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RIVAS Rémi
Master ID 2013/2014
“Timeo hominem unius libri”
Saint Thomas d’Aquin
“No man is an island.
Entire of itself,
Every man is a piece of the continent,
A part of the main.
If a clod be washed away by the sea,
Europe is the less.
As well as if a promontory were.
As well as if a manor of thy friend's
or of thine own were:
Any man's death diminishes me,
Because I am involved in mankind,
And therefore never send to know for whom the bell tolls;
It tolls for thee.”
John Donne
Partie I - Phase exploratoire et notions problématisantes.
La Sérendipité et le Modèle
La sérendipité. Brève définition et histoire.
Définition
La sérendipité est considérée par Bourcier et Van Adel comme « la capacité de
découvrir, d’inventer, de créer ou d’imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir
cherché, à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée
correctement ». Elle est selon eux « inhérente à la conduite humaine ».1
Bourcier et Van Adel vont encore plus loin et postulent que : «en pratique une vraie
découverte, invention, création est toujours la combinaison d’un élément étonnant et
d’une vérification pertinente”.2
Exprimé plus poétiquement par Francis Bacon : « Il semblerait que, jusqu’à
maintenant, l’homme doit plus à une chèvre pour la chirurgie, à un rossignol pour la
musique, à l’ibis pour une partie de la physique, ou à un couvercle qui saute du
chaudron pour l’artillerie, ou généralement à la chance ou à quelque chose d’autre
qu’à la Logique dans les arts et les sciences. »3
Il y a également un parallèle intéressant à établir entre la sérendipité et la définition
d’un événement de type Cygne Noir proposée par Nassim Nicolas Taleb dans son
ouvrage Le Cygne Noir: une aberration statistique se situant en dehors du cadre de
nos attentes ordinaires (car rien dans le passé n’indique de façon convaincante qu’elle
avait une chance de se produire), à l’impact sociétal extrêmement fort, et dont l’être
humain ne saura s’empêcher après sa survenue de lui attribuer un caractère
prétendument prévisible.4
Histoire
Le premier emploi du mot sérendipité semble dater de 1754. On le retrouve dans une
lettre d’Horace Walpole à Horace Mann faisant référence à un conte Persan. »J’ai lu,
jadis, un conte stupide, intitulé Les Trois Princes de Serendip : quand leurs altesses
voyageaient, elles faisaient toujours des découvertes, par accident et sagacité, des
choses qu’elles ne cherchaient pas”5
Horace Walpole reviendra par la suite de nombreuses fois sur ce terme. Selon lui, les
motivations de l’être humain sont les mêmes depuis l’aube des temps et justifient de
nombreuses découvertes non-préméditées, et non désirées initialement. Il formule
1 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de
l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.11
2 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de
l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.12
3 BACON F., The works of Francis Bacon, facsimile — Neudruck der Ausgabe von Spedding, Ellis und
Heath, London, 1857 — 1874, Vierter Band, The advancement of learning, Stuttgart, Fromann, 1962
4 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.12
5 LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 28 janvier 1754 à Horace Mann, XII, 1937, p.
214
cette pensée trente-cinq ans après son invention du terme sérendipité dans une lettre
à Hannah More en 1789 :
«Beaucoup de découvertes sont faites par des gens qui étaient à la chasse de quelque
chose de très différent. Je ne suis pas totalement sûr si l’art de faire de l’or ou la vie
éternelle ont été inventés — mais combien de découvertes nobles ont déjà été mises
en lumière parce qu’on cherchait ces moyens miraculeux ! Pauvre Chimie si elle n’avait
pas eu de motivations aussi glorieuses devant les yeux!”6
«En résumé, la sérendipité a d’abord été identifiées dans les humanités. Ce
phénomène a, pendant deux siècles, intéressé les disciplines littéraires, les essayistes
et les rédacteurs de dictionnaires, et aussi les collectionneurs en tout genre avant
d’intéresser les sciences «dures” ou expérimentales. Enfin les sciences sociales, ou
non-expérimentales, ont été concernées par les processus de construction de leurs
concepts et de leurs méthodes et donc par les modes cognitifs de découverte.”7
La première tentative de théorisation formelle de la sérendipité hors du cadre des
sciences naturelles est faite par Robert K Merton en 1945 en sociologie des sciences.
