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M Le magazine du Monde — 3 septembre 2016
Le “Citizen Kane” du nanar.
Theater est le point de départ d’un culte
étrange, viral, qui progresse sans discontinuer
depuis treize ans. Le charme agit autant sur
les cinéphiles que sur les stars d’Hollywood,
qui organisent des projections privées.
La bascule vers le grand public est pour bien-
tôt, avec une production hollywoodienne sur
la vie de Tommy Wiseau, actuellement en
post-production et qui sortira cet automne.
Tourné dans le secret, The Masterpiece réunit
plusieurs stars d’Hollywood : Judd ­Apatow,
Bryan Cranston, Josh Hutcherson, Sharon
Stone, Seth Rogen… C’est à James Franco
qu’incombe la lourde tâche de réaliser le film
et d’incarner Tommy Wiseau. Dans une tri-
bune pour Vice en décembre 2013, Franco
décrit son admiration pour le cinéaste, dont il
dit partager au fond les mêmes aspirations,
comme la gloire et la reconnaissance d’un
milieu qui ne veut pas de vous : « Wiseau est
indubitablement un “personnage”,comme sorti
de la ­Transylvanie de l’écrivain irlandais
Bram Stoker : sans âge, musclé, doux,
effrayant. Un peu vampire, un peu rêveur, un
peu gangster, un peu Ed Wood… et tellement
seul. » Wiseauestunparia,unpitoyableacteur.
Il a pourtant accompli,par un chemin des plus
singuliers,le rêve de générations d’aspirants à
­Hollywood : devenir célèbre et aimé.
Une conversation téléphonique avecWiseau
apporte autant de questions que de réponses.
Les détails ont été réglés par échanges de
mails à 1 h 30 du matin (Tommy vit principa-
lement la nuit). Il se dit enchanté par
l’adapta­tion de sa vie par Hollywood ; il
apprécie la rentrée d’argent qu’elle repré-
sente, et a une totale confiance en l’intégrité
artistique de James Franco : « Un type bien.
Un bon acteur. J’ai un petit rôle dans le film,
crois-le ou non… J’ai joué en face de lui,
alors qu’il est déguisé en moi. Ça fait bizarre.
On fait déjà un film sur ma vie. Et je ne suis
pas encore mort. »
Pour les habitants de LosAngeles,The Room
s’est longtemps résumé à une ­mystérieuse
affiche promotionnelle surplombant
Highland Avenue, à la croisée de Sunset
­Boulevard. Elle a été financée pour la sortie
du film à grands frais parWiseau,5 000 dollars
par mois. On y voyait son visage pâle en gros
plan, l’œil gauche mi-clos, comme atteint de
para­lysie faciale. Elle restera cinq ans,
sa sortie en 2003 dans une poignée de cinémas de
Los Angeles, The Room essuie un bide assour-
dissant. Le film totalise à peine 1 800 dollars
de recettes en deux semaines. Un homme
totalement inconnu à Hollywood est derrière
le projet et en haut de l’affiche. Tommy
Wiseau a sorti de sa poche 6 millions de dol-
lars pour réaliser son premier long-métrage :
une comédie dramatique fondée sur le ressort
du triangle amoureux. Cet homme à la
dégaine de vieux chanteur de heavy metal
tient également le rôle principal, celui du
fiancé cocu.Echec critique et commercial,son
film est rapidement voué à disparaître des
écrans. C’est lors de son second week-end
d’exploitation que le destin de The Room
prend une tournure plus étrange. Trois étu-
diants en cinéma de la San Fernando Valley
sont intrigués par une critique scotchée à la
vitre de leur cinéma de quartier : « Voir ce
film, c’est comme recevoir un coup de
­poignard dans la tête. »
Au guichet,une petite affiche prévient qu’au-
cun remboursement ne sera effectué si le
spectateur reste plus de quinze minutes. La
guichetière elle-même déconseille le film.
