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Université Paris Ouest
                      Master 2 MOI Classique




Un vecteur de sens au service du capital de marque :
                         le storytelling

  L’entreprise Dufour Yachts comme sujet d’expérimentation




                          Anne-Claire Heurgon
                      N° carte Etudiant : 28005619




                UFR SEGMI : Département Gestion


               Master MOI 2009/2010 – Université Paris Ouest
Sommaire
Un vecteur de sens au service du capital de marque : le storytelling
L’entreprise Dufour Yachts comme sujet d’expérimentation


1.     INTRODUCTION ................................................................................................................... 3
     1.1     Définition de la problématique ................................................................................... 3
     1.2     Objectifs ....................................................................................................................... 4
     1.3     Annonce du plan .......................................................................................................... 5
2      LE CADRE D’ANALYSE .......................................................................................................... 6
     2.1     Le storytelling : contexte et principe ........................................................................... 6
     2.2     Le storytelling appliqué au marketing ......................................................................... 7
     2.3     Les différentes techniques de storytelling .................................................................. 8
     2.4     Les limites .................................................................................................................... 9
3      LES PROPOSITIONS ............................................................................................................ 11
     3.1     La structure du récit................................................................................................... 11
     3.2     Les différentes formes du récit : construction et utilisation ..................................... 15
       3.2.1        Le roman............................................................................................................. 15
       3.2.2        La tragédie .......................................................................................................... 19
       3.2.3        Le roman-feuilleton ............................................................................................ 21
       3.2.4        La saga ................................................................................................................ 23
       3.2.5        L’épopée ............................................................................................................. 23
4      METHODE .......................................................................................................................... 26
     4.1     Caractérisation de l’entreprise Dufour Yachts .......................................................... 27
     4.2     Choix d’une modalité pour raconter l’histoire de l’entreprise Dufour Yachts .......... 29
5      RESULTAT .......................................................................................................................... 32
     5.1     Préambule.................................................................................................................. 32
     5.2     La « Story » Dufour Yachts......................................................................................... 33
6      DISCUSSION....................................................................................................................... 37
     6.1     La pertinence d’une histoire pour l’entreprise Dufour Yachts .................................. 37
     6.2     L’analyse structurale du récit .................................................................................... 37
     6.3     La démarche de sotytelling........................................................................................ 39
7      CONCLUSION ..................................................................................................................... 41

                                                                                                                                              1
8     ANNEXE ............................................................................................................................. 43
    8.1     Annexe 1 : Les 31 fonctions du conte de Wladimir Propp ........................................ 43
    8.2     Annexe 2 : Liste des personnages à répartir sur les différentes fonctions ............... 44
    8.3     Annexe 3 : Le Petit Chaperon Rouge, Jacob et Wilhelm Grimm ............................... 44
    8.4     Annexe 4 : Publicité pour les 10 ans de l’Arpège (1974) ........................................... 47
    8.5     Annexe 5 : Liste des effectifs de l’entreprise (1973) ................................................. 48
    8.6 Annexe 6 : Extrait du Questionnaire de satisfaction - Juillet 2010 Erreur ! Signet non
    défini.
    8.7 Annexe 7 : Diagrammes : résultat de l’enquête de satisfaction .... Erreur ! Signet non
    défini.
    8.8     Annexe 8 : Illustrations de l’Histoire de Dufour Yachts ............................................. 48
      8.8.1        Article : « Le 1000e Arpège » ............................................................................. 48
      8.8.2        Publicités des années 70 .................................................................................... 54
      8.8.3        Lettre de Michel Dufour à ses salariés : Janvier 1975 . Erreur ! Signet non défini.
      8.8.4        Publicités Nautitech, 1997 ................................................................................. 50
9     ANNEXE ............................................................................................................................. 57




                                                                                                                                           2
1. INTRODUCTION

1.1   Définition de la problématique

Le storytelling ou l’art de raconter des histoires, se base sur le fait que l’homme a toujours
eu recours à des histoires et à des grands mythes pour expliquer l’univers qui l’entoure.
Depuis les mythes grecs et les griots africains, l’histoire de l’humanité a toujours été contée
à travers des récits. En effet, raconter des histoires est l’un des plus anciens processus de
création et de transmission de sens : les contes et les récits ont forgé notre enfance, notre
culture, notre mémoire collective ; ils ont permis la diffusion des valeurs, des arts de vivre,
des coutumes, des connaissances… Ce phénomène est commun à toutes les civilisations.
Ainsi le récit reste-il le chemin le plus court et le moyen le plus percutant pour créer du sens
et le transmettre à un public.
Le storytelling part du postulat que l’être humain est guidé davantage par ses émotions que
par sa raison ; par conséquent qu’il faut passer par l’émotion pour toucher la raison. En
suscitant l’émotion, le récit actionnerait les leviers qui nous poussent à agir.
Appliqué aux sciences sociales et humaines, le storytelling connaît depuis les années 90 un
formidable essor. Les théoriciens ont appliqué la discipline dans les domaines de la politique,
de la stratégie, du marketing et de la communication d’entreprise. L’art ancien des conteurs
devient une ressource managériale : « la communication narrative ».
Nous reviendrons au cours de ce mémoire sur le contexte de ce « narrative turn » qui a fait
évoluer une politique de produit en politique de marque, pour enfin aboutir à la
commercialisation d’une « histoire de la marque ». En effet, le storytelling apparaît alors que
l’on assiste à la transformation du système économique et social des organisations. Il
s’impose alors comme un vecteur pédagogique du changement ; il permet aux cadres et aux
employés de se mettre dans une disposition d’esprit propre à l’organisation dans laquelle ils
évoluent.
Quand il est utilisé en entreprise, les avantages du storytelling sont multiples : un récit
marque les esprits et retient l’attention davantage qu’un énoncé factuel. A l’intérieur du
cadre même d’une organisation, le storytelling permet de comprendre l’entreprise : cette
compréhension spontanée est possible grâce à la diffusion de sens apportée par les
histoires. Cette transmission de la mémoire collective facilite l’intégration des nouveaux
collaborateurs qui partagent ainsi valeurs et bonnes pratiques communes. Le recueil des
histoires en interne renforce les liens sociaux et la cohésion entre salariés. L’instauration de
ces nouveaux repères est un excellent moyen d’éviter les blocages et de favoriser la
communication.
Les marketeurs l’ont aussi compris : désormais, le sens se met au service de la marque et
participe à son capital. En passant d’un marketing transactionnel, centré sur l’acte d’achat, à
un marketing relationnel, les marketeurs intensifient la relation entre le consommateur et la

                                                                                              3
marque à plus long terme. Ainsi, selon Christian Salmon 1 , ne suffit-il plus pour les
marketeurs de rendre une marque célèbre ou familière auprès de consommateur, mais de
créer une relation singulière et émotionnelle entre une marque et ses habitués.
En réalisant mon stage dans l’entreprise nautique Dufour Yachts et en prenant en compte les
différents constats précédemment cités, l’idée m’est venue de réaliser une expérimentation.
Pourquoi cette entreprise se prête-elle particulièrement au storytelling et comment celui-ci
pourrait servir la marque ?
Au fil de nombreuses discussions avec mon entourage, j’ai constaté que Dufour Yachts était
peu connu du grand public, et ne rencontrait pas la notoriété que cette marque aurait du
mériter. En effet, l’entreprise, spécialisée dans la construction de voiliers haut-de-gamme, se
classe au 3e rang mondial des entreprises nautiques. Son histoire, surtout, gagne à être
considérée. Dufour Yachts est née de l’imagination d’un seul homme, Michel Dufour
ingénieur de métier mais passionné par la mer. On peut alors imaginer la construction de
cette légende, la manière dont elle évolue au fil des années et le potentiel que cela peut
représenter pour la communication autour de cette marque. Bruce Fairchild Barton,
fondateur de l’agence BBDO, et connu pour sa collaboration avec General Electric et General
Motors, disait dès 1923 :
« J’aime envisager la publicité dans sa grandeur, dans sa splendeur, plongeant au cœur
d’une institution pour en saisir l’âme…Les institutions ont une âme, tout comme les
hommes et les nations. »2.
C’est donc bien pour tenter de « saisir l’âme de Dufour Yachts » que je souhaite mener cette
expérimentation.
Quoi de plus sensé que de se référer aux théoriciens du récit pour appréhender le
storytelling ? Les analyses de Roland Barthes, Wladimir Propp, ou encore Claude Brémond
constitueront une base théorique à la mise en pratique de l’histoire de Dufour Yachts.

1.2   Objectifs

Selon Roland Barthes dans son « Introduction à l’analyse structurale du récit »3, « Le récit
constitue l’une des catégories de la connaissance pour comprendre et ordonner le monde ».
Dans une société où la consommation est devenue presque un acte culturel, nous éprouvons
de plus en plus la nécessité de nous identifier à une cause, à un produit, à une marque. Cette
tendance est aussi nettement visible dans le monde de la communication : le partage et la
volonté d’échange de sentiments et de vécu, réel ou pas, est l’une des particularités du web
2.0. Dès notre plus tendre enfance, l’histoire a la faculté de faire abandonner à l’auditeur ses
défenses et son attitude blasée, elle constitue un remède au cynisme.




1
 Salmon C. (2008). Storytelling, la machine à fabriquer des rêves et à raconter des histoires. Editions la
Découverte, Paris.
2
 Marchand R. (1991). The corporation Nobody knew : Bruce Barton, Alfred Sloan, and the founding of the
General Motors « Family », Business History Review, 22 décembre 1991, p225
3
  Barthes R. (1966). Introduction à l’analyse structurale du récit. Communication, 8, 1966. Recherches
sémiologiques : l’analyse structurale du récit. pp. 1-27
                                                                                                        4
Mon objectif est de comprendre comment se construisent les récits et d’en analyser les
différentes formes narratives. Ce cadre théorique me permettra de mieux appréhender le
storytelling et de l’appliquer au cas de Dufour Yachts.

1.3   Annonce du plan

Nous avons brièvement présenté le storytelling en expliquant son objectif premier : faire
surgir des émotions grâce aux tournures narratives, et ainsi capter l’attention en
recherchant une compréhension spontanée qui s’affranchit de la raison.
Le cadre d’analyse me permettra de revenir sur le storytelling et de comprendre le contexte
dans lequel il est apparu et pourquoi son champ d’application s’est étendu au marketing.
Nous passerons en revue les différentes techniques et les méthodes qui en définissent le
cadre général, et nous en déduirons enfin les limites.
Nous nous pencherons dans la partie « Propositions » sur les théoriciens de la structure
narrative. Nous pourrons alors détailler les différentes formes du récit et les éléments qui le
constituent. Cette section a pour but de proposer les meilleures modalités pouvant servir un
plan de communication dans un objectif publicitaire.
C’est dans le chapitre « méthodes » que nous nous intéresserons sur l’expérimentation
annoncée au début de cette introduction. Grâce aux propositions exposées dans la partie
précédente, nous ferons le choix méthodologique d’un récit adapté à l’entreprise Dufour
Yachts et à ses produits. Pour cela, nous définirons au préalable les caractéristiques de cette
entreprise.
Un essai du récit de l’entreprise sera proposé dans la partie « résultats ».
La section suivante sera consacrée à la discussion de sa portée et sa pertinence. Cette partie
représentera l’occasion de considérer l’atteinte de l’objectif de ce mémoire.
Enfin nous conclurons sur le cheminement général de notre étude et ses implications dans le
dernier chapitre.




                                                                                             5
2          LE CADRE D’ANALYSE

2.1         Le storytelling : contexte et principe

Avant de nous intéresser en détail au principe et aux techniques du storytelling, il semble
important de situer le contexte dans lequel il est apparu. Pour comprendre le narrative turn
des années 90, effectuons un retour en arrière sur l’histoire des marques et l’évolution du
marketing. Comment est-on passé d’une politique de produit, à celui de la marque pour
enfin commercialiser l’histoire de la marque ? Dans son livre No logo, Naomi Klein1 revient
sur les événements historiques qui ont conduit à l’avènement du storytelling.
Au 19e siècle, apparaissent les premières campagnes publicitaires de masse. Devant un
nombre d’invention croissant- la lampe électrique, l’automobile, le téléphone - les
industriels doivent informer les consommateurs de leur existence. Il s’agit également de
faire accepter au grand public un nouveau mode de vie. Au-delà de sa fonction informative,
la publicité se veut rassurante : ces objets vont rendre notre quotidien meilleur.
Mais avec l’essor industriel, l’usine amène la production de masse. Les produits de la vie
quotidienne sont nommés pour la première fois dans le but de différencier les différents
acteurs. Des noms évoquant la vie rurale apparaissent « Aunt Jemina », « Uncle Ben », « Dr
Brown ». Cette familiarité qui rappelle au consommateur l’épicier de jadis, gagne la
confiance du grand public et le rallie à la cause de la consommation de masse.
Après la crise de 1929, il apparaît que la fonction fondamentale d’une entreprise industrielle
est la fabrication d’objet. Plus celle-ci en fabrique, plus élevés seront les bénéfices. On met
alors le produit en avant. Cela apparaît comme la clé de la relance économique.
Cependant, certains personnages envisagent déjà les multiples usages que l’on peut faire de
la publicité. Bruce Fairchild Barton, que nous avons cité en introduction s’évertue à donner
une « âme » aux marques pour lesquelles il travaille.
Les publicités de General Motors se mettent alors toutes à raconter «l’histoire de gens qui
conduisaient les voitures de la marque, comme par exemple le médecin de campagne qui,
grâce à sa fidèle GM, arrivait « au chevet d’un enfant mourant juste à temps pour le
ramener à la vie »2 ». L’entreprise vient d’acquérir une âme auprès des consommateurs.
Progressivement, les publicitaires prennent conscience du potentiel de la marque. De
simples logos, les marques deviennent garantes de l’identité de l’entreprise. On parle alors
d’« essence de la marque » pour qualifier le sens que prennent celles-ci dans la vie des
individus. Le « branding » vient compléter la fabrication.
Le tournant arrive dans les années 80. La production de masse devient trop lourde. La
légèreté est de mise : on fabrique de moins en moins d’objets avec de moins en moins
d’employés mais avec des images de plus en plus convaincantes. La marque représente un
réel investissement dans la valeur des actions. En témoigne l’achat de Kraft par Philip Morris
pour 6 fois la valeur théorique ; la différence résidant dans le poids de la marque.




1
    Klein N. (2001). No Logo : la tyrannie des marques. Actes Sud, Arles
2
    Ibid
                                                                                             6
Selon Naomi Klein, le jour décisif qui marque la fin du branding et la naissance du storytelling
remonte au 2 avril 1993. Ce jour-là, Philip Morris décide de baisser le prix des cigarettes
Marlboro pour faire face à la concurrence. Aussitôt, le cours des multinationales chute à
Wall Street : Heinz, Quaker Oats, Coca-Cola, Pepsi-Cola, Procter&Gamble… En effet, l’idée
qu’une institution telle que Marlboro s’abaisse à réduire les prix pour résister sur le marché
est effrayante. Un acte aussi désespéré signifie simplement que les marques n’ont plus
aucune valeur et que le branding n’a plus de raison d’être. Parallèlement les marques de
distributeur rencontrent un succès grandissant. « Lorsque vous avez un produit qui est
identique à un autre produit, il y a différents moyens de le concurrencer. Soit, et c’est la
solution stupide, on baisse le prix. Soit on change la valeur du produit en racontant son
histoire. »1
Les marketeurs doivent par conséquent repenser leur vision des choses s’ils veulent
redonner vie aux marques. En s’inspirant du modèle de Disney, d’IBM, de Starbucks ou the
Body Shop dont le succès ne faiblit pas, l’idée est trouvée : la marque devient expérience ou
de style de vie. Les produits ne sont plus des articles de base mais des concepts.
« Pour les marketeurs, affirme Christian Salmon, il ne suffit plus de rendre une marque
célèbre ou familière auprès d’une masse de consommateurs anonymes, mais de créer une
relation singulière, émotionnelle, entre une marque et ses affiliés. »2
En une vingtaine d’années, le marketing est ainsi passé du produit à la marque, puis de la
marque à la story ; de l’image de la marque à l’histoire de la marque.


Le storytelling rencontre un véritable succès aux Etats-Unis où le pouvoir des histoires sert
aussi bien la politique que les grandes firmes multinationales. La conduite d’importants
changements, la fusion de sociétés, la communication interculturelle sont autant de
circonstances dans lesquelles les managers appliquent le storytelling. Celui-ci vise à une
représentation mentale et rapide et facilite la communication en amenant du sens à une
situation complexe. En racontant des histoires « stories » aussi bien en interne qu’en
externe, l’entreprise donne aux gens la possibilité de les continuer. Ils deviennent alors une
part de cette histoire, renforçant leur lien avec l’entreprise et favorisant ainsi la cohésion
interne.

2.2    Le storytelling appliqué au marketing

Pour Christian Salmon, il ne suffit plus pour les marketeurs de rendre une marque célèbre ou
familière auprès d’une masse de consommateurs, mais de créer une relation singulière et
émotionnelle entre une marque et ses habitués.
Nous avons évoqué précédemment qu’en quelques années nous sommes passés d’un
marketing transactionnel, centré sur l’acte d’achat et privilégiant la communication de
masse, à un marketing relationnel. Les marketeurs préféraient auparavant ignorer les



1
 Tern B. (2006). What does brand mean. Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 34, n°2, 2006, P. 216-
223
2
 Salmon C. (2008). Storytelling, la machine à fabriquer des rêves et à raconter des histoires. Editions la
Découverte, Paris.
                                                                                                             7
process relationnels jugés trop coûteux et trop complexes. Le marketing relationnel apporte
une vision à plus long terme devant permettre la fidélisation du consommateur.
Le web 2.0 a constitué un véritable bouleversement dans la relation entre l’entreprise et les
consommateurs. Selon, un article du Figaro.fr intitulé : « Renault, champion des
conversations sur les blogs »1, plus de 30 % de ce qui se dit au sujet d'une marque sur
Internet vient des consommateurs. En effet, 30,4% des 100 premières réponses obtenues
sur Google à propos des 100 plus grandes marques françaises proviennent des internautes.
On se rend compte combien « les histoires » des consommateurs sont devenues décisives.
Envisagés non plus comme de simples acheteurs, ils sont considérés dorénavant comme des
relais de l’information.
La fidélisation est devenue en très peu de temps le mot d’ordre des entreprises : le
marketing se veut de plus en plus individualisé : personnalisation, interactivité,
appartenance, communauté. En fédérant le consommateur autour de leur marque, les
entreprises espèrent une réelle valeur sur l’image et la notoriété de leurs marques.
Dans notre étude, nous mettrons en avant le fait que le nom de l’entreprise peut être
porteur d’une histoire. Réfléchir à celle-ci représente également un moyen de repenser la
politique de communication notamment au travers de l’image que l’entreprise souhaite
renvoyer.

2.3      Les différentes techniques de storytelling

Vous voulez ressentir la tension qui règne à bord d’un sous-marin en mission ? Le site de la
marine national « etremarin.fr »2 vous permet de vous glisser dans la peau d’un marin et
d’effectuer des missions hyper réalistes. Vous désirez déclarer votre flamme à votre
conjoint ? Le site, « tartedetoi .fr»3 lancé par Marie, nous propose de composer une histoire
d’amour et de réconciliation autour d’une quiche Marie.


Ces opérations entrent dans deux conceptions distinctes du storytelling. La première est « la
mise en récit » : une histoire est racontée au consommateur. On y retrouve tous les
éléments propres au récit : personnages, événements, intrigue, obstacle et résolution. Que
l’histoire soit fictive ou non, l’important est que le message soit authentique. La publicité
Nespresso en est une bonne illustration. Dans tous les spots, nous avons le droit à une mini-
« story » autour de George Clooney jouant son propre rôle avec autodérision.
La seconde approche du storytelling s’apparente davantage à « un récit de marques ». Celui-
ci correspond à la création d’un univers ou d’une atmosphère. On retrouve cette utilisation
dans les marques de luxe, les parfums, ou encore les cosmétiques.




1
     (2010),     Renault,    champion      des      conversations sur  les    blogs.    Le    Figaro.fr.
http://www.lefigaro.fr/medias/2008/08/22/04002-20080822ARTFIG00552-renault-champion-des-conversations-
sur-les-blogs-.php (page consultée le 30 mars 2010)
2
    http://www.etremarin.fr/ (page consultée le 2 avril 2010)
3
    http://www.tartedetoi.fr/ (page consultée le 2 avril 2010)
                                                                                                      8
Dans les deux cas, le but est d’instaurer une progression narrative pour enfin délivrer un
message de la manière la plus efficace possible. Une dimension plus générale est apportée
par certaines marques à travers l’échange social. Le site Dove1 propose une réflexion autour
de différents thèmes tels « accepter son âge », « trop minis pour être sexy », ou le
« Programme Dove pour l’estime de soi ». En abordant ainsi des thèmes personnels, en
publiant les histoires de chacune mais en communiquant sur les qualités uniques de chaque
personne, la marque se positionne sur de véritables qualités d’empathie. Une stratégie
marketing qui s’appuie sur la dynamique d’une communauté, associée à une histoire autour
de la marque a de fortes chances d’assurer la pérennité de cette dernière.