Selon lui, elle est un procédé qui mobilise l’inattendu deux fois : dans l’observation
initiale, et dans la nouvelle connaissance obtenue.
« La sérendipité, ou découverte par accident, par chance ou sagacité de résultats
valides qui n’étaient pas recherchés est une composante de la recherche. Le donné
est avant tout non anticipé. Une recherche dirigée pour tester une hypothèse produit
un effet secondaire fortuit, une observation inattendue qui repose sur des théories qui
n’étaient pas remises en cause quand la recherche a commencé.
Deuxièmement, l’observation est anormale, surprenante, parce qu’elle semble
inconsistance soit avec la théorie régnante soit avec d’autres faits préétablis. Dans
tous les cas, l’inconsistance apparente provoque la curiosité ; elle incite le chercheur
à donner un sens au donné pour l’adapter à un cadre élargi de la connaissance »8
Merton reviendra ensuite sur le terme en 1948 et introduira le terme de « serendipity
pattern » qui précise selon lui les cinq spécificités constitutives de cette pratique :
l’observation, la non anticipation, l’anormalité, l’importance stratégique. Elle doit
également provoquer le développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension
d’une théorie existante.9
De nombreuses personnes reconnaissent aujourd’hui l’importance du rôle de la
sérendipité, ainsi que ses nombreux apports au monde de la science ou à celui de la
création. Pourtant, les comportements sociétaux que nous pouvons observer
actuellement reflètent ils cette importance, et permettent-ils d’intégrer aisément et
6 LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 10 septembre 1789 à Hannah More, XII, 1937,
p. 325.
7 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de
l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.31
8 MERTON R. Sociological Theory, American Journal of Sociology, 1945 p.37-38
9 MERTON R, American Sociological Review, Oct 1948, Vol 13, N.5, p.506-7
MERTON R. The bearing of empirical research on sociological theory, Social Theory and Social Structure,
Glencoe III Free Press, 1949, p 256 note 5
intuitivement la sérendipité dans nos vies quotidiennes ? Et si au contraire nous
cherchions en réalité à diminuer sa place et son impact ?
De la compréhension à la prédiction : tentation du modèle et effets pervers
Abolir le rôle du hasard ?
L’humain semble naturellement vouloir abolir les phénomènes hasardeux. Il peut
admettre l’existence d’une part de hasard irréductible :
«On s’efforce de tout maîtriser et de laisser le moins de place possible à l’incertitude.
