Mémoire de Master 2011
Prix spécial du Jucy du CMD
http://www.cercle-md.com/Le-Prix-du-Cercle-2011-est-decerne-a_a433.html
sur : http://msmoi.wordpress.com/2012/02/13/portrait-de-bloggueuse-marie-trocme/
Mémoire Master MOI 2010 Storytelling Anne-Claire Heurgon
Marie Trocmé - blogueuses influentes
1. Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Master 2 MOI classique 2010/2011
Les blogueuses influentes :
un outil de prescription ?
Marie Trocmé
UFR SEGMI : Département gestion
2. TABLE DES MATIERES
1. Introduction ............................................................................................................................ 1
2. Le cadre d’analyse .................................................................................................................. 3
2.1 La blogosphère ............................................................................................................ 3
2.2 Passage en revue des différentes typologies : de la communauté virtuelle à la
blogosphère .................................................................................................................... 10
2.3 Les bloggeurs influents: quels enjeux, quels risques ? ............................................. 19
2.4 De l’influence à la prescription ................................................................................. 24
2. Hypothèses ........................................................................................................................... 29
4. Méthode ............................................................................................................................... 31
4.1 La définition du type de recherche ........................................................................... 31
4.2 Le plan d'échantillonnage et la méthode de recueil ................................................ 32
4.3 La définition des variables ........................................................................................ 33
4.4 Le traitement des données ....................................................................................... 35
5. Etude de cas ......................................................................................................................... 39
5.1 Mango and Salt ......................................................................................................... 39
5.2 Les filles pensent que................................................................................................ 48
5.3 Melle Dubndidu ........................................................................................................ 53
5.4 Ela Wood ................................................................................................................... 60
5.5 Mon blog de fille ....................................................................................................... 65
5.6 Pénélope Bagieu ....................................................................................................... 73
6. Discussions ........................................................................................................................... 76
Conclusion ................................................................................................................................ 83
Bibliographie ............................................................................................................................ 84
Liste des figures, graphiques et tableaux ................................................................................. 86
Annexe ...................................................................................................................................... 88
3. 1. INTRODUCTION
En mars 2005, Claire ouvre le blog « Journal de ma peau ». Chaque jour, elle décrit son
utilisation des produits cosmétiques Vichy avec enthousiasme. Mais quelques jours plus
tard, les lecteurs et la blogosphère découvrent la supercherie : ce n’est pas une fille coquette
qui se cache derrière le clavier mais une armée de marketeurs de la marque Vichy. Sur
internet, les moqueries fusent et la marque est obligée de présenter ses excuses.
Maladroite, la marque Vichy avait pourtant compris le support qui ferait la communication
de demain : les blogs. Face à une méfiance voire un rejet grandissant des messages
publicitaires calibrés, les consommateurs ont trouvé dans les blogueurs des alliés de choix.
Grâce à leur indépendance, leur franc-parler et leur libre arbitre, les blogueurs sont une
source d’information bien plus fiable aux yeux de certains consommateurs que les marques
elles-mêmes. Ils peuvent en quelques clics lancer un produit ou bien signer sa mise à mort.
Les entreprises ne sont alors plus les seules maîtres de leur communication, il faut désormais
prendre en compte ce qui se dit sur internet et plus particulièrement sur la blogosphère.
Certains écrivent d’ailleurs avec une certaine dérision : il n’est donc plus nécessaire de
prouver que l’on est le meilleur, il suffit juste que les autres le disent et la confiance fait le
reste. Et voilà, tout l’enjeu : comment inciter les blogueurs à dire du bien d’un produit ou
d’une marque ?
Certaines plateformes se sont alors spécialisées dans la mise en relation des marques et des
blogueurs ; elles proposent aux blogueurs de tester des produits et de les prescrire. D’autres
entreprises se chargent elles-mêmes de contacter des blogueurs souvent avec une grande
maladresse. En effet, généralement ignorantes des codes sous-jacents de la blogosphère et
de la susceptibilité des blogueurs, les entreprises sont souvent désemparées face à un outil
qu’elles maitrisent mal.
Nous tenterons donc d’analyser quels sont les mécanismes qui sont à l’origine de l’acte de
prescription des blogueurs. Afin de mettre en valeur les facteurs déterminants de la
prescription, nous analyserons six cas de blogueuses influentes françaises qui sont chaque
jour sollicitées de manière plus ou moins pertinente par des entreprises ou des marques.
Nous avons décidé de nous concentrer sur la blogosphère féminine, non pas par
engagement, mais parce que les sujets abordés sur la blogosphère féminine sont les plus
rentables de la blogosphère. Outre des sujets, comme la mode ou le maquillage qui
s’adaptent naturellement à la prescription, les blogueuses semblent aussi plus ouvertes aux
propositions. Ayant cerné le réel potentiel commercial des blogueuses, les entreprises les
sollicitent bien plus que leurs homologues masculins.
Une analyse descriptive de ces six blogueuses nous permettra différencier plusieurs
attitudes face à l’acte de prescription et de fournir des recommandations aux entreprises qui
souhaiteraient approcher des blogueurs.
1
4. Pour ce faire, le cadre d’analyse nous permettra d’exposer les bases théoriques nécessaires
à l’analyse empirique. Après avoir identifié les tendances de la blogosphère et tenté d’en
imaginer les évolutions, nous passerons en revues différentes typologies. Ces typologies
nous permettrons de croiser diverses façons d’appréhender la blogosphère. Nous nous
concentrerons ensuite sur les différents risques et enjeux que recouvre la notion de
blogueur influent. Pour finir, après avoir expliqué brièvement la théorie de la prescription,
nous nous focaliserons sur la prescription en ligne.
En nous appuyant sur ce cadre théorique, nous dégagerons quatre propositions concernant
les enjeux qui nous semblent déterminants sur la blogosphère et sur le lien qui existe entre
les blogueuses et la prescription.
La partie méthode nous permettra d’expliciter la façon dont nous avons choisi les six
blogueuses qui nous serviront de cas pratique et de détailler les différents critères que nous
avons sélectionnés.
A travers le prisme de trois critères, nous analyserons tour à tour les six blogueuses choisies.
Le support de cette étude de cas sera principalement constitué de verbatim que nous aurons
récolté sur leurs blogs mais aussi des différentes traces qu’elles auront laissées sur internet.
La partie discussion nous donnera l’occasion d’effectuer une synthèse des résultats, à l’aide
d’un tableau récapitulatif et d’un mapping, et de dégager quatre profils de blogueuse.
L’analyse faite de ces six cas nous permettra aussi de répondre aux propositions exposées
dans la troisième partie. Enfin, nous proposerons 9 recommandations aux entreprises afin de
les aider dans leurs futures approches de blogueuses.
Nous conclurons dans la dernière partie, en reprenant les résultats essentiels de notre étude
après en avoir précisé le cheminement et tenterons de réfléchir sur les futures pistes
d’études à mener.
2
5. 2. LE CADRE D’ANALYSE
2.1 LA BLOGOSPHERE
Depuis 2004, Technorati, un moteur de recherche spécialisé dans le domaine des blogs,
publie son rapport annuel sur l’état de la blogosphère dans le monde. Cette étude qui
s’appuie sur l’analyse de plus d’un million de blogs fait figure d’autorité dans le domaine
Afin de mieux cerner les différents blogueurs, Technorati les divise en 4 catégories :
- les « Hobbyist » : ces sont les internautes qui bloguent par plaisir et considère cette activité
comme un passe-temps
-Les « Part Timer » : ce sont des semi-professionnels, ils n’arrivent pas à vivre totalement de
leur activité mais génèrent tout de même un revenu.
- Les « Corporate » : ce ne plus des particuliers mais bien des employés d’une entreprise qui
tiennent un blog.
-Les « Self-Employed » : ce sont les auto-entrepreneurs, ces internautes vivent de leur blog
mais ne sont rattachés à aucune entreprise.
Ces quatre profils nous permettent de mettre en valeur deux grandes catégoies de
blogueurs sur la blogosphère : les blogueurs amateurs, les Hobbyist, et les blogueurs semi-
professionnels et professionnels, les Part Timer, Les Corporate et les Self-Employed.
Afin de compléter ces données à l’échelle mondiale par des données plus francophones,
nous nous appuierons aussi sur l’étude publiée par ConseilsMarketing.fr sur les blogueurs
francophones, réalisée auprès de 425 participants.
2.1.1. DEMOGRAPHIE DE LA BLOGOSPHERE
D’après le graphique ci-dessous, on constate que 2/3 des blogueurs sont des hommes et
ce, indépendamment de leur activité sur la blogosphère.
3
6. Graphique 1 : Le genre des blogueurs dans le monde en 2010 – Technorati (2010)
Cette sous-représentation dans la blogosphère des femmes pourrait être contrebalancée par
une influence plus importante. Mais, dans les faits, lorsque l’on observe les classements de
blogs tel Wikio les femmes sont sous représentées et sont jusqu’à trois fois moins visibles
que les hommes. Dans la catégorie politique, qui n’est pas un thème traditionnellement
sexué comme le scrapbooking ou la catégorie High Tech, la première femme est en dix-
neuvième place, et ce n'est pas une blogueuse anonyme, il s'agit de Corinne Lepage. Même
constatation lors des assises du Net qui se sont déroulées en mai 2011, seule une femme
sur une dizaine de bloggeurs avait été invitée par le secrétaire d’Etat.
Dans l’étude réalisée par ConseilsMarketing.fr, la majorité de la blogosphère francophone a
moins de 30 ans, avec 31% de moins de 25 ans et 27% qui ont entre 26 et 30 ans. L’étude de
Technorati nous donne plus de détails sur l’âge des blogueurs selon leur activité. Sans
surprise, les Hobbyist et les Part Timer ont entre 25 et 34 ans. D’un autre côté, les Self-
Employed ont en majorité en 35 et 44 ans.
On pourrait donc décrire cette relation entre l’âge du blogueur et sa professionnalisation :
plus l’âge des blogueurs est élevé, plus l’activité de blogging se professionnalise.
Graphique 2 : L’âge des blogueurs dans le monde en 2010 – Technorati (2010)
Le lieu de résidence et le niveau d’éducation ont aussi leur importance. Selon l’étude publiée
par ConseilsMarketing.fr, 38% des blogueurs interrogés habitent Paris et sa banlieue et 14 %
habitent soit Lyon, Marseille, Lille ou Bordeaux. Au total plus de la moitié des blogueurs se
concentre dans 5 grandes villes de France.
4
7. De son côté, Technorati a établi que 88% des blogueurs avaient au moins leur baccalauréat
et que 60% faisaient des études supérieures.
2.1.2. L’ACTIVITE DE BLOGGING
Selon l’étude de ConseilsMarketing.fr, 60% des blogueurs francophones bloguent depuis au
moins deux ans. L’activité de blogging n’est donc pas un phénomène éphémère mais s’inscrit
bien dans la durée. Si l’on se concentre sur les différents profils, les Hobbyist, les Part Timer
et les Self Employed sont en majorité présents dans la blogosphère depuis 2 à 4 ans alors
que la majorité des Corporate tiennnent un blog depuis plus de 6 ans.