2.4       Les limites

Il existe plusieurs limites au storytelling.
Les premières résident dans les différentes méthodes employées par les marketeurs pour
nous toucher ou activer des émotions enfouies au plus profond de notre mémoire. Ces
techniques prêtent à discussion. Christian Salmon les assimile à de la manipulation, à « une
machine à formater les esprits ». Cependant, son point de vue demeure partisan ; en se
situant dans un courant altermondialiste, il critique la publicité et la société de
consommation. Ce thème de la manipulation n’est-il pas en effet daté quand il s’agit de
marketing ? Hyperinformé, et habitué aux comparaisons et au recueil d’informations sur
internet, le consommateur n’en sait-il pas parfois plus que le publicitaire ?
« Si l’on manipule les acheteurs, on les perd définitivement pour la marque, affirme Jacques
Séguéla. La publicité a cessé de manipuler dans les années 80. C’est d’ailleurs le seul métier
pour lequel le mensonge est puni par la loi, jusqu’{ la prison même. »2
 Il n’en reste pas moins que pour garder leur crédibilité, les histoires doivent rester
authentiques. C’est dans la sincérité que réside le principal enjeu du storytelling. Un récit
énoncé dans le but de détourner l’attention et non plus de la capter, devient rapidement
manipulation et propagande. C’est en effet ce que dénoncent les opposants du storytelling :
les récits peuvent cacher une histoire trompeuse. Si l’imagination prend le pas sur la raison,
l’esprit se retrouve emprisonné et perd son pouvoir de discernement. On se retrouve
rapidement « pris au piège » de l’histoire sans même s’en rendre compte.
La seconde limite tient à la forme narrative du storytelling et à son utilisation récurrente
dans les différentes campagnes publicitaires. Le récit nécessite le maintien d’une dynamique
qui lui permet de garder le spectateur en haleine et de l’impliquer. Le récit doit donc en
permanence alterner entre information, actions dramatiques et tension. Cette logique doit
pouvoir se retrouver dans la marque. Nous assistons aujourd’hui davantage à la répétition
des mêmes scènes à l’intérieur d’une structure identique. Sans réel engagement dans la
narration, le consommateur risque de se lasser d’autant plus rapidement qu’il identifiera
par lui-même les ficelles du processus « d’enrôlement ».




1
    http://www.dove.com/fr_fr/fr_fr/index.html (page consultée le 3 juin 2010)
2
  Di Rosa M. (2009). Quand le storytelling réinvente le marketing. Stratégies.fr. http://www.strategies.fr/etudes-
tendances/tendances/124266W/quand-le-storytelling-reenchante-le-marketing.html (page consulté le 26 mai
2010)
                                                                                                                9
C’est pourquoi une analyse des différentes formes narratives demeure indispensable pour
maîtriser au mieux un récit et son application en storytelling. La partie suivante a pour but
d’exposer en détail les différentes formes narratives et les éléments constitutifs du récit.
C’est en comprenant la structure même du récit et la manière dont il doit s’agencer que je
pourrai mener à bien mes objectifs et à travers eux, mon expérimentation de mettre
« en récit » l’histoire de Dufour Yachts.




                                                                                          10
3      LES PROPOSITIONS

3.1       La structure du récit

Le récit est protéiforme. Présent dans le mythe, la légende, la fable, l’épopée, la tragédie, le
conte, il apparaît dans toutes les sociétés, dans tous les lieux. Le récit fait partie intégrante
de l’histoire de l’humanité. Comme le rappelait Roland Barthes dans l’Introduction à
l’analyse structurale du récit1, « Tous les groupes humains ont leur récit (…) : le récit se
moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique,
transculturel, le récit est là, comme la vie. »
L’universalité du récit démontre combien cet outil est précieux pour entrer en
communication avec une personne. C’est de cette observation qu’est né le storytelling ;
présentés sous forme narrative, les messages sont mieux retenus.


C’est pourquoi il semble nécessaire, avant même d’analyser les différentes formes que
peuvent prendre un récit, de comprendre la structure intrinsèque de celui-ci.
Dans son ouvrage Morphologie du conte2 publié en 1928, le folkloriste russe Wladimir Propp,
se penche sur l’analyse des contes merveilleux russes. En retranchant tout ce qu'il juge
secondaire : le ton, l'ambiance, les détails décoratifs, les récits parasites, il ne garde que les
plus petites unités narratives. Il détermine ainsi une typologie des structures narratives.
Son ouvrage constitue la base méthodologique de l’analyse structurale des contes, celle-ci
ayant inspiré par la suite de nombreux travaux ; notamment ceux de Claude Brémont3 qui
proposa une grammaire narrative en poursuivant les réflexions de Wladimir Propp.
En déchiffrant plusieurs centaines de contes issus du flolklore russe, Propp identifie le jeu de
ce qu’il nomme « les variables » (les personnages) et les « constantes » (les fonctions qu’ils
accomplissent). Ces fonctions, quelle que soit la manière dont elles sont réalisées,
demeurent répétitives et leur succession est identique. Organisées à partir d’un manque ou
d’un méfait initial jusqu’à sa réparation finale, ces fonctions sont au nombre de 31. (Annexe
1 : Les 31 fonctions du conte de Wladimir Propp).
On remarque que ces fonctions peuvent être assemblées par couple : par exemple,
interdiction/transgression, interrogation/information ou encore combat/victoire. De la
même manière le début et la fin de l’histoire s’opposent mais instaurent une certaine
symétrie. Si la solution de départ est négative, elle sera positive à l’arrivée ou si un doute
subsiste au début, la fin apportera la solution voulue.




1
  Barthes R. (1966). Introduction à l’analyse structurale du récit. Communication, 8, 1966. Recherches
sémiologiques : l’analyse structurale du récit. pp. 1-27
2
    Mélétinski E., Propp W. (1970). Morphologie du conte. Collection Essais. Editions Seuil, 1970
3
    Brémond C. (1973). La Logique du récit. Collection Poétique, Editions du Seuil, 1973
                                                                                                    11
Ensuite, seulement, Propp détermine les concepts de personnage afin de répartir les
fonctions correspondantes pour chacun d’eux. (Annexe 2 : Liste des personnages à répartir
sur les différentes fonctions)
Cette analyse n’est pas sans intérêt dans le cadre de notre étude : comprendre la mécanique
du conte et l’enchaînement des différentes fonctions demeure une réelle aide
méthodologique pour comprendre et écrire une intrigue, et surtout, veiller au maintien de
celle-ci tout au long du récit. Sans forcément reproduire ces 31 séquences, nous pouvons
chercher à regrouper ces fonctions afin de faciliter l’écriture et de proposer un modèle de
trame narrative plus globale. Le conte de Grimm, Le petit Chaperon rouge1 (Annexe 3 : Le
Petit Chaperon Rouge, Jacob et Wilhelm Grimm), nous servira à illustrer ce modèle.
Nous distinguons :
            o Une situation initiale. Elle débute par une formule destinée à plonger
l’auditeur dans l’ambiance du conte. Cette situation initiale constitue une phase de
présentation et de description du personnage principal et du lieu où se situe l’action. ou le
conflit qui est au cœur de l’action. « Il était une fois une jeune et jolie petite fille qu’aimaient
tous ceux qui la voyaient et plus encore sa grand-mère qui ne savait rien lui refuser. Un jour,
elle lui offrit un chaperon de velours rouge qui lui seyait tant qu’elle ne voulut plus jamais
porter autre chose. Si bien qu’on ne l’appela plus que "Petit Chaperon rouge. » La situation
initiale met en avant la mission que devra réaliser le héros et son destinataire potentiel. Elle
montre le problème qui doit être résolu. En très peu de temps, l’auditeur est renseigné sur le
contexte de l’intrigue. « Petit Chaperon Rouge, viens me voir, voici un morceau de gâteau et
une bouteille de vin que tu apporteras à ta grand-mère, elle est malade et faible et pourra
s’en délecter. » La situation initiale prend fin avec le départ du héros. « Lève toi avant qu’il
ne fasse trop chaud. En chemin, tu iras prudemment et avec sagesse afin de ne pas t’écarter
du bon chemin sinon tu pourrais tomber, casser la bouteille et ta grand-mère n’aurait plus
rien. Quand tu seras arrivée dans sa maison, n’oublie pas de lui dire bonjour et ne farfouille
pas dans tous les recoins. »
« Je ferai bien tout ce que tu me demandes » répondit le Petit Chaperon Rouge à sa mère et
elle lui tendit la main pour la quitter
Un élément nouveau introduit alors une instabilité ; il déclenche le début d’une
transformation et d’une complication. On parle de :
          o      Situation de développement. Dans cette situation, l’histoire se déroule de
façon logique visant à atteindre le dénouement sans détour. « Quand le Petit Chaperon
Rouge entra dans le bois, son chemin croisa celui du Loup cependant, elle ignorait qu’il était
un animal cruel et elle n’eut donc pas peur de lui … » Le déséquilibre est annoncé par la
mauvaise pensée du loup, confirmée par la suite « Le Loup pensa « La jeune et tendre chose,
elle fera une belle et grasse bouchée, qui doit être bien meilleure que la Vieille femme … ».
Les paragraphes qui suivent introduisent les verbes d’actions qui se succèdent en fonction
des interactions entre le héros et les autres personnages. On y trouve l’usage de dialogue et
d’adverbes reliant les faits et assurant la continuité du récit. « Pendant ce temps, le Loup
alla... », « Puis il enfila sa robe, .. »


1
    http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Petit_Chaperon_rouge_(Grimm)


                                                                                                 12
Le personnage principal se voit alors confronté à une épreuve où il devra prouver sa dignité
et sa valeur pour conquérir l’objet de sa quête. Cette seconde partie s’achève sur la
punition/récompense : le héros se voit reconnu dans toute sa gloire tandis que le « faux-
héros », démasqué, est puni « Il voulut poser sa gibecière lorsqu’il pensa que le Loup avait pu
dévorer la grand-mère et qu’il pourrait encore la sauver … », « il vit l’éclat rouge du
chaperon puis il fit une autre paire d’entailles. Soudain le Petit Chaperon Rouge bondit et
s’écria : « Ah, j’ai été tellement effrayée car il faisait si sombre dans le ventre du Loup. » »,
« Puis vint la vieille grand-mère qui ne pouvait presque plus respirer. Le Petit Chaperon Rouge
attrapa promptement une grosse pierre et en remplit le ventre du Loup. Lorsqu’il se réveilla il
voulut s’enfuir mais la pierre était si lourde qu’il retomba lourdement et mourut sur le
coup.. » .
          o      La situation finale. Elle se déroule dans une période relativement brève et
peu de détails sont donnés. Elle constitue la phase de glorification du héros et rétablit
l’équilibre ; la victoire du bon et la défaite du mauvais est accentuée. « Tous trois se sentirent
tout joyeux, le chasseur dépeça le Loup et rentra chez lui, la grand-mère mangea le gâteau et
but le vin que le Petit Chaperon Rouge avait apportés et se reposa enfin. Mais le Petit
Chaperon Rouge pensa : « Tu n’iras plus jamais seule en dehors des chemins dans la forêt
comme ta mère te l’avait recommandé »».


Bien que souvent positive, la fin peut prendre une tournure pessimiste ou malheureuse.
Denise Paulme, une anthropologue ayant travaillé sur les contes africains, parle d’un récit de
« type descendant »1 pour qualifier un texte qui finit plus mal qu’il n’a commencé.


Cette approche de Wladimir Propp nous a permis de nous pencher sur la construction d’un
conte et de tenter d’en appliquer la méthodologie ou « morphologie » au travers une
approche plus globale. Mais il semble important de compléter cette analyse en étudiants les
recherches d’autres théoriciens du récit.
Nous avons ouvert ce chapitre avec une citation de Roland Barthes. Qui d’autre en effet que
celui qui a écrit sur la structure même du récit pouvait servir de cadre de référence à notre
expérimentation ?
Roland Barthes s’est posé la question d’une structure du récit. Cette vaste entreprise paraît
inimaginable si l’on considère le nombre infini de récits, la multitude des points de vue, les
inspirations culturelles dont ils sont imprégnés, les différentes langues employées pour la
narration et leur subtilité rhétorique… Devant cette apparente anarchie, Roland Barthes ne
peut proposer dans un premier temps qu’un modèle hypothétique qui sera l’instrument
d’une future théorie.
Les premières recherches de Roland Barthes pour l’élaboration de son modèle s’orientent
vers la linguistique ; la langue du récit.
Tout comme Propp recherchait les plus petites unités narratives, Barthes considère la phrase
comme la dernière unité d’une analyse linguistique. Dès lors, on peut concevoir un récit


1
 Paulme D. (1976). La mère dévorante. Essai sur la morphologie des contes africains. Edition Gallimard, Paris,
1976
                                                                                                           13
comme une somme de phrases. Cependant, on ne peut réduire le récit à cette opération. La
compréhension de ce dernier résulte du sens délivré par sa structure. Barthes parle des
différents « étages » d’un récit : au-delà du niveau « horizontal » constituant le fil narratif, il
faut chercher dans l’histoire ou le discours, les axes verticaux. Ces différents « étages »
servent à faire progresser l’intrigue. Il propose alors, et nous retrouvons les fondements de
l’analyse de Propp, le niveau des fonctions, celui des actions et enfin le niveau de la
narration. Ces fonctions demeurent interdépendantes ; la narration n’existe que parce
qu’elle décrit une fonction réalisée par un « actant ».


Selon Roland Barthes, les fonctions sont des « germes » posés à des instants précis du récit.
Ces germes sont amenés à mûrir à un moment donné de l’histoire. Chaque détail devient
alors utile pour le récit, puisqu’il semble participer à relier les étages ou niveaux du récit
entre eux, et ce, de manière plus ou moins immédiate. Dans Un cœur simple, Flaubert nous
apprend sans insister que les filles du préfet possèdent un perroquet. Bien plus tard, ce
même perroquet prendra une place considérable dans la vie de Félicité. L’énoncé de ce
détail avait par conséquent une fonction narrative. De la même manière, dans la
phrase « James Bond souleva l’un des quatre récepteurs », l’utilité du mot quatre prend un
sens beaucoup plus large que la quantité seule : il nous renvoie au concept de la haute
technologie bureaucratique des bureaux de l’agent secret.
Mais quelle logique s’applique quand il s’agit de décrire l’enchaînement des différentes
fonctions ? Barthes émet alors plusieurs hypothèses en s’appuyant sur d’autres sémiologues.
Claude Brémond, dans La logique du récit, voit une « logique énergétique ». Les fonctions
s’enchainent selon les choix auxquels sont soumis les personnages. La syntaxe découle par
conséquent des différents comportements humains en chaque point de l’histoire. Julien
Greimas, fondateur dans les années 1960 du « Groupe de recherche sémio-linguistique »
(dont Barthes faisait partie), préfère quant à lui s’appuyer sur la linguistique. Il tente de
retrouver les paradigmes des fonctions et les oppositions structurant le récit. Enfin, la
troisième hypothèse expose la logique inverse. Tzevtan Todorov, membre du même groupe
et théoricien de la littérature, se base sur les personnages : ce sont eux qui déterminent les
fonctions et la combinaison du récit et non le contraire.
Les actions qui renvoient à la notion de personnage, constituent le deuxième niveau
d’analyse du récit. En effet, les théoriciens ne considèrent pas ceux-ci comme
fondamentaux. Aristote disait déjà dans son ouvrage, La poétique « Il peut y avoir des fables
sans caractères, il ne saurait y avoir de caractères sans fable ». Ce qui n’était jusque là que
l’agent d’une fonction, a pris une réelle consistance psychologique notamment au travers
des naturalistes français (Zola, Balzac, Flaubert, Maupassant) et des romanciers russes
(Tolstoï, Dostoïevski, Gogol). Encore une fois, les analystes considèrent différemment les
personnages. Selon Bremond1 , ils sont les « participants » de chaque séquence narrative
dont ils sont le héros. Greimas2, lui, les classe en fonction de leurs actions et selon trois axes
sémantiques : la communication, la quête, l’épreuve. On retient de ces deux interprétations


1
    Brémond C. (1973). La Logique du récit. Collection Poétique, Editions du Seuil, 1973
2
    Greimas A.J. (1966). Sémantique structurale, Larousse, 1966.


                                                                                                14
la définition commune du personnage par sa participation à une sphère d’actions. C’est
pourquoi Barthes définit ce deuxième niveau narratif par le mot « Action », qui renvoie
davantage aux grandes articulations du récit qu’à une suite de petits actes.
Enfin, le dernier étage de l’analyse d’un récit se définit par la communication narrative. Il ne
peut en effet y avoir de récit sans narrateur d’un côté et sans auditeur ou lecteur de l’autre.
On peut alors envisager trois conceptions du narrateur. Dans la première, le récit est raconté
à la première personne. La description des événements tient à la seule vision du personnage
décrivant l’histoire. La deuxième conception est celle d’un narrateur omniscient : il est à la
fois à l’intérieur des personnages (il sait tout ce qui se passe en eux) et à l’extérieur (il ne
s’identifie à aucun d’eux). Le dernier type de narrateur fait de chaque personnage l’émetteur
du récit. Tour à tour, ils décrivent uniquement ce qu’ils savent ou peuvent observer.
Agatha Christie s’est servi de ces trois modèles et a bousculé ainsi les codes du roman
policier. En les mélangeant, elle induit le lecteur en erreur en trichant sur la personne de la
narration : un personnage est décrit de l’intérieur alors qu’il est déjà le meurtrier. De même,
dans Le meurtre de Roger Akroyd, le meurtrier est en fait le narrateur parlant à la première
personne.


Ainsi, avons-nous cherché à mieux comprendre la structure du récit. Bien que Roland
Barthes insiste sur la forme hypothétique de ses propositions, celles-ci nous aident à mieux
comprendre les différents rouages d’une histoire. En complétant cette analyse par les
théories de Wladimir Propp, nous pourrons à notre tour « écrire » une histoire en maîtrisant
les éléments apportés, et en demeurant conscient du sens qu’ils amènent au récit, aussi bien
à l’intérieur d’une séquence narrative particulière que dans une vision plus globale de celui-
ci.
L’étude des différentes formes du récit semble indispensable pour approfondir notre
méthode et proposer par la suite la proposition la mieux adaptée à notre expérimentation
de storytelling.




3.2   Les différentes formes du récit : construction et utilisation



Ainsi, le récit peut-il prendre différentes formes. On le retrouve à toutes les époques et dans
différents milieux culturels. Nous reviendrons dans cette partie sur les formes les plus
communes et les plus utilisées. Que l’on parle de roman, de tragédie et de drame, ou encore
du feuilleton, tous sont témoins d’une période et ont posé sur celle-ci leur empreinte
littéraire.


3.2.1 Le roman
Le roman est une œuvre narrative en prose. Depuis les romans de chevalerie du Moyen-âge,
il n’a cessé de se diversifier. Le roman, en devenant au XIX° siècle le genre dominant, a

                                                                                             15
redéfini ce concept apparu à la Renaissance et qu'on réservait au théâtre. Son objectif est de
remplir et satisfaire le désir d’évasion du lecteur. Le roman reflète souvent les
préoccupations de la société et la quête de valeurs nouvelles. Il est « une œuvre
d’imagination constitué par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans
la narration d’aventures, l’étude des mœurs ou des caractères, l’analyse de sentiments ou
de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives ou subjectives »1.
Sa vitalité, se manifestant à travers les différentes situations romanesques est souvent due à
une suite d’épisodes dont l’enchaînement constitue l’intrigue. Lire un roman de façon
approfondie implique d’être attentif à ses éléments constitutifs : ils concernent aussi bien le
narrateur que le cadre spatio-temporel dans lequel s’inscrit l’intrigue.


Intéressons-nous en premier lieu aux différentes étapes du récit.
Un roman est constitué d’actions s’organisant en une intrigue. Dans notre analyse
précédente de Wladimir Propp et la proposition d’une structure du conte « simplifiée »,
nous avons cherché à regrouper les fonctions en trois parties distinctes. En s’appuyant sur ce
découpage, nous pouvons mettre à jour le schéma narratif de l’intrigue, telle qu’elle apparaît
dans le roman.
 L’état initial définit le cadre de l’intrigue : il situe le lieu, l’époque et les personnages. De la
même manière que dans le conte, un événement perturbateur vient remettre en cause
l’équilibre initial. S’en suit une série de rebondissements provoqués par cette transformation
de la situation des personnages. Ces péripéties prennent fin avec l’arrivée d’un élément qui,
en rétablissant l’équilibre initial, vient mettre fin à l’intrigue. Enfin le roman s’achève sur
l’état final, heureux ou malheureux, des personnages.
Très marquées dans les romans du 19e siècle, que se soit pour Balzac, Stendhal, Flaubert, ou
encore Maupassant, ces séquences demeurent très proches de celles analysées dans la
structure du conte. On y retrouve les mêmes parties : un état initial, une transformation
appelant une perturbation puis le retour à l’équilibre de celle-ci et enfin un état final. On
notera que l’ordre de ces séquences peut être modifié. Dans un retour en arrière, le récit
commencera par exemple, par l’état final.