Le hasard est alors en quelque sorte un solde : c’est ce qu’on ne parvient pas à prévoir
mais que l’on se propose pourtant de réduire sans cesse plus notamment grâce au
développement des sciences et des techniques” 10
Il peut également considérer, tel Pierre-Simon de Laplace, que le hasard n’est qu’une
autre façon de nommer l’inconnu au sein d’un système où tout effet a une cause
déterminée. «Avant que d’aller plus loin, il importe de fixer le sens de ces mots,
hasards et probabilité. Nous regardons une chose comme l’effet du hasard, alors
qu’elle n’offre à nos yeux rien de régulier, ou qu’elle annonce un dessein et que nous
ignorons d’ailleurs les causes qui l’ont produite. Le hasard n’a donc aucune réalité en
lui-même, ce n’est qu’un terme propre à désigner notre ignorance sur la manière dont
les différentes parties d’un phénomène se coordonnent entre elles et avec le reste de
la nature.”11
En ce qui concerne l’aspect hasardeux que peut revêtir la sérendipité, Bourcier et Van
Adel proposent de distinguer deux types de hasards : le hasard crucial et le hasard
trivial. L’accident crucial étant celui directement responsable de l’observation
surprenante, les autres hasards triviaux étant indirectement responsables.12
Modéliser : le piège de la représentation
Face à un fait surprenant, les réactions peuvent être complètement différentes : le
chercheur fait une interprétation soit juste (sérendipité), soit fausse, ou bien il peut
être paralysé par l’observation et ne pas aller plus loin (résistance à la découverte).13
Barber va encore plus loin et postule que, «à cause de leur conceptions et de leurs
théories, les scientifiques peuvent rater des découvertes qu’ils avaient littéralement
devant leur yeux”14
Une amusante citation de Wittgenstein reprise par Richard Dawkins illustre la limite
intellectuelle posée par la modélisation et l’interprétation : « Nous sommes désormais
si accoutumés à l'idée que la Terre tourne -- et non que le Soleil se déplace dans le
10 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons
de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.7
11 LAPLACE P.S de, 1776a; Œuvres Complètes, VIII p.145, cité en anglais dans P.-S. La place, Marquis de
(1749 — 1827), Dictionary of Scientific Biography, Ch.C. Gillipsie, New York, Ed. Ch. Scribner’s sons, 1981,
Vol. 15, p. 284
12 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons
de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.259
13 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons
de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.99.
14 BARBER B., Résistance by Scientists to scientific Discovery, Science, Septembre 1961, vol. 134, p.598.
ciel -- qu'il nous est difficile de réaliser à quel point cette révolution intellectuelle a dû
être dévastatrice. Après tout, il semble évident que la Terre est immense et immobile,
et que le Soleil est petit et en mouvement. Mais n'oublions pas la remarque de
Wittgenstein à ce sujet. "Dis-moi", demandait-il à un ami, "pourquoi dit-on toujours qu'il
était naturel que les hommes présument que le Soleil tournait autour de la Terre et non
que la Terre tourne ?" Son ami lui répondit, "Eh bien, évidemment parce qu'on dirait
que le Soleil tourne autour de la Terre." Wittgenstein répondit, "Mais à quoi cela aurait-
il ressemblé si on eût dit que la Terre tournait ? »15
Taleb introduit également le terme de « platonicité », qu’il définit comme le fait de
« privilégier des constructions mentales claires et nettes par rapport à d’autres objets
moins élégants à la structure plus désordonnée et moins souple ». Cette tendance
aurait pour conséquence de nous faire croire que nous comprenons plus de choses
que ça n’en est réellement le cas.16
Il présente également un ensemble d’erreurs types pouvant altérer la perception
humaine : l’erreur de confirmation (la recherche systématique de preuves du connu
plutôt que de l’inconnu), l’erreur de narration (la recherche systématique de causalité),
la dimension émotionnelle (le caractère non intuitif des cygnes noirs pour l’humain),
l’erreur de Diagoras (le biais de l’apprentissage analeptique), la limite de notre
imagination (nous nous concentrons massivement sur les cygnes noirs que nous
sommes capables d’anticiper, et négligeons de fait encore plus les autres).17
Comprendre, Prévoir, Prédire
Le dictionnaire Larousse définit l’action de comprendre comme « faire entrer,
compter quelqu'un, quelque chose dans un ensemble, un total ou, en parlant de cet
ensemble, les contenir, les englober, les inclure »18. Il y a donc une analogie
remarquable entre le fait de rendre un phénomène intelligible, explicable, et celui de
l’intégrer dans un modèle plus vaste au sein duquel il trouve son explication.
Comprendre pourrait donc être défini comme l’action de « rattacher au modèle ». Cette
démarche pourrait être menée de deux façons : en trouvant au phénomène observé
une explication intelligible dans le modèle de référence tel que défini alors, ou bien en
redéfinissant le modèle de façon à rendre l’apparition du phénomène cohérente dans
celui-ci.