Graphique 3 : La durée dans le monde en 2010 – Technorati (2010)
Cette présence sur la blogosphère n’aurait aucune pertinence si elle n’était pas mise en
parallèle avec la fréquence de post et les thèmes abordés.
La moitié des blogueurs francophone consacrent de 30 minutes à 1 heure par jour à bloguer.
Cette tendance se confirme avec tous les blogueurs non professionnels : leur pratique reste
modérée. Mais chez les blogueurs qui ont plus de 500 visiteurs par jour, 40% d’entre eux
consacrent plus de 2h par jour à bloguer.
L’étude de ConseilsMarketing.fr nous permet donc d’établir une seconde relation : plus un
blogueur a de visiteurs, plus le temps passé par jour pour bloguer est important.
5
8. Graphique 4 : le temps hebdomadaire passé à bloguer en 2010 – Technorati (2010)
Bloguer ne prend pas beaucoup de temps mais la régularité est importante pour fidéliser le
lecteur. Selon ConseilsMarketing.fr 70% des bloggeurs écrivent au moins 10 articles par mois
soit 2 articles par semaine.
Outre la fréquence des posts, les résultats de l’étude de Technorati concernant les thèmes
abordés montre que le champ est vaste et dense. Et le listing qui était proposé aux sondés
n’a pas suffit car 30% répondent que leur sujet principal n’était pas listé : il y a donc
énormément de niches. Le thème le plus abordés par les blogueurs pourrait être traduit par
« rêverie personnelle », 45% des blogs sont donc des blogs généralistes et plutôt personnels.
Graphique 5 : Les sujets abordés par les blogueurs en 2010 – Technorati (2010)
6
9. 2.1.3. LES BLOGS ET LES RESEAUX SOCIAUX : COMPLEMENTAIRE OU CONCURRENT ?
La question centrale qui articule la relation entre l’activité de blogging et les réseaux sociaux
est la suivante : les réseaux sociaux sont-ils complémentaires aux blogs ou au contraire, les
blogs sont-ils en concurrence avec réseaux sociaux ? On assiste à deux tendances qui vont
dans le sens contraire.
Dans l’étude menée par Conseilsmarketing, 15% des blogueurs déclarent moins poster à
cause de Facebook ou Twitter. L’instantanéité des réseaux sociaux, qui permet de poster
une vidéo, une photo ou de retweeter un article intéressant, rend les internautes plus
paresseux. Le succès du site www.minutebuzz.com en est la preuve : les articles ne sont
souvent pas plus longs que des posts sur Facebook et l’information se trouve sous forme de
photos ou vidéos. L’idée serait que les gens n’ont plus le temps de lire des blogs et leurs
analyses : il faut de l’information, courte et vite.
Face à cette tendance de l’information fastfood, 20 % déclarent poster davantage et 25%
lisent plus d’autres blogs grâce aux réseaux sociaux. L’utilisation des réseaux sociaux est
donc une source d’inspiration et permet aux blogueurs de tisser des liens dans la
blogosphère. La seule concurrence qu’exerce un outil comme Twitter sur les blogs concerne
les commentaires : 20% déclarent être plus enclin à tweeter un commentaire qu’àle laisser
sur le blog. Les réseaux sociaux sont ainsi utilisés comme des relayeurs et des tremplins pour
attirer une audience toujours plus large. Les widgets, Facebook et Twitter sont d’ailleurs tout
aussi incontournables que les flux RSS pour attirer du trafic. La preuve en est que dans
l’étude menée par Technorati, toutes catégories de blogueurs confondus, 66% déclarent
utiliser les réseaux sociaux en complément de leur blog et 77% les flux RSS.
Aujourd’hui, Google est même sérieusement concurrencé par les réseaux sociaux en ce qui
concerne le référencement des blogs. Comme le montre le graphique ci-dessous, 50% des
blogueurs considèrent que Google est un élément important pour attirer des visiteurs alors
65% font plus confiance à Facebook et 66% à Twitter.
7
10. Graphique 6 : Les outils qui apportent des visiteurs aux blogs en 2010 – Technorati (2010)
8
11. On voit donc que les moyens d’accéder à un blog sont nombreux et variés, et c’est cette
abondante source d’information qui pourrait être à l’origine d’une transformation de la
blogosphère et de ses acteurs.
2.1.4 QUELLE EVOLUTION POUR LA BLOGOSPHERE ?
Dans un article intitulé “The Three C’s of Information Commerce: Consumption, Curation,
Creation”, Brian Solis (2011) nous explique ce qui selon lui sera le futur du blogging.
Ce que Solis appelle notre graphe social (l’ensemble de nos relations en ligne) est en train
d’évoluer. Alors qu’auparavant il était constitué de communautés assez indifférenciées, ces
relations sont en train de muter : on est aujourd’hui connecté à des gens qu’on ne connait
pas obligatoirement mais avec qui on a des centres d’intérêts communs. Ce nouveau graphe
est appelé le graphe d’intérêts. Les récentes évolutions de Facebook avec la possibilité de
partager un contenu particulier avec une cible particulière en est un exemple.
Cette évolution du graphe social va alors être la solution face à la surabondance
d’informations sur internet. Cette constitution de groupe va permettre aux internautes de
diffuser aux bonnes personnes le bon contenu et permettre à ce même contenu d’avoir une
résonnance plus importante.
« Aujourd’hui comme chacun peut émettre et diffuser comme une petite station de TV, vous
parlez à une audience qui a son audience qui a son audience qui a son audience…. etc (…)
C’est facile d’avoir un Retweet, beaucoup moins d’en avoir tout le temps, et pourtant c’est la
seule manière de garder en vie des choses sur le web, où les contenus explosent et où tout
le monde se bat pour votre attention ».
De cette idée part alors le concept de « Curation ». Selon Solis, les internautes sont divisés
en 3 types :
-Les consommateurs qui consomment de l’information mais ne la font pas partager. Selon
Forrester, cette catégorie représenterait 70% des utilisateurs de réseaux sociaux.
-Les « curators » qui est le terme anglais qui désigne un conservateur de musée et dont le
rôle, dans ce contexte, n’est pas si différent de son acceptation initiale : il découvre,
organise, hiérarchise et partage des informations importantes et ce grâce à une utilisation
pertinente de son graphe d’intérêt.
-Les créateurs et l’élite qui produisent du contenu par l’intermédiaire principalement de
blogs.
9
12. Figure 1 : Les 3 C de Brian Solis (2011)
Les années à venir seront donc marquées par l’arrivée de ce nouvel internaute et par le
développement de plateformes telles paper.li : un journal en ligne relayé par Facebook et
Twitter. Le consommateur statique pourrait donc se convertir en curator productif et
pourquoi pas ensuite en créateur.
Cet aperçu de la blogosphère nous permet donc de dresser un portait type du blogueur : un
homme, éduqué et citadin qui bloguerait de façon journalière et fréquente. Il serait
toutefois difficile de dégager un sujet majeur sur la blogosphère : les thèmes abordés sont
extrêmement hétéroclites. On peut, par contre, affirmer que les réseaux sociaux font partie
intégrante de leur stratégie de visibilité : plus ils multiplient leur présence sur les réseaux
sociaux et plus ils sont visibles dans une blogosphère toujours plus riche. C’est d’ailleurs
cette densité et cette abondance qui fait apparaître un nouvel acteur : le curator.
2.2 PASSAGE EN REVUE DES DIFFERENTES TYPOLOGIES : DE LA COMMUNAUTE
VIRTUELLE A LA BLOGOSPHERE
2.2.1 LES E-TRIBUS DE KOZINETS
A) DES COMMUNAUTES AUX COMMUNAUTES ONLINES
Avec l’arrivée de la post-modernité et d’internet, les communautés ont muté. Alors
qu’autrefois, on naissait dans un endroit et que l’on s’inscrivait dans les communautés de
celui-ci (famille, religion…) les internautes ont aujourd’hui la possibilité de s’affranchir des
contraintes d’espace et de se tourner vers d’autres communautés. La postmodernité est
10
13. d’ailleurs définie par certains auteurs (Maffesoli 1988 et Fearthstone, 1991) comme une
tentative de recomposition sociale.
Décrire et trouver un nom à ces nouvelles communautés « post-modernes » a été et est
encore aujourd’hui une source de difficulté.
Howard Rheingold (1993) a été le premier à utiliser le mot de « communautés virtuelles » dont
il en fait la définition suivante : « agrégations sociales qui émergent à travers le Net, où les
personnes portent assez longuement en public des discussions pour former des
enchaînements, des rapports personnels dans l'espace virtuel ».
Cette définition reprend alors les 3 concepts fondamentaux qui identifient selon Krap et al.
(1977) une communauté :
-la continuité de l’interaction sociale
- les valeurs partagées
-un espace géographiquement non délimité
Mais pour Kozinets (1999) ce terme de virtuel est trompeur : il pourrait impliquer que les
communautés sont moins « réelles » que les communautés « physiques ». Il ajoute d’ailleurs
que« ces groupes sociaux ont une « réelle » existence de leurs participants, et ont ainsi des
conséquences sur plusieurs aspects du comportement, celui du consommateur inclus ». Ce qui
conduit Kozinets à utiliser le terme « communautés online ».
L’individu dépasse alors la notion d’individualité et s’inscrit ainsi dans un réseau constitué
d’une variété de liens l’attachant à une ou plusieurs communautés de référence. Mais sans
forcément se lier à vie à cette communauté, comme le précisent Charbit et Fernandez (2003)
« la communauté « post- moderne » est plus volatile, et plus éphémère, chacun des membres
gardant le libre choix de s’en extraire quand bon lui semble ».
L’e-tribalisation, comme la nomme aussi Kozinets, a alors des conséquences notoires sur le
comportement du consommateur. Le consommateur ne chercher plus dans la
consommation un moyen direct de donner un sens à sa vie, mais un moyen de se lier aux
autres dans le cadre d'une ou plusieurs communautés de référence. Ce sont ensuite ces
communautés online qui vont lui permettre de donner un sens à sa vie. Comme l’analyse Cova
(1995), la consommation n’est donc plus le lien social mais un outil au service du lien social.
Afin de réellement comprendre ce qu’implique une communauté online, Kozinets a
conceptualisé le développement d’un individu dans une communauté online.
Dans un premier temps, l’utilisateur « rode », parcourt les informations sur internet : il lit mais
n’écrit pas. Il se contente de sites institutionnels et officiels. Mais le plus il devient
expérimenté, le plus il se dirige vers des contre-pouvoirs : il fréquente les communautés
online, s’informe, questionne les utilisateurs en privé ou en public et devient un participant du
groupe de discussion. Cette relation entre les différents membres est toutefois soumise à des
11
14. règles, des normes langagières : dans les forums, par exemple, le langage SMS est proscrit, les
majuscules sont utilisées pour « crier », etc. Ces normes passent aussi par la prise en compte
de la structure hiérarchique et des statuts des différents utilisateurs. Ce qui au départ était
une simple recherche d’information se trouve transformée en communauté.
