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CELSA — Université Paris IV Sorbonne

École des hautes études en sciences de l’information et de la communication

MASTER 2ème année
Mention : Information et Communication
Spécialité : Médias et Communication

L’engagement, une nouvelle métrique publicitaire ?
Le cas de la « social TV »

Sous la direction du Professeur Véronique Richard

Nom, Prénom : Dimitri GASULLA
Promotion : 2011-2012
Option : MISC (Médias Informatisés et
Stratégies de Communication)
Soutenu le 30 octobre 2013
Note du mémoire : 17/20
Twitter
@MrDimitriG & @SocialTV_E
Linkedin
http ://www.linkedin.com/in/dimitrigasulla
Site Internet
http ://social-tv-et-engagement.fr/
E-mail
dimitri.gasulla@gmail.com

A
Ce texte a été réalisé avec L TEX 2ε et édité sous TEXshop.

Cette œuvre est mise à disposition selon le contrat Attribution-NonCommercialShareAlike 3.0 Unported disponible en ligne http ://creativecommons.org/licenses/bync-sa/3.0/ ou par courrier postal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San
Francisco, California 94105, USA.
Figure 1 – Premier tweet de la présentatrice Oprah Winfrey publié en avril 2009 pendant
son émission de télévision Oprah Fridays Live.
Table des matières
Introduction

6

I

9

La « social TV » ou la renaissance de la télévision

1 Les nouveaux défis de la télévision
1.1 Les évolutions de la consommation de la télévision : délaissée par les jeunes ?
1.2 Le renouvellement de l’offre de télévision : cord-cutting, fragmentation des
audiences et autonomie de l’audience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 La télévision, au cœur d’un marché publicitaire qui se redéfinit . . . . . . .

10
10

2 Histoire et définition critique de la social TV
2.1 L’histoire incomplète de la social TV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 L’émergence du concept de « social TV » dans l’histoire de la télévision . .
2.3 Vers une définition contemporaine de la social TV . . . . . . . . . . . . . .
2.3.1 Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques des téléspectateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Internet et le transmédia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le multi-screen et le développement des applications de second-screen
2.3.2 Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs . . . . . . . .
2.3.3 La social TV : un nouveau « contrat » . . . . . . . . . . . . . . . .

22
22
24
28

3 « Social TV - The Business Behind The Buzz »
3.1 La social TV et l’avénement de la télévision sociale et conversationnelle
3.2 Le marché de la social TV : une pluralité d’acteurs . . . . . . . . . . .
3.3 La publicité et la social TV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sponsoring de contenus et d’application de social TV . . . . . .
Communiquer avec une application de social TV . . . . . . . . .
Utiliser la social TV dans une campagne de publicité . . . . . .

38
38
40
43
43
44
45

II

.
.
.
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.

L’engagement : un nouveau paradigme

4 Les
4.1
4.2
4.3

mesures dans le champ publicitaire
La mesure : un processus complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Histoire de la mesure d’audience de la télévision en France . . . . . . . . .
Histoire de la publicité en ligne à travers sa mesure . . . . . . . . . . . . .

4

13
17

28
28
30
33
36

48
49
49
52
55
5 L’engagement, une nouvelle métrique pour des nouveaux besoins
5.1 L’avènement de l’engagement ou « the fall of exposure » . . . . . . . .
5.2 Le concept d’engagement confronté à la théorie du marketing . . . . .
5.3 L’engagement se diversifie et devient un concept opérationnel . . . . .
5.4 Quel futur pour l’engagement ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.
.
.
.

.
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.

60
60
62
65
67

.
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.

III La social TV : mariage de la télévision et de l’engagement ?
70
6 La légitimité de la mesure d’audience des programmes de télévision en
question
6.1 La nécessaire adaptation de la mesure d’audience aux pratiques des individus
6.2 La nécessaire adaptation de la mesure de l’efficacité de la publicité télévisuelle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.3 Quelle mesure pour la social TV ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

71
71
75
76

7 Social TV et engagement
79
7.1 La mesure de l’engagement dans le secteur de la télévision . . . . . . . . . 79
7.2 Social TV et engagement, un avenir conjoint ? . . . . . . . . . . . . . . . . 82
8 Télévision et médias sociaux
84
8.1 Vers le développement de la mesure de « l’audience sociale » ? . . . . . . . 84
8.2 La télévision s’inspire des médias sociaux et les médias sociaux s’inspirent
de la télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Conclusion

91

Liste des figures

95

Bibliographie

104

5
Introduction
Depuis la fin des années 2000, Internet et les technologies numériques se sont profondément installés dans le paysage médiatique et dans les pratiques des individus. Un
phénomène retient plus particulièrement notre attention, il s’agit du développement des
médias sociaux. Cette récente forme de site communautaire où l’individu est lui-même
créateur du contenu qu’il consomme est rapidement devenue populaire. Des plateformes
comme Facebook, Twitter, YouTube ou Sina Weibo ont tous un taux de pénétration dans
le monde supérieur à 20% des internautes 1 . Ces sites et applications prennent une place de
plus en plus grande sur Internet. Ainsi, à lui seul, Facebook compte désormais 1,091milliard d’utilisateurs actifs (qui s’y sont connectés au moins une fois dans le mois) dans le
monde et il est prévu que son taux de pénétration chez les internautes passera de 42,6%
en 2013 à 54,7% en 2017 2 . Facebook est donc en passe de devenir le principal carrefour
d’audience du Web.
Si nous y ajoutons les autres médias sociaux, il est aisé de comprendre qu’Internet se
structure dorénavant autour de ce type de plateforme. Mais les médias sociaux ont également une place de plus en plus importante dans le quotidien des individus. Ils s’en servent
pour être en relation avec des proches et des connaissances, mais aussi pour s’informer,
écouter de la musique, se divertir, regarder des vidéos, etc. Les médias sociaux sont à la
fois un lieu où chercher une audience pour l’amener vers d’autres formes de contenus et
un lieu où il est possible de distribuer des contenus.
Cette situation vient bouleverser le secteur des médias. Déjà confrontés à la numérisation
de leur système de distribution, ils doivent aussi s’approprier ces nouveaux espaces pour
rester en contact avec leurs clients ou leurs audiences. De plus, un autre enjeu est maintenant apparu : le mobile. Sa diffusion est encore plus importante que les médias sociaux.
Ainsi, il est maintenant plus populaire que la télévision.
Ces évolutions demandent logiquement aux médias de modifier leur offre et leurs contenus
afin de s’adapter aux nouvelles pratiques de leurs audiences. Sans quoi, ils perdront peu à
peu de leur influence, seront de moins en moins consommés et, in fine, ne seront plus des
supports pertinents aux yeux des annonceurs. Le secteur de la télévision est actuellement
dans cette situation. Les modes de consommation des programmes de télévision sont en
train d’évoluer. La télévision ne se réduit plus seulement au poste trônant dans le salon,
mais aussi à de multiples présences sur Internet, sur les mobiles, etc. Depuis quelques années, un concept est apparu pour désigner cette nouvelle forme de télévision : la « social
TV ». Pourtant, ce que recouvre la notion de social TV reste flou et les enjeux qu’elle
dessine sont encore à définir. En effet, la social TV est présentée comme le futur de la
télévision et même parfois comme l’avant-garde d’une nouvelle forme de divertissement :
1. « Which Social Networks Are Growing Fastest Worldwide ? », eMarketer, 13 mai 2013 ,
http ://www.emarketer.com/Article/Which-Social-Networks-Growing-Fastest-Worldwide/1009884 [document consulté le 26 mai 2013].
2. Dimitri GASULLA, « Facebook : quel déclin ? », We Are Social, 16 mai 2013,
http ://wearesocial.fr/blog/2013/05/facebook-quel-declin/ [document consulté le 26 mai 2013].

6
le « social entertainment ». Mais à ce jour, il s’agit principalement d’une position adoptée
par les acteurs de la télévision. Ne pas avoir son dispositif de social TV est un aveu d’échec
en 2013. Néanmoins, peu de dispositifs de social TV peuvent réellement être qualifiés de
succès.
Par ailleurs, la secteur de la télévision est confronté à un autre enjeu : la remise en cause
de la publicité télévisée. En 2004, le président de General Motor North America déclarait
à propos de la stratégie publicitaire du groupe : « Used to be, TV was the answer, The
only problem is that it stopped working sometime around 1987 » [ROSE(2011), p. 230].
De nombreux facteurs contribuent au fait que la perception de l’efficacité publicitaire de
la télévision a diminué au cours de ces dernières années. De plus le secteur publicitaire
français n’est pas au mieux de sa forme depuis 2013 et accuse une forte baisse sur les
premiers mois de l’année : -9% par rapport à 2012 3 . Tous les médias voient leurs recettes
publicitaires baisser, sauf le digital et le mobile 4 . Pour couronner le tout, le secteur de la
télévision française se livre actuellement une guerre des prix ! Dans cette situation, si les
chaînes de télévision veulent maintenir leurs chiffres d’affaires et développer leurs activités,
il leur est nécessaire d’innover. Plus précisément, elles ont besoin de se positionner et de
capter les investissements publicitaires des secteurs encore en croissance : le mobile et le
digital. La publicité a donc besoin de se réinventer pour prendre en compte ces nouveaux
éléments.
Enfin, les besoins des annonceurs sont eux aussi en train d’évoluer. Auparavant, ce qui
importait était de générer des impressions et que la publicité soit présentée au consommateur. Maintenant, les annonceurs souhaitent davantage avoir des « relations » avec les
consommateurs. Il ne s’agit plus seulement de présenter des contenus aux consommateurs,
mais de l’« engager ». Il est significatif qu’au même moment se soit développée une nouvelle façon de mesure l’efficacité publicitaire basée sur l’ « engagement ». Cette dernière
est sensée pouvoir comparer de nombreuses contextes et dispositifs publicitaires différents.
L’optimisation des campagnes serait alors rendue plus facile. A la fin des années 2000,
l’engagement a été présenté comme la future métrique qui remplacerait toute les autres.
Le développement de l’engagement coïncide avec le développement des médias sociaux et
de la social TV. Ces trois notions possèdent de nombreux points en communs (importance
du « social », développement de relation avec les individus, etc.).
Ce qui nous intéresse nous intéressera dans notre travail de recherche, c’est de comprendre
comment la notion d’engagement peut être adaptée par le secteur de la télévision. Audelà de savoir si une telle métrique peut s’imposer sur le premier marché publicitaire,
nous chercherons à mettre en lumière les positionnements et les stratégies des différents
acteurs (annonceurs, publicitaires, chaînes de télévision, etc.). Nous serons alors en mesure
de pointer les opportunités qui s’offrent à la télévision et, d’une manière plus générale, les
axes qui constitueront le futur de l’entertainment. Pour cela, notre problématique sera la
suivante : quelles sont les implications du développement de l’engagement pour
le secteur de la télévision ?
Pour y répondre, nous avons formulé trois hypothèses qui interrogent chacune un aspect
de notre problématique. Notre corpus se focalisera sur la France mais nous nous autoriserons des détours par les Etats-Unis pour mieux comprendre le développement et le enjeux
de la social TV et de l’engagement.
3. Véronique RICHEBOIS, « France : forte chute des investissements publicitaires nets », Les Echos, 20
mai 2013, http ://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/medias/actu/0202773902554-france-forte-chutedes-investissements-publicitaires-nets-567765.php [document consulté le 26 mai 2013].
4. IREP, Nouveau : résultats du marché publicitaire 1er trimestre 2013, 17 mai 2013,
http ://www.irep.asso.fr/actualites.php ?id=144 [document consulté le 26 mai 2013].

7
Hypothèse 1 : la social TV est un moyen de maintenir la puissance publicitaire de la télévision.
Si cette affirmation peut sembler anecdotique, ce qu’elle recouvre est beaucoup plus important. En effet, elle sous-entend que la social TV apporte de la valeur aux chaînes de
télévision et qu’elle ne se réduit pas à un simple élément cosmétique. C’est ce que nous
essayerons de montrer en nous intéressant au concept de social TV et à sa formation. Nous
verrons également comment ce dernier est utilisé par les différents acteurs et comment il
est possible de le valoriser.
Hypothèse 2 : l’engagement va devenir une métrique publicitaire standard
pour tous les secteurs.
Pour infirmer ou confirmer cette hypothèse, nous devrons d’abord nous intéresser à l’histoire de la mesure et plus particulièrement à l’histoire de la mesure publicitaire. Ce n’est
qu’avec ces éléments que nous serons en capable de définir l’avenir de l’engagement.
Hypothèse 3 : social TV et engagement vont se développer en commun
pour s’imposer sur le marché de la télévision.
Notre troisième hypothèse fait le lien avec les deux précédentes. Si la social TV est un
moyen pour maintenir la puissance publicitaire de la télévision et si l’engagement va devenir la métrique standard dans le marché de la publicité, alors ces deux concepts ont
tout intérêt à s’appuyer l’un sur l’autre pour se développer.
Pour confirmer ou infirmer ces hypothèses et répondre à notre problématique, nous
avons élaboré un plan en trois parties. La première sera dédiée à la compréhension de la
social TV et au secteur dans lequel elle se développe. Le premier chapitre s’intéressera aux
nouveaux défis de la télévision. Il s’agira ici de comprendre comment la consommation de
la télévision évolue et comme les chaînes s’adaptent à ces évolutions. Le second chapitre
sera une histoire critique de la social TV. Nous nous intéressons aux origines de la social
TV et aux enjeux auxquels cette innovation répond. Ce chapitre nous permettra alors
d’introduire le suivant consacré à la valorisation de la social TV. Il s’agira pour nous de
mettre en lumière les différentes stratégies des acteurs évoluant dans ce marché. Egalement, nous verrons comment la social TV et ses mécanismes peuvent être appliqués à la
publicité télévisée.
Notre seconde partie s’intéressera à l’engagement. Pour comprendre le développement de
cette métrique, nous consacrerons un premier chapitre à l’histoire de la mesure dans le
champ publicitaire (que cela soit celui de la télévision ou celui de la publicité en ligne).
Puis, le chapitre suivant se focalisera sur la notion d’engagement. Nous analyserons alors
son histoire, sa théorie et son adoption par les différents acteurs. Après avoir compris les
enjeux du marché de la mesure d’audience et ceux de l’engagement, nous serons alors en
mesure de conclure cette partie en définissant quel sera le futur de l’engagement.
Enfin, la troisième partie de notre travail s’intéressera aux liens entre la social TV et
l’engagement. Le premier chapitre questionnera la légitimité de la mesure d’audience des
programmes de télévision et s’intéressera aux moyens de la rendre plus pertinente. Le
chapitre suivant sera directement consacré à la social TV et à l’engagement. Il s’agira
de comprendre quels sont les liens entre ces deux notions. Pour conclure, notre dernier
chapitre s’intéressera d’une façon plus générale aux liens entre les médias sociaux et la
télévision. Nous aurons alors un aperçu du futur conjoint de ces deux secteurs.

8
Première partie
La « social TV » ou la renaissance de la
télévision

9
Chapitre 1
Les nouveaux défis de la télévision
1.1

Les évolutions de la consommation de la télévision :
délaissée par les jeunes ?

L’audience de la télévision est un sujet particulièrement surveillé. Et pour cause, elle
fournit les indicateurs qui permettent de guider les investissements du premier marché
publicitaire en France. Ce marché a été estimé à 9 382 millions d’euros en 2011 1 . et est
en hausse depuis plusieurs années (figure 1.1).

Figure 1.1 – Evolution des investissements publicitaires à la télévision (France). Source :
Kantar Media.
Pourtant, les avis à propos de l’audience de la télévision diffèrent. Pour les uns, les audiences baissent, pour les autres elles continuent d’augmenter. Plus préoccupant, même
les données diffèrent.
D’après les études réalisées par Médiamétrie, la durée d’écoute individuelle quotidienne
de la télévision est passée de 3h12 en 1997 à 3h27 en 2008 (pour les individus de 15 ans et
plus) 2 et elle n’a pas cessé d’augmenter au cours des dernières années. Dans le détail, il
1. Kantar
Media,
« Année
de
pub
2011 »,
26
janvier
201,
http ://www.snptv.org/etudes/veille.php ?id=290 [document consulté le 23 mars 2013].
2. « Evolution de la durée d’écoute individuelle quotidienne de la TV de 1989 à 2009. »
http ://www.snptv.org/generalites/faq.php ?theme=7 [document consulté le 16 septembre 2012].

10
apparaît que cette croissance de la consommation de télévision est observable pour toutes
les classes d’âges.
Si l’on se reporte aux études réalisées par Olivier Donnat pour le compte du Ministère
de la Culture et de la Communication, les résultats sont très différents. Il ressort que la
durée moyenne d’écoute en 2008 se situe à peu près au même niveau qu’en 1997 : 21 heures
par semaine [DONNAT(2009), p. 73]. Pour l’auteur, « ce retournement de tendance est
historique : pour la première fois depuis l’arrivée de la télévision dans les foyers, le temps
que les Français lui consacrent a cessé d’augmenter, il a même diminué chez les jeunes. »
[Ibid., p. 74]. Dans le détail (figure 1.2), il apparaît que l’écoute chez les 15-19 ans passe

Figure 1.2 – Durée moyenne d’écoute hebdomadaire de la télévision selon l’âge (France).
Source : [DONNAT(2009), p. 74].
de 16 heures à 15 heures, alors que celle des 20-24 ans passe de 21 heures à 18 heures
[DONNAT(1998), p. 77]. Pour Olivier Donnat, l’explication de cette baisse est à chercher
dans l’apparition de nouveaux comportements de divertissements. « Les 15-24 ans sont
en effet la première génération à avoir grandi avec l’internet et à avoir massivement investi l’ordinateur comme vecteur privilégié de loisirs et de communication, créant ainsi
au plan de l’affectation du temps libre une situation objective de concurrence défavorable
à la télévision, même quand celle-ci ne fait l’objet d’aucun rejet particulier et continue à
faire pleinement partie de leur quotidien. » [DONNAT(2009), pp. 74–75].
Les différences de résultats entre les enquêtes de Médiamétrie et celles du Ministère de la
Culture et de la Communication peuvent s’expliquer de deux façon. D’une part, Médiamétrie se base sur des relevés non déclaratifs. Elle utilise un outil (l’audimètre) qui enregistre
toutes les utilisations du ou des téléviseur(s) du foyer 3 . Les enquêtes d’Olivier Donnat se
basent elles sur des questionnaires déclaratifs 4 . D’autre part, Médiamétrie cherche à mesu3. « Médiamat » http ://www.mediametrie.fr/television/solutions/mediamat.php ?id=5 [document
consulté le 17 mars 2013].
4. « Méthodologie de l’enquête. » http ://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08methodologie.php
[document consulté le 16 septembre 2012].

11
rer la consommation de la télévision tandis que le ministère s’intéresse à la consommation
d’activité culturelle dans son ensemble. Médiamétire ne se penche pas sur l’environnement
du téléspectateur, seul compte son âge et sa catégorie socio-professionnelle (CSP).
Ces différences posées, comment appréhender l’évolution de la consommation de télévision ? Augmente-elle ou baisse-t-elle ? Un nouvel élément peut nous aider à y voir plus
clair, il s’agit de l’effet générationnel.
Dans un article, Olivier Donnat explique les principes d’une approche générationnelle des
pratiques culturelles. Il prend pour exemple le cas de la lecture de la presse quotidienne
(figure 1.3). Une lecture simpliste du premier schéma représentant le taux de lecture selon

Figure 1.3 – Coupe instantanée (1997) et courbes générationnelles de la lecture de la
presse quotidienne. Source : [DONNAT et LÉVY(2007), p. 4].
l’âge conduirait à penser que les français lisent de plus en plus au fur et à mesure qu’ils
vieillissent. L’analyse générationnelle montre bien qu’il n’en est rien. En effet, « le taux de
lecture qui caractérise une génération autour de ses vingt ans reste sensiblement la même
à quarante, cinquante ou soixante ans. Il ne faut donc pas retenir que « plus on est vieux,
plus on lit », mais plutôt que « qui a lu, lira » (et sa version pessimiste « qui n’a pas lu
ne lira pas »). » [DONNAT et LÉVY(2007), p. 4].
Pour le cas de la télévision, il a été démontré que l’effet génération a eu des conséquences
positives sur la pratique de la télévision pendant la période 1973-1997. Cette évolution
a été renforcée par l’effet âge : plus un individu vieillit, plus il a tendance à augmenter
sa consommation de télévision. À l’horizon 2020, Olivier Donnat et Florence Lévy prévoient que l’effet âge ait toujours une influence positive sur la pratique de la télévision.
A l’inverse, ils prévoient que l’effet génération influencera négativement la pratique de la
télévision [Ibid., p. 29].
Pourtant, lors du bilan des résultats de 2011 en matière de consommation de télévision,
Médiamétrie se montrait particulièrement optimiste et y voyait le « signe que ce média
bénéficie du boom numérique auquel il sait répondre » 5 . Nous voyons bien que la vérité
est plus complexe. A long terme, la question est de savoir si la télévision va connaître
le même destin que le livre, la presse écrite ou le théâtre. A plus court terme, d’autres
5. Médiamétrie, « L’année TV 2011. La TV dans tous ses états », février 2012,
http ://www.snptv.org/files/veilles/fichiers/veilles-323-314.pdf [document consulté le 18 mars 2013].

12
questionnements viennent faire trembler le pied d’estale sur lequel repose la télévision.
Cette fois-ci, c’est au niveau de l’offre que les changements interviennent.

