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VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA
PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR
LE SERVICE MANDATAIRE
Marie-Hélène BONNEAU
2014
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
R e m e r c i e m e n t s
Sans les personnes protégées que j’ai pu rencontrer ou avec lesquelles j’ai
travaillé, ce sujet de mémoire n’aurait pas vu le jour, en tout cas, pas de mon fait. Leur
évocation a égrené ma recherche, car il en est un certain nombre que je n’oublie pas.
Elles m’ont montré leur intérêt pour l’échange dans la réciprocité, leur besoin de
s’exprimer, leurs capacités à compenser leurs difficultés par des astuces, leur faculté à en
rire. L’humour que j’ai appris à utiliser d’un collègue, assistant social, au tout début de ma
carrière, est venu bien souvent ponctuer nos échanges pour atténuer la tension des
situations. Je ne peux clore mon sujet sans les remercier de tous leurs témoignages qui
ont orienté le sens de mon travail.
Mes remerciements s’adressent particulièrement à l’ATMP74, aux bénévoles et
aux professionnels impliqués au côté des personnes protégées qui s’efforcent de faire
face aux situations d’apparence inextricables dans lesquelles ils laisseront beaucoup
d’énergie, sans abandonner l’envie de questionner le sens de leur travail, ce que j’ai
intégré à ma réflexion.
La construction de ce mémoire a été lente et laborieuse. Conseillers, lecteurs et
re-lecteurs se sont relayés autour de moi pour m’aider à garder la cohérence dans mon
propos, m’encourager et m’apporter leurs remarques pertinentes qui m’ont permis d’aller
au bout de cet écrit, je leur en suis vraiment reconnaissante.
Pour finir, je veux remercier plus particulièrement mon compagnon de route pour
son écoute patiente et son soutien inébranlable.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
S o m m a i r e
Introduction
1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation pour
l’AMP74................................................................................................................3
1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique ................3
1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité juridique
totale....................................................................................................................3
1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger ................5
1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés ...............................................8
1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers............................................... 10
1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie ............................................................................ 10
1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable ..................................................................... 11
1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers............................................ 14
1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social .................... 17
1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents .............................................................. 17
1.3.2 Environnement et contexte du service................................................................ 19
1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale........ 23
2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits fondamentaux ............29
2.1 La dimension politique de la personne protégée........................................... 29
2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée............................................................. 29
2.1.2 La participation de la personne protégée............................................................ 31
2.2 L’approche des « capabilités »........................................................................ 34
2.2.1 Le primat des libertés ......................................................................................... 35
2.2.2 Les opportunités réelles de participation ............................................................ 35
2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités ....................................... 36
2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne protégée38
2.3 L’institution juste ............................................................................................. 40
2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager ................................................. 40
2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante............. 43
3 Construire une Institution juste.......................................................................47
3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble » ....................................................... 47
3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées............................................ 47
Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
3.1.2 Créer du sens commun ...................................................................................... 52
3.2 Développer une compétence collective.......................................................... 56
3.2.1 Organiser la coordination des compétences....................................................... 57
3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management ......................... 59
3.3 Devenir un acteur des solidarités locales ...................................................... 62
3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges........................................... 62
3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les personnes
protégées ?........................................................................................................ 63
3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation des
personnes protégées ....................................................................................... 64
3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don ...................................... 65
3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la personnalisation
de l’accompagnement. ....................................................................................... 67
3.4.3 La valorisation de l’autonomie ............................................................................ 68
3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service............................ 69
3.5 Evaluation des autres actions envisagées ..................................................... 70
3.5.1 La création de sens commun.............................................................................. 71
3.5.2 Les compétences collectives.............................................................................. 71
3.5.3 Le positionnement des responsables de service ................................................ 72
3.5.4 Les différentes coopérations .............................................................................. 72
Conclusion...............................................................................................................75
Bibliographie ...........................................................................................................77
Liste des annexes ......................................................................................................I
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s
ADAPEI Association départementale des amis et parents de personnes handicapées
mentales
ANDP Association nationale des délégués et personnels des services tutélaires
ANESM Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et
services sociaux et médico-sociaux
APA Allocation personnalisée à l’autonomie
ARS Agence régionale de santé
ATMP74 Association tutélaire des majeurs protégés de Haute Savoie
BTS Brevet de technicien supérieur
CAFDES Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service
d’intervention sociale
CAFERUIS Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité
d'intervention sociale
CASF Code de l’action sociale et des familles
CNC Certificat national de compétence
CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
CESF Conseillère en économie sociale et familiale
CREAI Centre régional pour les enfants, les adolescents et les adultes inadaptés
CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie
CRPD Convention on the rights of persons with disabilities
Convention relative aux droits des personnes handicapées
CRTS Comité régional du travail social
CODERPA Comité départemental des retraités et des personnes âgées
DDASS Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DDCS Direction départementale de la cohésion sociale
DGCS Direction générale de la cohésion sociale
DIPM Document individuel de protection des majeurs
DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
DRJSCS Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
ESAT Etablissement et service d’aide par le travail
FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques
MASP Mesure d’accompagnement social personnalisé
MJPM Mandataire judiciaire à la protection des majeurs
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
OMPMP Observatoire national des populations « majeurs protégés »
OPCA Organisme paritaire collecteur agréé
PACS Pacte civil de solidarité
RMI Revenu minimum d’insertion
RSA Revenu de solidarité active
SAVS Service d’accompagnement à la vie sociale
SAMSAH Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés
SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance
UDAF Union départementale des associations familiales
UDAPEI Union départementale des amis et parents de personnes handicapées
mentales
UNAF Union nationale des associations familiales
UNAPEI Union nationale des amis et parents des personnes handicapées mentales
UTRA Union tutélaire Rhône Alpes
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 1 -
Introduction
« J’ai 80 € par semaine, je gère toute seule. Quand j’ai besoin d’un supplément, j’appelle
ma curatrice. Je ne comprends pas pourquoi elle refuse de me donner de l’argent quand
j’ai de l’argent sur mon compte. Je voudrais qu’elle en mette un peu de côté et qu’elle
m’en donne plus. Ce sont les choses pour me faire plaisir qui me manquent le plus : aller
au restaurant, à la foire. J’ai appelé, mais je n’ai pas eu ma curatrice. Ça va être trop tard.
Si je pouvais donner mon avis personnel, il me faudrait 100 € par semaine. » (Extrait de
mon entretien avec Rose le 17 novembre 2012).
Pendant de nombreuses années, l’activité principale des services mandataires a
concerné la gestion et la protection des biens. L’argent est au cœur de la relation qui
s’instaure avec les personnes protégées notamment autour de l’établissement du budget
et de ses incidences sur leur mode de vie. De ce fait, les services ont développé un
accompagnement tutélaire qui témoigne de la prise en compte des difficultés des
personnes, autres que celles liées à l’argent. Cependant l’importance des champs
d’intervention, la diversité de la population suivie, le nombre de mesures exercées par les
mandataires judiciaires conduisent les professionnels à s’interroger sur le contour de leur
intervention. Le service mandataire est-il un service d’action sociale ? Malgré son
apparition dans la liste des établissements et services participant à l’action sociale, la
question reste en suspens. Souvent méconnue, la protection juridique reste envisagée
par les partenaires comme le dernier recours lorsque les autres modalités
d’accompagnement se sont heurtées à l’impossibilité de contractualiser la prise en
charge, au refus de soin, à l’isolement.
Les services d’action sociale mettent en œuvre les dispositifs visant à pallier les difficultés
d’une partie de la population en développant différents modes d’accueil ou
d’accompagnement. Leur finalité est de promouvoir, entre autres, l’autonomie, la
protection des personnes et l’exercice de la citoyenneté. C’est bien ces objectifs que la loi
du 5 mars 2007, réformant le dispositif de protection des personnes majeures, assigne
aux services mandataires à travers l’émergence de la protection de la personne. De
nombreuses dispositions dans les textes les invitent à respecter les choix de vie, à
rechercher l’accord de la personne, l’expression de son consentement, à connaitre ses
attentes et ses besoins et à en tenir compte, à co-construire le cadre dans lequel la
mesure peut s’exercer.
J’ai voulu m’interroger sur le sens même de la protection, celle qui met en sécurité, à l’abri
des autres et de soi-même, celle qui pare à toutes les situations de danger. Celle qui se
vit souvent comme une perte de liberté, une perte de possibilité de choix, une perte
d’informations. La protection ne peut pas avoir un prix si lourd à payer qui va à l’encontre
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 2 -
de la finalité du service mandataire. La sécurité peut ramener la confiance, la confiance
en soi, en son environnement, la confiance des autres, mais elle ne constitue pas, en tout
cas pas à elle seule, les aspirations essentielles des personnes : choix de vie, désirs,
rêve, idéal. C’est sur ce faux déterminant de la protection juridique que s’est construit le
paradoxe de la protection et de l’autonomie. Et c’est dans le vécu de ces antagonismes
que se débattent souvent les professionnels pris entre la logique de protection née du
mandat confié par le juge et celle de l’action sociale rappelée plus haut. Quel
accompagnement tutélaire pour substituer la dialogique au paradoxe ? En tant que
directrice, il me paraît essentiel de répondre à cette question pour être en mesure de
conduire l’adaptation du service à ses nouveaux enjeux.
Je me suis d’abord intéressée à l’histoire de la protection juridique parce qu’elle
raconte à travers la médecine et le droit l’évolution d’une prise de conscience mondiale :
Chaque être humain a des droits inaliénables et les états démocratiques doivent veiller à
ce qu’il en garde l’exercice.
Puis, j’ai recherché les références théoriques qui me permettent d’élaborer les repères
nécessaires à des pratiques renouvelées pour faire sens autour du nouvel enjeu de la
protection juridique : Protéger, c’est promouvoir l’autonomie et la participation des
personnes en favorisant leur expression et leur responsabilité. J’ai pu cheminer avec des
auteurs qui se sont intéressés à l’incomplétude de l’être humain, sa faillibilité, sa
vulnérabilité et aux opportunités à construire avec lui pour le rendre plus capable de lien,
d’échange, de participation, de confiance en soi.
Le service mandataire que je dirige témoigne de l’engagement des bénévoles et des
professionnels à soutenir cette évolution qui commence à modifier les représentations
communes de la personne protégée mais qui reste à ancrer dans les pratiques.
L’ATMP74 doit maintenant franchir de nouvelles étapes et se rapprocher de ce qu’elle a
laissé à distance en entrant dans un nouveau rapport d’usage avec les personnes
protégées. Ma conception de l’humain et des rapports entre les personnes, fondée sur
une posture éthique, imprègne profondément la conduite de cette adaptation que je veux
mener en référence à « l’Institution juste » de Paul RICOEUR.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 3 -
1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation
pour l’AMP74
1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique
1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité
juridique totale.
A) Les recommandations des Institutions européennes
L’Union européenne a ratifié le 5 janvier 2011 la Convention on the Rights of Persons with
Disabilities (CRPD) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2006 qui
garantit l’égalité des droits des personnes handicapées. A sa suite, 24 États membres de
l’Union européenne ont ratifié cette convention. Dans son article 12, la CRPD affirme que
« les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur
personnalité juridique » avec jouissance de la capacité juridique dans des conditions
d’égalité avec les autres1
. Elle enjoint aux États parties prenantes d’adopter « les mesures
appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont
elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique ».
Dès le 23 février 1999, le Comité des Ministres du conseil de l’Europe avait adopté une
recommandation2
préconisant la préservation maximale de la capacité juridique et
affirmant que, sur la base des principes de nécessité et de subsidiarité, « aucune mesure
de protection ne devrait être instaurée à moins qu’elle ne soit nécessaire ».
Depuis 2009, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a inscrit au rang des
priorités la réforme des dispositifs relatifs à la capacité juridique. Dans sa résolution
16423
, l’Assemblée « invite les États membres à s’assurer que les personnes
handicapées disposent de la capacité juridique et l’exercent au même titre que les autres
membres de la société ». Pour ce faire, elle leur demande de garantir « que personne ne
limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions ». Elle insiste sur
1
Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13
décembre 2006, traduction française, p 10 consultée le 25 janvier 2014 sur
http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?navid=15&pid=605
2
Recommandation 99 du comité des ministres du conseil de l’Europe du 23 février 1999 consultée
le 25 janvier 2014 sur
https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetIm
age=429025&SecMode=1&DocId=781106&Usage=2, p10 et 11.
3
Résolution 1642 adoptée le 26 janvier 2009 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe consultée le 25 janvier 2014 sur
http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1642.htm
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 4 -
l’importance de « mesures adaptées à leur situation » et sur la nécessité d’une aide à la
prise de décision par une tierce personne.
B) Les droits de l’Homme et la capacité juridique
Le document thématique « Á qui appartient-il de décider ? »4
, commandé et publié par le
Commissaire aux Droits de l’Homme le 20 février 2012 s’attache à approfondir la réflexion
sur « le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et
psychosociales ».
Il définit la capacité juridique comme « la possibilité pour une personne d’agir dans le
cadre du système juridique » et de devenir sujet de droits. A ce titre, elle joue un rôle
fondamental dans l’exercice des libertés comme celle de se marier, d’hériter, de travailler.
La capacité juridique est également source d’estime de soi et de responsabilisation en ce
qu’elle permet de prendre des décisions et de les assumer. L’égalité des droits pour les
personnes handicapées n’échappe pas au changement de paradigme qui incite à
promouvoir l’inclusion sociale en adaptant l’environnement pour permettre aux personnes
handicapées d’exercer leurs droits, de choisir leur mode de vie et de participer à la vie
sociale, culturelle, civique et économique de la société.
Sur le plan quantitatif, ce document thématique pointe qu’environ un million d’européens
sont placés sous un régime de tutelle les privant complètement de leur capacité juridique,
parfois à vie. En raison de l’amélioration des soins et de l’avancée en âge, on ne peut
qu’envisager la progression du nombre de personnes concernées par ces mesures.
Il est donc urgent d’agir au niveau des États membres, car toutes les juridictions
européennes ont mis en place des procédures dans lesquelles l’incapacité est assignée
aux personnes handicapées. Cet état des lieux a conduit le commissaire aux droits de
l’homme à joindre à ce document plusieurs recommandations parmi lesquelles figurent la
suppression des « mécanismes prévoyant une déclaration d’incapacité totale et une
tutelle complète » et l’élaboration de « solutions d’accompagnement à la prise de
décision ».
C) Les législations des États membres
L’analyse de l’agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (FRA) publiée en
octobre 2013 sur les normes nationales et internationales en matière de capacité juridique
des personnes dresse l’état des lieux des cadres juridiques nationaux et s’intéresse
4
Commissaire aux droits de l’Homme, Document thématique : A qui appartient-il de décider ? Le
droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales.
Février 2012 consulté le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1908565
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 5 -
notamment au droit à la capacité juridique dans les Etats membres de l’Union
européenne. Elle relève que « de nombreux États européens sont dotés de législations
obsolètes qui se révèlent incompatibles avec l’article 12 de la CRPD, en application
duquel il y a lieu de favoriser une prise de décision assistée, et non une prise de décision
substitutive5
».
Si la plupart des Etats membres ont adopté des régimes faisant varier le degré de
capacité juridique pour instaurer des mesures adaptées à la situation des personnes,
l’Agence des droits fondamentaux note que Chypre, l’Irlande et la Roumanie ne prévoient
qu’un seul degré de restriction à la capacité juridique, c’est celui de la mise sous tutelle
totale. Cependant, l’Agence souligne que plusieurs Etats membres ont admis la nécessité
d’harmoniser leurs législations avec les normes internationales et européennes en
vigueur. C’est le cas notamment de l’Angleterre (2005), de la France (2007) et de
l’Allemagne (2009). Pourtant, malgré ces révisions récentes, seules l’Allemagne et la
Suède ont supprimé la mise sous tutelle complète pour leur substituer des mesures
d’assistance qui restreignent au minimum la capacité juridique des personnes.
1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger
A) Le principe d’autodétermination
Dans la lignée de la recommandation de 1999 du Conseil de l’Europe qui préconise la
prise en compte de manière prééminente des intérêts et du bien-être du majeur protégé
ainsi que le respect de ses souhaits et sentiments6
, la France replace la personne au
cœur du dispositif de la protection juridique. La réforme du 5 mars 2007 donne valeur
législative à l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 avril 1989 qui affirmait que
les régimes civils d'incapacité « ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la
protection de la personne et des biens de l'incapable ».7
Tout en prévoyant cette protection, la loi française définit aux articles 458 et suivants
du code civil un ensemble de configurations dans lesquelles cette protection de la
personne sera assurée par le protégé lui-même. Il en va ainsi des actes à caractère
strictement personnels qui ne peuvent donner lieu ni à une assistance ni à une
représentation quel que soit l’état de santé de la personne protégée : les actes de
5
L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA). La Capacité juridique des
personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées mentales FRA octobre
2013 consulté le 25 janvier 2014 sur
http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra-2013-legal-capacity-intellectual-disabilities-mental-health-
problems_fr.pdf p 31
6
CRDPD, Op cité, p 12
7
Cour de Cassation, arrêt du 18 avril 1989 consulté le 1
er
février 2014 sur
http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Cour-de-Cassation-Chambre-civile-1-du-18-avril-1989-87-14-
563-Publie-au-bulletin/C36447/
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 6 -
l’autorité parentale, le choix de changement de nom, le consentement à sa propre
adoption ou à celle de son enfant.
L’article 459 du code civil prévoit, quelle que soit la gradation de la mesure de
protection, que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne
dans la mesure où son état le permet ». Cela concerne aussi le choix du lieu de résidence
et la liberté d’entretenir des relations avec les personnes de son choix. Ces prises de
décisions personnelles dans le cadre de la mesure de protection peuvent être
accompagnées, comme le prévoit l’article 457-1 du code civil, des informations que doit
donner la personne chargée de la protection à la personne protégée sur « sa situation
personnelle, les actes à poser, leur utilité, leur degré d’urgence, les effets et les
conséquences d’un refus de sa part ».
B) La présomption de capacité
Lorsque la personne n’est pas en état de prendre seule une décision éclairée, elle
pourra être assistée, voire représentée par une personne chargée de sa protection.
Cependant, son consentement éclairé devra toujours être recherché. Cette préoccupation
est devenue essentielle depuis la loi du 2 janvier 2002 pour les usagers des services
sociaux et médico-sociaux, ainsi que pour les patients des établissements de soins
depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elle tente de concilier les
principes d’autonomie et de protection comme l’affirme Benoît EYRAUD en 2008 à
l’occasion d’une journée d’étude de l’ANDP8
: « C’est lorsque cette présomption de
capacité est maintenue quand bien même l’incapacité paraît totale, que peut encore être
préservée la liberté individuelle9
»
Parce que cette présomption de capacité est maintenue, la révision des mesures de
protection devient incontournable, l’incapacité n’étant ni définitive ni rédhibitoire. Il n’y a
jamais eu autant de mainlevées qu’à l’occasion de ces révisions même si elles constituent
parfois une parenthèse dans un long parcours d’assistance. Cette présomption de
capacité est légitime et rend incontournable pour le juge l’audition systématique de la
personne avant le prononcé éventuel d’une mesure de protection (hors cas
d’incompatibilité avec l’état de santé).
C) Les dispositifs de contractualisation : la MASP10
et le mandat de protection future
C’est dans cet esprit du respect des droits et libertés que la réforme de 2007 a
particulièrement innové en créant, hors de la sphère judiciaire, un espace ouvert pour la
contractualisation. Cela concerne l’accompagnement des personnes en difficulté pour la
8
Association Nationale des délégués et personnels des services tutélaires.