Figure 2 : L’évolution d’un individu dans une communauté en ligne - Kozinets –(1999)
B) LES TYPES DE COMMUNAUTES VIRTUELLES
A partir de là, comme le montre le schéma ci-dessous, Kozinets identifie 4 types de membres
dans les communautés virtuelles selon 2 critères, la relation que l’individu entretient avec
l’activité de consommation et l’intensité de la relation entre les autres membres de la
communauté :
Figure 3 : Types de membres dans les communautés online - Kozinets (1999)
12
15. - Les touristes (« the tourists ») : entretiennent très peu de liens sociaux avec les autres
membres de la communauté et ont un intérêt superficiel voire passif dans l’activité de
consommation.
- La mêlée (« the minglers »), ils ont le même intérêt dans l’activité de consommation que les
touristes mais sont très impliqués dans la communauté.
- Les dévots (« the devotees ») sont les opposés de la mêlée, ils ont un intérêt fort pour
l’activité de consommation mais n’ont que peu d’attache à la communauté.
- Les initiés (« thes insiders ») sont très actifs dans la communauté et ont une activité de
consommation très importante.
C) DES INTERACTIONS SPÉCIFIQUES
Les dévots et les touristes ne se mêlent pas à la communauté par plaisir mais parce qu’ils ont
un dessein, comme celui de s’informer sur un nouveau produit. Leur but n’est donc
absolument pas altruiste, ils utilisent les communautés mais n’y participent pas. Ils reçoivent
mais sans donner en échange: ils sont individualistes.
Au contraire, la mêlée et les initiés sont des êtres sociables : leur contact avec les autres n’a
pas de but précis, ils aiment échanger et confronter leur idée. Leur vision et leur action sont
désintéressées, ce sont ceux qui, par exemple, répondent systématiquement aux nouveaux
utilisateurs. Ils ont une vision orientée à long terme.
Kozinets distingue ensuite deux objectifs qui motivent les internautes à participer aux
communautés onlines : soit autotélique, c'est-à-dire qui n’a d’autre but que de distraire, soit
instrumentale, qui vise un but précis.
Les interactions sont alors classées en 4 types :
- Récréatives : les utilisateurs veulent satisfaire leur besoins primaires et à court terme. Ces
interactions ont souvent la forme de discussions courtes et instantanées : ce sont, par
exemple, les chats. La mêlée ainsi que les touristes utilisent souvent cette forme de
communication
- Transformationnelle : les utilisateurs veulent atteindre un objectif à long terme et sont très
impliqués. Ce sont, par exemple, des activistes qui demandent des packagings plus
écologiques et responsables. Ces actions sont souvent organisées par les initiés et sont
ensuite suivies par les dévots.
Dans les deux dernières interactions, informationelle et relationelle, Kozinets reprend son
raisonnement de l’évolution d’un individu dans une communauté en ligne : l’individu
fréquente d’abord les communautés pour s’informer et satisfaire son intérêt personnel
13
16. (informationelle) et progressivement, à force d’échange, il se retrouve à être un membre à
part entière et s’implique dans la communauté (relationnelle). Le schéma ci-dessous résume
ce cheminement :
Figure 4 : les modes d’interactions dans les communautés onlines – Kozinets (1999)
2.2.2 LES TROIS POLES DU CAPITAINE
Cette 2ème typologie a été développée par Laurent Gloaguen (2004), surnommé le Capitaine,
blogueur du très célèbre blog Embruns. Selon lui, la blogosphère se divise en 3 pôles :
Le premier est le Pôle Weblogue, qui est un recueil de lien. Ce pôle qui est le « pôle originel »
est aujourd’hui singulièrement dépeuplé. Il cite en exemple le Petit Canclaux 1, Manur2 et
Iokanaan3.
Le Pôle Diariste est représenté principalement par les journaux intimes. Cette catégorie est,
au contraire, sur-représentée sur la blogosphère et est composée d’internautes de tout âge,
sexe, conditions sociales, etc. La création de plateformes très intuitives et gratuites, comme
Skyrock, ont participé à l’expansion de cette forme de blogging.
Le Pôle Thématique est constitué de blogs spécialisés. Ce sont des blogs qui sont soit mono-
thématiques, soit multi-thématiques mais qui restent dans les thématiques sérieuses. Les
thèmes choisis sont très variés mais le blogueur se positionne en tant que spécialiste.
1
http://la.cote.free.fr/canclaux/blog.html
2
http://manur.org/
3
http://iokanaan.net/
14
17. Le schéma ci-dessous est la représentation de la blogosphère selon Laurent Gloaguen : le
plus il y a de points rouges, le plus le pôle est saturé. Quant au point noir, c’est le barycentre
de la blogosphère.
Figure 5 : Typologie de la Blogosphère selon Laurent Gloaguen (2004)
2.2.3 LES DIFFERENTS CERCLES DE LA BLOGOSPHERE
Dans son livre « Créer, trouver et exploiter les blogs », l’universitaire Olivier Ertzscheid
(2008), dresse à son tour une typologie de la blogosphère. A partir de deux axes, l’abscisse
différenciant les blogs individuels et collectifs et l’ordonnée qualifiant le sujet du blog, il a
établi différents cercles de blogs.
Figure 6 : la blosphère selon Olivier Ertzscheid (2008)
15
18. Le premier cercle, concerne principalement les Metablog et inclus aussi à moindre mesure
les sites professionnels, les institutions et entreprises. Ce premier cercle concerne les blogs
qui « signalent » c'est-à-dire qui délivrent de l’information sans analyse. Les méta-blog par
exemple, sont constitué de liens : le blogueur ne donne pas son avis, il propose à ses lecteurs
des informations « pures».
Le second, cercle qu’il qualifie « d’analyses », concerne des blogs principalement
thématiques et professionnels. Ce sont des blogs qui ont une dimension réfléchie, les
auteurs de ces blogs partagent leurs idées, leurs convictions et se basent sur des données
chiffrés ou du moins, fiables. Peuvent être cités, les blogs journalistiques, de recherche mais
aussi des associations. Dans ces blogs, les auteurs engagent leurs paroles d’officiels mais ne
s’engagent pas de façon personnelle.
Dans le troisième et dernier cercle, ce situent les blogs dits de « réflexions ». Ces blogs
concernent principalement les blogs où le sujet s’implique personnellement. Le blog devient
une façon de s’affirmer à travers sa vie personnelle, un hobby ou des opinions politiques. Ce
sont par exemple, les journaux intimes, les blogs politisés ou les blogs de loisirs.
2.2.4 BLOGOSPHERE : LA PRODUCTION DE SOI COMME TECHNIQUE RELATIONNELLE
Dominique Cardon et Hélène Delaunay-Teterel (2006) ont établi une typologie de la
blogosphère en se concentrant sur la dimension relationnelle que les blogueurs
entretiennent avec leurs lecteurs. La définition qu’ils font des blogs permet de mieux cerner
leur approche et leur vision de la blogosphère : les blogs sont, selon eux, « un outil de
communication permettant des modalités variées et originales de mises en contact. ». Afin
de réaliser cette typologie, ils se sont appuyés sur des critères qualitatifs, comme, par
exemple les commentaires,.
Ils ont alors mis en relation le rapport énoncé/énonciation, le mode de communication et la
forme du réseau et ce qui les a conduits à établir à établir 4 types de blogs :
16
19. Figure 7: Quatre modèles de blogs d’après Cardon et Delaunay-Teterel (2006)
A) LE BLOG INTIMISTE
Le premier type de blog identifié par Cardon et Delauney-Terel est de type journal intime.
Ces blogs « libèrent à la fois l’énonciation qui se charge de multiples traces de subjectivité et,
de façon conséquente, l’énoncé, qui peut prendre des libertés avec les conventions
langagières ordinaires.».
Ces blogs n’ont pas besoin de se confronter à d’autres points de vue, ils sont presque en
autarcie. Le message n’est pas adressé à quelqu’un en particulier et ils n’ont pas besoin de
commentaires pour survivre.
Toutefois le blogueur utilise des pseudonymes car le contenu du blog touche à l’intimité et
au personnel, il « partage des intériorités ». Le blogueur n’est donc plus dans une relation
sociale ordinaire mais il développé une « sociabilité extraterritoriale» : il ne veut plus la
reconnaissance de proches et ne souhaite surtout pas être démasqué par ceux –ci. Il cherche
à cloisonner sa vie réelle de cette vie virtuelle : le public du blog est donc restreint, comme
un Halo et s’organise en étoile avec au centre de l’attention le blogueur.
17
20. B) LE BLOG FAMILIER
Matthieu Paldacci (2006) distingue bien les blogs intimistes des blogs familiers. Alors que
nous venons de voir que les blogs intimistes s’inscrivaient dans une sphère extraterritoriale
les blogs familiers regroupent proches et inconnus. Ce second type de blog se concentre sur
la description de l’environnement et des activités quotidiennes du blogueur. S’il dévoile des
détails de sa vie privée, il n’est pas du tout dans l’introspection car ses énoncés sont soumis
à la contrainte d’un public de proches.
Cette exposition de l’intime varie en fonction de l’âge et du sexe des personnes, les
adolescents, par exemple, sont plus enclins à exposer leur vie privée car cela devient un
moyen de s’affirmer.
Le blog familier « s’inscrit alors dans la gamme des outils de communication interpersonnelle
comme un dispositif particulier d’échange avec les proches. » (Cardon et Delauney-Terel).
Les posts et commentaires deviennent alors de véritables conversations, ce qui conduit
Cardon et Delauney-Terel (2002) à parler de « conversation continue et ininterrompue ». Le
nombre de commentaires par post est parfois très élevé et le rythme rapide. Le public est
donc un clan : le blogueur ne veut pas créer de lien avec de nouveaux lecteurs, mais
entretenir et renforcer des liens préexistants.
C) LE BLOG COMMUNAUTAIRE
Le troisième type de blog se distingue nettement des deux précédents en deux points. Tout
d’abord, le blogueur n’interroge plus son intériorité mais s’affirme grâce à une compétence.
Ensuite, sa relation avec ses lecteurs est tout à fait différente : la relation est motivée par un
intérêt commun le lien « d’interconnaissance » n’est pas nécessaire. La relation que le
blogueur lie avec ses lecteurs est alors une relation de reconnaissance et de coproduction :
chacun donne son avis, conseille, juge. Les auteurs appellent cela une « intimité
instrumentale », la relation que le blogueur noue avec sa communauté de pairs a un dessein
qui peut être la professionnalisation, par exemple.
