1. FOCUSMÉTIER
22 Décision Achats • N°187 • Novembre 2015
Comment est structurée votre direction
des achats ?
Notre organisation est matricielle : achats familles et
achats programmes. Nous avons par ailleurs une
équipe en charge du développement d’outils achats,
ainsi qu’une autre dédiée au développement et à la per-
formance fournisseurs, pour aider ces derniers à régler
leurs problématiques industrielles.
La particularité des achats chez Daher est que nous
faisons à la fois de l’industrie et des services. Nous
avons donc quatre départements achats familles :
“Achats généraux et services”, “Achats industriels
aéronautique et défense”, “Achats industriels nucléaire
et énergie” et un autre pour les “Achats de systèmes
et équipements” pour notre avion d’affaires, le
TBM 900. Au sein de ces départements, il y a un cer-
tain nombre de familles d’achats. Par exemple, dans
les achats généraux et services, là où nous avons le plus
de spécificités, nous avons vingt familles d’achats.
Pour l’ensemble des trois autres départements, nous
comptons vingt familles supplémentaires.
Quel bilan tirez-vous de votre première
convention fournisseurs, organisée
en novembre 2014 ?
L’un des objectifs de la convention de 2014 était de
partager avec nos fournisseurs le projet “Performance
2017 together”. Ce projet comportait trois leviers :
excellence opérationnelle, compétitivité et internatio-
nalisation. En termes d’excellence opérationnelle, nous
Pascal Garnero, directeur achats du groupe Daher
« Notre processus achat à l’intern
Petit à petit, Daher fait son nid parmi les équipementiers de rang 1 pour l’aéronautique
et les technologies avancées. Créé en 1863, le groupe familial est aujourd’hui présent dans douze
pays et réalise un chiffre d’affaires proche du milliard d’euros. Face aux fortes ambitions de l’ETI à
l’international, la direction des achats pilotée, par Pascal Garnero, a revu son plan de vol. Interview.
Daher
2009 : intègre Socata
et devient avionneur.
SEPTEMBRE 2014 :
devient le prestataire
logistique sur
les quatre usines
européennes d’Airbus
Helicopters.
MARS 2014 :
lance son TBM 900
(en photo),
avion d’affaires à
mono-turbopropulseur.
JUIN 2015 :
est récompensé par
le prix “Best performer
Award” par Airbus.
2. FOCUS MÉTIER
23NNUMÉRO 187 DU 01 au 14 NOVEMBRE 2015 /Abonnez-vous à notre newsletter sur decision-achats.fr
ational est mature »
avons beaucoup travaillé sur cette performance (ponc-
tualité, qualité) avant, pendant et après cette
convention. Cela nous a permis de booster les actions
dédiées au développement et à la performance four-
nisseurs, et de constater sur le terrain les signes d’une
amélioration significative de celle-ci (environ dix
points de performance en ponctualité, par exemple).
Nous avons d’ailleurs atteint notre objectif de perfor-
mance en matière de ponctualité fixé pour cette année
2015. Cette convention nous a clairement permis de
l’atteindre plus rapidement. Suite à cet événement,
nous avons aussi concrétisé quelques belles collabora-
tions, comme avec la société américaine Cadence,
spécialisée dans l’usinage de pièces mécaniques et qui
a rejoint depuis notre panel fournisseurs.
Face aux fortes ambitions du groupe
à l’international, quelle est la feuille
de route des achats ?
L’international constituait le troisième levier du projet
“Performance 2017 together”. Notre processus achat à
l’international est aujourd’hui mature, car nous
sommes déjà présents au Maroc et au Mexique. Pour
élargir le périmètre des achats aux États-Unis, nous
appliquerons les mêmes méthodes. Il nous faudra
mettre en place des outils comme l’ERP SAP, pour
gérer les achats en termes de demandes, commandes
et livraisons. Nous poursuivrons donc la mise en place
de cet outil de façon homogène sur l’ensemble du
groupe. Aux États-Unis, nous avons également prévu
d’avoir un acheteur américain sur place.
Mais ce qui compte avant tout, au-delà du redimen-
sionnement de la direction des achats dans un contexte
de croissance et d’internationalisation du groupe, c’est
d’avoir une vision et une stratégie d’achats qui per-
mettent de mettre en place des accords de partenariat
avec des fournisseurs majeurs, et s’appuyer sur eux
pour construire un projet. Nos acheteurs doivent donc
aujourd’hui parler parfaitement anglais, être capables
de développer une vision stratégique et mettre en place
« Ce qui compte avant tout,c’est d’avoir une
vision et une stratégie d’achats qui permettent
de mettre en place des accords de partenariat
avec des fournisseurs majeurs. »
ces partenariats. Nous misons donc sur des profils
beaucoup moins transactionnels et beaucoup plus stra-
tégiques. Pour faire monter en compétences les
acheteurs, nous leur proposons par exemple de suivre
la formation “leadership achats”, que nous avons déve-
loppée avec un cabinet externe, pour les doter d’un
certain nombre d’éléments de pilotage de portefeuille
leur permettant ainsi d’être de véritables leaders de
projets. C’est en s’appuyant sur ces nouveaux profils
et sur nos accords de coopération partenariale que
nous pouvons assurer à Daher l’accompagnement
nécessaire à une croissance du chiffre d’affaires dans
les années à venir.