9
ANDP journée d’études du 25 janvier 2008. « Analyse de la pratique : Le sujet est (toujours) là ».
10
Mesure d’accompagnement social personnalisé.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 7 -
gestion de leurs ressources et le mandat de protection future. Jusqu’alors ces personnes
étaient orientées vers une mesure de protection juridique alors qu’elles n’avaient pas
d’altération de leurs facultés. Les nouvelles mesures d’accompagnement social
personnalisé font partie du dispositif d’action sociale confié aux conseils généraux. Ainsi
la loi désigne comme bénéficiaires de la MASP toute personne majeure « dont la santé ou
la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » dès
lors qu’il s’agit de prestations sociales. Sa mise en œuvre sort du cadre judiciaire et relève
du contrat que la personne acceptera de conclure avec le conseil général. Elle comporte
une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social
personnalisé. La MASP est donc fondée sur la volonté de contracter du bénéficiaire et du
conseil général.
Une autre disposition innovante de la réforme du 5 mars 2007 consacre le libre
choix de la personne majeure à désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour la
représenter au cas où il lui deviendrait impossible de pourvoir seule à ses intérêts. Il s’agit
du mandat de protection future pour soi- même. Il est élaboré par la personne elle-même
en pleine possession de ses facultés et soucieuse de ses intérêts pour l’avenir. Dans le
cadre de ce mandat, la protection de la personne doit être conforme aux dispositions
légales concernant les mesures de protection juridique, toute stipulation contraire étant
interdite. Le mandat de protection future peut aussi s’établir pour autrui. Il correspond à la
volonté des parents d’enfant en situation de handicap de prévoir la désignation d’un
protecteur pour leur enfant et d’organiser sa vie juridique et matérielle s’ils ne sont plus en
capacité d’assumer leur autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur ou la prise en
charge matérielle et affective de leur enfant majeur.
Si l’on a bien noté l’innovation instituée par l’apparition de formes de
contractualisation dans la sphère de la protection des personnes majeures, le rapport de
la cour des comptes de novembre 2011 à destination du Sénat sur la réforme de la
protection des majeurs relève la difficulté de sa mise en œuvre. Le nombre de MASP
dénombrées en 2009 atteint 4700 quand il en était prévu 9800. En effet de nombreuses
résistances ont été identifiées : refus des usagers de signer une MASP, prise en compte
de cet outil d’accompagnement budgétaire par les conseils généraux comme un des
dispositifs possibles au sein de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement budgétaire
et social déjà effectifs au titre, par exemple, du RSA ou de l’accès au logement. Inspiré
par les législations étrangères, le mandat de protection future n’a lui aussi pas encore
connu les développements attendus. Au-delà d’une réforme du droit, c’est
vraisemblablement une modification en profondeur des représentations culturelles liées à
l’augmentation de l’espérance de vie qui permettra l’avancée de ce nouveau type de
convention.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 8 -
1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés
A) Des statistiques éparpillées
Les mesures de protection juridique concernent désormais uniquement la personne
« dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération,
médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de
nature à empêcher l’expression de sa volonté11
». Aucune statistique ne permet d’avoir
aujourd’hui une vision globale des bénéficiaires des mesures de protection juridique.
Cependant la thèse de doctorat en démographie de Paskall MALHERBE soutenue en juin
2012 sur « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et
dynamique d’une sous population méconnue » reconstitue et analyse un certain nombre
de données. Ainsi, au 31 décembre 2008, le nombre des majeurs protégés s’élevait à
741 82512
, ce qui représentait à l’époque 1,48% de la population française majeure. La
proportion de femmes majeures protégées s’établissait à 48,66%, et celle des hommes à
51,33%. 50% des majeurs protégés se situaient alors dans la tranche d’âge des 35-64
ans et un tiers des majeurs protégés avait plus de 70 ans. Le nombre de majeurs
protégés n’a depuis cessé d’augmenter pour atteindre le million en 2010, selon les
projections effectuées dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme de 2007.
On relève dans l’annuaire statistique de la justice13
, dans son édition 2011-2012, qu’en
2010, les tribunaux ont prononcé 63 601 nouvelles mesures de protection. Ces nouvelles
mesures pour l’année 2010 sont pour 54% d’entre elles des mesures de tutelle, et pour
40,53 % des mesures de curatelle, le reste étant constitué par les sauvegardes de justice.
La moitié de ces mesures a été confiée à un membre de la famille ou un proche, l’autre
moitié à des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Lors du comité de suivi de la mise en œuvre de la réforme de 2007, la DGCS a présenté
le 21 novembre 2013 un bilan statistique sur la protection juridique14
. Au 31 décembre
2012, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçaient 414 666 mesures
de protection, ce qui constitue une progression de 6,9% depuis 2009. Ces MJPM15
relèvent de 3 catégories : les services mandataires, les mandataires privés et les
11
Code civil Article 425
12
MALHERBE P, 2012, « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et
dynamique d’une sous population méconnue » Université Montesquieu Bordeaux IV p 313
disponible sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/71/86/44/PDF/These_Paskall_Genevois-
Malherbe.pdf
13
Annuaire de la justice 2011-2012 p 83 consulté le 1
er
mars 2014 sur
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-2012.pdf
14
DGCS Bilan statistique sur la protection juridique consulté le 1
er
mars 2014 sur http://protection-
juridique.creainpdc.fr/content/la-dgcs-dresse-un-bilan-statistique-sur-la-protection-juridique-des-
majeurs
15
Mandataires judiciaires à la protection des majeurs
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 9 -
mandataires préposés qui exercent en établissement accueillant des usagers. Les 355
services mandataires autorisés à fonctionner au plan national exercent 81,2 % des
mesures confiées à des Mandataires soit 335 437 mesures de protection.
B) Les caractéristiques socio -économiques
Au-delà de ce bilan statistique, la DGCS livre également quelques chiffres sur les
caractéristiques socio-économiques concernant les majeurs protégés. La population
suivie par les services mandataires est essentiellement masculine (53,4%) et bénéficie
pour 53,3% d’entre elle d’une mesure de curatelle renforcée. 64,2% vit à domicile et
88,8% a des ressources inférieures ou égales au SMIC. Depuis 2009, les mesures de
protection concernent davantage de personnes âgées, de personnes en établissement, et
les mesures de tutelle sont plus nombreuses.
En recoupant les chiffres de l’ONPMP16
et ceux de l’enquête Handicap Incapacité
Dépendance (HID) effectuée par la DREES17
à partir de 2008, Paskall MALHERBE
propose dans sa thèse18
« une esquisse du profil socio-économique et sanitaire des
majeurs protégés » dont il ressort que la population des majeurs protégés est fortement
touchés par les problèmes de santé, qu’elle est relativement isolée et qu’elle vit avec de
faibles ressources et peu de patrimoine.
L’ONPMP, au travers de ses différentes enquêtes auprès les majeurs protégés suivis par
les Unions Départementales des Associations Familiales, relève que la population des
majeurs protégés suivie par les UDAF est une population fortement isolée dont 90% ne
vivent pas en couple bien que 40% déclarent avoir des enfants. Si 60% d’entre eux vivent
en logement autonome, dans 40% des cas ces logements sont extrêmement dégradés.
20% vivent en maison de retraite, et seuls 8 % sont propriétaires de leur résidence
principale contre 57% des ménages français. Cette population vit avec de faibles revenus.
Environ 65% des majeurs protégés sont titulaires de l’allocation adulte handicapé. Au-
delà des revenus, ce pourcentage indique que la population des majeurs protégés est
fortement touchée par des troubles de santé. La moitié d’entre elle déclare rencontrer au
moins une difficulté relative à la santé dans sa vie quotidienne.
16
Observatoire National des Populations « Majeurs Protégés » chiffres clés Mai 2011 consulté le
1
er
mars 2014 sur http://www.unaf.fr/IMG/pdf/Plaquette_Chiffres_cles_ONPMP-_7_juin_2011_-
_version_definitive.pdf
17
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
18
MALHERBE P, op. cité, p 508
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 10 -
1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers
La protection juridique s’inscrit dans l’histoire des civilisations depuis l’Antiquité. Si
elle peut refléter la préoccupation légitime d’une société à protéger les plus faibles, elle
révèle au fil du temps les particularités d’une époque, de ses coutumes, de ses progrès.
Fortement marquée par la protection des biens et les symptômes qui peuvent la mettre à
mal comme la folie ou la prodigalité, la protection juridique française a toujours été le sujet
de l’intrication du droit et de la médecine.
1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie
Le concept de l’aliénation s’est nourri à de multiples sources juridiques et philosophiques.
Le droit régit cette notion dans son caractère de désappropriation volontaire au bénéfice
d’un autre propriétaire. A ce dessaisissement volontaire, se juxtaposent d’autres
définitions comme l’idée d’une perte, d’un dessaisissement de l’être, d’une perte de la
conscience de soi, perte de liberté que l’on retrouve dans l’aliénation mentale, image de
la folie et de l’enfermement. En effet, sous l’Ancien régime, l’aliénation mentale peut
s’accompagner de la perte de liberté qui résultait soit de la décision judiciaire
d’enfermement, soit de la décision familiale de séquestration dès lors que l’aliéné restait
confié à sa famille. L’interdiction des fous et des prodigues a pour objectif de protéger leur
patrimoine pour qu’il n’échappe pas à leur famille.
Avec l’apparition du code Napoléon en 1804, l’interdiction est précisée en ces termes par
l’article 489 :« le majeur qui est dans un état habituel d’imbécilité, de démence ou de
fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides. » Les
prodigues qui se dessaisissent de leur patrimoine sans en envisager les conséquences
pour eux-mêmes et leur famille, bien que leur trouble ne soit pas plus défini, se voient
assister d’un conseil judiciaire pour tous les actes ayant trait à leur patrimoine.
Les progrès de la médecine font peu à peu émerger grâce aux travaux de Philippe PINEL,
savant aliéniste et Jean Etienne ESQUIROL, psychiatre, la reconnaissance de l’aliéné
comme malade avec l’obligation de le soigner dans des hôpitaux spécialisés ouverts dans
chaque département. C’est ainsi que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés organise le
fonctionnement de ces établissements hospitaliers, fixe les modalités de placement et de
sortie et jette les bases de la psychiatrie. Elle définit un régime provisoire des aliénés non
interdits placés dans un hôpital psychiatrique : l’administration provisoire des biens. Celle-
ci est décidée par la commission administrative de surveillance de l’établissement et
exercée par l’un de ses membres. Ainsi, la protection juridique se concentre, et pour
longtemps, sur la protection des biens de l’interné, alors que la protection de la personne
relève du travail thérapeutique.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 11 -
1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable
A) Contexte et objectif
L’administration provisoire, mise en place par la loi de 1838 sur les aliénés, s’impose et
rend désuet l’ensemble du dispositif tutélaire, interdiction et conseil judiciaire, présent
dans le code civil. Très vite, l’évolution de la psychiatrie qui se met à soigner hors de
l’hôpital, dès que la maladie ne contraint plus à l’isolement, entraine une sortie
progressive des malades. La désinstitutionalisation s’accompagne, sans préparation et
sans délai, du retour à la pleine capacité et à la liberté de gestion. C’est l’ensemble des
prises en charge qui n’est plus adapté et qui va nécessiter la réforme du code civil.
La loi du 3 janvier 1968, rédigée par le doyen Jean CARBONNIER, portant réforme du
droit des incapables majeurs introduit une scission entre le médical et le judiciaire en
supprimant l’administration provisoire automatique lors d’un internement. Ainsi, elle stipule
que « les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre
l’hospitalisation et les soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection
appliqué aux intérêts civils »19
.
Cependant, elle dote les médecins de nouveaux pouvoirs. Celui d’effectuer, au nom du
principe de protection, une déclaration de sauvegarde de justice auprès du procureur s’ils
constatent qu’un patient a besoin d’être protégé et celui d’établir une expertise médicale
obligatoire pour qu’un juge puisse prononcer l’ouverture d’une mesure de protection si le
malade est atteint d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.
Fondée sur « la défaillance de l’homo juridicus »20
, l’incapacité dans la loi du 3 janvier
1968 est lue comme un « négatif de l’autonomie en tant qu’elle remet en cause les
potentialités de l’individu à se réaliser comme une personne juridique »21
. Son
établissement se fait au vue de l’empêchement de pourvoir seul à ses intérêts du fait
d’une altération des facultés mentales ou d’une altération des facultés corporelles
lorsqu’elles empêchent l’expression de la volonté.
Mais la loi prévoit aussi un régime de protection basé sur des critères de subjectivité, pour
pallier à des attitudes non conformes avec la norme sociale représentée par le
comportement de bon père de famille. Il en est ainsi pour l’intempérant, l’oisif et le
prodigue quand il « s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses
obligations familiales »22
. Ainsi donc, la loi s’attache à couvrir une incapacité plus
générale en lui donnant une dimension sociale.
19
.Loi du 3 janvier 1968, article 490-1
20
BROVELLI G et NOGUES H « La tutelle aux majeurs protégés : la loi de 1968 et sa mise en
œuvre ». p 27
21
Ibid. p 28
22
Loi du 3 janvier 1968, article 488 alinéa 3
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 12 -
Dans une période de croissance où l’Etat providence a suffisamment de ressources, la loi
confie à la puissance publique l’exercice des mesures de protection des plus faibles dès
lors qu’aucune famille ne peut en assumer la charge.
Refusant de légiférer sur la protection de la personne, elle prévoit une gradation du
régime de protection afin que les malades accèdent de manière souple à l’une ou l’autre
des mesures dès qu’ils peuvent assumer davantage de responsabilité, ceci étant un
élément capital au plan thérapeutique.
B) Les mesures de protection
La loi de 1968 décline 3 types de mesures de protection :
La sauvegarde de justice :
Elle résulte, soit d’une déclaration médicale comme indiqué plus haut, soit d’une
décision du juge, prise pour la durée de l’instance, lorsqu’il est saisi d’une demande de
mesure de protection. Cela lui donne, en cas d’urgence, le temps d’instruire la procédure,
tout en prévoyant la protection de la personne. Le majeur placé sous sauvegarde de
justice garde sa capacité, mais ses actes peuvent être réduits dans leurs conséquences
voire annulés s’ils lui ont porté préjudice. La liberté d’exercice de ses droits par le majeur
peut être limitée par la décision du juge d’instituer un mandataire spécial pour réaliser des
actes déterminés à la place de la personne protégée. Dans ce cas, le pouvoir du
mandataire est l’équivalent de celui d’un tuteur pour les actes de moindre importance qui
ne nécessitent pas d’autorisation spécifique du juge ou du conseil de famille. La mesure
de sauvegarde de justice est la seule à être limitée dans sa durée. Elle s’éteint par
l’arrivée à son terme si elle n’est pas renouvelée ou par la mise en place d’une mesure
de curatelle ou de tutelle.
La curatelle :
Elle est destinée au majeur qui « sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin
d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »23
. L’assistance du curateur se
manifeste par la nécessité de poser ensemble les actes les plus importants de la vie
civile : gestion du patrimoine, vente d’un bien, acceptation d’une succession. Cette
assistance se manifeste le plus souvent par l’apposition de la signature du curateur à côté
de celle de la personne. Cette assistance peut se transformer en représentation si le juge
fait application de l’article 512 de la loi en ordonnant que le curateur « percevra seul les
revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l’égard des tiers, le règlement
23
Loi du 3 janvier 1968 article 510
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 13 -
des dépenses ». La porosité avec le régime de la tutelle est manifeste. Dans le régime
de la curatelle, c’est bien la curatelle renforcée qui a toujours été la plus utilisée par les
juges, la curatelle simple relevant presque de dispositions exceptionnelles. Cependant, la
mesure de curatelle peut aussi être allégée, en étant aménagée par le juge en faveur du
majeur « plus capable », par dérogation aux dispositions habituelles de la curatelle. Ainsi,
un majeur protégé pourra être autorisé par le juge à continuer de disposer d’un chéquier
pour effectuer ses paiements.
La tutelle :
C’est le régime de protection le plus fort dans l’arsenal législatif. Inspirée de la
tutelle des mineurs, la tutelle « est ouverte quand un majeur, pour l’une des causes
prévues à l’article 490, a besoin d’être représenté d’une manière continue dans les actes
de la vie civile. »24
L’organisation d’une tutelle complète passe par la décision du juge d’instaurer un conseil
de famille composé des membres des familles maternelles et paternelles et présidé par le
juge des tutelles. C’est le conseil de famille qui élit le tuteur en son sein. Le tuteur peut
faire seul les actes de gestion courante, dits d’administration. Pour les actes de
disposition, ceux qui comportent une conséquence importante pour le patrimoine de la
personne, le tuteur doit y être autorisé par le conseil de famille. Lorsque la tutelle est
vacante (absence de famille), elle peut être confiée à un service tutélaire. Dans ce cas,
toutes les décisions qui relevaient du conseil de famille, devront être autorisées par le
juge des tutelles.
Dans la tutelle, la représentation est continue et il y a peu de place pour la liberté et
l’expression de la personne protégée. Ainsi, le majeur en tutelle est privé du droit de vote.
Il faudra attendre la loi du 11 février 2005 pour la modification de l’article 5 du code
électoral en ces termes : « Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent être inscrits sur les
listes électorales à moins qu'ils n'aient été autorisés à voter par le juge des tutelles ». Les
évolutions sociétales inscrites dans la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS leur
sont interdites dans son article 2 qui prévoit que « Les majeurs placés sous tutelle ne
peuvent conclure un pacte civil de solidarité ».
Avec l’inflation des mesures de protection et l’explosion du coût du dispositif pour
l’Etat, la nécessité de réformer la loi du 3 janvier 1968 s’est imposée au début des années
90. L’inspection diligentée par les ministères de la justice, de l’économie et des finances
et de l’industrie, de l’emploi et de la solidarité a publié son rapport final en avril 2000,
neuf ans avant l’application de la réforme de la protection des majeurs.
24
Loi du 3 janvier 1968, article 492
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 14 -
1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers
Longtemps attendue, la réforme du 5 mars 2007, qui s’applique depuis le 1er
janvier
2009, organise deux grandes orientations qui m’apparaissent essentielles : la protection
de la personne et l’inscription de l’activité professionnelle de la protection juridique dans le
champ de l’action sociale.
A) Les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité
Une mesure de protection ne peut être prise que lorsqu’elle est strictement nécessaire
et qu’aucun autre accompagnement de l’ordre familial ou social n’est suffisant.
Pour éviter les dérives observées sous l’empire de la loi précédente, les mesures de
protection ne pourront être envisagées par le juge qu’en cas d’altération constatée par
certificat médical, des facultés mentales ou des facultés corporelles si elles empêchent
l’expression de la volonté. Les mesures de protection doivent être nécessaires et leur
mission ne peut être remplie par aucun autre dispositif existant. A ce titre, elles sont
subsidiaires.
Pour la première fois, la volonté législative exprime comme impératif le respect des droits
et libertés fondamentales de la personne protégée. La protection « est instaurée et
assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la
dignité des personnes »25
. Le législateur prévoit à cet effet la proportionnalité et
l’individualisation de la mesure de protection en fonction du degré d’altération des
facultés personnelles. Il limite la mesure dans sa durée et en prévoit la révision à son
échéance. Le juge devra motiver le degré de la mesure de protection qu’il prend au
regard de l’insuffisance d’une mesure plus légère compte tenu de l’état de santé de la
personne. Il pourra considérer que la protection de la personne n’entre pas dans les
attributions du protecteur qui n’assurera qu’une protection des biens. Il pourra également
prévoir, quelle que soit l’importance de la mesure (curatelle ou tutelle), que la protection
de la personne fera l’objet d‘une assistance. En cas de tutelle, si l’assistance apparaît
insuffisante, le juge pourra prévoir la représentation de la personne.