Ce n’est donc plus le blogueur qui est mis en avant mais bien l’intérêt commun. Le blog est
un espace communautaire où chacun dialogue et échange autour d’une même passion. Les
posts appellent donc des commentaires et les échanges s’organisent ans la durée et
réguliers, de là se créent des « affinités sélectives » (Cardon et Delauney-Terel).
« Dans cette configuration, le réseau relationnel des blogs prend une forme nettement
clustérisée, puisque les liens formés par le bloggeur ont progressivement tendance à se lier
entre eux par le partage d’une sorte d’intérêt mutuel. » précisent les auteurs.
D) LE BLOG CITOYEN
Le dernier modèle de blog est à distinguer du type blog communautaire car le blogueur se
définit désormais comme « citoyen » et non comme une partie d’un groupe sélectif et
affinitaire. Ce statut de « citoyen », implique que l’identité civile est assumée et que le
blogueur est totalement responsable de ses propos.
18
21. Les commentaires par post sont extrêmement nombreux, variés et denses C’est d’ailleurs
cette interactivité très forte qui crée un « écosystème des blogs citoyens ». Le blogueur et
son lecteur sont constamment en train d’échanger, c’est un « dialogue étendu ». Le contenu
du blog n’appartient alors plus à l’énonciateur mais à l’espace public : un post est la source
de débats, micro-sondages… Chacun s’informe auprès de l’autre et forme son avis grâce à
l’autre. Le blog citoyen devient alors une sorte d’Agora moderne.
2.3 LES BLOGGEURS IN FLUENTS: QUELS ENJEUX, QUEL S RISQUES ?
2.3.1 LE BLOGUEUR INFLUENT : UN LEADER D’OPINION ?
La définition d’un blogueur influent reste une notion bien vague et très controversé dans la
blogosphère.
Depuis leur introduction par Katz et Lazarfeld (1955), les concepts de leader d’opinion et
d’influenceurs restent flous.
L’analyse d’Eric Vernette (2007) nous permet de mieux identifier ce qu’est un leader
d’opinion et d’établir le lien qu’il existe entre leader d’opinion, leadership et influence.
Le « leader d’opinion » est généralement défini comme « une personne qui exerce une
influence sur son entourage et (ou) qui échange des informations orales sur les produits et
marques » 4
Eric Vernette ajoute à cette définition quelques précisions. Selon lui, le leader d’opinion
disposerait de 4 traits : un trait psychologique (forte personnalité), un traits physique
(beauté), un trait social (l’intelligence sociale) et l’expertise et l’impartialité qui permettrait
au leader d’opinion de crédibiliser les informations qu’il diffuse.
A partir de ces traits, il décrit un processus dynamique : le leadership. Il s’appuie alors sur
une double force : une force d’attraction et une force de conviction. Ces différentes forces
auront donc soit une influence visuelle, soit une influence verbale comme nous le montre le
schéma ci-dessous :
4
(King et Summers, 1970 ; Ben Miled et Le Louarn, 1994 ; Mowen, 1995 ; Gilly et al. 1998 ; Flynn et
al., 1996 ; Goldsmith et de Witt, 2003).
19
22. Figure 8 : Leader d’opinion, le leadership et l’influence d’après Vernette (2007)
Face à cette définition du leader d’opinion, la différenciation que font Engel et al. (1995)
entre le terme « leader d’opinion » et celui d’ « influenceur » est très intéressante. Alors que
le premier sous-entend, selon eux, un échange d’informations à sens unique, le second
semble être plus conversationnel. L’influenceur serait donc le leader d’opinion online.
L’influence n’est alors pas à sens unique, elle circule entre les différents acteurs. On pourrait
même dire que l’on est toujours influencé et influenceur : en bref, la blogosphère se nourrit
d’elle –même.
La relation entre influence est confiance est très bien expliquée par Le Capitaine qui écrivait:
« Si j’expose une idée stupide, quel que soit mon degré de visibilité, je ne convaincrai
personne avec. Pire encore, j’ai des commentateurs peu tendres et volontiers ironiques qui
démonteront vite fait mon argument. Si je faisais la publicité d’une machine à laver ou d’une
cafetière, je serais la risée de mes lecteurs et ce ne serait que bien mérité. »
Avec ce verbatim on voit bien que cette influence passe donc par la confiance que le lecteur
octroie au blog qu’il lit. Il est donc important d’identifier ce qui permet au lecteur de faire
entièrement confiance au blogueur et quels sont les limites de cette confiance.
2.3.2 LA CONFIANCE
Dans une étude publiée sur www.emarketer.com s’intéressant au degré de confiance porté
à une information selon sa provenance, le résultat est sans appel : les internautes ont
confiance en leur amis. 61% des internautes interrogés ont une confiance totale dans les
contenus que publient leurs amis que ce soit sur les blogs, Facebook ou bien Twitter. Comme
c’est lisible dans le tableau qui suit, on comprend facilement que dans la vie virtuelle
comme dans la vie réelle les internautes font confiance à leurs amis.
20
23. Figure 9 : Les sources d’informations qui sinpirent la confiance selon les utilisateurs de média
sociaux en juin 2010
Dans la seconde partie de cette étude, les internautes ont hiérarchisé les facteurs qui
influençaient leur confiance. L’ouverture des commentaires qu’ils soient négatifs ou positifs
et donc la transparence de la relation entre le blogueur et ses lecteurs, est une donnée
fondamentale. Mais une liberté de parole totale n’est pas la seule source de confiance, il
faut que les commentaires et le contenu soient de qualité. Enfin, la réactivité des auteurs du
blog, qu’on pourrait assimiler à une mise à jour régulière mais aussi à la prise en compte de
commentaire, est le troisième facteur le plus important.
Figure 10 : Les facteurs qui inspirent la confiance selon les utilisateurs de médias sociaux en
juin 2010
21
24. La capture d’écran ci-dessous permet de mettre des exemples concrets sur les résultats de
l’étude ci-dessus. Voici ce que le collectif webmarketing 5 conseille pour instaurer une
relation de confiance :
2.3.2 ETHIQUE
Cette influence des blogueurs fait apparaître un nouvel enjeu : le contenu. Ces blogs qui sont
des relayeurs d’informations constituent de nouveaux carrefours d'audience et deviennent
alors un réel « cinquième pouvoir ». La publication par l’institut d’étude Forrester d’un
rapport en 2009, annonçant que la communication sur les blogs devenait inévitable,
officialise ce qui était jusqu’alors connu de tous : l’activité de blogging devient pour les
marques et les entreprises un nouvel enjeu.
Les marques ont alors plusieurs possibilités pour être présentes sur les blogs :
- Cela peut passer par des relations publiques pures qui sont sous forme d’invitation à une
expérience de marque, de soirées, d’envoi et de test de produits ou services, de rencontres
avec une égérie ou une personne de la marque.
- La plupart commercialisent déjà des espaces publicitaires ou des liens sponsorisés, en
direct ou via des régies.
5
http://collectif-webmarketing.com/comment-etablir-la-confiance-sur-votre-blog
22
25. - Les entreprises peuvent aussi rémunérer la diffusion de contenus: vidéos virales,
advergames, widgets.
- Enfin, la sponsorisation de billets. Le blogueur est souvent libre d’écrire ce qu’il veut sur
une marque, un produit ou un événement et reçoit en contre -partie une rémunération.
Ces pratiques sont aujourd’hui considérées comme normales et la plupart des blogueurs ont
recours à ces contreparties. Mais certains blogueurs influents vivent aujourd’hui totalement
de leur activité et ce grâce à la publicité. Loïc Le Meur (près de 25 000 abonnés) en est un
très bon exemple : il a confié la régie publicitaire de son blog au groupe Publicis pour 6
000 euros de recettes garanties par mois. Ces sommes astronomiques peuvent alors
provoquer, à juste raison, la polémique.
En effet, comment continuer à faire confiance aux écrits de quelqu’un qui se fait sponsoriser
ses articles ? Comment distinguer les posts sponsorisés des véritables critiques
indépendantes ? Quelle liberté de parole reste-t-il à celui qui gagne sa vie grâce aux
publicités ? Ces questions liées à la professionnalisation de l’activité de blogging sont au
cœur du débat.
C’est ainsi que la Federal Trade Commission, une agence indépendante du gouvernement
des États-Unis, qui contrôle les pratiques commerciales, a publié en 2009 un guide actualisé
des recommandations à l’attention des publicitaires, “Guides Concerning the Use of
Endorsements and Testimonials in Advertising“ 6 . Désormais, les blogueurs qui seront
rémunérés pour la publication d’un article devront clairement mentionner leur relation avec
l’annonceur. Cette règle s’applique également aux stars qui, par exemple, recommandent
des produits sur leur page Twitter ou Facebook. Si cette relation n’est pas clairement
mentionnée, les fraudeurs risquent une amende allant jusqu’à 11.000 $ d’amende. Bien que
cette règle ne soit applicable que sur le territoire américain, les européens se sont eux aussi
penchés sur la question.
En juin 2008, un rapport7 suggérant de « clarifier le statut des blogs » et d’« encourage*r+
leur labellisation en fonction des responsabilités professionnelles et financières et des
intérêts de leurs auteurs et éditeur » a été adopté par la commission Culture du parlement
européen.
Le rapport affirmait que « le statut indéterminé et non signalé des auteurs et diffuseurs de
blogs entraîne des incertitudes en matière d’impartialité, de fiabilité, de protection des
sources, d’application des codes d’éthique et de détermination des responsabilités en cas de
poursuites en justice. Il recommande que soit clarifié le statut juridique de différentes
catégories d’auteurs et de diffuseurs de blogs ainsi que la divulgation des intérêts et la
labellisation volontaire des blogs. »
6
http://www.ftc.gov/os/2009/10/091005endorsementguidesfnnotice.pdf
7
http://www.europarl.europa.eu//meetdocs/2004_2009/documents/pr/712/712320/712320fr.pdf
23
26. Face à ces différentes attaques, Buzzparadise, 1er réseau international de social media
advertising, a pris les devants. Tous les billets sponsorisés et publiés par les blogueurs
contiennent déjà un marqueur qui indique clairement qu’il s’agit d’un billet pour lequel le
blogueur a touché ou non une rémunération.
Kristine De Valck (2009) résume alors très bien, dans le schéma suivant, la complexité de la
situation dans laquelle se trouvent les blogueurs influents. Ils sont tiraillés entre trois
« forces » : la communauté, les avantages procurés par les produits, la contre-partie reçue et
leur crédibilité.
Figure 11 : Balance des problèmes éthiques du blogueur selon De Valck (2009)
Ainsi, bien que tenu par la confiance que leur confère leur lecteurs, les blogueurs sont
devenus un réel enjeu pour les marques et entreprises. Face à une influence toujours plus
importante et à un public toujours plus nombreux, les blogueurs endossent aujourd’hui un
rôle encore plus déterminant, celui de prescripteur.