« C’était de la provocation. On était obligés
d’aller voir », se souvient Michael Rousselet,
l’un des étudiants.Ils pénètrent dans une salle
absolument vide ; le générique a déjà com-
mencé. Dès le premier plan, ces aguerris de
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réduits – sont encorcelés. « Toutes les déci-
sions de mise en scène étaient nulles. Toutes les
quinze secondes, un plan foireux. Le ton
bêlant, des dialogues qui ne mènent nulle
part, des intrigues abandonnées, des scènes de
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C’était hilarant. Ça n’arrêtait pas. » Les
trois compères ont la salle pour eux seuls et
s’en servent comme d’un terrain de jeu.
Coups de fil aux copains, qu’ils font entrer en
douce par la sortie de secours.
Rousselet voit The Room quatre fois en trois
jours et réunit une centaine de spectateurs
pour la dernière séance. « On savait que le
film serait déprogrammé. On a organisé une
fête un peu comme des funérailles vikings, en
apportant des roses, des cuillères en plas-
tique… En tout, on a bien dû dépenser
1 000 dollars en tickets pour The Room. »
Cette dernière séance au Fallbrook Laemmle
Un tournage épouvantable suivi d’un désastre critique et commercial.“The Room”et son
réalisateur,TommyWiseau,un inconnu au passé obscur,auraient dû tomber dans l’oubli.
Sauf que ce sommet du kitsch connaît depuis sa sortie en 2003 une deuxième vie
lors de projections potaches devant un public averti.L’histoire rocambolesque de ce navet
a inspiré le prochain film de James Franco,“The Masterpiece”,en salles cet automne.
p a r maxime robin
•••
­devenant peu à peu une attraction touris-
tique. Selon les rumeurs, Tommy Wiseau
aurait été impliqué dans le trafic de drogue :
c’est ce qui lui aurait permis de financer The
Room et sa promotion. Lui assure que sa for-
tune provient d’opérations immobilières réa-
lisées dans la baie de San Francisco. « J’ai
beaucoup appris de l’industrie du bâtiment
pour faire mon film… Et les fondations de
The Room sont solides, comme un building.
On sera là dans dix ans encore. »
Wiseau est persuadé que “The Room”
est un classique depuis les premiers jours du
­tournage, qu’il a démarré en insultant
l’équipe,« alors que c’est lui qui avait quatre
heures de retard  », se souvient l’acteur
­franco-américain Greg Sestero, qui a coécrit
un livre relatant les conditions de tournage,
The Disaster Artist (avec Tom Bissell,
éd. Simon & Schuster, non traduit). Son
témoignage est la pierre angulaire du film de
James Franco, qui en a racheté les droits. On
y apprend avec force détails commentWiseau
s’est comporté en sociopathe, changeant
quatre fois d’équipe et terrifiant l’actrice prin-
cipale. Obsédé par son image, il se fait filmer
fesses nues dans des plans interminables pen-
dant et après les scènes de sexe – des passages
entiers apparaissent tels quels dans The
Room. « Je dois montrer mon cul, dit un jour
Wiseau à Sestero,ou bien ce film ne se vendra
pas. » Blond au physique de jeune premier,
Greg Sestero parle le français avec l’accent de
celui qui n’a pas grandi en France – c’est lors
d’une projection à Paris qu’il découvre l’exis-
tence du mot « nanar ». Sestero est l’opposé
de Wiseau, dans le sens où il rit volontiers de
lui-même et n’est dupe de rien.
Tommy Wiseau et Greg Sestero forment un
étrange attelage. Depuis que le culte de
The Room a dépassé la Californie et atteint sa
vitesse de croisière, il y a environ cinq ans, ils
organisent des projec­tions dans les grandes
villes américaines pour partir à la rencontre du
public,au rythme d’une ville par mois.Wiseau
en profite pour vendre des DVD et des pro-
duits dérivés,comme des slips et des montres.
