1. Ils partagent l’écran avec Emilia Clarke dans Game of Thrones, David Boreanaz dans
Bones ou encore Colin Farrell dans True Detective. Ou du moins un coin. Ils sont ceux que
l’on remarque à peine alors qu’ils sont essentiels à la mise en scène et participent à créer
l’univers d’une série : bienvenue dans le petit monde des figurants. Coup de projecteur sur
ceux que l’on ne voit presque pas mais qui sont pourtant bien là.
orsqu’elle a quitté sa ville natale de Memphis, Tennessee,
pour rejoindre Los Angeles, Shannon Walton savait très
bien qu’il lui faudrait faire son trou à Hollywood avant de
rêver de strass et paillettes. « J’ai su que je voulais travailler dans le
spectacle dès mon plus jeune âge, alors que je faisais rire ma famille
en chantant et dansant ridiculement dans notre salon, » raconte
Shannon. « Les faire rire et apporter de la joie me faisait me sentir
bien et j’ai compris que c’était la voie que je devais suivre. »
L
2. Fraîchement diplômée d’une fac du Missouri,
Shannon a donc déménagé à L.A. en octobre 2014 et
immédiatement cherché à mettre le pied à l’étrier. Elle
a alors décidé que l’une des meilleures manières serait
de s’inscrire dans une agence de casting de figurants.
Les plus grandes productions télé font appel à ce type
d’agence dès qu’ils ont besoin de monde pour remplir
les arrière-plans de leur série.
Shannon est considérée comme une travailleuse
indépendante pour Central Casting, l’agence à
laquelle la production de Masters of Sex fait appel
pour leurs besoins en figurants. Celle-ci donne
ensuite à l’agence une description détaillée de ce
qu’elle recherche, en termes de nombre, d’apparence,
d’origine ethnique, et même de qualification. La
description est ensuite postée sur la page Facebook
de l’agence et dès lors, la sélection des heureux élus
ressemble presque au loto. Chaque personne inscrite
chez Central Casting peut appeler l’agence pour
donner ses disponibilités pour le tournage, et à partir
de là… que le meilleur gagne.
Pour Masters of Sex, série relatant les recherches
pionnières sur la sexualité ainsi que la relation entre
le Dr William Masters (Michael Sheen) et Virginia
Johnson (Lizzy Caplan) dans les années 1950 et
1960, la production recherchait des hommes et
femmes caucasiens entre la fin de vingtaine et fin de
quarantaine. Shannon, collant au profil, les a contactés
et a depuis participé au tournage de la série à plusieurs
reprises. Elle a jusqu’ici incarné une mère de famille
lors d’une scène de pique-nique, une serveuse et une
cliente d’hôtel. Avant de travailler sur la série, elle
ne la connaissait que de nom. « Je savais que Lizzy
Caplan jouait dans la série et c’est une actrice que
je trouve très drôle et incroyablement talentueuse, »
raconte-t-elle. « Participer à une série d’époque est
pour moi une expérience fantastique car j’adore
jouer dans ce type de production, et celle de Masters
of Sex fait un travail extraordinaire pour tout rendre
authentique. » Shannon ajoute que, si elle est dans ce
milieu, c’est parce qu’elle aime tout particulièrement
pouvoir assister et participer à la création d’une
œuvre en coulisses.
Masters of Sex (Showtime)
Shannon pour Masters of Sex
3. « En travaillant sur un plateau comme celui de
Masters of Sex, j’ai pu voir la production s’installer
dans un parc d’Agoura Hills, en Californie, et le
transformer en une aire de pique-nique de 1965,
avec des stands vendant des fruits et des fleurs.