1.2

Le renouvellement de l’offre de télévision : cordcutting, fragmentation des audiences et autonomie
de l’audience

Le phénomène de cord-cutting, celui de fragmentation des audiences et de l’« autonomisation » de l’audience sont des phénomènes distincts. Néanmoins, ils partagent des
points communs : tous trois sont liés à l’élargissement de l’offre en matière de télévision.
Le développement d’Internet a ainsi permis à la VOD (Video On Demand ) et à la SVOD
(Subscription Video On Demand ) [GASULLA(septembre 2011)] de se populariser. En
conséquence, le nombre de produits et de services proposant de la vidéo n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années 6 . Parallèlement à cela, en novembre 2010 les réseaux
américains de télévision par câble et satellite ont connu leur plus grande perte de clients
depuis les années 1980, soit entre trois et quatre millions de spectateurs en moins 7 . C’est
ce phénomène qui a été baptisé cord-cutting, avec l’image de personnes coupant le câble
qui leur fournit leur offre de télévision. Cela a amené l’ensemble des acteurs de la filière
à se questionner sur leur avenir et à défendre leur business model :
« Sur le fait qu’HBO et Cinemax ont récemment perdu 1,5 million d’abonnés,
Bewkes [CEO de Time Warner qui détient HBO] dit : "Ne vous inquiétez
pas pour HBO." Il dit que la diminution du nombre d’abonnés n’était pas due
au cord-cutting, des gens qui résilient leurs abonnements au câble, mais était
le résultat d’une modification de la façon dont les distributeurs ont vendu les
offres d’HBO. » 8
ESPN a entrepris une démarche comparable en publiant avec l’aide de Nielsen une étude
démontrant que les résiliations d’abonnement sont « pour le moment un phénomène "très
minoritaire" » 9 .
Quelques années plus tard, les positions ont changé. Charlie Ergen, président du conseil et
co-fondateur de Dish Network (un des principaux fournisseurs de télévision par satellite
aux États-Unis) pense maintenant que le phénomène est bien réel. Sa réflexion se base
sur le fait qu’aucun étudiant ne souscrit à des services de télévision payants et qu’ils ne
vont pas soudainement le faire une fois leurs études terminées (l’effet générationnel dont
nous parlions plus haut en somme). Il ajoute : « there is a reason that tobacco companies
give away free cigarettes at colleges » 10 .
6. Matt RITCHEL et Brian STELTER, « In the Living Room, Hooked on Pay TV », The New York
Times, 23 août 2010, http ://www.nytimes.com/2010/08/23/business/media/23couch.html [document
consulté le 18 mars 2013].
7. Richard KASTELEIN, « American Viewers Cord Cutting Cable TV en Masse - 3/4 of Million in 3
Months », App-market TV, 18 novembre 2010, http ://www.appmarket.tv/opinion/829-american-viewerscord-cutting-cable-tv-en-masse-34-of-million-in-3-months-.html [document consulté le 18 mars 2013].
8. Brian STELTER, « Jeff Bewkes on Netflix, HBO Subscriber Loss », Variety, 6 décembre 2010,
http ://www.nytimes.com/2010/12/06/business/media/06espn.html [document consulté le 18 mars
2013].
9. Tom LOWRY , « ESPN Says Study Shows Little Effort to Cut Cable », The New York Times, 5
décembre 2010, http ://www.variety.com/article/VR1118028524 ?refcatid=13 [document consulté le 18
mars 2013].
10. Janko ROETTGERS , « Dish’s Charlie Ergen : I thing people are cutting the cord », GigaOM,
11 février 2013, http ://gigaom.com/2013/02/11/dishs-charlie-ergen-i-think-people-are-cutting-the-cord/

13
Si le cord-cutting est aujourd’hui perçu comme une réalité, c’est notamment grâce aux
succès des offres de SVOD comme celle de Netflix. Au cours des années 2000, la société
est parvenue à prendre place sur le marché de la location vidéo puis à détrôner son principal concurrent (Blockbuster) [GASULLA(janvier 2011)]. En 2013, Netflix a diversifié sa
stratégie en se lançant dans la production d’une série premium à la manière de HBO ou
de AMC. House of Cards (produit par David Fincher) a été rendue disponible en février
2013. La série est apparemment un succès mais Netflix refuse de communiquer la moindre
information concernant la consommation de House of Cards par ses abonnés 11 . En effet,
Netflix n’ayant pas d’offre publicitaire, elle n’a aucun intérêt à dévoiler l’audience de ses
programmes. Cette histoire peut paraître anecdotique, mais c’est pourtant un fait significatif pour le secteur de la télévision. Cela remet en cause le système d’évaluation des
programmes de télévision principalement basé sur la mesure de l’audience.
La fragmentation des audiences est un phénomène qui s’inscrit d’une manière plus générale
dans la théorie de la longue traîne. Celle-ci a été laborée en 2004 par Chris Anderson 12 ,
et peut être résumée par la citation suivante :
« (. . .) notre culture et notre économie, naguère focalisées sur un nombre relativement restreint de grands succès (produits et marché grand public) formant
la tête de la courbe de la demande, se tournent de plus en plus vers les très
nombreuses niches de sa traîne. Aujourd’hui, sans les contraintes d’espace disponible et autres goulots d’étranglement de la distribution, des biens et services
étroitement ciblés peuvent présenter autant d’intérêt économique que ceux destinés aux masses. »
[ANDERSON(2009), p. 59]
Pour Chris Anderson, trois éléments sont nécessaires au développement d’un marché de
longue traîne : la démocratisation des outils de production ; la baisse des coûts de consommation due à la démocratisation de la distribution ; la connexion entre l’offre et la demande. Il n’est pas difficile de reconnaître dans ces trois points certaines tendances à
l’oeuvre au sein du secteur de la télévision. En effet, l’offre en matière de contenus télévisuels s’élargit constamment, en conséquence, les téléspectateurs sont amenés à consommer
des contenus toujours plus divers via un nombre toujours plus grands de canaux. Il n’y
a pas si longtemps, le nombre de chaînes qu’un individu pouvait regarder était limité.
Avec le développement de la télévision par satellite, la télévision numérique terrestre et
la télévision par Internet, ce nombre a été démultiplié. En France, il suffit de souscrire un
abonnement à Internet pour se voir proposer gratuitement l’accès à plus d’une centaine
de chaînes. Pour le seul cas de la télévision Française, les chiffres sont édifiants (Cf. la
figure 1.4, page suivante). En 2005, les chaînes hertziennes historiques (TF1, France 2,
France 3, France 5 et M6) totalisaient 87,9% de part d’audience, en 2012 ce chiffre est
descendu à 66,8% 13 . Les autres chaînes qui ne représentaient que 12,1% de l’audience en
2005 sont maintenant à 33,1%.
La fragmentation des audiences est un phénomène que l’on retrouve également aux ÉtatsUnis [JENKINS(2008), p. 66]. Cette évolution de la consommation de la télévision a une
[document consulté le 18 mars 2013].
11. Andrew WALLENSTEIN, « ’House of Cards’ lures binge viewers », Variety, 4 février 2013,
http ://www.variety.com/article/VR1118065641/ [document consulté le 18 mars 2013].
12. Chris
ANDERSON
,
« The
Long
Tail »,
Wired,
octobre
2004
http ://www.wired.com/wired/archive/12.10/tail.html [document consulté le 23 mars 2013].
13. Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Guide des chaînes numériques 2013 », 26 mars
2013, http ://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Le-guide-des-chaines-numeriques/Guide-des-chainesnumeriques-2013 [document consulté le 1er avril 2013].

14
Figure 1.4 – Evolution de la part d’audience des chaînes hertziennes historiques, des
nouvelles chaînes de la TNT et des autres chaînes de 2005 à 2012 (ensemble des 4 ans
et +, en %. Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Guide des chaînes numériques
2013 », op. cit..

conséquence très importante : il est désormais impossible de penser la télévision comme un
média de masse. C’est cela qu’incarne le zapping, qui s’est imposé « comme une pratique
culturelle à part entière, c’est-à-dire une manière de construire un programme « personnalisé » en adéquation avec ses goûts, ses idées et ses priorités, à l’aide de fragments »
[MISSIKA(2006), p. 41]. Cette évolution entraîne logiquement des changements au niveau
du marché publicitaire qu’est la télévision. L’anecdote suivante résume bien la situation.
Dans les années 1960 aux Etats-Unis, un annonceur pouvait toucher 80 % des femmes
américaines avec une publicité diffusée en prime time sur trois chaînes de télévision. Au
début des années 2000, pour atteindre une audience similaire une publicité devait être
diffusée sur une centaine de chaînes de télévision 14 . Au fil des ans, il est devenu plus
couteux et plus compliqué de toucher l’ensemble d’une cible via la télévision. Du point
des chaînes, la fragmentation des audiences a également une incidence sur l’économie de
la production des contenus. Une des réponses à cette évolution a été de donner une plus
forte place aux programmes de télé-réalité compte tenu de leur faible coût comparé aux
autres formats (films, séries, talk-shows, etc.) [NAPOLI(2011), p. 79].
Enfin, le phénomène d’autonomie de l’audience fait référence au contrôle que possèdent
les téléspectateurs sur le moment, le lieu et la façon dont ils consomment un contenu
audiovisuel [Ibid., p. 77]. Plus encore, il faut aussi y intégrer la possibilité pour les téléspectateurs d’influencer le programme, en votant ou via toute autre forme de feedback.
Cette évolution est à la fois due aux individus qui ont modifié leurs pratiques et aux
chaînes qui ont diversifié leur moyens de consommer leurs programmes. D’une manière
générale, le phénomène d’autonomie de l’audience donne une nouvelle définition de la
14. Anthony BIANCO , « The Vanishing Mass Market », Business Week, 12 juillet 2004,
http ://www.businessweek.com/stories/2004-07-11/the-vanishing-mass-market [document consulté le 23
mars 2013].

15
télévision. Il ne s’agit plus seulement de distribuer des programmes qui seront ensuite
consommés dans des millions de foyers. Il s’agit de distribuer des contenus qui pourront
être consommés sur de multiples supports et qui feront participer les téléspectateurs de
manières diverses. Des trois phénomènes évoqués dans cette partie, celui-ci qui est le plus
problématique pour les chaînes de télévision. Mais c’est aussi le seul qui offre de nouvelles
perspectives de croissance. Bien conscient de ces possibilités, le secteur de la télévision
cherche maintenant à développer ses activités sur Internet. Les analyses de Médiamétrie
vont dans ce sens :
« (. . .) Privilégié pour le visionnage en live, le téléviseur est considéré par le
public comme l’écran du foyer le plus important, synonyme de divertissement,
de qualité d’image et de grande dimension. Attaché à l’interaction et souhaitant poursuivre l’expérience avec les programmes au-delà de cet écran, le public
le complète par l’écran d’ordinateur, la tablette, le smartphone, en live ou en
différé. » 15
De même, pour le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) : « la TV n’est plus
le centre de la maison mais reste au coeur du quotidien » [SNPTV(septembre 2012), p. 5].
Pour résumée les précédents paragraphes, nous avons vu que trois tendances participent
à renouveler l’offre de télévision :
– Le cord-cutting. Derrière un intérêt moins prononcé pour les services de télévision
par câbles et satellites aux Etats-Unis, il apparaît que les individus plébiscitent
de plus en plus des services de visionnement à la demande. On pense en premier
lieu à Netflix, mais il ne faudrait pas trop vite oublier YouTube (et les plateformes
similaires) dont certaines chaînes n’ont pas grand chose à envier à certaines chaînes
de télévision traditionnelles. Ces services ont par ailleurs en commun d’avoir un
business modèle qui n’est pas basé (ou directement basé) sur l’audience de leur
contenus. Ainsi, Netflix fonctionne par abonnement (comme YouTube semble vouloir
le faire dans un futur proche) et de nombreuses chaîne YouTube existe grâce à des
partenariats publicitaires avec des annonceurs.
– La fragmentation des audiences. Ce phénomène est commun à de nombreux médias.
Ce qui nous importe ici, c’est la fin de la conception de la télévision comme un média
de masse et le développement d’expériences et de services personnalisables. Cette
évolution a également pour conséquence de rendre le marché publicitaire télévisuel
plus concurrentiel. Logiquement, les marges de manœuvre des chaînes sont plus
étroites, notamment en matière de production. Cette contrainte supplémentaire se
traduit en partie par le développement de nouveau format comme la télé-réalité.
– L’autonomie de l’audience. Confrontées à un téléspectateur possédant de plus en
plus de pouvoir, les chaînes de télévision n’ont pas eu d’autres choix que de leur
proposer des modes de consommation adaptés à leurs besoins et de produire des
programmes qui répondent à leurs attentes. Cela se traduit par un élargissement du
concept de télévision. Désormais, la télévision dépasse le cadre du salon et un programme dépasse le cadre de sa diffusion en se développant, notamment, sur Internet.
Ici encore, la notion d’audience est remise en cause puisqu’un programme n’est plus
simplement composé d’un passage à l’antenne, mais également de consommation en
télévision de rattrapage, de contenus sur Internet, etc.
Nous voyons bien que le secteur de la télévision est actuellement en train d’évoluer en
suivant plusieurs tendances évoquées plus haut. Un autre élément pousse la télévision à
15. Médiamétrie, « L’année TV 2011. La TV dans tous ses états », op. cit..

16
se renouveler : le marché publicitaire. A la sortie d’une importante crise économique et
en plein reconversion numérique, l’industrie de la publicité semble hésiter sur la valeur
à donner à la télévision. Inversement, la télévision ne cesse d’innover pour prouver son
efficacité publicitaire.

1.3

La télévision, au cœur d’un marché publicitaire qui
se redéfinit

En mars 2013, l’IREP (Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires, une association interprofessionnelle qui effectue une mesure annuelle du secteur de la publicité en
France) a présenté son étude du marché publicitaire pour l’année 2012. Le titre de l’étude
est le suivant : « un marché de nouveau en baisse » 16 . En effet, les recettes publicitaires
des médias baissent de 3,5% et les dépenses de communication des annonceurs de 1,3%.
Comme l’indique le titre, cette baisse n’est pas nouvelle. Depuis la crise de 2008, le secteur
peine à retrouver sa dynamique. Plus important, les dépenses publicitaires sont remises
en causes. Cette situation qu’avait déjà remarquée un cadre de la chaîne NBC en 1937 :
« (. . .) When the depression descended upon us, advertisers and their agencies
immediately began to check over their advertising expenditures and sought justification for every dollar spent. In so far as it was possible, sales were traced
to the mediums [sic] being used, or other strong evidence was accumulated to
justify the continuance of the use of each advertising medium. »
[NAPOLI(2011), p. 141]
Mais aujourd’hui, un autre élément vient justifier la remise en cause des pratiques publicitaires des annonceurs : la modification des comportements médiatiques des individus.
D’une manière générale, les activités médiatiques se sont intensifiées au cours des dernières
années. D’après Médiamétrie, en 2012 le nombre de contacts médias et multimédias qu’ont
eu les Français était de 42,5 par jour (soit une augmentation de près de 4% par rapport
à 2010 et de plus de 10% par rapport à 2008) 17 .
Comme le montre la figure 1.5 (page suivante), cette hausse profite aussi bien aux activités
médias que multimédias. Par ailleurs, cette étude confirme la montée en puissance d’Internet pendant la soirée et plus particulièrement pendant le « prime time », c’est-à-dire
pendant le temps fort de consommation de la télévision.
Parallèlement à cette tendance, on observe une forte croissance du nombre d’écrans au sein
des foyer : 6,3 écrans par foyer en moyenne en France 18 . Ces évolutions ont logiquement
des conséquences sur les modes de consommation de la télévision et des vidéos. Significativement, en 2011, Nielsen reportait que le nombre de personnes regardant plus d’une
vidéo par jour le faisait davantage via un ordinateur que via une télévision 19 . Un sujet qui
16. IREP, « Les résultats du marché publicitaire français en 2012 », 22 mars 2013,
http ://www.irep.asso.fr/actualites.php ?id=143 [document consulté le 30 mars 2013].
17. Médiamétrie, « Media in Life 2012 : Médias et loisirs numériques rythment nos journées »,
14 mars 2013, http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/media-in-life-2012-medias-etloisirs-numeriques-rythment-nos-journees.php ?id=826#.UVbW36sVKCg [document consulté le 30 mars
2013].
18. GfK / Médiamétrie, « Référence des Equipements Multimédias : 6,3 écrans dans les foyers français »,
20 février 2013 , http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/reference-des-equipementsmultimedias-6-3-ecrans-dans-les-foyers-francais.php ?id=815#.UVbYAKsVKCg [document consulté le 30
mars 2013].
19. Nielsen, « Global Online Consumers and Multi-Screen Media : Today and Tomorrow », mai 2012
, http ://www.nielsen.com/us/en/reports/2012/global-online-consumers-and-multi-screen-media-today-

17
Figure 1.5 – Contacts médias et multimédia par jour et par personne en 2012. Source :
Médiamétrie, « Media in Life 2012 : Médias et loisirs numériques rythment nos journées »,
op. cit..

préoccupe particulièrement les acteurs de la télévision et de la publicité est l’utilisation
des téléphones portables et des tablettes tactiles devant la télévision. En France, 53% de
la population possède un smartphone 20 et un foyer français sur dix possède une tablette
tactile 21 . Les études se multiplient sur les pratiques des individus devant la télévision. Une
étude de Pew Research Center intitulée « The Rise of the "Connected Viewer" » a ainsi
mis en avant que 52% des adultes possédant un téléphone portable l’utilisent pendant
qu’ils regardent la télévision. Plus inquiétant pour le business model de la télévision, il
apparaît que 38% d’entre eux utilisent leur mobile pour s’occuper pendant les coupures
publicitaires 22 . Sans surprise, cette dernière pratique est plus particulièrement marquée
chez les jeunes (Cf. la figure 1.6 page suivante). On retrouve également des pratiques similaires chez les utilisateurs de tablettes tactiles. Un récent rapport de GfK a ainsi dévoilé
and-tomorr.html [document consulté le 30 mars 2013].
20. comScore, « Smartphones Reach Majority in all EU5 Countries », 15 mars 2013,
http ://www.comscoredatamine.com/2013/03/smartphones-reach-majority-in-all-eu5-countries/ [document consulté le 30 mars 2013].
21. Médiamétrie, « 1 foyer sur 10 possède une tablette tactile en France », 11 décembre
2012, http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/1-foyer-sur-10-possede-une-tablettetactile-en-france.php ?id=777 [document consulté le 30 mars 2013].
22. Aaron SMITH et Jan Lauren BOYLES, « The Rise of the "Connected Viewer" », 17 juillet 2012,
http ://pewinternet.org/Reports/2012/Connected-viewers.aspx [document consulté le 30 mars 2013].

18
Figure 1.6 – Utilisation d’un portable pour se distraire devant la télévision. Source :
Aaron SMITH et Jan Lauren BOYLES, « The Rise of the "Connected Viewer" », op. cit..

que 63% des américains utilisaient leur tablette tactile devant la télévision 23 , réduisant
ainsi l’attention accordée à l’écran de télévision.
La problématique se dessine alors clairement : les individus passent de plus en plus de
temps sur Internet, utilisent toujours plus d’écrans et ils regardent moins attentivement la
télévision. Ce faisant, pourquoi ne pas redéfinir la répartition des budgets de communication ? Pourquoi ne pas investir moins à la télévision et plus en ligne, sur les smartphones
et sur les tablettes. Comme l’exprime Patricia Lévy, directrice de SFR Régie : « avec
l’usage du multi-écran, on ne peut plus communiquer comme avant. Il faut revoir toutes
les stratégies de médiaplanning. » 24 C’est un enjeu qui a été compris par l’ensemble des
acteurs du secteur de la publicité.
Du côté des acteurs d’Internet, on a ainsi pu voir une forte croissance du nombre de
plateformes de vidéos en ligne. La stratégie de ces acteurs est simple : monétiser leurs
vidéos grâce à de la publicité. C’est par exemple le cas de YouTube. Au delà d’une réelle
volonté de redéfinir le monde de la télévision en donnant à chacun accès à des contenus
de niches 25 , YouTube cherche avant tout à se construire une audience et à la monétiser
auprès des annonceurs 26 . Même les marques se sont mises à créer leur propres chaînes en
ligne et à produire leur propres contenus audiovisuels. Dans les exemples les plus récents,
on note la chaîne YouTube du constructeur automobile Nissan dédiée au sport méca23. GfK, « Tablets and Multi-Tasking », novembre 2012, http ://bit.ly/Ymgfba [document consulté le
30 mars 2013].
24. Nicolas RAULINE, « Deuxième écran : les investissements tardent à suivre les usages », Les Echos,
18 mars 2013, http ://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202645254127-deuxiemeecran-les-investissements-tardent-a-suivre-les-usages-549968.php [document consulté le 30 mars 2013].
25. John SEABROOK, « Will Robert Kyncl and YouTube Revolutionize Television ? », The New Yorker, 16 janvier 2012, http ://www.newyorker.com/reporting/2012/01/16/120116fa_fact_seabrook [document consulté le 1er avril 2013].
26. Ben SISARIO, « New Layer of Content Amid Chaos on YouTube », The New York Times,
11 mars 2012, http ://www.nytimes.com/2012/03/12/technology/youtube-channels-seek-advertisers-andaudiences.html [document consulté le 1er avril 2013].

19
Figure 1.7 – Publicité pour un événement à destination des professionnels des médias et
de la publicité, mars 2013.

nique 27 ou encore la série Exit Vine qui a été produite par Red Bull pour une diffusion
sur sa chaîne YouTube 28 . Un autre phénomène intéressant est le développement d’offres
publicitaires en ligne qui se rapprochent de ce qu’il est possible de faire avec la télévision.
Ainsi, la plateforme d’achat média Xaxis a annoncé qu’elle allait transposer le modèle
d’achat publicitaire de la télévision à la publicité vidéo en ligne. Pour la responsable du
développement de cette nouvelle plateforme, la logique est simple : « It’s really about
broadcast dollars and spending them in a broadcast fashion, whether it be online or on
television » 29 . La publicité vidéo en ligne est un marché en plein développement mais, à
ce jour, il est très peu rentable. L’espoir d’une amélioration de la rentabilité des vidéos
en ligne à court terme est même peu probable. En effet, les prix des publicités sur les
plateformes de vidéo en ligne ont baissé de 10% à 15% en 2012 30 .
De son côté, pour faire face aux nouveaux usages des individus et pour tirer parti des évolutions du secteur de la publicité, les chaînes de la télévision ont développé des activités
en ligne. Il s’agit généralement de sites Web et d’offres de télévision de rattrapage. Ces
nouvelles activités étaient auparavant pensées comme des entités propres permettant de
diversifier les sources de revenus publicitaires. Mais maintenant, les chaînes de télévision
commencent à démontrer l’efficacité d’offres publicitaires « complémentaires », utilisant
à la fois publicité télévisuelle et publicité en ligne 31 .
27. Paul SAWERS, « Nismo.TV : Nissan inks YouTube motorsport content deal, includes YouTubebranded race cars », The Next Web, 22 mars 2013, http ://thenextweb.com/media/2013/03/22/nismo-tvnissan-inks-youtube-motorsport-content-deal-includes-youtube-branded-race-cars/ [document consulté le
30 mars 2013].
28. Ed CARRASCO, « Red Bull Launches First Scripted YouTube Series, "Exit Vine" », New Media Rock Stars, 24 janvier 2013, http ://newmediarockstars.com/2013/01/red-bull-launches-first-scriptedyoutube-series-exit-vine/ [document consulté le 30 mars 2013].
29. Kate KAYE, « WPP’s Xaxis Wants to Make Online Video Ad Buying More Like TV », AdAge, 18
mars 2013, http ://adage.com/article/data-at-work/wpp-s-xaxis-make-online-video-ads-tv/240366/ [document consulté le 30 mars 2013].
30. Suzanne VRANICA, « Web Video : Bigger and Less Profitable », The Wall Street Journal, 15 mars
2013, http ://online.wsj.com/article/SB10001424127887324034804578346540295942824.html [document
consulté le 30 mars 2013].
31. Véronique RICHEBOIS, « Les écrans numériques changent la donne publicitaire », Les Echos, 3
décembre 2013, http ://www.lesechos.fr/03/12/2012/LesEchos/21325-103-ECH_les-ecrans-numeriqueschangent-la-donne-publicitaire.htm [document consulté le 30 mars 2013].