B) Protection de la personne et autonomie
La protection « a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la
mesure du possible l’autonomie de celle -ci »26
. La loi prévoit le partage de la protection
25
Code civil, article 415, alinéa 2.
26
Code civil, article 415, alinéa 3.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 15 -
de la personne entre le protecteur qui voit son champ d’intervention s’étendre et la
personne protégée qui peut prendre « seule les décisions relatives à sa personne dans la
mesure où son état le permet »27
. Décider pour soi-même vient limiter explicitement la
présomption d’une incapacité continue à se protéger et reconnaître que la personne est la
mieux à même de prendre les décisions la concernant. Cette disposition a pour corollaire
l’obligation d’informations de la personne protégée imposée au protecteur par l’article
457-1 du code civil. Celui-ci doit lui donner « toutes informations sur sa situation
personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les
conséquences d’un refus de sa part ».
La loi de 2007 favorise les décisions et choix personnels de la personne protégée qui
garde le libre choix de sa résidence et de ses relations. Quel que soit le degré de sa
protection, elle lui laisse la possibilité de réaliser des actes qui ont des conséquences
personnelles fondamentales sur sa vie. Les dispositions relatives au PACS sont
modifiées : les personnes en curatelle et en tutelle pourront conclure un pacte civil de
solidarité. Elles pourront le rompre seules sans assistance ni autorisation. La personne en
tutelle aura la possibilité de faire un testament avec l’autorisation du juge, le tuteur ne
pouvant ni l’assister, ni la représenter. Elle peut révoquer seule tout testament effectué
avant ou après l’ouverture de la tutelle. Enfin, pour rappel, le droit de vote des personnes
en tutelle devient le principe, sa suppression devant être motivée par le juge à l’ouverture
de la mesure au regard de l’état de santé de la personne.
Malgré ces indéniables avancées dans l’autodétermination des personnes, je souhaite
évoquer ici l’importance du code de la santé publique depuis la loi du 4 mars 2002 sur le
droit des malades en matière de consentement aux soins, aux traitements médicaux et
aux interventions chirurgicales. Elle indique dans son article L 1111-4 : « Le
consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché
s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». La loi de 2007 superpose
à ce dispositif l’obligation pour le tuteur de requérir l’autorisation du juge pour prendre une
décision concernant une opération portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la
personne protégée. Elle subordonne ainsi à cette autorisation le consentement aussi
éclairé soit-il de la personne en tutelle.
On peut noter également dans le domaine de la santé que la personne en tutelle ne peut
toujours pas désigner une personne de confiance après sa mise sous tutelle, le tuteur
jouant de facto ce rôle.
Enfin, je veux revenir sur les dispositions relatives aux actes impliquant un consentement
strictement personnel énoncés dans l’article 458 du code civil : actes de l’autorité
parentale, déclaration du choix du nom ou du changement de nom d’un enfant,
27
Code civil, article 459, alinéa 1.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 16 -
consentement à sa propre adoption ou à celle de son enfant. En exigeant une décision
strictement personnelle pour ces actes et en refusant toute forme d’assistance pour y
parvenir, le législateur en a quasiment interdit l’accès aux personnes protégées.
Malgré ces quelques contradictions entre les textes, lorsque le législateur étend le champ
d’intervention du protecteur à la protection de la personne jusqu’alors acquise aux
thérapeutes, il confirme le passage de la protection juridique vers un dispositif socio-
judiciaire dans lequel le travail social peut prendre toute sa part.
C) Le droit des usagers
La loi du 5 mars 2007, en déclinant un volet préventif de mesure d’accompagnement
social personnalisé (MASP) pour les personnes présentant des difficultés à gérer leurs
ressources, fait aussi entrer la protection judiciaire des majeurs dans le code de l’action
sociale et des familles. L’article L 312-1 de ce code affirme que : « les services mettant en
œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre
du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice
ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire »
font partie des services sociaux et médico-sociaux. A ce titre, ils concourent à l’action
sociale et contribuent à une mission d’intérêt général. Les personnes prises en charge par
les services mandataires se voient garantir l’exercice de leurs droits et libertés
individuels aux fins notamment de prévenir tout risque de maltraitance : c’est le droit des
usagers. Décliné par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, il
fait l’objet d’une adaptation spécifique pour les services mandataires.
Le droit des usagers dans les services mandataires donne la priorité à l’information de
la personne et à son accès à cette information par des documents divers : notice
d’information, règlement de fonctionnement, charte des droits et libertés de la personne
protégée. Il étend l’accès de cette information à des parents ou personnes proches en cas
d’impossibilité d’informer la personne elle-même. Il garantit un accompagnement
individualisé de la personne favorisant le développement de son autonomie et
systématisant la recherche de son consentement éclairé. Il prévoit la participation directe
de la personne au document individuel de protection des majeurs qui devra définir les
objectifs de la mesure de protection. La participation des personnes protégées au
fonctionnement du service mandataire est prévue. Elle peut prendre la forme d’un conseil
de la vie sociale ou des autres formes de participation prévues par la loi.
Ainsi les personnes protégées par une mesure judiciaire contraignante deviennent
aussi usagers d’un service qu’elles n’ont, le plus souvent, pas choisi. La relation avec le
service mandataire s’en voit profondément modifiée par la participation de la personne
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 17 -
protégée au fonctionnement du service mandataire dont elle devient un acteur avec lequel
il convient de partager l’exercice même de la mesure de protection.
1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social
1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents
A) Les premiers pas
C’est dans le registre manuscrit destiné à recevoir les procès-verbaux de
l’association tutélaire des majeurs protégés de la Haute Savoie que sont consignés en
mémoire ses premiers pas. Le procès-verbal de l’Assemblée constitutive décrit ainsi
l’objet de l’Association : « Quand il ne reste plus personne, parent ou ami, capable de
veiller sur le sort d’un handicapé majeur (et seulement dans ce cas) nous apporterons
une solution de secours ». 28
Portée par de nombreux membres de l’ADAPEI, plusieurs directeurs d’établissement, le
président de l’UDAF, le représentant de la DDASS et le conseil général, la création de
l’ATMP74 le 21 avril 1975 fait consensus autour du majeur handicapé isolé. Le Président
de l’ADAPEI justifie la nécessité de l’intervention d’un organisme spécifique « car elle
permet d’organiser autour de lui le climat d’affection que ne peut plus lui donner la famille
et de résoudre les problèmes qui se poseront à lui ».
Le premier conseil d’administration comprend 23 membres dont 14 parents de mineurs ou
d’adultes handicapés. En juin 1976, à l’occasion de sa première assemblée générale,
l’Association fait un premier bilan de son expérience. Elle exerce 5 mesures de protection
confiées à des bénévoles. C’est le président qui est en relation avec les majeurs
protégés. L’Association fait de l’information sur les mesures de protection à destination
des familles. Elle marque son attachement aux bonnes relations avec les foyers
d’hébergement à qui elle délègue une partie de l’exercice des mesures : « L’Association
doit dégager les directeurs de foyer de certaines responsabilités ou les couvrir par une
délégation de pouvoirs en matière de gestion des biens ».
Grâce aux subventions des Associations de parents, elle gère un budget de 1160 francs.
Jusqu’en 1985, l’ATMP n’obtient aucun financement de l’Etat alors qu’elle exerce 35
mesures. L’ADAPEI est le support logistique du fonctionnement de l’ATMP et c’est cette
union d’associations de parent qui a porté ses débuts en lui prêtant son cadre associatif et
en la subventionnant.
28
Annexe1 : Extrait du procès-verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 18 -
B) L’expansion et la professionnalisation
La convention de financement avec l’Etat en 1986 permet à l’ATMP d’embaucher sa
première salariée. A partir de cette date, l’expansion est rapide. Le budget augmente
régulièrement : 81 000 francs en 1986, 195 000 en 1987, 700 000 en 1989 et 1 520 000
en 1990. L’ATMP peut embaucher son premier directeur en 1989. Elle double quasiment
son activité entre 1989 et 1990 pour atteindre 173 mesures de protection dont 73% sont
des mesures de tutelles. 57% des bénéficiaires de ces mesures vivent en établissement
pour personnes handicapées.
Entre 1990 et 2000, l’ATMP multiplie son activité par 15. Elle créé 6 antennes pour couvrir
le territoire départemental et organise un déménagement par an pendant 10 ans pour
adapter ses locaux à son activité.
Au vu du registre des procès-verbaux des Assemblées générales, j’ai pu reconstituer
ainsi l’expansion de l’ATMP :
Progression de l’activité :
ANNEES MESURES TUTELLE CURATELLE AUTRES
(Conseil de famille)
1986 32
1988 93 63 30
1993 574 204 355 15
1995 882 288 563 31
2002 1626 501 1125
2011 2117 636 1471 10
Progression des emplois :
ANNEES SALARIES ETP MJPM SECRETAIRES NOUVEAUX
POSTES
1988 3 2 1.5 0.5
1989 5 Directeur
1997 33 24 8
2002 58 44,73 35 11 4 responsables
1 comptable
2011 88 84,91 Directrice adjointe
Juriste
Informaticien
Assistante de
direction
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 19 -
Les statuts de l’Association ont été modifiés en 2011 pour mieux prendre en compte la
diversité de la population concernée par le dispositif de la protection juridique. Ainsi, le
conseil d’Administration est composé d’une part de personnes physiques dont les parents
ou les proches sont des personnes handicapées et d’autre part, de représentants de
personnes morales, « associations à but non lucratif, dont l’objet est l’aide à des
personnes handicapées du fait d’une déficience intellectuelle, d’une maladie mentale,
d’une perte d’autonomie due au vieillissement ou à une addiction, d’une altération de ses
capacités corporelles 29
».
En 2014, l’engagement des associations de parents reste intact malgré la difficulté de
trouver des bénévoles. Les 12 membres du conseil d’administration sont tous investis
dans d’autres responsabilités associatives au sein d’associations œuvrant dans le champ
du handicap et plus récemment dans celui des personnes âgées représenté par un
membre du CODERPA 30
.
1.3.2 Environnement et contexte du service
A) Le quasi-monopole du service mandataire
La protection juridique dans le département
L’ATMP74 est quasiment le seul service mandataire à œuvrer sur le département.
La DRJSCS en mars 2014 a publié ses statistiques31
dans lesquelles elle établit le nombre
de personnes prises en charges en Haute Savoie par des services mandataires, au 31
décembre 2011, à 2544 alors qu’à cette période l’ATMP74 exerce environ 2000 mesures.
Elle a limité son activité à la protection juridique des majeurs, alors que l’UDAF, souvent
active dans le domaine de la protection juridique, s’est cantonnée, en Haute Savoie, à la
mise en œuvre du dispositif concernant l’exercice des tutelles aux prestations sociales
puis des MASP. A la demande des juges, un service mandataire de l’Isère a obtenu un
agrément sur la Haute Savoie pour l’exercice de 350 mesures de protection.
La contribution départementale de la Haute Savoie au schéma régional de la protection
juridique des majeurs de 2010 à 2014 s’appuie sur l’évolution prévisionnelle de la
population jusqu’en 202032
:
29
Extrait des statuts de l’ATMP74
30
Comité départemental des retraités et des personnes âgées.
31
DRJSCS, 9 avril 2014 « Panorama statistique jeunesse sport cohésion sociale Rhône Alpes
2013 » p 15 consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Panorama-
statistique-2013.html
32
DRJSCS, 24 septembre 2010, « Schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des
majeurs et des délégués aux prestations familiales »p 50, consulté le 13 avril 2014 sur
http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Les-majeurs-proteges.html
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 20 -
Haute
Savoie
Population
au 1er
janvier (en
milliers
Structure par âge Population par âge
0-19
ans
20-59
ans
60 ans
ou +
0-19
ans
20-59
ans
60 ans
ou plus
2010 726 038 25.8 53.8 20.4 187 515 390 559 147 964
2015 765 095 25.0 52.5 22.5 191 171 401 603 172 321
2020 803 973 24.2 51.2 24.4 196 513 411 451 196 009
Source : INSEE
L’augmentation de la population en Haute Savoie la met, selon la lettre de l’INSEE
de mars 200933
, au 1er
rang des départements de Rhône Alpes, à égalité avec l’Ain, pour
la croissance démographique. Tirée par la proximité de Genève, tous les territoires en
bénéficient. La hausse de la population confirme l’étalement périurbain des zones
urbaines. L’ATMP74 a su s’implanter au cœur de ces zones en développant des
antennes sur Annecy, Annemasse, Cluses, Thonon et la Roche sur Foron, assurant ainsi
la couverture du territoire départemental et la proximité avec les usagers et les
partenaires.
Le schéma régional fait également le constat de l’accroissement de la population des
personnes âgées via l’indicateur des bénéficiaires de l’APA en augmentation, sans
pouvoir envisager ses répercussions sur l’activité tutélaire.
En ce qui concerne les mesures de protection juridique, la DDCS établit à 19% leur
croissance entre 2007 et 2009. Près de 80% des mesures de protection concernent des
personnes à domicile alors que la moyenne régionale est de 64%. Elle reconnaît que
cette spécificité du département de Haute Savoie a « de fortes répercussions sur la
charge de travail des services de tutelle »34
.
La difficulté des coopérations :
Avec quatre tribunaux d’instance et 6 juges d’Instance qui font aussi fonction de
juges des tutelles, il est difficile de travailler à une harmonisation des relations. Chaque
tribunal et son greffe dispose d’un mode d’organisation différent. Les juges, accaparés
ces dernières années par la révision des mesures de protection, ont tous leurs exigences
et attentes spécifiques de l’intervention d’un service mandataire. Ainsi, malgré la réforme
et les ajustements inévitables qu’elle engendre, il n’y a pas eu de concertation entre les
mandataires judiciaires du département et les magistrats pour envisager des
33
INSEE, mars 2009, « lettre n°108 » consultée le 13 avril 2014 sur
http://www.insee.fr/fr/insee_regions/rhone-
alpes/themes/syntheses/lettre_analyses/01108/01108_RP_74.pdf
34
DRJSC, op cité, Schéma régional p 52
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 21 -
fondamentaux communs traçant des repères pour l’action des professionnels tant sur la
forme que sur le fond.
Dans le cadre de l’UDAPEI, l’injonction du conseil général sur la mutualisation de moyens
entre les associations adhérentes conditionnait le maintien du poste de son chargé de
mission. Des commissions de travail ont été constituées avec des professionnels de
chaque association adhérente pour évoquer les coopérations possibles dans le domaine
des pratiques professionnelles, des ressources humaines, des achats et des appels à
projet. Malgré la volonté de l’UDAPEI, les associations concernées ont déjà établi des
réseaux par affinités géographiques ou d’actions. Ce travail n’a donc pas abouti. La
situation de quasi-monopole dans lequel se trouve l’ATMP ne facilite pas son
rapprochement avec des associations départementales autour de la protection juridique.
J’en fais encore le constat autour du projet de service d’aide aux tuteurs familiaux
que l’ATMP74 porte depuis de très nombreuses années sans en avoir trouvé le
financement. Fin 2013, c’est l’UDAF qui inaugure ce service, subventionné par l’UNAF et
ouvert sans concertation avec l’ATMP74 alors que sur de nombreux département, on
assiste pour l’établissement de ce service à la création d’une plateforme commune
réalisée par une pluralité d’acteurs de la protection juridique.
Cette difficulté d’une situation monopolistique vécue de manière non hégémonique par
l’ATMP74 la conduit à regarder au-delà du département.
B) L’amorce d’un ancrage plus régional
L’ATMP74 fait partie des huit ATMP de la région Rhône Alpes qui ont fondé
l’Union Tutélaire Rhône Alpes (UTRA) en 1992. L’URAPEI y est membre de droit. Son
but essentiel est d’être une instance de réflexion, de promouvoir une politique
commune d’actions, de réaliser une entraide entre ses membres. Elle peut organiser et
gérer des services d’intérêt commun aux membres. C’est ainsi qu’elle s’est dotée d’une
plateforme de formation à destination des professionnels des associations adhérentes.
La réunion mensuelle des directeurs est un espace d’échange qui permet d’élaborer
des positions communes relayées par l’UTRA. Une réunion trimestrielle des chefs de
service s’est mise en place fin 2013 pour réfléchir aux pratiques professionnelles. Ces
réunions répondent à un besoin croissant de partage et d’échange d’informations. Si
des positions communes sont arrêtées et constituent un cadre de référence encore
peu formalisé, l’UTRA n’a pas encore réussi à développer de réelles coopérations
entre les associations qui restent sur des fonctionnements très individuels et pour
certaines concurrentiels.
Le conseil d’administration de l’ATMP74 au vu de l’échec des coopérations au sein de
l’UDAPEI esquisse une volonté d’implication plus forte au sein de l’UTRA dont l’objet
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 22 -
est entièrement tourné vers le regroupement régional d’associations mettant en œuvre
les mesures de protection juridique.
D’autres regroupements régionaux ont des incidences sur le partenariat de l’ATMP74.
Une charte des bonnes pratiques est en cours d’élaboration entre la chambre
interdépartementale des notaires de Savoie et les deux ATMP de Savoie et de Haute
Savoie. Il n’a pas été possible pour le moment d’étendre la concertation à l’ensemble
des services mandataires des deux départements en raison de leur difficulté à travailler
ensemble.
C) Le double contrôle de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire
L’entrée des services mandataires dans le champ de l’action sociale depuis 2009
a profondément troublé la visibilité de leurs missions par les professionnels. Le
contrôle de la justice reste inhérent à la mesure judiciaire. Il se traduit à la fois par la
surveillance annuelle des comptes de gestion remis au greffe du tribunal pour chaque
majeur protégé, et par le contrôle du juge sur les demandes d’autorisation pour agir et
les actes effectués. Ce contrôle s’exerce aussi à l’occasion des révisions des mesures,
ou suite à la demande d’un majeur protégé. Il se double d’un contrôle administratif et
financier exercé par la DDCS. Organe de contrôle de la conformité des services avec
le droit des usagers et le système de l’évaluation, décideur en matière budgétaire et
régulateur de l’activité par le biais des schémas régionaux, l’autorité administrative est
devenue omniprésente dans le paysage des services mandataires judiciaires. Au
niveau régional, certaines DRJSCS investissent la réflexion sur les usagers des
services mandataires. La DRJSCS du Nord Pas de calais35
s’est intéressée à la
participation des majeurs protégés. La DRJSCS des Pays de Loire a publié en mars
2014, à l’intention des professionnels, un guide d’accompagnement des majeurs
protégés atteints de troubles psychiques36
dont l’objet est de coordonner les
interventions du mandataire judiciaire et des professionnels de santé autour du majeur
protégé, avant, pendant et après son hospitalisation.
A l’occasion de l’élaboration de son projet de service, les professionnels de l’ATMP74
se sont interrogés sur leur vision commune des missions du service mandataire. S’agit-
il d’un service administratif, d’un service social, d’un service d’auxiliaire de justice ?
Chacune des propositions a recueilli environ un tiers des réponses confirmant la
35
Les cahiers de la DRJSCS juin 2012 : pratiques et conceptions relatives à la participation des
majeurs protégés en Nord-Pas-de-Calais : une étude qualitative.
