » de la presse, alternative et masse-médiatique, sur Internet.
Libertés, censures et menaces sur Internet
Au début des années 2000, l’idée même d’une régulation des nouveaux médias sur Internet
paraissait inconcevable et, dans le grand public comme chez les professionnels, prévalait l’image
d’une liberté absolue, où le sens de la responsabilité des internautes suffirait à assurer le respect
d’un ensemble de comportements déontologiques et d’une véritable étiquette du net dont personne
ne s’écarterait car elle serait fondée sur des valeurs partagées par tous18
.
Depuis lors, 10 ans se sont écoulées et une série de mesures ont été et sont prévues d’être mises en
œuvre afin de surveiller et limiter l’utilisation d’Internet en tant que média alternatif.
Une nouvelle loi en préparation aux Etats-Unis pourrait couper le robinet aux internautes. Par
exemple, la Cybersecurity Act of 2009 puis Cybersecurity Act Of 2010, permet de limiter ou de couper
l'Internet aux USA. Il s'agit de la section 18 de la loi S 773 proposée par le sénateur John (Jay)
Rockefeller et la sénatrice Olympia Jean Snowe : « Le président peut déclarer un état d'urgence en
cybersécurité et ordonner la limitation ou la fermeture du trafic internet en provenance ou vers tout
gouvernement fédéral compromis ou tout système réseau critique ». Une loi du même type est
passée en 2010 au Royaume-Uni (Internet Censorship and Disconnection Law19
).
Il est apparu que 4 personnes sur 5 jugent l’accès à Internet comme un droit humain fondamental20
.
« Internet doit être considéré comme une infrastructure fondamentale, tout comme les routes et
l’eau » affirme Hamadoun Toure, secrétaire général de l’union de la télécommunication
internationale. Selon la même étude, la majorité des sondés estiment qu’Internet ne doit jamais être
régulé par aucun niveau de gouvernement et nulle part dans le monde.
Bien que les organismes de régulation avancent la protection des utilisateurs dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme, le racisme et la pédophilie, beaucoup voit cette intrusion comme un faux
argument à l’instauration d’une police de la pensée. Grâce à la « loi pour la confiance dans
l’économie numérique » de 2004, bons nombre de blogs et de vidéos amateurs ont été victimes de la
censure et fermés, alors que les conditions d’utilisation étaient respectés, et que les auteurs de ces
coupures osent à peine dire, à demi-mot, qu’il y a apparemment des sujets qui dérangent, dès lors
que l’on sort de la pensée dominante et bien-pensante21
.
Par ailleurs, les sites des médias dominants, bien qu’ils proposent quelquefois à leurs visiteurs de
participer aux articles dans le cadre de commentaires (souvent limités en taille), les soumettent à
modération. Bien qu’il y ait nécessité de ne pas publier systématiquement tout type de
commentaire, qui lorsqu’à caractères déplacés ou ouvertement outrageants peuvent mettre en
cause la notoriété du site voire de l’enseigne jusqu’à ses supports traditionnels qu’il représente, c’est
un point qui nuit fortement à la liberté d’expression et clos ces média dans l’image de médias
dominants (« de un vers plusieurs ») dont ils font déjà et continuent de faire l’objet. Des modérateurs
sont chargés de valider ou non la publication d’un commentaire, sans en informer l’auteur lorsque
son contenu ne satisfait pas certaines « règles » - règles qu’eux seuls connaîtraient… Bons nombre de
commentaires que j’ai moi-même voulu publier sur des sites Internet des médias-entreprises n’ont
18
C’est l’idée ressortie du Sommet mondial des régulateurs sur Internet et les nouveaux médias, décembre 1999.
19
http://www.eff.org/deeplinks/2010/04/u-k-passes-internet-disconnection-law
20
Etude américaine menée en 2008, conduite par la BBC sur 27 000 sondés
(http://refreshingnews9.blogspot.com/2010/03/four-in-five-believe-internet-access-is.html)
21
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article70946,
http://observatoiredelacensure.over-blog.com,
http://www.alterinfo.net/Dailymotion-censure-les-membres-qui-derangent-le-pouvoir-en-place_a42436.html
jamais franchi l’étape de la modération. Comble, des sites qui ont pour habitude d’ouvrir leurs
articles aux commentaires les ferment systématiquement sur des sujets sur lesquels ils ne veulent
pas entendre d’autres points de vue, même s’il s’agit d’approbations ou d’encouragements (sur la
thématique géopolitique surtout). C’est par exemple le cas du site 20minutes.fr, qui dès lors qu’il
publie un article sur la thématique du Proche-Orient ne laisse d’emblée place à aucun commentaire ;
ce qui n’est pas le cas dans les plateformes (sites et blogs) d’informations alternatives, pour lesquels
tous sujets ont vocation d’être discutés et analysés avec et/ou par le public.
Message remplaçant la zone de texte d’édition de commentaire sur le site 20minutes.fr pour certains articles
Dans le modèle économique de marché qu’adopte les média-entreprises sur Internet (publicité,
mesure d’audience, etc.), ils s’octroient également le droit de charger des organismes privés et
spécialisés dans la modération de commentaires. C’est le cas par exemple du NouvelObservateur.fr
et du figaro.fr, qui sous-traitent la modération de leur site à la société spécialisée Conciléo. La
modération parfois injustifiée et abusive, pour ne pas parler de censure, a fait l’objet de plusieurs
plaintes de la part des internautes22
.
Conclusion
Si Internet foisonne de ressources de médias à large diffusion, les médias-entreprises, ou médias de
masse, et les médias alternatifs se partagent à la fois ses supports (sites Internet, etc.) et ses
internautes. Alors que le marché d’Internet regorge de potentiels, sur les plans publicitaires et
technologiques notamment, le modèle économique des médias de masse sur Internet a de quoi
garantir encore de beaux jours à leurs sites Internet, ce qui n’est pas forcément le cas des médias
alternatifs qui, bien que certains d’entre eux arrivent à gagner et fidéliser un nombre croissant de
visiteurs, d’autres disparaissent. C’est un phénomène récurrent dans la blogosphère d’actualités dite
« citoyenne ».
Pour reprendre les mots de l’auteur d’un article23
à ce sujet, cette blogosphère peut aussi être la
victime d’une « épidémie de baisse de bras ». Il déplore le nombre de blogs d’information alternative
qui partant du principe de demeurer et de se faire connaître, ont fini par se voir être abandonné - et
ce qu’il s’agisse de « projets » pure players, c’est-à-dire à des fins lucratives (par la publicité surtout)
ou non. Les principales causes seraient dues à la double-vie (virtuelle et réelle) difficilement
maîtrisable des bloggeurs « amateurs » et rédacteurs d’articles ou de commentaires, mais aussi au
culte de la peur (peur de la censure et la fermeture d’un site et donc l’effondrement de tout un
projet, peur d’être poursuivi pour ses opinions qui diffèrent de la tendance dominante, conduite en
justice pour diffamation dont les politiques ont recours assez facilement, etc.) entretenue par les
médias de masse « se faisant propagandistes de la répression de nos dirigeants ».
22
http://www.betapolitique.fr/Concileo-et-la-censure-sur-02209.html
23
http://forget.e-monsite.com/rubrique,epidemie-de-baisses-de-bras,1129747.html
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[LIB01] Libertés & Internet, en ligne.
Disponible sur : http://libertesinternets.wordpress.com
[MAT01] Armand MATTELART, La communication-monde : histoire des idées et des stratégies, La
Découverte, 2002, 354 p.
[MAT 02] Armand MATTELART, La mondialisation de la communication, Presses Universitaires de
France, 1996, 216 p.
[MON01] Le Monde, Actualités à la Une, en ligne.
Disponible sur : http://www.lemonde.fr
[OBS01] Observatoire français des médias, en ligne.