20
Pour résumer, les pratiques médiatiques des individus sont en pleine évolution. L’industrie de la publicité tente de suivre ces évolutions et développe de nouvelles offres publicitaires qui donnent une plus grande place à la publicité en ligne. Ce moment est ressenti
comme une profonde remise en question des modèles publicitaires et des pratiques publicitaires. Les certitudes installées depuis des années sont en train d’être questionnées. Cela
ne veut pourtant pas dire que les médias et les publicitaires sont totalement désemparés
face à ces évolutions. Comme l’écrit l’IAB (Interactive Advertising Bureau, un organisme
interprofessionnel chargé de créer des recommandations pour encadrer la publicité en
ligne) en conclusion d’une étude sur les pratiques de multi-screen :
« The findings confirm that the media world is changing again . . . fast. It’s a
world where there’s always a deficit of attention, but it’s also one where brands
have the opportunity to go beyond passive viewing and have a meaningful interaction with consumers. The challenge will be keeping up with evolving habits
while catering to eternal needs. » 32
Après avoir présenté les nouveaux enjeux du secteur de la publicité, la position dominante
de la télévision dans le secteur de la publicité peut sembler menacée. En effet, les yeux
des publicitaires se tournent davantage vers le mobile, les tablettes et Internet que vers
le traditionnel écran de télévision. Pourtant, celle-ci est loin d’être enterrée. Plus précisément, un élément pour le moins inattendu vient lui apporter des arguments de poids pour
affronter les évolutions du marché publicitaire et pour consolider son futur : la social TV.

32. IAB
/
Econsultancy,
« The
Multi-Screen
Marketer »,
http ://www.iab.net/multiscreenmarketer [document consulté le 30 mars 2013].

21

mai

2012,
Chapitre 2
Histoire et définition critique de la
social TV
2.1

L’histoire incomplète de la social TV

« Television has always been social. » Chaque article qui essaye de prendre de la hauteur
vis-à-vis de la social TV en vient à cette remarque. La télévision et la notion de social
seraient ainsi depuis longtemps associées. Cela veut-il dire que la social TV n’est pas une
innovation ? Comme l’on va le voir, cette simple phrase est significative du développement
de la social TV. Depuis quelque années, la social TV s’est imposée comme une thématique
à part entière. Des recherches universitaires sont réalisées sur le sujet et des colloques
professionnels sont organisés à propos des nouveaux enjeux que cette innovation provoque.
De nos jours, la social TV est définie de la manière suivante :
« According to its strictest definition, the phrase "social TV" was coined to
depict the convergence of television and social media. However, social TV has
often been used in recent year as a catchall expression when referring to the
modern era of television »
[PROULX et SHEPATIN(2012), p. IX]
Si l’on s’en tient à la première définition, on peut alors avancer que les premières expérimentations de social TV ont été réalisées en 2009 aux Etats-Unis. Ainsi, en septembre
2009, la chaîne de télévision Fox a réalisé un partenariat avec Twitter pour afficher des
tweets lors de la rediffusion d’épisodes des séries Fringe et Glee 1 . L’opération était dénommée « tweet-peats » et les tweets diffusés étaient des commentaires des acteurs et
des producteurs. Ils étaient publiés avec les comptes @FRINGEonFOX et @GLEEonFOX
(car, bien sûr, à l’époque la popularité de Twitter n’était pas encore très développée).
Malheureusement, l’expérimentation n’a pas eu que des bons retours à cause d’une implémentation des tweets qui gênait le visionnement des épisodes 2 .
Mais c’est surtout au talk show Late Night with Jimmy Fallon que l’on doit le développement de la social TV ou tout au moins de ses premiers faits d’armes. Lancé en mars
2009, le show s’est tout de suite créé une forte relation avec le Web et les médias sociaux 3 .
1. James HIBBERD, « ’Fringe’ + ’Glee’ + Twitter = ’tweet-peats’ », The Hollywood Reporter,
31 août 2009, http ://www.hollywoodreporter.com/blogs/live-feed/fringe-glee-twitter-tweet-peats-52144
[document consulté le 30 mars 2013].
2. Darb DYBWAD, « Fox’s Fringe "Twitter on TV" Experiment Irks Fans », Mashable, 4 septembre
2009, http ://mashable.com/2009/09/04/fox-fail-tweet-peat/ [document consulté le 30 mars 2013].
3. Brian RAFTERY, « Late Night With Jimmy Fallon Is Out of Beta », Wired, 22 mai 2009,
http ://www.wired.com/entertainment/hollywood/magazine/17-06/ff_fallon [document consulté le 30

22
Mashable n’hésite pas à avancer que si le programme réalise de meilleures performances
que ses concurrents, c’est grâce à sa meilleure utilisation des médias sociaux 4 . En effet, le
show possédait une importante communauté sur Twitter et à l’époque, Jimmy Fallon, le
présentateur, était l’une des personnes les plus suivies sur Twitter avec 170 000 followers.
Il faisait par ailleurs fréquemment mention de la plateforme à l’antenne. Une des séquences
de l’émission était même basée sur Twitter : #latenighthashtags. Un hashtag était donné
jeudi soir aux téléspectateurs. Ils devaient alors l’utiliser en le complétant d’un message
humoristique. Les meilleurs messages étaient ensuite lus à l’antenne le mercredi suivant.
Ce jeu très simple fonctionnait particulièrement bien. L’un des hashtag (#thatwouldbeawesome) est ainsi resté en trending topic 5 monde pendant trois jours 6 . En 2010, le show
est allé plus loin dans son intégration des médias sociaux et d’Internet en lançant une application iPhone / iPad et une nouvelle rubrique où les une célébrités devaient répondre
à des questions envoyées via Twitter par les téléspectateurs 7 .

Figure 2.1 – Page Web dédiée au segment #latenighthashtags de Late Night with Jimmy
Fallon. Source : http ://www.latenightwithjimmyfallon.com/hashtags.
En 2010, le concept de social TV commence à être popularisé dans les milieux professionnels et dans la presse. Au sein d’une tribune dans Forbes, Steve Rubel (director of
insights chez Edelman Digital, une agence de communciation reconnue) écrit que la social
TV est la tendance à suivre en 2010 8 . Dans la même tribune, l’intérêt de la création d’un
nouveau réseau de chaînes de télévision (The Oprah Winfrey Network ) est appuyé par
son important potentiel en terme de social TV. La même année, le Massachusetts Instimars 2013].
4. Josh CATONE, « How Social Media is Changing the Late Night TV Landscape », Mashable, 31
mai 2009, http ://mashable.com/2009/05/31/late-night-tv/ [document consulté le 30 mars 2013].
5. Les trending topics sont les mots ou phrases qui sont les plus populaires sur Twitter à un moment
donné.
6. Zachary SNIDERMAN, « Jimmy Fallon Talks "Late Night" and Social Media [INTERVIEW] »,
Mashable, 11 novembre 2010, http ://mashable.com/2010/11/11/jimmy-fallon-interview/ [document
consulté le 30 mars 2013].
7. Olivier CHIANG, « Twitter Co-Founders To Appear On ’Late Night With Jimmy Fallon’ », Forbes,
8 novembre 2010, http ://www.forbes.com/sites/oliverchiang/2010/11/08/twitter-co-founders-to-appearon-late-night-with-jimmy-fallon/ [document consulté le 30 mars 2013].
8. Steve RUBEL, « What To Watch In 2010 : Social TV », Forbes, 30 novembre
2009, http ://www.forbes.com/2009/11/30/social-networking-tv-cmo-network-steve-rubel.html [document consulté le 30 mars 2013].

23
tue of Technology classe même la social TV dans les 10 technologies révolutionnaires à
suivre 9 . 2010 est également l’année où un nouvel élément vient accompagner les discours
à propos de la social TV : l’importance des médias sociaux. Très souvent, la social TV
est présentée comme la conséquence du développement des médias sociaux. Un article du
Time Magazine va dans ce sens en pointant que : « new media aren’t replacing TV but
creating a new way to watch it » 10 . A partir de 2011, cette idée est renforcée par le fait
que les événements télévisuels font partie des sujets les plus commentés sur Twitter 11 ou
dont on parle le plus sur Facebook 12 .
Mais il ne s’agit là que d’une partie de l’histoire. Cette approche oublie de mentionner
d’autres conceptions de la social TV. En effet, le concept de social TV est bien antérieur
aux développements des médias sociaux et a été façonné bien avant 2010. C’est ce que
nous allons voir dans la partie suivante.

2.2

L’émergence du concept de « social TV » dans l’histoire de la télévision

Il faut tout d’abord rappeler que la télévision a longtemps été accusée de rompre le
lien social et d’isoler les individus. Quand bien même de nombreuses recherches ont depuis
démontré sa capacité à créer du lien social 13 et que sa consommation s’effectue souvent
en groupe [MORRISON et KRUGMAN(2001)], ces questions font intégralement partie de
l’histoire du développement de la télévision. Consciemment ou non, des innovations vont
utiliser la télévision comme un moyen de créer des liens entre les individus.
Dès ses débuts, des expérimentations ont été menées pour que la télévision devienne
un vecteur d’interactions entre les téléspectateurs. Plusieurs de ces expérimentations ont
même été concrétisées et commercialisées. C’est par exemple le cas du Prestel, lancé par la
GPO (General Post Office qui deviendra plus tard British Telecom) au Royaume-Uni en
1979. Cet appareil permettait à ses utilisateurs d’envoyer des messages textuels à d’autres
utilisateurs et utilisait l’écran de télévision comme support de visionnement. Le Prestel
était ainsi un prémisse de l’e-mail que nous connaissons maintenant. Il a par ailleurs fonctionné jusqu’en 1989 14 . Ce qui est particulièrement intéressant, c’est son positionnement
marketing. Le Prestel se voyait comme la continuité du téléphone et de la télévision 15 .
Plus encore, il était présenté comme l’instrument qui allait révolutionner la communication entre les individus. Mais dès 1982, le Prestel adopte un positionnement plus en phase
9. William M. BULKELEY, « TR10 : Social TV », MIT Technology Review, mai/juin 2010,
http ://www2.technologyreview.com/article/418541/tr10-social-tv/ [document consulté le 20 avril 2013].
10. James PONIEWOZIK, « Twitter and TV : How Social Media Is Helping Old Media », Time Magazine, 22 mars 2010, http ://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1971444,00.html [document
consulté le 30 mars 2013].
11. En 2011, ce sont les MTV Video Music Awards qui ont généré le plus grand nombre de tweets à la
seconde. http ://yearinreview.twitter.com/fr/tps.html [document consulté le 30 mars 2013].
12. En 2011, le Super Bowl et le mariage princier au Royaume-Uni sont parmi les sujets les plus
discutés sur Facebook. Brian Anthony HERNANDEZ, « Facebook Reveals 2011’s Most-Popular Status
Trends », Mashable, 7 décembre 2011, http ://mashable.com/2011/12/06/facebook-reveals-2011s-mostpopular-status-trends/ [document consulté le 30 mars 2013].
13. Voir les travaux de Dominique Wolton à ce sujet.
14. « Prestel
>
Introduction »,
Celebrating
the
Viewdata
Revolution.,
http ://www.viewdata.org.uk/index.php ?cat=15_Prestel [document consulté le 15 avril 2013].
15. Une publicité de 1979 le présentait comme : « the bigget breakthrough in communication since the
telephone and television ». Source : www.computerhistory.org.

24
avec les autres systèmes de videotex et est commercialisé avec son propre écran 16 .
Il faut attendre les années 2000 pour revoir apparaître des systèmes permettant à des
utilisateurs de communiquer entre-eux via la télévision 17 . Plus précisément, il s’agit maintenant de donner la possibilité aux téléspectateurs de communiquer entre-eux tout en
regardant un programme à la télévision. On parlait alors de « télévision interactive »
[CHORIANOPOULOS(2007)]. Mais c’est d’abord grâce aux SMS que les bases de la social TV ont réellement commencé à se développer [HARBOE(2009), p. 721]. Certaines
chaînes de télévision européennes avaient en effet mis en place au cours des années 2000
des « chats SMS ». Il suffisait au téléspectateur d’envoyer un SMS à un numéro spécial
(surtaxé bien entendu) pour voir ensuite son message diffusé à la télévision. Ce système
fonctionnait particulièrement bien et était très rémunérateur pour les chaînes de télévisions qui l’ont longtemps utilisé. En 2009, une société américaine proposait même aux
utilisateurs de créer des chats SMS privés pour que les individus puissent communiquer
avec leurs amis (figure 2.2) 18 .

Figure 2.2 – Exemple de chat SMS privé sur un écran de télévision (système développé
par MediaFriends).
16. « Prestel
>
Brochure »,
Celebrating
the
Viewdata
Revolution.,
http ://www.viewdata.org.uk/index.php ?cat=15_Prestel&page=30_Brochures [document consulté
le 15 avril 2013].
17. Même si des expérimentations ont lieu dès les années 1990. Par exemple, en 1995, la chaîne de
télévision Sci-Fi a collaboré à un projet de chat par Internet pendant la diffusion d’un film. DanO’SUL˜
LIVAN, « Prisoner Chat », 30 juin 1995, http ://itp.nyu.edu/dbo3/blog/ ?m=199506 [document consulté
le 20 avril 2013].
18. Dan BUTCHER, « Integra5, Sybase 365 partner on SMS for carriers », Mobile Marketer, 23 mars
2009, http ://www.mobilemarketer.com/cms/news/messaging/2884.html [document consulté le 15 avril
2013].

25
Les premières expérimentations à porter le nom de « social TV » sont apparues au milieu
des années 2000. Le système qui attire alors l’attention est AmigoTV. Le but de ce dernier
était de permettre à ses utilisateurs de communiquer pendant un programme télévision.
Le chat était vocal et les utilisateurs pouvaient créer leur avatar pour incarner leur présence à l’écran (figure 2.3). Dans la même logique que les messageries instantanées qui
prenaient alors leurs essors sur Internet, AmigoTV pouvait également afficher à l’écran
des émoticônes. Malgré cela, AmigoTV ne s’est pas imposée sur le marché. En revanche,

Figure 2.3 – AmigoTV : représentation d’un chat vocal pendant un match de football.
Source : [COPPENS et al.(2005), p. 2].
la société a posé les bases du discours autour de la social TV pour les prochaines années.
Tout d’abord, AmigoTV se positionne clairement comme un système permettant à ses
utilisateurs de participer à une expérience de « social TV ». Plus intéressant encore, les
arguments utilisés par AmigoTV pour démontrer l’intérêt de son système seront réutilisés
pendant plusieurs années pour justifier le développement de la social TV :
« Imagine your wife away from home, and you, alone at home babysitting and
watching a game of your favourite football team. No stadium to shout in, no
pubs to socialize at, no friends to share your thoughts with. After the winning
goal you wonder what a compelling experience it would have been if you could
have shared this victory with your friends. »
[COPPENS et al.(2005), p. 1]
La social TV part du principe qu’une bonne expérience de télévision s’effectue à plusieurs.
Mais malheureusement, cela n’est pas toujours possible. Soit l’individu est obligé de rester
chez lui, soit ses amis sont trop éloignés pour pouvoir les rejoindre. La social TV va alors
apporter une solution à cette situation. Elle va permettre à ses utilisateurs de partager,
à distance, un moment de télévision avec leurs amis ou leurs proches et de communiquer
avec eux. La social TV veut être le vecteur d’interactions sociales [BAILLIE et al.(2007)].
A la fin des années 2000, le développement de la social TV s’accélère. Tout d’abord, les
principaux sites Web commencent à proposer des systèmes de messageries instantanées
associés à des flux vidéos [HARBOE(2009), p. 722]. Deux services sont alors particulièrement attendus : « Zync » de Yahoo ! 19 et « Messenger TV » de Microsoft. Les deux
19. Yahoo ! n’en était pas à son premier coup d’essai dans le domaine puisqu’en juin 2000, la société
avait lancé AOLTV, une set-to-box qui permettait d’accéder à Internet depuis son écran de télévision. Par
ailleurs AOLTV donnait également la possibilité à ses possesseurs d’utiliser un service messagerie instanta-

26
systèmes possédaient la même stratégie. Il s’agissait de capitaliser sur le succès de leur
service de messagerie instantanée (Yahoo Messenger et MSN). Les deux systèmes proposaient également la même expérience : regarder une vidéo avec vos amis. Messenger
TV permettait ainsi de combiner « l’expérience partagée de la télévision et la nature communicative et connectée du contenu en ligne pour vivre un moment réellement social. » 20
Messenger TV était de loin le système le plus abouti et possédait même sa propre offre
publicitaire. Par ailleurs, il faut noter que ce service a tout d’abord été destiné au marché
français. Ce n’est que quelques mois après sa sortie en France qu’il est devenu accessible
dans le reste du monde 21 .

Figure 2.4 – Capture d’écran du service Messenger TV de Microsoft, 2008.
L’autre point qui souligne l’avénement de la social TV comme une thématique à part
entière est la multiplication des recherches à son sujet. Les chercheurs s’interrogent alors
sur ce que peut être la social TV et sur les outils à concevoir pour accompagner son
développement. Plusieurs expériences sont menées pour tenter de comprendre comment
des individus réunis dans un même lieu interagissent entre-eux devant un programme de
télévision. Une des principales conclusions qui ressort de ces recherches est que la nature des interactions entre les individus est fortement liée au type de programme regardé
[DUCHENEAUT et al.(2008)]. Un autre élément à noter est la conception de la social TV
comme un système qui permet de recréer l’expérience de consommation de la télévision à
plusieurs [HARBOE(2009), p. 725]. Il est même recommandé de concevoir des interfaces
née tout en regardant la télévision. Tous les analystes étaient extrêmement optimistes quant au succès de
ce service. Pourtant, il n’a jamais trouvé son marché et a été arrêté trois ans après son lancement. Jim HU,
« America Online confirms end of AOLTV », CNET News, 18 février 2003, http ://news.cnet.com/21001023-984920.html [document consulté le 16 avril 2013].
20. « Messenger TV », Microsoft Advertising, http ://advertising.microsoft.com/france/publicitemessenger-tv [le document consulté n’est plus en ligne].
21. Sunshine,
« Messenger
TV
is
coming
soon »,
liveside.net,
7
mai
2008,
http ://www.liveside.net/2008/05/07/messenger-tv-is-coming-soon/ [document consulté le 16 avril
2013].

27
de services de social TV représentant une salle de cinéma avec des sièges et des silhouettes
pour signifier la présence (en ligne) de ses amis [DUCHENEAUT et al.(2008)]. Cette remarque explique également l’importance donnée aux systèmes de communication basés
sur la voix et le soin qu’il est donné à imaginer des services qui interfèrent le moins possible
la consommation du programme télévisuel. Enfin, cela explique également l’importance
donnée à la consommation entre amis dans le positionnement marketing des systèmes. La
social TV est donc conçue comme une thématique clairement distincte de la télévision et
du programme. Elle vient seulement recréer une situation jugée normale de consommation
de télévision.

2.3

Vers une définition contemporaine de la social TV

C’est cette frontière entre social TV et télévision que le développement des médias
sociaux vient brouiller. Comme nous l’avons vu plus haut, dès 2009 des émissions de
télévisions utilisent les médias sociaux pour créer des contenus avec les téléspectateurs et
les téléspectateurs utilisent les médias sociaux pour discuter des programmes de télévision.
Le développement de ces activités est à mettre en lien avec le développement des pratiques
de multi-screen. En conséquence de ces évolutions, des recherches ont été menées non plus
sur les pratiques des individus devant un programme télévisuel, mais sur l’utilisation de
services de social TV ou l’utilisation d’outil de communication en lien avec des programmes
de télévision. De ces études, il ressort une définition beaucoup plus dense de la social
TV. Elle n’est plus cantonnée à la discussion entre amis mais peut aussi permettre à
un utilisateur d’avoir accès à des contenus supplémentaires, de communiquer avec une
communauté ou de créer son propre de contenu [CASALEGNO et SUSANI(2010), p. 2]
[DEZFULI et al.(2011)] . Un autre point intéressant est que la social TV est également
définie en dehors des temps de consommation des programmes. Il a ainsi été montré que
les individus se livraient à des pratiques relevant du champ de la social TV après ou avant
avoir visionné un programme [CESAR et GEERTS(2011), p. 11].
Deux nouveaux enjeux se dessinent alors pour le secteur de la télévision :
– Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques des téléspectateurs ;
– Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs.
C’est à travers ces deux axes que nous allons pouvoir appréhender les derniers développements de la social TV.

2.3.1

Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques
des téléspectateurs

Un des axes de la social TV consiste à créer des expérience télévisuelle qui soient
adaptées aux nouvelles pratiques médiatiques des téléspectateurs. Ce faisant, on pourrait
faire remonter la social TV très loin dans le temps, mais ce n’est pas le but ici. Nous
nous pencherons plus particulièrement sur deux éléments qui ont profondément modifié
les usages des téléspectateurs ces dernières années : Internet et le multi-screen.
Internet et le transmédia
Le développement d’Internet n’a pas été ignoré par la télévision. Rapidement, des
sites Web ont été mis en place pour apporter des informations complémentaires sur les
28
programmes : résumés des épisodes, listes des acteurs, informations complémentaires, etc.
Pendant longtemps, les sites Internet des programmes de télévision se sont résumés à ces
simples présences. Aujourd’hui encore, la majorité des sites restent basés sur ce principe.
La raison est simple. D’une part, les chaînes de télévision et les producteurs ont des difficultés à percevoir la valeur ajoutée que peut apporter un site Web à leur programme.
D’autre part, comment monétiser ce nouvel espace ? Quel est son retour sur investissement
(ROI) ? Cette situation explique notamment le développement de sites Internet basés sur
un modèle où les contenus sont monétisés par de la publicité et où le principal objectif du
site est donc de « faire de l’audience ».
Pourtant, plusieurs programmes ont essayé d’aller plus loin en prolongeant leur univers
sur Internet. Les premières expérimentations ont eu lieu aux Etats-Unis à la fin des années 2000. En 2006, le site de l’émission CSI : Crime Scene Investigation proposait aux
utilisateurs d’inspecter la scène de crime des deux derniers épisodes avant qu’ils soient
diffusés à la télévision [ASKWITH(septembre 2007), p. 34]. Sur ce même site, les utilisateurs étaient également encouragés à créer et partager leur propres mash-up des vidéos
des épisodes, ou encore à participer à un wiki 22 . Par la suite, de nombreux programmes
ont commencé à proposer des contenus inédits en ligne. Plus récemment, c’est le site Internet de la série à succès Game of Thrones qui s’est illustré. Le site a mis à disposition
de nombreux documents et informations permettant aux téléspectateurs d’en apprendre
davantage sur l’univers de la série et de mieux comprendre ses complexes trames narratives. D’une manière plus générale, on assiste à la fin des années 2000 au développement
du transmédia [ROSE(2011)]. Cette pratique consiste à utiliser plusieurs médias et environnements distincts pour créer un produit culturel [DENA(2009)].
En France, ce phénomène s’est cristallisé en 2009 autour de ce qui a été appelé le « webdocumentaire » 23 . Au début, le web-documentaire était principalement l’apanage des sites
d’information en ligne. Mais certaines chaînes de télévision ont aussi investi ce segment.
Ce fut le cas d’Arte avec le très remarqué Prison Valley, « un road movie participatif » 24
sorti en 2010 et diffusé à la fois sur Internet et à la télévision. Pour Joël Ronez (alors
responsable du pôle Web d’Arte France) Internet est un « écosystème riche d’opportunités, d’innovation, et surtout d’interaction avec l’audience » 25 qui doit être investi par les
chaînes de télévision. Un des meilleurs exemple de production télévisuelle transmédia est
The Voice. Grâce à son format, l’émission permet facilement d’être développée sur différents médias. En effet, des auditions sont réalisées en ligne, des contenus sont disponibles
uniquement sur Internet (figure 2.5) et, en Belgique, l’émission avait même mis en place
22. Un wiki est « un site web dont les pages sont modifiables par les visiteurs afin de permettre l’écriture
et l’illustration collaboratives ». Un des plus célèbres wiki est le site Wikipédia. « Wiki », Wikipédia,
http ://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki [document consulté le 13 avril 2013].
23. La définition du web-documentaire a toujours été difficile. Tout d’abord, il est intéressant de noter
qu’il s’agit d’un concept français qui ne s’est pas exporté dans d’autres pays. A ses débuts, le webdocumentaire a été appréhendé comme du « journalisme augmenté ». En effet, avec Internet il était devenu
possible de diffuser, en plus des traditionnels textes et traditionnelles images, des sons et des vidéos. Ainsi,
certains web-documentaires du Monde étaient de simples diaporama avec des enregistrements sonores
divers. Le web-documentaire s’est ensuite développé comme un genre à part. Il s’agissait alors de créer
un site Web qui utilise divers médias, principalement audiovisuels, pour raconter une histoire. Le webdocumentaire est aujourd’hui moins mis en avant par les sites d’information et les chaînes de télévision
mais le format continue à être utilisé et de se développer
24. Marie-Agnès BRUNEAU, « Les diffuseurs TV s’engagent dans la voie du Web natif », Sonovision
Broadcast, n°549, mars 2010.
25. « Le web-documentaire sur Arte », dossier de presse, 2010.