36
Le guide d’accompagnement des majeurs protégés atteints de troubles psychiques consulté le
13 avril 2014 sur le site http://www.pays-de-la-loire.drjscs.gouv.fr/Guide-d-accompagnement-des-
majeurs.html
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 23 -
difficulté d’une vision partagée sur la nature des missions et au-delà de
l’accompagnement des personnes. C’est à cette croisée du judiciaire et du social que
se tient l’ATMP74 cherchant à redéfinir les orientations d’un accompagnement tutélaire
conforme au mandat judiciaire et garant du droit des usagers.
1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale
A) Description du service mandataire de l’ATMP7437
Métiers et effectifs :
Au fil des années, l’organisation du service s’est structuré autour de deux métiers
principaux : celui de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de secrétaire.
L’expansion du service a nécessité l’adaptation de sa structure d’encadrement. Chaque
antenne est sous la responsabilité d’un chef de service qui cumule aussi la fonction de
mandataire judiciaire au prorata de la taille de l’antenne. Les effectifs actuels de l’ATMP74
se présentent de la manière suivante :
CATEGORIES PROFESSIONNELLES NOMBRE D’ETP AU 31 DECEMBRE 2013
Mandataires judiciaires 43.8 ETP
Secrétaires 26.92 ETP
Cadres 10.74 ETP
Au 31 décembre 2013, l’ATMP74 emploie 89 salariés : 30 secrétaires, 48 mandataires, 11
cadres. La féminisation des métiers est prédominante. Sur 89 salariés, 8 sont des
hommes dont la moitié est en poste de cadres. 3 antennes sur 6 sont constituées
uniquement de femmes toutes catégories professionnelles confondues.
Les mandataires judiciaires ont tous un diplôme initial de juriste (niveau master) ou de
travailleur social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale,
éducateur spécialisé). Les recrutements les plus récents se portent essentiellement sur
les CESF qui sont le plus souvent candidates au poste de mandataire. Tous, sauf les très
nouvellement embauchés, ont obtenu le certificat national de compétence rendu
obligatoire avec la loi du 5 mars 2007.
Les secrétaires ont d’abord eu une fonction comptable consistant en l’enregistrement des
opérations de gestion pour le compte des personnes protégées. Peu à peu, leur mission a
intégré une fonction plus administrative : rédaction de courrier, classement, remplissage
des dossiers administratifs. Leur niveau de recrutement s’est élevé ces dernières années
37
Annexe 2 : organigramme de l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 24 -
avec de plus en plus souvent un diplôme de niveau III (BTS). L’arrivée de secrétaires
ayant un parcours dans le secteur privé du tertiaire ou de l’industrie a impulsé de manière
empirique une augmentation du champ de compétences dans l’utilisation de l’outil
informatique et une évolution de la fonction de la secrétaire /comptable vers l’assistance
du mandataire judiciaire.
Les responsables de service sont tous issus des mandataires judiciaires. Le niveau de
formation de l’encadrement (CAFERUIS, CAFDES) est une préoccupation du conseil
d’administration. Il favorise ces formations pour tous les cadres ayant une fonction
sociale : sur les 8 cadres ayant une fonction sociale 3 en sont diplômés et 3 en cours de
formation.
Situation budgétaire et financière :
Après avoir connu de nombreuses années de restrictions budgétaires, l’ATMP74 a
obtenu en 2011 les moyens de développer les fonctions supports et administratives pour
apporter aux mandataires judiciaires le soutien nécessaire à leur mission. Elle atteint le
niveau des indicateurs nationaux mis en place dans le cadre de la convergence tarifaire.
C’est en 2011 qu’elle a pu créer les postes de direction adjointe, de juriste, d’assistante
de direction et d’informaticien, 2 postes de responsables et 6 postes de secrétaires. Cette
restructuration a permis de transférer une partie des tâches administratives effectuées par
les mandataires aux secrétaires, de professionnaliser l’intervention des mandataires sur le
plan juridique et patrimonial avec le soutien de la juriste, d’assurer la mise en place des
outils relatifs au droit des usagers et d’engager une rénovation de la communication
institutionnelle (projet associatif, changement de logo, diffusion de nouvelles plaquettes
d’information, développement des interventions publiques sur les mesures de protection).
Compte tenu de l’importance de la gestion dans l’activité tutélaire, le service a pu se doter
des moyens informatiques indispensables à la sécurisation de ses données.
Avec un budget annuel de 4,2 millions d’euros, l’équilibre semble atteint en 2012, alors
que la situation financière reste toujours fragile, l’ATMP74 ne disposant pas de patrimoine
et de très peu de fonds propres. En 2013, la diminution sévère des recettes provenant de
la participation des usagers (-130 000 euros) et la perspective d’une diminution de la
dotation globale en 2014 fragilise encore un peu plus la situation financière de
l’association qui devra trouver des marges de manœuvres pour diminuer ses charges
alors qu’elle doit faire face à un accroissement sensible de l’activité sur les deux premiers
trimestres 2014.
Les flux d’activité :
La volonté politique qui a présidé à la création de l’ATMP74 était de développer un
service indépendant des associations de parents prenant en charge des services
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 25 -
d’hébergement des personnes handicapées. De cette volonté, encore présente
aujourd’hui, est né un service ayant vocation à gérer une seule activité, la protection
juridique. De ce fait, l’association est tributaire des flux d’activité dont elle n’a pas la
maitrise.
Après l’expansion des premières années, la progression s’arrête en 2009 et le nombre de
mesures stagne jusqu’en 2011 pour chuter d’une centaine de mesures à la fin de l’année
2013. Le début de l’année 2014 permet d’envisager un rebond significatif de l’activité avec
100 nouvelles mesures en trois mois, ce qui correspond à la moitié des nouvelles
mesures enregistrées en 2013. Les juges, conscients de la difficulté du service à absorber
autant de nouvelles mesures dans de si brefs délais, constatent la défection de certains
mandataires privés et une hausse importante des demandes de mesure de protection qui
ne peuvent être confiées qu’à l’ATMP74.
Avec une charge de travail fixée à 51 mesures pour un poste à temps plein de mandataire
et à 100 pour un poste à temps plein de secrétaire, le flux de l’activité, imprévisible,
variable selon les tribunaux, engendre très rapidement des répercussions sur
l’organisation interne et la charge de travail des antennes. Il suppose des ajustements
rapides en matière de recrutement et de mobilité professionnelle malgré l’absence de
perspective sur les ressources financières à court terme et une convention collective peu
attractive dans un département ou le transport et le logement constituent des charges
financières importantes pour les salariés.
B) La population accompagnée
Caractéristiques 38
:
Curatelle : 66%
De 50 à 70 ans : 60,27%
Hommes : 53 %
Personnes âgées : 24%
Personnes handicapées : 60% dont 28% relèvent du handicap psychique.
Hébergement
Logement autonome
(locataire et propriétaire) : 53,7%
Etablissement : 32,7%
Famille naturelle : 5,3%
Ces quelques statistiques mettent en évidence la prédominance des mesures de curatelle
puisqu’elles concernent deux tiers de la population accompagnée et la proportion
38
Annexe 3 : Graphiques des données de l’ATMP74 au 1
er
mars 2014.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 26 -
importante de personnes handicapées bénéficiant d’une mesure de protection. La
majorité de cette population a plus de 50 ans et a déjà un parcours de vie significatif. La
part de la population hébergée dans un établissement ne constitue que le tiers des
personnes accompagnées. Si plus de la moitié vit dans un logement autonome de
manière habituelle, on constate qu’environ 10% de cette population n’est répertorié dans
aucun type d’habitat traditionnel.
Le mouvement de désinstitutionalisation, l’augmentation des soins ambulatoires en
psychiatrie, et le développement des services à la personne favorisent le maintien à
domicile de personnes qui relevaient jusqu’alors de l’hospitalisation. Aujourd’hui, 0,6% de
la population accompagnée vit de manière habituelle en établissement psychiatrique.
Besoins et attentes de la population
Les personnes protégées vivant en logement autonome bénéficient souvent de
plusieurs accompagnements qui favorisent le maintien de leur autonomie : SAVS,
SAMSAH, services à la personne, ESAT. Les prises en charge multiplient les intervenants
autour de la personne. Leur coordination et la place laissée à l’usager au milieu d’un
ensemble de dispositifs devient un enjeu significatif de la cohérence des
accompagnements.
La mesure de protection juridique concerne aussi des personnes très isolées et
désocialisées pour lesquelles elle est considérée comme le dernier recours, là ou toute
autre forme d’intervention a échoué. Des conditions de vie précaires (expulsion en cours,
logement insalubre, sans domicile fixe), le déni de la maladie, le rejet de tout soin ou de
toute forme d’aide, la perte des droits aux ressources et à la protection sociale
l’endettement qui en découle, sont à l’origine de la protection juridique. Confiée à un
service mandataire, elle est l’aveu de la nécessité d’une protection qui ne peut être le fait
d’aucun autre dispositif contractuel, social ou familial.
Cependant, la plupart des personnes protégées sont insérées dans un système familial
(fratries, enfants, petits-enfants, parents). A ce titre, elles restent parties prenantes des
enjeux historiques, affectifs, économiques qui contribuent à fonder leur identité familiale.
La population qui bénéficie d’une mesure de protection n’y est pas forcément favorable et
n’a pas initié cette démarche. Elle connait généralement les contraintes qui y sont
attachées, vécues comme une perte majeure d’accessibilité à son argent, aux
informations qui la concernent, à l’exercice de ses droits, ce qui conditionne de manière
fondamentale ses choix de vie, son autonomie et son estime de soi. L’enquête de
satisfaction réalisée auprès de 436 majeurs protégés en fin d’année 2012 a obtenu 221
réponses qui nous révèlent que 21% de ces personnes ne sont pas satisfaites de l’aide
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 27 -
apportée par l’ATMP74 pour « favoriser leur autonomie et valoriser leurs potentiels et
leurs capacités39
». En ce qui concerne l’argent, 35% d’entre elles disent ne pas connaitre
leur budget et pour une sur trois, ce budget n’a pas été établi de manière concertée40
. Six
personnes sur dix ne disposent pas de leurs relevés de compte bancaire et 49% disent ne
pas connaitre leur situation financière41
.
CONCLUSION INTERMEDIAIRE :
Les nouveaux attendus législatifs et réglementaires confirment l’intérêt de la
société mondiale pour l’égalité des droits et des capacités dans la construction d’une
politique communautaire à la recherche de cohésion sociale. Le droit international
préconise l’intégrité de la capacité juridique des personnes qui ne peut pas être limitée
par des pratiques substitutives de représentation. Le droit français s’en est inspiré en
retenant le principe de nécessité et de proportionnalité sans toutefois mettre fin au régime
de représentation.
L’accent mis sur le développement de la protection de la personne, sa nécessaire
participation aux choix qui la concernent, son pouvoir d’agir et à défaut le soutien de son
autonomie, interroge les pratiques professionnelles individuelles et collectives des
services mandataires.
Le principe de précaution et la recherche du « risque zéro » tendent à la normalisation
des procédures, à la recherche de processus qui déclinent des étapes incontournables et
des outils-solution au détriment du respect de la liberté individuelle et de l’incertitude qui
jalonne les trajectoires de vie. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent dans les
domaines économique, philosophique et social pour promouvoir la prise en compte du
choix des individus à vivre comme ils le souhaitent. Les professionnels de la protection
juridique ne peuvent pas y rester indifférents compte tenu de l’importance des pouvoirs
qui leur sont conférés.
39
ATMP74 Enquête de satisfaction p 101
40
Ibid. p 59
41
Ibid. p 63 et 65
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 28 -
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 29 -
2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits
fondamentaux
2.1 La dimension politique de la personne protégée
2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée
A) Les sources plurielles de la citoyenneté
A travers l’histoire, la citoyenneté s’affirme comme une qualité, un état ou un concept
qui évolue en fonction de la maturité des peuples à penser leur organisation sociale et
politique.
Ainsi les cités grecques attribuaient la qualité de citoyen de manière très restrictive à des
hommes libres et selon des critères variables de naissance, de richesse, de propriété
foncière. Si son statut pouvait sembler enviable, le citoyen grec devait remplir de
nombreuses obligations. Il participait à l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif, il
rendait la justice et devait défendre sa cité. La cité d’Athènes, en donnant le pouvoir à la
communauté des citoyens, « le démos », sans tenir compte de critère de richesses, a jeté
les bases de la démocratie entendue comme une forme de gouvernement où « la
démocratie n'est pas le pouvoir de tous mais la souveraineté de ceux qui constituent le
demos, le peuple citoyen ».42
Du contrat social, constitué par l’acte volontaire des individus à se rassembler en
renonçant à leur liberté absolue au profit des règles énoncées dans l’intérêt général,
émerge l’acte fondateur de la société voulu par le sujet citoyen. Il pose le problème de la
représentation rendue nécessaire par l’extension de la cité et du droit de vote.
En 1789, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen exprime l’affirmation de la
liberté et de l’égalité des hommes en droits : présomption d’innocence, liberté d’opinion,
liberté d’expression, droit de propriété. La puissance publique garantit les droits et libertés
du citoyen qui ne peuvent être limités que par la loi.
Ainsi la citoyenneté moderne ouvre au citoyen, au-delà du droit de participer à la vie
politique, un droit à de réelles libertés civiles et politiques.
Dans le préambule de la constitution de 1946, les obligations de l’Etat vis-à-vis du citoyen
sont affirmées. Dans ce texte, c’est la nation qui assure à chaque citoyen, hommes et
femmes, un certain nombre de droits dits « droits créances », droit à la protection de la
santé, à la sécurité matérielle, droit à des moyens convenables d’existence. Dès 1789, le
42
CNDP Centre national de documentation pédagogique consulté le 16 mai 2014 sur
http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/quiestcitoyen.htm
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 30 -
principe de la souveraineté se concentrait dans la nation : « Nul corps, nul individu ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».43
La citoyenneté française reste
attachée à ce critère de la nationalité, qui relève de l’appartenance à un ensemble
identitaire plus vaste que la communauté, le particularisme régional, ethnique ou culturel.
Etroitement liée à la démocratie, à l’exercice des droits et des libertés dans le respect de
la loi et attachée à une appartenance identitaire, la citoyenneté dépasse le cadre du droit
de vote et de l’éligibilité.
B) Eligibilité et droit de vote des personnes protégées
Jusqu’au 1er
janvier 2009, les personnes protégées en tutelle étaient automatiquement
privées du droit de vote qu’elles pouvaient retrouver en saisissant le juge qui statuait sur
leur demande. Depuis cette date et la modification de la loi, l’article 5 du code électoral
stipule : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le
maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». Ainsi,
l’automatisme ne fait plus loi et hormis les personnes en tutelle dont le juge a supprimé le
droit de vote, la plupart des personnes protégées peuvent voter aux élections relevant du
suffrage universel.
Cependant les conditions d’inéligibilité dans les instances législatives et exécutives que
sont l’Assemblée nationale, le Conseil Général et la Municipalité s’étend aux personnes
en tutelle et en curatelle. Elles ne peuvent pas faire acte de candidature, ni être élues.
Ainsi, dans le régime politique de la démocratie française, la majorité des personnes
protégées sont interdites de représentation de leurs concitoyens par un mandat politique.
Cet empêchement s’étend aux fonctions inhérentes à la justice. Pour être électeur et
éligible aux fonctions prud’homales, il ne faut être l’objet d’aucune interdiction,
déchéance, incapacité relative aux droits civiques44
. Ces conditions sont renforcées dans
le code de procédure pénale pour la fonction de juré de Cour d’Assises. La liste des
personnes incapables d’être jurés s’étend aux majeurs sous sauvegarde de justice, aux
majeurs en tutelle et aux majeurs en curatelle45
.
C) L’accès au statut associatif
« L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre
que de partager des bénéfices. » nous dit l’article 1er
de la loi du 1er
juillet 1901 relative au
contrat d’association. Pour en être membre, il suffit d’adhérer. Si cette démarche est
considérée comme constitutive d’un acte à caractère strictement personnel qui ne
43
Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 3
44
Code du travail, article L1441-16
45
Code de procédure pénale, article 256
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 31 -
supporte aucune représentation ni assistance, la seule volonté de la personne emporte
validité de l’adhésion.
Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine
des personnes placées en curatelle ou en tutelle prévoit que la candidature aux fonctions
de gérant et d’administrateur d’un groupement doté de la personnalité morale est classée
comme un acte de disposition46
. Il emporte donc la co-signature du curateur. Mais les
fonctions au sein d’une association et de son Conseil d’administration peuvent être
assurées par la personne protégée seule dès lors qu’elles n’ont aucune dimension à
caractère de gestion patrimoniale.
2.1.2 La participation de la personne protégée
A) La participation dans la mise en œuvre de la mesure de protection juridique
Le processus démocratique moderne favorise de plus en plus l’implication directe des
citoyens dans la préparation des décisions publiques qui les concernent. Il a également
pris corps dans le secteur social et médico-social avec la loi du 2 janvier 2002. Celle-ci
prévoit la participation directe de la personne prise en charge par des établissements et
services sociaux et médicaux-sociaux « à la conception et à la mise en œuvre du projet
d’accueil et d’accompagnement qui la concerne »47
. Cette participation est envisagée
comme une des dispositions garantissant à l’usager l’exercice de ses droits et libertés
individuels.
L’ANESM dans sa recommandation de bonnes pratiques professionnelles d’avril 201248
aborde trois aspects de cette participation : la participation des personnes à leur propre
mesure de protection, la participation des personnes au fonctionnement du service et son
soutien organisé par le service et ses professionnels. Elle invite les professionnels à
identifier les objectifs et le sens de cette participation : personnalisation de
l’accompagnement, valorisation de l’autonomie, amélioration de la qualité de la prestation,
reconnaissance des personnes en tant que citoyen à l’échelle du service. Elle insiste sur
l’importance de la co-décision et de la co-construction.
La participation de la personne à l’exercice de sa mesure de protection se développe
dans une expression libre, facilitée et prise en compte par les professionnels à travers des
outils adaptés. Elle invite à poser un regard nouveau sur la personne protégée et à
questionner son pouvoir d’agir quand bien même il existe une mesure de protection. Elle
vient combattre la présomption d’incapacité identifiée dans la protection juridique par la
46
Décret n°2008 du 22 décembre 2008, annexe I, relatif aux actes de gestion du patrimoine des
personnes placées en curatelle ou en tutelle.
47
CASF, article L311-3
48
ANESM, juillet 2012 Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures
de protection juridiques
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 32 -
perte de l’exercice de droits, la minoration du droit à agir de la personne protégée ayant
pour automatisme l’attribution de ce droit à un autre. Son droit à l’information, à
l’expression de ses besoins et de ses attentes, le recueil de ses choix et de son
consentement constituent les bases d’un rapport social où la confusion n’est plus
possible entre la minoration de l’exercice des droits et la perte de ces droits.
La participation des personnes protégées au fonctionnement du service permet leur
association à la définition de l’intérêt général à l’échelle du service. Elle implique que le
fonctionnement et la qualité du service les concernent directement dans une vision
démocratisée de la relation d’aide dans laquelle la philosophie du « rien pour nous sans
nous » de la Coordination handicap autonomie fait écho. Le débat sur l’impossible
représentation des personnes protégées par les personnes protégées elles-mêmes est
caduque. Les initiatives en faveur de formes de participation autres que l’enquête de
satisfaction émergent, notamment avec les groupes de parole dont la timidité cependant
exprime bien la difficulté à s’approprier de part et d’autre l’exercice citoyen.