Disponible sur : http://www.observatoire-medias.info

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Médias alternatifs et médias de masse sur Internet

  • 1. Les Humas Juin 2010 Projet Personnel en Humanités Médias de masse, médias alternatifs et traitement de l’actualité sur Internet Saad BENBOUZID, 5e année, Département Informatique INSA Lyon
  • 2. Sommaire Introduction............................................................................................................................................. 3 La presse sur Internet.............................................................................................................................. 4 Particularités des médias sur Internet ................................................................................................ 4 L’information sur Internet................................................................................................................... 6 Facteurs d’expansion........................................................................................................................... 8 Médias de masse sur Internet................................................................................................................. 9 Economie et marché de l’Internet ...................................................................................................... 9 Popularité des médias de masse....................................................................................................... 10 Information et journalisme ............................................................................................................... 13 Médias alternatifs sur Internet ............................................................................................................. 15 Analyses et objectifs du journalisme alternatif................................................................................. 15 Types de médias et particularités ..................................................................................................... 16 Critique de l’activité .......................................................................................................................... 18 Bilan de l’état des lieux sur Internet ..................................................................................................... 20 Similarités et différences entre les deux professions ....................................................................... 20 Neutralité de la presse sur Internet .................................................................................................. 20 Libertés, censures et menaces sur Internet...................................................................................... 21 Conclusion ............................................................................................................................................. 22 Références bibliographiques................................................................................................................. 23
  • 3. Introduction Si l’histoire des médias en tant que véhicule d’information a débuté avec l’avènement de la presse au XVe siècle, celle des médias de masse a commencé à voir le jour au rythme des révolutions technologiques et de l’information dès le début du XXe siècle. Les supports à l’initiation du courant médiatique de masse ont en effet été en étroite corrélation avec le développement des techniques de diffusion d’idées contemporaines (télévision, radiodiffusion, presse écrite à grand tirage, etc.). Marshall McLuhan, théoricien du XXe siècle, définit en tant que médias de masse tout média capable de véhiculer une information alors à même de toucher une large audience. C’est la définition que l’on continue de lui accorder et sur laquelle je m’entends lorsque je fais mention de ce terme dans ce document. Cette propriété leurs confère les caractères hégémoniques voire propagandistes, faisant l’objet de critiques de certains analystes des médias mais aussi consommateurs. Alors que, dans notre société occidentale, les courants de pensée opposés aux messages et aux modèles économiques et de diffusion des médias ne commencent à émerger vraiment qu’à partir des années 1960, en réponse au parti pris de ces médias de masse en faveur des guerres (Viêt-Nam, Indochine, etc.), ces mouvements protestataires et dénonciateurs n’ont à partir de là pas désempli. Au début essentiellement composés de personnes engagées et militantes (écologistes, féministes, antinucléaires, altermondialistes, etc.), ces mouvements et courants de pensée ont su se faire entendre en faisant part de leurs idéaux et en communiquant des informations chargées de couvrir ou de rectifier celles véhiculées en masse par les médias dominants. Cette communication a commencé avec l’utilisation de moyens d’information et de communication similaires à ceux utilisés par les entreprises des médias de masse, mais à une échelle beaucoup plus faible (quelques chaînes de télévision et de radiodiffusion, magazines et journaux indépendants, etc.). Dans l’optique de l'alignement des supports utilisés par les médias avec les (nouvelles) technologies de l’information et de la communication, un véhicule pour la diffusion d’information, mais aussi un marché, a commencé à être utilisé par les groupes médiatiques : Internet. Cependant, par les caractéristiques sociales, publiques et interpersonnelles qui lui sont attribuées, ainsi que par d’autres que ce document reprendra, ce support permet à la fois d’être utilisé en tant que vecteur de communication par les entreprises des médias de masse traditionnels (déjà dominants dans la télévision, la radio et la presse écrite) mais aussi par les mouvements qui se veulent critiques : les médias alternatifs. Dans le souci de limiter la frontière de l’étude dans l’espace et dans le temps, en centrant strictement sur un seul support d’information et de communication la problématique - déjà complexe - concernant la primauté des médias de masse dans nos sociétés, j’ai choisi de présenter, à partir de ma réflexion personnelle et de recherches documentaires, ce sujet qui porte sur la présence des médias de masse et des médias alternatifs sur Internet. Il tentera de comparer et de critiquer les médias de masse et alternatifs sur Internet, mais également les types de journalismes qui les représentent au travers de leurs activités et de leur champ d’action. Cette synthèse introduira en premier lieu une étude générale sur les attributs, avantages et inconvénients qu’offre Internet pour la diffusion et la consommation d’information, mais qu’il apporte aussi ; ce dans le but de comprendre sa complémentarité avec les supports médiatiques classiques. Cette première approche aura pour finalité de présenter ces deux types de médias sur Internet, avant de conclure sur la situation actuelle et future de la sphère médiatique dans ce même contexte.
  • 4. La presse sur Internet Particularités des médias sur Internet L’heure actuelle est aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, au travers d’outils et de gadgets, comme les ordinateurs et la téléphonie mobile, qui permettent de se connecter à Internet. Internet est un immense réseau communication mondiale, apparue à des fins militaires dans les années 1960, dans le but de communiquer de manière sécurisée. Le projet s’est étendu au domaine civil et permet d’interconnecter « des réseaux avec des réseaux », dans la finalité de relier et de faire communiquer entre eux un ensemble d’utilisateurs. C’est de ces utilisateurs qu’il est question lorsqu’il s’agit de qualifier à la fois les acteurs (médias de masse et alternatifs) et les consommateurs de médias. Basé sur un ensemble de protocoles permettant divers usages, on a pour habitude d’associer à Internet la notion de « toile », dans la mesure où elle permet de relier à des sites et des pages Web tout équipement connecté – un ordinateur par exemple. On doit dès 1989 au laboratoire du CERN de Genève, le standard « World Wide Web » (www) qui permet l’hypertextualisation ainsi que la mise en page d’informations sous forme de textes, sons, vidéos et images, ce qui permet de pousser les limites de la communication traditionnelle par télédiffusion, radiodiffusion et presse écrite. Les modalités de lecture et les postures de réception apportées au travers de l’hypertexte appliqué à l’information sont entre autres les suivantes : - L’accès à des documents qui ne présentent pas forcément un contenu textuel (photos, images mobiles, vidéos, bandes sonores). Il s’agit de liens d’accès. - L’accès hiérarchisée, voire guidée, à des rubriques (politique, sociologie, musique,…), des genres (reportages, portraits, interviews,…) ou des thèmes (écologie, tendances musicales,…). Il s’agit de liens de consultation. - L’accès en différé dans le temps aux différents médias proposés (avances et retours en arrière dans la lecture d’une information). Il s’agit de liens de progression. - L’accès à de plus amples informations, à la demande, qui sont proposées pour une information donnée (définitions, explications,…). Il s’agit de liens d’enrichissement. Les pages web proposées sur les sites Internet ont l’avantage sur les supports classiques de n’être contraints ni en temps ni en espace, dans la mesure où l’information mise à disposition ne dépend que de la capacité d’hébergement du site ; condition qui dans la majorité des cas est toujours satisfaite étant donnés la capacité et le moindre coût des hébergements et des stockages numériques. Ainsi, une première page de presse sur Internet peut présenter jusqu’à trente informations là où un quotidien écrit n’en livrera que quatre ou cinq. Bien entendu, dans un souci de captation du public, les sites Internet travaillent également la forme et le contenu de leur information afin de satisfaire à certains critères – point développé plus en détail dans la suite du document. Ainsi, Internet est en mesure de proposer les mêmes fonctionnalités que celles qu’offrent les supports classiques, en partie grâce à la télévision numérique et aux radios web que proposent déjà la plupart des grands groupes médiatiques de masse surtout présent dans ces derniers. C’est le cas de bons nombre d’entre eux, dont par exemple tf1, bfm, france televisions ou encore rmc. Par ailleurs, en dépit du fait qu’Internet livre des fonctionnalités nettement plus riches et attractives que
  • 5. celles offertes par les médias classiques, il n’y a pas une très forte immixtion de leur part « dans Internet ». En effet, mise à part certaines émissions sur les grandes chaînes nationales (le Grand Journal de Canal+ par exemple), la télévision semble avoir occulté l’existence d’Internet dans le cadre de par exemple des programmes destinés au cyberespace et au multimédia. Et lorsqu’elle les aborde, c’est en général via de courts reportages, souvent superficiels, et dans le but d’en souligner les risques ou le côté inquiétant (le téléchargement, la sécurité des mineurs, l’apparition d’un virus informatique, les réseaux pédophiles, etc.). Alors que, notons-le, l’inverse est beaucoup plus fréquent voire complémentaire de cette lacune : les médias traditionnels demeurent une source non négligeable et jamais tarie, qui nourrit blogs et forums de discussion – consacrés par exemple à des émissions télévisées ou à l’analyse de ces médias. L’usage d’Internet en tant que véhicule d’information divise l’opinion publique, car la pluralité des contenus et des utilisateurs, alors à la fois diffuseurs et consommateurs, ne garantit pas l’information qu’ils véhiculent. En effet, la publication sur la toile est moins contrôlée et identifiée que sur les médias traditionnels pour la bonne et simple raison qu’elle est offerte à absolument tout utilisateur disposant d’une connexion à Internet. Tout internaute a la possibilité de communiquer publiquement une information plus ou moins pertinente et riche en contenu, devenant alors potentiellement accessible à tout internaute. Ces publications se font généralement via les réseaux sociaux à condition de disposer d’un « profil », et peuvent se présenter sous différentes formes (partage de contenu textuel, vidéo, image ou sonore). Les principaux réseaux sociaux étant facebook, myspace, ou encore live spaces. Une autre méthode de publication consiste pour un internaute quelconque de disposer de son propre site web ou blog d’information au sein duquel il mettra publiquement à disposition une série d’articles qu’il aura rédigés. Ces plateformes sont d’autant plus nombreuses que les offres d’hébergement de blogs sont faciles d’accès, tant sur les plans techniques que financiers – bien qu’en réalité seuls les hébergements privés sont réellement sources de coûts. Les principales plateformes porteuses de ces offres sont, en plus des hébergeurs proposant gratuitement ou à très moindre coût de l’espace de stockage limité et un nom de domaine, comme webhost.com : blogspot, wordpress, skyrock et over-blog. Bien que la profusion de contenus sur Internet soit difficile à maîtriser, en partie lorsque l’on recherche une information en particulier, les moteurs de recherche garantissent l’indexation, le référencement et la catégorisation des sites Web1 . Ainsi, les sites les plus pertinents2 seront les premiers proposés par les moteurs de recherche, et donc a priori les sites les plus méritoires se verront être visités le plus et ses informations seront les plus largement diffusées. Selon les chiffres Ipsos (2008), la France dénombre environ 30 millions d’internautes, soit près de la moitié de la population. Bien qu’une fracture numérique sur les générations se pose, ce qui ne sera pas plus développé dans le document dans lequel on parlera plutôt de fracture sociale, on peut considérer Internet comme un support de large diffusion médiatique, potentiellement vecteur de médias de masse. Il est important de souligner que le surf sur Internet n’est pas exclusif de la fréquentation des médias traditionnels. En effet, les « gros internautes » consacrant plus de 31 1 En réalité, cela dépend de l’administrateur ou du propriétaire du site qui a la possibilité de rendre ou non disponible son site sur les annuaires publics (Google, Yahoo, Bing, etc.). Auquel cas le site ne se verra consultable que par ceux qui en connaissent l’adresse. 2 Sur internet, la pertinence est mesurée à partir d’algorithmes inconnus du public, propres à chaque moteur de recherche. Le critère de classement de Google se base sur le pagerank d’un site, prenant en compte en partie la dynamique, le nombre de visiteurs et la fréquence de mots-clés dans son contenu.