Dans la dernière ville en date, ­Philadelphie,
« on a vendu 1 200 tickets en trois nuits », se
rengorge le réalisateur,qui ajoute :« J’aime les
chiffres, ils ne mentent pas. »
Tel une rockstar, Tommy Wiseau
(ici à Londres en février 2016) signe
des autographes à ses fans.
114 115
OliviaHowitt/bbc.com
3 septembre 2016 — M Le magazine du Monde
Tommy Wiseau tient le premier rôle
dans son film devenu culte (1, avec
la comédienne Juliette Danielle).
Un mythe que le réalisateur et
Greg Sestero, son acteur principal,
entretiennent en organisant
des projections de The Room
aux Etats-Unis et à l’étranger
(2, à Londres, en février 2016).
Réalisateur et acteur, James Franco
interprète Tommy Wiseau
dans The Masterpiece (3), dans
lequel jouent son frère Dave
(4, à gauche, sur le tournage
en décembre 2015) ainsi que
plusieurs stars dont Sharon Stone.
••• Sestero entretient un rapport ambivalent
avec The Room. Si le destin du film lui a per-
mis de sortir de sa condition d’acteur en
galère, il ne compte pas en rester prisonnier ;
son livre fut l’occasion de surfer sur le succès,
mais aussi une tentative de s’extirper de cette
gangue,etpeut-êtreuntremplinpourd’autres
projets.Le chanteur Ben Folds,figure emblé-
matique du piano-rock et fan de The Room,
lui a un jour dit qu’il était « comme un photo-
graphe coincé sous un pont, à l’approche de la
tornade, et qui immortalise l’œil du cyclone ».
Sestero a trouvé ça très juste. Aucun autre
acteur de The Room n’a survécu à la tornade ;
tous ont quitté L.A.« et ne veulent plus jamais
entendre parler du film ». Sestero s’accroche,
a « développé un réseau », sans que sa carrière
décolle vraiment.Cette année,on peut le voir
dans Dude Bro Party ­Massacre III, un slasher
movie (sous-genre du film d’horreur) réalisé
par Michael Rousselet.
The Room est considéré comme un anti-film,
un condensé de tout ce qu’il ne faut pas faire,
comme EdWood le fit dans l’après-guerre.Un
charme honteux s’en exhale, un plaisir cou-
pable,pour les spectateurs convaincus de pou-
voir faire mieux. « C’est comme si Wiseau
avait participé aux épreuves de natation des
Jeux olympiques sans savoir nager, s’enthou-
siasme le designer et animateur pour les
­studios Blue Sky (L’Age de glace, Rio) William
Trébutien, grand amateur du film. Wiseau
démontre pourquoi le cinéma est un art diffi-
cile, il offre un repère. Mais c’est aussi le lycéen
au fond de la classe dont tout le monde se fout,
et qui finalement arrive au bout… Il a rendu
accessible le rêve hollywoodien à tous. Et il l’a
brisé. C’est fascinant. »
Le budget de “The Room”,
pharaonique comparé à la
qualité du film, reste un
mystère. 6 millions de
dollars, c’est celui d’un
petit film indépendant
comme Juno ; Lost in
translation a coûté 2 millions de moins. Le
champ des questions est vaste, entre le
contenu de The Room et la personnalité de
Wiseau.« Pour les professionnels, la mystique
est démultipliée, ajoute Rousselet. On perçoit
une couche supérieure d’absurdités dans
l’éclairage, le point, le son, le fond vert… Il
y a aussi les secrets autour de son passé. Ce
côté légende urbaine qui lui colle à la peau. »
Les origines de Wiseau font encore débat
aujourd’hui. Depuis son entrée aux Etats-
Unis,il brouille les pistes ;Wiseau est un nom
d’emprunt. Il affirme avoir vécu à Strasbourg
et assure parler français, sans jamais le faire.