Le développement de la participation des personnes à la mise en œuvre de leur mesure
de protection instaure une autre dimension de l’accompagnement évoquée par Roland
Janvier et Yves MATHO49
dans la création par les professionnels des conditions qui
permettent aux personnes en difficulté de reprendre leur destin en main. Il ne s’agit pas
seulement de trouver des solutions mais de permettre un processus de recherche de
qualité et de pertinence des décisions basé sur l’échange et la reconnaissance des
capacités des personnes à exprimer et à mettre en œuvre ce qui est le mieux pour elles.
B) Participation aux échanges : don, dette et lien social
La protection juridique accorde autant d’importance à la protection de la personne qu’à
celle de ses intérêts patrimoniaux. L’argent est une considération essentielle dans la mise
en œuvre de la mesure de protection et son caractère multi dimensionnel mérite un
développement particulier.
Par son objectivation de la valeur, l’argent universalise la possibilité d’échange en
donnant un prix à chaque chose. Il permet à chacun de réaliser la satisfaction d’un besoin
ou d’un désir en rendant l’échange possible. Il permet de se libérer de toute sorte de
dettes et d’obligations mises à la charge des individus rassemblés en société autour de
normes partagées (paiement de l’impôt, du loyer, de la pension alimentaire …). L’argent
rend puissant « parce qu’il est puissance d’action » nous dit Jean BEAUJOUAN50
: « Par
49
JANVIER R et MATHO Y, 2011, Comprendre la participation des usagers dans les organisations
sociales et médico-sociales. 4
ème
édition DUNOD.
50
BEAUJOUAN J L’argent et le lien social, conférence du 9 mars 2006, consultée le 29 mai 2014
sur http://www.jean-beaujouan.fr/IMG/pdf/L_argent_et_le_lien_social.pdf
Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire
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Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

  • 1. VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR LE SERVICE MANDATAIRE Marie-Hélène BONNEAU 2014
  • 2.
  • 3. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014 R e m e r c i e m e n t s Sans les personnes protégées que j’ai pu rencontrer ou avec lesquelles j’ai travaillé, ce sujet de mémoire n’aurait pas vu le jour, en tout cas, pas de mon fait. Leur évocation a égrené ma recherche, car il en est un certain nombre que je n’oublie pas. Elles m’ont montré leur intérêt pour l’échange dans la réciprocité, leur besoin de s’exprimer, leurs capacités à compenser leurs difficultés par des astuces, leur faculté à en rire. L’humour que j’ai appris à utiliser d’un collègue, assistant social, au tout début de ma carrière, est venu bien souvent ponctuer nos échanges pour atténuer la tension des situations. Je ne peux clore mon sujet sans les remercier de tous leurs témoignages qui ont orienté le sens de mon travail. Mes remerciements s’adressent particulièrement à l’ATMP74, aux bénévoles et aux professionnels impliqués au côté des personnes protégées qui s’efforcent de faire face aux situations d’apparence inextricables dans lesquelles ils laisseront beaucoup d’énergie, sans abandonner l’envie de questionner le sens de leur travail, ce que j’ai intégré à ma réflexion. La construction de ce mémoire a été lente et laborieuse. Conseillers, lecteurs et re-lecteurs se sont relayés autour de moi pour m’aider à garder la cohérence dans mon propos, m’encourager et m’apporter leurs remarques pertinentes qui m’ont permis d’aller au bout de cet écrit, je leur en suis vraiment reconnaissante. Pour finir, je veux remercier plus particulièrement mon compagnon de route pour son écoute patiente et son soutien inébranlable.
  • 4. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
  • 5. Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014 S o m m a i r e Introduction 1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation pour l’AMP74................................................................................................................3 1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique ................3 1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité juridique totale....................................................................................................................3 1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger ................5 1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés ...............................................8 1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers............................................... 10 1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie ............................................................................ 10 1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable ..................................................................... 11 1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers............................................ 14 1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social .................... 17 1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents .............................................................. 17 1.3.2 Environnement et contexte du service................................................................ 19 1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale........ 23 2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits fondamentaux ............29 2.1 La dimension politique de la personne protégée........................................... 29 2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée............................................................. 29 2.1.2 La participation de la personne protégée............................................................ 31 2.2 L’approche des « capabilités »........................................................................ 34 2.2.1 Le primat des libertés ......................................................................................... 35 2.2.2 Les opportunités réelles de participation ............................................................ 35 2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités ....................................... 36 2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne protégée38 2.3 L’institution juste ............................................................................................. 40 2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager ................................................. 40 2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante............. 43 3 Construire une Institution juste.......................................................................47 3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble » ....................................................... 47 3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées............................................ 47
  • 6. Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014 3.1.2 Créer du sens commun ...................................................................................... 52 3.2 Développer une compétence collective.......................................................... 56 3.2.1 Organiser la coordination des compétences....................................................... 57 3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management ......................... 59 3.3 Devenir un acteur des solidarités locales ...................................................... 62 3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges........................................... 62 3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les personnes protégées ?........................................................................................................ 63 3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation des personnes protégées ....................................................................................... 64 3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don ...................................... 65 3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la personnalisation de l’accompagnement. ....................................................................................... 67 3.4.3 La valorisation de l’autonomie ............................................................................ 68 3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service............................ 69 3.5 Evaluation des autres actions envisagées ..................................................... 70 3.5.1 La création de sens commun.............................................................................. 71 3.5.2 Les compétences collectives.............................................................................. 71 3.5.3 Le positionnement des responsables de service ................................................ 72 3.5.4 Les différentes coopérations .............................................................................. 72 Conclusion...............................................................................................................75 Bibliographie ...........................................................................................................77 Liste des annexes ......................................................................................................I
  • 7. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014 L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s ADAPEI Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales ANDP Association nationale des délégués et personnels des services tutélaires ANESM Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux APA Allocation personnalisée à l’autonomie ARS Agence régionale de santé ATMP74 Association tutélaire des majeurs protégés de Haute Savoie BTS Brevet de technicien supérieur CAFDES Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale CAFERUIS Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale CASF Code de l’action sociale et des familles CNC Certificat national de compétence CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie CESF Conseillère en économie sociale et familiale CREAI Centre régional pour les enfants, les adolescents et les adultes inadaptés CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie CRPD Convention on the rights of persons with disabilities Convention relative aux droits des personnes handicapées CRTS Comité régional du travail social CODERPA Comité départemental des retraités et des personnes âgées DDASS Direction départementale des affaires sanitaires et sociales DDCS Direction départementale de la cohésion sociale DGCS Direction générale de la cohésion sociale DIPM Document individuel de protection des majeurs DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques DRJSCS Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ESAT Etablissement et service d’aide par le travail FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne INSEE Institut national de la statistique et des études économiques MASP Mesure d’accompagnement social personnalisé MJPM Mandataire judiciaire à la protection des majeurs
  • 8. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014 OMPMP Observatoire national des populations « majeurs protégés » OPCA Organisme paritaire collecteur agréé PACS Pacte civil de solidarité RMI Revenu minimum d’insertion RSA Revenu de solidarité active SAVS Service d’accompagnement à la vie sociale SAMSAH Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance UDAF Union départementale des associations familiales UDAPEI Union départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales UNAF Union nationale des associations familiales UNAPEI Union nationale des amis et parents des personnes handicapées mentales UTRA Union tutélaire Rhône Alpes
  • 9. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 1 - Introduction « J’ai 80 € par semaine, je gère toute seule. Quand j’ai besoin d’un supplément, j’appelle ma curatrice. Je ne comprends pas pourquoi elle refuse de me donner de l’argent quand j’ai de l’argent sur mon compte. Je voudrais qu’elle en mette un peu de côté et qu’elle m’en donne plus. Ce sont les choses pour me faire plaisir qui me manquent le plus : aller au restaurant, à la foire. J’ai appelé, mais je n’ai pas eu ma curatrice. Ça va être trop tard. Si je pouvais donner mon avis personnel, il me faudrait 100 € par semaine. » (Extrait de mon entretien avec Rose le 17 novembre 2012). Pendant de nombreuses années, l’activité principale des services mandataires a concerné la gestion et la protection des biens. L’argent est au cœur de la relation qui s’instaure avec les personnes protégées notamment autour de l’établissement du budget et de ses incidences sur leur mode de vie. De ce fait, les services ont développé un accompagnement tutélaire qui témoigne de la prise en compte des difficultés des personnes, autres que celles liées à l’argent. Cependant l’importance des champs d’intervention, la diversité de la population suivie, le nombre de mesures exercées par les mandataires judiciaires conduisent les professionnels à s’interroger sur le contour de leur intervention. Le service mandataire est-il un service d’action sociale ? Malgré son apparition dans la liste des établissements et services participant à l’action sociale, la question reste en suspens. Souvent méconnue, la protection juridique reste envisagée par les partenaires comme le dernier recours lorsque les autres modalités d’accompagnement se sont heurtées à l’impossibilité de contractualiser la prise en charge, au refus de soin, à l’isolement. Les services d’action sociale mettent en œuvre les dispositifs visant à pallier les difficultés d’une partie de la population en développant différents modes d’accueil ou d’accompagnement. Leur finalité est de promouvoir, entre autres, l’autonomie, la protection des personnes et l’exercice de la citoyenneté. C’est bien ces objectifs que la loi du 5 mars 2007, réformant le dispositif de protection des personnes majeures, assigne aux services mandataires à travers l’émergence de la protection de la personne. De nombreuses dispositions dans les textes les invitent à respecter les choix de vie, à rechercher l’accord de la personne, l’expression de son consentement, à connaitre ses attentes et ses besoins et à en tenir compte, à co-construire le cadre dans lequel la mesure peut s’exercer. J’ai voulu m’interroger sur le sens même de la protection, celle qui met en sécurité, à l’abri des autres et de soi-même, celle qui pare à toutes les situations de danger. Celle qui se vit souvent comme une perte de liberté, une perte de possibilité de choix, une perte d’informations. La protection ne peut pas avoir un prix si lourd à payer qui va à l’encontre
  • 10. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 2 - de la finalité du service mandataire. La sécurité peut ramener la confiance, la confiance en soi, en son environnement, la confiance des autres, mais elle ne constitue pas, en tout cas pas à elle seule, les aspirations essentielles des personnes : choix de vie, désirs, rêve, idéal. C’est sur ce faux déterminant de la protection juridique que s’est construit le paradoxe de la protection et de l’autonomie. Et c’est dans le vécu de ces antagonismes que se débattent souvent les professionnels pris entre la logique de protection née du mandat confié par le juge et celle de l’action sociale rappelée plus haut. Quel accompagnement tutélaire pour substituer la dialogique au paradoxe ? En tant que directrice, il me paraît essentiel de répondre à cette question pour être en mesure de conduire l’adaptation du service à ses nouveaux enjeux. Je me suis d’abord intéressée à l’histoire de la protection juridique parce qu’elle raconte à travers la médecine et le droit l’évolution d’une prise de conscience mondiale : Chaque être humain a des droits inaliénables et les états démocratiques doivent veiller à ce qu’il en garde l’exercice. Puis, j’ai recherché les références théoriques qui me permettent d’élaborer les repères nécessaires à des pratiques renouvelées pour faire sens autour du nouvel enjeu de la protection juridique : Protéger, c’est promouvoir l’autonomie et la participation des personnes en favorisant leur expression et leur responsabilité. J’ai pu cheminer avec des auteurs qui se sont intéressés à l’incomplétude de l’être humain, sa faillibilité, sa vulnérabilité et aux opportunités à construire avec lui pour le rendre plus capable de lien, d’échange, de participation, de confiance en soi. Le service mandataire que je dirige témoigne de l’engagement des bénévoles et des professionnels à soutenir cette évolution qui commence à modifier les représentations communes de la personne protégée mais qui reste à ancrer dans les pratiques. L’ATMP74 doit maintenant franchir de nouvelles étapes et se rapprocher de ce qu’elle a laissé à distance en entrant dans un nouveau rapport d’usage avec les personnes protégées. Ma conception de l’humain et des rapports entre les personnes, fondée sur une posture éthique, imprègne profondément la conduite de cette adaptation que je veux mener en référence à « l’Institution juste » de Paul RICOEUR.
  • 11. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 3 - 1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation pour l’AMP74 1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique 1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité juridique totale. A) Les recommandations des Institutions européennes L’Union européenne a ratifié le 5 janvier 2011 la Convention on the Rights of Persons with Disabilities (CRPD) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2006 qui garantit l’égalité des droits des personnes handicapées. A sa suite, 24 États membres de l’Union européenne ont ratifié cette convention. Dans son article 12, la CRPD affirme que « les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique » avec jouissance de la capacité juridique dans des conditions d’égalité avec les autres1 . Elle enjoint aux États parties prenantes d’adopter « les mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique ». Dès le 23 février 1999, le Comité des Ministres du conseil de l’Europe avait adopté une recommandation2 préconisant la préservation maximale de la capacité juridique et affirmant que, sur la base des principes de nécessité et de subsidiarité, « aucune mesure de protection ne devrait être instaurée à moins qu’elle ne soit nécessaire ». Depuis 2009, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a inscrit au rang des priorités la réforme des dispositifs relatifs à la capacité juridique. Dans sa résolution 16423 , l’Assemblée « invite les États membres à s’assurer que les personnes handicapées disposent de la capacité juridique et l’exercent au même titre que les autres membres de la société ». Pour ce faire, elle leur demande de garantir « que personne ne limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions ». Elle insiste sur 1 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006, traduction française, p 10 consultée le 25 janvier 2014 sur http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?navid=15&pid=605 2 Recommandation 99 du comité des ministres du conseil de l’Europe du 23 février 1999 consultée le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetIm age=429025&SecMode=1&DocId=781106&Usage=2, p10 et 11. 3 Résolution 1642 adoptée le 26 janvier 2009 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe consultée le 25 janvier 2014 sur http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1642.htm
  • 12. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 4 - l’importance de « mesures adaptées à leur situation » et sur la nécessité d’une aide à la prise de décision par une tierce personne. B) Les droits de l’Homme et la capacité juridique Le document thématique « Á qui appartient-il de décider ? »4 , commandé et publié par le Commissaire aux Droits de l’Homme le 20 février 2012 s’attache à approfondir la réflexion sur « le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales ». Il définit la capacité juridique comme « la possibilité pour une personne d’agir dans le cadre du système juridique » et de devenir sujet de droits. A ce titre, elle joue un rôle fondamental dans l’exercice des libertés comme celle de se marier, d’hériter, de travailler. La capacité juridique est également source d’estime de soi et de responsabilisation en ce qu’elle permet de prendre des décisions et de les assumer. L’égalité des droits pour les personnes handicapées n’échappe pas au changement de paradigme qui incite à promouvoir l’inclusion sociale en adaptant l’environnement pour permettre aux personnes handicapées d’exercer leurs droits, de choisir leur mode de vie et de participer à la vie sociale, culturelle, civique et économique de la société. Sur le plan quantitatif, ce document thématique pointe qu’environ un million d’européens sont placés sous un régime de tutelle les privant complètement de leur capacité juridique, parfois à vie. En raison de l’amélioration des soins et de l’avancée en âge, on ne peut qu’envisager la progression du nombre de personnes concernées par ces mesures. Il est donc urgent d’agir au niveau des États membres, car toutes les juridictions européennes ont mis en place des procédures dans lesquelles l’incapacité est assignée aux personnes handicapées. Cet état des lieux a conduit le commissaire aux droits de l’homme à joindre à ce document plusieurs recommandations parmi lesquelles figurent la suppression des « mécanismes prévoyant une déclaration d’incapacité totale et une tutelle complète » et l’élaboration de « solutions d’accompagnement à la prise de décision ». C) Les législations des États membres L’analyse de l’agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (FRA) publiée en octobre 2013 sur les normes nationales et internationales en matière de capacité juridique des personnes dresse l’état des lieux des cadres juridiques nationaux et s’intéresse 4 Commissaire aux droits de l’Homme, Document thématique : A qui appartient-il de décider ? Le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales. Février 2012 consulté le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1908565
  • 13. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 5 - notamment au droit à la capacité juridique dans les Etats membres de l’Union européenne. Elle relève que « de nombreux États européens sont dotés de législations obsolètes qui se révèlent incompatibles avec l’article 12 de la CRPD, en application duquel il y a lieu de favoriser une prise de décision assistée, et non une prise de décision substitutive5 ». Si la plupart des Etats membres ont adopté des régimes faisant varier le degré de capacité juridique pour instaurer des mesures adaptées à la situation des personnes, l’Agence des droits fondamentaux note que Chypre, l’Irlande et la Roumanie ne prévoient qu’un seul degré de restriction à la capacité juridique, c’est celui de la mise sous tutelle totale. Cependant, l’Agence souligne que plusieurs Etats membres ont admis la nécessité d’harmoniser leurs législations avec les normes internationales et européennes en vigueur. C’est le cas notamment de l’Angleterre (2005), de la France (2007) et de l’Allemagne (2009). Pourtant, malgré ces révisions récentes, seules l’Allemagne et la Suède ont supprimé la mise sous tutelle complète pour leur substituer des mesures d’assistance qui restreignent au minimum la capacité juridique des personnes. 1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger A) Le principe d’autodétermination Dans la lignée de la recommandation de 1999 du Conseil de l’Europe qui préconise la prise en compte de manière prééminente des intérêts et du bien-être du majeur protégé ainsi que le respect de ses souhaits et sentiments6 , la France replace la personne au cœur du dispositif de la protection juridique. La réforme du 5 mars 2007 donne valeur législative à l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 avril 1989 qui affirmait que les régimes civils d'incapacité « ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la protection de la personne et des biens de l'incapable ».7 Tout en prévoyant cette protection, la loi française définit aux articles 458 et suivants du code civil un ensemble de configurations dans lesquelles cette protection de la personne sera assurée par le protégé lui-même. Il en va ainsi des actes à caractère strictement personnels qui ne peuvent donner lieu ni à une assistance ni à une représentation quel que soit l’état de santé de la personne protégée : les actes de 5 L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA). La Capacité juridique des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées mentales FRA octobre 2013 consulté le 25 janvier 2014 sur http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra-2013-legal-capacity-intellectual-disabilities-mental-health- problems_fr.pdf p 31 6 CRDPD, Op cité, p 12 7 Cour de Cassation, arrêt du 18 avril 1989 consulté le 1 er février 2014 sur http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Cour-de-Cassation-Chambre-civile-1-du-18-avril-1989-87-14- 563-Publie-au-bulletin/C36447/
  • 14. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 6 - l’autorité parentale, le choix de changement de nom, le consentement à sa propre adoption ou à celle de son enfant. L’article 459 du code civil prévoit, quelle que soit la gradation de la mesure de protection, que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». Cela concerne aussi le choix du lieu de résidence et la liberté d’entretenir des relations avec les personnes de son choix. Ces prises de décisions personnelles dans le cadre de la mesure de protection peuvent être accompagnées, comme le prévoit l’article 457-1 du code civil, des informations que doit donner la personne chargée de la protection à la personne protégée sur « sa situation personnelle, les actes à poser, leur utilité, leur degré d’urgence, les effets et les conséquences d’un refus de sa part ». B) La présomption de capacité Lorsque la personne n’est pas en état de prendre seule une décision éclairée, elle pourra être assistée, voire représentée par une personne chargée de sa protection. Cependant, son consentement éclairé devra toujours être recherché. Cette préoccupation est devenue essentielle depuis la loi du 2 janvier 2002 pour les usagers des services sociaux et médico-sociaux, ainsi que pour les patients des établissements de soins depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elle tente de concilier les principes d’autonomie et de protection comme l’affirme Benoît EYRAUD en 2008 à l’occasion d’une journée d’étude de l’ANDP8 : « C’est lorsque cette présomption de capacité est maintenue quand bien même l’incapacité paraît totale, que peut encore être préservée la liberté individuelle9 » Parce que cette présomption de capacité est maintenue, la révision des mesures de protection devient incontournable, l’incapacité n’étant ni définitive ni rédhibitoire. Il n’y a jamais eu autant de mainlevées qu’à l’occasion de ces révisions même si elles constituent parfois une parenthèse dans un long parcours d’assistance. Cette présomption de capacité est légitime et rend incontournable pour le juge l’audition systématique de la personne avant le prononcé éventuel d’une mesure de protection (hors cas d’incompatibilité avec l’état de santé). C) Les dispositifs de contractualisation : la MASP10 et le mandat de protection future C’est dans cet esprit du respect des droits et libertés que la réforme de 2007 a particulièrement innové en créant, hors de la sphère judiciaire, un espace ouvert pour la contractualisation. Cela concerne l’accompagnement des personnes en difficulté pour la 8 Association Nationale des délégués et personnels des services tutélaires. 9 ANDP journée d’études du 25 janvier 2008. « Analyse de la pratique : Le sujet est (toujours) là ». 10 Mesure d’accompagnement social personnalisé.