  • 6. heures mensuelles sur Internet passent également beaucoup de temps à l’écoute de la télévision, de la radio ou à la lecture de la presse. Chiffes Ipsos, 2008 En tout état de cause, les exemples ne manquent pas et démontrent de façon quasi quotidienne qu’un très grand nombre de gens se tournent vers Internet pour suivre en détail et en direct les événements majeurs de l’actualité mondiale. L’information sur Internet Notre société de l’information a des sphères d’intérêts très larges tant sur les plans géographiques que disciplinaires, auxquelles l’ubiquité et l’universalité d’Internet sont à même de répondre. Parallèlement, les informations qui nous parviennent nécessitent des internautes des connaissances, ou du moins des bases, dans différents domaines : dans celui des nouvelles technologies ne serait-ce que pour la maîtrise des outils et du multimédia Internet d’une part, et dans les sciences techniques, naturelles et humaines d’autre part (l’astronomie, l’épidémiologie ou encore la géopolitique par exemple). Les informations et leurs diversités foisonnent sur Internet, et l’internaute a besoin de maîtriser un minimum de règles et de connaissances pour chercher, sélectionner et trouver l’information qui lui correspond. Pour celui qui ne les maîtrise pas, son processus d’information peut conduire à de l’aliénation, sous le poids de la diversité et de la densité d’information, ou à de la malformation dans le cas où il n’est pas à même de confronter une information avec d’autres points de vue ou de savoir s’auto-garantir de la fiabilité d’une information. L’information est une marchandise à part entière, avec ses coûts et ses enjeux, mais aussi ses bénéfices. Comme dans les autres médias traditionnels, l’information est un produit qu’il faut travailler et mettre en forme afin de pouvoir être « vendu ». Dans les médias traditionnels, les bénéfices se comprennent par rapport à la vente de journaux et de magazines ou à la diffusion de journaux télévisés, dont le lectorat et l’audimat garantissent les revenus selon respectivement la marge sur les ventes, la publicité et la redevance télé. A la différence de ceux-ci, les médias sur Internet ont un modèle économique essentiellement basé sur les bannières de publicité, dont les gains dépendent directement du nombre de visiteurs. La finalité demeure la même : attirer un public internaute sur un site, améliorer ses statistiques3 et faire en sorte de le fidéliser afin qu’il y revienne. 3 L’utilité principale étant d’améliorer le pagerank d’un site et donc de le faire sortir parmi les premiers résultats des moteurs de recherche. Elles comptent : le pourcentage de nouvelles visites, le taux de rebond (temps passé sur une page sans en parcourir d’autres sur le même site), le nombre moyen de pages vues par visiteur, et le nombre de visiteurs (uniques).
  • 7. Il y a par ailleurs une deuxième, ou une autre fonction4 , qui est, pour un site d’information participatif, de fidéliser un public internaute dans le but de garantir le dynamisme, la richesse et ainsi d’améliorer la crédibilité et le pagerank d’un site. Le caractère multimédia d’Internet peut aussi être un facteur perturbateur dans la volonté d’informer, dans la mesure où il permet, encore plus que pour la télévision, de mélanger divertissement et information. Internet est un support plus à même que les médias traditionnels dans la mission de sélectionner et d’expliquer une information, en partie par la richesse du contenu qu’il propose et peut proposer (en plus il n’est limité ni en temps ni en espace). Il se complète par exemple à la règle des 5W (who, what, where, when, why) auquel doit se soumettre tout travail journalistique, grâce à l’hypertextualisation qui permettent d’acquérir une information plus rapidement tout en laissant la possibilité au consommateur de l’approfondir. Alors que les informations dans un journal télévisé ou dans un article de presse sont mises en forme afin de satisfaire à des exigences commerciales (augmenter et garantir un audimat et un lectorat), nous verrons comment les éléments suivants qu’on leur reproche ne sont plus sur Internet : - La taille des journaux, des articles et la durée des émissions télévisées sont bien définies, et doivent répondre à des exigences beaucoup plus strictes. - La part laissée à l’émotion et à la publicité (sponsors) au sein même des bulletins. - La catégorisation et sélection des informations dont on va parler, afin de respecter les contraintes en temps (durée d’un journal, durée que se permet de consacrer un lecteur presse écrite) et en taille (longueur d’un article mesuré au nombre de mots, voire au nombre de caractères). - On favorise les faits sur l’explication. C’est une fausse-objectivité qui entrave la mise en contexte au dépend d’une analyse approfondie. Cependant, Internet et ses technologies sont aussi porteurs d’une promesse de rapidité (cf. le « shivel journalism ») où les nouvelles « tombent » avant d’arriver dans les médias traditionnels. Et rappelons que les grands dérapages de l’information sont souvent liés à la précipitation. Par ailleurs, il comporte un paradoxe qui est la volatilité de l’information sur Internet (en particulier permise par le « copié-collé » et par le dynamisme des sites qui se répercute sur les résultats des moteurs de recherche). En effet, sur les réseaux sociaux par exemple, « l’info va vite ». Alors qu'en moyenne la moitié des cinq principaux sujets qui « font » l’agenda des médias traditionnels sur une semaine type étaient déjà présents la semaine précédente, ce taux est d'à peine de 5% sur Twitter5 , 13% sur les blogs et 9% sur la plateforme de partage vidéo YouTube, prise comme objet d’étude par le Pew Research Center. La conséquence est que sur les 49 semaines (durée de l’étude), le premier sujet discuté en ligne n'a que très rarement coïncidé avec celui occupant les médias traditionnels : 13 semaines sur 49 pour les blogs, quatre (sur 29 semaines étudiées) pour Twitter, et huit dans le cas des vidéos. Internet se complète avec l’actualité médiatique des médias de masse traditionnels, dans la mesure où les sujets diffusés en ligne ne sont pas ceux qui font leur une ; d’ailleurs tous les réseaux sociaux ne parlent pas de la même chose. 4 Certains sites d’information sont exempts de toute publicité, c’est le cas par exemple de lemonde.fr ou de blogs. 5 Réseau social de micro-blogging, créé en 2006, qui permet d’échanger des informations sous formes de brèves limitées à 140 caractères, accompagné ou non d’une référence vers un article qui les approfondissent. Slogan : « Discover what’s happening right now, anywhere in the world ». Les sujets les plus discutés sont mis en valeur par l’indexation d’une brève au moyen de hashtags.