Ces étapes servent de cadre à l’intrigue. Cependant, celle-ci peut aussi revêtir différentes
formes. Une intrigue unique, resserrée, présente l’histoire du personnage du déclenchement
de la transformation jusqu’à sa résolution. Cette forme se prête davantage à la nouvelle. En
effet, une intrigue plus complexe demande davantage de temps : la multiplication des
personnages et leurs histoires dont les destins se rejoignent ou se croisent s’inscrit dans un
récit plus dense. L’écrivain peut même brouiller les niveaux de narration et introduire des
intrigues secondaires à l’intérieur des intrigues principales. On parle alors
« d’enchâssement ».2


1
    Grand Dictionnaire encyclopédique, Larousse, 2005
2.Kaempfer J., Zanghi F. (2003). Méthodes et problèmes, La voix narrative. Section de Français – Université de
Lausanne, http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/vnarrative/vnsommar.html. (Page
consultée le 30 juin 2010 )

                                                                                                            16
Barthes considérait la narration comme le troisième niveau d’analyse du récit. En effet, le
narrateur ne se contente pas de rapporter des événements, mais il organise ceux-ci en
fonction d’une logique qui lui est propre. Nous avons déjà évoqué les trois types de
narration. Ces différents modes, narrateur-personnage, narrateur-omniscient et invisible ou
narrateur-multiple, permettent au lecteur de prendre connaissance de l’histoire racontée.
Le récit prend vie autour des personnages, ce que Propp ou Barthes nomment « action ». Les
personnages principaux et secondaires forment des éléments constitutifs indissociables du
roman. Le personnage principal se distingue par une destinée remarquable, heureuse ou
malheureuse ; il est alors qualifié de « héros ».
Le personnage de roman peut être appréhendé selon son identité, sa psychologie ou son
apparence. Il est amené à remplir une ou plusieurs fonctions. On en distingue quatre au
total :
    -   le sujet ou héros,
    -   l’objet, désignant celui que le sujet cherche à atteindre,
    -   l’adjuvant, il aide le héros à réaliser sa quête
    -   l’opposant, il fait obstacle au projet du héros.


Ces personnages évoluent dans un cadre matériel, appelé espace. Ouverts ou restreints, les
espaces sont souvent des marques qui permettent de situer une époque et un milieu social.
Le temps, en dernier lieu, permet d’évaluer la durée des événements rapportés. Cette durée
peut être brève ou étendue. Il faut noter que les faits ne sont pas toujours racontés par le
narrateur dans un ordre chronologique. Nous avons déjà mentionné que l’histoire était
présentée selon la logique voulue par le narrateur ; ellipses, anticipation, retours en arrière,
participent au rythme de l’intrigue et servent la richesse du roman.
Maintenant que nous avons une meilleure vision du roman et de son fonctionnement, il est
intéressant de chercher en quoi cela peut nous être utile dans le cadre de notre recherche.
A l’ère du storytelling, nous retrouvons dans de nombreuses campagnes de publicité les
codes qui définissent le roman.
Les Spin doctors, conseillers en communication et en marketing pour le compte d’une
personnalité politique, ont développé depuis Reagan l’art du Storytelling.
Sans remonter aux années 80, considérons la campagne de Barack Obama en 2008. Le 18
mars, il prononce un discours mémorable à Philadelphie dans lequel il parle de sa vie et de
son enfance métissée1.
En mettant son existence en récit, en faisant de lui à la fois le narrateur et le personnage
principal, il rejoint les codes du roman réaliste. En effet, Balzac, Zola ou Maupassant
cherchaient à démonter les mécanismes sociaux qui écrasent les individus, subissant par



1
 Rousseau D, Simon F. (2008). L’intégrale du discours de Barack Obama en Français. http://philippe-boulet-
gercourt.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/03/20/l-integrale-du-discours-d-obama-en-francais.html (page
consultée le 2 juillet 2010)
                                                                                                             17
ailleurs l’influence de leur milieu ou de leur hérédité. Ils font également place à ceux qui sont
exclus ; les prostituées, le peuple, les pauvres, les marginaux. Obama cherche, lui aussi au
travers de ses discours, à représenter la réalité et l’histoire de l’Amérique. Il aborde des
sujets jusqu’alors tabou comme la question raciale et les relations entre les Noirs et les
Blancs.
Pareil aux romanciers naturalistes, il met en scène les laisser pour compte. Ainsi, le candidat
poursuit-il son discours avec ces mots « il y a une histoire que j’aimerais également partager
avec vous aujourd’hui. » Il raconte l’histoire d’Ashley, 23 ans. Lorsqu’elle avait 9 ans, sa mère
a été atteinte d’un cancer. Absente plusieurs jours de son travail, elle est licenciée et perd
son assurance maladie. La petite fille prend conscience qu’il faut faire quelque chose pour
aider sa maman. Elle sait que ce qui coûte le plus cher est la nourriture. Ashley déclare donc
qu’elle préfère par-dessus tout les sandwiches moutarde-cornichon. Pendant un an, jusqu’à
ce que sa mère aille mieux, elle ne se nourrit presque qu’exclusivement de ces sandwiches.
Barack Obama conclut qu’Ashley s’est engagée dans la campagne pour venir en aide à des
personnes comme la petite fille qu’elle était et sa maman.
Cette histoire reprend les étapes du roman : un état initial dans lequel la mère et sa fille
vivent heureuses, un déséquilibre : l’annonce d’un cancer entraînant les transformations que
sont la perte d’un emploi et la disparition des ressources financières. Le rétablissement
provient de l’idée de la petite fille de manger des sandwiches dont la quête est de soulager
financièrement sa mère. Enfin, une situation finale heureuse ramenant l’ordre initial et
donnant du sens à l’objet de la quête au travers l’engagement d’Ashley.


La publicité s’appuie également sur le roman historique. Celui-ci se donne le but de faire
revivre le passé, de recréer l’atmosphère d’une époque disparue. Des personnages fictifs
croisent des personnages historiques et évoluent dans un cadre reconstitué. Nestlé l’a bien
compris avec sa marque « La laitière ». La marque emprunte le personnage du tableau de
Vermeer et nous plonge au cœur du 17e siècle. Le pittoresque des costumes, des lieux et des
objets et le charme du dépaysement contribuent à renforcer l’image d’authenticité que
cherche à véhiculer le produit. 1


Le storytelling s’est aussi servi du roman d’aventure. Dans la publicité pour les Prince de Lu 2,
des enfants combattent un dragon, en plein cœur du Moyen-âge. Malgré la rapidité de la
séquence, les codes restent les mêmes. Dans un état initial, les enfants discutent
tranquillement au bord d’un lac. Survient un monstre marin, prêt à les dévorer. Un jeune
garçon, le héros, combat celui-ci car il a mangé un Prince pour avoir de l’énergie. Il capture la
bête et sauve ainsi ses amis. De la même manière, dans un roman d’aventure ou de
chevalerie, les rebondissements sont nombreux, et les obstacles rencontrés obligent le héros
à faire preuve d’audace et de force. Sa bravoure n’a d’égale que son engagement dans le
dépassement de soi.




1
    http://www.youtube.com/watch?v=ZmAX-_gscPI (page consultée le 2 juillet 2010)
2
    http://www.youtube.com/watch?v=2QWRebW-Q8Q&feature=related (page consultée le 2 juillet 2010)
                                                                                                    18
Enfin, la marque Quézac, dont le spot publicitaire1 est le même depuis 15 ans, fait de son
produit le héros de son histoire. Le personnage est l’eau de Quézac, dont une petite fille
raconte l’origine. Narrée en patois, elle plonge l’auditeur au sein d’un univers, proche du
récit mythique. C’est l’eau qui a donné au Gevaudan son identité, c’est autour de sa légende
que les hommes ont retrouvé la joie de vivre. Grâce au travail sur les éléments constitutifs
du roman, la publicité a su marquer les esprits. Du choix du narrateur et de la langue natale,
en passant par l’espace et le temps, rien n’est laissé au hasard.
Décryptons à présent une autre forme du récit : la tragédie.


3.2.2 La tragédie
La naissance de la tragédie se situe dans la Grèce Antique. Le théâtre étant un art
communautaire, il s’est développé à partir des rites de la cité. Les tragédies s’inspirent
souvent de sujets mythologiques ou de l’histoire récente. Eschycle, par exemple, (6 e siècle
avant J-C), reconnu comme le fondateur du genre, décrit dans son ouvrage Les Perses, les
guerres qui opposèrent les cités grecques au royaume de Perse. La tragédie atteint sa
maturité littéraire avec Sophocle (Antigone, Electre, Œdipe roi). Enfin Euripide (5e siècle
avant J-C) révolutionne la tragédie classique : en remettant en cause la véracité des récits
mythologiques et en approfondissant le caractère des personnages, il apporte à la tragédie
une dimension psychologique. La tragédie prend fin avec le déclin des cités grecques.
Cependant, deux siècles plus tard, le philosophe Aristote revient sur la tragédie et se
demande ce qu’elle signifie. Selon lui, elle est l’imitation d’une action sérieuse dans une
forme, non pas épique, mais dramatique. Les péripéties de la tragédie se terminent toujours
par une situation malheureuse. Celle-ci doit provoquer chez le public deux réactions : la pitié
et la peur. La tragédie se compose de six éléments : la fable, les personnages, la diction, la
pensée, le spectacle et la mélodie.
Si ces derniers éléments relèvent davantage de la mise en scène théâtrale, les deux premiers
en revanche, sont intéressants à étudier dans le cadre de notre analyse de construction d’un
récit.
Aristote pensait que la tragédie était représentée par des actions et non des personnages.
Propp partageait le même point de vue à propos des contes : les personnages sont là pour
servir l’action et non l’inverse2. La fable, ou l’intrigue, est la combinaison des péripéties de
l’histoire. Si l’on en enlève une, alors le récit devient incohérent. Trois éléments composent
la fable de la tragédie. Un renversement de situation (puissant-misérable, riche-pauvre,
etc.), le passage de l’ignorance à la connaissance, et enfin, la catastrophe comme
conséquence du deuxième élément. Le protagoniste, lui, doit être plutôt du côté du bien.
Son malheur (troisième élément de la fable), doit être provoqué par une erreur de
jugement. Dans la tragédie, il est important de rendre le malheur du héros touchant. Il le



1
    http://www.youtube.com/watch?v=Q08arIrje2c (page consultée le 2 juillet 2010)


2
  Darriulat J. (1997). Aristote, La poétique [Lycée Henri IV, classe de Lettres Supérieures, 1996], 1997.
http://www.jdarriulat.net/Auteurs/Aristote/Poetique/IndexPoetique.html. (Page consultée le 05/07/2010)
                                                                                                      19
sera d’autant plus que le personnage est vertueux et victime de circonstances qui lui
échappent.
Les éléments de la tragédie sont organisés autour de règles établies, dont celle des trois
unités. L’unité d’action implique qu’il n’y ait qu’une seule intrigue principale dans la pièce,
l’unité de temps limite le déroulement de l’intrigue en vingt-quatre heures. Enfin, l’unité de
lieu concerne tout l’espace que peut embrasser le regard. Cette dernière a donné lieu à de
nombreuses controverses. En effet, il est difficile d’admettre que des conspirateurs
échafaudent leur plan dans la salle du trône du roi qu’ils ont l’intention d’abattre. Rejetant
ces règles, qui conduisent souvent à l’absurde, Molière déclarera dans sa critique de l’Ecole
des femmes « La seule règle, c’est de plaire ».
Cela apparaît d’autant plus vrai quand on se penche sur la règle suivante de la tragédie : la
vraisemblance.
La tragédie, si elle veut susciter chez le spectateur pitié et peur, doit offrir une histoire
crédible, qui pourrait avoir lieu en réalité. Les éléments fantastiques sont par conséquent à
bannir, de même que les situations impossibles. Pour que le public puisse s’identifier aux
personnages et se reconnaître dans leurs épreuves, les événements se doivent d’être non
seulement possibles mais aussi courants.
Aristote voyait dans la tragédie une manière de provoquer la compassion. Cela demeure
encore aujourd’hui un des objectifs du storytelling en communication ; émouvoir en
développant chez le spectateur un processus d’identification, le ralliant à la cause de
l’annonceur.
Intéressons-nous à présent à la construction même de la tragédie. La division en actes est
propre à la Renaissance. On en compte cinq :
   -   le premier expose la situation des différents personnages ;
   -   le second voit apparaître l’élément perturbateur ;
   -   dans le troisième acte les protagonistes cherchent une solution au drame. A ce stade,
       tout paraît encore possible.
   -   dans le quatrième acte, l’action se noue définitivement. Les personnages n’ont plus
       aucune chance d’échapper à leur destin.
   -   au cinquième acte, l’action se dénoue enfin, entraînant la mort d’un ou de plusieurs
       personnages

Une fois de plus, nous retrouvons une structure similaire à la composition du conte et du
roman. Une situation initiale suivie d’une transformation dans un premier temps. Toute
l’essence de la tragédie se retrouve dans les parties suivantes : la perturbation n’est pas
résolue, et l’équilibre initial ne peut être rétabli dans la partie finale. Aristote insistait sur
l’importance de la « catastrophe » finale. Aujourd’hui encore, le mot tragédie est teinté de
pessimisme quand il est employé dans le langage courant. Le mot tragique renvoie lui-même
à une vision particulière du monde où l’homme est aux prises avec des forces qui le
dépassent et finalement le détruisent. Il y a souvent une notion de fatalité, contre laquelle
l’homme ne peut rien.




                                                                                               20
L’axe vie-mort et le recours au tragique ont fait leur preuve dans de nombreux récits
communicationnels. Les récits qui reposent sur la rupture brutale entre la vie et la mort
garantissent un impact fort. C’est l’effet recherché de la tragédie. Nous en voyons des
traductions concrètes avec les campagnes de sensibilisation liées à la sécurité routière. A
l’image de ce spot radiophonique qui s’adresse directement à l’auditeur :
« Valérie a trente-quatre ans, elle est maman de deux adorables petites filles qu’elle vient
tout juste de déposer à l’école. Comme tous les matins, elle se rend à son travail, à
seulement dix kilomètres de chez elle. La route, elle la ferait les yeux fermés. Pourtant, ce
matin, Valérie n’arrivera pas à son travail. Elle a relâché son attention, perdu le contrôle de
sa voiture et percuté un arbre. Elle est morte sur le coup. Ce matin, comme Valérie, trois
d’entre vous n’arriveront pas à leur travail parce qu’ils ont relâché leur attention sur leur
trajet habituel… »
Ce type de récit s’adresse à notre émotion. L’imagination de soi-même est fortement
sollicitée. Reprenant les codes de la tragédie en insistant sur la catastrophe finale, cette
campagne de sensibilisation implique l’auditeur en suscitant chez lui la pitié, voire la
compassion (mort de la maman, laissant deux fillettes, qui plus est « adorables » orphelines
et enfin la peur « trois d’entre vous n’arriveront pas à leur travail ».
Dans cet autre spot du ministère de la santé, en partenariat avec l’INPES, pour la prévention
de l’alcoolisme1, on retrouve les codes de la tragédie. A ceci près, comme dans l’exemple
précédent, que l’humain est victime de lui-même, et non d’une fatalité qui lui échappe.
Cependant, nous retrouvons les cinq actes dont la transformation de la situation initiale.
L’excès d’alcool fait dégénérer la situation : ce qui n’était qu’une fête conviviale se
transforme en drame : agressivité, viol, noyade.
Intéressons-nous à présent sur un autre genre qui inspire de plus en plus les campagnes
publicitaires. Il s’agit du roman-feuilleton.


3.2.3 Le roman-feuilleton
Nous pouvons considérer le roman-feuilleton comme un genre à part-entière. En effet, bien
que dérivé du roman, il possède des codes qui lui sont propres.
A l’origine la publication du roman-feuilleton se fait par épisodes dans un journal. Depuis sa
naissance au début du 19e siècle, il est considéré comme une sous-production littéraire.
Pourtant, Balzac, Dumas ou encore Charles Dickens ont été feuilletonistes à leurs heures.
En fait, ce mode de récit a posé des questions d’ordre éthique et esthétique. En effet, dans
le feuilleton, il faut suivre les épisodes dans un ordre chronologique pour comprendre
l’intrigue. Souvent qualifiée de « littérature industrielle », le feuilleton a dominé néanmoins
le marché de la production romanesque du 19e siècle. La principale raison de ce succès, très
populaire, est que les auteurs se servent du quotidien et des situations banales pour mettre
en scène leur personnage. Le roman feuilleton a contribué à rendre la lecture accessible au
plus grand nombre. Dans chaque roman-feuilleton, on retrouve un personnage principal
autour duquel se construit l’intrigue. Le lecteur devient familier du décor et des

1
    http://www.dailymotion.com/video/x68jtn_pub-prevention-contre-l-exces-d-alc_lifestyle Page consultée le 6
juillet 2010)
                                                                                                          21
protagonistes et s’attache facilement à ceux-ci ; à chaque épisode, le lecteur vit au rythme
de son héros, et le quitte à regret quand la séquence se termine.
Nous pouvons comprendre que, commercialement, le roman-feuilleton puisse apparaître
comme une faiblesse. Si le lecteur rate un ou plusieurs épisodes, il éprouvera une véritable
gêne pour suivre la suite, et sera tenté d’abandonner. De la même manière, conquérir un
nouveau public n’est pas chose aisée puisqu’il faut connaître l’intrigue qui se trame depuis le
premier épisode. Pour cette raison, le roman-feuilleton a laissé peu à peu place à la série,
dont celle-ci est issue. La série s’affranchit de la dépendance qui existait entre les épisodes
du feuilleton : elle présente un ensemble d’histoires que l’on peut regarder
indépendamment les unes des autres. Même si les personnages demeurent les mêmes
d’épisodes en épisodes, ceux-ci possèdent tous une intrigue qui leur est propre et qui se
déroule dans le format imparti. Ainsi, est-il plus aisé de fidéliser à chaque fois un nouveau
public sans provoquer un sentiment de frustration si un épisode est manqué.
Les campagnes de publicité reprenant le concept des séries s’est développé ces dernières
années. Il est amusant de constater que le principe est applicable à des produits totalement
différents. Paul Nagle, un ancien de Fox déclarait lors d’un entretien télévisé :
« la série devient une mécanique, un instrument pour raconter une histoire »1.
Pas étonnant dès lors, que les marques se soient penchées sur cette méthode pour faire
passer leur message.
En effet, la responsable de la communication de Groupama est la première à l’affirmer. Les
mini-séquences de publicité télévisées dans lesquelles nous retrouvons Cerise et sa robe
blanche à pois verts ou sa doudoune du même coloris selon la saison, marquent les esprits.
Un nom sympathique et original, une jeune fille avenante et souriante, jolie mais simple et
naturelle, des situations du quotidien dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître,
telle est la stratégie de communication choisie par Groupama.
« La notoriété et la mémorisation publicitaire sont importantes pour être dans le panier de
choix des consommateurs, au moment où ils cherchent à assurer leur voiture ou à placer
leur épargne », souligne Marie-Anne Boursier, responsable de la communication de
Groupama2.
Grâce à la diversité des situations et à la fréquence des spots, Cerise est désormais devenu
un personnage incontournable quand on pense à l’assurance. Mais Groupama n’a pas été le
seul à rebondir sur la vague des séries. Ainsi, l’entreprise mutualiste Maaf, reprend-elle les
codes de la comédie musicale et fait référence à la série humoristique Palace, crée par Jean-
Michel Ribes à la fin des années 80. Le décor est luxueux et les personnages extravagants.
Dans chaque nouvel épisode, un client essaie de donner tort à la compagnie d’assurance qui
a réponse à tout. Elle se conclue inévitablement par les mêmes mots du râleur « Je l’aurai
quand même, je l’aurai ».3


1
 (2005) La télé se penche sur les recettes à succès des séries américaines. Article issu de AFP et initialement
publié le 26/02/05. http://www.lawandorder-fr.com/articles/?article=482. (Page consultée le 6 juillet 2010)
2
       Caussat      P.     (2008).      Groupama      relance    vertement     sa      Cerise. Stratégies.fr.
http://www.strategies.fr/actualites/marques/r47011W/groupama-relance-vertement-sa-cerise.html         (Page
consultée le 24 juin 2010)
3
    http://www.youtube.com/watch?v=BG_boo8LL_I (Page consultée le 5 juillet 2010)
                                                                                                            22
Les spots publicitaires des supermarchés Leclerc sont diffusés depuis maintenant 8 ans sur
les ondes radiophoniques. Cette mini-série est devenue familière des auditeurs : il y a
Philippe, le mari, très réactif aux promotions Leclerc, dont le tempérament quasi-hystérique
est régulé par sa femme, Mathilde, plutôt moralisatrice. Ce couple caricatural auquel chaque
Français est susceptible de s’identifier pousse les stéréotypes dans le comique de situation.
On retrouve la belle mère « belle maman », une femme envahissante et Régis, un ami
simplet et pique assiette. Durant ces années, la famille s’est agrandie avec l’arrivée de
Juliette, la petite dernière, dont l’âge évolue en temps réel, parallèlement à la série.
Ces spots sont d’autant plus marquants, qu’ils varient au fil des saisons et des événements
(Noël, fête des mères, vacances d’été…). L’identification avec les personnages se fait donc
très facilement.
Enfin, il existe un autre produit rendu célèbre par les mini-séries ; il s’agit bien-sûr des
dosettes Nespresso. L’acteur principal, George Clooney, joue son propre rôle avec auto-
dérision, laissant la vedette à la dosette de café. 1
Dans un plan de communication, l’emploi du feuilleton s’avère une bonne stratégie. En
utilisant les mêmes personnages, dans un lieu constant, le public retient plus aisément le
message en associant les protagonistes avec la marque (George Clooney/Nespresso,
Cerise/Groupama ; Philippe/Leclerc). La série s’adapte aussi bien aux produits de grande
consommation qu’aux services, ce qui laisse aux annonceurs une grande liberté d’action.
Le récit se construit également sous forme de saga ou d’épopées. Décrivons brièvement ces
deux genres littéraires pour comprendre comment ils peuvent servir un plan de
communication.


3.2.4 La saga
La saga est un genre littéraire développé dans l’Islande médiévale au 12e siècle. Elle est à
l’origine un récit en prose, rapportant la vie d’un personnage illustre, depuis sa naissance
jusqu’à sa mort, voire celle de ses descendants.
Ce terme est souvent employé à tort pour désigner des œuvres à caractères épiques ou
encore des histoires dont la vie des personnages se prolonge sur plusieurs épisodes.