L’homme dit aussi qu’il est cajun,« avec de la
famille à la Nouvelle-Orléans ». Un fan
­linguiste a décelé dans ses expressions
bizarres et son usage très personnel de l’an-
glais (omission d’articles, d’auxiliaires, barba-
rismes) assez d’indices pour conclure qu’il
serait ­polonais, mais Tommy Wiseau ne
confirme pas. « Move on ! Next question. »
C’est au cinéclub Panic !Cinéma que l’on doit
sa venue à Paris en 2013. Le cinéaste laisse à
l’équipe un arrière-goût de cauchemar
­logistique, mais aussi de très beaux moments.
« C’était comme une rockstar, se souvientYann
Olejarz,leprogrammateur.Deux jeunes femmes
ont éclaté en sanglots en tombant nez à nez avec
lui. » L’assistant deWiseau,qui ne serait autre
que Wiseau lui-même, a menacé d’annuler sa
venueàcauseduprixdesbillets,nonconforme
à son statut, qu’il a comparé à celui de Steven
Spielberg.« Mais c’est impossible de détester le
personnage. Il a tout mis dans son film. On
n’était pas dans le cynisme, pas dans un délire
du type Dîner de cons. Les gens étaient vrai-
ment contents de le rencontrer. »
Outre-Atlantique, au Sunshine Landmark
Theater de NewYork,où The Room est projeté
chaque premier samedi du mois à minuit,
l’ambiance est proche de l’hystérie. Les fans
hurlentdesinsanitésauxacteurssurl’écran,en
saluent d’autres chaque fois qu’ils pénètrent
dans le champ (« Oh, hi Don ! »), participent
auxrituelsétrangesmissurpiedtreizeansplus
tôt en Californie,comme ce lancer collectif de
cuillères en plastique.Wiseau jure aujourd’hui
que provoquer le rire était son intention pre-
mière : « Les gens disent que ce film est un acci-
dent. Mais on n’écrit pas un script de 100 pages
par accident. C’était un plan. »
Tommy Wiseau ne s’est pas reposé sur ses
­lauriers depuis The Room. Il a bouclé la pre-
mière saison d’une sitcom,« TheNeighbors »,
pensée comme « une métaphore de la société
américaine ». Les quatre premiers épisodes
ont été diffusés sur la chaîne de vidéos à la
demandeHulul’andernier.Ilsracontentlavie
quotidienne de jeunes locataires dans un buil-
ding managé par Wiseau. Mais la série n’a pas
déclenché la même ferveur ; les fans les plus
ultras reconnaissent que « The Neighbors »
est nul, mais pas fantastiquement nul.
Avec l’expérience acquise, Tommy Wiseau
changerait-il quelque chose au tournage de
The Room ? Par exemple son étonnante déci-
sion de filmer à la fois en numérique et en
35 mm, nécessitant deux équipes à la fois sur
le plateau. Ou celle d’acheter les caméras
cash, à l’époque où filmer en numérique coû-
tait une fortune, plutôt que louer le matériel
aux ­studios, nageant à contre-courant d’un
siècle de sagesse hollywoodienne et explosant
son budget. « Je n’investirais peut-être plus
autant dans le matériel. Mais on a été des
pionniers, se défend le réalisateur.Les gens ne
comprennent pas ça. J’ai toujours la Pana-
sonic 8F27 à la maison. Je changerais aussi
d’acteurs, si je le pouvais. Pour le reste, le
film est conforme à ma vision. »
D’une certaine manière, Wiseau a vu juste.
Contre toute logique artistique ou marchande,
il a réalisé un classique – qualifié par certains
de « Citizen Kane des nanars ». La confiance
et la fierté qu’il en tire rendent le personnage
encore plus déroutant. Sans filtre, passant du
coq à l’âne, il est dans la vie le reflet de son
œuvre. « Je veux être le plus grand réalisa-
teur vivant. Et je suis obsédé par les détails…
Les gens essaient de mettre de l’eau dans mon
vin. Mais quand un créateur a une vision, les
autres doivent se taire et écouter. »
43
“Avec ‘The Room’,
c’est comme si Wiseau avait
participé aux épreuves de
natation des Jeux Olympiques
sans savoir nager.”