  • 8. Couverture médiatique des blogs et de la presse traditionnelle Alors que les plateformes communautaires et sociales comme Twitter ou encore Facebook diffusent de l’information qui se distingue des événements des médias classiques (technologies et sciences en particulier), les blogs ont l’agenda qui colle le mieux avec celui des médias traditionnels. Cependant, ces supports informatifs présents sur Internet se focalisent souvent sur des sujets importants et préoccupants, quand l’agenda des médias traditionnels demeure à dominante institutionnelle et très largement centré sur les événements. Facteurs d’expansion Internet est un vecteur essentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur lequel elles s’appuient. En effet, les périphériques numériques tels les ordinateurs, les smartphones, les PDA ou les téléphones portables dont les derniers sont équipés de technologies en mesure d’utiliser pleinement toutes les fonctionnalités multimédia d’Internet (sons, images, vidéos, mais aussi fils d’actualités et messagerie), permettent désormais, au travers du nomadisme, la mobilité et l’ubiquité du consommateur. Ainsi, alors qu’auparavant la consommation des médias traditionnels était séparée de celle d’Internet (les ordinateurs, seuls points d’accès, étaient dans des chambres cloisonnées des postes de télévision et de radio, surtout écoutée en automobiles), les nouvelles technologies s’immiscent désormais dans ces derniers en franchissant cette frontière. Il est désormais courant de naviguer sur Internet depuis son ordinateur portable tout en regardant la télévision, ou de lire un article de presse papier alors qu’on écoute une web-radio depuis son téléphone mobile. De plus, l’émergence des réseaux sociaux sur Internet et la large communauté d’utilisateurs qui en font partie contribuent également à l’engouement des individus pour la consommation et l’échange d’information sur Internet. Deux tiers des Français âgés de 15 ans et plus déclarent se connecter à Internet, pour un temps moyen passé de 10-11 heures par semaine. De plus, le lien avec Internet se consolide car plus d’un internaute sur deux est utilisateur du web depuis plus de 5 ans.
  • 9. Les services pratiques et l’actualité restent les deux usages les plus répandus, mais on note un clivage qui apparaît selon l’âge, car ce sont les jeunes qui sont les plus forts consommateurs de contenus blogs et vidéos en ligne, à raison de respectivement 64% et 60% d’entre eux (chiffres Ipsos 2009). Médias de masse sur Internet Economie et marché de l’Internet Comme nous l’avons vu, Internet permet la diffusion et la réception de contenu multimédia très diversifié. Cependant, Internet n’est pas un service de communication audiovisuelle mais un support de diffusion qui peut être utilisé pour véhiculer des services audiovisuels, de la télévision, de la radiodiffusion mais également du courrier électronique, des conversations téléphoniques ou des services d’hébergement de sites, dont l’usage principal dans le cadre de l’étude est à des fins d’actualités et d’informations. Le marché de l’information n’est pas un marché tout à fait comme les autres. Si les médias sont bien des entreprises – sur Internet notamment (rédactions, annonceurs, publicitaires, sociétés de référencement, etc.) – certaines étant même cotées en bourse, la « marchandise » qu’elles proposent au public possède des caractéristiques propres et elles doivent s’adapter à une logique commerciale particulière. Par définition, l’information est une marchandise périssable, qui doit être consommée rapidement, sous peine de perdre de sa valeur. L’enjeu en est d’autant plus grand que l’information sur Internet est volatile (référencement par les robots des moteurs de recherches très rapide, « copié-collé », etc.). Les médias de masse, c’est-à-dire capables de toucher une large audience, sont dans les médias traditionnels généralement détenus par des grosses entreprises, des holdings, ou par l’état (Hachette Filipacchi, Lagardère Active, TF1, France Televisions, etc.). Bien que tous ces groupes médiatiques (de la télévision à la radio, en passant par les presses magazine et quotidienne) aient leurs vitrines sur Internet dans laquelle ils présentent une partie sinon l’intégralité voire plus de ce qu’ils proposent dans les médias traditionnels, l’inverse n’est pas toujours le cas pour les « médias de masse » dans le sens où la définition l’entend. C’est par exemple le cas de sites d’actualités à fortes visites comme lepost.fr, clubic ou les blogs les plus prisés sur la plateforme la plus populaire comme over-blog.com6 , qui ne sont présents que sur Internet. Etant donné que des médias alternatifs peuvent également faire l’objet d’une forte audience (nombre de visiteurs internautes), et donc être considérés comme médias de masse, il est désormais nécessaire d’enrichir la notion de « médias de masse » pour la suite. Sauf mention explicite, on distinguera à présent comme médias de masse sur Internet également les « média-entreprises », aussi appelés « médias dominants », qui font référence à la production et à la distribution des médias de masse mais aussi en tant que propriétés financées et sources de revenus de grandes entreprises. Leurs modèles économiques suivent des impératifs capitalistes (maximisation des bénéfices pour ses investisseurs, ses actionnaires et ses annonceurs). Alors que ces médias de masse s’engagent dans le marché d’Internet dans le seul but de véhiculer des idées et donc de « vendre à perte » leur information (économiques et politiques, cf. média en 6 Source : sitedelannee.fr, 2009
  • 10. tant que « 4e pouvoir » et connivence média/politique) outre les supports traditionnels, d’autres ont gardé une approche purement lucrative au travers des modèles de revenus qu’offrent Internet. La principale source de bénéfices provient de la publicité au travers de bannières statiques ou dynamiques, et de spots vidéo. Elles sont gérées par des régies internes (TF1 Publicité pour son propre site Internet tf1.fr) ou externes comme Google Adsense par exemple. Les valorisations boursières des acteurs médias prouvent que l’intérêt des investisseurs pour leurs stratégies est bien réel. Le chiffre d’affaire de la presse en ligne atteint 840 millions d’euros en début 2010, et la part de publicité en ligne augmente de 10 à 12% par an en raison du développement de l’ « effort d’offre » qui rendent les sites dignes d’intérêts (étude Precepta, 2009). Dès lors, les activités en ligne de la part de ces médias de masse peuvent s’avérer extrêmement rentable, à raison que les coûts soient maîtrisés. Mais la publicité en ligne séduit les annonceurs car elle démontre ses avantages concurrentiels dont les principaux sont l’audience quantifiable, la possibilité de mesurer avec précision le retour sur investissement et la maîtrise des techniques de ciblage. Alors que ce modèle économique basé sur la publicité apporte bénéfices croissants et pérennes, le marché de l’information sur Internet n’en est pas moins exonéré du contexte concurrentiel. Ce dernier étant notamment régi par les moteurs de recherche et les annonceurs, mais aussi par des partenariats entre différents sites (au moyen de « back links » (liens de retours) entre des articles ou des sites externes). Popularité des médias de masse L’utilisation coordonnée et simultanée de plusieurs médias transportant un message unique vers un même public cible permet d’en multiplier l’impact. Il s’agit là de la principale connotation que l’on associe aux médias dominants, aussi appelés « mainstream media » pour reprendre le terme anglais. Par ailleurs, les médiats-entreprises qui concernent la majorité des médias dominants ont longtemps fait l’objet de nombreuses critiques dans la mesure où lorsqu’ils sont à même d’être les médias dominants, ils sont manipulés par les entreprises, souvent affiliées à des grandes banques, qui les possèdent afin de satisfaire leurs propres intérêts, bien souvent politiques et économiques. Cette connivence entre les médias, la politique et le modèle libéralo-capitaliste occidental et le rôle exercé sur l’opinion publique ont été montrés au travers de nombreux exemples et analyses.7 Sur Internet, à l’exception notable des vidéos, où la catégorie « amateur » est largement présente, ce sont avant tout des sujets produits par des journalistes professionnels qui alimentent les sujets en ligne. De plus, d’après une étude américaine, plus de 99% des sujets traités sur les blogs et les plateformes communautaires ont au préalable été traités par des médias professionnels. Pour couvrir la popularité des médias de masse sur Internet (à la fois en terme d’utilisation et de confiance qu’on leurs consacrent), toujours dominés8 par les média-entreprises comme lemonde, l’express ou encore liberation, nous mettrons en avant quelques données statistiques issues d’un 7 Je renvoie le lecteur aux nombreux travaux des analystes des médias Noam Chomsky, Robert McChesney (américains) ou encore Armand Mattelard et Hervé Coutau-Bégarie (dont son livre Les médias et la guerre, Economica, octobre 2005). 8 Selon une étude menée par le très sérieux institut américain Pew Research Center qui a eu les honneurs d'une courte dépêche AFP, 95 % des "informations nouvelles" sont produites et publiées par les médias traditionnels, quotidiens en tête. Seules 4 % des actualités proviendraient réellement des nouveaux médias de l'internet (sites d'infos "pure player", blogs, réseaux sociaux, etc.).