2.4 DE L’INFLUENCE A LA PRESCRIPTION
Si les blogueurs ont une influence sur leur lectorat, on peut considérer que cette influence
peut aussi être analysée en termes d’influence sur la décision d’achat. Le blogueur devient
donc un prescripteur à part entière. Dans ce qui va suivre, nous tenterons de définir le terme
de prescription, l’influence de la prescription sur les décisions d’achats et enfin, les différents
profils de blogueurs face à la prescription.
24
27. 2.4.1 THEORIE GENERALE DE LA PRESCRIPTION
Stenger et Coutant dans « La prescription ordinaire de la consommation sur les réseaux
socionumériques : De la sociabilité en ligne à la consommation ? » (2009) définissent le
terme générique de prescription comme une « influence sur le comportement et le choix des
individus » en précisant qu’elle peut s’apparenter à une « recommandation, [un] ordre ou
[un] précepte. ».
Cette définition de la prescription dans un contexte général a ceci d’intéressant que l’action
reste hypothétique : ils précisent d’ailleurs très justement « Si le recours au prescripteur
implique une décision partagée, le choix n’appartient pas au prescripteur. ».
Dans le contexte d’échange de biens ou de services, le prescripteur est un intermédiaire
entre le consommateur et le vendeur : il apporte les savoirs manquants à l’un et permet à
l’autre d’effectuer la transaction. Le prescripteur se glisse donc entre les deux acteurs et
tente de réduire le décalage qu’il existe entre le consommateur et le vendeur.
Armand Hatchuel (2009) identifie alors trois formes de prescriptions :
- La prescription de fait est une prescription qui a recourt à des organismes pour certifier le
produit, ce sont souvent des sigles, par exemple, AB -agriculture biologique- ou bien en
réutilisant l’exemple de Hatchuel « le service de la Garantie » qui garantissait la véracité de
l’or ou de l’argent pour les objets d’orfèvreries »
- la prescription technique lors de laquelle le prescripteur devient un expert qui va apporter
une réelle explication technique sur le produit. La décision de l’acheteur dans ce cas là est
totalement incertaine et il délègue au prescripteur sa décision d’achat. C’est donc le manque
de savoir technique qui va inciter le consommateur à faire appel à un prescripteur.
- Lors de la prescription de jugement, le prescripteur définit « le bien à acquérir, mais aussi
son mode d’appréciation ». Cette différence est extrêmement importante : alors que dans
les deux formes de prescription précédentes, le consommateur sait ce qu’il recherche
comme jouissance dans le produit désiré, le prescripteur, dans ce cas là, donne au
consommateur une idée de la qualité du produit ; il modifie le modèle de connaissance du
consommateur.
Forme de prescription Type d’incertitude Mutation de l’acte d’achat en
Prescription de fait Simple ou « de fait » /
Prescription technique notionnelle processus de délégation et de contrôle
Prescription de jugement de valeur délégation de jugement
Tableau 1 : Trois formes fondamentales de prescription selon Hatchuel (2009)
25
28. L’Benghozi et Paris (2003) complète cette analyse en identifiant un marché de la
prescription. Pour eux, l’apparition d’un prescripteur ne résulte pas des imperfections du
marché ou d’une asymétrie informationnelle mais directement du type de bien qui est
prescrit, comme par exemple le livre.
Stenger (2004) synthétise ces différentes recherches en identifiant la prescription comme
une interaction entre des personnes qui ont un différentiel de savoir. La prescription
constitue alors une dynamique collective avec au centre de cette dynamique l’objet
marchant.
2.4.2 LA PRESCRIPTION EN LIGNE, LE CAS DE L’ACHAT DU VIN EN LIGNE
Stenger (2008) dans « Les processus de décision d’achat de vin par Internet : entre recherche
d’information et prescription en ligne » a analysé la prescription en ligne avec comme cas
particulier l’achat de vin en ligne. Pour réaliser cette étude, il a interrogé 21 participants à un
club de vin et utilisé 3 sites internet aux capacités de prescriptions variés. Chaque participant
était face à deux scénarii d’achat et devait choisir un vin en ligne.
A partir de cette étude, Stenger a réussi à définir différents processus d’achat en ligne selon
le rôle de la prescription et le niveau de compétences de l’acheteur.
Figure 12 : Six types de processus de décision d’achat en ligne selon Stenger (2008)
Nous le voyons dans ce graphique, dans le premier cas, « satisficing et hasard », l’acheteur
n’a aucune compétence et le prescripteur n’a aucune influence sur sa décision d’achat. Le
seul facteur déterminant reste alors le prix.
26
29. Dans le cas de l’ « achat autonome », l’acheteur ne prend absolument pas en compte la
prescription et se réfère à ses propres connaissances.
Le « satisficing assisté » est une évolution du « satisficing hasard » car bien que l’acheteur
n’ait aucune connaissance, il s’en remet au prescripteur pour finaliser son choix.
Durant l’ « achat déterminé par la prescription », le consommateur a totalement confiance
dans les conseils du prescripteur et en est totalement dépendant.
Lors de l’ « achat savant maitrisé par l’acheteur », le consommateur a toutes les cartes en
main pour faire son choix : il a à la fois les compétences et est aussi à l’ écoute du
prescripteur. Cette double position lui permet de faire la part des choses entre ce qu’on lui
conseille et ce qu’il sait.
La « délégation du jugement et du choix » s’opère quand le prescripteur a plus de savoir et
de compétences que le consommateur : le prescripteur influencera donc en dernier lieu la
décision de l’acheteur.
On voit dans cette classification que la majorité des achats se font sous prescription mais les
profils sont extrêmement variés. Le prescripteur doit donc s’adapter au consommateur et à
son niveau de compétence. Stenger conclut alors qu’il faut multiplier les formes de
prescription pour favoriser l’achat en ligne.
2.4.3 LE BOUCHE A OREILLE
Les travaux de Stenger sous-entendant que la prescription devrait être presque
« personnalisée » au cas par cas, justifie l’utilisation de blogueurs comme prescripteurs. En
effet, les lecteurs fidèles d’un blog ont généralement tendance à être dans la partie
supérieure du graphique de Stenger : la prescription dans ce contexte a un impact modéré
voire fort. C’est pourquoi l’analyse de De Valck (2007) se révèle extrêmement intéressante
pour identifier ce qui se passe de l’autre côté de la barrière : Quels sont les différents profils
de blogueurs/prescripteurs ?
Elle a analysé ce qu’on appelle le bouche à oreille sur internet : une entreprise contacte des
blogueurs qui en échange de cadeaux, rémunérations directes ou indirectes doivent parler
d’une marque. Elle a analysé la réaction de 83 blogueurs suite à la réception d’un téléphone
portable gratuit. Les résultats chiffrés de ce programme sont résumés dans le tableau ci-
après.
27
30. % de blogueurs concernés
Blogueurs qui ont écrit un post à propos du 84 %
téléphone
…et qui ont posté une photo à propos du téléphone 92%
…et qui ont posté une vidéo 41%
Effet « Bouche à oreille »
Estimation du nombre d’internaute qui ont lu les posts sur le téléphone 150 000
…et qui ont commenté ces posts 700
Tableau 2 : Synthèse des résultats de l’étude de Kristine De Valk (2007)
La plupart des blogueurs ont donc participé à cette action de prescription et l’auteure a
classifier ces blogueurs en fonction du niveau d’adhésion ou de rejet de ce nouveau rôle de
« quasi-marketeur ». Elle distingue 5 réactions :
- Les premiers sont des « marketeurs enthousiastes », ils acceptent leur rôle et le
remplissent avec application : ce sont de parfaits ambassadeurs. Elle cite en exemple une
blogueuse qui vend littéralement le produit avec ses caractéristiques techniques et donne la
preuve que cet objet est cool: une serveuse aurait dansé sur la musique de la sonnerie de
son portable lors d’un diner.
-Les « marketeurs réfléchis» sont ceux qui se donnent des excuses et tournent en dérision
leur rôle. Par exemple, un blogueur s’étonne d’avoir été choisi pour ce test en expliquant
que les marketeurs pensaient trouvé un leader d’opinion spécialiste de l’high-tech mais
qu’ils ont en fait choisi un blogueur médiocre ne sachant que faire d’un téléphone aussi
évolué.
-« Le leader d’opinion auto-proclamé » assume son rôle et ne fait pas part d’état d’âme. Une
blogueuse qui écrit à propos de son mariage confie que le post qui va suivre n’est pas
totalement sur son mariage puis vend le produit en décortiquant toutes ses caractéristiques
techniques en argumentant que c’est l’objet parfait pour préparer son mariage.
-« Les bons citoyens » sont ceux qui vont tenter de faire une description la plus objective
possible du produit. De Valk cite un blogueur qui affirme que son évaluation du produit sera
bien meilleure que les autres car il utilisera l’appareil durant 2 ans en signalant ses points
forts et ses points faibles.
-Enfin, « le profiteur » fait le minimum pour être sélectionné de nouveau la prochaine fois
mais ne s’implique pas outre mesure.
Pour De Valck, la prescription ou la non prescription d’un produit dépend de trois critères :
l’identité du blogueur, c'est-à-dire comment il se définit, sa relation avec ses lecteurs et la
catégorie de produits qu’on lui demande de prescrire.
28
31. 2. HYPOTHESES
Cette première partie théorique, nous aura permis de dégager quatre questions auxquelles
nous tenterons de répondre à la suite à notre partie empirique :
1) Les réseaux sociaux concurrencent-ils les blogs ou les complètent-ils ?
Nous avons vu que la relation entre réseaux sociaux et blogs reste encore assez floue. Pour
certains, cette relation est concurrentielle et les réseaux sociaux provoqueront un jour ou
l’autre la cessation de l’activité de blogging. Pour d’autres, les réseaux sociaux sont des outils
au service des blogs qui permettraient une meilleure visibilité et une augmentation du
lectorat. Nous tenterons durant la partie empirique de trouver quelles relations les
blogueuses que nous avons choisies entretiennent avec les réseaux sociaux.
2) La portée de la prescription dépend-t-elle de l’intensité de la relation qu’entretient le
blogueur avec les autres membres de la communauté et de la forme de son réseau ?
Cardon et Delaunay-Teterel nous ont proposé, dans leur typologie, différentes forme de
réseaux dans la blogosphère. Ces réseaux dépendent, tout d’abord, de la forme relationnelle
que le blogueur entretient avec son lectorat. Mais ils dépendent aussi du public du blog et
de la façon dont il se comporte : est-ce un halo, un clan, une communauté ou un espace
public ? Ces deux critères influencent la forme du réseau qui est déterminante dans la
relation blogueur/lecteur. Nous essayerons donc de comprendre si le lien que le blogueur a
noué avec son lectorat a une influence sur la prescription.
3) La perception de la prescription peut-elle être influencée par le mode communication
employé par le blogueur ?