3.2.5 L’épopée
L’épopée est le récit d’une action, mettant en jeu ou symbolisant les grands intérêts d’un
peuple : sa religion, son territoire ou encore sa culture. On retrouve donc une action centrale
autour de laquelle se trament de nombreux épisodes secondaires. L’exemple typique de
l’épopée est bien-sûr l’Odyssée d’Homère.
On y trouve les éléments constitutifs suivant :




1
    http://www.youtube.com/watch?v=DfyeXrdZZ1o (Page consultée le 5 juillet 2010)
                                                                                            23
-   Les personnages : en premier plan, un héros central, sans défaut. Le noble destin
           qu’il accomplira restera utile à la collectivité. Les personnages secondaires, en
           deuxième plan, caractérisent les divers épisodes.
       -   Le style : La structure du récit épique est organisée pour magnifier les actions et le
           personnage. Souvent en vers, les phrases sont longues et les figures de style
           contribuent à suggérer la force, la grandeur, l’intensité et la violence.
       -   L’exploit : extraordinaire, il s’affranchit de la raison et permet la croyance aux
           miracles et au merveilleux (intervention divine, augures...)
       -   Enfin, la morale : elle exalte un idéal collectif (par exemple, les épopées relatant les
           guerres saintes). La morale est souvent peu raffinée d’un point de vue
           psychologique : le héros triomphe du bien sur le mal, avec passion et enthousiasme.


On remarque que ces deux derniers genres littéraires sont plus difficiles à utiliser dans un
plan de communication. Néanmoins, de nombreuses publicités y font référence.
On peut ainsi lire dans la presse : Ikea ou l’épopée du prêt à « meubler »1. L’auteur revient
sur le fondateur, Ingvar Kamprad, créateur de l’entreprise suédoise à 17 ans. Sur un autre
article intitulé L’épopée du réseau internet2, le héros n’est même plus animé. Il s’agit du
réseau internet, considéré comme une entité dont le développement extraordinaire
mobilise des millions de personnes. Enfin, dans cette chronique « Nouvel événement
marquant l’épopée Montblanc3 », c’est la marque qui est mise en avant. Ce titre évoque une
nouvelle victoire en sa faveur.
L’épopée entretient ainsi dans les esprits une connotation légendaire et quasi-mystique. Elle
place son héros sur un piédestal, que celui-ci soit un objet, une marque ou une personne.
Une entreprise communiquant avec le terme « épopée » sur un produit, entretiendra une
impression de noblesse d’âme et de mérite auquel ce terme renvoie.
Le terme saga, est, lui, souvent employé pour qualifier une rétrospective. Sur son site
www.airfrancelasaga.com 4 , la compagnie aérienne retrace les faits marquants de
l’entreprise entre 1918 et 2010. En revenant sur la contribution de la compagnie pendant les
grandes périodes historiques françaises (guerre, trente glorieuses, etc), différentes
rubriques rendent hommage aux avions et aux pilotes d’Air France. Le message sous-jacent,
lorsque l’on parle de « saga » c’est que celle-ci se poursuit. Tout comme les ancêtres et les
descendants d’un personnage illustre, la saga d’une entreprise se projette sur un très long
terme dont l’avenir ne peut qu’être certain.


1
    (2008) Ingvar Kamprad [Ikea] où l'épopée du « prêt à meubler ». Zonebourse.com.
http://www.performancebourse.com/actualites/ingvar-kamprad-ikea-ou-l-epopee-du-pret-a-meubler,645.html.
(Page consultée le 10 juillet 2010)
2
   Fuxa M. (2006). Modèles économiques, l’épopée du réseau internet. E-commerce n°4.
http://www.ecommercemag.fr/E-commerce/Article/Modeles-economiques-L-epopee-du-reseau-Internet-17603-
1.htm (Page consultée le 10 juillet 2010)
3
 Laudren G. (Nouvel évenement marquant l’épopée Montblanc. http://www.firstluxe.com/redaction/nouvel-
evenement-marquant-l-epopee-montblanc (Page consultée le 10 juillet 2010)
4
    http://www.airfrancelasaga.com/ (Page consulté le 10 juillet 2010)
                                                                                                      24
Nous avons émis dans cette partie différentes propositions quant à la forme même du récit.
C’est parce que sa déclinaison semble infinie mais que son existence apparaît universelle
que Roland Barthes a cherché à définir une structure commune pouvant former un cadre
d’analyse. Auparavant Wladimir Propp s’était lui aussi penché sur le sens et la constitution
d’une forme particulière de récit : le conte. De nombreuses similitudes sont apparues lors de
notre étude de ces théoriciens : les parties d’un récit, quelque soit le nom qu’on leur donne,
s’enchaînent selon un ordre commun. Disposant de ces éléments, l’exercice méthodologique
de storytelling, notre objectif, en sera facilité.
C’est justement dans ce but que nous avons tenté de décrire les différentes modalités du
récit. Selon ce qu’elles véhiculent, elles peuvent être utilisées dans un plan de
communication. Bien sûr, le roman, la tragédie, le feuilleton, la saga ou encore l’épopée ne
sont pas repris dans leur forme initiale. Le storytelling s’inspire aussi bien de leurs origines et
de leur représentation que des différents éléments qui les constituent. Il est intéressant de
noter que certains styles se prêtent à un grand nombre de produit, très hétérogènes. Que ce
soit le roman ou le feuilleton, il fédère aussi bien les annonceurs de laitage que
d’assurances.
Cependant, d’autres formes, comme la tragédie demeurent réservées à des messages
dramatiques. La saga se prête à la nostalgie et s’inscrit dans une vision pérenne alors que
l’épopée apporte une auréole de prestige à la marque qui se l’approprie.
Notre recherche va se porter dans la partie suivante sur le meilleur moyen de raconter
l’histoire de Dufour Yachts. En apportant une meilleure compréhension sur ses produits mais
également sur ses clients, nous pourrons alors déterminer une structure de récit adéquate.




                                                                                                25
4      METHODE


Nous avons vu dans le chapitre précédent que le récit peut servir un plan de communication.
Raconter le produit ou la marque est un nouveau moyen pour les publicitaires de toucher le
public. En effet, la fonction des récits est depuis toujours de transmettre les expériences. Le
storytelling est donc une tentative d’instrumentaliser l’art du récit mais à des fins nouvelles ;
en politique, en management, et dans notre cas, en marketing.

Le storytelling, à travers le récit, ne cherche pas à modifier les convictions mais à faire
rentrer l’auditeur dans une histoire passionnante. Tous les exemples exposés plus haut en
sont les illustrations. Un chevalier intrépide secourant ses amis pour les biscuits Prince, une
laitière chaleureuse en plein cœur du Moyen-Âge, une jeune maman tuée dramatiquement
dans un accident de la route, une jeune femme convaincante qui nous aide dans nos
démarches d’assurance….La liste est longue et les illustrations nombreuses. Pourtant, l’effet
produit est le même : le public est captivé car le produit, la marque et le message prennent
un véritable sens à ses yeux.

Dans une entreprise, la mise en place d’une culture de storytelling peut favoriser la cohésion
interne. Les salariés se sentent appartenir à la même entité, ce qui ne peut que renforcer les
échanges coopératifs. On parle souvent de « culture d’entreprise ». Il en est une
particulièrement médiatisée : Google. Depuis sa philosophie exposée en 10 points1, jusqu’au
« Googleplex »2, le siège social situé en Californie, la compagnie s’est forgée une identité à
part. Elle repose sur l’histoire de ces deux étudiants, Larry Page et Sergey Brin, qui,
aujourd’hui sont à la tête du moteur de recherche le plus important du monde. A l’intérieur
de ses locaux design, des espaces favorisent les rencontres informelles propres à la
communication. C’est ce que recherche également le groupe Danone. En effet, le magazine
Stratégies 3 expose la théorie de Benedikt Benenati, Directeur développement and
Knowledge-networking du groupe. Il affirme ainsi au magazine :
« Lorsque j'ai rejoint le groupe en avril 2003, un de mes principaux objectifs était de
convaincre les managers de se raconter leurs bonnes pratiques, en dehors des longs circuits
hiérarchiques ».
Les salariés se mobilisent autour de leur marque dont ils sont fiers d’en être les
ambassadeurs.




1
    http://www.google.com/intl/fr/corporate/tenthings.html (Page consultée le 13 juilet 2010)
2
    Rubat du Mérac D. (2006). Les entrailles du Googleplex. Le Journal du                                       Net.
http://www.journaldunet.com/reportages/06/0609-googleplex/1.shtml (Page consultée le 13 juilet 2010)
3
       (2005).      Raconte-moi       une         histoire.       Stratégies.fr,     http://www.strategies.fr/emploi-
formation/management/r37222W/raconte-moi-une-histoire.html (Page consultée le 13 juilet 2010)




                                                                                                                 26
En effectuant mon stage au sein de l’entreprise Dufour Yachts, j’ai réalisé combien une
culture du storytelling pouvait représenter une véritable opportunité de communication
pour l’entreprise, tant en interne qu’en externe.


4.1   Caractérisation de l’entreprise Dufour Yachts


Pour déterminer au mieux notre méthode de storytelling, il faut connaître l’entreprise. Son
histoire, ses produits, ses clients, sont autant d’éléments à prendre compte pour trouver par
la suite le ton juste et la meilleure structure pour notre histoire.

Revenons brièvement sur l’histoire de Dufour Yachts.
L’entreprise est fondée en 1964 par Michel Dufour. Cet ingénieur rochelais, passionné par la
mer, se lance dans la création de son propre chantier naval. Il acquiert sa renommée grâce à
deux modèles visionnaires : le Sylphe et l’Arpège (Annexe 4 : Publicité pour les 10 ans de
l’Arpège (1974)). La marque participe alors au développement de l’industrie nautique
française et profite de l’explosion du domaine de la Plaisance. En 9 ans, l’entreprise passe de
4 salariés à plus de 500 (Annexe 5 : Liste des effectifs de l’entreprise (1973)).
L’entreprise rencontrant des difficultés de gestion, elle est reprise par le baron Bich qui cède
au bout de quelques années sa participation, après avoir séparé l’activité bateau et
fabrication de planches à voile. L’activité périclite, jusqu’en 1988 où Olivier Poncin se met au
défi de relever l’entreprise. Cependant, après plusieurs années de croissance et de
multiplication des gammes, Dufour Yachts se disperse et perd sa visibilité. En 2003,
l’entreprise, et Jean-Louis Delhumeau à sa tête, décide de recentrer son activité
commerciale. Après 4 ans, il est remplacé par Salvatore Serio qui repense entièrement les
méthodes de production et de gestion des stocks. Il parvient à relever le chiffre d’affaires de
l’entreprise malgré la crise frappant l’industrie nautique : deux nouveaux voiliers sont ainsi
lancés par le chantier en 2010 venant compléter la gamme actuelle.

Dufour Yachts est positionné en milieu de gamme. Cependant, l’entreprise se distingue de
ses concurrents grâce à la particularité du chantier : l’activité est uniquement concentrée sur
les voiliers. Cette spécificité est à double tranchant. Elle accentue d’un côté la notoriété de la
marque dans le milieu nautique : le chantier a acquis une image de spécialiste, et la presse
spécialisée demeure très attentive au lancement de chaque nouveau voilier. Néanmoins, le
grand public est peu averti de la marque. Bénéteau, qui a pris le parti de diversifier sa
gamme de produits (voiliers, moteurs et catamarans), rencontre une notoriété spontanée
beaucoup plus importante.

La marque Dufour Yachts propose deux gammes de voiliers, aujourd’hui au nombre de 10.
La gamme Performance : comme son nom l’indique, elle est davantage destinée à la régate
et à la vitesse. Cette gamme s’adresse aux navigateurs avertis en quête de sensations.
La gamme Grand’Large est conçue pour la croisière côtière et hauturière. Ciblant un public
familial, elle privilégie espace, sécurité, et confort à bord.
Le schéma ci-dessous donne un aperçu du positionnement de ces deux gammes parmi les
concurrents :


                                                                                               27
Prix +

                                   Amel    Wauquiez         Swan
                       Luxueux
                       yachts                                       X - Yachts

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                                 Bavaria

                                                                Grand’Large
                         Marché agressif                        Performance

                                                Prix -




Il est important de connaître la clientèle de l’entreprise. On comprendrait que les deux
gammes s’adressent à deux cibles distinctes : néanmoins, la réalité est différente. Les
concessionnaires ont remarqué que les futurs acquéreurs aiment se projeter dans la gamme
Performance. Même si l’utilisation reste limitée à quelques sorties en mer en famille, ils
ressentent davantage de fierté à posséder un bateau racé, à l’image « moins tranquille ». Les
constructeurs ont par conséquent du adapter cette dernière gamme en optimisant le
confort, rendant la distinction entre les deux gammes moins évidente.
Pour trouver le ton juste de notre récit, il convient de connaître le public auquel il s’adresse.
Les résultats que nous exposeront proviennent de l’analyse de l’enquête de satisfaction que
j’ai eu à concevoir et à administrer durant mon stage. Envoyé aux nouveaux et aux anciens
clients, il permet de mieux connaître l’identité du propriétaire, l’utilisation qu’il fait de son
voilier, et d’apprécier sa satisfaction point par point. Notre but n’est pas une analyse en
profondeur de la satisfaction de la clientèle Dufour mais bien la mise en avant de quelques
particularités utiles à l’élaboration de notre méthode.

La composition de la famille est intéressante ; 98% des propriétaires sont des hommes.
Néanmoins, les trois-quarts sont mariés. Il a été noté pendant les salons que c’est la femme
qui guide le processus d’achat. D’où l’importance de penser à son confort à bord lors de la
construction du bateau et aux détails qui peuvent remporter l’adhésion. 87% d’entre eux ont
un ou plusieurs enfants. La notion de famille et surtout de transmission est forte : 71% des
propriétaires emmènent leurs enfants ou petits-enfants dans leurs activités nautiques. Ils
sont nombreux à avoir affiché leur désir de faire partager cette passion aux différents
membres de la famille. Ceci est confirmé à travers l’utilisation faite du voilier. La croisière
familiale reste la principale raison d’achat. Le voilier fait ainsi partie du patrimoine de la


                                                                                              28
famille : avec une première expérience de navigation moyenne entre 10 et 20 ans, ils sont
11% à avoir eux-mêmes appris la navigation sur le voilier familial.
Enfin, les propriétaires aiment se retrouver à l’intérieur d’une communauté. Le milieu du
nautisme est très communautaire et exclusif, et le sentiment d’appartenance y est très fort.
(Erreur ! Source du renvoi introuvable.).

Nous avons ainsi des éléments qu’il semblait nécessaire de connaître pour appréhender au
mieux la construction du récit. Nous savons maintenant qu’un voilier revêt une véritable
valeur patrimoniale. Il regroupe non seulement les générations à l’intérieur d’une même
famille mais également dans un cercle communautaire plus large. L’histoire de Dufour
Yachts peut ainsi prendre tout son sens : elle contribuerait à véhiculer une légende, celle de
Michel Dufour, et nous savons maintenant que sa transmission serait assurée. Le récit
redonnerait à la marque une unité identitaire qu’elle semble avoir perdue parallèlement aux
différentes successions de direction, et de changements stratégiques les accompagnant
inévitablement.



4.2   Choix d’une modalité pour raconter l’histoire de l’entreprise Dufour Yachts


Dans le chapitre « Propositions », nous avons étudié les différentes formes que pouvaient
prendre un récit. En s’inspirant de Wladimir Propp, de Roland Barthes et des différentes
formes narratives, nous allons pouvoir rassembler les éléments nécessaires à la construction
d’une histoire de Dufour Yachts.

Notre contrainte par rapport à ces typologies est que l’histoire que nous souhaitons raconter
n’est pas fictive. Il faut ainsi trouver le juste équilibre dans la narration et le déroulement de
l’intrigue : pour donner tout son sens au storytelling, le récit se doit d’être honnête envers
ses auditeurs.
Certains éléments de l’analyse de Wladimir Propp nous donnent des clés méthodologiques.
Les fonctions qu’il définit constituent le rythme du récit ; en fonctionnant par couple opposé,
elles jalonnent l’intrigue de rebondissements. Il faut donc garder à l’esprit qu’un récit
fonctionne souvent grâce à l’alternance de situations perturbatrices et de leurs résolutions.
Pour l’appliquer à Dufour Yachts, il faut chercher les périodes qui ont remis en cause
l’existence de l’entreprise. En insistant sur la mise en péril économique, puis sur le retour à
l’équilibre, nous pourrons aussi donner vie au récit. L’effet souhaité chez le public est
l’alternance d’un sentiment d’impuissance face aux événements négatifs puis de
soulagement quand ceux-ci sont franchis.
Ces actions, mettant en scène certains personnages (pour une entreprise, les protagonistes
demeurent les différents dirigeants ou l’entreprise elle-même), peuvent se dérouler selon
une séquence que nous retrouvons presque systématiquement. La situation initiale présente
les personnages principaux et pose ce que Roland Barthes appelle les « germes » de
l’intrigue. Des détails évoqués, prendront tout leur sens à un moment futur du récit. Cette
partie se clôt avec l’apparition d’une transformation. Celle-ci vient perturber l’équilibre
initial qui est alors remis en cause. Cette situation se déroule généralement en deux temps :
le protagoniste rencontre une difficulté, qu’il surmonte dans une deuxième période. Celle-ci

                                                                                               29
vient couronner le mérite du personnage principal et donne les clés de l’intrigue. Enfin, la
situation finale rétablit l’équilibre, de manière heureuse ou malheureuse. Barthes rappelle
que ces parties se coordonnent grâce à la communication narrative et au concept de
narrateur. Cependant, à la différence d’un conte ou d’un roman, l’histoire que nous allons
raconter est véridique. Nous avons rappelé plusieurs fois combien il est important de rester
honnête pour ne pas nuire à la crédibilité du storytelling. C’est pourquoi, en nous plaçant
dans la peau d’un narrateur omniscient, nous pourrons aisément faire des allers-retours
entre passé et présent sans toutefois nous permettre de mettre en récit le futur.
L’objectif de notre proposition demeure commun à celui du roman : nous souhaitons
satisfaire le désir d’évasion de l’auditeur. Le storytelling apporte une dimension
supplémentaire car il s’étend au marketing. Une histoire de l’entreprise est un excellent
moyen de communication vers l’extérieur, la marque prenant un véritable sens symbolique,
mythique ou historique, et en interne car il favorise la cohésion des collaborateurs. Notre
récit prendra vie autour des différentes personnes qui ont marqué l’histoire de Dufour
Yachts au fil du temps.
Le roman semble demeurer le style littéraire s’appliquant au mieux à notre expérimentation.
En effet, notre histoire n’est en rien tragique : l’objectif n’est pas de susciter pitié et peur.
Le roman-feuilleton ne semble également pas être un genre approprié. On ne se sert pas de
personnages particuliers pour communiquer autour du voilier. Les publicités sont
uniquement centrées sur le bateau en question et les multiples détails qui le distinguent. Les
acheteurs, en souhaitant acquérir cet objet de grande valeur, ont besoin de s’approprier au
mieux ses qualités. Il n’est nul besoin de mettre autre chose en scène que le voilier lui-
même. Nous avons également noté que les séries publicitaires ont souvent un ressort
humoristique. L’humour, en particulier l’autodérision (à la manière des spots Nespresso)
paraitraient déplacés dans le cadre d’une publicité sur un voilier de plaisance, dont le prix
atteint plusieurs centaines de milliers d’euro.
La saga, quant à elle, aurait pu fonctionner si le chantier avait été repris par les descendants
de Michel Dufour, ou si, à l’instar de la compagnie Air France, elle justifiait d’une véritable
durée de vie. Enfin, il n’y a pas de rebondissement révolutionnaire inscrit dans l’histoire de
l’entreprise Dufour Yachts qui donnerait une légitimité au terme « épopée ».

Nous nous appuierons par conséquent sur les codes du roman pour raconter notre histoire,
en retenant dans notre cas la définition du Larousse qui parlait de « représentation du réel
et de diverses données objectives et subjectives ». Bien entendu, notre histoire n’est pas
fictive ; cependant, notre position de narrateur omniscient nous permettra de narrer notre
histoire selon notre propre volonté en nous permettant ellipse, anticipation et retour en
arrière si besoin.
Pour conclure, en nous appuyant sur l’étude que nous avons faite au chapitre précédent sur
les différentes formes du récit et sur l’ouvrage Le récit de Jean-Michel Adam1, nous
retiendrons pour notre proposition les impératifs suivants:
     - une succession d’événements dans le temps ;
     - une unité de thème ;



1
    Adam J-M (1984). Le récit, Collection "Que sais-je?" N° 2149.



                                                                                              30
-   une transformation ;
   -   un but ou une finalité dont on peut tirer un enseignement ;
   -   enfin, une dynamique générale rendant le récit vivant.

Ces différents éléments nous rapprocheront de l’objectif du storytelling tel que le définit
Christian Salmon dans son application au marketing « créer une relation singulière et
émotionnelle entre une marque et ses habitués ». En facilitant la fidélisation, le récit
participe à la notoriété de l’entreprise et accroît son capital de marque.
Notre section suivante est par conséquent consacrée à la mise en pratique de cette théorie ;
nous allons à notre tour faire l’expérience du storytelling avec l’entreprise Dufour Yachts.