  • 11. sondage TNS-SOFRES réalisé en janvier 2010, sur un échantillon national de 1000 personnes représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus. Evaluation : En général, à propos des nouvelles que vous lisez dans un journal / entendez à la radio / voyez à la télévision / Internet, est-ce que vous vous dites : Selon l’étude, la radio reste le média le plus crédible, Internet l’étant le moins malgré une nette amélioration depuis 5 ans. A noter que la proportion de stations de radio « alternatives » est très faible par rapport aux grandes stations des grandes sociétés, ou gouvernementales. Evaluation : Crédibilité des médias selon l’âge et l’utilisation d’Internet Les chiffres sont sans appels, Internet demeure le mauvais élève en termes de support médiatique, alors placé en dernière position en ce qui concerne la crédibilité. Evaluation : De quelle(s) manière(s) vous tenez-vous au courant de l’actualité nationale et internationale ? La télévision reste le 1er canal d’information, devant la radio, la presse écrite et en dernière position encore une fois, Internet. Les Américains sont cependant plus ouverts à l’information sur Internet,
  • 12. avec des chiffres en hausse. A noter par ailleurs que la blogosphère française ne couvre qu’un tiers des événements et de l’information de la blogosphère anglophone. Evaluation : Pour chacun des media suivants, diriez-vous que dans 10 ans on l'utilisera davantage ou moins que maintenant pour s'informer sur l'actualité nationale et internationale ? Point positif, l’avenir des médias sur Internet est celui qui se voit du meilleur œil. Parmi les événements les plus couverts en 2009 sur Internet par les média dominants, la même étude a listé : - La grippe A - Le décès de Mickael Jackson - La main de Thierry Henry - L’affaire Polanski - La cavale de J.P Treiber - La burqa - … Alors que les sujets qui, selon les sondés, auraient pu et dû faire l’objet d’une couverture médiatique plus importante, ont été en 2009 : - Les grèves en Guadeloupe - La Loi HADOPI - Le thème de l’environnement et du réchauffement climatique - L’élection présidentielle iranienne - La mise en place du RSA - La réforme des collectivités locales - Le sommet de la FAO sur la faim dans le monde - …
  • 13. Evaluation : La remise en cause de l’indépendance des journalistes Il s’agit de sujets plutôt « à gauche » politiquement, voire altermondialistes en ce qui concerne l’écologie ou la faim dans le monde. Ce sont naturellement des idéaux que les médias dominants aux soldes d’entreprises capitalistes et libérales défendent moins vigoureusement, et donc couvrent moins médiatiquement… Relativisons cependant la chose, car les médias-entreprises se basent aussi sur les attentes de ses consommateurs, ne serait-ce que pour satisfaire au modèle économique de l’offre et de la demande. Information et journalisme Le journaliste des médias de masse est avant tout un salarié permanent de l’entreprise de presse dont il dépend. Il peut travailler au sein de la rédaction ou être pigiste, c’est-à-dire salarié mais payé à la tâche. Alors qu’il est de plus en plus demandé dans les écoles de journalistes qu’ils soient capables de rapporter et de produire du contenu multimédia, les acteurs de la presse de masse sur Internet possèdent souvent cette polyvalence (on les trouve rédiger des articles pour le site Internet de l’éditeur ou pour la presse papier, comme on peut les voir participer à des émissions télévisées ou radios, tout en tenant un blog sur Internet à leur propre nom). C’est le cas par exemple de célèbres journalistes-reporters comme Eric Laurent. On ne peut qualifier de médias dominants l’ensemble de la communauté des journalistes professionnels, étant donné que des médias alternatifs peuvent être amenés à employer une partie de leur personnel, comme par exemple le site d’actualités « alternatives », bien que discutables, rue89. Comme nous l’avons vu, les informations publiées ou diffusées par des médias traditionnels guident les sujets qui vont dominer l’actualité sur Internet. Cette victoire sans appel de la vieille presse – on gardera le terme dans la mesure où les revues papiers sont présentes intégralement au format numérique sur leurs portails web respectifs - sur les nouveaux médias (les blogs et autres formes de médias alternatifs dont que développerons dans la suite du document) s’explique en partie par la disproportion des moyens mis en œuvre. En effet, un « desk web » employant une poignée de jeunes journalistes à tout faire ne peut pas rivaliser avec une équipe de rédaction d’une centaine de « rubricards », certes souvent lents à réagir en ligne, mais disposant d’un gros carnet d’adresse et d’une certaine notoriété.
  • 14. Les chercheurs du Pew Research Center ont par ailleurs constaté que sur Internet, « le modèle économique sur lequel est fondé le journalisme professionnel tend à disparaître », ce qui a pour conséquence de baisser le nombre de personnes dont le métier est de chercher et de trier l’information (journalisme d’enquête par exemple). C’est généralement le résultat de plans sociaux et de démarche commerciale courant après la productivité, qui ont pour ainsi dire décimé les rédactions. La conséquence nécessaire de cet appauvrissement journalistique est donc la standardisation de l’information sous des formes et contenus souvent contraints et limités, ce qui aurait pour conséquence de moins en moins bien informer les internautes alors qu’ils ont paradoxalement l’impression de crouler sous une avalanche d’informations en temps réel. Dans un article paru sur lemonde.fr9 en mai 2009, une description est faite de ses nouveaux journalistes du web dont le surnom de « OS de l’info » ou encore « journalistes low cost » leur a été attribué par l’auteur du livre La fin des journaux et l’avenir de l’information, Bernard Poulet. J’invite le lecteur à se référer à cet article pour comprendre la situation du journalisme web qui travaille pour les médias dominants (LExpress.fr, LeNouvelObservateur.fr, etc.). Les éléments à retenir sont notamment les suivants : - Les conditions et contrats de travail sont nettement moins attractifs que pour les rédacteurs de la presse papier. - Le travail est souvent « bâclé » faute de temps ou sous la pression des rédacteurs en chefs, étant donné que le modèle économique et technique du web (volatilité de l’information en parallèle avec la concurrence) répond à des exigences de rapidité. Il faut être le premier à publier et mettre en ligne une information afin d’être les premiers référencés par les moteurs de recherche. - La vérification de l’information n’est pas la priorité. Il arrive parfois même de voir des erreurs aberrantes en ligne un certain nombre d’heures avant d’être recorrigées (soit par la rédaction, soit par les réactions des visiteurs). - Les journalistes sont relativement jeunes (moyenne d’âge de 34 ans contre 44 pour la presse papier), et pour la plupart stagiaires, CDD ou CDI. Ajoutons à cela la précarité de ces emplois, ayant fait l’objet de plaintes de la part de syndicaux de presse. Il faut en plus mentionner l’usage de pigistes qui sont des journalistes rémunérés à la tâche (rédaction d’articles en particulier) dont la situation peut être d’une extrême précarité10 . « En reconnaissance de nombreuses années de service, nous aimerions vous offrir un salaire » Ceci peut être une raison pour le journaliste en contrat de travail de travailler à son nom, afin de pouvoir exercer librement et pleinement son activité. C’est le cas de bloggeurs non amateurs, qui ont 9 http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2009/05/25/les-forcats-de-l-info_1197692_3236.html 10 http://www.rue89.com/cabinet-de-lecture/2009/04/14/les-galeres-des-intellos-precaires-prolos-du-savoir
  • 15. préféré se lancer dans des pure players, c’est-à-dire des entreprises ayant démarré et exerçant leurs activités uniquement sur Internet – en rappelant que les astuces pour générer du revenu de la publicité en ligne sur un site web ne manquent pas et les résultats sont sans appel. Les journalistes peuvent alors rédiger leurs articles au rythme et au contenu qu’ils désirent, selon la manière dont ils gèrent leur site (souvent blog) : en maîtrisant bénéfices liés à la publicité et intérêt personnel pour la rédaction et la volonté d’informer au-delà des méthodes « formatées », « rapides » et « contrôlées » des médias de masse pour lesquels ils travaillaient. Ce type de journalisme peut alors constituer une forme de média alternatif sur Internet. Médias alternatifs sur Internet Analyses et objectifs du journalisme alternatif Un média alternatif se présente par définition comme un média pouvant utiliser les mêmes supports que les médias de masse, mais à ceci près que leur budget et leur notoriété sont nettement moindres, et que les informations qu’ils communiquent se revendiquent souvent désintéressées financièrement et à contre-courant des tendances dominantes (et ce sur presque tous les domaines : géopolitique, santé, économie, sciences, etc.). Par ailleurs, l’information alternative se caractérise comme plus engagée, plus critique et plus militante, et se charge de couvrir ce qu’elle estime que les médias dominants ne couvrent pas suffisamment, biaisent voire passent sous silence. Ils estiment faire passer un message que les médias dominants, accusés d’être ligotés de par leur appartenance à de grands groupes financiers, ne diffuseraient pas. Les caractéristiques d’Internet que l’on a vu précédemment font remarquer combien il est facile pour un internaute de s’engager dans une démarche de diffuser de l’information au contenu « alternatif », au moyen des plateformes sociales ou des blogs qui invitent à la participation. Mais les médias alternatifs sur Internet (sites web à part entière, blogs personnels, web-radios, télévision en ligne, etc.) ont aussi pour origine un ou plusieurs autres supports traditionnels, et ont vu le jour avant l’apparition et l’utilisation massive d’Internet dans les ménages (début des années 1990). L’existence de ces médias revendiqués indépendants, objectifs, critiques et autocritiques, révèlent de l’éveil d’un phénomène social, dissident et critique, malgré les efforts déployés par les média dominants de diffusion en masse pour maîtriser la pensée et fabriquer le consentement11 . En dépit de tout, les gens développent et veulent développer leur capacité et leur volonté de réfléchir en profondeur. Le scepticisme envers les médias dominants et le pouvoir s’accroît et les attitudes se sont transformées. Grâce à Internet et aux nombreux médias alternatifs qu’il dénombre, le travail journalistique critique, participatif voire collaboratif porte ses fruits, et à contrario des médias traditionnels dont les moyens de communication ne le permettaient que très peu, les individus découvrent qu’ils ne sont plus seuls et que d’autres pensent comme eux12 . Il devient possible de renforcer ses propres opinions et d’en apprendre davantage sur ce que l’on pense et sur ce en quoi l’on croit. Certains des auteurs ou consommateurs de médias alternatifs n’appartiennent pas forcément à des mouvements politiques ni se revendiquent d’un courant de pensée particulier ; il 11 Noam Chomsky, La fabrique du consentement, 1988. 12 Je renvoie le lecteur par exemple aux termes de contre-culture, de mouvements alternatifs aussi dits « libres penseurs », et aux courants dissidents voire subversifs.