William Trébutien, designer at animateur pour les studios Blue Sky
1
2
116 117
WiseauFilms/ProdDBx2.OliviaHowitt/bbc.com.E-Pressphoto.com.Cousart/JFXimages/WENN.com.OliviaHowitt/bbc.com

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  • 1. M Le magazine du Monde — 3 septembre 2016 Le “Citizen Kane” du nanar. Theater est le point de départ d’un culte étrange, viral, qui progresse sans discontinuer depuis treize ans. Le charme agit autant sur les cinéphiles que sur les stars d’Hollywood, qui organisent des projections privées. La bascule vers le grand public est pour bien- tôt, avec une production hollywoodienne sur la vie de Tommy Wiseau, actuellement en post-production et qui sortira cet automne. Tourné dans le secret, The Masterpiece réunit plusieurs stars d’Hollywood : Judd ­Apatow, Bryan Cranston, Josh Hutcherson, Sharon Stone, Seth Rogen… C’est à James Franco qu’incombe la lourde tâche de réaliser le film et d’incarner Tommy Wiseau. Dans une tri- bune pour Vice en décembre 2013, Franco décrit son admiration pour le cinéaste, dont il dit partager au fond les mêmes aspirations, comme la gloire et la reconnaissance d’un milieu qui ne veut pas de vous : « Wiseau est indubitablement un “personnage”,comme sorti de la ­Transylvanie de l’écrivain irlandais Bram Stoker : sans âge, musclé, doux, effrayant. Un peu vampire, un peu rêveur, un peu gangster, un peu Ed Wood… et tellement seul. » Wiseauestunparia,unpitoyableacteur. Il a pourtant accompli,par un chemin des plus singuliers,le rêve de générations d’aspirants à ­Hollywood : devenir célèbre et aimé. Une conversation téléphonique avecWiseau apporte autant de questions que de réponses. Les détails ont été réglés par échanges de mails à 1 h 30 du matin (Tommy vit principa- lement la nuit). Il se dit enchanté par l’adapta­tion de sa vie par Hollywood ; il apprécie la rentrée d’argent qu’elle repré- sente, et a une totale confiance en l’intégrité artistique de James Franco : « Un type bien. Un bon acteur. J’ai un petit rôle dans le film, crois-le ou non… J’ai joué en face de lui, alors qu’il est déguisé en moi. Ça fait bizarre. On fait déjà un film sur ma vie. Et je ne suis pas encore mort. » Pour les habitants de LosAngeles,The Room s’est longtemps résumé à une ­mystérieuse affiche promotionnelle surplombant Highland Avenue, à la croisée de Sunset ­Boulevard. Elle a été financée pour la sortie du film à grands frais parWiseau,5 000 dollars par mois. On y voyait son visage pâle en gros plan, l’œil gauche mi-clos, comme atteint de para­lysie faciale. Elle restera cinq ans, sa sortie en 2003 dans une poignée de cinémas de Los Angeles, The Room essuie un bide assour- dissant. Le film totalise à peine 1 800 dollars de recettes en deux semaines. Un homme totalement inconnu à Hollywood est derrière le projet et en haut de l’affiche. Tommy Wiseau a sorti de sa poche 6 millions de dol- lars pour réaliser son premier long-métrage : une comédie dramatique fondée sur le ressort du triangle amoureux. Cet homme à la dégaine de vieux chanteur de heavy metal tient également le rôle principal, celui du fiancé cocu.Echec critique et commercial,son film est rapidement voué à disparaître des écrans. C’est lors de son second week-end d’exploitation que le destin de The Room prend une tournure plus étrange. Trois étu- diants en cinéma de la San Fernando Valley sont intrigués par une critique scotchée à la vitre de leur cinéma de quartier : « Voir ce film, c’est comme recevoir un coup de ­poignard dans la tête. » Au guichet,une petite affiche prévient qu’au- cun remboursement ne sera effectué si le spectateur reste plus de quinze