                                                                                         31
5     RESULTAT

5.1   Préambule



Le chantier Dufour Yachts est le 3e constructeur nautique au monde. Née d’une véritable
passion, l’histoire de la marque mériterait d’être communiquée. En effet, en donnant vie aux
événements qui ont construit l’entreprise, nous pouvons participer à accroître la notoriété
de la marque.
L’histoire de l’entreprise, telle qu’on peut la lire sur le site et les différentes brochures, se
présente ainsi :
        Michel Dufour
        En 1964, Michel Dufour, ingénieur rochelais passionné de voile, crée son propre
        chantier naval.
        1965
        Michel Dufour imaginait les mythiques Sylphe et Arpège qui étonnaient déjà par leur
        modernisme
        A partir de 1986
        Lancement des Dufour 28, Dufour 32, Dufour 36, Dufour 37, Dufour 39 et Dufour 42
        Années 90
        Lancement des Prestige 54, Prestige 48, Prestige 56 et Prestige 65
        1995
        Lancement de la gamme Classic
        1999
        Le chantier Dufour relance la marque Gib’Sea
        2001
        Partenariat avec le célèbre chantier italien Cantiere Del Pardo
        2002
        Mise sur le marché du Dufour 40 qui sera élu « Voilier de l’année 2003 » en France
        2003
        Lancement des Dufour 34 et Dufour 44. Le Dufour 34 est élu « Bateau européen de
        l’année 2003»
        2004
        Lancement des croiseurs hauturiers Grand’Large : Dufour 385 Grand’Large.
        2005
        Lancement des Dufour 365 et 455 dans la lignée du Dufour 385
        2006
        Lancement des Dufour 325, 425, 485 et 525
        2008
        Lancement des Dufour 45E Performance et Dufour 34E Performance
        2009
        Lancement des Dufour 405 Grand’Large et Dufour 40 E Performance.
        2010


                                                                                              32
Mémoire Master MOI  2010 Storytelling Anne-Claire Heurgon
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Mémoire Master MOI 2010 Storytelling Anne-Claire Heurgon