  • 15. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 7 - gestion de leurs ressources et le mandat de protection future. Jusqu’alors ces personnes étaient orientées vers une mesure de protection juridique alors qu’elles n’avaient pas d’altération de leurs facultés. Les nouvelles mesures d’accompagnement social personnalisé font partie du dispositif d’action sociale confié aux conseils généraux. Ainsi la loi désigne comme bénéficiaires de la MASP toute personne majeure « dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » dès lors qu’il s’agit de prestations sociales. Sa mise en œuvre sort du cadre judiciaire et relève du contrat que la personne acceptera de conclure avec le conseil général. Elle comporte une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social personnalisé. La MASP est donc fondée sur la volonté de contracter du bénéficiaire et du conseil général. Une autre disposition innovante de la réforme du 5 mars 2007 consacre le libre choix de la personne majeure à désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour la représenter au cas où il lui deviendrait impossible de pourvoir seule à ses intérêts. Il s’agit du mandat de protection future pour soi- même. Il est élaboré par la personne elle-même en pleine possession de ses facultés et soucieuse de ses intérêts pour l’avenir. Dans le cadre de ce mandat, la protection de la personne doit être conforme aux dispositions légales concernant les mesures de protection juridique, toute stipulation contraire étant interdite. Le mandat de protection future peut aussi s’établir pour autrui. Il correspond à la volonté des parents d’enfant en situation de handicap de prévoir la désignation d’un protecteur pour leur enfant et d’organiser sa vie juridique et matérielle s’ils ne sont plus en capacité d’assumer leur autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur ou la prise en charge matérielle et affective de leur enfant majeur. Si l’on a bien noté l’innovation instituée par l’apparition de formes de contractualisation dans la sphère de la protection des personnes majeures, le rapport de la cour des comptes de novembre 2011 à destination du Sénat sur la réforme de la protection des majeurs relève la difficulté de sa mise en œuvre. Le nombre de MASP dénombrées en 2009 atteint 4700 quand il en était prévu 9800. En effet de nombreuses résistances ont été identifiées : refus des usagers de signer une MASP, prise en compte de cet outil d’accompagnement budgétaire par les conseils généraux comme un des dispositifs possibles au sein de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement budgétaire et social déjà effectifs au titre, par exemple, du RSA ou de l’accès au logement. Inspiré par les législations étrangères, le mandat de protection future n’a lui aussi pas encore connu les développements attendus. Au-delà d’une réforme du droit, c’est vraisemblablement une modification en profondeur des représentations culturelles liées à l’augmentation de l’espérance de vie qui permettra l’avancée de ce nouveau type de convention.
  • 16. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 8 - 1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés A) Des statistiques éparpillées Les mesures de protection juridique concernent désormais uniquement la personne « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté11 ». Aucune statistique ne permet d’avoir aujourd’hui une vision globale des bénéficiaires des mesures de protection juridique. Cependant la thèse de doctorat en démographie de Paskall MALHERBE soutenue en juin 2012 sur « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et dynamique d’une sous population méconnue » reconstitue et analyse un certain nombre de données. Ainsi, au 31 décembre 2008, le nombre des majeurs protégés s’élevait à 741 82512 , ce qui représentait à l’époque 1,48% de la population française majeure. La proportion de femmes majeures protégées s’établissait à 48,66%, et celle des hommes à 51,33%. 50% des majeurs protégés se situaient alors dans la tranche d’âge des 35-64 ans et un tiers des majeurs protégés avait plus de 70 ans. Le nombre de majeurs protégés n’a depuis cessé d’augmenter pour atteindre le million en 2010, selon les projections effectuées dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme de 2007. On relève dans l’annuaire statistique de la justice13 , dans son édition 2011-2012, qu’en 2010, les tribunaux ont prononcé 63 601 nouvelles mesures de protection. Ces nouvelles mesures pour l’année 2010 sont pour 54% d’entre elles des mesures de tutelle, et pour 40,53 % des mesures de curatelle, le reste étant constitué par les sauvegardes de justice. La moitié de ces mesures a été confiée à un membre de la famille ou un proche, l’autre moitié à des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Lors du comité de suivi de la mise en œuvre de la réforme de 2007, la DGCS a présenté le 21 novembre 2013 un bilan statistique sur la protection juridique14 . Au 31 décembre 2012, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçaient 414 666 mesures de protection, ce qui constitue une progression de 6,9% depuis 2009. Ces MJPM15 relèvent de 3 catégories : les services mandataires, les mandataires privés et les 11 Code civil Article 425 12 MALHERBE P, 2012, « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et dynamique d’une sous population méconnue » Université Montesquieu Bordeaux IV p 313 disponible sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/71/86/44/PDF/These_Paskall_Genevois- Malherbe.pdf 13 Annuaire de la justice 2011-2012 p 83 consulté le 1 er mars 2014 sur http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-2012.pdf 14 DGCS Bilan statistique sur la protection juridique consulté le 1 er mars 2014 sur http://protection- juridique.creainpdc.fr/content/la-dgcs-dresse-un-bilan-statistique-sur-la-protection-juridique-des- majeurs 15 Mandataires judiciaires à la protection des majeurs
  • 17. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 9 - mandataires préposés qui exercent en établissement accueillant des usagers. Les 355 services mandataires autorisés à fonctionner au plan national exercent 81,2 % des mesures confiées à des Mandataires soit 335 437 mesures de protection. B) Les caractéristiques socio -économiques Au-delà de ce bilan statistique, la DGCS livre également quelques chiffres sur les caractéristiques socio-économiques concernant les majeurs protégés. La population suivie par les services mandataires est essentiellement masculine (53,4%) et bénéficie pour 53,3% d’entre elle d’une mesure de curatelle renforcée. 64,2% vit à domicile et 88,8% a des ressources inférieures ou égales au SMIC. Depuis 2009, les mesures de protection concernent davantage de personnes âgées, de personnes en établissement, et les mesures de tutelle sont plus nombreuses. En recoupant les chiffres de l’ONPMP16 et ceux de l’enquête Handicap Incapacité Dépendance (HID) effectuée par la DREES17 à partir de 2008, Paskall MALHERBE propose dans sa thèse18 « une esquisse du profil socio-économique et sanitaire des majeurs protégés » dont il ressort que la population des majeurs protégés est fortement touchés par les problèmes de santé, qu’elle est relativement isolée et qu’elle vit avec de faibles ressources et peu de patrimoine. L’ONPMP, au travers de ses différentes enquêtes auprès les majeurs protégés suivis par les Unions Départementales des Associations Familiales, relève que la population des majeurs protégés suivie par les UDAF est une population fortement isolée dont 90% ne vivent pas en couple bien que 40% déclarent avoir des enfants. Si 60% d’entre eux vivent en logement autonome, dans 40% des cas ces logements sont extrêmement dégradés. 20% vivent en maison de retraite, et seuls 8 % sont propriétaires de leur résidence principale contre 57% des ménages français. Cette population vit avec de faibles revenus. Environ 65% des majeurs protégés sont titulaires de l’allocation adulte handicapé. Au- delà des revenus, ce pourcentage indique que la population des majeurs protégés est fortement touchée par des troubles de santé. La moitié d’entre elle déclare rencontrer au moins une difficulté relative à la santé dans sa vie quotidienne. 16 Observatoire National des Populations « Majeurs Protégés » chiffres clés Mai 2011 consulté le 1 er mars 2014 sur http://www.unaf.fr/IMG/pdf/Plaquette_Chiffres_cles_ONPMP-_7_juin_2011_- _version_definitive.pdf 17 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques 18 MALHERBE P, op. cité, p 508
  • 18. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 10 - 1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers La protection juridique s’inscrit dans l’histoire des civilisations depuis l’Antiquité. Si elle peut refléter la préoccupation légitime d’une société à protéger les plus faibles, elle révèle au fil du temps les particularités d’une époque, de ses coutumes, de ses progrès. Fortement marquée par la protection des biens et les symptômes qui peuvent la mettre à mal comme la folie ou la prodigalité, la protection juridique française a toujours été le sujet de l’intrication du droit et de la médecine. 1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie Le concept de l’aliénation s’est nourri à de multiples sources juridiques et philosophiques. Le droit régit cette notion dans son caractère de désappropriation volontaire au bénéfice d’un autre propriétaire. A ce dessaisissement volontaire, se juxtaposent d’autres définitions comme l’idée d’une perte, d’un dessaisissement de l’être, d’une perte de la conscience de soi, perte de liberté que l’on retrouve dans l’aliénation mentale, image de la folie et de l’enfermement. En effet, sous l’Ancien régime, l’aliénation mentale peut s’accompagner de la perte de liberté qui résultait soit de la décision judiciaire d’enfermement, soit de la décision familiale de séquestration dès lors que l’aliéné restait confié à sa famille. L’interdiction des fous et des prodigues a pour objectif de protéger leur patrimoine pour qu’il n’échappe pas à leur famille. Avec l’apparition du code Napoléon en 1804, l’interdiction est précisée en ces termes par l’article 489 :« le majeur qui est dans un état habituel d’imbécilité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides. » Les prodigues qui se dessaisissent de leur patrimoine sans en envisager les conséquences pour eux-mêmes et leur famille, bien que leur trouble ne soit pas plus défini, se voient assister d’un conseil judiciaire pour tous les actes ayant trait à leur patrimoine. Les progrès de la médecine font peu à peu émerger grâce aux travaux de Philippe PINEL, savant aliéniste et Jean Etienne ESQUIROL, psychiatre, la reconnaissance de l’aliéné comme malade avec l’obligation de le soigner dans des hôpitaux spécialisés ouverts dans chaque département. C’est ainsi que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés organise le fonctionnement de ces établissements hospitaliers, fixe les modalités de placement et de sortie et jette les bases de la psychiatrie. Elle définit un régime provisoire des aliénés non interdits placés dans un hôpital psychiatrique : l’administration provisoire des biens. Celle- ci est décidée par la commission administrative de surveillance de l’établissement et exercée par l’un de ses membres. Ainsi, la protection juridique se concentre, et pour longtemps, sur la protection des biens de l’interné, alors que la protection de la personne relève du travail thérapeutique.
  • 19. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 11 - 1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable A) Contexte et objectif L’administration provisoire, mise en place par la loi de 1838 sur les aliénés, s’impose et rend désuet l’ensemble du dispositif tutélaire, interdiction et conseil judiciaire, présent dans le code civil. Très vite, l’évolution de la psychiatrie qui se met à soigner hors de l’hôpital, dès que la maladie ne contraint plus à l’isolement, entraine une sortie progressive des malades. La désinstitutionalisation s’accompagne, sans préparation et sans délai, du retour à la pleine capacité et à la liberté de gestion. C’est l’ensemble des prises en charge qui n’est plus adapté et qui va nécessiter la réforme du code civil. La loi du 3 janvier 1968, rédigée par le doyen Jean CARBONNIER, portant réforme du droit des incapables majeurs introduit une scission entre le médical et le judiciaire en supprimant l’administration provisoire automatique lors d’un internement. Ainsi, elle stipule que « les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre l’hospitalisation et les soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection appliqué aux intérêts civils »19 . Cependant, elle dote les médecins de nouveaux pouvoirs. Celui d’effectuer, au nom du principe de protection, une déclaration de sauvegarde de justice auprès du procureur s’ils constatent qu’un patient a besoin d’être protégé et celui d’établir une expertise médicale obligatoire pour qu’un juge puisse prononcer l’ouverture d’une mesure de protection si le malade est atteint d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles. Fondée sur « la défaillance de l’homo juridicus »20 , l’incapacité dans la loi du 3 janvier 1968 est lue comme un « négatif de l’autonomie en tant qu’elle remet en cause les potentialités de l’individu à se réaliser comme une personne juridique »21 . Son établissement se fait au vue de l’empêchement de pourvoir seul à ses intérêts du fait d’une altération des facultés mentales ou d’une altération des facultés corporelles lorsqu’elles empêchent l’expression de la volonté. Mais la loi prévoit aussi un régime de protection basé sur des critères de subjectivité, pour pallier à des attitudes non conformes avec la norme sociale représentée par le comportement de bon père de famille. Il en est ainsi pour l’intempérant, l’oisif et le prodigue quand il « s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales »22 . Ainsi donc, la loi s’attache à couvrir une incapacité plus générale en lui donnant une dimension sociale. 19 .Loi du 3 janvier 1968, article 490-1 20 BROVELLI G et NOGUES H « La tutelle aux majeurs protégés : la loi de 1968 et sa mise en œuvre ». p 27 21 Ibid. p 28 22 Loi du 3 janvier 1968, article 488 alinéa 3
  • 20. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 12 - Dans une période de croissance où l’Etat providence a suffisamment de ressources, la loi confie à la puissance publique l’exercice des mesures de protection des plus faibles dès lors qu’aucune famille ne peut en assumer la charge. Refusant de légiférer sur la protection de la personne, elle prévoit une gradation du régime de protection afin que les malades accèdent de manière souple à l’une ou l’autre des mesures dès qu’ils peuvent assumer davantage de responsabilité, ceci étant un élément capital au plan thérapeutique. B) Les mesures de protection La loi de 1968 décline 3 types de mesures de protection : La sauvegarde de justice : Elle résulte, soit d’une déclaration médicale comme indiqué plus haut, soit d’une décision du juge, prise pour la durée de l’instance, lorsqu’il est saisi d’une demande de mesure de protection. Cela lui donne, en cas d’urgence, le temps d’instruire la procédure, tout en prévoyant la protection de la personne. Le majeur placé sous sauvegarde de justice garde sa capacité, mais ses actes peuvent être réduits dans leurs conséquences voire annulés s’ils lui ont porté préjudice. La liberté d’exercice de ses droits par le majeur peut être limitée par la décision du juge d’instituer un mandataire spécial pour réaliser des actes déterminés à la place de la personne protégée. Dans ce cas, le pouvoir du mandataire est l’équivalent de celui d’un tuteur pour les actes de moindre importance qui ne nécessitent pas d’autorisation spécifique du juge ou du conseil de famille. La mesure de sauvegarde de justice est la seule à être limitée dans sa durée. Elle s’éteint par l’arrivée à son terme si elle n’est pas renouvelée ou par la mise en place d’une mesure de curatelle ou de tutelle. La curatelle : Elle est destinée au majeur qui « sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »23 . L’assistance du curateur se manifeste par la nécessité de poser ensemble les actes les plus importants de la vie civile : gestion du patrimoine, vente d’un bien, acceptation d’une succession. Cette assistance se manifeste le plus souvent par l’apposition de la signature du curateur à côté de celle de la personne. Cette assistance peut se transformer en représentation si le juge fait application de l’article 512 de la loi en ordonnant que le curateur « percevra seul les revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l’égard des tiers, le règlement 23 Loi du 3 janvier 1968 article 510
  • 21. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 13 - des dépenses ». La porosité avec le régime de la tutelle est manifeste. Dans le régime de la curatelle, c’est bien la curatelle renforcée qui a toujours été la plus utilisée par les juges, la curatelle simple relevant presque de dispositions exceptionnelles. Cependant, la mesure de curatelle peut aussi être allégée, en étant aménagée par le juge en faveur du majeur « plus capable », par dérogation aux dispositions habituelles de la curatelle. Ainsi, un majeur protégé pourra être autorisé par le juge à continuer de disposer d’un chéquier pour effectuer ses paiements. La tutelle : C’est le régime de protection le plus fort dans l’arsenal législatif. Inspirée de la tutelle des mineurs, la tutelle « est ouverte quand un majeur, pour l’une des causes prévues à l’article 490, a besoin d’être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile. »24 L’organisation d’une tutelle complète passe par la décision du juge d’instaurer un conseil de famille composé des membres des familles maternelles et paternelles et présidé par le juge des tutelles. C’est le conseil de famille qui élit le tuteur en son sein. Le tuteur peut faire seul les actes de gestion courante, dits d’administration. Pour les actes de disposition, ceux qui comportent une conséquence importante pour le patrimoine de la personne, le tuteur doit y être autorisé par le conseil de famille. Lorsque la tutelle est vacante (absence de famille), elle peut être confiée à un service tutélaire. Dans ce cas, toutes les décisions qui relevaient du conseil de famille, devront être autorisées par le juge des tutelles. Dans la tutelle, la représentation est continue et il y a peu de place pour la liberté et l’expression de la personne protégée. Ainsi, le majeur en tutelle est privé du droit de vote. Il faudra attendre la loi du 11 février 2005 pour la modification de l’article 5 du code électoral en ces termes : « Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent être inscrits sur les listes électorales à moins qu'ils n'aient été autorisés à voter par le juge des tutelles ». Les évolutions sociétales inscrites dans la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS leur sont interdites dans son article 2 qui prévoit que « Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte civil de solidarité ». Avec l’inflation des mesures de protection et l’explosion du coût du dispositif pour l’Etat, la nécessité de réformer la loi du 3 janvier 1968 s’est imposée au début des années 90. L’inspection diligentée par les ministères de la justice, de l’économie et des finances et de l’industrie, de l’emploi et de la solidarité a publié son rapport final en avril 2000, neuf ans avant l’application de la réforme de la protection des majeurs. 24 Loi du 3 janvier 1968, article 492
  • 22. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 14 - 1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers Longtemps attendue, la réforme du 5 mars 2007, qui s’applique depuis le 1er janvier 2009, organise deux grandes orientations qui m’apparaissent essentielles : la protection de la personne et l’inscription de l’activité professionnelle de la protection juridique dans le champ de l’action sociale. A) Les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité Une mesure de protection ne peut être prise que lorsqu’elle est strictement nécessaire et qu’aucun autre accompagnement de l’ordre familial ou social n’est suffisant. Pour éviter les dérives observées sous l’empire de la loi précédente, les mesures de protection ne pourront être envisagées par le juge qu’en cas d’altération constatée par certificat médical, des facultés mentales ou des facultés corporelles si elles empêchent l’expression de la volonté. Les mesures de protection doivent être nécessaires et leur mission ne peut être remplie par aucun autre dispositif existant. A ce titre, elles sont subsidiaires. Pour la première fois, la volonté législative exprime comme impératif le respect des droits et libertés fondamentales de la personne protégée. La protection « est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité des personnes »25 . Le législateur prévoit à cet effet la proportionnalité et l’individualisation de la mesure de protection en fonction du degré d’altération des facultés personnelles. Il limite la mesure dans sa durée et en prévoit la révision à son échéance. Le juge devra motiver le degré de la mesure de protection qu’il prend au regard de l’insuffisance d’une mesure plus légère compte tenu de l’état de santé de la personne. Il pourra considérer que la protection de la personne n’entre pas dans les attributions du protecteur qui n’assurera qu’une protection des biens. Il pourra également prévoir, quelle que soit l’importance de la mesure (curatelle ou tutelle), que la protection de la personne fera l’objet d‘une assistance. En cas de tutelle, si l’assistance apparaît insuffisante, le juge pourra prévoir la représentation de la personne. B) Protection de la personne et autonomie La protection « a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible l’autonomie de celle -ci »26 . La loi prévoit le partage de la protection 25 Code civil, article 415, alinéa 2. 26 Code civil, article 415, alinéa 3.