minutes. La guichetière elle-même déconseille le film. « C’était de la provocation. On était obligés d’aller voir », se souvient Michael Rousselet, l’un des étudiants.Ils pénètrent dans une salle absolument vide ; le générique a déjà com- mencé. Dès le premier plan, ces aguerris de cinéma bis – ces films de genre aux budgets réduits – sont encorcelés. « Toutes les déci- sions de mise en scène étaient nulles. Toutes les quinze secondes, un plan foireux. Le ton bêlant, des dialogues qui ne mènent nulle part, des intrigues abandonnées, des scènes de sexe trop longues… C’était une avalanche. C’était hilarant. Ça n’arrêtait pas. » Les trois compères ont la salle pour eux seuls et s’en servent comme d’un terrain de jeu. Coups de fil aux copains, qu’ils font entrer en douce par la sortie de secours. Rousselet voit The Room quatre fois en trois jours et réunit une centaine de spectateurs pour la dernière séance. « On savait que le film serait déprogrammé. On a organisé une fête un peu comme des funérailles vikings, en apportant des roses, des cuillères en plas- tique… En tout, on a bien dû dépenser 1 000 dollars en tickets pour The Room. » Cette dernière séance au Fallbrook Laemmle Un tournage épouvantable suivi d’un désastre critique et commercial.“The Room”et son réalisateur,TommyWiseau,un inconnu au passé obscur,auraient dû tomber dans l’oubli. Sauf que ce sommet du kitsch connaît depuis sa sortie en 2003 une deuxième vie lors de projections potaches devant un public averti.L’histoire rocambolesque de ce navet a inspiré le prochain film de James Franco,“The Masterpiece”,en salles cet automne. p a r maxime robin ••• ­devenant peu à peu une attraction touris- tique. Selon les rumeurs, Tommy Wiseau aurait été impliqué dans le trafic de drogue : c’est ce qui lui aurait permis de financer The Room et sa promotion. Lui assure que sa for- tune provient d’opérations immobilières réa- lisées dans la baie de San Francisco. « J’ai beaucoup appris de l’industrie du bâtiment pour faire mon film… Et les fondations de The Room sont solides, comme un building. On sera là dans dix ans encore. » Wiseau est persuadé que “The Room” est un classique depuis les premiers jours du ­tournage, qu’il a démarré en insultant l’équipe,« alors que c’est lui qui avait quatre heures de retard  », se souvient l’acteur ­franco-américain Greg Sestero, qui a coécrit un livre relatant les conditions de tournage, The Disaster Artist (avec Tom Bissell, éd. Simon & Schuster, non traduit). Son témoignage est la pierre angulaire du film de James Franco, qui en a racheté les droits. On y apprend avec force détails commentWiseau s’est comporté en sociopathe, changeant quatre fois d’équipe et terrifiant l’actrice prin- cipale. Obsédé par son image, il se fait filmer fesses nues dans des plans interminables pen- dant et après les scènes de sexe – des passages entiers apparaissent tels quels dans The Room. « Je dois montrer mon cul, dit un jour Wiseau à Sestero,ou bien ce film ne se vendra pas. » Blond au physique de jeune premier, Greg Sestero parle le français avec l’accent de celui qui n’a pas grandi en France – c’est lors d’une projection à Paris qu’il découvre l’exis- tence du mot « nanar ». Sestero est l’opposé de Wiseau, dans le sens où il rit volontiers de lui-même et n’est dupe de rien. Tommy Wiseau et Greg Sestero forment un étrange attelage. Depuis que le culte de The Room a dépassé la Californie et atteint sa vitesse de croisière, il y a environ cinq ans, ils organisent des projec­tions dans les grandes villes américaines pour partir à la rencontre du public,au rythme d’une ville par mois.Wiseau en profite pour vendre des DVD et des pro- duits dérivés,comme des slips et des montres. Dans la dernière ville en date, ­Philadelphie, « on a vendu 1 200 tickets en trois nuits », se rengorge le réalisateur,qui ajoute :« J’aime les chiffres, ils ne mentent pas. » Tel une rockstar, Tommy Wiseau (ici à Londres en février 2016) signe des autographes à ses fans. 114 115 OliviaHowitt/bbc.com