  • 16. s’agit simplement d’un état d’esprit qui favorise les échanges, la réflexion, la volonté de s’informer et l’esprit critique sur l’actualité dominante. "En France, la propriété des grands médias est concentrée entre les mains de groupes industriels et financiers, dont deux fabricants d'armes : Lagardère (via Hachette) et Dassault (via la Socpresse)." Ignacio Ramonet - Monde diplomatique, janvier 2007 A la différence des média dominants, ils sont pour la plupart désintéressés financièrement, ce qui fait qu’ils ne suivent pas les mêmes modèles économiques, et la conséquence en est la plus forte part d’argumentation et de documentation dans les articles et les informations qu’ils proposent. « There is no alternative » était un slogan politique attribué à Margaret Tchatcher qui signifie que le marché , le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques, et que tout régime qui prend une autre voie court à l’échec. C’est par exemple ce genre d’état de pensée, couramment associé à la tendance des médias dominants détenus par les entreprises capitalistes et les gouvernements, que les médias alternatifs veulent « attaquer » et défier. La réponse est claire : « créer une alternative à ce qui semblait ne pas y avoir d’alternative ». Ils se veulent critiques vis-à- vis de l’uniformisation de la pensée unique, du moins du message unique, véhiculé(e) par les médias de masse. Les médias alternatifs, dans cette optique-là, sont donc initiés par une démarche critique et une analyse de l’information dominante, au travers d’informations nouvelles, dans la finalité de répondre à cette « propagande » dans laquelle ils ne veulent pas se fondre et ne peuvent pas adhérer. C’est par exemple le cas d’individus non professionnels ou professionnels dans le métier du journalisme qui choisissent de s’engager dans l’entretien ou la participation à des médias alternatifs (sites web, etc.). Les médias alternatifs peuvent aussi être nés d’une colère13 vis-à-vis de la profession de journalisme pour les médias de masse et de la manière dont ils traitent l’information sur Internet (cf. la partie précédente). Ils estiment par ailleurs qu’une « guerre au savoir »14 est faite - via le modèle économique des médias de masse sur Internet et le manque de contenu accordé à leur information voire à l’aliénation -, car le savoir est ce qui est censé amené tout citoyen à pouvoir émettre une critique et remettre en question l’information. Les médias alternatifs se revendiquent donc également de produire un contenu qui amène à la réflexion et à la participation citoyenne et ouverte, et de leur redonner foi en des médias qui sont « toujours » là et qui existent. Types de médias et particularités Les médias alternatifs se présentent aussi comme un moyen de s’attarder sur un point qui apparaît comme un détail ou dont la couverture est raccourcie dans l’information courante (des médias de masse), en se donnant les moyens de développer une thématique donnée à partir d’un travail de fond et de la participation de rédacteurs expérimentés et d’anonymes dont chacun apporte sa contribution et son regard critique. Ils ont pour la plupart la chance de se doter de la capacité d’écrire 13 Vis-à-vis : du modèle économique commercial et intéressé, de la réduction de la taille des articles et de la part d’analyse qu’on lui accorde, diminution du nombre d’articles d’investigation, travail du contenu multimédia qui se place plus en tant que «communication» qu’en tant qu’invitation à la réflexion, etc. 14 Propos recueilli de Thierry Delaveau, directeur du site Internet et journal alternatif L’Etranger.
  • 17. (travail littéraire), on parle aussi d' « artisans de l’information », ce qui contribue aussi à améliorer l’image de leur discours. Ce par rapport à quoi ils se distinguent également des médias de masse, c’est de produire, traiter et rendre disponible de l’information « sans moyens », ou du moins avec des moyens relativement faibles15 , tout en ne la considérant pas comme « une marchandise ». Le modèle de revenus de ces médias sur Internet, nourris en information par les internautes visiteurs, par des bénévoles, par des journalistes freelance indépendants lorsqu’ils peuvent se le permettre ou par des employés pour des structures plus importantes, est basé sur les dons des visiteurs ou sur les revenus générés par les annonces publicitaires qu’ils hébergent. Cependant, ceci apporte un certain nombre de paradoxes sur lesquels les médias alternatifs ne s’accordent pas tous : - Pour diffuser ses idées, un média alternatif devrait prendre de l'importance et grandir en diffusion, en influence. Mais si cela arrivait, il serait considéré par le milieu alternatif comme traitre à la cause car intégrant désormais le camp de l'hégémonie (des médias dominants). L'accès à une certaine massivité est l'objet d'une polémique dans le milieu alternatif entre ceux qui voudraient y arriver, ceux qui la rejettent et ceux qui pensent qu’elle est de toute façon inaccessible. - Pour pouvoir développer un discours différent, il faut être indépendant. Pour cela, il faut garantir que personne ne manipule l’information, et pas moins les pressions financières ou objectifs lucratifs. Ainsi, le rapport à l'argent pour les médias alternatifs est primordial car il touche à la légitimité du média et de son discours. Pour certains médias, le simple fait d'accepter un financement, est préjudiciable à l'intégrité du média. Toute aide financière est vécue comme une tentative d'ingérence et de prise de contrôle de celui-ci. Pour d'autres, plus pragmatique, la publicité et les subventions de l'état ou d'une fondation, sont une source de revenus tout à fait acceptables du moment qu'ils ne déterminent pas le contenu du média. On recense différents types de ressources alternatives sur Internet, hormis leurs supports (site, blog, web-radio, etc.), et leurs contenus sont parfois spécialisés sur quelques thématiques bien précises, alors que d’autres sont beaucoup plus diversifiés. Par exemple des médias alternatifs, comme alternatives-economiques.fr sont engagés dans des optiques altermondialistes, dans le but de faire connaître au public et au plus grand nombre, des alternatives économiques, sociales, culturelles et environnementales, alors que d’autres par exemple se chargent essentiellement de proposer une critique politique et économique sur la couverture de l’actualité par les média-entreprises, comme par exemple alterinfo.net, ou encore de se présenter comme vitrine d’analyse des médias dominants sur Internet pour en corriger le message et en dénoncer les abus et dérives (désinformation et malformation) : acrimed.org ou encore michelcollon.info. Les médias alternatifs ont l’avantage de privilégier la participation, ce que les plateformes blogs comme blogspot.com, over-blog.com ou encore wordpress.com sont à même de proposer au moyen d’articles que l’auteur, généralement administrateur du site, peut proposer et laisser commenter par ses visiteurs, ou encore peut également laisser publier par les visiteurs. Bien qu’elles n’aient pas 15 Sauf cas exceptionnels de médias alternatifs qui ont percé, grâce aux dons et aux revenus générés par les quelques bannières publicitaires, dont l’archétype est HuffingtonPost.com, capable de faire concurrence avec le WashingtonPost.com et NewYorkTimes.com.