  • 23. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 15 - de la personne entre le protecteur qui voit son champ d’intervention s’étendre et la personne protégée qui peut prendre « seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet »27 . Décider pour soi-même vient limiter explicitement la présomption d’une incapacité continue à se protéger et reconnaître que la personne est la mieux à même de prendre les décisions la concernant. Cette disposition a pour corollaire l’obligation d’informations de la personne protégée imposée au protecteur par l’article 457-1 du code civil. Celui-ci doit lui donner « toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part ». La loi de 2007 favorise les décisions et choix personnels de la personne protégée qui garde le libre choix de sa résidence et de ses relations. Quel que soit le degré de sa protection, elle lui laisse la possibilité de réaliser des actes qui ont des conséquences personnelles fondamentales sur sa vie. Les dispositions relatives au PACS sont modifiées : les personnes en curatelle et en tutelle pourront conclure un pacte civil de solidarité. Elles pourront le rompre seules sans assistance ni autorisation. La personne en tutelle aura la possibilité de faire un testament avec l’autorisation du juge, le tuteur ne pouvant ni l’assister, ni la représenter. Elle peut révoquer seule tout testament effectué avant ou après l’ouverture de la tutelle. Enfin, pour rappel, le droit de vote des personnes en tutelle devient le principe, sa suppression devant être motivée par le juge à l’ouverture de la mesure au regard de l’état de santé de la personne. Malgré ces indéniables avancées dans l’autodétermination des personnes, je souhaite évoquer ici l’importance du code de la santé publique depuis la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades en matière de consentement aux soins, aux traitements médicaux et aux interventions chirurgicales. Elle indique dans son article L 1111-4 : « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». La loi de 2007 superpose à ce dispositif l’obligation pour le tuteur de requérir l’autorisation du juge pour prendre une décision concernant une opération portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée. Elle subordonne ainsi à cette autorisation le consentement aussi éclairé soit-il de la personne en tutelle. On peut noter également dans le domaine de la santé que la personne en tutelle ne peut toujours pas désigner une personne de confiance après sa mise sous tutelle, le tuteur jouant de facto ce rôle. Enfin, je veux revenir sur les dispositions relatives aux actes impliquant un consentement strictement personnel énoncés dans l’article 458 du code civil : actes de l’autorité parentale, déclaration du choix du nom ou du changement de nom d’un enfant, 27 Code civil, article 459, alinéa 1.
  • 24. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 16 - consentement à sa propre adoption ou à celle de son enfant. En exigeant une décision strictement personnelle pour ces actes et en refusant toute forme d’assistance pour y parvenir, le législateur en a quasiment interdit l’accès aux personnes protégées. Malgré ces quelques contradictions entre les textes, lorsque le législateur étend le champ d’intervention du protecteur à la protection de la personne jusqu’alors acquise aux thérapeutes, il confirme le passage de la protection juridique vers un dispositif socio- judiciaire dans lequel le travail social peut prendre toute sa part. C) Le droit des usagers La loi du 5 mars 2007, en déclinant un volet préventif de mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) pour les personnes présentant des difficultés à gérer leurs ressources, fait aussi entrer la protection judiciaire des majeurs dans le code de l’action sociale et des familles. L’article L 312-1 de ce code affirme que : « les services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire » font partie des services sociaux et médico-sociaux. A ce titre, ils concourent à l’action sociale et contribuent à une mission d’intérêt général. Les personnes prises en charge par les services mandataires se voient garantir l’exercice de leurs droits et libertés individuels aux fins notamment de prévenir tout risque de maltraitance : c’est le droit des usagers. Décliné par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, il fait l’objet d’une adaptation spécifique pour les services mandataires. Le droit des usagers dans les services mandataires donne la priorité à l’information de la personne et à son accès à cette information par des documents divers : notice d’information, règlement de fonctionnement, charte des droits et libertés de la personne protégée. Il étend l’accès de cette information à des parents ou personnes proches en cas d’impossibilité d’informer la personne elle-même. Il garantit un accompagnement individualisé de la personne favorisant le développement de son autonomie et systématisant la recherche de son consentement éclairé. Il prévoit la participation directe de la personne au document individuel de protection des majeurs qui devra définir les objectifs de la mesure de protection. La participation des personnes protégées au fonctionnement du service mandataire est prévue. Elle peut prendre la forme d’un conseil de la vie sociale ou des autres formes de participation prévues par la loi. Ainsi les personnes protégées par une mesure judiciaire contraignante deviennent aussi usagers d’un service qu’elles n’ont, le plus souvent, pas choisi. La relation avec le service mandataire s’en voit profondément modifiée par la participation de la personne
  • 25. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 17 - protégée au fonctionnement du service mandataire dont elle devient un acteur avec lequel il convient de partager l’exercice même de la mesure de protection. 1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social 1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents A) Les premiers pas C’est dans le registre manuscrit destiné à recevoir les procès-verbaux de l’association tutélaire des majeurs protégés de la Haute Savoie que sont consignés en mémoire ses premiers pas. Le procès-verbal de l’Assemblée constitutive décrit ainsi l’objet de l’Association : « Quand il ne reste plus personne, parent ou ami, capable de veiller sur le sort d’un handicapé majeur (et seulement dans ce cas) nous apporterons une solution de secours ». 28 Portée par de nombreux membres de l’ADAPEI, plusieurs directeurs d’établissement, le président de l’UDAF, le représentant de la DDASS et le conseil général, la création de l’ATMP74 le 21 avril 1975 fait consensus autour du majeur handicapé isolé. Le Président de l’ADAPEI justifie la nécessité de l’intervention d’un organisme spécifique « car elle permet d’organiser autour de lui le climat d’affection que ne peut plus lui donner la famille et de résoudre les problèmes qui se poseront à lui ». Le premier conseil d’administration comprend 23 membres dont 14 parents de mineurs ou d’adultes handicapés. En juin 1976, à l’occasion de sa première assemblée générale, l’Association fait un premier bilan de son expérience. Elle exerce 5 mesures de protection confiées à des bénévoles. C’est le président qui est en relation avec les majeurs protégés. L’Association fait de l’information sur les mesures de protection à destination des familles. Elle marque son attachement aux bonnes relations avec les foyers d’hébergement à qui elle délègue une partie de l’exercice des mesures : « L’Association doit dégager les directeurs de foyer de certaines responsabilités ou les couvrir par une délégation de pouvoirs en matière de gestion des biens ». Grâce aux subventions des Associations de parents, elle gère un budget de 1160 francs. Jusqu’en 1985, l’ATMP n’obtient aucun financement de l’Etat alors qu’elle exerce 35 mesures. L’ADAPEI est le support logistique du fonctionnement de l’ATMP et c’est cette union d’associations de parent qui a porté ses débuts en lui prêtant son cadre associatif et en la subventionnant. 28 Annexe1 : Extrait du procès-verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74
  • 26. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 18 - B) L’expansion et la professionnalisation La convention de financement avec l’Etat en 1986 permet à l’ATMP d’embaucher sa première salariée. A partir de cette date, l’expansion est rapide. Le budget augmente régulièrement : 81 000 francs en 1986, 195 000 en 1987, 700 000 en 1989 et 1 520 000 en 1990. L’ATMP peut embaucher son premier directeur en 1989. Elle double quasiment son activité entre 1989 et 1990 pour atteindre 173 mesures de protection dont 73% sont des mesures de tutelles. 57% des bénéficiaires de ces mesures vivent en établissement pour personnes handicapées. Entre 1990 et 2000, l’ATMP multiplie son activité par 15. Elle créé 6 antennes pour couvrir le territoire départemental et organise un déménagement par an pendant 10 ans pour adapter ses locaux à son activité. Au vu du registre des procès-verbaux des Assemblées générales, j’ai pu reconstituer ainsi l’expansion de l’ATMP : Progression de l’activité : ANNEES MESURES TUTELLE CURATELLE AUTRES (Conseil de famille) 1986 32 1988 93 63 30 1993 574 204 355 15 1995 882 288 563 31 2002 1626 501 1125 2011 2117 636 1471 10 Progression des emplois : ANNEES SALARIES ETP MJPM SECRETAIRES NOUVEAUX POSTES 1988 3 2 1.5 0.5 1989 5 Directeur 1997 33 24 8 2002 58 44,73 35 11 4 responsables 1 comptable 2011 88 84,91 Directrice adjointe Juriste Informaticien Assistante de direction
  • 27. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 19 - Les statuts de l’Association ont été modifiés en 2011 pour mieux prendre en compte la diversité de la population concernée par le dispositif de la protection juridique. Ainsi, le conseil d’Administration est composé d’une part de personnes physiques dont les parents ou les proches sont des personnes handicapées et d’autre part, de représentants de personnes morales, « associations à but non lucratif, dont l’objet est l’aide à des personnes handicapées du fait d’une déficience intellectuelle, d’une maladie mentale, d’une perte d’autonomie due au vieillissement ou à une addiction, d’une altération de ses capacités corporelles 29 ». En 2014, l’engagement des associations de parents reste intact malgré la difficulté de trouver des bénévoles. Les 12 membres du conseil d’administration sont tous investis dans d’autres responsabilités associatives au sein d’associations œuvrant dans le champ du handicap et plus récemment dans celui des personnes âgées représenté par un membre du CODERPA 30 . 1.3.2 Environnement et contexte du service A) Le quasi-monopole du service mandataire La protection juridique dans le département L’ATMP74 est quasiment le seul service mandataire à œuvrer sur le département. La DRJSCS en mars 2014 a publié ses statistiques31 dans lesquelles elle établit le nombre de personnes prises en charges en Haute Savoie par des services mandataires, au 31 décembre 2011, à 2544 alors qu’à cette période l’ATMP74 exerce environ 2000 mesures. Elle a limité son activité à la protection juridique des majeurs, alors que l’UDAF, souvent active dans le domaine de la protection juridique, s’est cantonnée, en Haute Savoie, à la mise en œuvre du dispositif concernant l’exercice des tutelles aux prestations sociales puis des MASP. A la demande des juges, un service mandataire de l’Isère a obtenu un agrément sur la Haute Savoie pour l’exercice de 350 mesures de protection. La contribution départementale de la Haute Savoie au schéma régional de la protection juridique des majeurs de 2010 à 2014 s’appuie sur l’évolution prévisionnelle de la population jusqu’en 202032 : 29 Extrait des statuts de l’ATMP74 30 Comité départemental des retraités et des personnes âgées. 31 DRJSCS, 9 avril 2014 « Panorama statistique jeunesse sport cohésion sociale Rhône Alpes 2013 » p 15 consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Panorama- statistique-2013.html 32 DRJSCS, 24 septembre 2010, « Schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales »p 50, consulté le 13 avril 2014 sur http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Les-majeurs-proteges.html
  • 28. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 20 - Haute Savoie Population au 1er janvier (en milliers Structure par âge Population par âge 0-19 ans 20-59 ans 60 ans ou + 0-19 ans 20-59 ans 60 ans ou plus 2010 726 038 25.8 53.8 20.4 187 515 390 559 147 964 2015 765 095 25.0 52.5 22.5 191 171 401 603 172 321 2020 803 973 24.2 51.2 24.4 196 513 411 451 196 009 Source : INSEE L’augmentation de la population en Haute Savoie la met, selon la lettre de l’INSEE de mars 200933 , au 1er rang des départements de Rhône Alpes, à égalité avec l’Ain, pour la croissance démographique. Tirée par la proximité de Genève, tous les territoires en bénéficient. La hausse de la population confirme l’étalement périurbain des zones urbaines. L’ATMP74 a su s’implanter au cœur de ces zones en développant des antennes sur Annecy, Annemasse, Cluses, Thonon et la Roche sur Foron, assurant ainsi la couverture du territoire départemental et la proximité avec les usagers et les partenaires. Le schéma régional fait également le constat de l’accroissement de la population des personnes âgées via l’indicateur des bénéficiaires de l’APA en augmentation, sans pouvoir envisager ses répercussions sur l’activité tutélaire. En ce qui concerne les mesures de protection juridique, la DDCS établit à 19% leur croissance entre 2007 et 2009. Près de 80% des mesures de protection concernent des personnes à domicile alors que la moyenne régionale est de 64%. Elle reconnaît que cette spécificité du département de Haute Savoie a « de fortes répercussions sur la charge de travail des services de tutelle »34 . La difficulté des coopérations : Avec quatre tribunaux d’instance et 6 juges d’Instance qui font aussi fonction de juges des tutelles, il est difficile de travailler à une harmonisation des relations. Chaque tribunal et son greffe dispose d’un mode d’organisation différent. Les juges, accaparés ces dernières années par la révision des mesures de protection, ont tous leurs exigences et attentes spécifiques de l’intervention d’un service mandataire. Ainsi, malgré la réforme et les ajustements inévitables qu’elle engendre, il n’y a pas eu de concertation entre les mandataires judiciaires du département et les magistrats pour envisager des 33 INSEE, mars 2009, « lettre n°108 » consultée le 13 avril 2014 sur http://www.insee.fr/fr/insee_regions/rhone- alpes/themes/syntheses/lettre_analyses/01108/01108_RP_74.pdf 34 DRJSC, op cité, Schéma régional p 52
  • 29. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 21 - fondamentaux communs traçant des repères pour l’action des professionnels tant sur la forme que sur le fond. Dans le cadre de l’UDAPEI, l’injonction du conseil général sur la mutualisation de moyens entre les associations adhérentes conditionnait le maintien du poste de son chargé de mission. Des commissions de travail ont été constituées avec des professionnels de chaque association adhérente pour évoquer les coopérations possibles dans le domaine des pratiques professionnelles, des ressources humaines, des achats et des appels à projet. Malgré la volonté de l’UDAPEI, les associations concernées ont déjà établi des réseaux par affinités géographiques ou d’actions. Ce travail n’a donc pas abouti. La situation de quasi-monopole dans lequel se trouve l’ATMP ne facilite pas son rapprochement avec des associations départementales autour de la protection juridique. J’en fais encore le constat autour du projet de service d’aide aux tuteurs familiaux que l’ATMP74 porte depuis de très nombreuses années sans en avoir trouvé le financement. Fin 2013, c’est l’UDAF qui inaugure ce service, subventionné par l’UNAF et ouvert sans concertation avec l’ATMP74 alors que sur de nombreux département, on assiste pour l’établissement de ce service à la création d’une plateforme commune réalisée par une pluralité d’acteurs de la protection juridique. Cette difficulté d’une situation monopolistique vécue de manière non hégémonique par l’ATMP74 la conduit à regarder au-delà du département. B) L’amorce d’un ancrage plus régional L’ATMP74 fait partie des huit ATMP de la région Rhône Alpes qui ont fondé l’Union Tutélaire Rhône Alpes (UTRA) en 1992. L’URAPEI y est membre de droit. Son but essentiel est d’être une instance de réflexion, de promouvoir une politique commune d’actions, de réaliser une entraide entre ses membres. Elle peut organiser et gérer des services d’intérêt commun aux membres. C’est ainsi qu’elle s’est dotée d’une plateforme de formation à destination des professionnels des associations adhérentes. La réunion mensuelle des directeurs est un espace d’échange qui permet d’élaborer des positions communes relayées par l’UTRA. Une réunion trimestrielle des chefs de service s’est mise en place fin 2013 pour réfléchir aux pratiques professionnelles. Ces réunions répondent à un besoin croissant de partage et d’échange d’informations. Si des positions communes sont arrêtées et constituent un cadre de référence encore peu formalisé, l’UTRA n’a pas encore réussi à développer de réelles coopérations entre les associations qui restent sur des fonctionnements très individuels et pour certaines concurrentiels. Le conseil d’administration de l’ATMP74 au vu de l’échec des coopérations au sein de l’UDAPEI esquisse une volonté d’implication plus forte au sein de l’UTRA dont l’objet
  • 30. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 22 - est entièrement tourné vers le regroupement régional d’associations mettant en œuvre les mesures de protection juridique. D’autres regroupements régionaux ont des incidences sur le partenariat de l’ATMP74. Une charte des bonnes pratiques est en cours d’élaboration entre la chambre interdépartementale des notaires de Savoie et les deux ATMP de Savoie et de Haute Savoie. Il n’a pas été possible pour le moment d’étendre la concertation à l’ensemble des services mandataires des deux départements en raison de leur difficulté à travailler ensemble. C) Le double contrôle de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire L’entrée des services mandataires dans le champ de l’action sociale depuis 2009 a profondément troublé la visibilité de leurs missions par les professionnels. Le contrôle de la justice reste inhérent à la mesure judiciaire. Il se traduit à la fois par la surveillance annuelle des comptes de gestion remis au greffe du tribunal pour chaque majeur protégé, et par le contrôle du juge sur les demandes d’autorisation pour agir et les actes effectués. Ce contrôle s’exerce aussi à l’occasion des révisions des mesures, ou suite à la demande d’un majeur protégé. Il se double d’un contrôle administratif et financier exercé par la DDCS. Organe de contrôle de la conformité des services avec le droit des usagers et le système de l’évaluation, décideur en matière budgétaire et régulateur de l’activité par le biais des schémas régionaux, l’autorité administrative est devenue omniprésente dans le paysage des services mandataires judiciaires. Au niveau régional, certaines DRJSCS investissent la réflexion sur les usagers des services mandataires. La DRJSCS du Nord Pas de calais35 s’est intéressée à la participation des majeurs protégés. La DRJSCS des Pays de Loire a publié en mars 2014, à l’intention des professionnels, un guide d’accompagnement des majeurs protégés atteints de troubles psychiques36 dont l’objet est de coordonner les interventions du mandataire judiciaire et des professionnels de santé autour du majeur protégé, avant, pendant et après son hospitalisation. A l’occasion de l’élaboration de son projet de service, les professionnels de l’ATMP74 se sont interrogés sur leur vision commune des missions du service mandataire. S’agit- il d’un service administratif, d’un service social, d’un service d’auxiliaire de justice ? Chacune des propositions a recueilli environ un tiers des réponses confirmant la 35 Les cahiers de la DRJSCS juin 2012 : pratiques et conceptions relatives à la participation des majeurs protégés en Nord-Pas-de-Calais : une étude qualitative. 36 Le guide d’accompagnement des majeurs protégés atteints de troubles psychiques consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.pays-de-la-loire.drjscs.gouv.fr/Guide-d-accompagnement-des- majeurs.html
  • 31. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 23 - difficulté d’une vision partagée sur la nature des missions et au-delà de l’accompagnement des personnes. C’est à cette croisée du judiciaire et du social que se tient l’ATMP74 cherchant à redéfinir les orientations d’un accompagnement tutélaire conforme au mandat judiciaire et garant du droit des usagers. 1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale A) Description du service mandataire de l’ATMP7437 Métiers et effectifs : Au fil des années, l’organisation du service s’est structuré autour de deux métiers principaux : celui de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de secrétaire. L’expansion du service a nécessité l’adaptation de sa structure d’encadrement. Chaque antenne est sous la responsabilité d’un chef de service qui cumule aussi la fonction de mandataire judiciaire au prorata de la taille de l’antenne. Les effectifs actuels de l’ATMP74 se présentent de la manière suivante : CATEGORIES PROFESSIONNELLES NOMBRE D’ETP AU 31 DECEMBRE 2013 Mandataires judiciaires 43.8 ETP Secrétaires 26.92 ETP Cadres 10.74 ETP Au 31 décembre 2013, l’ATMP74 emploie 89 salariés : 30 secrétaires, 48 mandataires, 11 cadres. La féminisation des métiers est prédominante. Sur 89 salariés, 8 sont des hommes dont la moitié est en poste de cadres. 3 antennes sur 6 sont constituées uniquement de femmes toutes catégories professionnelles confondues. Les mandataires judiciaires ont tous un diplôme initial de juriste (niveau master) ou de travailleur social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale, éducateur spécialisé). Les recrutements les plus récents se portent essentiellement sur les CESF qui sont le plus souvent candidates au poste de mandataire. Tous, sauf les très nouvellement embauchés, ont obtenu le certificat national de compétence rendu obligatoire avec la loi du 5 mars 2007. Les secrétaires ont d’abord eu une fonction comptable consistant en l’enregistrement des opérations de gestion pour le compte des personnes protégées. Peu à peu, leur mission a intégré une fonction plus administrative : rédaction de courrier, classement, remplissage des dossiers administratifs. Leur niveau de recrutement s’est élevé ces dernières années 37 Annexe 2 : organigramme de l’ATMP74