  • 2. 3 septembre 2016 — M Le magazine du Monde Tommy Wiseau tient le premier rôle dans son film devenu culte (1, avec la comédienne Juliette Danielle). Un mythe que le réalisateur et Greg Sestero, son acteur principal, entretiennent en organisant des projections de The Room aux Etats-Unis et à l’étranger (2, à Londres, en février 2016). Réalisateur et acteur, James Franco interprète Tommy Wiseau dans The Masterpiece (3), dans lequel jouent son frère Dave (4, à gauche, sur le tournage en décembre 2015) ainsi que plusieurs stars dont Sharon Stone. ••• Sestero entretient un rapport ambivalent avec The Room. Si le destin du film lui a per- mis de sortir de sa condition d’acteur en galère, il ne compte pas en rester prisonnier ; son livre fut l’occasion de surfer sur le succès, mais aussi une tentative de s’extirper de cette gangue,etpeut-êtreuntremplinpourd’autres projets.Le chanteur Ben Folds,figure emblé- matique du piano-rock et fan de The Room, lui a un jour dit qu’il était « comme un photo- graphe coincé sous un pont, à l’approche de la tornade, et qui immortalise l’œil du cyclone ». Sestero a trouvé ça très juste. Aucun autre acteur de The Room n’a survécu à la tornade ; tous ont quitté L.A.« et ne veulent plus jamais entendre parler du film ». Sestero s’accroche, a « développé un réseau », sans que sa carrière décolle vraiment.Cette année,on peut le voir dans Dude Bro Party ­Massacre III, un slasher movie (sous-genre du film d’horreur) réalisé par Michael Rousselet. The Room est considéré comme un anti-film, un condensé de tout ce qu’il ne faut pas faire, comme EdWood le fit dans l’après-guerre.Un charme honteux s’en exhale, un plaisir cou- pable,pour les spectateurs convaincus de pou- voir faire mieux. « C’est comme si Wiseau avait participé aux épreuves de natation des Jeux olympiques sans savoir nager, s’enthou- siasme le designer et animateur pour les ­studios Blue Sky (L’Age de glace, Rio) William Trébutien, grand amateur du film. Wiseau démontre pourquoi le cinéma est un art diffi- cile, il offre un repère. Mais c’est aussi le lycéen au fond de la classe dont tout le monde se fout, et qui finalement arrive au bout… Il a rendu accessible le rêve hollywoodien à tous. Et il l’a brisé. C’est fascinant. » Le budget de “The Room”, pharaonique comparé à la qualité du film, reste un mystère. 6 millions de dollars, c’est celui d’un petit film indépendant comme Juno ; Lost in translation a coûté 2 millions de moins. Le champ des questions est vaste, entre le contenu de The Room et la personnalité de Wiseau.« Pour les professionnels, la mystique est démultipliée, ajoute Rousselet. On perçoit une couche supérieure d’absurdités dans l’éclairage, le point, le son, le fond vert… Il y a aussi les secrets autour de son passé. Ce côté légende urbaine qui lui colle à la peau. » Les origines de Wiseau font encore débat aujourd’hui. Depuis son entrée aux Etats- Unis,il brouille les pistes ;Wiseau est un nom d’emprunt. Il affirme avoir vécu à Strasbourg et assure parler français, sans jamais le faire. L’homme dit aussi qu’il est cajun,« avec de la famille à la Nouvelle-Orléans ». Un fan ­linguiste a décelé dans ses expressions bizarres et son usage très personnel de l’an- glais (omission