29
une web-radio 26 .

Figure 2.5 – Capture d’écran du header du site Internet de l’émission The Voice France
en 2013.
Internet est ainsi de plus en plus utilisé pour diversifier les modes de consommation d’un
programme télévisuel. Il ne s’agit plus seulement de regarder une émission, mais aussi de
lire, écouter, rechercher, etc. A première vue, ces prolongements ne relèvent pas directement du champ de la social TV. Mais l’on verra pas la suite pourquoi ils ne peuvent pas
être oubliés lorsque l’on parle de social TV.
Le multi-screen et le développement des applications de second-screen
Comme nous l’avons vu plus haut, une des évolutions qui inquiète le secteur de la
télévision et de la publicité est l’augmentation des pratiques de multi-screen devant la
télévision. Concrètement, de plus en plus de personnes utilisent leur smartphone ou leur
tablette pendant qu’ils regardent la télévision. C’est évidement une contrainte pour le
secteur de la télévision, mais cela peut également être une opportunité. En effet, des applications de social TV accessibles depuis les terminaux mobiles ont rapidement vu le
jour. L’une des premières d’entre-elles fut GetGlue.
Initialement GetGlue était une extension pour le navigateur Firefox qui permettait à
ses utilisateurs de surfer sur Internet au travers d’objets plutôt que via des pages Web 27 .
Ainsi, lorsque qu’un individu regardait la fiche d’un film sur IMDB, l’extension lui proposait une série de liens en rapport avec le film consulté (location du film, vidéos sur
YouTube, documents liés sur Google, etc.). Il s’agissait alors de créer une « couche » supplémentaire au Web afin de faciliter la découverte de contenus et, surtout, la découverte
de contenus pertinents pour l’utilisateur. En 2009, getGlue évolue et il devient possible
d’effectuer des checkins dans des objets (film, vin, livre, émission de télévision, etc.)
[GASULLA(mai 2011)]. C’est également à partir de cette nouvelle version que GetGlue
devient accessible depuis les terminaux mobiles. Après avoir observé que le cœur d’utilisateurs se servait principalement de GetGlue pour checker dans des contenus audiovisuels,
et plus particulièrement ceux diffusés à la télévision, la société s’est davantage spécialisée
sur ce segment. Des partenariats ont été conclus avec les principaux studios et networks
américains. GetGlue met en avant leurs contenus sous la forme de stickers que les utilisateurs peuvent gagner ou des bons de réduction pour les produits dérivés. A la fin de
26. Dimitri GASULLA, « Social TV ou transmedia ? », Social TV et Engagement, 17 mai 2012,
http ://social-tv-et-engagement.fr/2012/05/17/social-tv-ou-transmedia/ [document consulté le 16 avril
2013].
27. Richar MACMANUS, « How GetGlue Taps Into Our Emotions », readwrite, 26 septembre 2010,
http ://readwrite.com/2010/09/26/how_getglue_taps_into_our_emotions [document consulté le 16
avril 2013].

30
l’année 2012, GetGlue revendiquait plus de 3 millions d’utilisateurs 28 . Plus impressionnant, elle génèrerait une activité supérieure à Twitter pendant certains programmes 29 !
Sur le principe, GetGlue est très proche des applications de social TV que nous avons vues
plus haut. L’utilisateur signale qu’il regarde un programme (le fameux check-in) et ensuite
il s’agit bien d’avoir accès à des contenus supplémentaires en lien avec les programmes
regardés ou de discuter avec ses amis. Par ailleurs, les évolutions successives du service se
sont focalisées sur le développement d’une expérience qui donne de plus en plus de place
aux interactions entre les utilisateurs.

Figure 2.6 – Capture d’écran de la home page de l’application GetGlue, 2013.
Suite à son succès, GetGlue a servi de modèle à de nombreuses applications, notamment
TV Check en France 30 . Mais l’application n’a pas été développée en pensant à une expérience de second écran et il subsiste des questionnements quant à la pertinence de son
système de check-in en dehors des Etats-Unis 31 . C’est à ce moment qu’intervient Zeebox.
Zeebox est une application développée par Anthony Rose, un visionnaire très respecté
28. Jordan CROOK, « Viggle Acquires GetGlue For $25M Plus 48.3M In Shares To Expand Social TV
Presence », TechCrunch, 19 novembre 2012, http ://techcrunch.com/2012/11/19/viggle-acquires-getgluefor-25m-plus-stock-options-to-expand-social-presence/ [document consulté le 16 avril 2013].
29. Claire, « GetGlue Tops Twitter In Scripted Primetime TV », Blog GetGlue, 3 octobre 2012,
http ://blog.getglue.com/ ?p=11462 [document consulté le 16 avril 2013].
30. Stuart DREDGE, « Orange unveils TV Check app », The Guardian, 5 avril 2011,
http ://www.guardian.co.uk/technology/appsblog/2011/apr/05/tv-check-social-app [document consulté
le 16 avril 2013].
31. Robert ANDREWS, « Theory : Only Ultra-Competitive Americans Care About ’Check-Ins’ », paidContent, 5 août 2011, http ://paidcontent.org/2011/08/05/419-theory-only-competition-crazy-americanscare-about-check-ins/ [document consulté le 16 avril 2013].

31
dans l’univers des médias. Dès le début, l’application a été pensée comme une application de « second écran » 32 . Plus précisément, l’application a été développée en suivant
deux objectifs : être utile aux chaînes de télévision et être facilement monétisable 33 . Lancée en octobre 2011 au Royaume-Uni, Zeebox permet d’avoir accès à des informations
complémentaires sur le programme regardé, à des contenus recommandés en fonction du
programme, de suivre les discussions qui ont lieu sur les médias sociaux à propos du show
ou encore de jouer à des jeux. La principale innovation est le module « zeetags » : une
série de tags cliquables. En fonction de ce que l’utilisateur regarde à la télévision, Zeebox
est capable de connaître quelles sont les publicités qui vont être diffusées. Les zeetags se
mettent à jour automatiquement en intégrant des liens vers les publicités en train d’être
diffusées 34 .

Figure 2.7 – Capture d’écran de l’application Zeebox lors du visionnement d’un programme, 2012.
L’application est jusqu’ici un succès. Elle a été lancée en Australie et aux Etats-Unis
en 2012. De nouveaux investisseurs ont été trouvés et de nouveaux partenariats ont été
32. Les applications de second écran (traduction littérale de l’expression anglaise : second screen)
désignent les services destinés à être utilisés sur une tablette (les mobiles sont moins mis en avant avec
ce type d’applications) pendant le visionnement d’un programme de télévision.
33. Stuart DREDGE, « Liveblog : Zeebox and Catagonia Capital talk future TV technology », MIP
Blog, 31 mars 2012, http ://blog.mipworld.com/2012/03/liveblog-zeebox-and-catagonia-capital-futuretv/ [document consulté le 16 avril 2013].
34. Kauser KANJI, « Zeebox & How Changing One Word in an Advertising Campaign Can Make
Millions », VOD Professional, 24 février 2012, http ://www.vodprofessional.com/features/zeebox-howchanging-just-one-word-in-an-advertising-campaign-can-make-millions/ [document consulté le 16 avril
2013].

32
conclus avec de nombreuses chaînes de télévision. Il est difficile d’expliquer ce succès et
plus encore de savoir s’il durera dans le temps. Néanmoins il est intéressant de constater
que Zeebox s’est tout de suite positionnée comme l’application qui allait révolutionner la
télévision. Plus encore, pour Anthony Rose, il n’y aura bientôt plus de distinction entre
le premier écran (la télévision) et le second (la tablette) 35 .
De leur côté, les chaînes de télévision sont également conscientes des évolutions des pratiques de leurs téléspectateurs et ont entrepris de développer leur propres applications
de second écran. Que cela soit pour un programme en particulier ou pour l’ensemble des
programmes d’un réseau de chaînes, ces applications ont connu un intérêt croissant en
2011 et 2012. Signe que l’application de second écran fait maintenant partie à part entière
du paysage télévisuel, Variety a organisé une cérémonie afin de décerner des prix récompensant les meilleures applications 36 . La France n’est pas en reste sur ce secteur. A la fin
de l’année 2012, TF1 et M6 ont fait évoluer leurs applications pour prendre en compte
ces nouvelles opportunités : « MYTF1 Connect » (« retrouvez le live TF1 et interagissez
avec vos programmes télé en direct depuis vos PC, mobiles et tablettes ») et « Devant ma
TV » (« pour réagir en direct pendant les temps forts de votre programme ») ont ainsi vu
le jour à quelques mois d’intervalle.
Avec le développement des applications de second screen et des dernières applications de
social TV, on remarque l’apparition d’un nouvel attribut commun à tous les dispositifs :
l’importance de la présence des médias sociaux.

2.3.2

Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs

Comme nous l’avons vu plus haut, les médias sociaux font aujourd’hui partie intégrante
du concept de social TV. De nos jours, une application de social TV qui ne propose pas
un service utilisant Twitter ou Facebook ne sera pas jugée comme une vraie application
de social TV. Cet a priori s’explique par le fait que les médias sociaux sont considérés
comme le nouveau watercooler. L’expression fait référence à une situation où les individus
se retrouvent autour de la machine-à-eau (ou à café) pour discuter de ce qu’ils ont vu
à la télévision la veille. Ce phénomène a été depuis longtemps identifié par les chaînes
de télévision. Elles ont même développé des programmes conçus spécialement pour capitaliser sur cet intérêt à discuter les émissions de télévision. C’est par exemple le cas de
Takling Dead où des invités discutent de la série The Walking Dead après la diffusion d’un
épisode 37 .
Mais le développement des médias sociaux a donné une nouveau souffle à cette pratique.
Dorénavant, les individus discutent de leur programmes via Internet c’est le développement du « online watercooler » 38 . Plus précisément, c’est sur les médias sociaux que l’on
retrouve ces discussions en très grand nombre. Cette évolution a directement été rattachée
35. Giovanni CARUSO, « "There will be no first or second screen" – An interview with Anthony Rose
(Zeebox) », SocialTelevision.it, 4 mai 2012, http ://socialtelevision.it/2012/05/04/there-will-be-no-firstor-second-screen-an-interview-with-anthony-rose-zeebox/ [document consulté le 16 avril 2013].
36. Dimitri GASULLA, « Variety sélectionne les meilleures applications Second Screen », Social TV et
Engagement, 18 novembre 2012, http ://social-tv-et-engagement.fr/2012/11/18/variety-selectionne-lesmeilleures-applications-second-screen/ [document consulté le 16 avril 2013].
37. Rachel DODES, « The New Water Cooler Is a TV Show », The Wall Street Journal, 10 février
2012, http ://online.wsj.com/article/SB10001424052970204369404577207230450080966.html [document
consulté le 16 avril 2013].
38. Brian STELTER, « TV Industry Taps Social Media to Keep Viewers’ Attention », The New York
Times, 20 février 2011, http ://www.nytimes.com/2011/02/21/business/media/21watercooler.html [document consulté le 16 avril 2013].

33
au phénomène de la social TV 39 . L’idée est alors que les médias sociaux vont faire revivre
l’ « esprit communautaire » de la télévision 40 . On retrouve également cette idée dans le
discours d’Anthony Rose à propos de Zeebox :
« Once upon a time, the whole village went to the cinema and got together
and discussed the show. Now, everyone sits at home alone and discusses it the
next day. Zeebox brings to you all the people you are watching with right now.
You can set it up as appointment to view - when you pick up your iPad, you
can ping them to say ’come watch with me’. » 41
A ce moment, la social TV cesse d’être seulement un moyen de recréer l’univers d’un salon
idéal. Il ne s’agit plus seulement de permettre aux individus de communiquer avec leurs
proches, mais de communiquer avec une communauté. La social TV se positionne alors
comme un moyen de re-créer du lien social.
Suite à ce constat, les chaînes de télévision ont pris l’initiative de capitaliser sur ce
watercooler d’un nouveau genre. Des partenariats ont ainsi été noués avec Twitter et avec
Facebook pour utiliser les discussions créées par les téléspectateurs. L’un des plus important fut celui réalisé entre Twitter et la chaîne de sport ESPN. Il s’agissait alors de créer
un complément aux retransmissions des courses de Nascar en agrégeant les tweets des
téléspectateurs mentionnant le hashtag #NASCAR sur une page spécialement développée par Twitter (ce fut la première page hashtag) 42 . Aujourd’hui encore, de nombreuses
applications proposent d’agréger les conversations des téléspectateurs sur Facebook ou
Twitter en un flux que l’utilisateur peut consulter 43 . Mais un nouvel enjeu est arrivé pour
les chaînes de télévision. Le développement des médias sociaux et la place croissance qu’y
occupe le contenu relatif à la télévision ont permis de questionner la relation entre les
programmes et les téléspectateurs. Comme l’explique Albert Cheng (alors vice président
du département "digital media" de Disney/ABC Television Group), « We know people
are multitasking while they’re watching TV. The question is, how do we tap into that and
create a whole different consumer experience ? » 44 . La problématique des chaînes de télévision est maintenant de concevoir des programmes qui prennent en compte les pratiques
des téléspectateurs sur les médias sociaux et qui donnent à ces réseaux sociaux une place
à l’antenne.
En plus d’être un lieu de discussion à propos de la télévision comme nous l’avons vu
39. Richard KASTELEIN et Dick REMPT, « Social TV, The Virtual Watercooler ? », The Channel,
2010, http ://www.aib.org.uk/Resources/Rempt_Kastelein_SocialTV_2_2010.pdf [document consulté
le 16 avril 2013].
40. Steve RUBEL, « How social networking is reviving communal TV viewing », The Next Web, 1er
octobre 2011, http ://thenextweb.com/media/2011/10/01/how-social-networking-is-reviving-communaltv-viewing/ [document consulté le 16 avril 2013].
41. Robert ANDREWS, « Revealed : How Anthony Rose Plans To Revolutionise TV », paid Content,
2 août 2011, http ://paidcontent.org/2011/08/02/419-revealed-how-anthony-rose-plans-to-revolutionisetv/ [document consulté le 16 avril 2013].
42. Natan EDELSBURG, « Twitter announces editorial partnership with NASCAR to complement
broadcast », Lost Remote, 21 mai 2012, http ://lostremote.com/twitter-announces-partnership-withnascar-to-compliment-broadcast_b29673 [document consulté le 16 avril 2013].
43. L’enjeu est alors de fournir du contenu susceptible d’intéresser les utilisateurs. En effet, reprendre
l’intégralité des messages publiés par les téléspectateurs comporte le risque de distribuer du contenu
à la qualité variable, redondant et en très grande quantité. Des solutions ont alors été inventées pour
apporter une solution à ce problème. Par exemple, TF1 n’utilise que le contenu publié par des célébrités
et Zeebox offre la possibilité de suivre un match de foot en lisant les messages des supporters de l’équipe
que l’utilisateur choisit.
44. Brian STELTER, « TV Industry Taps Social Media to Keep Viewers’ Attention », op. cit..

34
plus haut, les médias sociaux sont également utilisés pendant la consommation d’un programme (figure 2.8). Les chaînes de télévision vont alors concevoir des programmes qui

Figure 2.8 – Pourcentage de personnes dans le monde qui ont déjà utilisé les médias
sociaux pendant qu’il regardait la télévision. Source : Nielsen, State Of The Media : The
Social Media Report, 2012.
font participer les téléspectateurs à l’émission qu’ils regardent via les médias sociaux. En
2011, MTV va ainsi permettre aux utilisateurs de voter pour les MTV Movie Awards en
tweetant des hashtags sur Twitter (et aujourd’hui sur Instagram). Selon la même logique,
la série Hawaii Five-0 laisse les téléspectateurs choisirent la fin de la saison. Ils pouvaient
voter via différents mécanismes et applications pour définir le coupable et ainsi orienter
l’épisode vers trois fins différentes. Une autre tendance de plus en plus développée par les
chaînes de télévision est la diffusion à l’antenne de contenus crées par les téléspectateurs.
L’exemple le plus commun est l’intégration de tweets à l’écran pendant une émission.
C’est par exemple le cas de l’émission politique française mots croisés. Mais déjà des
émissions invitent les téléspectateurs à leur envoyer des vidéos pour les diffuser pendant
l’émission (America’s Next Top Model ). Dernier axe à être développé par les chaînes de
télévision : l’encouragement des téléspectateurs à commenter l’émission qu’ils regardent.
Cela se traduit généralement par l’intégration de hashtags à l’antenne et par des relais de
cette invitation sur tous les espaces de la chaînes (site Internet, page Facebook, compte
35
Twitter, etc.). Par exemple, lors de la première saison de La Belle et ses princes charmants sur la chaîne W9, le hashtag de l’émission était affiché pendant les moments forts
de l’épisode pour inciter les téléspectateurs à tweeter.

2.3.3

La social TV : un nouveau « contrat »

Toutes les initiatives que nous énumérées dans les deux derniers points relèvent de ce
qui est aujourd’hui communément dénommé « social TV ». Comme nous pouvons le voir,
il s’agit principalement de faire participer le téléspectateur au déroulement du programme
et le faire participer aux conversations en ligne autour du programme. La relation entre le
téléspectateur et l’émission a donc changé. Ce dernier n’est plus simplement un individu
qui reçoit et consomme un programme, c’est également un individu qui influence ce qu’il
regarde. Il ne s’agit pas pour nous de savoir si le téléspectateur à davantage de pouvoir
qu’avant, si ces choix ont réellement un impact ou bien s’il n’en avait pas déjà avant. Ce
qui nous importe, c’est de relever que le contrat entre le téléspectateur et l’émission a été
modifié.
Le concept de « contrat de lecture » a été développé par Eliseo Veron en 1985. Il visait
à définir, pour le secteur des magazines féminins, « des positionnements et des identités
spécifiques, au-delà d’une grande similarité de contenus thématiques » [GARNIER(2011),
p. 51]. Le contrat désigne « la relation qui engage l’organisation vis-à-vis de ses publics,
dans son univers de concurrence » [JEANNERET et PATRIN-LECLERE(2004), p. 137].
Grâce à cet outil, nous allons pouvoir caractériser plus précisément la social TV. Cela
nous permettra ensuite de construire une définition fonctionnelle de la social TV.
En se référant au concept contrat de lecture, on conclut aisément que c’est bien le « contrat
d’émission » que la social TV vient modifier. La relation entre les téléspectateurs et
l’émission n’est plus la même. A première vue, la social TV serait caractérisée par la
volonté de faire participer le téléspectateur à l’émission. Mais il apparaît rapidement
que la réduction de la social TV à cet aspect n’est pas tenable. En effet, cette promesse est également celle du « journal interactif » de la chaîne Direct 8 qui donnait la
parole à des téléspectateurs invités sur le plateau pour poser des questions aux invités
[DE MONTETY et PATRIN-LECLERE(2011), p. 24]. L’autre problème est que l’impératif de participation exclut des services où l’utilisateur ne participe pas directement à
l’émission, mais aux conversations autour de l’émission. De même, cet impératif exclut
les expériences où l’on ne propose pas à l’utilisateur de « participer » mais simplement de
consommer différemment un programme de télévision (avec des prolongements sur Internet, avec l’aide d’une application de second écran, etc.).
Nous concluons alors que, d’une part, la social TV est nécessairement liée à la technique
et, d’autre part, que sa promesse est d’un ordre plus général que la participation. En effet,
c’est davantage une nouvelle appréhension du téléspectateur par les chaînes de télévision
qui est mise en jeu. Celui-ci possède maintenant plus de choix dans la construction de
sa consommation de télévision. Là où, auparavant, le téléspectateur était un individu qui
regardait la télévision à une heure donnée, il est maintenant un individu qui peut faire
d’autres activités pendant qu’il regarde la télévision. Plus encore, l’écran de télévision
n’est plus le seul endroit où l’expérience télévisuelle se déroule. Elle peut très bien se
prolonger sur Internet. D’une manière générale, les chaînes de télévision ont moins de
contrôle sur l’expérience télévisuelle du téléspectateur. C’est, à mon avis, ici que réside le
point primordial de la social TV : créer une expérience télévisuelle plus souple.

36
Nous pouvons alors définir la social TV de la façon suivante :

La social TV désigne les interactions informatisées entre
les individus à propos d’un contenu télévisuel ou les activités informatiques qu’ils effectuent avec ce contenu. 45
Pour résumer, la social TV préfigure une nouvelle forme de télévision, ou, tout du moins,
un nouveau contrat entre le téléspectateur et la chaîne. Un des aspects que l’on retrouve
régulièrement dans les discours accompagnant la promotion de la social TV est que ce
phénomène redonnerait de la valeur au direct 46 . Un élément est plus particulièrement mis
en avant pour justifier cet point : les conversations. La principale valeur de la social TV
résiderait dans les conversations en ligne générées par les téléspectateurs 47 . Cet argument
est intéressant car il montre que les discours autour de la social TV s’inscrivent dans une
problématique beaucoup plus vaste. Après avoir défini la social TV, il nous faut maintenant comprendre comment elle est perçue par les différentes acteurs et comment ceux-ci
comptent assurer son développement.
Dans le chapitre suivant, nous allons nous intéresser aux discours qui accompagnent la
social TV. Dans un premier temps, nous verrons qu’ils s’appuient sur une problématique
commune à l’ensemble des médias. Ensuite, nous tacherons de dresser une typologie des
acteurs de la social TV et de leurs stratégies. Enfin, nous terminerons en analysant les
différentes façons de monétiser la social TV à l’aide de la publicité.