  • 32. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 24 - avec de plus en plus souvent un diplôme de niveau III (BTS). L’arrivée de secrétaires ayant un parcours dans le secteur privé du tertiaire ou de l’industrie a impulsé de manière empirique une augmentation du champ de compétences dans l’utilisation de l’outil informatique et une évolution de la fonction de la secrétaire /comptable vers l’assistance du mandataire judiciaire. Les responsables de service sont tous issus des mandataires judiciaires. Le niveau de formation de l’encadrement (CAFERUIS, CAFDES) est une préoccupation du conseil d’administration. Il favorise ces formations pour tous les cadres ayant une fonction sociale : sur les 8 cadres ayant une fonction sociale 3 en sont diplômés et 3 en cours de formation. Situation budgétaire et financière : Après avoir connu de nombreuses années de restrictions budgétaires, l’ATMP74 a obtenu en 2011 les moyens de développer les fonctions supports et administratives pour apporter aux mandataires judiciaires le soutien nécessaire à leur mission. Elle atteint le niveau des indicateurs nationaux mis en place dans le cadre de la convergence tarifaire. C’est en 2011 qu’elle a pu créer les postes de direction adjointe, de juriste, d’assistante de direction et d’informaticien, 2 postes de responsables et 6 postes de secrétaires. Cette restructuration a permis de transférer une partie des tâches administratives effectuées par les mandataires aux secrétaires, de professionnaliser l’intervention des mandataires sur le plan juridique et patrimonial avec le soutien de la juriste, d’assurer la mise en place des outils relatifs au droit des usagers et d’engager une rénovation de la communication institutionnelle (projet associatif, changement de logo, diffusion de nouvelles plaquettes d’information, développement des interventions publiques sur les mesures de protection). Compte tenu de l’importance de la gestion dans l’activité tutélaire, le service a pu se doter des moyens informatiques indispensables à la sécurisation de ses données. Avec un budget annuel de 4,2 millions d’euros, l’équilibre semble atteint en 2012, alors que la situation financière reste toujours fragile, l’ATMP74 ne disposant pas de patrimoine et de très peu de fonds propres. En 2013, la diminution sévère des recettes provenant de la participation des usagers (-130 000 euros) et la perspective d’une diminution de la dotation globale en 2014 fragilise encore un peu plus la situation financière de l’association qui devra trouver des marges de manœuvres pour diminuer ses charges alors qu’elle doit faire face à un accroissement sensible de l’activité sur les deux premiers trimestres 2014. Les flux d’activité : La volonté politique qui a présidé à la création de l’ATMP74 était de développer un service indépendant des associations de parents prenant en charge des services
  • 33. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 25 - d’hébergement des personnes handicapées. De cette volonté, encore présente aujourd’hui, est né un service ayant vocation à gérer une seule activité, la protection juridique. De ce fait, l’association est tributaire des flux d’activité dont elle n’a pas la maitrise. Après l’expansion des premières années, la progression s’arrête en 2009 et le nombre de mesures stagne jusqu’en 2011 pour chuter d’une centaine de mesures à la fin de l’année 2013. Le début de l’année 2014 permet d’envisager un rebond significatif de l’activité avec 100 nouvelles mesures en trois mois, ce qui correspond à la moitié des nouvelles mesures enregistrées en 2013. Les juges, conscients de la difficulté du service à absorber autant de nouvelles mesures dans de si brefs délais, constatent la défection de certains mandataires privés et une hausse importante des demandes de mesure de protection qui ne peuvent être confiées qu’à l’ATMP74. Avec une charge de travail fixée à 51 mesures pour un poste à temps plein de mandataire et à 100 pour un poste à temps plein de secrétaire, le flux de l’activité, imprévisible, variable selon les tribunaux, engendre très rapidement des répercussions sur l’organisation interne et la charge de travail des antennes. Il suppose des ajustements rapides en matière de recrutement et de mobilité professionnelle malgré l’absence de perspective sur les ressources financières à court terme et une convention collective peu attractive dans un département ou le transport et le logement constituent des charges financières importantes pour les salariés. B) La population accompagnée Caractéristiques 38 : Curatelle : 66% De 50 à 70 ans : 60,27% Hommes : 53 % Personnes âgées : 24% Personnes handicapées : 60% dont 28% relèvent du handicap psychique. Hébergement Logement autonome (locataire et propriétaire) : 53,7% Etablissement : 32,7% Famille naturelle : 5,3% Ces quelques statistiques mettent en évidence la prédominance des mesures de curatelle puisqu’elles concernent deux tiers de la population accompagnée et la proportion 38 Annexe 3 : Graphiques des données de l’ATMP74 au 1 er mars 2014.
  • 34. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 26 - importante de personnes handicapées bénéficiant d’une mesure de protection. La majorité de cette population a plus de 50 ans et a déjà un parcours de vie significatif. La part de la population hébergée dans un établissement ne constitue que le tiers des personnes accompagnées. Si plus de la moitié vit dans un logement autonome de manière habituelle, on constate qu’environ 10% de cette population n’est répertorié dans aucun type d’habitat traditionnel. Le mouvement de désinstitutionalisation, l’augmentation des soins ambulatoires en psychiatrie, et le développement des services à la personne favorisent le maintien à domicile de personnes qui relevaient jusqu’alors de l’hospitalisation. Aujourd’hui, 0,6% de la population accompagnée vit de manière habituelle en établissement psychiatrique. Besoins et attentes de la population Les personnes protégées vivant en logement autonome bénéficient souvent de plusieurs accompagnements qui favorisent le maintien de leur autonomie : SAVS, SAMSAH, services à la personne, ESAT. Les prises en charge multiplient les intervenants autour de la personne. Leur coordination et la place laissée à l’usager au milieu d’un ensemble de dispositifs devient un enjeu significatif de la cohérence des accompagnements. La mesure de protection juridique concerne aussi des personnes très isolées et désocialisées pour lesquelles elle est considérée comme le dernier recours, là ou toute autre forme d’intervention a échoué. Des conditions de vie précaires (expulsion en cours, logement insalubre, sans domicile fixe), le déni de la maladie, le rejet de tout soin ou de toute forme d’aide, la perte des droits aux ressources et à la protection sociale l’endettement qui en découle, sont à l’origine de la protection juridique. Confiée à un service mandataire, elle est l’aveu de la nécessité d’une protection qui ne peut être le fait d’aucun autre dispositif contractuel, social ou familial. Cependant, la plupart des personnes protégées sont insérées dans un système familial (fratries, enfants, petits-enfants, parents). A ce titre, elles restent parties prenantes des enjeux historiques, affectifs, économiques qui contribuent à fonder leur identité familiale. La population qui bénéficie d’une mesure de protection n’y est pas forcément favorable et n’a pas initié cette démarche. Elle connait généralement les contraintes qui y sont attachées, vécues comme une perte majeure d’accessibilité à son argent, aux informations qui la concernent, à l’exercice de ses droits, ce qui conditionne de manière fondamentale ses choix de vie, son autonomie et son estime de soi. L’enquête de satisfaction réalisée auprès de 436 majeurs protégés en fin d’année 2012 a obtenu 221 réponses qui nous révèlent que 21% de ces personnes ne sont pas satisfaites de l’aide
  • 35. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 27 - apportée par l’ATMP74 pour « favoriser leur autonomie et valoriser leurs potentiels et leurs capacités39 ». En ce qui concerne l’argent, 35% d’entre elles disent ne pas connaitre leur budget et pour une sur trois, ce budget n’a pas été établi de manière concertée40 . Six personnes sur dix ne disposent pas de leurs relevés de compte bancaire et 49% disent ne pas connaitre leur situation financière41 . CONCLUSION INTERMEDIAIRE : Les nouveaux attendus législatifs et réglementaires confirment l’intérêt de la société mondiale pour l’égalité des droits et des capacités dans la construction d’une politique communautaire à la recherche de cohésion sociale. Le droit international préconise l’intégrité de la capacité juridique des personnes qui ne peut pas être limitée par des pratiques substitutives de représentation. Le droit français s’en est inspiré en retenant le principe de nécessité et de proportionnalité sans toutefois mettre fin au régime de représentation. L’accent mis sur le développement de la protection de la personne, sa nécessaire participation aux choix qui la concernent, son pouvoir d’agir et à défaut le soutien de son autonomie, interroge les pratiques professionnelles individuelles et collectives des services mandataires. Le principe de précaution et la recherche du « risque zéro » tendent à la normalisation des procédures, à la recherche de processus qui déclinent des étapes incontournables et des outils-solution au détriment du respect de la liberté individuelle et de l’incertitude qui jalonne les trajectoires de vie. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent dans les domaines économique, philosophique et social pour promouvoir la prise en compte du choix des individus à vivre comme ils le souhaitent. Les professionnels de la protection juridique ne peuvent pas y rester indifférents compte tenu de l’importance des pouvoirs qui leur sont conférés. 39 ATMP74 Enquête de satisfaction p 101 40 Ibid. p 59 41 Ibid. p 63 et 65
  • 36. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 28 -
  • 37. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 29 - 2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits fondamentaux 2.1 La dimension politique de la personne protégée 2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée A) Les sources plurielles de la citoyenneté A travers l’histoire, la citoyenneté s’affirme comme une qualité, un état ou un concept qui évolue en fonction de la maturité des peuples à penser leur organisation sociale et politique. Ainsi les cités grecques attribuaient la qualité de citoyen de manière très restrictive à des hommes libres et selon des critères variables de naissance, de richesse, de propriété foncière. Si son statut pouvait sembler enviable, le citoyen grec devait remplir de nombreuses obligations. Il participait à l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif, il rendait la justice et devait défendre sa cité. La cité d’Athènes, en donnant le pouvoir à la communauté des citoyens, « le démos », sans tenir compte de critère de richesses, a jeté les bases de la démocratie entendue comme une forme de gouvernement où « la démocratie n'est pas le pouvoir de tous mais la souveraineté de ceux qui constituent le demos, le peuple citoyen ».42 Du contrat social, constitué par l’acte volontaire des individus à se rassembler en renonçant à leur liberté absolue au profit des règles énoncées dans l’intérêt général, émerge l’acte fondateur de la société voulu par le sujet citoyen. Il pose le problème de la représentation rendue nécessaire par l’extension de la cité et du droit de vote. En 1789, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen exprime l’affirmation de la liberté et de l’égalité des hommes en droits : présomption d’innocence, liberté d’opinion, liberté d’expression, droit de propriété. La puissance publique garantit les droits et libertés du citoyen qui ne peuvent être limités que par la loi. Ainsi la citoyenneté moderne ouvre au citoyen, au-delà du droit de participer à la vie politique, un droit à de réelles libertés civiles et politiques. Dans le préambule de la constitution de 1946, les obligations de l’Etat vis-à-vis du citoyen sont affirmées. Dans ce texte, c’est la nation qui assure à chaque citoyen, hommes et femmes, un certain nombre de droits dits « droits créances », droit à la protection de la santé, à la sécurité matérielle, droit à des moyens convenables d’existence. Dès 1789, le 42 CNDP Centre national de documentation pédagogique consulté le 16 mai 2014 sur http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/quiestcitoyen.htm
  • 38. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 30 - principe de la souveraineté se concentrait dans la nation : « Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».43 La citoyenneté française reste attachée à ce critère de la nationalité, qui relève de l’appartenance à un ensemble identitaire plus vaste que la communauté, le particularisme régional, ethnique ou culturel. Etroitement liée à la démocratie, à l’exercice des droits et des libertés dans le respect de la loi et attachée à une appartenance identitaire, la citoyenneté dépasse le cadre du droit de vote et de l’éligibilité. B) Eligibilité et droit de vote des personnes protégées Jusqu’au 1er janvier 2009, les personnes protégées en tutelle étaient automatiquement privées du droit de vote qu’elles pouvaient retrouver en saisissant le juge qui statuait sur leur demande. Depuis cette date et la modification de la loi, l’article 5 du code électoral stipule : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». Ainsi, l’automatisme ne fait plus loi et hormis les personnes en tutelle dont le juge a supprimé le droit de vote, la plupart des personnes protégées peuvent voter aux élections relevant du suffrage universel. Cependant les conditions d’inéligibilité dans les instances législatives et exécutives que sont l’Assemblée nationale, le Conseil Général et la Municipalité s’étend aux personnes en tutelle et en curatelle. Elles ne peuvent pas faire acte de candidature, ni être élues. Ainsi, dans le régime politique de la démocratie française, la majorité des personnes protégées sont interdites de représentation de leurs concitoyens par un mandat politique. Cet empêchement s’étend aux fonctions inhérentes à la justice. Pour être électeur et éligible aux fonctions prud’homales, il ne faut être l’objet d’aucune interdiction, déchéance, incapacité relative aux droits civiques44 . Ces conditions sont renforcées dans le code de procédure pénale pour la fonction de juré de Cour d’Assises. La liste des personnes incapables d’être jurés s’étend aux majeurs sous sauvegarde de justice, aux majeurs en tutelle et aux majeurs en curatelle45 . C) L’accès au statut associatif « L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. » nous dit l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Pour en être membre, il suffit d’adhérer. Si cette démarche est considérée comme constitutive d’un acte à caractère strictement personnel qui ne 43 Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 3 44 Code du travail, article L1441-16 45 Code de procédure pénale, article 256
  • 39. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 31 - supporte aucune représentation ni assistance, la seule volonté de la personne emporte validité de l’adhésion. Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle prévoit que la candidature aux fonctions de gérant et d’administrateur d’un groupement doté de la personnalité morale est classée comme un acte de disposition46 . Il emporte donc la co-signature du curateur. Mais les fonctions au sein d’une association et de son Conseil d’administration peuvent être assurées par la personne protégée seule dès lors qu’elles n’ont aucune dimension à caractère de gestion patrimoniale. 2.1.2 La participation de la personne protégée A) La participation dans la mise en œuvre de la mesure de protection juridique Le processus démocratique moderne favorise de plus en plus l’implication directe des citoyens dans la préparation des décisions publiques qui les concernent. Il a également pris corps dans le secteur social et médico-social avec la loi du 2 janvier 2002. Celle-ci prévoit la participation directe de la personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux « à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne »47 . Cette participation est envisagée comme une des dispositions garantissant à l’usager l’exercice de ses droits et libertés individuels. L’ANESM dans sa recommandation de bonnes pratiques professionnelles d’avril 201248 aborde trois aspects de cette participation : la participation des personnes à leur propre mesure de protection, la participation des personnes au fonctionnement du service et son soutien organisé par le service et ses professionnels. Elle invite les professionnels à identifier les objectifs et le sens de cette participation : personnalisation de l’accompagnement, valorisation de l’autonomie, amélioration de la qualité de la prestation, reconnaissance des personnes en tant que citoyen à l’échelle du service. Elle insiste sur l’importance de la co-décision et de la co-construction. La participation de la personne à l’exercice de sa mesure de protection se développe dans une expression libre, facilitée et prise en compte par les professionnels à travers des outils adaptés. Elle invite à poser un regard nouveau sur la personne protégée et à questionner son pouvoir d’agir quand bien même il existe une mesure de protection. Elle vient combattre la présomption d’incapacité identifiée dans la protection juridique par la 46 Décret n°2008 du 22 décembre 2008, annexe I, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. 47 CASF, article L311-3 48 ANESM, juillet 2012 Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridiques
  • 40. Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 32 - perte de l’exercice de droits, la minoration du droit à agir de la personne protégée ayant pour automatisme l’attribution de ce droit à un autre. Son droit à l’information, à l’expression de ses besoins et de ses attentes, le recueil de ses choix et de son consentement constituent les bases d’un rapport social où la confusion n’est plus possible entre la minoration de l’exercice des droits et la perte de ces droits. La participation des personnes protégées au fonctionnement du service permet leur association à la définition de l’intérêt général à l’échelle du service. Elle implique que le fonctionnement et la qualité du service les concernent directement dans une vision démocratisée de la relation d’aide dans laquelle la philosophie du « rien pour nous sans nous » de la Coordination handicap autonomie fait écho. Le débat sur l’impossible représentation des personnes protégées par les personnes protégées elles-mêmes est caduque. Les initiatives en faveur de formes de participation autres que l’enquête de satisfaction émergent, notamment avec les groupes de parole dont la timidité cependant exprime bien la difficulté à s’approprier de part et d’autre l’exercice citoyen. Le développement de la participation des personnes à la mise en œuvre de leur mesure de protection instaure une autre dimension de l’accompagnement évoquée par Roland Janvier et Yves MATHO49 dans la création par les professionnels des conditions qui permettent aux personnes en difficulté de reprendre leur destin en main. Il ne s’agit pas seulement de trouver des solutions mais de permettre un processus de recherche de qualité et de pertinence des décisions basé sur l’échange et la reconnaissance des capacités des personnes à exprimer et à mettre en œuvre ce qui est le mieux pour elles. B) Participation aux échanges : don, dette et lien social La protection juridique accorde autant d’importance à la protection de la personne qu’à celle de ses intérêts patrimoniaux. L’argent est une considération essentielle dans la mise en œuvre de la mesure de protection et son caractère multi dimensionnel mérite un développement particulier. Par son objectivation de la valeur, l’argent universalise la possibilité d’échange en donnant un prix à chaque chose. Il permet à chacun de réaliser la satisfaction d’un besoin ou d’un désir en rendant l’échange possible. Il permet de se libérer de toute sorte de dettes et d’obligations mises à la charge des individus rassemblés en société autour de normes partagées (paiement de l’impôt, du loyer, de la pension alimentaire …). L’argent rend puissant « parce qu’il est puissance d’action » nous dit Jean BEAUJOUAN50 : « Par 49 JANVIER R et MATHO Y, 2011, Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales et médico-sociales. 4 ème édition DUNOD. 50 BEAUJOUAN J L’argent et le lien social, conférence du 9 mars 2006, consultée le 29 mai 2014 sur http://www.jean-beaujouan.fr/IMG/pdf/L_argent_et_le_lien_social.pdf