Quelle est votre stratégie en matière
de gestion des risques achats ?
À l’instar d’un certain nombre d’autres fonctions, les
achats sont inclus dans un processus global de gestion
des risques du groupe Daher. Il y a donc une entité cen-
trale qui gère les risques. Au sein de la direction des
achats, nous avons un processus d’“escalation des
risques” depuis les personnes en charge de l’achat opé-
rationnel. Lorsqu’un problème sérieux est identifié, nous
remontons des “red flags” à la direction générale, puis
des “top down” sont mis en place sous la forme d’ac-
tions opérationnelles. Les risques techniques sont donc
gérés après avoir fait du “top down” et, au niveau de la
direction des achats, nous faisons appel à l’équipe en
charge du développement et de la performance four-
nisseurs, afin qu’elle mette en place des actions
ciblées et opérationnelles. Nous pouvons
également mettre un expert à demeure
chez un fournisseur pendant plusieurs
semaines ou plusieurs mois, afin qu’il
contrôle la mise en place de méthodes
“lean”, par exemple. La gestion des risques
financiers se fait en binôme avec l’acheteur
en charge du fournisseur et la finance. De
façon régulière, nous avons une revue des
risques où nous étudions la
Direction
des achats
Volume d’achats
2015 : 550 millions
d’euros.
Familles
d’achats généraux
et services : plus
gros périmètre
(2 000 fournisseurs).
Familles d’achats
industriels : 400 four-
nisseurs actifs.
3. FOCUSMÉTIER
24 Abonnez-vous à notre newsletter sur decision-achats.frDécision Achats • N°187 • Novembre 2015
criticité éventuelle et nous mettons une alerte
si nous constatons une dégradation de la situation
financière d’un fournisseur.
Avez-vous une stratégie de “double sourcing”
à l’international ?
Oui, et nous cherchons à la développer davantage, et
en particulier dans les pays à bas coûts. Nous faisons
appel à des fournisseurs français de Daher ayant des
filiales ou des accords de coopération avec des parte-
naires à l’étranger. Nous demandons à ces fournisseurs
français de mettre en place une double source dans la
mesure du possible, à condition qu’ils continuent à
produire en France 50 % des volumes et développent
la source internationale pour les autres 50 %, soit avec
un partenaire, soit avec une filiale. Cette stratégie nous
permet de prévoir un transfert de la production à
50 % et de manière sécurisée.
Par ailleurs, Airbus, dans le cadre de la montée en
cadence de certains de ses gros programmes, comme
celui de l’A320, nous demande aussi de mettre en place
deux sources pour certaines pièces.
Daher est un acteur de la troisième
révolution industrielle. Comment
les achats y participent-ils ?
Nous avons mis en place une équipe innovation au sein
du groupe Daher, et les achats sont partie prenante avec
un acheteur dédié à l’innovation qui travaille avec la
R&T [recherche et technologie, NDLR] et le “Daher Lab”,
pour apporter l’innovation via une démarche de codé-
veloppement avec les fournisseurs. Nous le faisons
notamment dans le domaine de l’impression 3D.
La direction de Daher nous demande aujourd’hui d’être
proactifs pour parvenir à dénicher l’innovation en
allant à la rencontre de pépites innovantes et nous y
travaillons. Dans la mission des acheteurs “familles”
dédiés à la stratégie et aux partenariats, il y a aussi
l’innovation. Pour y parvenir, ils doivent avant tout
bien connaître les besoins technologiques de Daher et
donc avoir une compréhension technique. Nous recru-
tons pour cela des ingénieurs Bac+5 ayant suivi une
formation complémentaire en achats.
Pour la veille technologique, nous faisons aussi appel
à l’équipe marketing pour qu’elle nous fournisse des
informations, en attendant que les acheteurs du groupe
soient suffisamment matures pour être capables, eux-
mêmes, d’avoir cette vision proactive sur les besoins
technologiques de Daher. C’est un vrai axe de progrès
pour la direction des achats dans les années à venir. ●
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-SOPHIE DAVID
« Nousdemandonsànosfournisseurs
français qui ont des filiales ou des
partenaires à l’étranger de mettre
en place une double source. »
Biographie
Après avoir commencé sa carrière en bureau d’études
chez Aérospatiale, Pascal Garnero se charge de projets
internationaux de station de contrôle de satellites en
Arabie Saoudite, en Tunisie et en Inde pour Aérospatiale
Satellites, devenu depuis Alcatel Space. En 2000, il est chargé
de la mise en œuvre d’une ligne de produit propulsions
chimique et plasmique de satellites. En 2005, il prend une responsabilité
internationale dans le cadre de la transformation des achats liée à la création
de la joint-venture d’Alcatel Alenia Space. Il devient directeur des achats
en 2007 au sein de Thales Alenia Space, puis de Thales UK en 2010, pour
diriger la transformation de ce domaine en service partagé centralisé.
Depuis 2013, ce passionné d’aéronautique est le directeur des achats de Daher.
Pour intégrer l’innovation dans
les achats de Daher, les acheteurs
doivent bien connaître ses besoins
technologiques et donc avoir
une compréhension technique.