Puis, j’ai pu les voir convertir un temple franc-
maçon en réception d’hôtel à la décoration dorée
des années 1960. Ils accordent une véritable
attention au moindre détail par souci d’authenticité,
jusque dans les vêtements que chaque figurant
porte. J’ai eu la chance d’être habillée en costumes
et accessoires d’époque pour me pavaner sur le
plateau en prétendant être une femme fortunée
de ces années-là ! C’est vraiment une expérience
ludique et amusante pour moi. »
Shannon a eu recours aux annonces de Central
Casting de nombreuses fois, et elle a ainsi non
seulement joué dans plusieurs épisodes de Masters
of Sex mais aussi dans Bones, The Middle, Anger
Management, The Fosters, Mom, Rizzoli and Isles,
Awkward ou encore True Detective. Selon la jeune
femme, chaque plateau de tournage de séries à ses
propres particularités, ses propres manies quant à la
façon de procéder. Elle explique que les séries dont
les productions sont bien établies, telle que Bones
ou NCIS, sont parfaitement rodées et fonctionnent
plus ou moins de la même manière, tandis que pour
les nouvelles productions les choses sont un peu
plus désorganisées et mouvementées que les autres.
« En tant que figurant, on apprend à prendre les
choses comme elles viennent car tout est hors de
notre contrôle. Notre rôle est d’apporter de la vie
à une scène et de faire ce qu’on nous dit, » dit-elle.
Pour les besoins d’une production, elle peut aussi
bien participer à une scène de fête au milieu d’une
centaine d’autres personnes un jour, que partager
l’écran avec seulement deux autres figurantes le
lendemain.
Shannon au premier plan d’un épisode de Bones
4. « J’aime beaucoup avoir ces opportunités de faire
de la figuration car elles me permettent d’observer
directement comment une production opère en
coulisses. J’apprends continuellement de nouvelles
choses et je gagne une expérience précieuse pour
la suite. J’apprends à quoi m’attendre de chaque
membre de l’équipe, comment me comporter sur une
production professionnelle de cette ampleur, aussi
bien en tant que figurante qu’en tant que membre de
la production si c’est quelque chose que je décide
de faire plus tard. Et bien sûr, je découvre aussi
comment je devrais me comporter en tant qu’actrice
principale. » Les bénéfices, pour un acteur, de faire
de la figuration sont plus importants qu’ils ne le
semblent, mais cela n’ouvre pas beaucoup de portes
pour autant. Les acteurs engagés sur une série juste
après leur rôle de figurants sont très rares et le
processus de l’audition reste le passage obligatoire
avant d’obtenir un véritable rôle. « Mais si vous êtes
très chanceux, il se peut que l’on vous donne une ou
deux répliques, » souligne Shannon.
Et la protection de l’intrigue ? Comment les grosses
productions, comme Masters of Sex ou True
Detective, gardent-elles le secret de leurs épisodes ?
Shannon doit, sans surprise, signer des accords de
confidentialité. Cela l’empêche de révéler ce qu’elle
pourrait entendre ou observer sur le plateau. Il lui
est aussi interdit de poster sur les réseaux sociaux
des statuts et photos au sujet du tournage, ou de
révéler à qui que ce soit ce qu’elle peut avoir appris
sur le plateau de la série.
Débuter à Hollywood n’a rien d’évident. Ceci dit,
à la télévision il y a du travail, en particulier pour
les figurants. Shannon voit dans ces expériences une
occasion de parfaire ses connaissances du milieu et
de s’habituer aux plateaux de tournage de séries. Elle
sait que si elle espère, un jour, décrocher un vrai rôle
à la télévision, il lui faudra éblouir un directeur de
casting lors d’une audition. Mais en attendant, elle
estime que toute expérience est bonne à prendre.
Depuis qu’elle a emménagé dans la Cité des Anges,
elle a également été l’actrice principale d’un court
métrage et participé à une web série. La route est
encore longue pour Shannon, de l’anonymat à la
fiche Imdb, de l’arrière au premier plan.
Shannon Walton (à droite) en mère de famille pour Masters of Sex (Showtime)
Marine Pérot