45. Cette définition est inspirée de celle de Futurescape, un cabinet de recherche spécialisé sur la social
TV [FUTURESCAPE(2012)].
46. Nilay PATEL, « NBC’s Vivian Schiller : social media has made live TV essential again », The Verge,
14 novembre 2012, http ://www.theverge.com/2012/11/14/3643722/vivian-schiller-social-media-live-tvessential-again [document consulté le 16 avril 2013].
47. Vincent GLAD, « Live-tweet : le retour de la grand-messe télévisuelle », Slate.fr, 16 mars 2013,
http ://www.slate.fr/story/69277/live-tweet-grand-messe-television [document consulté le 16 avril 2013].

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L'engagement, une nouvelle métrique publicitaire ? Le cas de la social TV

  • 1. CELSA — Université Paris IV Sorbonne École des hautes études en sciences de l’information et de la communication MASTER 2ème année Mention : Information et Communication Spécialité : Médias et Communication L’engagement, une nouvelle métrique publicitaire ? Le cas de la « social TV » Sous la direction du Professeur Véronique Richard Nom, Prénom : Dimitri GASULLA Promotion : 2011-2012 Option : MISC (Médias Informatisés et Stratégies de Communication) Soutenu le 30 octobre 2013 Note du mémoire : 17/20
  • 2. Twitter @MrDimitriG & @SocialTV_E Linkedin http ://www.linkedin.com/in/dimitrigasulla Site Internet http ://social-tv-et-engagement.fr/ E-mail dimitri.gasulla@gmail.com A Ce texte a été réalisé avec L TEX 2ε et édité sous TEXshop. Cette œuvre est mise à disposition selon le contrat Attribution-NonCommercialShareAlike 3.0 Unported disponible en ligne http ://creativecommons.org/licenses/bync-sa/3.0/ ou par courrier postal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA.
  • 3. Figure 1 – Premier tweet de la présentatrice Oprah Winfrey publié en avril 2009 pendant son émission de télévision Oprah Fridays Live.
  • 4. Table des matières Introduction 6 I 9 La « social TV » ou la renaissance de la télévision 1 Les nouveaux défis de la télévision 1.1 Les évolutions de la consommation de la télévision : délaissée par les jeunes ? 1.2 Le renouvellement de l’offre de télévision : cord-cutting, fragmentation des audiences et autonomie de l’audience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 La télévision, au cœur d’un marché publicitaire qui se redéfinit . . . . . . . 10 10 2 Histoire et définition critique de la social TV 2.1 L’histoire incomplète de la social TV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 L’émergence du concept de « social TV » dans l’histoire de la télévision . . 2.3 Vers une définition contemporaine de la social TV . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques des téléspectateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Internet et le transmédia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le multi-screen et le développement des applications de second-screen 2.3.2 Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs . . . . . . . . 2.3.3 La social TV : un nouveau « contrat » . . . . . . . . . . . . . . . . 22 22 24 28 3 « Social TV - The Business Behind The Buzz » 3.1 La social TV et l’avénement de la télévision sociale et conversationnelle 3.2 Le marché de la social TV : une pluralité d’acteurs . . . . . . . . . . . 3.3 La publicité et la social TV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sponsoring de contenus et d’application de social TV . . . . . . Communiquer avec une application de social TV . . . . . . . . . Utiliser la social TV dans une campagne de publicité . . . . . . 38 38 40 43 43 44 45 II . . . . . . . . . . . . L’engagement : un nouveau paradigme 4 Les 4.1 4.2 4.3 mesures dans le champ publicitaire La mesure : un processus complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Histoire de la mesure d’audience de la télévision en France . . . . . . . . . Histoire de la publicité en ligne à travers sa mesure . . . . . . . . . . . . . 4 13 17 28 28 30 33 36 48 49 49 52 55
  • 5. 5 L’engagement, une nouvelle métrique pour des nouveaux besoins 5.1 L’avènement de l’engagement ou « the fall of exposure » . . . . . . . . 5.2 Le concept d’engagement confronté à la théorie du marketing . . . . . 5.3 L’engagement se diversifie et devient un concept opérationnel . . . . . 5.4 Quel futur pour l’engagement ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 60 62 65 67 . . . . III La social TV : mariage de la télévision et de l’engagement ? 70 6 La légitimité de la mesure d’audience des programmes de télévision en question 6.1 La nécessaire adaptation de la mesure d’audience aux pratiques des individus 6.2 La nécessaire adaptation de la mesure de l’efficacité de la publicité télévisuelle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Quelle mesure pour la social TV ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 71 75 76 7 Social TV et engagement 79 7.1 La mesure de l’engagement dans le secteur de la télévision . . . . . . . . . 79 7.2 Social TV et engagement, un avenir conjoint ? . . . . . . . . . . . . . . . . 82 8 Télévision et médias sociaux 84 8.1 Vers le développement de la mesure de « l’audience sociale » ? . . . . . . . 84 8.2 La télévision s’inspire des médias sociaux et les médias sociaux s’inspirent de la télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Conclusion 91 Liste des figures 95 Bibliographie 104 5
  • 6. Introduction Depuis la fin des années 2000, Internet et les technologies numériques se sont profondément installés dans le paysage médiatique et dans les pratiques des individus. Un phénomène retient plus particulièrement notre attention, il s’agit du développement des médias sociaux. Cette récente forme de site communautaire où l’individu est lui-même créateur du contenu qu’il consomme est rapidement devenue populaire. Des plateformes comme Facebook, Twitter, YouTube ou Sina Weibo ont tous un taux de pénétration dans le monde supérieur à 20% des internautes 1 . Ces sites et applications prennent une place de plus en plus grande sur Internet. Ainsi, à lui seul, Facebook compte désormais 1,091milliard d’utilisateurs actifs (qui s’y sont connectés au moins une fois dans le mois) dans le monde et il est prévu que son taux de pénétration chez les internautes passera de 42,6% en 2013 à 54,7% en 2017 2 . Facebook est donc en passe de devenir le principal carrefour d’audience du Web. Si nous y ajoutons les autres médias sociaux, il est aisé de comprendre qu’Internet se structure dorénavant autour de ce type de plateforme. Mais les médias sociaux ont également une place de plus en plus importante dans le quotidien des individus. Ils s’en servent pour être en relation avec des proches et des connaissances, mais aussi pour s’informer, écouter de la musique, se divertir, regarder des vidéos, etc. Les médias sociaux sont à la fois un lieu où chercher une audience pour l’amener vers d’autres formes de contenus et un lieu où il est possible de distribuer des contenus. Cette situation vient bouleverser le secteur des médias. Déjà confrontés à la numérisation de leur système de distribution, ils doivent aussi s’approprier ces nouveaux espaces pour rester en contact avec leurs clients ou leurs audiences. De plus, un autre enjeu est maintenant apparu : le mobile. Sa diffusion est encore plus importante que les médias sociaux. Ainsi, il est maintenant plus populaire que la télévision. Ces évolutions demandent logiquement aux médias de modifier leur offre et leurs contenus afin de s’adapter aux nouvelles pratiques de leurs audiences. Sans quoi, ils perdront peu à peu de leur influence, seront de moins en moins consommés et, in fine, ne seront plus des supports pertinents aux yeux des annonceurs. Le secteur de la télévision est actuellement dans cette situation. Les modes de consommation des programmes de télévision sont en train d’évoluer. La télévision ne se réduit plus seulement au poste trônant dans le salon, mais aussi à de multiples présences sur Internet, sur les mobiles, etc. Depuis quelques années, un concept est apparu pour désigner cette nouvelle forme de télévision : la « social TV ». Pourtant, ce que recouvre la notion de social TV reste flou et les enjeux qu’elle dessine sont encore à définir. En effet, la social TV est présentée comme le futur de la télévision et même parfois comme l’avant-garde d’une nouvelle forme de divertissement : 1. « Which Social Networks Are Growing Fastest Worldwide ? », eMarketer, 13 mai 2013 , http ://www.emarketer.com/Article/Which-Social-Networks-Growing-Fastest-Worldwide/1009884 [document consulté le 26 mai 2013]. 2. Dimitri GASULLA, « Facebook : quel déclin ? », We Are Social, 16 mai 2013, http ://wearesocial.fr/blog/2013/05/facebook-quel-declin/ [document consulté le 26 mai 2013]. 6
  • 7. le « social entertainment ». Mais à ce jour, il s’agit principalement d’une position adoptée par les acteurs de la télévision. Ne pas avoir son dispositif de social TV est un aveu d’échec en 2013. Néanmoins, peu de dispositifs de social TV peuvent réellement être qualifiés de succès. Par ailleurs, la secteur de la télévision est confronté à un autre enjeu : la remise en cause de la publicité télévisée. En 2004, le président de General Motor North America déclarait à propos de la stratégie publicitaire du groupe : « Used to be, TV was the answer, The only problem is that it stopped working sometime around 1987 » [ROSE(2011), p. 230]. De nombreux facteurs contribuent au fait que la perception de l’efficacité publicitaire de la télévision a diminué au cours de ces dernières années. De plus le secteur publicitaire français n’est pas au mieux de sa forme depuis 2013 et accuse une forte baisse sur les premiers mois de l’année : -9% par rapport à 2012 3 . Tous les médias voient leurs recettes publicitaires baisser, sauf le digital et le mobile 4 . Pour couronner le tout, le secteur de la télévision française se livre actuellement une guerre des prix ! Dans cette situation, si les chaînes de télévision veulent maintenir leurs chiffres d’affaires et développer leurs activités, il leur est nécessaire d’innover. Plus précisément, elles ont besoin de se positionner et de capter les investissements publicitaires des secteurs encore en croissance : le mobile et le digital. La publicité a donc besoin de se réinventer pour prendre en compte ces nouveaux éléments. Enfin, les besoins des annonceurs sont eux aussi en train d’évoluer. Auparavant, ce qui importait était de générer des impressions et que la publicité soit présentée au consommateur. Maintenant, les annonceurs souhaitent davantage avoir des « relations » avec les consommateurs. Il ne s’agit plus seulement de présenter des contenus aux consommateurs, mais de l’« engager ». Il est significatif qu’au même moment se soit développée une nouvelle façon de mesure l’efficacité publicitaire basée sur l’ « engagement ». Cette dernière est sensée pouvoir comparer de nombreuses contextes et dispositifs publicitaires différents. L’optimisation des campagnes serait alors rendue plus facile. A la fin des années 2000, l’engagement a été présenté comme la future métrique qui remplacerait toute les autres. Le développement de l’engagement coïncide avec le développement des médias sociaux et de la social TV. Ces trois notions possèdent de nombreux points en communs (importance du « social », développement de relation avec les individus, etc.). Ce qui nous intéresse nous intéressera dans notre travail de recherche, c’est de comprendre comment la notion d’engagement peut être adaptée par le secteur de la télévision. Audelà de savoir si une telle métrique peut s’imposer sur le premier marché publicitaire, nous chercherons à mettre en lumière les positionnements et les stratégies des différents acteurs (annonceurs, publicitaires, chaînes de télévision, etc.). Nous serons alors en mesure de pointer les opportunités qui s’offrent à la télévision et, d’une manière plus générale, les axes qui constitueront le futur de l’entertainment. Pour cela, notre problématique sera la suivante : quelles sont les implications du développement de l’engagement pour le secteur de la télévision ? Pour y répondre, nous avons formulé trois hypothèses qui interrogent chacune un aspect de notre problématique. Notre corpus se focalisera sur la France mais nous nous autoriserons des détours par les Etats-Unis pour mieux comprendre le développement et le enjeux de la social TV et de l’engagement. 3. Véronique RICHEBOIS, « France : forte chute des investissements publicitaires nets », Les Echos, 20 mai 2013, http ://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/medias/actu/0202773902554-france-forte-chutedes-investissements-publicitaires-nets-567765.php [document consulté le 26 mai 2013]. 4. IREP, Nouveau : résultats du marché publicitaire 1er trimestre 2013, 17 mai 2013, http ://www.irep.asso.fr/actualites.php ?id=144 [document consulté le 26 mai 2013]. 7
  • 8. Hypothèse 1 : la social TV est un moyen de maintenir la puissance publicitaire de la télévision. Si cette affirmation peut sembler anecdotique, ce qu’elle recouvre est beaucoup plus important. En effet, elle sous-entend que la social TV apporte de la valeur aux chaînes de télévision et qu’elle ne se réduit pas à un simple élément cosmétique. C’est ce que nous essayerons de montrer en nous intéressant au concept de social TV et à sa formation. Nous verrons également comment ce dernier est utilisé par les différents acteurs et comment il est possible de le valoriser. Hypothèse 2 : l’engagement va devenir une métrique publicitaire standard pour tous les secteurs. Pour infirmer ou confirmer cette hypothèse, nous devrons d’abord nous intéresser à l’histoire de la mesure et plus particulièrement à l’histoire de la mesure publicitaire. Ce n’est qu’avec ces éléments que nous serons en capable de définir l’avenir de l’engagement. Hypothèse 3 : social TV et engagement vont se développer en commun pour s’imposer sur le marché de la télévision. Notre troisième hypothèse fait le lien avec les deux précédentes. Si la social TV est un moyen pour maintenir la puissance publicitaire de la télévision et si l’engagement va devenir la métrique standard dans le marché de la publicité, alors ces deux concepts ont tout intérêt à s’appuyer l’un sur l’autre pour se développer. Pour confirmer ou infirmer ces hypothèses et répondre à notre problématique, nous avons élaboré un plan en trois parties. La première sera dédiée à la compréhension de la social TV et au secteur dans lequel elle se développe. Le premier chapitre s’intéressera aux nouveaux défis de la télévision. Il s’agira ici de comprendre comment la consommation de la télévision évolue et comme les chaînes s’adaptent à ces évolutions. Le second chapitre sera une histoire critique de la social TV. Nous nous intéressons aux origines de la social TV et aux enjeux auxquels cette innovation répond. Ce chapitre nous permettra alors d’introduire le suivant consacré à la valorisation de la social TV. Il s’agira pour nous de mettre en lumière les différentes stratégies des acteurs évoluant dans ce marché. Egalement, nous verrons comment la social TV et ses mécanismes peuvent être appliqués à la publicité télévisée. Notre seconde partie s’intéressera à l’engagement. Pour comprendre le développement de cette métrique, nous consacrerons un premier chapitre à l’histoire de la mesure dans le champ publicitaire (que cela soit celui de la télévision ou celui de la publicité en ligne). Puis, le chapitre suivant se focalisera sur la notion d’engagement. Nous analyserons alors son histoire, sa théorie et son adoption par les différents acteurs. Après avoir compris les enjeux du marché de la mesure d’audience et ceux de l’engagement, nous serons alors en mesure de conclure cette partie en définissant quel sera le futur de l’engagement. Enfin, la troisième partie de notre travail s’intéressera aux liens entre la social TV et l’engagement. Le premier chapitre questionnera la légitimité de la mesure d’audience des programmes de télévision et s’intéressera aux moyens de la rendre plus pertinente. Le chapitre suivant sera directement consacré à la social TV et à l’engagement. Il s’agira de comprendre quels sont les liens entre ces deux notions. Pour conclure, notre dernier chapitre s’intéressera d’une façon plus générale aux liens entre les médias sociaux et la télévision. Nous aurons alors un aperçu du futur conjoint de ces deux secteurs. 8
  • 9. Première partie La « social TV » ou la renaissance de la télévision 9
  • 10. Chapitre 1 Les nouveaux défis de la télévision 1.1 Les évolutions de la consommation de la télévision : délaissée par les jeunes ? L’audience de la télévision est un sujet particulièrement surveillé. Et pour cause, elle fournit les indicateurs qui permettent de guider les investissements du premier marché publicitaire en France. Ce marché a été estimé à 9 382 millions d’euros en 2011 1 . et est en hausse depuis plusieurs années (figure 1.1). Figure 1.1 – Evolution des investissements publicitaires à la télévision (France). Source : Kantar Media. Pourtant, les avis à propos de l’audience de la télévision diffèrent. Pour les uns, les audiences baissent, pour les autres elles continuent d’augmenter. Plus préoccupant, même les données diffèrent. D’après les études réalisées par Médiamétrie, la durée d’écoute individuelle quotidienne de la télévision est passée de 3h12 en 1997 à 3h27 en 2008 (pour les individus de 15 ans et plus) 2 et elle n’a pas cessé d’augmenter au cours des dernières années. Dans le détail, il 1. Kantar Media, « Année de pub 2011 », 26 janvier 201, http ://www.snptv.org/etudes/veille.php ?id=290 [document consulté le 23 mars 2013]. 2. « Evolution de la durée d’écoute individuelle quotidienne de la TV de 1989 à 2009. » http ://www.snptv.org/generalites/faq.php ?theme=7 [document consulté le 16 septembre 2012]. 10
  • 11. apparaît que cette croissance de la consommation de télévision est observable pour toutes les classes d’âges. Si l’on se reporte aux études réalisées par Olivier Donnat pour le compte du Ministère de la Culture et de la Communication, les résultats sont très différents. Il ressort que la durée moyenne d’écoute en 2008 se situe à peu près au même niveau qu’en 1997 : 21 heures par semaine [DONNAT(2009), p. 73]. Pour l’auteur, « ce retournement de tendance est historique : pour la première fois depuis l’arrivée de la télévision dans les foyers, le temps que les Français lui consacrent a cessé d’augmenter, il a même diminué chez les jeunes. » [Ibid., p. 74]. Dans le détail (figure 1.2), il apparaît que l’écoute chez les 15-19 ans passe Figure 1.2 – Durée moyenne d’écoute hebdomadaire de la télévision selon l’âge (France). Source : [DONNAT(2009), p. 74]. de 16 heures à 15 heures, alors que celle des 20-24 ans passe de 21 heures à 18 heures [DONNAT(1998), p. 77]. Pour Olivier Donnat, l’explication de cette baisse est à chercher dans l’apparition de nouveaux comportements de divertissements. « Les 15-24 ans sont en effet la première génération à avoir grandi avec l’internet et à avoir massivement investi l’ordinateur comme vecteur privilégié de loisirs et de communication, créant ainsi au plan de l’affectation du temps libre une situation objective de concurrence défavorable à la télévision, même quand celle-ci ne fait l’objet d’aucun rejet particulier et continue à faire pleinement partie de leur quotidien. » [DONNAT(2009), pp. 74–75]. Les différences de résultats entre les enquêtes de Médiamétrie et celles du Ministère de la Culture et de la Communication peuvent s’expliquer de deux façon. D’une part, Médiamétrie se base sur des relevés non déclaratifs. Elle utilise un outil (l’audimètre) qui enregistre toutes les utilisations du ou des téléviseur(s) du foyer 3 . Les enquêtes d’Olivier Donnat se basent elles sur des questionnaires déclaratifs 4 . D’autre part, Médiamétrie cherche à mesu3. « Médiamat » http ://www.mediametrie.fr/television/solutions/mediamat.php ?id=5 [document consulté le 17 mars 2013]. 4. « Méthodologie de l’enquête. » http ://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08methodologie.php [document consulté le 16 septembre 2012]. 11
  • 12. rer la consommation de la télévision tandis que le ministère s’intéresse à la consommation d’activité culturelle dans son ensemble. Médiamétire ne se penche pas sur l’environnement du téléspectateur, seul compte son âge et sa catégorie socio-professionnelle (CSP). Ces différences posées, comment appréhender l’évolution de la consommation de télévision ? Augmente-elle ou baisse-t-elle ? Un nouvel élément peut nous aider à y voir plus clair, il s’agit de l’effet générationnel. Dans un article, Olivier Donnat explique les principes d’une approche générationnelle des pratiques culturelles. Il prend pour exemple le cas de la lecture de la presse quotidienne (figure 1.3). Une lecture simpliste du premier schéma représentant le taux de lecture selon Figure 1.3 – Coupe instantanée (1997) et courbes générationnelles de la lecture de la presse quotidienne. Source : [DONNAT et LÉVY(2007), p. 4]. l’âge conduirait à penser que les français lisent de plus en plus au fur et à mesure qu’ils vieillissent. L’analyse générationnelle montre bien qu’il n’en est rien. En effet, « le taux de lecture qui caractérise une génération autour de ses vingt ans reste sensiblement la même à quarante, cinquante ou soixante ans. Il ne faut donc pas retenir que « plus on est vieux, plus on lit », mais plutôt que « qui a lu, lira » (et sa version pessimiste « qui n’a pas lu ne lira pas »). » [DONNAT et LÉVY(2007), p. 4]. Pour le cas de la télévision, il a été démontré que l’effet génération a eu des conséquences positives sur la pratique de la télévision pendant la période 1973-1997. Cette évolution a été renforcée par l’effet âge : plus un individu vieillit, plus il a tendance à augmenter sa consommation de télévision. À l’horizon 2020, Olivier Donnat et Florence Lévy prévoient que l’effet âge ait toujours une influence positive sur la pratique de la télévision. A l’inverse, ils prévoient que l’effet génération influencera négativement la pratique de la télévision [Ibid., p. 29]. Pourtant, lors du bilan des résultats de 2011 en matière de consommation de télévision, Médiamétrie se montrait particulièrement optimiste et y voyait le « signe que ce média bénéficie du boom numérique auquel il sait répondre » 5 . Nous voyons bien que la vérité est plus complexe. A long terme, la question est de savoir si la télévision va connaître le même destin que le livre, la presse écrite ou le théâtre. A plus court terme, d’autres 5. Médiamétrie, « L’année TV 2011. La TV dans tous ses états », février 2012, http ://www.snptv.org/files/veilles/fichiers/veilles-323-314.pdf [document consulté le 18 mars 2013]. 12
