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1La vérité sur le chômage de masse Frédéric Lutaud 2013
La vérité sur
le chômage de masse
Frédéric Lutaud
Membre du bureau national
du Parti Socialiste
2013
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2La vérité sur le chômage de masse Frédéric Lutaud 2013
LA VÉRITÉ SUR LE CHÔMAGE de masse
Par Frédéric Lutaud Membre du Bureau national du Parti socialiste
Voici deux graphiques que tous les économistes devraient garder à l’esprit en
permanence :
Le premier représente la croissance du PIB depuis 1950, l’autre, l’évolution du volume
global d’heures travaillées sur la même période. La démonstration est imparable : malgré une
multiplication par 10 de la richesse produite, le nombre total d'heures travaillées a chuté
sur la même période de près de 10%. Autrement dit, la croissance n’a pas créé un
supplément de travail, au contraire, elle s'est accompagnée d'un recul du travail humain
nécessaire à l'activité économique.
Le nombre d’emplois a néanmoins augmenté en France depuis les années 1950
car si le volume de travail a diminué, celui-ci a été réparti sur plus d’actifs. Comme le
montre le graphique suivant, jusqu’aux années 1970, la réduction du temps de travail a
généré une création d’emploi suffisante pour maintenir le plein-emploi.
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3La vérité sur le chômage de masse Frédéric Lutaud 2013
Malheureusement, on constate que par la suite toutes les diminutions du temps de
travail sont restées insuffisantes pour contenir la montée du chômage. La décennie noire
1974-84 est représentative de ce phénomène avec une productivité horaire qui progresse
à un rythme soutenu (+3,3 %) et une augmentation de la population active soutenue
(+0,7%). Un décalage s’installe entre l’offre et la demande d’emploi. Par conséquent, il
apparaît indispensable et urgent de poursuivre la réduction de la durée légale du temps
de travail pour vaincre le chômage de masse.
Une croissance soutenue ne sera jamais la solution1
à la crise de l’emploi puisque
celle-ci s’accompagne d’une érosion du travail clairement constatée depuis un demi-
siècle. Certes, on observe sur la période 1997-2008 une augmentation de 6% du volume
d'heures travaillées qui décline depuis la crise. Il ne faut pas pour autant se laisser abuser
par un regain de croissance autour de 2,5% qui provoque un appel d’air momentané sur
le marché du travail :
- D'abord, parce que l'intégralité du supplément d'emploi créé sur cette période
correspond à des emplois à temps partiel, de l'intérim ou des emplois aidés et non pas à
des CDI. Ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont recours à la diminution du temps de
travail, mais de façon anarchique.
- Ensuite, parce que la création d'emploi constatée est liée à une croissance
supérieure à la productivité, mais l'appareil productif finit par être rattrapé par les gains
de productivité. Les entreprises comme les services publics investissent, améliorent leur
organisation du travail et renouvellent leurs équipements, encouragées par un contexte
de compétitivité et de révolution technologique. Ainsi, la société toute entière économise
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Nous n’abordons pas ici la question des limites de la croissance matérielle et de ses
conséquences écologiques, pas plus nous n’abordons la question de la validité du PIB comme
indicateur de richesses. Nous nous contentons de démontrer que, bien qu’utilisant les indicateurs
officiels, la théorie de la croissance créatrice d’emplois est un mythe.
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4La vérité sur le chômage de masse Frédéric Lutaud 2013
de la main-d’œuvre et les nouveaux emplois ne compensent pas les emplois détruits. Au
final, la croissance crée moins d’emplois qu’elle n’en supprime.
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer la dimension "collaborative" atteinte par
notre société et nos entreprises. Avec elle, nombre de tâches intermédiaires, d’emplois
rémunérés, vont disparaître. Mais tout aussi bien avec la robotique avancée, qui aura un
effet massif sur la productivité. Les experts McKinsey estiment à 6 300 milliards de dollars
(4 900 milliards d'euros), soit la masse salariale totale du travail manuel remplacé par ces
machines dans leur rapport 2013 sur les technologies dites de rupture qui vont se
déployer d’ici à 2025. Selon eux, des déplacements majeurs auront lieu entre entreprises,
et pas seulement dans l'industrie manufacturière. 230 millions de travailleurs
"intellectuels" vont être concernés par l'automatisation de la connaissance.
Bref, à l’heure où l’on parle de "troisième économie", nous devons prévoir un
nouveau déclin majeur du volume d'heures travaillées avec l'arrivée à maturité de nos
infrastructures informatiques (internet haut débit et mobile) et de nos savoir-faire
technologiques. C'est du moins ce que prévoient de nombreux économistes qui ne font
que confirmer cette tendance lourde à l'œuvre depuis la première révolution industrielle.
Alors pourquoi répéter sur tous les médias que la croissance et la compétitivité vont
inverser la courbe du chômage alors qu’un demi-siècle de croissance démontre le
contraire ? Cet aveuglement dans une économie où le chômage de masse atteint des
proportions désastreuses ne peut déboucher que sur un drame social.
La diminution du temps de travail ne
devrait poser aucun problème dans une France
où la création de richesses a augmenté de
1000% tandis que la population active n'a crû que
de 40% sur la même période. Il suffirait de répartir
équitablement les considérables gains de
productivité réalisés depuis les trente glorieuses
en ajustant la durée du travail et en augmentant
significativement les salaires pour renouer avec le
plein-emploi et maintenir un marché intérieur
prospère. Mais ce sont les dividendes versés aux
actionnaires qui ont capté l’essentiel des richesses
en passant de 4% en 1982 à 12% en 2007.
En Espagne, le président de la commission du budget a déclaré que « seule une
semaine de 32 heures en quatre jours peut obliger les entreprises à créer des emplois ». En
Belgique le nouveau Président du PS et les deux plus grands syndicats du pays font de la
réduction collective du temps de travail un objectif fondamental. En Allemagne, un appel a
été lancé par de nombreux économistes, syndicalistes, universitaires, pour mettre en place la
semaine de 30 h et la principale branche de la DGB, Verdi demande en Bade-Wurtemberg
une baisse de la durée du travail à 30 heures. Sans oublier la Confédération Européenne des
Syndicats qui se prononce ouvertement pour la réduction du temps de travail.
La semaine de 4 jours est la condition indispensable pour espérer un rééquilibrage
du marché du travail et échapper au fléau du chômage de masse.