d’articles, d’auxiliaires, barba- rismes) assez d’indices pour conclure qu’il serait ­polonais, mais Tommy Wiseau ne confirme pas. « Move on ! Next question. » C’est au cinéclub Panic !Cinéma que l’on doit sa venue à Paris en 2013. Le cinéaste laisse à l’équipe un arrière-goût de cauchemar ­logistique, mais aussi de très beaux moments. « C’était comme une rockstar, se souvientYann Olejarz,leprogrammateur.Deux jeunes femmes ont éclaté en sanglots en tombant nez à nez avec lui. » L’assistant deWiseau,qui ne serait autre que Wiseau lui-même, a menacé d’annuler sa venueàcauseduprixdesbillets,nonconforme à son statut, qu’il a comparé à celui de Steven Spielberg.« Mais c’est impossible de détester le personnage. Il a tout mis dans son film. On n’était pas dans le cynisme, pas dans un délire du type Dîner de cons. Les gens étaient vrai- ment contents de le rencontrer. » Outre-Atlantique, au Sunshine Landmark Theater de NewYork,où The Room est projeté chaque premier samedi du mois à minuit, l’ambiance est proche de l’hystérie. Les fans hurlentdesinsanitésauxacteurssurl’écran,en saluent d’autres chaque fois qu’ils pénètrent dans le champ (« Oh, hi Don ! »), participent auxrituelsétrangesmissurpiedtreizeansplus tôt en Californie,comme ce lancer collectif de cuillères en plastique.Wiseau jure aujourd’hui que provoquer le rire était son intention pre- mière : « Les gens disent que ce film est un acci- dent. Mais on n’écrit pas un script de 100 pages par accident. C’était un plan. » Tommy Wiseau ne s’est pas reposé sur ses ­lauriers depuis The Room. Il a bouclé la pre- mière saison d’une sitcom,« TheNeighbors », pensée comme « une métaphore de la société américaine ». Les quatre premiers épisodes ont été diffusés sur la chaîne de vidéos à la demandeHulul’andernier.Ilsracontentlavie quotidienne de jeunes locataires dans un buil- ding managé par Wiseau. Mais la série n’a pas déclenché la même ferveur ; les fans les plus ultras reconnaissent que « The Neighbors » est nul, mais pas fantastiquement nul. Avec l’expérience acquise, Tommy Wiseau changerait-il quelque chose au tournage de The Room ? Par exemple son étonnante déci- sion de filmer à la fois en numérique et en 35 mm, nécessitant deux équipes à la fois sur le plateau. Ou celle d’acheter les caméras cash, à l’époque où filmer en numérique coû- tait une fortune, plutôt que louer le matériel aux ­studios, nageant à contre-courant d’un siècle de sagesse hollywoodienne et explosant son budget. « Je n’investirais peut-être plus autant dans le matériel. Mais on a été des pionniers, se défend le réalisateur.Les gens ne comprennent pas ça. J’ai toujours la Pana- sonic 8F27 à la maison. Je changerais aussi d’acteurs, si je le pouvais. Pour le reste, le film est conforme à ma vision. » D’une certaine manière, Wiseau a vu juste. Contre toute logique artistique ou marchande, il a réalisé un classique – qualifié par certains de « Citizen Kane des nanars ». La confiance et la fierté qu’il en tire rendent le personnage encore plus déroutant. Sans filtre, passant du coq à l’âne, il est dans la vie le reflet de son œuvre. « Je veux être le plus grand réalisa- teur vivant. Et je suis obsédé par les détails… Les gens essaient de mettre de l’eau dans mon vin. Mais quand un créateur a une vision, les autres doivent se taire et écouter. » 43 “Avec ‘The Room’, c’est comme si Wiseau avait participé aux épreuves de natation des Jeux Olympiques sans savoir nager.” William Trébutien, designer at animateur pour les studios Blue Sky 1 2 116 117 WiseauFilms/ProdDBx2.OliviaHowitt/bbc.com.E-Pressphoto.com.Cousart/JFXimages/WENN.com.OliviaHowitt/bbc.com