Nous avons identifié précédemment deux objectifs qui motivent les internautes à participer
aux communautés en ligne: un objectif autotélique et un objectif instrumental. Ces deux
objectifs diamétralement opposés auront une influence particulière sur la façon dont la
prescription sera perçue. Si un individu participe à une communauté en ligne pour se
distraire, il pourra percevoir l’acte de prescription d’une façon assez violente. Au contraire, si
l’internaute consulte cette communauté en ligne dans le but de s’informer et de découvrir
de nouveaux objets de consommation, l’exposition à la prescription est désirée et
volontaire.
Mais quel que soit l’objectif qui anime l’internaute lorsqu’il consulte une communauté en
ligne, le mode de communication peut influencer énormément la façon dont la prescription
sera perçue. En se référant aux quatre modèles que proposent Cardon et Delaunay-Teterel,
29
32. il s’agira de déterminer à travers notre étude quel mode de communication est le plus
empreint à favoriser la prescription.
4) L’implication du blogueur dans le processus de prescription doit-elle être forcément
accompagnée d’une transparence totale ?
Les travaux menés par Stenger nous ont montré que les blogueurs s’impliquent plus ou
moins dans la prescription d’un produit. Certains s’impliquent de façon presque viscérale
alors que d’autres prennent beaucoup de recul face à leur rôle de vendeur. Cette implication
dans le processus de prescription est essentielle : le blogueur devient le représentant de la
marque. Mais il semblerait que l’engagement du blogueur face à la prescription ne soit pas
le seul facteur important.
L’apparition de la prescription sur les blogs s’est très vite confrontée à des problèmes
d’éthique et de transparence. Le lien de confiance que le blogueur tisse avec son lecteur au
fil des posts est très fragile. Lorsque le lecteur commence à douter de l’objectivité et de la
sincérité du blogueur alors le lecteur n’est plus réceptif au discours du blogueur. Nous nous
interrogerons donc sur ce rapport qui lie éthique et implication du blogueur.
30
33. 4. METHODE
4.1 LA DEFINITION DU TYPE D E RECHERCHE
Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi une recherche descriptive avec une
partie observatoire (netnographie) et l’utilisation de questionnaires envoyés par mail.
La netnographie est basée sur le principe que certaines données qualitatives existent dans la
« nature » et qu’il suffit de les exploiter. Cette matière qualitative se trouverait dans les
échanges entre les membres de communautés rassemblés autour d’objets de
consommation.
Ces objets de consommation peuvent être une catégorie de produits (les vinyles, le rap,
etc.), une marque (la série TV, Sony, etc.), voire une activité particulière (le scrapbooking, la
marche, etc) et c’est à partir de ces objets de consommation que l’individu va affirmer son
style de vie.
Ces échanges publiquement accessibles, et dans notre cas sous forme d’articles, de
commentaires sur les blogs ou Facebook ainsi que les tweets, seront donc la matière
principale de ce type de recherche. Il s’agira ainsi d’utiliser cette matière première et de lui
donner un sens.
En règle générale, le résultat d’une netnographie se présente sous la forme d’un texte écrit
qui interprète la communauté étudiée. Dans notre cas, en plus de cette interprétation, nous
établirons un mapping et pour plus de transparence le couplerons avec un tableau
récapitulatif. Il nous semble important de mettre en avant les avantages mais aussi les
limites de ce type de recherche ; Bernard (2004) les avaient résumés dans le tableau ci-
dessous :
Tableau 3 : Avantages et limites de la Netnographie – Y. Bernard (2004)
31
34. En parallèle de cette netnographie qui nous place en tant qu’observateur et interprète de la
communauté, nous avons utilisé des questionnaires envoyés par mail à notre échantillon.
Ces questionnaires nous ont permis de récolter des données quantitatives (nombre de
visiteurs) mais aussi de voir comment la blogueuse envisageait son activité de blogging et
son rapport avec la blogosphère.
4.2 LE PLAN D'ECHANT ILLONNAGE ET LA METHODE DE RECUEIL
La question d’échantillonnage ne se pose pas dans notre travail car nous avons étudié des
cas pratiques. Notre recherche s’est concentrée sur la blogosphère française, influente et
féminine.
Afin de trouver nos 6 cas, nous nous sommes d’abord concentré sur le classement Wikio qui
nous a fourni une liste de blogueuses. A partir de cette liste, nous sommes allé sur les blogs
cités, nous les avons analysé et sélectionné. Nous avons effectué notre sélection à partir du
score Klout (au moins 50 ) mais aussi grâce à des critères plus subjectifs : la diversité ainsi
que la qualité du contenu. En parallèle de cette liste Wikio, nous avons utilisé le classement
Elle-Wikio, qui sélectionne 10 blogueuses dans des catégories différentes chaque année. A
partir de ces deux recherches, nous avons sélectionné 21 blogueuses que nous avons
contactées par email.
Un point important et déterminant dans la prise de contact est que nous avons d’abord
décidé d’envoyer des mails en vouvoyant les blogueuses : nous pensions que dans notre
démarche, une prise de distance était nécessaire. A la suite de ce premier envoi de mail,
nous n’avons reçu que 4 réponses positives. Malgré notre insistance aucune n’était prête à
une rencontre, effectuer une interview par téléphone, skype voire même sur un chat. Nous
avons donc envoyé les questionnaires à ces 4 blogueuses, trois ont répondu instantanément,
nous avons dû relancer la quatrième plusieurs fois, qui à cause de la sortie de son livre, était
très occupée.
Nous avons ensuite affiné la deuxième série d’envoi d’email. Nous avons tout d’abord remis
en cause la stratégie de prise de contact : nous avons décidé de tutoyer les blogueuses et
d’utiliser des traits d’humour pour justifier notre démarche. Pour sélectionner les
blogueuses, nous avons utilisé les réponses que les blogueuses, déjà interrogées, avaient
données à la question « As-tu des relations avec d’autres blogueuses ? Si oui, lesquelles ? ».
Nous avons donc obtenu une liste de 15 blogueuses et après en avoir sélectionné 8 nous les
avons contacté par email en obtenant 2 réponses positives. Elles nous ont ensuite
rapidement renvoyé leur questionnaire.
Pour la sixième blogueuse, nous l’avons contacté grâce à un ami qui la connaissait
personnellement. Il nous a mis en contact et elle a ensuite renvoyé le questionnaire rempli.
32
35. Ainsi sur un envoi de 30 d’emails, nous avons réussi à interviewer 6 blogueuses qui
semblent très bien représenter la blogosphère féminine française de part leur diversité
éditoriale, leur âge et leur profession :
Prénom Age Profession Lieu de résidence Thème du blog
Mode, littérature et vie
Anne 30 ans étudiante Montpellier
personnelle
Hélène 38 ans blogueuse Paris Beauté et maquillage
Illustratrice/ graphiste
Penelope 29 ans Paris Vie quotidienne
freelance
Léa 23 ans étudiante Paris Actualité mode
Amour, relations homme-
Lucie 35 ans rédactrice web Paris
femmes…
Victoria 22 ans étudiante Barcelone Mode, création, cuisine
Tableau 4 : Profil des blogueuses étudiées
4.3 LA DEFINITION DE S VARIABLES
Afin d’analyser ces 6 cas, nous avons défini 3 critères : la mise en scène de l’identité, la
relation avec son environnement et leur potentiel de vendeur. Ces critères permettront de
répondre à 3 questions qui intéressent les marques qui approchent les blogueuses :
Comment les contacter ? Qui contacter ? Pour quoi les contacter ?
Les données ont été recueillies grâce aux traces que les blogueuses et leurs lecteurs laissent
sur internet et grâce aux réponses fournies par le questionnaire. Le tableau ci-dessous
synthétise ces trois critères en précisant le type de contenu étudié et les critères étudiés :
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36. Type de contenu étudié Outils de mesure Critère étudié
Bannière personnalisée
Design du blog Nom du blog
Adresse du blog
Mise en scène de l'identité du blog et
Nom ou pseudonyme
de la blogueuse
Photo ou avatar
Identité de la blogueuse
Information sur l’identité
du blogueur
Twitter
Facebook
Relation avec ses lecteurs
Commentaires des
lecteurs
Score Klout
Twitter
Relation avec l'environnement
Facebook
Score Klout
Blogroll
Relation avec la Commentaires des
blogosphère autres blogueuses sur
son blog
Participation à des
événements de
blogueuses
Forme et type de
Relation aux marques
prescription
Type de contenu
Potentiel de vendeur
Contenu du blog Style d'écriture
Qualité des
images/vidéos
Tableau 5 : Synthèse des trois critères étudiés
34
37. 4.4 LE TRAITEMENT DE S DONNEES
Afin de traiter les données, nous allons utiliser l’approche herméneutique. Cette approche
repose sur l’idée que face à une masse de données textuelles, le lecteur est confronté à un
ensemble d’éléments qui semblent incohérents et désordonnés.
A partir de cette masse d’information, il va falloir procéder en deux étapes pour la
« démêler » :
1) Lire l’ensemble des données afin d’en comprendre le sens général
2) Analyser les divergences mais aussi les convergences entre les éléments
A l’aide de verbatim, chaque point d’interprétation sera justifié et cette interprétation devra
donner une cohérence à l’ensemble des données.
Nous définirons donc les différentes codifications que nous utiliserons pour chaque critère
c’est-à-dire : la mise en scène de l’identité du blog et de la blogueuse, la relation avec
l’environnement et enfin, le potentiel de vendeur.
4.4.1 MISE EN SCENE DE L'IDENTITE DU BLOG ET DE LA BLOGUEUSE
Afin d’étudier la mise en scène de l’identité du blog et de la blogueuse, nous avons défini
deux sous-critères le design du blog et l’identité de la blogueuse. Le tableau ci-dessous
détaille les critères étudiés pour chaque sous-critère :
Critère étudié Codification Sous-critère
Nom du blog Blog éponyme ou non
Adresse du blog Nom de domaine ou non
Design du blog
Identité visuelle du blog Bannière personnalisée ou
non
Nom ou pseudonyme Le blogueur apparait-il sous
son vrai nom/prénom ou un
pseudonyme
Identité visuelle de la blogueuse Photo ou avatar Identité de la
blogueuse
Information sur l’identité du La blogueuse a-t-elle publié
blogueur une biographie, des
informations sur elle ou non
Tableau 6 : La mise en scène de l’identité du blog et de la blogueuse
35
38. 4.4.2 RELATION AVEC L'ENVIRONNEMENT
Afin d’étudier les relations avec l’environnement de nos 6 blogueuses, nous analyserons les
données présentes sur le blog : c’est-à-dire les posts mais aussi les commentaires qui suivent
ces posts. Ces données nous permettront de comprendre la façon dont la blogueuse
s’adresse à la blogosphère et à son lectorat et gère cette relation.