  • 13. questionnements viennent faire trembler le pied d’estale sur lequel repose la télévision. Cette fois-ci, c’est au niveau de l’offre que les changements interviennent. 1.2 Le renouvellement de l’offre de télévision : cordcutting, fragmentation des audiences et autonomie de l’audience Le phénomène de cord-cutting, celui de fragmentation des audiences et de l’« autonomisation » de l’audience sont des phénomènes distincts. Néanmoins, ils partagent des points communs : tous trois sont liés à l’élargissement de l’offre en matière de télévision. Le développement d’Internet a ainsi permis à la VOD (Video On Demand ) et à la SVOD (Subscription Video On Demand ) [GASULLA(septembre 2011)] de se populariser. En conséquence, le nombre de produits et de services proposant de la vidéo n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années 6 . Parallèlement à cela, en novembre 2010 les réseaux américains de télévision par câble et satellite ont connu leur plus grande perte de clients depuis les années 1980, soit entre trois et quatre millions de spectateurs en moins 7 . C’est ce phénomène qui a été baptisé cord-cutting, avec l’image de personnes coupant le câble qui leur fournit leur offre de télévision. Cela a amené l’ensemble des acteurs de la filière à se questionner sur leur avenir et à défendre leur business model : « Sur le fait qu’HBO et Cinemax ont récemment perdu 1,5 million d’abonnés, Bewkes [CEO de Time Warner qui détient HBO] dit : "Ne vous inquiétez pas pour HBO." Il dit que la diminution du nombre d’abonnés n’était pas due au cord-cutting, des gens qui résilient leurs abonnements au câble, mais était le résultat d’une modification de la façon dont les distributeurs ont vendu les offres d’HBO. » 8 ESPN a entrepris une démarche comparable en publiant avec l’aide de Nielsen une étude démontrant que les résiliations d’abonnement sont « pour le moment un phénomène "très minoritaire" » 9 . Quelques années plus tard, les positions ont changé. Charlie Ergen, président du conseil et co-fondateur de Dish Network (un des principaux fournisseurs de télévision par satellite aux États-Unis) pense maintenant que le phénomène est bien réel. Sa réflexion se base sur le fait qu’aucun étudiant ne souscrit à des services de télévision payants et qu’ils ne vont pas soudainement le faire une fois leurs études terminées (l’effet générationnel dont nous parlions plus haut en somme). Il ajoute : « there is a reason that tobacco companies give away free cigarettes at colleges » 10 . 6. Matt RITCHEL et Brian STELTER, « In the Living Room, Hooked on Pay TV », The New York Times, 23 août 2010, http ://www.nytimes.com/2010/08/23/business/media/23couch.html [document consulté le 18 mars 2013]. 7. Richard KASTELEIN, « American Viewers Cord Cutting Cable TV en Masse - 3/4 of Million in 3 Months », App-market TV, 18 novembre 2010, http ://www.appmarket.tv/opinion/829-american-viewerscord-cutting-cable-tv-en-masse-34-of-million-in-3-months-.html [document consulté le 18 mars 2013]. 8. Brian STELTER, « Jeff Bewkes on Netflix, HBO Subscriber Loss », Variety, 6 décembre 2010, http ://www.nytimes.com/2010/12/06/business/media/06espn.html [document consulté le 18 mars 2013]. 9. Tom LOWRY , « ESPN Says Study Shows Little Effort to Cut Cable », The New York Times, 5 décembre 2010, http ://www.variety.com/article/VR1118028524 ?refcatid=13 [document consulté le 18 mars 2013]. 10. Janko ROETTGERS , « Dish’s Charlie Ergen : I thing people are cutting the cord », GigaOM, 11 février 2013, http ://gigaom.com/2013/02/11/dishs-charlie-ergen-i-think-people-are-cutting-the-cord/ 13
  • 14. Si le cord-cutting est aujourd’hui perçu comme une réalité, c’est notamment grâce aux succès des offres de SVOD comme celle de Netflix. Au cours des années 2000, la société est parvenue à prendre place sur le marché de la location vidéo puis à détrôner son principal concurrent (Blockbuster) [GASULLA(janvier 2011)]. En 2013, Netflix a diversifié sa stratégie en se lançant dans la production d’une série premium à la manière de HBO ou de AMC. House of Cards (produit par David Fincher) a été rendue disponible en février 2013. La série est apparemment un succès mais Netflix refuse de communiquer la moindre information concernant la consommation de House of Cards par ses abonnés 11 . En effet, Netflix n’ayant pas d’offre publicitaire, elle n’a aucun intérêt à dévoiler l’audience de ses programmes. Cette histoire peut paraître anecdotique, mais c’est pourtant un fait significatif pour le secteur de la télévision. Cela remet en cause le système d’évaluation des programmes de télévision principalement basé sur la mesure de l’audience. La fragmentation des audiences est un phénomène qui s’inscrit d’une manière plus générale dans la théorie de la longue traîne. Celle-ci a été laborée en 2004 par Chris Anderson 12 , et peut être résumée par la citation suivante : « (. . .) notre culture et notre économie, naguère focalisées sur un nombre relativement restreint de grands succès (produits et marché grand public) formant la tête de la courbe de la demande, se tournent de plus en plus vers les très nombreuses niches de sa traîne. Aujourd’hui, sans les contraintes d’espace disponible et autres goulots d’étranglement de la distribution, des biens et services étroitement ciblés peuvent présenter autant d’intérêt économique que ceux destinés aux masses. » [ANDERSON(2009), p. 59] Pour Chris Anderson, trois éléments sont nécessaires au développement d’un marché de longue traîne : la démocratisation des outils de production ; la baisse des coûts de consommation due à la démocratisation de la distribution ; la connexion entre l’offre et la demande. Il n’est pas difficile de reconnaître dans ces trois points certaines tendances à l’oeuvre au sein du secteur de la télévision. En effet, l’offre en matière de contenus télévisuels s’élargit constamment, en conséquence, les téléspectateurs sont amenés à consommer des contenus toujours plus divers via un nombre toujours plus grands de canaux. Il n’y a pas si longtemps, le nombre de chaînes qu’un individu pouvait regarder était limité. Avec le développement de la télévision par satellite, la télévision numérique terrestre et la télévision par Internet, ce nombre a été démultiplié. En France, il suffit de souscrire un abonnement à Internet pour se voir proposer gratuitement l’accès à plus d’une centaine de chaînes. Pour le seul cas de la télévision Française, les chiffres sont édifiants (Cf. la figure 1.4, page suivante). En 2005, les chaînes hertziennes historiques (TF1, France 2, France 3, France 5 et M6) totalisaient 87,9% de part d’audience, en 2012 ce chiffre est descendu à 66,8% 13 . Les autres chaînes qui ne représentaient que 12,1% de l’audience en 2005 sont maintenant à 33,1%. La fragmentation des audiences est un phénomène que l’on retrouve également aux ÉtatsUnis [JENKINS(2008), p. 66]. Cette évolution de la consommation de la télévision a une [document consulté le 18 mars 2013]. 11. Andrew WALLENSTEIN, « ’House of Cards’ lures binge viewers », Variety, 4 février 2013, http ://www.variety.com/article/VR1118065641/ [document consulté le 18 mars 2013]. 12. Chris ANDERSON , « The Long Tail », Wired, octobre 2004 http ://www.wired.com/wired/archive/12.10/tail.html [document consulté le 23 mars 2013]. 13. Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Guide des chaînes numériques 2013 », 26 mars 2013, http ://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Le-guide-des-chaines-numeriques/Guide-des-chainesnumeriques-2013 [document consulté le 1er avril 2013]. 14
  • 15. Figure 1.4 – Evolution de la part d’audience des chaînes hertziennes historiques, des nouvelles chaînes de la TNT et des autres chaînes de 2005 à 2012 (ensemble des 4 ans et +, en %. Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Guide des chaînes numériques 2013 », op. cit.. conséquence très importante : il est désormais impossible de penser la télévision comme un média de masse. C’est cela qu’incarne le zapping, qui s’est imposé « comme une pratique culturelle à part entière, c’est-à-dire une manière de construire un programme « personnalisé » en adéquation avec ses goûts, ses idées et ses priorités, à l’aide de fragments » [MISSIKA(2006), p. 41]. Cette évolution entraîne logiquement des changements au niveau du marché publicitaire qu’est la télévision. L’anecdote suivante résume bien la situation. Dans les années 1960 aux Etats-Unis, un annonceur pouvait toucher 80 % des femmes américaines avec une publicité diffusée en prime time sur trois chaînes de télévision. Au début des années 2000, pour atteindre une audience similaire une publicité devait être diffusée sur une centaine de chaînes de télévision 14 . Au fil des ans, il est devenu plus couteux et plus compliqué de toucher l’ensemble d’une cible via la télévision. Du point des chaînes, la fragmentation des audiences a également une incidence sur l’économie de la production des contenus. Une des réponses à cette évolution a été de donner une plus forte place aux programmes de télé-réalité compte tenu de leur faible coût comparé aux autres formats (films, séries, talk-shows, etc.) [NAPOLI(2011), p. 79]. Enfin, le phénomène d’autonomie de l’audience fait référence au contrôle que possèdent les téléspectateurs sur le moment, le lieu et la façon dont ils consomment un contenu audiovisuel [Ibid., p. 77]. Plus encore, il faut aussi y intégrer la possibilité pour les téléspectateurs d’influencer le programme, en votant ou via toute autre forme de feedback. Cette évolution est à la fois due aux individus qui ont modifié leurs pratiques et aux chaînes qui ont diversifié leur moyens de consommer leurs programmes. D’une manière générale, le phénomène d’autonomie de l’audience donne une nouvelle définition de la 14. Anthony BIANCO , « The Vanishing Mass Market », Business Week, 12 juillet 2004, http ://www.businessweek.com/stories/2004-07-11/the-vanishing-mass-market [document consulté le 23 mars 2013]. 15
  • 16. télévision. Il ne s’agit plus seulement de distribuer des programmes qui seront ensuite consommés dans des millions de foyers. Il s’agit de distribuer des contenus qui pourront être consommés sur de multiples supports et qui feront participer les téléspectateurs de manières diverses. Des trois phénomènes évoqués dans cette partie, celui-ci qui est le plus problématique pour les chaînes de télévision. Mais c’est aussi le seul qui offre de nouvelles perspectives de croissance. Bien conscient de ces possibilités, le secteur de la télévision cherche maintenant à développer ses activités sur Internet. Les analyses de Médiamétrie vont dans ce sens : « (. . .) Privilégié pour le visionnage en live, le téléviseur est considéré par le public comme l’écran du foyer le plus important, synonyme de divertissement, de qualité d’image et de grande dimension. Attaché à l’interaction et souhaitant poursuivre l’expérience avec les programmes au-delà de cet écran, le public le complète par l’écran d’ordinateur, la tablette, le smartphone, en live ou en différé. » 15 De même, pour le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) : « la TV n’est plus le centre de la maison mais reste au coeur du quotidien » [SNPTV(septembre 2012), p. 5]. Pour résumée les précédents paragraphes, nous avons vu que trois tendances participent à renouveler l’offre de télévision : – Le cord-cutting. Derrière un intérêt moins prononcé pour les services de télévision par câbles et satellites aux Etats-Unis, il apparaît que les individus plébiscitent de plus en plus des services de visionnement à la demande. On pense en premier lieu à Netflix, mais il ne faudrait pas trop vite oublier YouTube (et les plateformes similaires) dont certaines chaînes n’ont pas grand chose à envier à certaines chaînes de télévision traditionnelles. Ces services ont par ailleurs en commun d’avoir un business modèle qui n’est pas basé (ou directement basé) sur l’audience de leur contenus. Ainsi, Netflix fonctionne par abonnement (comme YouTube semble vouloir le faire dans un futur proche) et de nombreuses chaîne YouTube existe grâce à des partenariats publicitaires avec des annonceurs. – La fragmentation des audiences. Ce phénomène est commun à de nombreux médias. Ce qui nous importe ici, c’est la fin de la conception de la télévision comme un média de masse et le développement d’expériences et de services personnalisables. Cette évolution a également pour conséquence de rendre le marché publicitaire télévisuel plus concurrentiel. Logiquement, les marges de manœuvre des chaînes sont plus étroites, notamment en matière de production. Cette contrainte supplémentaire se traduit en partie par le développement de nouveau format comme la télé-réalité. – L’autonomie de l’audience. Confrontées à un téléspectateur possédant de plus en plus de pouvoir, les chaînes de télévision n’ont pas eu d’autres choix que de leur proposer des modes de consommation adaptés à leurs besoins et de produire des programmes qui répondent à leurs attentes. Cela se traduit par un élargissement du concept de télévision. Désormais, la télévision dépasse le cadre du salon et un programme dépasse le cadre de sa diffusion en se développant, notamment, sur Internet. Ici encore, la notion d’audience est remise en cause puisqu’un programme n’est plus simplement composé d’un passage à l’antenne, mais également de consommation en télévision de rattrapage, de contenus sur Internet, etc. Nous voyons bien que le secteur de la télévision est actuellement en train d’évoluer en suivant plusieurs tendances évoquées plus haut. Un autre élément pousse la télévision à 15. Médiamétrie, « L’année TV 2011. La TV dans tous ses états », op. cit.. 16
  • 17. se renouveler : le marché publicitaire. A la sortie d’une importante crise économique et en plein reconversion numérique, l’industrie de la publicité semble hésiter sur la valeur à donner à la télévision. Inversement, la télévision ne cesse d’innover pour prouver son efficacité publicitaire. 1.3 La télévision, au cœur d’un marché publicitaire qui se redéfinit En mars 2013, l’IREP (Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires, une association interprofessionnelle qui effectue une mesure annuelle du secteur de la publicité en France) a présenté son étude du marché publicitaire pour l’année 2012. Le titre de l’étude est le suivant : « un marché de nouveau en baisse » 16 . En effet, les recettes publicitaires des médias baissent de 3,5% et les dépenses de communication des annonceurs de 1,3%. Comme l’indique le titre, cette baisse n’est pas nouvelle. Depuis la crise de 2008, le secteur peine à retrouver sa dynamique. Plus important, les dépenses publicitaires sont remises en causes. Cette situation qu’avait déjà remarquée un cadre de la chaîne NBC en 1937 : « (. . .) When the depression descended upon us, advertisers and their agencies immediately began to check over their advertising expenditures and sought justification for every dollar spent. In so far as it was possible, sales were traced to the mediums [sic] being used, or other strong evidence was accumulated to justify the continuance of the use of each advertising medium. » [NAPOLI(2011), p. 141] Mais aujourd’hui, un autre élément vient justifier la remise en cause des pratiques publicitaires des annonceurs : la modification des comportements médiatiques des individus. D’une manière générale, les activités médiatiques se sont intensifiées au cours des dernières années. D’après Médiamétrie, en 2012 le nombre de contacts médias et multimédias qu’ont eu les Français était de 42,5 par jour (soit une augmentation de près de 4% par rapport à 2010 et de plus de 10% par rapport à 2008) 17 . Comme le montre la figure 1.5 (page suivante), cette hausse profite aussi bien aux activités médias que multimédias. Par ailleurs, cette étude confirme la montée en puissance d’Internet pendant la soirée et plus particulièrement pendant le « prime time », c’est-à-dire pendant le temps fort de consommation de la télévision. Parallèlement à cette tendance, on observe une forte croissance du nombre d’écrans au sein des foyer : 6,3 écrans par foyer en moyenne en France 18 . Ces évolutions ont logiquement des conséquences sur les modes de consommation de la télévision et des vidéos. Significativement, en 2011, Nielsen reportait que le nombre de personnes regardant plus d’une vidéo par jour le faisait davantage via un ordinateur que via une télévision 19 . Un sujet qui 16. IREP, « Les résultats du marché publicitaire français en 2012 », 22 mars 2013, http ://www.irep.asso.fr/actualites.php ?id=143 [document consulté le 30 mars 2013]. 17. Médiamétrie, « Media in Life 2012 : Médias et loisirs numériques rythment nos journées », 14 mars 2013, http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/media-in-life-2012-medias-etloisirs-numeriques-rythment-nos-journees.php ?id=826#.UVbW36sVKCg [document consulté le 30 mars 2013]. 18. GfK / Médiamétrie, « Référence des Equipements Multimédias : 6,3 écrans dans les foyers français », 20 février 2013 , http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/reference-des-equipementsmultimedias-6-3-ecrans-dans-les-foyers-francais.php ?id=815#.UVbYAKsVKCg [document consulté le 30 mars 2013]. 19. Nielsen, « Global Online Consumers and Multi-Screen Media : Today and Tomorrow », mai 2012 , http ://www.nielsen.com/us/en/reports/2012/global-online-consumers-and-multi-screen-media-today- 17
  • 18. Figure 1.5 – Contacts médias et multimédia par jour et par personne en 2012. Source : Médiamétrie, « Media in Life 2012 : Médias et loisirs numériques rythment nos journées », op. cit.. préoccupe particulièrement les acteurs de la télévision et de la publicité est l’utilisation des téléphones portables et des tablettes tactiles devant la télévision. En France, 53% de la population possède un smartphone 20 et un foyer français sur dix possède une tablette tactile 21 . Les études se multiplient sur les pratiques des individus devant la télévision. Une étude de Pew Research Center intitulée « The Rise of the "Connected Viewer" » a ainsi mis en avant que 52% des adultes possédant un téléphone portable l’utilisent pendant qu’ils regardent la télévision. Plus inquiétant pour le business model de la télévision, il apparaît que 38% d’entre eux utilisent leur mobile pour s’occuper pendant les coupures publicitaires 22 . Sans surprise, cette dernière pratique est plus particulièrement marquée chez les jeunes (Cf. la figure 1.6 page suivante). On retrouve également des pratiques similaires chez les utilisateurs de tablettes tactiles. Un récent rapport de GfK a ainsi dévoilé and-tomorr.html [document consulté le 30 mars 2013]. 20. comScore, « Smartphones Reach Majority in all EU5 Countries », 15 mars 2013, http ://www.comscoredatamine.com/2013/03/smartphones-reach-majority-in-all-eu5-countries/ [document consulté le 30 mars 2013]. 21. Médiamétrie, « 1 foyer sur 10 possède une tablette tactile en France », 11 décembre 2012, http ://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/1-foyer-sur-10-possede-une-tablettetactile-en-france.php ?id=777 [document consulté le 30 mars 2013]. 22. Aaron SMITH et Jan Lauren BOYLES, « The Rise of the "Connected Viewer" », 17 juillet 2012, http ://pewinternet.org/Reports/2012/Connected-viewers.aspx [document consulté le 30 mars 2013]. 18
  • 19. Figure 1.6 – Utilisation d’un portable pour se distraire devant la télévision. Source : Aaron SMITH et Jan Lauren BOYLES, « The Rise of the "Connected Viewer" », op. cit.. que 63% des américains utilisaient leur tablette tactile devant la télévision 23 , réduisant ainsi l’attention accordée à l’écran de télévision. La problématique se dessine alors clairement : les individus passent de plus en plus de temps sur Internet, utilisent toujours plus d’écrans et ils regardent moins attentivement la télévision. Ce faisant, pourquoi ne pas redéfinir la répartition des budgets de communication ? Pourquoi ne pas investir moins à la télévision et plus en ligne, sur les smartphones et sur les tablettes. Comme l’exprime Patricia Lévy, directrice de SFR Régie : « avec l’usage du multi-écran, on ne peut plus communiquer comme avant. Il faut revoir toutes les stratégies de médiaplanning. » 24 C’est un enjeu qui a été compris par l’ensemble des acteurs du secteur de la publicité. Du côté des acteurs d’Internet, on a ainsi pu voir une forte croissance du nombre de plateformes de vidéos en ligne. La stratégie de ces acteurs est simple : monétiser leurs vidéos grâce à de la publicité. C’est par exemple le cas de YouTube. Au delà d’une réelle volonté de redéfinir le monde de la télévision en donnant à chacun accès à des contenus de niches 25 , YouTube cherche avant tout à se construire une audience et à la monétiser auprès des annonceurs 26 . Même les marques se sont mises à créer leur propres chaînes en ligne et à produire leur propres contenus audiovisuels. Dans les exemples les plus récents, on note la chaîne YouTube du constructeur automobile Nissan dédiée au sport méca23. GfK, « Tablets and Multi-Tasking », novembre 2012, http ://bit.ly/Ymgfba [document consulté le 30 mars 2013]. 24. Nicolas RAULINE, « Deuxième écran : les investissements tardent à suivre les usages », Les Echos, 18 mars 2013, http ://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202645254127-deuxiemeecran-les-investissements-tardent-a-suivre-les-usages-549968.php [document consulté le 30 mars 2013]. 25. John SEABROOK, « Will Robert Kyncl and YouTube Revolutionize Television ? », The New Yorker, 16 janvier 2012, http ://www.newyorker.com/reporting/2012/01/16/120116fa_fact_seabrook [document consulté le 1er avril 2013]. 26. Ben SISARIO, « New Layer of Content Amid Chaos on YouTube », The New York Times, 11 mars 2012, http ://www.nytimes.com/2012/03/12/technology/youtube-channels-seek-advertisers-andaudiences.html [document consulté le 1er avril 2013]. 19
  • 20. Figure 1.7 – Publicité pour un événement à destination des professionnels des médias et de la publicité, mars 2013. nique 27 ou encore la série Exit Vine qui a été produite par Red Bull pour une diffusion sur sa chaîne YouTube 28 . Un autre phénomène intéressant est le développement d’offres publicitaires en ligne qui se rapprochent de ce qu’il est possible de faire avec la télévision. Ainsi, la plateforme d’achat média Xaxis a annoncé qu’elle allait transposer le modèle d’achat publicitaire de la télévision à la publicité vidéo en ligne. Pour la responsable du développement de cette nouvelle plateforme, la logique est simple : « It’s really about broadcast dollars and spending them in a broadcast fashion, whether it be online or on television » 29 . La publicité vidéo en ligne est un marché en plein développement mais, à ce jour, il est très peu rentable. L’espoir d’une amélioration de la rentabilité des vidéos en ligne à court terme est même peu probable. En effet, les prix des publicités sur les plateformes de vidéo en ligne ont baissé de 10% à 15% en 2012 30 . De son côté, pour faire face aux nouveaux usages des individus et pour tirer parti des évolutions du secteur de la publicité, les chaînes de la télévision ont développé des activités en ligne. Il s’agit généralement de sites Web et d’offres de télévision de rattrapage. Ces nouvelles activités étaient auparavant pensées comme des entités propres permettant de diversifier les sources de revenus publicitaires. Mais maintenant, les chaînes de télévision commencent à démontrer l’efficacité d’offres publicitaires « complémentaires », utilisant à la fois publicité télévisuelle et publicité en ligne 31 . 27. Paul SAWERS, « Nismo.TV : Nissan inks YouTube motorsport content deal, includes YouTubebranded race cars », The Next Web, 22 mars 2013, http ://thenextweb.com/media/2013/03/22/nismo-tvnissan-inks-youtube-motorsport-content-deal-includes-youtube-branded-race-cars/ [document consulté le 30 mars 2013]. 28. Ed CARRASCO, « Red Bull Launches First Scripted YouTube Series, "Exit Vine" », New Media Rock Stars, 24 janvier 2013, http ://newmediarockstars.com/2013/01/red-bull-launches-first-scriptedyoutube-series-exit-vine/ [document consulté le 30 mars 2013]. 29. Kate KAYE, « WPP’s Xaxis Wants to Make Online Video Ad Buying More Like TV », AdAge, 18 mars 2013, http ://adage.com/article/data-at-work/wpp-s-xaxis-make-online-video-ads-tv/240366/ [document consulté le 30 mars 2013]. 30. Suzanne VRANICA, « Web Video : Bigger and Less Profitable », The Wall Street Journal, 15 mars 2013, http ://online.wsj.com/article/SB10001424127887324034804578346540295942824.html [document consulté le 30 mars 2013]. 31. Véronique RICHEBOIS, « Les écrans numériques changent la donne publicitaire », Les Echos, 3 décembre 2013, http ://www.lesechos.fr/03/12/2012/LesEchos/21325-103-ECH_les-ecrans-numeriqueschangent-la-donne-publicitaire.htm [document consulté le 30 mars 2013]. 20