  • 18. toujours comme première utilité l’échange d’information « utiles » (terme je juge à caractères ni commerciaux ni ludiques) sur des sujets donnés, les plateformes de réseaux sociaux en proposent également les fonctionnalités (il existe par exemple des profils et pages facebook spécialisés dans la diffusion d’informations alternatives, qui sont suivis et invitent à l’échange avec des dizaines de milliers d’utilisateurs réguliers). Critique de l’activité Si les médias alternatifs, participatifs et partants d’une bonne volonté sont plutôt florissants pour garantir la liberté d’expression et d’opinion sur Internet16 , le travail de ses acteurs n’en est pas moins exempt de critiques sujettes à polémiques. Le fait que de nombreux journalistes citoyens soient souvent des militants pour une cause ou une idéologie en particulier peut prêter à caution (idéologie : politique, religieuse, etc.). Les médias traditionnels reprochent aux médias alternatifs de manquer de l’objectivité nécessaire à la pratique du journalisme. « L’avantage, c’est qu’un citoyen journaliste sera capable de publier quelque chose qu’un journal aura peur d’imprimer. L’inconvénient, c’est que la vérification des faits se fait après publication » Craig Alexander Newmark, fondateur du site d’annonces craigslist.org En effet, la création d’un site web, ou plus particulièrement d’un blog, est une opération à porter de main de tout internaute. Internet n’étant pas encore, du moins pas complètement (cf. la partie qui suit), une zone très bien contrôlée, dans laquelle une information peut se communiquer et se propager aussi rapidement que facilement, la crédibilité et l’objectivité des blogs par rapport aux intérêts et idéaux (implicites ou explicites) de leurs auteurs ne sont pas toujours garantis. Ou alors, ils ne le sont que par les réactions des visiteurs qui peuvent les exprimer à ce sujet – mais pour cela il faudrait encore également être sûr de l’objectivité de cette critique, ce qui conduirait à un cercle vicieux. A moins que la véritable garantie puisse, après tout, être assurée par l’ensemble des critiques des visiteurs, sous réserve qu’ils représentent une part suffisamment représentative et hétéroclite de points de vue ? Mais encore faudrait-il aussi que le visiteur perdu prenne le temps d’analyser l’ensemble de ces critiques, ce qui représente un travail beaucoup trop conséquent. Il y a toutefois des outils qui le permettent, comme par exemple MyWot.com (Web Of Trust). Il s’agit d’un outil mis à la disposition des navigateurs (Chrome, Firefox et Safari) sous la forme d’une extension, qui avertit les utilisateurs quant au contenu d’un site. MyWot est communautaire et revendique l’évaluation de millions de sites Internet, et l’inscription de millions d’utilisateurs alors évaluateurs. Il vous avertit des sites qui sont connus comme « escroquerie » sur Internet, vendeurs de faux, etc. Mais il peut également être appliqué pour les sites d’actualités. 16 On parle également de « journalisme citoyen », dont le média alternatif agoravox.fr s’en revendique en permettant à tout internaute de témoigner sur ce qu’il voit, entend et constate dans le cadre d’articles et de commentaires dont la forme, le contenu et la longueur est à la libre appréciation de son auteur. Il ne s’agit que rarement, rappelons-le, de journalistes professionnels ou en en ayant suivi la formation.
  • 19. Résultats d’une recherche Google : le site est classé « en vert » (les sites faisant l’objet de plaintes et de critiques accompagnés sont accompagnés d’une icône orange ou rouge), et est classé 28 e meilleur site francophone dans la catégorie «Economie» parmi les sites ajoutés en favoris (uniquement pour les utilisateurs du gestionnaire de favoris XMarks, ayant des millions d’utilisateurs également). Un clic sur l’icône donne accès aux notes par critère (fiabilité, sécurité des mineurs, crédibilité, etc.) et à des commentaires argumentés d’utilisateurs. On reproche également aux médias alternatifs de se contenter de relayer une information déjà donnée sur une autre source, au risque d’apparaître comme des agrégateurs de sites (un nouvel article d’un blog reprendrait mot pour mot celui paru dans un autre média, alternatif ou dominant, soit de manière manuelle, soit automatique (cf. les agrégateurs de fils RSS), ou alors en ferait la transcription dans une autre langue). Comme nous avons déjà pu le voir (cf. note numéro 8), une forte majorité des médias alternatifs relaieraient les informations des médias traditionnels. « La pluralité des médias en ligne peut générer l’unicité de l’information » affirme Simon Piel dans un article paru en juin 2009, dans lequel il traite au travers d’un cas réel (le crash d’un avion entre Paris et Rio) la redondance de l’information et le circuit fermé du net17 . Les acteurs des médias alternatifs se plaignent notamment d’un manque de collaboration au sein des différents supports, dont une agence de presse, en réponse à l’AFP ou à Reuters, serait particulièrement profitable. Bien que des réseaux de collectifs indépendants existent déjà (Independant Media Center - Inymedia.org ou encore Alternative Media Global Project – ourmedianetwork.org), leur influence est encore très limité. Les médias alternatifs d’aujourd’hui, alors de plus en plus nombreux grâce à Internet, ne s’inscrivent plus exclusivement dans la critique et la correction de l’information donnée par les médias de masse, ce qui leur permet de se détacher progressivement du caractère d’opposition avec la pensée dominante qu’on a pour habitude de leurs associer. Cela contribue aussi à leur conférer une nouvelle forme de notoriété. 17 http://www.bakchich.info/Infos-le-net-en-circuit-ferme,07902.html
  • 20. Bilan de l’état des lieux sur Internet Similarités et différences entre les deux professions Nous avons fait les portraits des formes de journalisme et de consommation qu’il y a dans les deux médias, de masse et alternatifs, sur Internet. Cependant, par la proximité et l’immédiateté offertes par Internet dans la recherche et la diffusion d’information, ces deux médias peuvent être amenés à collaborer, même si généralement (cf. étude Pew Research Center, 2008) cette collaboration s’effectue surtout dans le sens où les médias alternatifs puisent leur source d’information dans les médias de masse (surtout par manque de moyens de se « rendre sur le terrain » et d’effectuer le travail d’investigation que peuvent se permettre les grosses structures médiatiques). Au travers de la profession de journalistes indépendants, ces derniers peuvent être amenés à proposer leurs travaux dans les deux plateformes, où bien souvent leur contribution « alternative » émane de leur propre volonté, souvent désintéressée financièrement mais néanmoins pas toujours sur le plan de la notoriété et l’image de marque qu’ils veulent se donner sur Internet (c’est le cas par exemple du blog johnpilger.com du journaliste éponyme). Neutralité de la presse sur Internet Dans une démocratie, il est toujours difficile de gérer au mieux l’existence d’un journalisme démocratique assez souple et ouvert pour couvrir à la fois les questions d’intérêt public et l’actualité. Dans la mesure où le journalisme traite de politique, il donne toujours naissance à des controverses. Ajoutons à cela que dans les cas des médias-entreprises, il ne peut pas se passer d’appuis et de financement institutionnels, et qu’il reflète les choix conscients des rédacteurs en chef et des reporters, et donc de ceux qui l’emploient et le congédient. Le journalisme ne peut jamais être complètement neutre. Or, la tâche devient difficile lorsqu’on cherche à minimiser l’exigence de la neutralité pour le journaliste avec plus de précision, lorsqu’il se veut de refléter tout l’éventail des opinions dans une société. En tenant compte de cela et de la complexité de nos sociétés modernes dans laquelle on vit, en en ajoutant la diversité et la densité d’Internet, il semble bien qu’il n’existe pas de « solution » unique au problème de journaliste, si ce n’est en commençant par le décharger des pressions (rapidité, forme, contenu mais aussi conservation de son emploi) auxquelles il est soumis lors de la rédaction d’un article. Par ailleurs, l’information sur Internet, très volatile, est dans une zone de non droit peu surveillée, ou du moins permet d’être contournée ou de récidiver tout « manquement à la règle » assez facilement. C’est actuellement le seul support qui revendique une liberté d’expression et d’opinion aussi importante, ce qui peut laisser place, lorsqu’il y a manque d’autocensure et de sérieux dans le travail d’informer, à la subjectivité et à l’engagement plus ou moins démesurés (sous couvert militantiste ou autre). Ce sont tant de points qui portent et continueront de porter sérieusement atteinte à la « neutralité » de la presse, alternative et masse-médiatique, sur Internet.