Nous nous intéresserons aussi à la présence des différentes blogueuses sur internet et le
public visé par chaque outil. Nous avons identifié 5 outils utilisés par les blogueuses :
- Twitter : Cet outil permet aux blogueuses d’échanger avec leur lectorat mais aussi la
blogosphère. Afin de mener notre analyse, nous prendrons en compte la natures des tweets
(concernent-ils seulement la promotion du blog ?) mais aussi la façon dont elles
communiquent avec leur environnement.
- Facebook : Cette plateforme est le deuxième outil le plus utilisé par les blogueuses pour
communiquer avec leur environnement. Nous analyserons donc la nature des publications,
le nombre de « j’aime » par publication ainsi que les commentaires des membres du groupe
et l’interaction entre la blogueuse et les membres. Nous prendrons en compte aussi le
nombre de membres au groupe Facebook.
- Youtube : Youtube permet aux blogueuses de rendre leur contenu attractif. Nous
analyserons donc la façon dont elles s’adressent à leur lectorat à travers leurs vidéos.
- Bloglovin et Hellocotton sont des sites qui permettent aux utilisateurs de suivre des blogs
et d’être informés sur les derniers articles postés. Bien que ces outils ne soient pas
incontournable, ils permettent de gagner en visibilité, utiliser bloglovin en plus d’autres
outils, c’est augmenter sa visibilité.
Nous utiliserons aussi l’outil Klout qui mesure l’influence digitale d’un compte Twitter ou
Facebook. Cet outil produit un score compris entre 0 et 100 basé sur 35 variables réparties
en 3 catégories :
1) Le True Reach, dont la traduction pourrait être « véritable portée ». Ce critère mesure la
taille de votre audience engagée. Elle se calcule à partir du nombre d’amis sur Facebook et
followers sur Twitter qui lisent les contenus, les partagent, les commentent ou les
« aiment ».
2) L’Amplification Score permet de mesurer l’écho donné aux publications, au travers du
nombre de retweets (RT), mentions, « j’aime » et commentaires.
3) Le Network Score indique l’influence de l’audience engagée.
En plus de ces 3 critères, Klout fournit également une matrice d’influence (Influence Matrix)
qui détermine le rôle que jouent les blogueuses sur Facebook et Twitter : créateur de
36
39. contenu, lecteur, redistributeur d’informations, etc… Enfin Klout permet de voir par qui les
blogueuses sont influencées et qui elles influencent.
L’utilisation de Klout nous permettra de recouper les observations netnographique avec des
données chiffrées.
4.4.3 POTENTIEL DE VENDEUR
Enfin, afin d’étudier le troisième critère, c’est-à-dire le potentiel de vendeur, nous avons
dégagé deux sous-critères : la relation aux marques et le contenu du blog. Ces deux sous-
critères nous semblent pertinents car la frilosité aux marques est tout aussi importante que
la façon dont la blogueuse prescrit les différents objets de consommation.
A) RELATION AUX MARQUES
Nous avons identifié plusieurs outils de promotions sur les différents blogs. Nous avons
différencié la monétisation assumée, c’est-à-dire que le lecteur est conscient que le blogueur
est payé pour cette promotion et la monétisation ambigüe, c’est-à-dire quand la relation
entre la marque et le blogueur n’est pas clairement explicitée.
Forme Type Type de monétisation
Bannières
Publicité Monétisation assumée
Liens sponsorisés
billets explicitement sponsorisés
Citation de marque dans un post :
texte, photo ou vidéo
Placement de produit Monétisation ambigüe
Lien vers le site d'une marque à
travers une photo ou du texte
Tableau 7 : Potentiel de vendeur : Forme et type de promotions
B) CONTENU DU BLOG
Le contenu du blog va aussi être une donnée très importante. Le type de contenu nous
permettra de comprendre dans quel contexte est inscrite la prescription : un contenu
personnel ou promotionnel.
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40. Le style d’écriture nous permettra de comprendre la façon dont la blogueuse développe son
« argumentaire de vente ».
Personnel Les articles ne sont pas centrés sur des
objets de consommation.
Type de contenu Promotionnel Le sujet principal des articles concerne
des objets de consommation.
La blogueuse ne centre pas son récit sur
l'objet de consommation, elle raconte
Romanesque des anecdotes de la vie quotidienne. Ses
posts sont construits comme des récits.
La blogueuse fait une simple description
des objets de consommations sans
Descriptif donner son avis : elle reste très neutre
La blogueuse fait non seulement une
Style d'écriture description des objets de consommation
Analytique mais donne aussi son avis.
Tableau 8 : Contenu du blog
38
41. 5. ETUDE DE CAS
Durant cette partie, nous utiliserons pour justifier nos propos des verbatim. Ces verbatim
comprennent parfois des fautes orthographiques ou de frappes qui ne sont pas du fait de
l’auteure.
5.1 MANGO AND SALT
Le blog Mango and Salt a été crée en mai 2010 par Victoria. Ce blog est assez éclectique :
elle y aborde des thèmes comme la mode, la beauté et la cuisine. Il est visité par environ
800-1000 personnes par jour.
5.1.1 MISE EN SCENE DE L'IDENTITE DU BLOG ET DE LA BLOGUEUSE
A. DESIGN DU BLOG
Le nom du blog ne laisse pas transparaitre ni l’identité de la blogueuse ou de la personnne
qui tient le blog, ni le thème du blog. Le nom même du blog « Mango and salt » est assez
intéressant car il appelle 2 sentiments opposés : la mangue, la douceur, face au sel, qui en
trop grande quantité peut gâcher un plat. Ce nom de blog pourrait presque être une
marque, la blogueuse a d’ailleurs accompagné ce nom d’un logo, un cerf. Lorsque l’on arrive
sur le blog, la bannière avec le nom et le logo donne donc un aspect très professionnel au
blog. On pourrait ne pas savoir que c’est un blog car l’adresse du site se présente comme un
site banal www.mangoandsalt.com
Le blog est esthétiquement très travaillé : on pourrait même dire qu’il a une charte
graphique avec deux couleurs principales le rose et le bleu qui donne une apparence douce
au blog. La navigation sur ce blog grâce aux 5 onglets est intuitive et rend son utilisation très
simple.
39
42. Figure 13 : Capture d’écran de la home page du blog Mango and salt (02/10/11)
B. IDENTITE DE LA BLOGUEUSE
On peut découvrir qui se cache derrière ce blog grâce à l’onglet « C’est qui ? ». Dans cet
onglet, la blogueuse se présente en donnant son prénom, son âge et ce qu’elle étudie mais
elle publie aussi une photo d’elle. Elle dévoile donc une grande partie de son identité car
pour l’identifier totalement il ne nous manque que son nom.
Aussi elle se met en scène en donnant à son personnage un caractère très romantique et
très acidulé :
J’aime les fruits d’été, le ciel bleu, les bonbons, le bruit de la neige sous les
chaussures. Ouverte à tout et créative dans mes moments perdus, je ponctue mon quotidien
de lubies plus ou moins folles, d’envies, de rêves. Mango & Salt a été pensé comme un “mood
board” sur lequel j’épingle mes inspirations, mes créations, et tout ce que j’aime dans
plusieurs domaines. Comme un carnet de jolies choses, à lire tranquillement en buvant un
bon chocolat chaud.
Cette description à la « Amélie Poulain » donne un caractère attachant à cette blogueuse et
l’humanise un peu plus encore. Aussi, en affirmant que son blog est pensé comme un
« moodboard » elle s’inscrit directement dans un univers graphique en utilisant un mot
appartenant à la communication, le design ou la mode. Elle cultive donc à travers cette
description, l’esthétique visuelle qu’on avait pu remarquer au premier bord.
Cette blogueuse utilise aussi un outil très intéressant : « formspring ». Cet outil permet de
poser à la blogueuse n’importe quelle question courte et elle y répond. Les questions
concernent des sujets très variés : la vie privée, le quotidien, le maquillage qu’elle utilise,
etc…
40
43. Figure 14 : Capture d’écran du site http://www.formspring.me/melocotoncito (03/10/11)
Cet outil permet donc une relation très directe et à la fois très transparente avec la
blogueuse. D’ailleurs, elle ne semble pas censurer les questions gênantes ou autres comme
en témoigne la capture d’écran ci-dessous :
Figure 14 : Capture d’écran du site http://www.formspring.me/melocotoncito (03/10/11)
5.1.2 RELATION AVEC L'ENVIRONNEMENT
A. RELATION AVEC SES LECTEURS
a) Identification, admiration et encouragement
En étudiant les commentaires que les lecteurs laissent sur le blog de mango and salt, nous
avons identifié trois phénomènes qui s’entretiennent.
Le tout premier est un phénomène d’identification collective. Ce phénomène est très
intéressant car il est à la base de la construction d’une communauté. Dans les commentaires
ci-dessous les « commentatrices » cherchent clairement à se singulariser. On remarque ce
besoin de se différencier avec l’utilisation du mot « seule » : elles cherchent à affirmer leurs
différences par rapport à leur relation avec l’objet de consommation. Mais c’est cette
singularisation qui permet à ce lectorat de mieux appartenir à un groupe. Car si elles sont
différentes par rapport aux membres extérieurs à la communauté, elles restent très
semblables à la blogueuse : elles appartiennent à la même communauté et elles souhaitent
41
44. affirmer leur ressemblance par rapport à cet extérieur. C’est un peu la logique des mondes
adolescents : affirmation d’une différence d’avec le monde des adultes mais mondialement
tous uniformes dans les modes vestimentaires !
Whatkatydidnext : « Avant toute chose je dois te dire que JAI KIFFE ton “jsuis pas OuFEMENT
bronzée”, je vois que je suis pas la seule à parler n’importecomment haha love <3. »(1 juillet
2011)
Jessy : « J’ai adoré le “Hiiiiiiiiii” ! ça me rassure un peu de voir que je ne suis pas la seule accro
au make-up, j’ai une whislist longue comme le bras et je suis à deux doigts de craquer chez
MAC. » (1 juillet 2011)
Cette identification collective est aussi encouragée par un phénomène d’admiration plus ou
moins important. Bien sûr, pour Hervine, Victoria n’est pas son idole au sens propre mais son
admiration est tellement forte qu’elle assume une part de jalousie.
Hervine : « Oh putain!!! Tu es mon idole!! Non seulement parce que tu as une guitare, que tu
sais en jouer et qu’en plus elle est méga canon! T’imagine pas à quelle point je suis contente
pour toi, mais un peu jalouse aussi. J’aurais tellement, mais tellement aimé apprendre en
jouer et faire ma rockeuse de pacotille. » (19 aout 2011)
D’autres sont plus modérés, et se contentent de flatter les longues jambes, son bon goût ou
son choix pour les objets de consommation. Mais à chaque article, près de 70% des
commentaires sont des marques d’admiration : ce qui signifie bien que la blogueuse a noué
une relation de type « bonne copine » avec ses lectrices. Elles se flattent mais aussi
s’encouragent.