  • 21. Pour résumer, les pratiques médiatiques des individus sont en pleine évolution. L’industrie de la publicité tente de suivre ces évolutions et développe de nouvelles offres publicitaires qui donnent une plus grande place à la publicité en ligne. Ce moment est ressenti comme une profonde remise en question des modèles publicitaires et des pratiques publicitaires. Les certitudes installées depuis des années sont en train d’être questionnées. Cela ne veut pourtant pas dire que les médias et les publicitaires sont totalement désemparés face à ces évolutions. Comme l’écrit l’IAB (Interactive Advertising Bureau, un organisme interprofessionnel chargé de créer des recommandations pour encadrer la publicité en ligne) en conclusion d’une étude sur les pratiques de multi-screen : « The findings confirm that the media world is changing again . . . fast. It’s a world where there’s always a deficit of attention, but it’s also one where brands have the opportunity to go beyond passive viewing and have a meaningful interaction with consumers. The challenge will be keeping up with evolving habits while catering to eternal needs. » 32 Après avoir présenté les nouveaux enjeux du secteur de la publicité, la position dominante de la télévision dans le secteur de la publicité peut sembler menacée. En effet, les yeux des publicitaires se tournent davantage vers le mobile, les tablettes et Internet que vers le traditionnel écran de télévision. Pourtant, celle-ci est loin d’être enterrée. Plus précisément, un élément pour le moins inattendu vient lui apporter des arguments de poids pour affronter les évolutions du marché publicitaire et pour consolider son futur : la social TV. 32. IAB / Econsultancy, « The Multi-Screen Marketer », http ://www.iab.net/multiscreenmarketer [document consulté le 30 mars 2013]. 21 mai 2012,
  • 22. Chapitre 2 Histoire et définition critique de la social TV 2.1 L’histoire incomplète de la social TV « Television has always been social. » Chaque article qui essaye de prendre de la hauteur vis-à-vis de la social TV en vient à cette remarque. La télévision et la notion de social seraient ainsi depuis longtemps associées. Cela veut-il dire que la social TV n’est pas une innovation ? Comme l’on va le voir, cette simple phrase est significative du développement de la social TV. Depuis quelque années, la social TV s’est imposée comme une thématique à part entière. Des recherches universitaires sont réalisées sur le sujet et des colloques professionnels sont organisés à propos des nouveaux enjeux que cette innovation provoque. De nos jours, la social TV est définie de la manière suivante : « According to its strictest definition, the phrase "social TV" was coined to depict the convergence of television and social media. However, social TV has often been used in recent year as a catchall expression when referring to the modern era of television » [PROULX et SHEPATIN(2012), p. IX] Si l’on s’en tient à la première définition, on peut alors avancer que les premières expérimentations de social TV ont été réalisées en 2009 aux Etats-Unis. Ainsi, en septembre 2009, la chaîne de télévision Fox a réalisé un partenariat avec Twitter pour afficher des tweets lors de la rediffusion d’épisodes des séries Fringe et Glee 1 . L’opération était dénommée « tweet-peats » et les tweets diffusés étaient des commentaires des acteurs et des producteurs. Ils étaient publiés avec les comptes @FRINGEonFOX et @GLEEonFOX (car, bien sûr, à l’époque la popularité de Twitter n’était pas encore très développée). Malheureusement, l’expérimentation n’a pas eu que des bons retours à cause d’une implémentation des tweets qui gênait le visionnement des épisodes 2 . Mais c’est surtout au talk show Late Night with Jimmy Fallon que l’on doit le développement de la social TV ou tout au moins de ses premiers faits d’armes. Lancé en mars 2009, le show s’est tout de suite créé une forte relation avec le Web et les médias sociaux 3 . 1. James HIBBERD, « ’Fringe’ + ’Glee’ + Twitter = ’tweet-peats’ », The Hollywood Reporter, 31 août 2009, http ://www.hollywoodreporter.com/blogs/live-feed/fringe-glee-twitter-tweet-peats-52144 [document consulté le 30 mars 2013]. 2. Darb DYBWAD, « Fox’s Fringe "Twitter on TV" Experiment Irks Fans », Mashable, 4 septembre 2009, http ://mashable.com/2009/09/04/fox-fail-tweet-peat/ [document consulté le 30 mars 2013]. 3. Brian RAFTERY, « Late Night With Jimmy Fallon Is Out of Beta », Wired, 22 mai 2009, http ://www.wired.com/entertainment/hollywood/magazine/17-06/ff_fallon [document consulté le 30 22
  • 23. Mashable n’hésite pas à avancer que si le programme réalise de meilleures performances que ses concurrents, c’est grâce à sa meilleure utilisation des médias sociaux 4 . En effet, le show possédait une importante communauté sur Twitter et à l’époque, Jimmy Fallon, le présentateur, était l’une des personnes les plus suivies sur Twitter avec 170 000 followers. Il faisait par ailleurs fréquemment mention de la plateforme à l’antenne. Une des séquences de l’émission était même basée sur Twitter : #latenighthashtags. Un hashtag était donné jeudi soir aux téléspectateurs. Ils devaient alors l’utiliser en le complétant d’un message humoristique. Les meilleurs messages étaient ensuite lus à l’antenne le mercredi suivant. Ce jeu très simple fonctionnait particulièrement bien. L’un des hashtag (#thatwouldbeawesome) est ainsi resté en trending topic 5 monde pendant trois jours 6 . En 2010, le show est allé plus loin dans son intégration des médias sociaux et d’Internet en lançant une application iPhone / iPad et une nouvelle rubrique où les une célébrités devaient répondre à des questions envoyées via Twitter par les téléspectateurs 7 . Figure 2.1 – Page Web dédiée au segment #latenighthashtags de Late Night with Jimmy Fallon. Source : http ://www.latenightwithjimmyfallon.com/hashtags. En 2010, le concept de social TV commence à être popularisé dans les milieux professionnels et dans la presse. Au sein d’une tribune dans Forbes, Steve Rubel (director of insights chez Edelman Digital, une agence de communciation reconnue) écrit que la social TV est la tendance à suivre en 2010 8 . Dans la même tribune, l’intérêt de la création d’un nouveau réseau de chaînes de télévision (The Oprah Winfrey Network ) est appuyé par son important potentiel en terme de social TV. La même année, le Massachusetts Instimars 2013]. 4. Josh CATONE, « How Social Media is Changing the Late Night TV Landscape », Mashable, 31 mai 2009, http ://mashable.com/2009/05/31/late-night-tv/ [document consulté le 30 mars 2013]. 5. Les trending topics sont les mots ou phrases qui sont les plus populaires sur Twitter à un moment donné. 6. Zachary SNIDERMAN, « Jimmy Fallon Talks "Late Night" and Social Media [INTERVIEW] », Mashable, 11 novembre 2010, http ://mashable.com/2010/11/11/jimmy-fallon-interview/ [document consulté le 30 mars 2013]. 7. Olivier CHIANG, « Twitter Co-Founders To Appear On ’Late Night With Jimmy Fallon’ », Forbes, 8 novembre 2010, http ://www.forbes.com/sites/oliverchiang/2010/11/08/twitter-co-founders-to-appearon-late-night-with-jimmy-fallon/ [document consulté le 30 mars 2013]. 8. Steve RUBEL, « What To Watch In 2010 : Social TV », Forbes, 30 novembre 2009, http ://www.forbes.com/2009/11/30/social-networking-tv-cmo-network-steve-rubel.html [document consulté le 30 mars 2013]. 23
  • 24. tue of Technology classe même la social TV dans les 10 technologies révolutionnaires à suivre 9 . 2010 est également l’année où un nouvel élément vient accompagner les discours à propos de la social TV : l’importance des médias sociaux. Très souvent, la social TV est présentée comme la conséquence du développement des médias sociaux. Un article du Time Magazine va dans ce sens en pointant que : « new media aren’t replacing TV but creating a new way to watch it » 10 . A partir de 2011, cette idée est renforcée par le fait que les événements télévisuels font partie des sujets les plus commentés sur Twitter 11 ou dont on parle le plus sur Facebook 12 . Mais il ne s’agit là que d’une partie de l’histoire. Cette approche oublie de mentionner d’autres conceptions de la social TV. En effet, le concept de social TV est bien antérieur aux développements des médias sociaux et a été façonné bien avant 2010. C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante. 2.2 L’émergence du concept de « social TV » dans l’histoire de la télévision Il faut tout d’abord rappeler que la télévision a longtemps été accusée de rompre le lien social et d’isoler les individus. Quand bien même de nombreuses recherches ont depuis démontré sa capacité à créer du lien social 13 et que sa consommation s’effectue souvent en groupe [MORRISON et KRUGMAN(2001)], ces questions font intégralement partie de l’histoire du développement de la télévision. Consciemment ou non, des innovations vont utiliser la télévision comme un moyen de créer des liens entre les individus. Dès ses débuts, des expérimentations ont été menées pour que la télévision devienne un vecteur d’interactions entre les téléspectateurs. Plusieurs de ces expérimentations ont même été concrétisées et commercialisées. C’est par exemple le cas du Prestel, lancé par la GPO (General Post Office qui deviendra plus tard British Telecom) au Royaume-Uni en 1979. Cet appareil permettait à ses utilisateurs d’envoyer des messages textuels à d’autres utilisateurs et utilisait l’écran de télévision comme support de visionnement. Le Prestel était ainsi un prémisse de l’e-mail que nous connaissons maintenant. Il a par ailleurs fonctionné jusqu’en 1989 14 . Ce qui est particulièrement intéressant, c’est son positionnement marketing. Le Prestel se voyait comme la continuité du téléphone et de la télévision 15 . Plus encore, il était présenté comme l’instrument qui allait révolutionner la communication entre les individus. Mais dès 1982, le Prestel adopte un positionnement plus en phase 9. William M. BULKELEY, « TR10 : Social TV », MIT Technology Review, mai/juin 2010, http ://www2.technologyreview.com/article/418541/tr10-social-tv/ [document consulté le 20 avril 2013]. 10. James PONIEWOZIK, « Twitter and TV : How Social Media Is Helping Old Media », Time Magazine, 22 mars 2010, http ://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1971444,00.html [document consulté le 30 mars 2013]. 11. En 2011, ce sont les MTV Video Music Awards qui ont généré le plus grand nombre de tweets à la seconde. http ://yearinreview.twitter.com/fr/tps.html [document consulté le 30 mars 2013]. 12. En 2011, le Super Bowl et le mariage princier au Royaume-Uni sont parmi les sujets les plus discutés sur Facebook. Brian Anthony HERNANDEZ, « Facebook Reveals 2011’s Most-Popular Status Trends », Mashable, 7 décembre 2011, http ://mashable.com/2011/12/06/facebook-reveals-2011s-mostpopular-status-trends/ [document consulté le 30 mars 2013]. 13. Voir les travaux de Dominique Wolton à ce sujet. 14. « Prestel > Introduction », Celebrating the Viewdata Revolution., http ://www.viewdata.org.uk/index.php ?cat=15_Prestel [document consulté le 15 avril 2013]. 15. Une publicité de 1979 le présentait comme : « the bigget breakthrough in communication since the telephone and television ». Source : www.computerhistory.org. 24
  • 25. avec les autres systèmes de videotex et est commercialisé avec son propre écran 16 . Il faut attendre les années 2000 pour revoir apparaître des systèmes permettant à des utilisateurs de communiquer entre-eux via la télévision 17 . Plus précisément, il s’agit maintenant de donner la possibilité aux téléspectateurs de communiquer entre-eux tout en regardant un programme à la télévision. On parlait alors de « télévision interactive » [CHORIANOPOULOS(2007)]. Mais c’est d’abord grâce aux SMS que les bases de la social TV ont réellement commencé à se développer [HARBOE(2009), p. 721]. Certaines chaînes de télévision européennes avaient en effet mis en place au cours des années 2000 des « chats SMS ». Il suffisait au téléspectateur d’envoyer un SMS à un numéro spécial (surtaxé bien entendu) pour voir ensuite son message diffusé à la télévision. Ce système fonctionnait particulièrement bien et était très rémunérateur pour les chaînes de télévisions qui l’ont longtemps utilisé. En 2009, une société américaine proposait même aux utilisateurs de créer des chats SMS privés pour que les individus puissent communiquer avec leurs amis (figure 2.2) 18 . Figure 2.2 – Exemple de chat SMS privé sur un écran de télévision (système développé par MediaFriends). 16. « Prestel > Brochure », Celebrating the Viewdata Revolution., http ://www.viewdata.org.uk/index.php ?cat=15_Prestel&page=30_Brochures [document consulté le 15 avril 2013]. 17. Même si des expérimentations ont lieu dès les années 1990. Par exemple, en 1995, la chaîne de télévision Sci-Fi a collaboré à un projet de chat par Internet pendant la diffusion d’un film. DanO’SUL˜ LIVAN, « Prisoner Chat », 30 juin 1995, http ://itp.nyu.edu/dbo3/blog/ ?m=199506 [document consulté le 20 avril 2013]. 18. Dan BUTCHER, « Integra5, Sybase 365 partner on SMS for carriers », Mobile Marketer, 23 mars 2009, http ://www.mobilemarketer.com/cms/news/messaging/2884.html [document consulté le 15 avril 2013]. 25
  • 26. Les premières expérimentations à porter le nom de « social TV » sont apparues au milieu des années 2000. Le système qui attire alors l’attention est AmigoTV. Le but de ce dernier était de permettre à ses utilisateurs de communiquer pendant un programme télévision. Le chat était vocal et les utilisateurs pouvaient créer leur avatar pour incarner leur présence à l’écran (figure 2.3). Dans la même logique que les messageries instantanées qui prenaient alors leurs essors sur Internet, AmigoTV pouvait également afficher à l’écran des émoticônes. Malgré cela, AmigoTV ne s’est pas imposée sur le marché. En revanche, Figure 2.3 – AmigoTV : représentation d’un chat vocal pendant un match de football. Source : [COPPENS et al.(2005), p. 2]. la société a posé les bases du discours autour de la social TV pour les prochaines années. Tout d’abord, AmigoTV se positionne clairement comme un système permettant à ses utilisateurs de participer à une expérience de « social TV ». Plus intéressant encore, les arguments utilisés par AmigoTV pour démontrer l’intérêt de son système seront réutilisés pendant plusieurs années pour justifier le développement de la social TV : « Imagine your wife away from home, and you, alone at home babysitting and watching a game of your favourite football team. No stadium to shout in, no pubs to socialize at, no friends to share your thoughts with. After the winning goal you wonder what a compelling experience it would have been if you could have shared this victory with your friends. » [COPPENS et al.(2005), p. 1] La social TV part du principe qu’une bonne expérience de télévision s’effectue à plusieurs. Mais malheureusement, cela n’est pas toujours possible. Soit l’individu est obligé de rester chez lui, soit ses amis sont trop éloignés pour pouvoir les rejoindre. La social TV va alors apporter une solution à cette situation. Elle va permettre à ses utilisateurs de partager, à distance, un moment de télévision avec leurs amis ou leurs proches et de communiquer avec eux. La social TV veut être le vecteur d’interactions sociales [BAILLIE et al.(2007)]. A la fin des années 2000, le développement de la social TV s’accélère. Tout d’abord, les principaux sites Web commencent à proposer des systèmes de messageries instantanées associés à des flux vidéos [HARBOE(2009), p. 722]. Deux services sont alors particulièrement attendus : « Zync » de Yahoo ! 19 et « Messenger TV » de Microsoft. Les deux 19. Yahoo ! n’en était pas à son premier coup d’essai dans le domaine puisqu’en juin 2000, la société avait lancé AOLTV, une set-to-box qui permettait d’accéder à Internet depuis son écran de télévision. Par ailleurs AOLTV donnait également la possibilité à ses possesseurs d’utiliser un service messagerie instanta- 26
  • 27. systèmes possédaient la même stratégie. Il s’agissait de capitaliser sur le succès de leur service de messagerie instantanée (Yahoo Messenger et MSN). Les deux systèmes proposaient également la même expérience : regarder une vidéo avec vos amis. Messenger TV permettait ainsi de combiner « l’expérience partagée de la télévision et la nature communicative et connectée du contenu en ligne pour vivre un moment réellement social. » 20 Messenger TV était de loin le système le plus abouti et possédait même sa propre offre publicitaire. Par ailleurs, il faut noter que ce service a tout d’abord été destiné au marché français. Ce n’est que quelques mois après sa sortie en France qu’il est devenu accessible dans le reste du monde 21 . Figure 2.4 – Capture d’écran du service Messenger TV de Microsoft, 2008. L’autre point qui souligne l’avénement de la social TV comme une thématique à part entière est la multiplication des recherches à son sujet. Les chercheurs s’interrogent alors sur ce que peut être la social TV et sur les outils à concevoir pour accompagner son développement. Plusieurs expériences sont menées pour tenter de comprendre comment des individus réunis dans un même lieu interagissent entre-eux devant un programme de télévision. Une des principales conclusions qui ressort de ces recherches est que la nature des interactions entre les individus est fortement liée au type de programme regardé [DUCHENEAUT et al.(2008)]. Un autre élément à noter est la conception de la social TV comme un système qui permet de recréer l’expérience de consommation de la télévision à plusieurs [HARBOE(2009), p. 725]. Il est même recommandé de concevoir des interfaces née tout en regardant la télévision. Tous les analystes étaient extrêmement optimistes quant au succès de ce service. Pourtant, il n’a jamais trouvé son marché et a été arrêté trois ans après son lancement. Jim HU, « America Online confirms end of AOLTV », CNET News, 18 février 2003, http ://news.cnet.com/21001023-984920.html [document consulté le 16 avril 2013]. 20. « Messenger TV », Microsoft Advertising, http ://advertising.microsoft.com/france/publicitemessenger-tv [le document consulté n’est plus en ligne]. 21. Sunshine, « Messenger TV is coming soon », liveside.net, 7 mai 2008, http ://www.liveside.net/2008/05/07/messenger-tv-is-coming-soon/ [document consulté le 16 avril 2013]. 27
  • 28. de services de social TV représentant une salle de cinéma avec des sièges et des silhouettes pour signifier la présence (en ligne) de ses amis [DUCHENEAUT et al.(2008)]. Cette remarque explique également l’importance donnée aux systèmes de communication basés sur la voix et le soin qu’il est donné à imaginer des services qui interfèrent le moins possible la consommation du programme télévisuel. Enfin, cela explique également l’importance donnée à la consommation entre amis dans le positionnement marketing des systèmes. La social TV est donc conçue comme une thématique clairement distincte de la télévision et du programme. Elle vient seulement recréer une situation jugée normale de consommation de télévision. 2.3 Vers une définition contemporaine de la social TV C’est cette frontière entre social TV et télévision que le développement des médias sociaux vient brouiller. Comme nous l’avons vu plus haut, dès 2009 des émissions de télévisions utilisent les médias sociaux pour créer des contenus avec les téléspectateurs et les téléspectateurs utilisent les médias sociaux pour discuter des programmes de télévision. Le développement de ces activités est à mettre en lien avec le développement des pratiques de multi-screen. En conséquence de ces évolutions, des recherches ont été menées non plus sur les pratiques des individus devant un programme télévisuel, mais sur l’utilisation de services de social TV ou l’utilisation d’outil de communication en lien avec des programmes de télévision. De ces études, il ressort une définition beaucoup plus dense de la social TV. Elle n’est plus cantonnée à la discussion entre amis mais peut aussi permettre à un utilisateur d’avoir accès à des contenus supplémentaires, de communiquer avec une communauté ou de créer son propre de contenu [CASALEGNO et SUSANI(2010), p. 2] [DEZFULI et al.(2011)] . Un autre point intéressant est que la social TV est également définie en dehors des temps de consommation des programmes. Il a ainsi été montré que les individus se livraient à des pratiques relevant du champ de la social TV après ou avant avoir visionné un programme [CESAR et GEERTS(2011), p. 11]. Deux nouveaux enjeux se dessinent alors pour le secteur de la télévision : – Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques des téléspectateurs ; – Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs. C’est à travers ces deux axes que nous allons pouvoir appréhender les derniers développements de la social TV. 2.3.1 Adapter l’expérience télévisuelle aux nouvelles pratiques des téléspectateurs Un des axes de la social TV consiste à créer des expérience télévisuelle qui soient adaptées aux nouvelles pratiques médiatiques des téléspectateurs. Ce faisant, on pourrait faire remonter la social TV très loin dans le temps, mais ce n’est pas le but ici. Nous nous pencherons plus particulièrement sur deux éléments qui ont profondément modifié les usages des téléspectateurs ces dernières années : Internet et le multi-screen. Internet et le transmédia Le développement d’Internet n’a pas été ignoré par la télévision. Rapidement, des sites Web ont été mis en place pour apporter des informations complémentaires sur les 28
  • 29. programmes : résumés des épisodes, listes des acteurs, informations complémentaires, etc. Pendant longtemps, les sites Internet des programmes de télévision se sont résumés à ces simples présences. Aujourd’hui encore, la majorité des sites restent basés sur ce principe. La raison est simple. D’une part, les chaînes de télévision et les producteurs ont des difficultés à percevoir la valeur ajoutée que peut apporter un site Web à leur programme. D’autre part, comment monétiser ce nouvel espace ? Quel est son retour sur investissement (ROI) ? Cette situation explique notamment le développement de sites Internet basés sur un modèle où les contenus sont monétisés par de la publicité et où le principal objectif du site est donc de « faire de l’audience ». Pourtant, plusieurs programmes ont essayé d’aller plus loin en prolongeant leur univers sur Internet. Les premières expérimentations ont eu lieu aux Etats-Unis à la fin des années 2000. En 2006, le site de l’émission CSI : Crime Scene Investigation proposait aux utilisateurs d’inspecter la scène de crime des deux derniers épisodes avant qu’ils soient diffusés à la télévision [ASKWITH(septembre 2007), p. 34]. Sur ce même site, les utilisateurs étaient également encouragés à créer et partager leur propres mash-up des vidéos des épisodes, ou encore à participer à un wiki 22 . Par la suite, de nombreux programmes ont commencé à proposer des contenus inédits en ligne. Plus récemment, c’est le site Internet de la série à succès Game of Thrones qui s’est illustré. Le site a mis à disposition de nombreux documents et informations permettant aux téléspectateurs d’en apprendre davantage sur l’univers de la série et de mieux comprendre ses complexes trames narratives. D’une manière plus générale, on assiste à la fin des années 2000 au développement du transmédia [ROSE(2011)]. Cette pratique consiste à utiliser plusieurs médias et environnements distincts pour créer un produit culturel [DENA(2009)]. En France, ce phénomène s’est cristallisé en 2009 autour de ce qui a été appelé le « webdocumentaire » 23 . Au début, le web-documentaire était principalement l’apanage des sites d’information en ligne. Mais certaines chaînes de télévision ont aussi investi ce segment. Ce fut le cas d’Arte avec le très remarqué Prison Valley, « un road movie participatif » 24 sorti en 2010 et diffusé à la fois sur Internet et à la télévision. Pour Joël Ronez (alors responsable du pôle Web d’Arte France) Internet est un « écosystème riche d’opportunités, d’innovation, et surtout d’interaction avec l’audience » 25 qui doit être investi par les chaînes de télévision. Un des meilleurs exemple de production télévisuelle transmédia est The Voice. Grâce à son format, l’émission permet facilement d’être développée sur différents médias. En effet, des auditions sont réalisées en ligne, des contenus sont disponibles uniquement sur Internet (figure 2.5) et, en Belgique, l’émission avait même mis en place 22. Un wiki est « un site web dont les pages sont modifiables par les visiteurs afin de permettre l’écriture et l’illustration collaboratives ». Un des plus célèbres wiki est le site Wikipédia. « Wiki », Wikipédia, http ://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki [document consulté le 13 avril 2013]. 23. La définition du web-documentaire a toujours été difficile. Tout d’abord, il est intéressant de noter qu’il s’agit d’un concept français qui ne s’est pas exporté dans d’autres pays. A ses débuts, le webdocumentaire a été appréhendé comme du « journalisme augmenté ». En effet, avec Internet il était devenu possible de diffuser, en plus des traditionnels textes et traditionnelles images, des sons et des vidéos. Ainsi, certains web-documentaires du Monde étaient de simples diaporama avec des enregistrements sonores divers. Le web-documentaire s’est ensuite développé comme un genre à part. Il s’agissait alors de créer un site Web qui utilise divers médias, principalement audiovisuels, pour raconter une histoire. Le webdocumentaire est aujourd’hui moins mis en avant par les sites d’information et les chaînes de télévision mais le format continue à être utilisé et de se développer 24. Marie-Agnès BRUNEAU, « Les diffuseurs TV s’engagent dans la voie du Web natif », Sonovision Broadcast, n°549, mars 2010. 25. « Le web-documentaire sur Arte », dossier de presse, 2010. 29