  • 1. Université Paris Ouest Master 2 MOI Classique Un vecteur de sens au service du capital de marque : le storytelling L’entreprise Dufour Yachts comme sujet d’expérimentation Anne-Claire Heurgon N° carte Etudiant : 28005619 UFR SEGMI : Département Gestion Master MOI 2009/2010 – Université Paris Ouest
  • 2. Sommaire Un vecteur de sens au service du capital de marque : le storytelling L’entreprise Dufour Yachts comme sujet d’expérimentation 1. INTRODUCTION ................................................................................................................... 3 1.1 Définition de la problématique ................................................................................... 3 1.2 Objectifs ....................................................................................................................... 4 1.3 Annonce du plan .......................................................................................................... 5 2 LE CADRE D’ANALYSE .......................................................................................................... 6 2.1 Le storytelling : contexte et principe ........................................................................... 6 2.2 Le storytelling appliqué au marketing ......................................................................... 7 2.3 Les différentes techniques de storytelling .................................................................. 8 2.4 Les limites .................................................................................................................... 9 3 LES PROPOSITIONS ............................................................................................................ 11 3.1 La structure du récit................................................................................................... 11 3.2 Les différentes formes du récit : construction et utilisation ..................................... 15 3.2.1 Le roman............................................................................................................. 15 3.2.2 La tragédie .......................................................................................................... 19 3.2.3 Le roman-feuilleton ............................................................................................ 21 3.2.4 La saga ................................................................................................................ 23 3.2.5 L’épopée ............................................................................................................. 23 4 METHODE .......................................................................................................................... 26 4.1 Caractérisation de l’entreprise Dufour Yachts .......................................................... 27 4.2 Choix d’une modalité pour raconter l’histoire de l’entreprise Dufour Yachts .......... 29 5 RESULTAT .......................................................................................................................... 32 5.1 Préambule.................................................................................................................. 32 5.2 La « Story » Dufour Yachts......................................................................................... 33 6 DISCUSSION....................................................................................................................... 37 6.1 La pertinence d’une histoire pour l’entreprise Dufour Yachts .................................. 37 6.2 L’analyse structurale du récit .................................................................................... 37 6.3 La démarche de sotytelling........................................................................................ 39 7 CONCLUSION ..................................................................................................................... 41 1
  • 3. 8 ANNEXE ............................................................................................................................. 43 8.1 Annexe 1 : Les 31 fonctions du conte de Wladimir Propp ........................................ 43 8.2 Annexe 2 : Liste des personnages à répartir sur les différentes fonctions ............... 44 8.3 Annexe 3 : Le Petit Chaperon Rouge, Jacob et Wilhelm Grimm ............................... 44 8.4 Annexe 4 : Publicité pour les 10 ans de l’Arpège (1974) ........................................... 47 8.5 Annexe 5 : Liste des effectifs de l’entreprise (1973) ................................................. 48 8.6 Annexe 6 : Extrait du Questionnaire de satisfaction - Juillet 2010 Erreur ! Signet non défini. 8.7 Annexe 7 : Diagrammes : résultat de l’enquête de satisfaction .... Erreur ! Signet non défini. 8.8 Annexe 8 : Illustrations de l’Histoire de Dufour Yachts ............................................. 48 8.8.1 Article : « Le 1000e Arpège » ............................................................................. 48 8.8.2 Publicités des années 70 .................................................................................... 54 8.8.3 Lettre de Michel Dufour à ses salariés : Janvier 1975 . Erreur ! Signet non défini. 8.8.4 Publicités Nautitech, 1997 ................................................................................. 50 9 ANNEXE ............................................................................................................................. 57 2
  • 4. 1. INTRODUCTION 1.1 Définition de la problématique Le storytelling ou l’art de raconter des histoires, se base sur le fait que l’homme a toujours eu recours à des histoires et à des grands mythes pour expliquer l’univers qui l’entoure. Depuis les mythes grecs et les griots africains, l’histoire de l’humanité a toujours été contée à travers des récits. En effet, raconter des histoires est l’un des plus anciens processus de création et de transmission de sens : les contes et les récits ont forgé notre enfance, notre culture, notre mémoire collective ; ils ont permis la diffusion des valeurs, des arts de vivre, des coutumes, des connaissances… Ce phénomène est commun à toutes les civilisations. Ainsi le récit reste-il le chemin le plus court et le moyen le plus percutant pour créer du sens et le transmettre à un public. Le storytelling part du postulat que l’être humain est guidé davantage par ses émotions que par sa raison ; par conséquent qu’il faut passer par l’émotion pour toucher la raison. En suscitant l’émotion, le récit actionnerait les leviers qui nous poussent à agir. Appliqué aux sciences sociales et humaines, le storytelling connaît depuis les années 90 un formidable essor. Les théoriciens ont appliqué la discipline dans les domaines de la politique, de la stratégie, du marketing et de la communication d’entreprise. L’art ancien des conteurs devient une ressource managériale : « la communication narrative ». Nous reviendrons au cours de ce mémoire sur le contexte de ce « narrative turn » qui a fait évoluer une politique de produit en politique de marque, pour enfin aboutir à la commercialisation d’une « histoire de la marque ». En effet, le storytelling apparaît alors que l’on assiste à la transformation du système économique et social des organisations. Il s’impose alors comme un vecteur pédagogique du changement ; il permet aux cadres et aux employés de se mettre dans une disposition d’esprit propre à l’organisation dans laquelle ils évoluent. Quand il est utilisé en entreprise, les avantages du storytelling sont multiples : un récit marque les esprits et retient l’attention davantage qu’un énoncé factuel. A l’intérieur du cadre même d’une organisation, le storytelling permet de comprendre l’entreprise : cette compréhension spontanée est possible grâce à la diffusion de sens apportée par les histoires. Cette transmission de la mémoire collective facilite l’intégration des nouveaux collaborateurs qui partagent ainsi valeurs et bonnes pratiques communes. Le recueil des histoires en interne renforce les liens sociaux et la cohésion entre salariés. L’instauration de ces nouveaux repères est un excellent moyen d’éviter les blocages et de favoriser la communication. Les marketeurs l’ont aussi compris : désormais, le sens se met au service de la marque et participe à son capital. En passant d’un marketing transactionnel, centré sur l’acte d’achat, à un marketing relationnel, les marketeurs intensifient la relation entre le consommateur et la 3
  • 5. marque à plus long terme. Ainsi, selon Christian Salmon 1 , ne suffit-il plus pour les marketeurs de rendre une marque célèbre ou familière auprès de consommateur, mais de créer une relation singulière et émotionnelle entre une marque et ses habitués. En réalisant mon stage dans l’entreprise nautique Dufour Yachts et en prenant en compte les différents constats précédemment cités, l’idée m’est venue de réaliser une expérimentation. Pourquoi cette entreprise se prête-elle particulièrement au storytelling et comment celui-ci pourrait servir la marque ? Au fil de nombreuses discussions avec mon entourage, j’ai constaté que Dufour Yachts était peu connu du grand public, et ne rencontrait pas la notoriété que cette marque aurait du mériter. En effet, l’entreprise, spécialisée dans la construction de voiliers haut-de-gamme, se classe au 3e rang mondial des entreprises nautiques. Son histoire, surtout, gagne à être considérée. Dufour Yachts est née de l’imagination d’un seul homme, Michel Dufour ingénieur de métier mais passionné par la mer. On peut alors imaginer la construction de cette légende, la manière dont elle évolue au fil des années et le potentiel que cela peut représenter pour la communication autour de cette marque. Bruce Fairchild Barton, fondateur de l’agence BBDO, et connu pour sa collaboration avec General Electric et General Motors, disait dès 1923 : « J’aime envisager la publicité dans sa grandeur, dans sa splendeur, plongeant au cœur d’une institution pour en saisir l’âme…Les institutions ont une âme, tout comme les hommes et les nations. »2. C’est donc bien pour tenter de « saisir l’âme de Dufour Yachts » que je souhaite mener cette expérimentation. Quoi de plus sensé que de se référer aux théoriciens du récit pour appréhender le storytelling ? Les analyses de Roland Barthes, Wladimir Propp, ou encore Claude Brémond constitueront une base théorique à la mise en pratique de l’histoire de Dufour Yachts. 1.2 Objectifs Selon Roland Barthes dans son « Introduction à l’analyse structurale du récit »3, « Le récit constitue l’une des catégories de la connaissance pour comprendre et ordonner le monde ». Dans une société où la consommation est devenue presque un acte culturel, nous éprouvons de plus en plus la nécessité de nous identifier à une cause, à un produit, à une marque. Cette tendance est aussi nettement visible dans le monde de la communication : le partage et la volonté d’échange de sentiments et de vécu, réel ou pas, est l’une des particularités du web 2.0. Dès notre plus tendre enfance, l’histoire a la faculté de faire abandonner à l’auditeur ses défenses et son attitude blasée, elle constitue un remède au cynisme. 1 Salmon C. (2008). Storytelling, la machine à fabriquer des rêves et à raconter des histoires. Editions la Découverte, Paris. 2 Marchand R. (1991). The corporation Nobody knew : Bruce Barton, Alfred Sloan, and the founding of the General Motors « Family », Business History Review, 22 décembre 1991, p225 3 Barthes R. (1966). Introduction à l’analyse structurale du récit. Communication, 8, 1966. Recherches sémiologiques : l’analyse structurale du récit. pp. 1-27 4
  • 6. Mon objectif est de comprendre comment se construisent les récits et d’en analyser les différentes formes narratives. Ce cadre théorique me permettra de mieux appréhender le storytelling et de l’appliquer au cas de Dufour Yachts. 1.3 Annonce du plan Nous avons brièvement présenté le storytelling en expliquant son objectif premier : faire surgir des émotions grâce aux tournures narratives, et ainsi capter l’attention en recherchant une compréhension spontanée qui s’affranchit de la raison. Le cadre d’analyse me permettra de revenir sur le storytelling et de comprendre le contexte dans lequel il est apparu et pourquoi son champ d’application s’est étendu au marketing. Nous passerons en revue les différentes techniques et les méthodes qui en définissent le cadre général, et nous en déduirons enfin les limites. Nous nous pencherons dans la partie « Propositions » sur les théoriciens de la structure narrative. Nous pourrons alors détailler les différentes formes du récit et les éléments qui le constituent. Cette section a pour but de proposer les meilleures modalités pouvant servir un plan de communication dans un objectif publicitaire. C’est dans le chapitre « méthodes » que nous nous intéresserons sur l’expérimentation annoncée au début de cette introduction. Grâce aux propositions exposées dans la partie précédente, nous ferons le choix méthodologique d’un récit adapté à l’entreprise Dufour Yachts et à ses produits. Pour cela, nous définirons au préalable les caractéristiques de cette entreprise. Un essai du récit de l’entreprise sera proposé dans la partie « résultats ». La section suivante sera consacrée à la discussion de sa portée et sa pertinence. Cette partie représentera l’occasion de considérer l’atteinte de l’objectif de ce mémoire. Enfin nous conclurons sur le cheminement général de notre étude et ses implications dans le dernier chapitre. 5
  • 7. 2 LE CADRE D’ANALYSE 2.1 Le storytelling : contexte et principe Avant de nous intéresser en détail au principe et aux techniques du storytelling, il semble important de situer le contexte dans lequel il est apparu. Pour comprendre le narrative turn des années 90, effectuons un retour en arrière sur l’histoire des marques et l’évolution du marketing. Comment est-on passé d’une politique de produit, à celui de la marque pour enfin commercialiser l’histoire de la marque ? Dans son livre No logo, Naomi Klein1 revient sur les événements historiques qui ont conduit à l’avènement du storytelling. Au 19e siècle, apparaissent les premières campagnes publicitaires de masse. Devant un nombre d’invention croissant- la lampe électrique, l’automobile, le téléphone - les industriels doivent informer les consommateurs de leur existence. Il s’agit également de faire accepter au grand public un nouveau mode de vie. Au-delà de sa fonction informative, la publicité se veut rassurante : ces objets vont rendre notre quotidien meilleur. Mais avec l’essor industriel, l’usine amène la production de masse. Les produits de la vie quotidienne sont nommés pour la première fois dans le but de différencier les différents acteurs. Des noms évoquant la vie rurale apparaissent « Aunt Jemina », « Uncle Ben », « Dr Brown ». Cette familiarité qui rappelle au consommateur l’épicier de jadis, gagne la confiance du grand public et le rallie à la cause de la consommation de masse. Après la crise de 1929, il apparaît que la fonction fondamentale d’une entreprise industrielle est la fabrication d’objet. Plus celle-ci en fabrique, plus élevés seront les bénéfices. On met alors le produit en avant. Cela apparaît comme la clé de la relance économique. Cependant, certains personnages envisagent déjà les multiples usages que l’on peut faire de la publicité. Bruce Fairchild Barton, que nous avons cité en introduction s’évertue à donner une « âme » aux marques pour lesquelles il travaille. Les publicités de General Motors se mettent alors toutes à raconter «l’histoire de gens qui conduisaient les voitures de la marque, comme par exemple le médecin de campagne qui, grâce à sa fidèle GM, arrivait « au chevet d’un enfant mourant juste à temps pour le ramener à la vie »2 ». L’entreprise vient d’acquérir une âme auprès des consommateurs. Progressivement, les publicitaires prennent conscience du potentiel de la marque. De simples logos, les marques deviennent garantes de l’identité de l’entreprise. On parle alors d’« essence de la marque » pour qualifier le sens que prennent celles-ci dans la vie des individus. Le « branding » vient compléter la fabrication. Le tournant arrive dans les années 80. La production de masse devient trop lourde. La légèreté est de mise : on fabrique de moins en moins d’objets avec de moins en moins d’employés mais avec des images de plus en plus convaincantes. La marque représente un réel investissement dans la valeur des actions. En témoigne l’achat de Kraft par Philip Morris pour 6 fois la valeur théorique ; la différence résidant dans le poids de la marque. 1 Klein N. (2001). No Logo : la tyrannie des marques. Actes Sud, Arles 2 Ibid 6
  • 8. Selon Naomi Klein, le jour décisif qui marque la fin du branding et la naissance du storytelling remonte au 2 avril 1993. Ce jour-là, Philip Morris décide de baisser le prix des cigarettes Marlboro pour faire face à la concurrence. Aussitôt, le cours des multinationales chute à Wall Street : Heinz, Quaker Oats, Coca-Cola, Pepsi-Cola, Procter&Gamble… En effet, l’idée qu’une institution telle que Marlboro s’abaisse à réduire les prix pour résister sur le marché est effrayante. Un acte aussi désespéré signifie simplement que les marques n’ont plus aucune valeur et que le branding n’a plus de raison d’être. Parallèlement les marques de distributeur rencontrent un succès grandissant. « Lorsque vous avez un produit qui est identique à un autre produit, il y a différents moyens de le concurrencer. Soit, et c’est la solution stupide, on baisse le prix. Soit on change la valeur du produit en racontant son histoire. »1 Les marketeurs doivent par conséquent repenser leur vision des choses s’ils veulent redonner vie aux marques. En s’inspirant du modèle de Disney, d’IBM, de Starbucks ou the Body Shop dont le succès ne faiblit pas, l’idée est trouvée : la marque devient expérience ou de style de vie. Les produits ne sont plus des articles de base mais des concepts. « Pour les marketeurs, affirme Christian Salmon, il ne suffit plus de rendre une marque célèbre ou familière auprès d’une masse de consommateurs anonymes, mais de créer une relation singulière, émotionnelle, entre une marque et ses affiliés. »2 En une vingtaine d’années, le marketing est ainsi passé du produit à la marque, puis de la marque à la story ; de l’image de la marque à l’histoire de la marque. Le storytelling rencontre un véritable succès aux Etats-Unis où le pouvoir des histoires sert aussi bien la politique que les grandes firmes multinationales. La conduite d’importants changements, la fusion de sociétés, la communication interculturelle sont autant de circonstances dans lesquelles les managers appliquent le storytelling. Celui-ci vise à une représentation mentale et rapide et facilite la communication en amenant du sens à une situation complexe. En racontant des histoires « stories » aussi bien en interne qu’en externe, l’entreprise donne aux gens la possibilité de les continuer. Ils deviennent alors une part de cette histoire, renforçant leur lien avec l’entreprise et favorisant ainsi la cohésion interne. 2.2 Le storytelling appliqué au marketing Pour Christian Salmon, il ne suffit plus pour les marketeurs de rendre une marque célèbre ou familière auprès d’une masse de consommateurs, mais de créer une relation singulière et émotionnelle entre une marque et ses habitués. Nous avons évoqué précédemment qu’en quelques années nous sommes passés d’un marketing transactionnel, centré sur l’acte d’achat et privilégiant la communication de masse, à un marketing relationnel. Les marketeurs préféraient auparavant ignorer les 1 Tern B. (2006). What does brand mean. Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 34, n°2, 2006, P. 216- 223 2 Salmon C. (2008). Storytelling, la machine à fabriquer des rêves et à raconter des histoires. Editions la Découverte, Paris. 7
  • 9. process relationnels jugés trop coûteux et trop complexes. Le marketing relationnel apporte une vision à plus long terme devant permettre la fidélisation du consommateur. Le web 2.0 a constitué un véritable bouleversement dans la relation entre l’entreprise et les consommateurs. Selon, un article du Figaro.fr intitulé : « Renault, champion des conversations sur les blogs »1, plus de 30 % de ce qui se dit au sujet d'une marque sur Internet vient des consommateurs. En effet, 30,4% des 100 premières réponses obtenues sur Google à propos des 100 plus grandes marques françaises proviennent des internautes. On se rend compte combien « les histoires » des consommateurs sont devenues décisives. Envisagés non plus comme de simples acheteurs, ils sont considérés dorénavant comme des relais de l’information. La fidélisation est devenue en très peu de temps le mot d’ordre des entreprises : le marketing se veut de plus en plus individualisé : personnalisation, interactivité, appartenance, communauté. En fédérant le consommateur autour de leur marque, les entreprises espèrent une réelle valeur sur l’image et la notoriété de leurs marques. Dans notre étude, nous mettrons en avant le fait que le nom de l’entreprise peut être porteur d’une histoire. Réfléchir à celle-ci représente également un moyen de repenser la politique de communication notamment au travers de l’image que l’entreprise souhaite renvoyer. 2.3 Les différentes techniques de storytelling Vous voulez ressentir la tension qui règne à bord d’un sous-marin en mission ? Le site de la marine national « etremarin.fr »2 vous permet de vous glisser dans la peau d’un marin et d’effectuer des missions hyper réalistes. Vous désirez déclarer votre flamme à votre conjoint ? Le site, « tartedetoi .fr»3 lancé par Marie, nous propose de composer une histoire d’amour et de réconciliation autour d’une quiche Marie. Ces opérations entrent dans deux conceptions distinctes du storytelling. La première est « la mise en récit » : une histoire est racontée au consommateur. On y retrouve tous les éléments propres au récit : personnages, événements, intrigue, obstacle et résolution. Que l’histoire soit fictive ou non, l’important est que le message soit authentique. La publicité Nespresso en est une bonne illustration. Dans tous les spots, nous avons le droit à une mini- « story » autour de George Clooney jouant son propre rôle avec autodérision. La seconde approche du storytelling s’apparente davantage à « un récit de marques ». Celui- ci correspond à la création d’un univers ou d’une atmosphère. On retrouve cette utilisation dans les marques de luxe, les parfums, ou encore les cosmétiques. 1 (2010), Renault, champion des conversations sur les blogs. Le Figaro.fr. http://www.lefigaro.fr/medias/2008/08/22/04002-20080822ARTFIG00552-renault-champion-des-conversations- sur-les-blogs-.php (page consultée le 30 mars 2010) 2 http://www.etremarin.fr/ (page consultée le 2 avril 2010) 3 http://www.tartedetoi.fr/ (page consultée le 2 avril 2010) 8
  • 10. Dans les deux cas, le but est d’instaurer une progression narrative pour enfin délivrer un message de la manière la plus efficace possible. Une dimension plus générale est apportée par certaines marques à travers l’échange social. Le site Dove1 propose une réflexion autour de différents thèmes tels « accepter son âge », « trop minis pour être sexy », ou le « Programme Dove pour l’estime de soi ». En abordant ainsi des thèmes personnels, en publiant les histoires de chacune mais en communiquant sur les qualités uniques de chaque personne, la marque se positionne sur de véritables qualités d’empathie. Une stratégie marketing qui s’appuie sur la dynamique d’une communauté, associée à une histoire autour de la marque a de fortes chances d’assurer la pérennité de cette dernière. 2.4 Les limites Il existe plusieurs limites au storytelling. Les premières résident dans les différentes méthodes employées par les marketeurs pour nous toucher ou activer des émotions enfouies au plus profond de notre mémoire. Ces techniques prêtent à discussion. Christian Salmon les assimile à de la manipulation, à « une machine à formater les esprits ». Cependant, son point de vue demeure partisan ; en se situant dans un courant altermondialiste, il critique la publicité et la société de consommation. Ce thème de la manipulation n’est-il pas en effet daté quand il s’agit de marketing ? Hyperinformé, et habitué aux comparaisons et au recueil d’informations sur internet, le consommateur n’en sait-il pas parfois plus que le publicitaire ? « Si l’on manipule les acheteurs, on les perd définitivement pour la marque, affirme Jacques Séguéla. La publicité a cessé de manipuler dans les années 80. C’est d’ailleurs le seul métier pour lequel le mensonge est puni par la loi, jusqu’{ la prison même. »2 Il n’en reste pas moins que pour garder leur crédibilité, les histoires doivent rester authentiques. C’est dans la sincérité que réside le principal enjeu du storytelling. Un récit énoncé dans le but de détourner l’attention et non plus de la capter, devient rapidement manipulation et propagande. C’est en effet ce que dénoncent les opposants du storytelling : les récits peuvent cacher une histoire trompeuse. Si l’imagination prend le pas sur la raison, l’esprit se retrouve emprisonné et perd son pouvoir de discernement. On se retrouve rapidement « pris au piège » de l’histoire sans même s’en rendre compte. La seconde limite tient à la forme narrative du storytelling et à son utilisation récurrente dans les différentes campagnes publicitaires. Le récit nécessite le maintien d’une dynamique qui lui permet de garder le spectateur en haleine et de l’impliquer. Le récit doit donc en permanence alterner entre information, actions dramatiques et tension. Cette logique doit pouvoir se retrouver dans la marque. Nous assistons aujourd’hui davantage à la répétition des mêmes scènes à l’intérieur d’une structure identique. Sans réel engagement dans la narration, le consommateur risque de se lasser d’autant plus rapidement qu’il identifiera par lui-même les ficelles du processus « d’enrôlement ». 1 http://www.dove.com/fr_fr/fr_fr/index.html (page consultée le 3 juin 2010) 2 Di Rosa M. (2009). Quand le storytelling réinvente le marketing. Stratégies.fr. http://www.strategies.fr/etudes- tendances/tendances/124266W/quand-le-storytelling-reenchante-le-marketing.html (page consulté le 26 mai 2010) 9
  • 11. C’est pourquoi une analyse des différentes formes narratives demeure indispensable pour maîtriser au mieux un récit et son application en storytelling. La partie suivante a pour but d’exposer en détail les différentes formes narratives et les éléments constitutifs du récit. C’est en comprenant la structure même du récit et la manière dont il doit s’agencer que je pourrai mener à bien mes objectifs et à travers eux, mon expérimentation de mettre « en récit » l’histoire de Dufour Yachts. 10
  • 12. 3 LES PROPOSITIONS 3.1 La structure du récit Le récit est protéiforme. Présent dans le mythe, la légende, la fable, l’épopée, la tragédie, le conte, il apparaît dans toutes les sociétés, dans tous les lieux. Le récit fait partie intégrante de l’histoire de l’humanité. Comme le rappelait Roland Barthes dans l’Introduction à l’analyse structurale du récit1, « Tous les groupes humains ont leur récit (…) : le récit se moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie. » L’universalité du récit démontre combien cet outil est précieux pour entrer en communication avec une personne. C’est de cette observation qu’est né le storytelling ; présentés sous forme narrative, les messages sont mieux retenus. C’est pourquoi il semble nécessaire, avant même d’analyser les différentes formes que peuvent prendre un récit, de comprendre la structure intrinsèque de celui-ci. Dans son ouvrage Morphologie du conte2 publié en 1928, le folkloriste russe Wladimir Propp, se penche sur l’analyse des contes merveilleux russes. En retranchant tout ce qu'il juge secondaire : le ton, l'ambiance, les détails décoratifs, les récits parasites, il ne garde que les plus petites unités narratives. Il détermine ainsi une typologie des structures narratives. Son ouvrage constitue la base méthodologique de l’analyse structurale des contes, celle-ci ayant inspiré par la suite de nombreux travaux ; notamment ceux de Claude Brémont3 qui proposa une grammaire narrative en poursuivant les réflexions de Wladimir Propp. En déchiffrant plusieurs centaines de contes issus du flolklore russe, Propp identifie le jeu de ce qu’il nomme « les variables » (les personnages) et les « constantes » (les fonctions qu’ils accomplissent). Ces fonctions, quelle que soit la manière dont elles sont réalisées, demeurent répétitives et leur succession est identique. Organisées à partir d’un manque ou d’un méfait initial jusqu’à sa réparation finale, ces fonctions sont au nombre de 31. (Annexe 1 : Les 31 fonctions du conte de Wladimir Propp). On remarque que ces fonctions peuvent être assemblées par couple : par exemple, interdiction/transgression, interrogation/information ou encore combat/victoire. De la même manière le début et la fin de l’histoire s’opposent mais instaurent une certaine symétrie. Si la solution de départ est négative, elle sera positive à l’arrivée ou si un doute subsiste au début, la fin apportera la solution voulue. 1 Barthes R. (1966). Introduction à l’analyse structurale du récit. Communication, 8, 1966. Recherches sémiologiques : l’analyse structurale du récit. pp. 1-27 2 Mélétinski E., Propp W. (1970). Morphologie du conte. Collection Essais. Editions Seuil, 1970 3 Brémond C. (1973). La Logique du récit. Collection Poétique, Editions du Seuil, 1973 11