Lors de la publication d’une vidéo, une lectrice souligne les progrès de la blogueuse en
l’encourageant. D’autres l’incitent à poster, plus de vidéos, d’articles, ce qui créer une réelle
dynamique entre ces trois phénomènes qui sont l’identification, l’admiration et
l’encouragement.
Katy : « Et j'ai adoré ta ptite video tu commences à te lâcher et cest vraiment sympa ! (7
juillet 2011) »
b) Un relation personnelle avec le lectorat
La blogueuse a réussi clairement à nouer une relation très personnelle avec son lectorat.
Victoria affirme d’ailleurs dans l’entretien :
« Je fais attention aussi à traiter personnellement chaque lecteur, chaque abonné, etc…, ce
qui me paraît très normal puisque le blog vit grâce à leurs visites. Je leur réponds et je suis
proche d’eux, ce qui crée des échanges qui jouent sans doute en faveur de la fidélisation. De
manière générale, je dois dire que je recherche davantage cette fidélisation et cette
ambiance « personnelle » plutôt qu’un nombre élevé de lecteurs. »
42
45. Victoria répond très régulièrement aux commentaires que ses lectrices lui laissent pour
chaque article, depuis ces 3 derniers mois, nous avons compté que Victoria répond à au
moins un quart des commentaires.
Cette relation très proche avec les lectrices provoque aussi la confidence. En effet, certaines
lectrices de dévoilent littéralement sur le blog : racontent leur vie privée, familiale à la suite
d’un article, par exemple, sur l’achat d’une nouvelle guitare.
Hermine : « Non, je n’ai pas eu cette chance, j’ai eu le droit aux cours de solfège et de piano
(j’ai eu un piano mais je n’aimais pas ça). J’ai aussi du supporter les cours de danse classique
pendant 5 ans -__- Ça peut te paraître super mais moi je détestais car ce n’est pas des
activités que j’avais choisies (j’ai aussi fait du cheval aussi, pas aimé non plus). Bref, que des
activités de bourgeoise coincée alors que j’aurais aimé tout autre chose (pauvre petite
fille!) » (19 aout 2011)
Victoria a donc su créé une réelle relation de confiance avec son lectorat grâce aux
commentaires qu’elle utilise comme un outil conversationnel.
c) Des lecteurs participatifs et contributifs
Victoria ne répond pas seulement aux commentaires de son lectorat mais elle le prend
vraiment en compte. Dans un article, elle écrivait :
« J’ai fait ma sélection chez ASOS [lien], avec uniquement des prix raisonnables (je crois que
rien ne dépasse les 60 euros) puisque c’est ce qui vous avait plu chez ma nouvelle little black
dress: du style, et un prix riquiqui. »( 1er septembre 2011)
Suite donc aux commentaires élogieux sur sa dernière robe « chic et pas chère », elle publie
un article sur 3 tendances de la rentrée en restant dans des prix abordables comme son
lectorat le souhaite.
Mais ses lectrices proposent aussi à Victoria des thèmes d’articles et ce blog, se mute
vraiment en espace participatif mais aussi contributif :
Christelle : « Au fait Victoria, parlant de peau trop belle, tu voudrais pas nous faire un p’tit
post avec les produits que tu utilise ? gommage, crème et tt le toutim quoi ???! xo xo » (06
juillet 2011)
Réponse de Victoria : « C’est une bonne idée! Je vais préparer ça :) » (7 juillet 2011)
Aussi, dans ses articles, elle parle parfois de produits qu’elle n’a pas réussi à trouver ou qui
ne la satisfont pas. A la suite de ces remarques, ses lecteurs lui recommandent souvent des
alternatives et lorsque ces alternatives lui conviennent, elle leur rend hommage comme ci-
dessous :
43
46. Dans un article : « une jolie paire de boucles d’oreilles longues H&M sur lesquelles je lorgnais
depuis quelques semaines, trouvées à 1 euro, et le eyeliner Sephora que vous m’avez
recommandé, et que j’ai eu à 3 euros. J’en suis hyper contente! » (2 juillet 2011)
On voit donc que Victoria a su fidéliser ses lectrices grâce à une forte relation de confiance
mais aussi qu’elle n’a pas hésité à prendre en compte les remarques de ses lectrices et à les
appliquer. Toutefois, cette relation contrairement à celle qui la lie avec la blogosphère reste
dans le domaine virtuel.
B. RELATION AVEC LA BLOGOSPHERE
a) Relation mutuelle d’influence
Victoria a une relation très intense avec la blogosphère et ceci se remarque lorsque l’on
consulte on blogroll qui apparait sur la homepage. Ce blogroll est particulièrement
important puisqu’il compte dans les catégories (nous reprendrons les intitulés exacts):
Beauté, 8 blogs, Création & Jolies Choses, 28 blogs, Girly & adorable, 5 blogs ; Gourmandises,
15 blogs ; Mode, 39blogs.
Cette relation avec la blogosphère se retrouve sur le blog en reconnaissant les apports des
blogueuses sur ses trouvailles ou ses articles :
« Mon intérêt pour les cosmétiques asiatiques vient de la lecture d’un blog étonnant et
ludique, Les Beautés Testent [lien], qui m’a montré à quel point les Japonaises ou les
Coréennes sont soucieuses de la qualité et de la luminosité de leur teint, et de quelle manière
elles obtiennent la jolie peau qu’on leur connait bien. » (8 aout 2011)
Victoria reconnait d’ailleurs l’importance de cette émulation entre les blogueuses :
« En revanche les relations amicales avec les autres blogueuses sont importantes pour se
soutenir, s’inspirer, et pouvoir discuter de choses pour lesquelles on se comprend
particulièrement bien. »
Il est aussi important dans la blogosphère comme l’avait montré Kozinets (1999) d’intégrer
les codes mais aussi la hiérarchie. Ainsi, lorsque Victoria publie un article sur des madeleines
faites maison et qu’une blogueuse spécialisée dans la pâtisserie commente l’article, Victoria
répond :
Victoria : « Oooh venant de toi, je suis très flattée par ce compliment! Merci beaucoup ^__^ »
(23 aout 2011)
Cette reconnaissance de ses pairs et la prise en compte de la hiérarchie sur la blogosphère
est une composante très importante pour se construire un réseau.
44
47. Ainsi, en s’appuyant sur l’outil Klout, on remarque que Victoria a un réseau très important
avec un True Reach de 636. Ce chiffre signifie qu’elle influence 636 personnes, qui ont
tendance à répondre à sa création de contenu mais aussi à la partager. Cette donnée est à
coupler avec le Network impact, qui explicite l’influence de son réseau. Avec un score de 62,
en plus d’avoir un réseau important, Victoria a un réseau influent.
Cette relation mutuelle d’influence se confirme avec les chiffres suivants : sur les 10
personnes qu’elle influence le plus, 6 sont des blogueurs et sur les 10 personnes par qui elle
est le plus influencée, 7 sont des blogueurs.
Dans l’entretien, elle confirme d’ailleurs ce constat :
« Le milieu des blogueuses est très particulier sur ce point : tout le monde se lit entre soi, se
parle entre soi, etc… Rares sont les blogueuses qui n’entrent en relation avec personne de ce
monde. »
b) Des relations directes et extra-internet
Victoria, lors de l’entretien, explicite la façon dont elle rentre en contact avec la
blogosphère :
« Je suis en relation avec énormément de blogueuses par les réseaux sociaux et par mail, je
parle avec beaucoup d’entre elles de manière presque quotidienne (…). J’ai aussi eu
l’occasion de rencontrer, voir et revoir beaucoup de blogueuses mode, création, etc… et j’ai
encore plein de rencontres prévues dans les mois à venir. »
Cette relation directe semble être la raison d’un réseau solide et dense. Victoria a participé à
des événements créés pour les blogueuses comme les soirées Etsy ou les soirées Paulette.
Ces soirées lui ont donc permis de transformer des relations virtuelles en relations réelles.
c) Les réseaux sociaux et l’environnement
Dans le cas de Victoria chaque réseau social est associé à un type d’environnement.
Elle entretient des relations personnelles via Twitter avec ses lecteurs en utilisant un nombre
important de @ sur Twitter. Mais selon elle, c’est surtout Facebook et Hellocoton qui lui
apportent le plus de traffic.
« Concrètement, chaque mois, Twitter m’apporte autour de 15% de mon trafic. Mais
d’autres réseaux sont encore plus importants, comme Facebook et Hellocoton qui
m’apportent chacun autour de 30% de mon trafic. »
45
48. Au contraire, Twitter semble être l’outil qu’utilise la blogosphère pour faire connaissance et
ensuite amorcer une rencontre « dans la réalité ». D’ailleurs, sur 453 personnes qu’elle suit
sur Twitter 137 sont des blogueurs ce qui représente 30%.
« De manière générale, nous sommes rentrées en contact sur Twitter. Pour certaines, à force
de conversations virtuelles, nous avons aussi pu nous voir « en réalité » lors de rencontres
personnelles ou d’évènements organisés pour les blogueurs (soirées Etsy, Paulette
Magazine…). »
Le blog Mango and Salt a donc un réseau de lecteurs et de blogueurs très important. Ceux-ci
l’encouragent mais aussi participent activement au blog. La matrice d’influence de Klout qui
la situe comme une Broadcaster résume bien cette idée. Elle crée du contenu et elle le
partage avec une audience très large qui évalue et influence le contenu.
5.1.3 POTENTIEL DE VENDEUR
Sur ce blog, il y a différentes formes d’outils de promotion. Tout d’abord, à gauche, en
dessous du blog roll, il y a un espace nommé « une page de pub ». Cet espace, qui compte 2
bannières, est assez réduit et n’est pas visible du premier coup d’œil. Il faut « scroller » pour
voir cet espace. Cette monétisation assumée n’a donc pas une grande place sur le blog de
Victoria mais semblent lui apporter des revenus réguliers :
« *elles+ me permettent de gagner un pourcentage lorsqu’elles mènent à une vente pour la
marque en question. Ce sont des revenus très faibles (de l’ordre de 5 à 15 euros par mois)
mais assez réguliers. »
Dans un article récent, elle a organisé un concours sponsorisé pour faire gagner à son
lectorat un bandeau. Elle ne semble d’ailleurs pas très à l’aise avec ses monétisation
assumée, qu’elle justifie par des raisons financières :
« Bien que je n’aie jamais été très à l’aise avec l’idée de « vendre » de la publicité sur mon
blog puisque cela me semble une atteinte à ma ligne éditoriale, j’ai accepté ces propositions
précises parmi bien d’autres pour des raisons financières principalement. Je suis étudiante,
j’ai un budget limité et ces opérations m’ont aidée à renflouer un peu mon compte en
banque. »
Et semble ne pas vouloir recommencer ce genre d’opération :
« Cependant, j’ai décidé à présent de limiter très fortement voire de refuser désormais toute
opération de ce genre. Je préfère me concentrer sur un contenu personnel de qualité, et si je
veux gâter mon lectorat, je le ferai à mon compte. »
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