  • 21. Libertés, censures et menaces sur Internet Au début des années 2000, l’idée même d’une régulation des nouveaux médias sur Internet paraissait inconcevable et, dans le grand public comme chez les professionnels, prévalait l’image d’une liberté absolue, où le sens de la responsabilité des internautes suffirait à assurer le respect d’un ensemble de comportements déontologiques et d’une véritable étiquette du net dont personne ne s’écarterait car elle serait fondée sur des valeurs partagées par tous18 . Depuis lors, 10 ans se sont écoulées et une série de mesures ont été et sont prévues d’être mises en œuvre afin de surveiller et limiter l’utilisation d’Internet en tant que média alternatif. Une nouvelle loi en préparation aux Etats-Unis pourrait couper le robinet aux internautes. Par exemple, la Cybersecurity Act of 2009 puis Cybersecurity Act Of 2010, permet de limiter ou de couper l'Internet aux USA. Il s'agit de la section 18 de la loi S 773 proposée par le sénateur John (Jay) Rockefeller et la sénatrice Olympia Jean Snowe : « Le président peut déclarer un état d'urgence en cybersécurité et ordonner la limitation ou la fermeture du trafic internet en provenance ou vers tout gouvernement fédéral compromis ou tout système réseau critique ». Une loi du même type est passée en 2010 au Royaume-Uni (Internet Censorship and Disconnection Law19 ). Il est apparu que 4 personnes sur 5 jugent l’accès à Internet comme un droit humain fondamental20 . « Internet doit être considéré comme une infrastructure fondamentale, tout comme les routes et l’eau » affirme Hamadoun Toure, secrétaire général de l’union de la télécommunication internationale. Selon la même étude, la majorité des sondés estiment qu’Internet ne doit jamais être régulé par aucun niveau de gouvernement et nulle part dans le monde. Bien que les organismes de régulation avancent la protection des utilisateurs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le racisme et la pédophilie, beaucoup voit cette intrusion comme un faux argument à l’instauration d’une police de la pensée. Grâce à la « loi pour la confiance dans l’économie numérique » de 2004, bons nombre de blogs et de vidéos amateurs ont été victimes de la censure et fermés, alors que les conditions d’utilisation étaient respectés, et que les auteurs de ces coupures osent à peine dire, à demi-mot, qu’il y a apparemment des sujets qui dérangent, dès lors que l’on sort de la pensée dominante et bien-pensante21 . Par ailleurs, les sites des médias dominants, bien qu’ils proposent quelquefois à leurs visiteurs de participer aux articles dans le cadre de commentaires (souvent limités en taille), les soumettent à modération. Bien qu’il y ait nécessité de ne pas publier systématiquement tout type de commentaire, qui lorsqu’à caractères déplacés ou ouvertement outrageants peuvent mettre en cause la notoriété du site voire de l’enseigne jusqu’à ses supports traditionnels qu’il représente, c’est un point qui nuit fortement à la liberté d’expression et clos ces média dans l’image de médias dominants (« de un vers plusieurs ») dont ils font déjà et continuent de faire l’objet. Des modérateurs sont chargés de valider ou non la publication d’un commentaire, sans en informer l’auteur lorsque son contenu ne satisfait pas certaines « règles » - règles qu’eux seuls connaîtraient… Bons nombre de commentaires que j’ai moi-même voulu publier sur des sites Internet des médias-entreprises n’ont 18 C’est l’idée ressortie du Sommet mondial des régulateurs sur Internet et les nouveaux médias, décembre 1999. 19 http://www.eff.org/deeplinks/2010/04/u-k-passes-internet-disconnection-law 20 Etude américaine menée en 2008, conduite par la BBC sur 27 000 sondés (http://refreshingnews9.blogspot.com/2010/03/four-in-five-believe-internet-access-is.html) 21 http://bellaciao.org/fr/spip.php?article70946, http://observatoiredelacensure.over-blog.com, http://www.alterinfo.net/Dailymotion-censure-les-membres-qui-derangent-le-pouvoir-en-place_a42436.html
  • 22. jamais franchi l’étape de la modération. Comble, des sites qui ont pour habitude d’ouvrir leurs articles aux commentaires les ferment systématiquement sur des sujets sur lesquels ils ne veulent pas entendre d’autres points de vue, même s’il s’agit d’approbations ou d’encouragements (sur la thématique géopolitique surtout). C’est par exemple le cas du site 20minutes.fr, qui dès lors qu’il publie un article sur la thématique du Proche-Orient ne laisse d’emblée place à aucun commentaire ; ce qui n’est pas le cas dans les plateformes (sites et blogs) d’informations alternatives, pour lesquels tous sujets ont vocation d’être discutés et analysés avec et/ou par le public. Message remplaçant la zone de texte d’édition de commentaire sur le site 20minutes.fr pour certains articles Dans le modèle économique de marché qu’adopte les média-entreprises sur Internet (publicité, mesure d’audience, etc.), ils s’octroient également le droit de charger des organismes privés et spécialisés dans la modération de commentaires. C’est le cas par exemple du NouvelObservateur.fr et du figaro.fr, qui sous-traitent la modération de leur site à la société spécialisée Conciléo. La modération parfois injustifiée et abusive, pour ne pas parler de censure, a fait l’objet de plusieurs plaintes de la part des internautes22 . Conclusion Si Internet foisonne de ressources de médias à large diffusion, les médias-entreprises, ou médias de masse, et les médias alternatifs se partagent à la fois ses supports (sites Internet, etc.) et ses internautes. Alors que le marché d’Internet regorge de potentiels, sur les plans publicitaires et technologiques notamment, le modèle économique des médias de masse sur Internet a de quoi garantir encore de beaux jours à leurs sites Internet, ce qui n’est pas forcément le cas des médias alternatifs qui, bien que certains d’entre eux arrivent à gagner et fidéliser un nombre croissant de visiteurs, d’autres disparaissent. C’est un phénomène récurrent dans la blogosphère d’actualités dite « citoyenne ». Pour reprendre les mots de l’auteur d’un article23 à ce sujet, cette blogosphère peut aussi être la victime d’une « épidémie de baisse de bras ». Il déplore le nombre de blogs d’information alternative qui partant du principe de demeurer et de se faire connaître, ont fini par se voir être abandonné - et ce qu’il s’agisse de « projets » pure players, c’est-à-dire à des fins lucratives (par la publicité surtout) ou non. Les principales causes seraient dues à la double-vie (virtuelle et réelle) difficilement maîtrisable des bloggeurs « amateurs » et rédacteurs d’articles ou de commentaires, mais aussi au culte de la peur (peur de la censure et la fermeture d’un site et donc l’effondrement de tout un projet, peur d’être poursuivi pour ses opinions qui diffèrent de la tendance dominante, conduite en justice pour diffamation dont les politiques ont recours assez facilement, etc.) entretenue par les médias de masse « se faisant propagandistes de la répression de nos dirigeants ». 22 http://www.betapolitique.fr/Concileo-et-la-censure-sur-02209.html 23 http://forget.e-monsite.com/rubrique,epidemie-de-baisses-de-bras,1129747.html
  • 23. Références bibliographiques [ACR01] Acrimed : Actions Critique Médias, en ligne. Disponible sur : http://www.acrimed.org [AGO01] AgoraVox : le média citoyen, en ligne. Disponible sur : http://www.agoravox.fr [AGN01] Michel AGNOLA, Rémy Le Champion, La télévision sur Internet, Presses Universitaires de Paris, 2003, 127 p. [BAH01] Danielle BAHU-LEYSER, Pascal FAURE, Médias, e-médias, La Documentation française, Paris, 2001, 181 p. [BUG01] Bug Brother : blog LeMonde.fr, en ligne. Disponible sur : http://bugbrother.blog.lemonde.fr [CHA01] Pascal CHABAUD, Médias, pouvoirs et société, Ellipses, 2002, 96 p. [CHO01] Noam Chomsky, Robert McChesney, Propagande, médias et démocratie, Ecosociété, 2002, 195 p. [CHO02] Autodéfense intellectuelle avec Noam Chomsky, en ligne. Disponible sur : http://chomsky.fr [FER01] Sur mon écran radar, en ligne, J.C Féraud, journaliste, Paris. Disponible sur : http://monecranradar.blogspot.com [HAL01] Serge HALIMI, Les nouveaux chiens de garde, Liber-raisons d’agir, 1997, 111 p. [LIB01] Libertés & Internet, en ligne. Disponible sur : http://libertesinternets.wordpress.com [MAT01] Armand MATTELART, La communication-monde : histoire des idées et des stratégies, La Découverte, 2002, 354 p. [MAT 02] Armand MATTELART, La mondialisation de la communication, Presses Universitaires de France, 1996, 216 p. [MON01] Le Monde, Actualités à la Une, en ligne. Disponible sur : http://www.lemonde.fr [OBS01] Observatoire français des médias, en ligne. Disponible sur : http://www.observatoire-medias.info