  • 13. Ensuite, seulement, Propp détermine les concepts de personnage afin de répartir les fonctions correspondantes pour chacun d’eux. (Annexe 2 : Liste des personnages à répartir sur les différentes fonctions) Cette analyse n’est pas sans intérêt dans le cadre de notre étude : comprendre la mécanique du conte et l’enchaînement des différentes fonctions demeure une réelle aide méthodologique pour comprendre et écrire une intrigue, et surtout, veiller au maintien de celle-ci tout au long du récit. Sans forcément reproduire ces 31 séquences, nous pouvons chercher à regrouper ces fonctions afin de faciliter l’écriture et de proposer un modèle de trame narrative plus globale. Le conte de Grimm, Le petit Chaperon rouge1 (Annexe 3 : Le Petit Chaperon Rouge, Jacob et Wilhelm Grimm), nous servira à illustrer ce modèle. Nous distinguons : o Une situation initiale. Elle débute par une formule destinée à plonger l’auditeur dans l’ambiance du conte. Cette situation initiale constitue une phase de présentation et de description du personnage principal et du lieu où se situe l’action. ou le conflit qui est au cœur de l’action. « Il était une fois une jeune et jolie petite fille qu’aimaient tous ceux qui la voyaient et plus encore sa grand-mère qui ne savait rien lui refuser. Un jour, elle lui offrit un chaperon de velours rouge qui lui seyait tant qu’elle ne voulut plus jamais porter autre chose. Si bien qu’on ne l’appela plus que "Petit Chaperon rouge. » La situation initiale met en avant la mission que devra réaliser le héros et son destinataire potentiel. Elle montre le problème qui doit être résolu. En très peu de temps, l’auditeur est renseigné sur le contexte de l’intrigue. « Petit Chaperon Rouge, viens me voir, voici un morceau de gâteau et une bouteille de vin que tu apporteras à ta grand-mère, elle est malade et faible et pourra s’en délecter. » La situation initiale prend fin avec le départ du héros. « Lève toi avant qu’il ne fasse trop chaud. En chemin, tu iras prudemment et avec sagesse afin de ne pas t’écarter du bon chemin sinon tu pourrais tomber, casser la bouteille et ta grand-mère n’aurait plus rien. Quand tu seras arrivée dans sa maison, n’oublie pas de lui dire bonjour et ne farfouille pas dans tous les recoins. » « Je ferai bien tout ce que tu me demandes » répondit le Petit Chaperon Rouge à sa mère et elle lui tendit la main pour la quitter Un élément nouveau introduit alors une instabilité ; il déclenche le début d’une transformation et d’une complication. On parle de : o Situation de développement. Dans cette situation, l’histoire se déroule de façon logique visant à atteindre le dénouement sans détour. « Quand le Petit Chaperon Rouge entra dans le bois, son chemin croisa celui du Loup cependant, elle ignorait qu’il était un animal cruel et elle n’eut donc pas peur de lui … » Le déséquilibre est annoncé par la mauvaise pensée du loup, confirmée par la suite « Le Loup pensa « La jeune et tendre chose, elle fera une belle et grasse bouchée, qui doit être bien meilleure que la Vieille femme … ». Les paragraphes qui suivent introduisent les verbes d’actions qui se succèdent en fonction des interactions entre le héros et les autres personnages. On y trouve l’usage de dialogue et d’adverbes reliant les faits et assurant la continuité du récit. « Pendant ce temps, le Loup alla... », « Puis il enfila sa robe, .. » 1 http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Petit_Chaperon_rouge_(Grimm) 12
  • 14. Le personnage principal se voit alors confronté à une épreuve où il devra prouver sa dignité et sa valeur pour conquérir l’objet de sa quête. Cette seconde partie s’achève sur la punition/récompense : le héros se voit reconnu dans toute sa gloire tandis que le « faux- héros », démasqué, est puni « Il voulut poser sa gibecière lorsqu’il pensa que le Loup avait pu dévorer la grand-mère et qu’il pourrait encore la sauver … », « il vit l’éclat rouge du chaperon puis il fit une autre paire d’entailles. Soudain le Petit Chaperon Rouge bondit et s’écria : « Ah, j’ai été tellement effrayée car il faisait si sombre dans le ventre du Loup. » », « Puis vint la vieille grand-mère qui ne pouvait presque plus respirer. Le Petit Chaperon Rouge attrapa promptement une grosse pierre et en remplit le ventre du Loup. Lorsqu’il se réveilla il voulut s’enfuir mais la pierre était si lourde qu’il retomba lourdement et mourut sur le coup.. » . o La situation finale. Elle se déroule dans une période relativement brève et peu de détails sont donnés. Elle constitue la phase de glorification du héros et rétablit l’équilibre ; la victoire du bon et la défaite du mauvais est accentuée. « Tous trois se sentirent tout joyeux, le chasseur dépeça le Loup et rentra chez lui, la grand-mère mangea le gâteau et but le vin que le Petit Chaperon Rouge avait apportés et se reposa enfin. Mais le Petit Chaperon Rouge pensa : « Tu n’iras plus jamais seule en dehors des chemins dans la forêt comme ta mère te l’avait recommandé »». Bien que souvent positive, la fin peut prendre une tournure pessimiste ou malheureuse. Denise Paulme, une anthropologue ayant travaillé sur les contes africains, parle d’un récit de « type descendant »1 pour qualifier un texte qui finit plus mal qu’il n’a commencé. Cette approche de Wladimir Propp nous a permis de nous pencher sur la construction d’un conte et de tenter d’en appliquer la méthodologie ou « morphologie » au travers une approche plus globale. Mais il semble important de compléter cette analyse en étudiants les recherches d’autres théoriciens du récit. Nous avons ouvert ce chapitre avec une citation de Roland Barthes. Qui d’autre en effet que celui qui a écrit sur la structure même du récit pouvait servir de cadre de référence à notre expérimentation ? Roland Barthes s’est posé la question d’une structure du récit. Cette vaste entreprise paraît inimaginable si l’on considère le nombre infini de récits, la multitude des points de vue, les inspirations culturelles dont ils sont imprégnés, les différentes langues employées pour la narration et leur subtilité rhétorique… Devant cette apparente anarchie, Roland Barthes ne peut proposer dans un premier temps qu’un modèle hypothétique qui sera l’instrument d’une future théorie. Les premières recherches de Roland Barthes pour l’élaboration de son modèle s’orientent vers la linguistique ; la langue du récit. Tout comme Propp recherchait les plus petites unités narratives, Barthes considère la phrase comme la dernière unité d’une analyse linguistique. Dès lors, on peut concevoir un récit 1 Paulme D. (1976). La mère dévorante. Essai sur la morphologie des contes africains. Edition Gallimard, Paris, 1976 13
  • 15. comme une somme de phrases. Cependant, on ne peut réduire le récit à cette opération. La compréhension de ce dernier résulte du sens délivré par sa structure. Barthes parle des différents « étages » d’un récit : au-delà du niveau « horizontal » constituant le fil narratif, il faut chercher dans l’histoire ou le discours, les axes verticaux. Ces différents « étages » servent à faire progresser l’intrigue. Il propose alors, et nous retrouvons les fondements de l’analyse de Propp, le niveau des fonctions, celui des actions et enfin le niveau de la narration. Ces fonctions demeurent interdépendantes ; la narration n’existe que parce qu’elle décrit une fonction réalisée par un « actant ». Selon Roland Barthes, les fonctions sont des « germes » posés à des instants précis du récit. Ces germes sont amenés à mûrir à un moment donné de l’histoire. Chaque détail devient alors utile pour le récit, puisqu’il semble participer à relier les étages ou niveaux du récit entre eux, et ce, de manière plus ou moins immédiate. Dans Un cœur simple, Flaubert nous apprend sans insister que les filles du préfet possèdent un perroquet. Bien plus tard, ce même perroquet prendra une place considérable dans la vie de Félicité. L’énoncé de ce détail avait par conséquent une fonction narrative. De la même manière, dans la phrase « James Bond souleva l’un des quatre récepteurs », l’utilité du mot quatre prend un sens beaucoup plus large que la quantité seule : il nous renvoie au concept de la haute technologie bureaucratique des bureaux de l’agent secret. Mais quelle logique s’applique quand il s’agit de décrire l’enchaînement des différentes fonctions ? Barthes émet alors plusieurs hypothèses en s’appuyant sur d’autres sémiologues. Claude Brémond, dans La logique du récit, voit une « logique énergétique ». Les fonctions s’enchainent selon les choix auxquels sont soumis les personnages. La syntaxe découle par conséquent des différents comportements humains en chaque point de l’histoire. Julien Greimas, fondateur dans les années 1960 du « Groupe de recherche sémio-linguistique » (dont Barthes faisait partie), préfère quant à lui s’appuyer sur la linguistique. Il tente de retrouver les paradigmes des fonctions et les oppositions structurant le récit. Enfin, la troisième hypothèse expose la logique inverse. Tzevtan Todorov, membre du même groupe et théoricien de la littérature, se base sur les personnages : ce sont eux qui déterminent les fonctions et la combinaison du récit et non le contraire. Les actions qui renvoient à la notion de personnage, constituent le deuxième niveau d’analyse du récit. En effet, les théoriciens ne considèrent pas ceux-ci comme fondamentaux. Aristote disait déjà dans son ouvrage, La poétique « Il peut y avoir des fables sans caractères, il ne saurait y avoir de caractères sans fable ». Ce qui n’était jusque là que l’agent d’une fonction, a pris une réelle consistance psychologique notamment au travers des naturalistes français (Zola, Balzac, Flaubert, Maupassant) et des romanciers russes (Tolstoï, Dostoïevski, Gogol). Encore une fois, les analystes considèrent différemment les personnages. Selon Bremond1 , ils sont les « participants » de chaque séquence narrative dont ils sont le héros. Greimas2, lui, les classe en fonction de leurs actions et selon trois axes sémantiques : la communication, la quête, l’épreuve. On retient de ces deux interprétations 1 Brémond C. (1973). La Logique du récit. Collection Poétique, Editions du Seuil, 1973 2 Greimas A.J. (1966). Sémantique structurale, Larousse, 1966. 14
  • 16. la définition commune du personnage par sa participation à une sphère d’actions. C’est pourquoi Barthes définit ce deuxième niveau narratif par le mot « Action », qui renvoie davantage aux grandes articulations du récit qu’à une suite de petits actes. Enfin, le dernier étage de l’analyse d’un récit se définit par la communication narrative. Il ne peut en effet y avoir de récit sans narrateur d’un côté et sans auditeur ou lecteur de l’autre. On peut alors envisager trois conceptions du narrateur. Dans la première, le récit est raconté à la première personne. La description des événements tient à la seule vision du personnage décrivant l’histoire. La deuxième conception est celle d’un narrateur omniscient : il est à la fois à l’intérieur des personnages (il sait tout ce qui se passe en eux) et à l’extérieur (il ne s’identifie à aucun d’eux). Le dernier type de narrateur fait de chaque personnage l’émetteur du récit. Tour à tour, ils décrivent uniquement ce qu’ils savent ou peuvent observer. Agatha Christie s’est servi de ces trois modèles et a bousculé ainsi les codes du roman policier. En les mélangeant, elle induit le lecteur en erreur en trichant sur la personne de la narration : un personnage est décrit de l’intérieur alors qu’il est déjà le meurtrier. De même, dans Le meurtre de Roger Akroyd, le meurtrier est en fait le narrateur parlant à la première personne. Ainsi, avons-nous cherché à mieux comprendre la structure du récit. Bien que Roland Barthes insiste sur la forme hypothétique de ses propositions, celles-ci nous aident à mieux comprendre les différents rouages d’une histoire. En complétant cette analyse par les théories de Wladimir Propp, nous pourrons à notre tour « écrire » une histoire en maîtrisant les éléments apportés, et en demeurant conscient du sens qu’ils amènent au récit, aussi bien à l’intérieur d’une séquence narrative particulière que dans une vision plus globale de celui- ci. L’étude des différentes formes du récit semble indispensable pour approfondir notre méthode et proposer par la suite la proposition la mieux adaptée à notre expérimentation de storytelling. 3.2 Les différentes formes du récit : construction et utilisation Ainsi, le récit peut-il prendre différentes formes. On le retrouve à toutes les époques et dans différents milieux culturels. Nous reviendrons dans cette partie sur les formes les plus communes et les plus utilisées. Que l’on parle de roman, de tragédie et de drame, ou encore du feuilleton, tous sont témoins d’une période et ont posé sur celle-ci leur empreinte littéraire. 3.2.1 Le roman Le roman est une œuvre narrative en prose. Depuis les romans de chevalerie du Moyen-âge, il n’a cessé de se diversifier. Le roman, en devenant au XIX° siècle le genre dominant, a 15
  • 17. redéfini ce concept apparu à la Renaissance et qu'on réservait au théâtre. Son objectif est de remplir et satisfaire le désir d’évasion du lecteur. Le roman reflète souvent les préoccupations de la société et la quête de valeurs nouvelles. Il est « une œuvre d’imagination constitué par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude des mœurs ou des caractères, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives ou subjectives »1. Sa vitalité, se manifestant à travers les différentes situations romanesques est souvent due à une suite d’épisodes dont l’enchaînement constitue l’intrigue. Lire un roman de façon approfondie implique d’être attentif à ses éléments constitutifs : ils concernent aussi bien le narrateur que le cadre spatio-temporel dans lequel s’inscrit l’intrigue. Intéressons-nous en premier lieu aux différentes étapes du récit. Un roman est constitué d’actions s’organisant en une intrigue. Dans notre analyse précédente de Wladimir Propp et la proposition d’une structure du conte « simplifiée », nous avons cherché à regrouper les fonctions en trois parties distinctes. En s’appuyant sur ce découpage, nous pouvons mettre à jour le schéma narratif de l’intrigue, telle qu’elle apparaît dans le roman. L’état initial définit le cadre de l’intrigue : il situe le lieu, l’époque et les personnages. De la même manière que dans le conte, un événement perturbateur vient remettre en cause l’équilibre initial. S’en suit une série de rebondissements provoqués par cette transformation de la situation des personnages. Ces péripéties prennent fin avec l’arrivée d’un élément qui, en rétablissant l’équilibre initial, vient mettre fin à l’intrigue. Enfin le roman s’achève sur l’état final, heureux ou malheureux, des personnages. Très marquées dans les romans du 19e siècle, que se soit pour Balzac, Stendhal, Flaubert, ou encore Maupassant, ces séquences demeurent très proches de celles analysées dans la structure du conte. On y retrouve les mêmes parties : un état initial, une transformation appelant une perturbation puis le retour à l’équilibre de celle-ci et enfin un état final. On notera que l’ordre de ces séquences peut être modifié. Dans un retour en arrière, le récit commencera par exemple, par l’état final. Ces étapes servent de cadre à l’intrigue. Cependant, celle-ci peut aussi revêtir différentes formes. Une intrigue unique, resserrée, présente l’histoire du personnage du déclenchement de la transformation jusqu’à sa résolution. Cette forme se prête davantage à la nouvelle. En effet, une intrigue plus complexe demande davantage de temps : la multiplication des personnages et leurs histoires dont les destins se rejoignent ou se croisent s’inscrit dans un récit plus dense. L’écrivain peut même brouiller les niveaux de narration et introduire des intrigues secondaires à l’intérieur des intrigues principales. On parle alors « d’enchâssement ».2 1 Grand Dictionnaire encyclopédique, Larousse, 2005 2.Kaempfer J., Zanghi F. (2003). Méthodes et problèmes, La voix narrative. Section de Français – Université de Lausanne, http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/vnarrative/vnsommar.html. (Page consultée le 30 juin 2010 ) 16
  • 18. Barthes considérait la narration comme le troisième niveau d’analyse du récit. En effet, le narrateur ne se contente pas de rapporter des événements, mais il organise ceux-ci en fonction d’une logique qui lui est propre. Nous avons déjà évoqué les trois types de narration. Ces différents modes, narrateur-personnage, narrateur-omniscient et invisible ou narrateur-multiple, permettent au lecteur de prendre connaissance de l’histoire racontée. Le récit prend vie autour des personnages, ce que Propp ou Barthes nomment « action ». Les personnages principaux et secondaires forment des éléments constitutifs indissociables du roman. Le personnage principal se distingue par une destinée remarquable, heureuse ou malheureuse ; il est alors qualifié de « héros ». Le personnage de roman peut être appréhendé selon son identité, sa psychologie ou son apparence. Il est amené à remplir une ou plusieurs fonctions. On en distingue quatre au total : - le sujet ou héros, - l’objet, désignant celui que le sujet cherche à atteindre, - l’adjuvant, il aide le héros à réaliser sa quête - l’opposant, il fait obstacle au projet du héros. Ces personnages évoluent dans un cadre matériel, appelé espace. Ouverts ou restreints, les espaces sont souvent des marques qui permettent de situer une époque et un milieu social. Le temps, en dernier lieu, permet d’évaluer la durée des événements rapportés. Cette durée peut être brève ou étendue. Il faut noter que les faits ne sont pas toujours racontés par le narrateur dans un ordre chronologique. Nous avons déjà mentionné que l’histoire était présentée selon la logique voulue par le narrateur ; ellipses, anticipation, retours en arrière, participent au rythme de l’intrigue et servent la richesse du roman. Maintenant que nous avons une meilleure vision du roman et de son fonctionnement, il est intéressant de chercher en quoi cela peut nous être utile dans le cadre de notre recherche. A l’ère du storytelling, nous retrouvons dans de nombreuses campagnes de publicité les codes qui définissent le roman. Les Spin doctors, conseillers en communication et en marketing pour le compte d’une personnalité politique, ont développé depuis Reagan l’art du Storytelling. Sans remonter aux années 80, considérons la campagne de Barack Obama en 2008. Le 18 mars, il prononce un discours mémorable à Philadelphie dans lequel il parle de sa vie et de son enfance métissée1. En mettant son existence en récit, en faisant de lui à la fois le narrateur et le personnage principal, il rejoint les codes du roman réaliste. En effet, Balzac, Zola ou Maupassant cherchaient à démonter les mécanismes sociaux qui écrasent les individus, subissant par 1 Rousseau D, Simon F. (2008). L’intégrale du discours de Barack Obama en Français. http://philippe-boulet- gercourt.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/03/20/l-integrale-du-discours-d-obama-en-francais.html (page consultée le 2 juillet 2010) 17
  • 19. ailleurs l’influence de leur milieu ou de leur hérédité. Ils font également place à ceux qui sont exclus ; les prostituées, le peuple, les pauvres, les marginaux. Obama cherche, lui aussi au travers de ses discours, à représenter la réalité et l’histoire de l’Amérique. Il aborde des sujets jusqu’alors tabou comme la question raciale et les relations entre les Noirs et les Blancs. Pareil aux romanciers naturalistes, il met en scène les laisser pour compte. Ainsi, le candidat poursuit-il son discours avec ces mots « il y a une histoire que j’aimerais également partager avec vous aujourd’hui. » Il raconte l’histoire d’Ashley, 23 ans. Lorsqu’elle avait 9 ans, sa mère a été atteinte d’un cancer. Absente plusieurs jours de son travail, elle est licenciée et perd son assurance maladie. La petite fille prend conscience qu’il faut faire quelque chose pour aider sa maman. Elle sait que ce qui coûte le plus cher est la nourriture. Ashley déclare donc qu’elle préfère par-dessus tout les sandwiches moutarde-cornichon. Pendant un an, jusqu’à ce que sa mère aille mieux, elle ne se nourrit presque qu’exclusivement de ces sandwiches. Barack Obama conclut qu’Ashley s’est engagée dans la campagne pour venir en aide à des personnes comme la petite fille qu’elle était et sa maman. Cette histoire reprend les étapes du roman : un état initial dans lequel la mère et sa fille vivent heureuses, un déséquilibre : l’annonce d’un cancer entraînant les transformations que sont la perte d’un emploi et la disparition des ressources financières. Le rétablissement provient de l’idée de la petite fille de manger des sandwiches dont la quête est de soulager financièrement sa mère. Enfin, une situation finale heureuse ramenant l’ordre initial et donnant du sens à l’objet de la quête au travers l’engagement d’Ashley. La publicité s’appuie également sur le roman historique. Celui-ci se donne le but de faire revivre le passé, de recréer l’atmosphère d’une époque disparue. Des personnages fictifs croisent des personnages historiques et évoluent dans un cadre reconstitué. Nestlé l’a bien compris avec sa marque « La laitière ». La marque emprunte le personnage du tableau de Vermeer et nous plonge au cœur du 17e siècle. Le pittoresque des costumes, des lieux et des objets et le charme du dépaysement contribuent à renforcer l’image d’authenticité que cherche à véhiculer le produit. 1 Le storytelling s’est aussi servi du roman d’aventure. Dans la publicité pour les Prince de Lu 2, des enfants combattent un dragon, en plein cœur du Moyen-âge. Malgré la rapidité de la séquence, les codes restent les mêmes. Dans un état initial, les enfants discutent tranquillement au bord d’un lac. Survient un monstre marin, prêt à les dévorer. Un jeune garçon, le héros, combat celui-ci car il a mangé un Prince pour avoir de l’énergie. Il capture la bête et sauve ainsi ses amis. De la même manière, dans un roman d’aventure ou de chevalerie, les rebondissements sont nombreux, et les obstacles rencontrés obligent le héros à faire preuve d’audace et de force. Sa bravoure n’a d’égale que son engagement dans le dépassement de soi. 1 http://www.youtube.com/watch?v=ZmAX-_gscPI (page consultée le 2 juillet 2010) 2 http://www.youtube.com/watch?v=2QWRebW-Q8Q&feature=related (page consultée le 2 juillet 2010) 18
  • 20. Enfin, la marque Quézac, dont le spot publicitaire1 est le même depuis 15 ans, fait de son produit le héros de son histoire. Le personnage est l’eau de Quézac, dont une petite fille raconte l’origine. Narrée en patois, elle plonge l’auditeur au sein d’un univers, proche du récit mythique. C’est l’eau qui a donné au Gevaudan son identité, c’est autour de sa légende que les hommes ont retrouvé la joie de vivre. Grâce au travail sur les éléments constitutifs du roman, la publicité a su marquer les esprits. Du choix du narrateur et de la langue natale, en passant par l’espace et le temps, rien n’est laissé au hasard. Décryptons à présent une autre forme du récit : la tragédie. 3.2.2 La tragédie La naissance de la tragédie se situe dans la Grèce Antique. Le théâtre étant un art communautaire, il s’est développé à partir des rites de la cité. Les tragédies s’inspirent souvent de sujets mythologiques ou de l’histoire récente. Eschycle, par exemple, (6 e siècle avant J-C), reconnu comme le fondateur du genre, décrit dans son ouvrage Les Perses, les guerres qui opposèrent les cités grecques au royaume de Perse. La tragédie atteint sa maturité littéraire avec Sophocle (Antigone, Electre, Œdipe roi). Enfin Euripide (5e siècle avant J-C) révolutionne la tragédie classique : en remettant en cause la véracité des récits mythologiques et en approfondissant le caractère des personnages, il apporte à la tragédie une dimension psychologique. La tragédie prend fin avec le déclin des cités grecques. Cependant, deux siècles plus tard, le philosophe Aristote revient sur la tragédie et se demande ce qu’elle signifie. Selon lui, elle est l’imitation d’une action sérieuse dans une forme, non pas épique, mais dramatique. Les péripéties de la tragédie se terminent toujours par une situation malheureuse. Celle-ci doit provoquer chez le public deux réactions : la pitié et la peur. La tragédie se compose de six éléments : la fable, les personnages, la diction, la pensée, le spectacle et la mélodie. Si ces derniers éléments relèvent davantage de la mise en scène théâtrale, les deux premiers en revanche, sont intéressants à étudier dans le cadre de notre analyse de construction d’un récit. Aristote pensait que la tragédie était représentée par des actions et non des personnages. Propp partageait le même point de vue à propos des contes : les personnages sont là pour servir l’action et non l’inverse2. La fable, ou l’intrigue, est la combinaison des péripéties de l’histoire. Si l’on en enlève une, alors le récit devient incohérent. Trois éléments composent la fable de la tragédie. Un renversement de situation (puissant-misérable, riche-pauvre, etc.), le passage de l’ignorance à la connaissance, et enfin, la catastrophe comme conséquence du deuxième élément. Le protagoniste, lui, doit être plutôt du côté du bien. Son malheur (troisième élément de la fable), doit être provoqué par une erreur de jugement. Dans la tragédie, il est important de rendre le malheur du héros touchant. Il le 1 http://www.youtube.com/watch?v=Q08arIrje2c (page consultée le 2 juillet 2010) 2 Darriulat J. (1997). Aristote, La poétique [Lycée Henri IV, classe de Lettres Supérieures, 1996], 1997. http://www.jdarriulat.net/Auteurs/Aristote/Poetique/IndexPoetique.html. (Page consultée le 05/07/2010) 19
  • 21. sera d’autant plus que le personnage est vertueux et victime de circonstances qui lui échappent. Les éléments de la tragédie sont organisés autour de règles établies, dont celle des trois unités. L’unité d’action implique qu’il n’y ait qu’une seule intrigue principale dans la pièce, l’unité de temps limite le déroulement de l’intrigue en vingt-quatre heures. Enfin, l’unité de lieu concerne tout l’espace que peut embrasser le regard. Cette dernière a donné lieu à de nombreuses controverses. En effet, il est difficile d’admettre que des conspirateurs échafaudent leur plan dans la salle du trône du roi qu’ils ont l’intention d’abattre. Rejetant ces règles, qui conduisent souvent à l’absurde, Molière déclarera dans sa critique de l’Ecole des femmes « La seule règle, c’est de plaire ». Cela apparaît d’autant plus vrai quand on se penche sur la règle suivante de la tragédie : la vraisemblance. La tragédie, si elle veut susciter chez le spectateur pitié et peur, doit offrir une histoire crédible, qui pourrait avoir lieu en réalité. Les éléments fantastiques sont par conséquent à bannir, de même que les situations impossibles. Pour que le public puisse s’identifier aux personnages et se reconnaître dans leurs épreuves, les événements se doivent d’être non seulement possibles mais aussi courants. Aristote voyait dans la tragédie une manière de provoquer la compassion. Cela demeure encore aujourd’hui un des objectifs du storytelling en communication ; émouvoir en développant chez le spectateur un processus d’identification, le ralliant à la cause de l’annonceur. Intéressons-nous à présent à la construction même de la tragédie. La division en actes est propre à la Renaissance. On en compte cinq : - le premier expose la situation des différents personnages ; - le second voit apparaître l’élément perturbateur ; - dans le troisième acte les protagonistes cherchent une solution au drame. A ce stade, tout paraît encore possible. - dans le quatrième acte, l’action se noue définitivement. Les personnages n’ont plus aucune chance d’échapper à leur destin. - au cinquième acte, l’action se dénoue enfin, entraînant la mort d’un ou de plusieurs personnages Une fois de plus, nous retrouvons une structure similaire à la composition du conte et du roman. Une situation initiale suivie d’une transformation dans un premier temps. Toute l’essence de la tragédie se retrouve dans les parties suivantes : la perturbation n’est pas résolue, et l’équilibre initial ne peut être rétabli dans la partie finale. Aristote insistait sur l’importance de la « catastrophe » finale. Aujourd’hui encore, le mot tragédie est teinté de pessimisme quand il est employé dans le langage courant. Le mot tragique renvoie lui-même à une vision particulière du monde où l’homme est aux prises avec des forces qui le dépassent et finalement le détruisent. Il y a souvent une notion de fatalité, contre laquelle l’homme ne peut rien. 20
  • 22. L’axe vie-mort et le recours au tragique ont fait leur preuve dans de nombreux récits communicationnels. Les récits qui reposent sur la rupture brutale entre la vie et la mort garantissent un impact fort. C’est l’effet recherché de la tragédie. Nous en voyons des traductions concrètes avec les campagnes de sensibilisation liées à la sécurité routière. A l’image de ce spot radiophonique qui s’adresse directement à l’auditeur : « Valérie a trente-quatre ans, elle est maman de deux adorables petites filles qu’elle vient tout juste de déposer à l’école. Comme tous les matins, elle se rend à son travail, à seulement dix kilomètres de chez elle. La route, elle la ferait les yeux fermés. Pourtant, ce matin, Valérie n’arrivera pas à son travail. Elle a relâché son attention, perdu le contrôle de sa voiture et percuté un arbre. Elle est morte sur le coup. Ce matin, comme Valérie, trois d’entre vous n’arriveront pas à leur travail parce qu’ils ont relâché leur attention sur leur trajet habituel… » Ce type de récit s’adresse à notre émotion. L’imagination de soi-même est fortement sollicitée. Reprenant les codes de la tragédie en insistant sur la catastrophe finale, cette campagne de sensibilisation implique l’auditeur en suscitant chez lui la pitié, voire la compassion (mort de la maman, laissant deux fillettes, qui plus est « adorables » orphelines et enfin la peur « trois d’entre vous n’arriveront pas à leur travail ». Dans cet autre spot du ministère de la santé, en partenariat avec l’INPES, pour la prévention de l’alcoolisme1, on retrouve les codes de la tragédie. A ceci près, comme dans l’exemple précédent, que l’humain est victime de lui-même, et non d’une fatalité qui lui échappe. Cependant, nous retrouvons les cinq actes dont la transformation de la situation initiale. L’excès d’alcool fait dégénérer la situation : ce qui n’était qu’une fête conviviale se transforme en drame : agressivité, viol, noyade. Intéressons-nous à présent sur un autre genre qui inspire de plus en plus les campagnes publicitaires. Il s’agit du roman-feuilleton. 3.2.3 Le roman-feuilleton Nous pouvons considérer le roman-feuilleton comme un genre à part-entière. En effet, bien que dérivé du roman, il possède des codes qui lui sont propres. A l’origine la publication du roman-feuilleton se fait par épisodes dans un journal. Depuis sa naissance au début du 19e siècle, il est considéré comme une sous-production littéraire. Pourtant, Balzac, Dumas ou encore Charles Dickens ont été feuilletonistes à leurs heures. En fait, ce mode de récit a posé des questions d’ordre éthique et esthétique. En effet, dans le feuilleton, il faut suivre les épisodes dans un ordre chronologique pour comprendre l’intrigue. Souvent qualifiée de « littérature industrielle », le feuilleton a dominé néanmoins le marché de la production romanesque du 19e siècle. La principale raison de ce succès, très populaire, est que les auteurs se servent du quotidien et des situations banales pour mettre en scène leur personnage. Le roman feuilleton a contribué à rendre la lecture accessible au plus grand nombre. Dans chaque roman-feuilleton, on retrouve un personnage principal autour duquel se construit l’intrigue. Le lecteur devient familier du décor et des 1 http://www.dailymotion.com/video/x68jtn_pub-prevention-contre-l-exces-d-alc_lifestyle Page consultée le 6 juillet 2010) 21