  • 30. une web-radio 26 . Figure 2.5 – Capture d’écran du header du site Internet de l’émission The Voice France en 2013. Internet est ainsi de plus en plus utilisé pour diversifier les modes de consommation d’un programme télévisuel. Il ne s’agit plus seulement de regarder une émission, mais aussi de lire, écouter, rechercher, etc. A première vue, ces prolongements ne relèvent pas directement du champ de la social TV. Mais l’on verra pas la suite pourquoi ils ne peuvent pas être oubliés lorsque l’on parle de social TV. Le multi-screen et le développement des applications de second-screen Comme nous l’avons vu plus haut, une des évolutions qui inquiète le secteur de la télévision et de la publicité est l’augmentation des pratiques de multi-screen devant la télévision. Concrètement, de plus en plus de personnes utilisent leur smartphone ou leur tablette pendant qu’ils regardent la télévision. C’est évidement une contrainte pour le secteur de la télévision, mais cela peut également être une opportunité. En effet, des applications de social TV accessibles depuis les terminaux mobiles ont rapidement vu le jour. L’une des premières d’entre-elles fut GetGlue. Initialement GetGlue était une extension pour le navigateur Firefox qui permettait à ses utilisateurs de surfer sur Internet au travers d’objets plutôt que via des pages Web 27 . Ainsi, lorsque qu’un individu regardait la fiche d’un film sur IMDB, l’extension lui proposait une série de liens en rapport avec le film consulté (location du film, vidéos sur YouTube, documents liés sur Google, etc.). Il s’agissait alors de créer une « couche » supplémentaire au Web afin de faciliter la découverte de contenus et, surtout, la découverte de contenus pertinents pour l’utilisateur. En 2009, getGlue évolue et il devient possible d’effectuer des checkins dans des objets (film, vin, livre, émission de télévision, etc.) [GASULLA(mai 2011)]. C’est également à partir de cette nouvelle version que GetGlue devient accessible depuis les terminaux mobiles. Après avoir observé que le cœur d’utilisateurs se servait principalement de GetGlue pour checker dans des contenus audiovisuels, et plus particulièrement ceux diffusés à la télévision, la société s’est davantage spécialisée sur ce segment. Des partenariats ont été conclus avec les principaux studios et networks américains. GetGlue met en avant leurs contenus sous la forme de stickers que les utilisateurs peuvent gagner ou des bons de réduction pour les produits dérivés. A la fin de 26. Dimitri GASULLA, « Social TV ou transmedia ? », Social TV et Engagement, 17 mai 2012, http ://social-tv-et-engagement.fr/2012/05/17/social-tv-ou-transmedia/ [document consulté le 16 avril 2013]. 27. Richar MACMANUS, « How GetGlue Taps Into Our Emotions », readwrite, 26 septembre 2010, http ://readwrite.com/2010/09/26/how_getglue_taps_into_our_emotions [document consulté le 16 avril 2013]. 30
  • 31. l’année 2012, GetGlue revendiquait plus de 3 millions d’utilisateurs 28 . Plus impressionnant, elle génèrerait une activité supérieure à Twitter pendant certains programmes 29 ! Sur le principe, GetGlue est très proche des applications de social TV que nous avons vues plus haut. L’utilisateur signale qu’il regarde un programme (le fameux check-in) et ensuite il s’agit bien d’avoir accès à des contenus supplémentaires en lien avec les programmes regardés ou de discuter avec ses amis. Par ailleurs, les évolutions successives du service se sont focalisées sur le développement d’une expérience qui donne de plus en plus de place aux interactions entre les utilisateurs. Figure 2.6 – Capture d’écran de la home page de l’application GetGlue, 2013. Suite à son succès, GetGlue a servi de modèle à de nombreuses applications, notamment TV Check en France 30 . Mais l’application n’a pas été développée en pensant à une expérience de second écran et il subsiste des questionnements quant à la pertinence de son système de check-in en dehors des Etats-Unis 31 . C’est à ce moment qu’intervient Zeebox. Zeebox est une application développée par Anthony Rose, un visionnaire très respecté 28. Jordan CROOK, « Viggle Acquires GetGlue For $25M Plus 48.3M In Shares To Expand Social TV Presence », TechCrunch, 19 novembre 2012, http ://techcrunch.com/2012/11/19/viggle-acquires-getgluefor-25m-plus-stock-options-to-expand-social-presence/ [document consulté le 16 avril 2013]. 29. Claire, « GetGlue Tops Twitter In Scripted Primetime TV », Blog GetGlue, 3 octobre 2012, http ://blog.getglue.com/ ?p=11462 [document consulté le 16 avril 2013]. 30. Stuart DREDGE, « Orange unveils TV Check app », The Guardian, 5 avril 2011, http ://www.guardian.co.uk/technology/appsblog/2011/apr/05/tv-check-social-app [document consulté le 16 avril 2013]. 31. Robert ANDREWS, « Theory : Only Ultra-Competitive Americans Care About ’Check-Ins’ », paidContent, 5 août 2011, http ://paidcontent.org/2011/08/05/419-theory-only-competition-crazy-americanscare-about-check-ins/ [document consulté le 16 avril 2013]. 31
  • 32. dans l’univers des médias. Dès le début, l’application a été pensée comme une application de « second écran » 32 . Plus précisément, l’application a été développée en suivant deux objectifs : être utile aux chaînes de télévision et être facilement monétisable 33 . Lancée en octobre 2011 au Royaume-Uni, Zeebox permet d’avoir accès à des informations complémentaires sur le programme regardé, à des contenus recommandés en fonction du programme, de suivre les discussions qui ont lieu sur les médias sociaux à propos du show ou encore de jouer à des jeux. La principale innovation est le module « zeetags » : une série de tags cliquables. En fonction de ce que l’utilisateur regarde à la télévision, Zeebox est capable de connaître quelles sont les publicités qui vont être diffusées. Les zeetags se mettent à jour automatiquement en intégrant des liens vers les publicités en train d’être diffusées 34 . Figure 2.7 – Capture d’écran de l’application Zeebox lors du visionnement d’un programme, 2012. L’application est jusqu’ici un succès. Elle a été lancée en Australie et aux Etats-Unis en 2012. De nouveaux investisseurs ont été trouvés et de nouveaux partenariats ont été 32. Les applications de second écran (traduction littérale de l’expression anglaise : second screen) désignent les services destinés à être utilisés sur une tablette (les mobiles sont moins mis en avant avec ce type d’applications) pendant le visionnement d’un programme de télévision. 33. Stuart DREDGE, « Liveblog : Zeebox and Catagonia Capital talk future TV technology », MIP Blog, 31 mars 2012, http ://blog.mipworld.com/2012/03/liveblog-zeebox-and-catagonia-capital-futuretv/ [document consulté le 16 avril 2013]. 34. Kauser KANJI, « Zeebox & How Changing One Word in an Advertising Campaign Can Make Millions », VOD Professional, 24 février 2012, http ://www.vodprofessional.com/features/zeebox-howchanging-just-one-word-in-an-advertising-campaign-can-make-millions/ [document consulté le 16 avril 2013]. 32
  • 33. conclus avec de nombreuses chaînes de télévision. Il est difficile d’expliquer ce succès et plus encore de savoir s’il durera dans le temps. Néanmoins il est intéressant de constater que Zeebox s’est tout de suite positionnée comme l’application qui allait révolutionner la télévision. Plus encore, pour Anthony Rose, il n’y aura bientôt plus de distinction entre le premier écran (la télévision) et le second (la tablette) 35 . De leur côté, les chaînes de télévision sont également conscientes des évolutions des pratiques de leurs téléspectateurs et ont entrepris de développer leur propres applications de second écran. Que cela soit pour un programme en particulier ou pour l’ensemble des programmes d’un réseau de chaînes, ces applications ont connu un intérêt croissant en 2011 et 2012. Signe que l’application de second écran fait maintenant partie à part entière du paysage télévisuel, Variety a organisé une cérémonie afin de décerner des prix récompensant les meilleures applications 36 . La France n’est pas en reste sur ce secteur. A la fin de l’année 2012, TF1 et M6 ont fait évoluer leurs applications pour prendre en compte ces nouvelles opportunités : « MYTF1 Connect » (« retrouvez le live TF1 et interagissez avec vos programmes télé en direct depuis vos PC, mobiles et tablettes ») et « Devant ma TV » (« pour réagir en direct pendant les temps forts de votre programme ») ont ainsi vu le jour à quelques mois d’intervalle. Avec le développement des applications de second screen et des dernières applications de social TV, on remarque l’apparition d’un nouvel attribut commun à tous les dispositifs : l’importance de la présence des médias sociaux. 2.3.2 Redéfinir la relation entre émission et téléspectateurs Comme nous l’avons vu plus haut, les médias sociaux font aujourd’hui partie intégrante du concept de social TV. De nos jours, une application de social TV qui ne propose pas un service utilisant Twitter ou Facebook ne sera pas jugée comme une vraie application de social TV. Cet a priori s’explique par le fait que les médias sociaux sont considérés comme le nouveau watercooler. L’expression fait référence à une situation où les individus se retrouvent autour de la machine-à-eau (ou à café) pour discuter de ce qu’ils ont vu à la télévision la veille. Ce phénomène a été depuis longtemps identifié par les chaînes de télévision. Elles ont même développé des programmes conçus spécialement pour capitaliser sur cet intérêt à discuter les émissions de télévision. C’est par exemple le cas de Takling Dead où des invités discutent de la série The Walking Dead après la diffusion d’un épisode 37 . Mais le développement des médias sociaux a donné une nouveau souffle à cette pratique. Dorénavant, les individus discutent de leur programmes via Internet c’est le développement du « online watercooler » 38 . Plus précisément, c’est sur les médias sociaux que l’on retrouve ces discussions en très grand nombre. Cette évolution a directement été rattachée 35. Giovanni CARUSO, « "There will be no first or second screen" – An interview with Anthony Rose (Zeebox) », SocialTelevision.it, 4 mai 2012, http ://socialtelevision.it/2012/05/04/there-will-be-no-firstor-second-screen-an-interview-with-anthony-rose-zeebox/ [document consulté le 16 avril 2013]. 36. Dimitri GASULLA, « Variety sélectionne les meilleures applications Second Screen », Social TV et Engagement, 18 novembre 2012, http ://social-tv-et-engagement.fr/2012/11/18/variety-selectionne-lesmeilleures-applications-second-screen/ [document consulté le 16 avril 2013]. 37. Rachel DODES, « The New Water Cooler Is a TV Show », The Wall Street Journal, 10 février 2012, http ://online.wsj.com/article/SB10001424052970204369404577207230450080966.html [document consulté le 16 avril 2013]. 38. Brian STELTER, « TV Industry Taps Social Media to Keep Viewers’ Attention », The New York Times, 20 février 2011, http ://www.nytimes.com/2011/02/21/business/media/21watercooler.html [document consulté le 16 avril 2013]. 33
  • 34. au phénomène de la social TV 39 . L’idée est alors que les médias sociaux vont faire revivre l’ « esprit communautaire » de la télévision 40 . On retrouve également cette idée dans le discours d’Anthony Rose à propos de Zeebox : « Once upon a time, the whole village went to the cinema and got together and discussed the show. Now, everyone sits at home alone and discusses it the next day. Zeebox brings to you all the people you are watching with right now. You can set it up as appointment to view - when you pick up your iPad, you can ping them to say ’come watch with me’. » 41 A ce moment, la social TV cesse d’être seulement un moyen de recréer l’univers d’un salon idéal. Il ne s’agit plus seulement de permettre aux individus de communiquer avec leurs proches, mais de communiquer avec une communauté. La social TV se positionne alors comme un moyen de re-créer du lien social. Suite à ce constat, les chaînes de télévision ont pris l’initiative de capitaliser sur ce watercooler d’un nouveau genre. Des partenariats ont ainsi été noués avec Twitter et avec Facebook pour utiliser les discussions créées par les téléspectateurs. L’un des plus important fut celui réalisé entre Twitter et la chaîne de sport ESPN. Il s’agissait alors de créer un complément aux retransmissions des courses de Nascar en agrégeant les tweets des téléspectateurs mentionnant le hashtag #NASCAR sur une page spécialement développée par Twitter (ce fut la première page hashtag) 42 . Aujourd’hui encore, de nombreuses applications proposent d’agréger les conversations des téléspectateurs sur Facebook ou Twitter en un flux que l’utilisateur peut consulter 43 . Mais un nouvel enjeu est arrivé pour les chaînes de télévision. Le développement des médias sociaux et la place croissance qu’y occupe le contenu relatif à la télévision ont permis de questionner la relation entre les programmes et les téléspectateurs. Comme l’explique Albert Cheng (alors vice président du département "digital media" de Disney/ABC Television Group), « We know people are multitasking while they’re watching TV. The question is, how do we tap into that and create a whole different consumer experience ? » 44 . La problématique des chaînes de télévision est maintenant de concevoir des programmes qui prennent en compte les pratiques des téléspectateurs sur les médias sociaux et qui donnent à ces réseaux sociaux une place à l’antenne. En plus d’être un lieu de discussion à propos de la télévision comme nous l’avons vu 39. Richard KASTELEIN et Dick REMPT, « Social TV, The Virtual Watercooler ? », The Channel, 2010, http ://www.aib.org.uk/Resources/Rempt_Kastelein_SocialTV_2_2010.pdf [document consulté le 16 avril 2013]. 40. Steve RUBEL, « How social networking is reviving communal TV viewing », The Next Web, 1er octobre 2011, http ://thenextweb.com/media/2011/10/01/how-social-networking-is-reviving-communaltv-viewing/ [document consulté le 16 avril 2013]. 41. Robert ANDREWS, « Revealed : How Anthony Rose Plans To Revolutionise TV », paid Content, 2 août 2011, http ://paidcontent.org/2011/08/02/419-revealed-how-anthony-rose-plans-to-revolutionisetv/ [document consulté le 16 avril 2013]. 42. Natan EDELSBURG, « Twitter announces editorial partnership with NASCAR to complement broadcast », Lost Remote, 21 mai 2012, http ://lostremote.com/twitter-announces-partnership-withnascar-to-compliment-broadcast_b29673 [document consulté le 16 avril 2013]. 43. L’enjeu est alors de fournir du contenu susceptible d’intéresser les utilisateurs. En effet, reprendre l’intégralité des messages publiés par les téléspectateurs comporte le risque de distribuer du contenu à la qualité variable, redondant et en très grande quantité. Des solutions ont alors été inventées pour apporter une solution à ce problème. Par exemple, TF1 n’utilise que le contenu publié par des célébrités et Zeebox offre la possibilité de suivre un match de foot en lisant les messages des supporters de l’équipe que l’utilisateur choisit. 44. Brian STELTER, « TV Industry Taps Social Media to Keep Viewers’ Attention », op. cit.. 34
  • 35. plus haut, les médias sociaux sont également utilisés pendant la consommation d’un programme (figure 2.8). Les chaînes de télévision vont alors concevoir des programmes qui Figure 2.8 – Pourcentage de personnes dans le monde qui ont déjà utilisé les médias sociaux pendant qu’il regardait la télévision. Source : Nielsen, State Of The Media : The Social Media Report, 2012. font participer les téléspectateurs à l’émission qu’ils regardent via les médias sociaux. En 2011, MTV va ainsi permettre aux utilisateurs de voter pour les MTV Movie Awards en tweetant des hashtags sur Twitter (et aujourd’hui sur Instagram). Selon la même logique, la série Hawaii Five-0 laisse les téléspectateurs choisirent la fin de la saison. Ils pouvaient voter via différents mécanismes et applications pour définir le coupable et ainsi orienter l’épisode vers trois fins différentes. Une autre tendance de plus en plus développée par les chaînes de télévision est la diffusion à l’antenne de contenus crées par les téléspectateurs. L’exemple le plus commun est l’intégration de tweets à l’écran pendant une émission. C’est par exemple le cas de l’émission politique française mots croisés. Mais déjà des émissions invitent les téléspectateurs à leur envoyer des vidéos pour les diffuser pendant l’émission (America’s Next Top Model ). Dernier axe à être développé par les chaînes de télévision : l’encouragement des téléspectateurs à commenter l’émission qu’ils regardent. Cela se traduit généralement par l’intégration de hashtags à l’antenne et par des relais de cette invitation sur tous les espaces de la chaînes (site Internet, page Facebook, compte 35
  • 36. Twitter, etc.). Par exemple, lors de la première saison de La Belle et ses princes charmants sur la chaîne W9, le hashtag de l’émission était affiché pendant les moments forts de l’épisode pour inciter les téléspectateurs à tweeter. 2.3.3 La social TV : un nouveau « contrat » Toutes les initiatives que nous énumérées dans les deux derniers points relèvent de ce qui est aujourd’hui communément dénommé « social TV ». Comme nous pouvons le voir, il s’agit principalement de faire participer le téléspectateur au déroulement du programme et le faire participer aux conversations en ligne autour du programme. La relation entre le téléspectateur et l’émission a donc changé. Ce dernier n’est plus simplement un individu qui reçoit et consomme un programme, c’est également un individu qui influence ce qu’il regarde. Il ne s’agit pas pour nous de savoir si le téléspectateur à davantage de pouvoir qu’avant, si ces choix ont réellement un impact ou bien s’il n’en avait pas déjà avant. Ce qui nous importe, c’est de relever que le contrat entre le téléspectateur et l’émission a été modifié. Le concept de « contrat de lecture » a été développé par Eliseo Veron en 1985. Il visait à définir, pour le secteur des magazines féminins, « des positionnements et des identités spécifiques, au-delà d’une grande similarité de contenus thématiques » [GARNIER(2011), p. 51]. Le contrat désigne « la relation qui engage l’organisation vis-à-vis de ses publics, dans son univers de concurrence » [JEANNERET et PATRIN-LECLERE(2004), p. 137]. Grâce à cet outil, nous allons pouvoir caractériser plus précisément la social TV. Cela nous permettra ensuite de construire une définition fonctionnelle de la social TV. En se référant au concept contrat de lecture, on conclut aisément que c’est bien le « contrat d’émission » que la social TV vient modifier. La relation entre les téléspectateurs et l’émission n’est plus la même. A première vue, la social TV serait caractérisée par la volonté de faire participer le téléspectateur à l’émission. Mais il apparaît rapidement que la réduction de la social TV à cet aspect n’est pas tenable. En effet, cette promesse est également celle du « journal interactif » de la chaîne Direct 8 qui donnait la parole à des téléspectateurs invités sur le plateau pour poser des questions aux invités [DE MONTETY et PATRIN-LECLERE(2011), p. 24]. L’autre problème est que l’impératif de participation exclut des services où l’utilisateur ne participe pas directement à l’émission, mais aux conversations autour de l’émission. De même, cet impératif exclut les expériences où l’on ne propose pas à l’utilisateur de « participer » mais simplement de consommer différemment un programme de télévision (avec des prolongements sur Internet, avec l’aide d’une application de second écran, etc.). Nous concluons alors que, d’une part, la social TV est nécessairement liée à la technique et, d’autre part, que sa promesse est d’un ordre plus général que la participation. En effet, c’est davantage une nouvelle appréhension du téléspectateur par les chaînes de télévision qui est mise en jeu. Celui-ci possède maintenant plus de choix dans la construction de sa consommation de télévision. Là où, auparavant, le téléspectateur était un individu qui regardait la télévision à une heure donnée, il est maintenant un individu qui peut faire d’autres activités pendant qu’il regarde la télévision. Plus encore, l’écran de télévision n’est plus le seul endroit où l’expérience télévisuelle se déroule. Elle peut très bien se prolonger sur Internet. D’une manière générale, les chaînes de télévision ont moins de contrôle sur l’expérience télévisuelle du téléspectateur. C’est, à mon avis, ici que réside le point primordial de la social TV : créer une expérience télévisuelle plus souple. 36
  • 37. Nous pouvons alors définir la social TV de la façon suivante : La social TV désigne les interactions informatisées entre les individus à propos d’un contenu télévisuel ou les activités informatiques qu’ils effectuent avec ce contenu. 45 Pour résumer, la social TV préfigure une nouvelle forme de télévision, ou, tout du moins, un nouveau contrat entre le téléspectateur et la chaîne. Un des aspects que l’on retrouve régulièrement dans les discours accompagnant la promotion de la social TV est que ce phénomène redonnerait de la valeur au direct 46 . Un élément est plus particulièrement mis en avant pour justifier cet point : les conversations. La principale valeur de la social TV résiderait dans les conversations en ligne générées par les téléspectateurs 47 . Cet argument est intéressant car il montre que les discours autour de la social TV s’inscrivent dans une problématique beaucoup plus vaste. Après avoir défini la social TV, il nous faut maintenant comprendre comment elle est perçue par les différentes acteurs et comment ceux-ci comptent assurer son développement. Dans le chapitre suivant, nous allons nous intéresser aux discours qui accompagnent la social TV. Dans un premier temps, nous verrons qu’ils s’appuient sur une problématique commune à l’ensemble des médias. Ensuite, nous tacherons de dresser une typologie des acteurs de la social TV et de leurs stratégies. Enfin, nous terminerons en analysant les différentes façons de monétiser la social TV à l’aide de la publicité. 45. Cette définition est inspirée de celle de Futurescape, un cabinet de recherche spécialisé sur la social TV [FUTURESCAPE(2012)]. 46. Nilay PATEL, « NBC’s Vivian Schiller : social media has made live TV essential again », The Verge, 14 novembre 2012, http ://www.theverge.com/2012/11/14/3643722/vivian-schiller-social-media-live-tvessential-again [document consulté le 16 avril 2013]. 47. Vincent GLAD, « Live-tweet : le retour de la grand-messe télévisuelle », Slate.fr, 16 mars 2013, http ://www.slate.fr/story/69277/live-tweet-grand-messe-television [document consulté le 16 avril 2013]. 37