  • 23. protagonistes et s’attache facilement à ceux-ci ; à chaque épisode, le lecteur vit au rythme de son héros, et le quitte à regret quand la séquence se termine. Nous pouvons comprendre que, commercialement, le roman-feuilleton puisse apparaître comme une faiblesse. Si le lecteur rate un ou plusieurs épisodes, il éprouvera une véritable gêne pour suivre la suite, et sera tenté d’abandonner. De la même manière, conquérir un nouveau public n’est pas chose aisée puisqu’il faut connaître l’intrigue qui se trame depuis le premier épisode. Pour cette raison, le roman-feuilleton a laissé peu à peu place à la série, dont celle-ci est issue. La série s’affranchit de la dépendance qui existait entre les épisodes du feuilleton : elle présente un ensemble d’histoires que l’on peut regarder indépendamment les unes des autres. Même si les personnages demeurent les mêmes d’épisodes en épisodes, ceux-ci possèdent tous une intrigue qui leur est propre et qui se déroule dans le format imparti. Ainsi, est-il plus aisé de fidéliser à chaque fois un nouveau public sans provoquer un sentiment de frustration si un épisode est manqué. Les campagnes de publicité reprenant le concept des séries s’est développé ces dernières années. Il est amusant de constater que le principe est applicable à des produits totalement différents. Paul Nagle, un ancien de Fox déclarait lors d’un entretien télévisé : « la série devient une mécanique, un instrument pour raconter une histoire »1. Pas étonnant dès lors, que les marques se soient penchées sur cette méthode pour faire passer leur message. En effet, la responsable de la communication de Groupama est la première à l’affirmer. Les mini-séquences de publicité télévisées dans lesquelles nous retrouvons Cerise et sa robe blanche à pois verts ou sa doudoune du même coloris selon la saison, marquent les esprits. Un nom sympathique et original, une jeune fille avenante et souriante, jolie mais simple et naturelle, des situations du quotidien dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître, telle est la stratégie de communication choisie par Groupama. « La notoriété et la mémorisation publicitaire sont importantes pour être dans le panier de choix des consommateurs, au moment où ils cherchent à assurer leur voiture ou à placer leur épargne », souligne Marie-Anne Boursier, responsable de la communication de Groupama2. Grâce à la diversité des situations et à la fréquence des spots, Cerise est désormais devenu un personnage incontournable quand on pense à l’assurance. Mais Groupama n’a pas été le seul à rebondir sur la vague des séries. Ainsi, l’entreprise mutualiste Maaf, reprend-elle les codes de la comédie musicale et fait référence à la série humoristique Palace, crée par Jean- Michel Ribes à la fin des années 80. Le décor est luxueux et les personnages extravagants. Dans chaque nouvel épisode, un client essaie de donner tort à la compagnie d’assurance qui a réponse à tout. Elle se conclue inévitablement par les mêmes mots du râleur « Je l’aurai quand même, je l’aurai ».3 1 (2005) La télé se penche sur les recettes à succès des séries américaines. Article issu de AFP et initialement publié le 26/02/05. http://www.lawandorder-fr.com/articles/?article=482. (Page consultée le 6 juillet 2010) 2 Caussat P. (2008). Groupama relance vertement sa Cerise. Stratégies.fr. http://www.strategies.fr/actualites/marques/r47011W/groupama-relance-vertement-sa-cerise.html (Page consultée le 24 juin 2010) 3 http://www.youtube.com/watch?v=BG_boo8LL_I (Page consultée le 5 juillet 2010) 22
  • 24. Les spots publicitaires des supermarchés Leclerc sont diffusés depuis maintenant 8 ans sur les ondes radiophoniques. Cette mini-série est devenue familière des auditeurs : il y a Philippe, le mari, très réactif aux promotions Leclerc, dont le tempérament quasi-hystérique est régulé par sa femme, Mathilde, plutôt moralisatrice. Ce couple caricatural auquel chaque Français est susceptible de s’identifier pousse les stéréotypes dans le comique de situation. On retrouve la belle mère « belle maman », une femme envahissante et Régis, un ami simplet et pique assiette. Durant ces années, la famille s’est agrandie avec l’arrivée de Juliette, la petite dernière, dont l’âge évolue en temps réel, parallèlement à la série. Ces spots sont d’autant plus marquants, qu’ils varient au fil des saisons et des événements (Noël, fête des mères, vacances d’été…). L’identification avec les personnages se fait donc très facilement. Enfin, il existe un autre produit rendu célèbre par les mini-séries ; il s’agit bien-sûr des dosettes Nespresso. L’acteur principal, George Clooney, joue son propre rôle avec auto- dérision, laissant la vedette à la dosette de café. 1 Dans un plan de communication, l’emploi du feuilleton s’avère une bonne stratégie. En utilisant les mêmes personnages, dans un lieu constant, le public retient plus aisément le message en associant les protagonistes avec la marque (George Clooney/Nespresso, Cerise/Groupama ; Philippe/Leclerc). La série s’adapte aussi bien aux produits de grande consommation qu’aux services, ce qui laisse aux annonceurs une grande liberté d’action. Le récit se construit également sous forme de saga ou d’épopées. Décrivons brièvement ces deux genres littéraires pour comprendre comment ils peuvent servir un plan de communication. 3.2.4 La saga La saga est un genre littéraire développé dans l’Islande médiévale au 12e siècle. Elle est à l’origine un récit en prose, rapportant la vie d’un personnage illustre, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, voire celle de ses descendants. Ce terme est souvent employé à tort pour désigner des œuvres à caractères épiques ou encore des histoires dont la vie des personnages se prolonge sur plusieurs épisodes. 3.2.5 L’épopée L’épopée est le récit d’une action, mettant en jeu ou symbolisant les grands intérêts d’un peuple : sa religion, son territoire ou encore sa culture. On retrouve donc une action centrale autour de laquelle se trament de nombreux épisodes secondaires. L’exemple typique de l’épopée est bien-sûr l’Odyssée d’Homère. On y trouve les éléments constitutifs suivant : 1 http://www.youtube.com/watch?v=DfyeXrdZZ1o (Page consultée le 5 juillet 2010) 23
  • 25. - Les personnages : en premier plan, un héros central, sans défaut. Le noble destin qu’il accomplira restera utile à la collectivité. Les personnages secondaires, en deuxième plan, caractérisent les divers épisodes. - Le style : La structure du récit épique est organisée pour magnifier les actions et le personnage. Souvent en vers, les phrases sont longues et les figures de style contribuent à suggérer la force, la grandeur, l’intensité et la violence. - L’exploit : extraordinaire, il s’affranchit de la raison et permet la croyance aux miracles et au merveilleux (intervention divine, augures...) - Enfin, la morale : elle exalte un idéal collectif (par exemple, les épopées relatant les guerres saintes). La morale est souvent peu raffinée d’un point de vue psychologique : le héros triomphe du bien sur le mal, avec passion et enthousiasme. On remarque que ces deux derniers genres littéraires sont plus difficiles à utiliser dans un plan de communication. Néanmoins, de nombreuses publicités y font référence. On peut ainsi lire dans la presse : Ikea ou l’épopée du prêt à « meubler »1. L’auteur revient sur le fondateur, Ingvar Kamprad, créateur de l’entreprise suédoise à 17 ans. Sur un autre article intitulé L’épopée du réseau internet2, le héros n’est même plus animé. Il s’agit du réseau internet, considéré comme une entité dont le développement extraordinaire mobilise des millions de personnes. Enfin, dans cette chronique « Nouvel événement marquant l’épopée Montblanc3 », c’est la marque qui est mise en avant. Ce titre évoque une nouvelle victoire en sa faveur. L’épopée entretient ainsi dans les esprits une connotation légendaire et quasi-mystique. Elle place son héros sur un piédestal, que celui-ci soit un objet, une marque ou une personne. Une entreprise communiquant avec le terme « épopée » sur un produit, entretiendra une impression de noblesse d’âme et de mérite auquel ce terme renvoie. Le terme saga, est, lui, souvent employé pour qualifier une rétrospective. Sur son site www.airfrancelasaga.com 4 , la compagnie aérienne retrace les faits marquants de l’entreprise entre 1918 et 2010. En revenant sur la contribution de la compagnie pendant les grandes périodes historiques françaises (guerre, trente glorieuses, etc), différentes rubriques rendent hommage aux avions et aux pilotes d’Air France. Le message sous-jacent, lorsque l’on parle de « saga » c’est que celle-ci se poursuit. Tout comme les ancêtres et les descendants d’un personnage illustre, la saga d’une entreprise se projette sur un très long terme dont l’avenir ne peut qu’être certain. 1 (2008) Ingvar Kamprad [Ikea] où l'épopée du « prêt à meubler ». Zonebourse.com. http://www.performancebourse.com/actualites/ingvar-kamprad-ikea-ou-l-epopee-du-pret-a-meubler,645.html. (Page consultée le 10 juillet 2010) 2 Fuxa M. (2006). Modèles économiques, l’épopée du réseau internet. E-commerce n°4. http://www.ecommercemag.fr/E-commerce/Article/Modeles-economiques-L-epopee-du-reseau-Internet-17603- 1.htm (Page consultée le 10 juillet 2010) 3 Laudren G. (Nouvel évenement marquant l’épopée Montblanc. http://www.firstluxe.com/redaction/nouvel- evenement-marquant-l-epopee-montblanc (Page consultée le 10 juillet 2010) 4 http://www.airfrancelasaga.com/ (Page consulté le 10 juillet 2010) 24
  • 26. Nous avons émis dans cette partie différentes propositions quant à la forme même du récit. C’est parce que sa déclinaison semble infinie mais que son existence apparaît universelle que Roland Barthes a cherché à définir une structure commune pouvant former un cadre d’analyse. Auparavant Wladimir Propp s’était lui aussi penché sur le sens et la constitution d’une forme particulière de récit : le conte. De nombreuses similitudes sont apparues lors de notre étude de ces théoriciens : les parties d’un récit, quelque soit le nom qu’on leur donne, s’enchaînent selon un ordre commun. Disposant de ces éléments, l’exercice méthodologique de storytelling, notre objectif, en sera facilité. C’est justement dans ce but que nous avons tenté de décrire les différentes modalités du récit. Selon ce qu’elles véhiculent, elles peuvent être utilisées dans un plan de communication. Bien sûr, le roman, la tragédie, le feuilleton, la saga ou encore l’épopée ne sont pas repris dans leur forme initiale. Le storytelling s’inspire aussi bien de leurs origines et de leur représentation que des différents éléments qui les constituent. Il est intéressant de noter que certains styles se prêtent à un grand nombre de produit, très hétérogènes. Que ce soit le roman ou le feuilleton, il fédère aussi bien les annonceurs de laitage que d’assurances. Cependant, d’autres formes, comme la tragédie demeurent réservées à des messages dramatiques. La saga se prête à la nostalgie et s’inscrit dans une vision pérenne alors que l’épopée apporte une auréole de prestige à la marque qui se l’approprie. Notre recherche va se porter dans la partie suivante sur le meilleur moyen de raconter l’histoire de Dufour Yachts. En apportant une meilleure compréhension sur ses produits mais également sur ses clients, nous pourrons alors déterminer une structure de récit adéquate. 25
  • 27. 4 METHODE Nous avons vu dans le chapitre précédent que le récit peut servir un plan de communication. Raconter le produit ou la marque est un nouveau moyen pour les publicitaires de toucher le public. En effet, la fonction des récits est depuis toujours de transmettre les expériences. Le storytelling est donc une tentative d’instrumentaliser l’art du récit mais à des fins nouvelles ; en politique, en management, et dans notre cas, en marketing. Le storytelling, à travers le récit, ne cherche pas à modifier les convictions mais à faire rentrer l’auditeur dans une histoire passionnante. Tous les exemples exposés plus haut en sont les illustrations. Un chevalier intrépide secourant ses amis pour les biscuits Prince, une laitière chaleureuse en plein cœur du Moyen-Âge, une jeune maman tuée dramatiquement dans un accident de la route, une jeune femme convaincante qui nous aide dans nos démarches d’assurance….La liste est longue et les illustrations nombreuses. Pourtant, l’effet produit est le même : le public est captivé car le produit, la marque et le message prennent un véritable sens à ses yeux. Dans une entreprise, la mise en place d’une culture de storytelling peut favoriser la cohésion interne. Les salariés se sentent appartenir à la même entité, ce qui ne peut que renforcer les échanges coopératifs. On parle souvent de « culture d’entreprise ». Il en est une particulièrement médiatisée : Google. Depuis sa philosophie exposée en 10 points1, jusqu’au « Googleplex »2, le siège social situé en Californie, la compagnie s’est forgée une identité à part. Elle repose sur l’histoire de ces deux étudiants, Larry Page et Sergey Brin, qui, aujourd’hui sont à la tête du moteur de recherche le plus important du monde. A l’intérieur de ses locaux design, des espaces favorisent les rencontres informelles propres à la communication. C’est ce que recherche également le groupe Danone. En effet, le magazine Stratégies 3 expose la théorie de Benedikt Benenati, Directeur développement and Knowledge-networking du groupe. Il affirme ainsi au magazine : « Lorsque j'ai rejoint le groupe en avril 2003, un de mes principaux objectifs était de convaincre les managers de se raconter leurs bonnes pratiques, en dehors des longs circuits hiérarchiques ». Les salariés se mobilisent autour de leur marque dont ils sont fiers d’en être les ambassadeurs. 1 http://www.google.com/intl/fr/corporate/tenthings.html (Page consultée le 13 juilet 2010) 2 Rubat du Mérac D. (2006). Les entrailles du Googleplex. Le Journal du Net. http://www.journaldunet.com/reportages/06/0609-googleplex/1.shtml (Page consultée le 13 juilet 2010) 3 (2005). Raconte-moi une histoire. Stratégies.fr, http://www.strategies.fr/emploi- formation/management/r37222W/raconte-moi-une-histoire.html (Page consultée le 13 juilet 2010) 26
  • 28. En effectuant mon stage au sein de l’entreprise Dufour Yachts, j’ai réalisé combien une culture du storytelling pouvait représenter une véritable opportunité de communication pour l’entreprise, tant en interne qu’en externe. 4.1 Caractérisation de l’entreprise Dufour Yachts Pour déterminer au mieux notre méthode de storytelling, il faut connaître l’entreprise. Son histoire, ses produits, ses clients, sont autant d’éléments à prendre compte pour trouver par la suite le ton juste et la meilleure structure pour notre histoire. Revenons brièvement sur l’histoire de Dufour Yachts. L’entreprise est fondée en 1964 par Michel Dufour. Cet ingénieur rochelais, passionné par la mer, se lance dans la création de son propre chantier naval. Il acquiert sa renommée grâce à deux modèles visionnaires : le Sylphe et l’Arpège (Annexe 4 : Publicité pour les 10 ans de l’Arpège (1974)). La marque participe alors au développement de l’industrie nautique française et profite de l’explosion du domaine de la Plaisance. En 9 ans, l’entreprise passe de 4 salariés à plus de 500 (Annexe 5 : Liste des effectifs de l’entreprise (1973)). L’entreprise rencontrant des difficultés de gestion, elle est reprise par le baron Bich qui cède au bout de quelques années sa participation, après avoir séparé l’activité bateau et fabrication de planches à voile. L’activité périclite, jusqu’en 1988 où Olivier Poncin se met au défi de relever l’entreprise. Cependant, après plusieurs années de croissance et de multiplication des gammes, Dufour Yachts se disperse et perd sa visibilité. En 2003, l’entreprise, et Jean-Louis Delhumeau à sa tête, décide de recentrer son activité commerciale. Après 4 ans, il est remplacé par Salvatore Serio qui repense entièrement les méthodes de production et de gestion des stocks. Il parvient à relever le chiffre d’affaires de l’entreprise malgré la crise frappant l’industrie nautique : deux nouveaux voiliers sont ainsi lancés par le chantier en 2010 venant compléter la gamme actuelle. Dufour Yachts est positionné en milieu de gamme. Cependant, l’entreprise se distingue de ses concurrents grâce à la particularité du chantier : l’activité est uniquement concentrée sur les voiliers. Cette spécificité est à double tranchant. Elle accentue d’un côté la notoriété de la marque dans le milieu nautique : le chantier a acquis une image de spécialiste, et la presse spécialisée demeure très attentive au lancement de chaque nouveau voilier. Néanmoins, le grand public est peu averti de la marque. Bénéteau, qui a pris le parti de diversifier sa gamme de produits (voiliers, moteurs et catamarans), rencontre une notoriété spontanée beaucoup plus importante. La marque Dufour Yachts propose deux gammes de voiliers, aujourd’hui au nombre de 10. La gamme Performance : comme son nom l’indique, elle est davantage destinée à la régate et à la vitesse. Cette gamme s’adresse aux navigateurs avertis en quête de sensations. La gamme Grand’Large est conçue pour la croisière côtière et hauturière. Ciblant un public familial, elle privilégie espace, sécurité, et confort à bord. Le schéma ci-dessous donne un aperçu du positionnement de ces deux gammes parmi les concurrents : 27
  • 29. Prix + Amel Wauquiez Swan Luxueux yachts X - Yachts Grand Soleil Milieu de gamme Bénéteau Jeanneau Bénéteau Océanis Elan Croisière Sun First Odyssey Marine Archambault Régate Hans e Cœur de marché Bavaria Grand’Large Marché agressif Performance Prix - Il est important de connaître la clientèle de l’entreprise. On comprendrait que les deux gammes s’adressent à deux cibles distinctes : néanmoins, la réalité est différente. Les concessionnaires ont remarqué que les futurs acquéreurs aiment se projeter dans la gamme Performance. Même si l’utilisation reste limitée à quelques sorties en mer en famille, ils ressentent davantage de fierté à posséder un bateau racé, à l’image « moins tranquille ». Les constructeurs ont par conséquent du adapter cette dernière gamme en optimisant le confort, rendant la distinction entre les deux gammes moins évidente. Pour trouver le ton juste de notre récit, il convient de connaître le public auquel il s’adresse. Les résultats que nous exposeront proviennent de l’analyse de l’enquête de satisfaction que j’ai eu à concevoir et à administrer durant mon stage. Envoyé aux nouveaux et aux anciens clients, il permet de mieux connaître l’identité du propriétaire, l’utilisation qu’il fait de son voilier, et d’apprécier sa satisfaction point par point. Notre but n’est pas une analyse en profondeur de la satisfaction de la clientèle Dufour mais bien la mise en avant de quelques particularités utiles à l’élaboration de notre méthode. La composition de la famille est intéressante ; 98% des propriétaires sont des hommes. Néanmoins, les trois-quarts sont mariés. Il a été noté pendant les salons que c’est la femme qui guide le processus d’achat. D’où l’importance de penser à son confort à bord lors de la construction du bateau et aux détails qui peuvent remporter l’adhésion. 87% d’entre eux ont un ou plusieurs enfants. La notion de famille et surtout de transmission est forte : 71% des propriétaires emmènent leurs enfants ou petits-enfants dans leurs activités nautiques. Ils sont nombreux à avoir affiché leur désir de faire partager cette passion aux différents membres de la famille. Ceci est confirmé à travers l’utilisation faite du voilier. La croisière familiale reste la principale raison d’achat. Le voilier fait ainsi partie du patrimoine de la 28
  • 30. famille : avec une première expérience de navigation moyenne entre 10 et 20 ans, ils sont 11% à avoir eux-mêmes appris la navigation sur le voilier familial. Enfin, les propriétaires aiment se retrouver à l’intérieur d’une communauté. Le milieu du nautisme est très communautaire et exclusif, et le sentiment d’appartenance y est très fort. (Erreur ! Source du renvoi introuvable.). Nous avons ainsi des éléments qu’il semblait nécessaire de connaître pour appréhender au mieux la construction du récit. Nous savons maintenant qu’un voilier revêt une véritable valeur patrimoniale. Il regroupe non seulement les générations à l’intérieur d’une même famille mais également dans un cercle communautaire plus large. L’histoire de Dufour Yachts peut ainsi prendre tout son sens : elle contribuerait à véhiculer une légende, celle de Michel Dufour, et nous savons maintenant que sa transmission serait assurée. Le récit redonnerait à la marque une unité identitaire qu’elle semble avoir perdue parallèlement aux différentes successions de direction, et de changements stratégiques les accompagnant inévitablement. 4.2 Choix d’une modalité pour raconter l’histoire de l’entreprise Dufour Yachts Dans le chapitre « Propositions », nous avons étudié les différentes formes que pouvaient prendre un récit. En s’inspirant de Wladimir Propp, de Roland Barthes et des différentes formes narratives, nous allons pouvoir rassembler les éléments nécessaires à la construction d’une histoire de Dufour Yachts. Notre contrainte par rapport à ces typologies est que l’histoire que nous souhaitons raconter n’est pas fictive. Il faut ainsi trouver le juste équilibre dans la narration et le déroulement de l’intrigue : pour donner tout son sens au storytelling, le récit se doit d’être honnête envers ses auditeurs. Certains éléments de l’analyse de Wladimir Propp nous donnent des clés méthodologiques. Les fonctions qu’il définit constituent le rythme du récit ; en fonctionnant par couple opposé, elles jalonnent l’intrigue de rebondissements. Il faut donc garder à l’esprit qu’un récit fonctionne souvent grâce à l’alternance de situations perturbatrices et de leurs résolutions. Pour l’appliquer à Dufour Yachts, il faut chercher les périodes qui ont remis en cause l’existence de l’entreprise. En insistant sur la mise en péril économique, puis sur le retour à l’équilibre, nous pourrons aussi donner vie au récit. L’effet souhaité chez le public est l’alternance d’un sentiment d’impuissance face aux événements négatifs puis de soulagement quand ceux-ci sont franchis. Ces actions, mettant en scène certains personnages (pour une entreprise, les protagonistes demeurent les différents dirigeants ou l’entreprise elle-même), peuvent se dérouler selon une séquence que nous retrouvons presque systématiquement. La situation initiale présente les personnages principaux et pose ce que Roland Barthes appelle les « germes » de l’intrigue. Des détails évoqués, prendront tout leur sens à un moment futur du récit. Cette partie se clôt avec l’apparition d’une transformation. Celle-ci vient perturber l’équilibre initial qui est alors remis en cause. Cette situation se déroule généralement en deux temps : le protagoniste rencontre une difficulté, qu’il surmonte dans une deuxième période. Celle-ci 29
  • 31. vient couronner le mérite du personnage principal et donne les clés de l’intrigue. Enfin, la situation finale rétablit l’équilibre, de manière heureuse ou malheureuse. Barthes rappelle que ces parties se coordonnent grâce à la communication narrative et au concept de narrateur. Cependant, à la différence d’un conte ou d’un roman, l’histoire que nous allons raconter est véridique. Nous avons rappelé plusieurs fois combien il est important de rester honnête pour ne pas nuire à la crédibilité du storytelling. C’est pourquoi, en nous plaçant dans la peau d’un narrateur omniscient, nous pourrons aisément faire des allers-retours entre passé et présent sans toutefois nous permettre de mettre en récit le futur. L’objectif de notre proposition demeure commun à celui du roman : nous souhaitons satisfaire le désir d’évasion de l’auditeur. Le storytelling apporte une dimension supplémentaire car il s’étend au marketing. Une histoire de l’entreprise est un excellent moyen de communication vers l’extérieur, la marque prenant un véritable sens symbolique, mythique ou historique, et en interne car il favorise la cohésion des collaborateurs. Notre récit prendra vie autour des différentes personnes qui ont marqué l’histoire de Dufour Yachts au fil du temps. Le roman semble demeurer le style littéraire s’appliquant au mieux à notre expérimentation. En effet, notre histoire n’est en rien tragique : l’objectif n’est pas de susciter pitié et peur. Le roman-feuilleton ne semble également pas être un genre approprié. On ne se sert pas de personnages particuliers pour communiquer autour du voilier. Les publicités sont uniquement centrées sur le bateau en question et les multiples détails qui le distinguent. Les acheteurs, en souhaitant acquérir cet objet de grande valeur, ont besoin de s’approprier au mieux ses qualités. Il n’est nul besoin de mettre autre chose en scène que le voilier lui- même. Nous avons également noté que les séries publicitaires ont souvent un ressort humoristique. L’humour, en particulier l’autodérision (à la manière des spots Nespresso) paraitraient déplacés dans le cadre d’une publicité sur un voilier de plaisance, dont le prix atteint plusieurs centaines de milliers d’euro. La saga, quant à elle, aurait pu fonctionner si le chantier avait été repris par les descendants de Michel Dufour, ou si, à l’instar de la compagnie Air France, elle justifiait d’une véritable durée de vie. Enfin, il n’y a pas de rebondissement révolutionnaire inscrit dans l’histoire de l’entreprise Dufour Yachts qui donnerait une légitimité au terme « épopée ». Nous nous appuierons par conséquent sur les codes du roman pour raconter notre histoire, en retenant dans notre cas la définition du Larousse qui parlait de « représentation du réel et de diverses données objectives et subjectives ». Bien entendu, notre histoire n’est pas fictive ; cependant, notre position de narrateur omniscient nous permettra de narrer notre histoire selon notre propre volonté en nous permettant ellipse, anticipation et retour en arrière si besoin. Pour conclure, en nous appuyant sur l’étude que nous avons faite au chapitre précédent sur les différentes formes du récit et sur l’ouvrage Le récit de Jean-Michel Adam1, nous retiendrons pour notre proposition les impératifs suivants: - une succession d’événements dans le temps ; - une unité de thème ; 1 Adam J-M (1984). Le récit, Collection "Que sais-je?" N° 2149. 30
  • 32. - une transformation ; - un but ou une finalité dont on peut tirer un enseignement ; - enfin, une dynamique générale rendant le récit vivant. Ces différents éléments nous rapprocheront de l’objectif du storytelling tel que le définit Christian Salmon dans son application au marketing « créer une relation singulière et émotionnelle entre une marque et ses habitués ». En facilitant la fidélisation, le récit participe à la notoriété de l’entreprise et accroît son capital de marque. Notre section suivante est par conséquent consacrée à la mise en pratique de cette théorie ; nous allons à notre tour faire l’expérience du storytelling avec l’entreprise Dufour Yachts. 31
  • 33. 5 RESULTAT 5.1 Préambule Le chantier Dufour Yachts est le 3e constructeur nautique au monde. Née d’une véritable passion, l’histoire de la marque mériterait d’être communiquée. En effet, en donnant vie aux événements qui ont construit l’entreprise, nous pouvons participer à accroître la notoriété de la marque. L’histoire de l’entreprise, telle qu’on peut la lire sur le site et les différentes brochures, se présente ainsi : Michel Dufour En 1964, Michel Dufour, ingénieur rochelais passionné de voile, crée son propre chantier naval. 1965 Michel Dufour imaginait les mythiques Sylphe et Arpège qui étonnaient déjà par leur modernisme A partir de 1986 Lancement des Dufour 28, Dufour 32, Dufour 36, Dufour 37, Dufour 39 et Dufour 42 Années 90 Lancement des Prestige 54, Prestige 48, Prestige 56 et Prestige 65 1995 Lancement de la gamme Classic 1999 Le chantier Dufour relance la marque Gib’Sea 2001 Partenariat avec le célèbre chantier italien Cantiere Del Pardo 2002 Mise sur le marché du Dufour 40 qui sera élu « Voilier de l’année 2003 » en France 2003 Lancement des Dufour 34 et Dufour 44. Le Dufour 34 est élu « Bateau européen de l’année 2003» 2004 Lancement des croiseurs hauturiers Grand’Large : Dufour 385 Grand’Large. 2005 Lancement des Dufour 365 et 455 dans la lignée du Dufour 385 2006 Lancement des Dufour 325, 425, 485 et 525 2008 Lancement des Dufour 45E Performance et Dufour 34E Performance 2009 Lancement des Dufour 405 Grand’Large et Dufour 40 E Performance. 2010 32