« Soit l’investigateur n’est pas suffisamment préparé pour voir le fait surprenant
(aveuglement, exclusion), soit il n’existe pas encore de cadre conceptuel permettant
de l’expliquer. Deux situations peuvent alors se présenter : le chercheur classe le fait
en affirmant qu’il ne peut être pris en compte. Il le mettra de côté avant de voir de
quelle façon il peut faire une pile de cas identiques (collecte). Soit il existe déjà
plusieurs cas du même genre, et le chercheur devra construire le cadre conceptuel
15 DAWKINS R., Why the universe seems so strange,
https://www.ted.com/talks/richard_dawkins_on_our_queer_universe
16 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.19
17 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.83.
18 Dictionnaire Larousse, Edition 2014 (6 juin 2013)
nécessaire. Même si la catégorie n’est pas tout à fait consistante, ainsi définie, elle est
ouverte à un nouveau cadre théorique. »19
Sous ce jour, il semble ainsi logique que la modélisation d’un phénomène mène à des
tentatives de prévision à son sujet. On peut définir le fait de prévoir comme le l’action
de « concevoir quelque chose par la pensée, l'envisager comme possible, et, en
particulier, prendre des dispositions en vue de son éventualité »18. Cette définition
dépasse celle de la compréhension car elle associe le fait de comprendre les causes
et effets d’un phénomène avec une tentative de quantification de sa probabilité
d’apparition sur un plan statistique.
La prévision peut quant à elle mener à son tour à la prédiction, que l’on peut définir
comme « l’acte d’annoncer par avance ce qui doit arriver, par intuition, raisonnement,
conjecture ou inspiration. »18. Cette pratique dépasse celle de la prévision puisqu’elle
propose de dépasser la notion de probabilité offerte par l’emploi des statistiques pour
se risquer à anticiper les phénomènes à venir. Prédire peut alors être perçu comme
un refus de considération d’une valeur statistique aberrante au profit de l’observation
d’un phénomène attendu et recherché.
A l’heure de la numérisation et de l’automatisation croissante de nos activités
humaines, sommes-nous en train de basculer vers une société de la prédiction ? Et si
oui, cela a-t-il un impact sur notre capacité à reconnaitre et à utiliser la sérendipité ?20
Quelques limites de la prédiction déjà observables et éléments de réponse
En 1936, Merton publia un article sur les conséquences inattendues, voir contre-
productive des actions et des décisions humaines21. R. Boudon rebaptisa ce type de
phénomènes « effets pervers » en 197722. Il écrit qu’une décision a des effets
pervers lorsqu’elle « produit des effets inattendus par rapport aux objectifs visé par
l’acteur initial. Ces effets sont le produit de décisions prises par des agents qui
communiquent, interprètent, s’adaptent ou se coordonnent face à une situation
donnée en fonction d’intérêts différents, voire contradictoires »
19 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons
de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.64
20 De la chaleur ajoutée plutôt que des algorithmes et des scripts
http://www.collaboratif-info.fr/edito/une-relation-client-en-manque-dhumain-et-de-naturel
How Your Location Data Is Being Used to Predict the Events You Will Want to Attend
http://www.technologyreview.com/view/526096/how-your-location-data-is-being-used-to-predict-the-
events-you-will-want-to-attend/?utm_campaign=socialsync&utm_medium=social-
post&utm_source=facebook
Aveu d'un pionnier d'Internet : "nous nous sommes trompés de bonne foi"
http://meta-media.fr/2014/03/24/aveu-dun-pionnier-dinternet-nous-nous-sommes-trompes-de-bonne-
foi.html?utm_source=La+Lettre+de+Petit+Web&utm_campaign=16c934c731-
L118&utm_medium=email&utm_term=0_924f520221-16c934c731-8061057
Médias Les algorithmes auront-ils la peau des journalistes ?
http://bit.ly/1gCoKTm
La conception algorithmique automatise-t-elle nos vies ?
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/03/14/la-conception-algorithmique-automatise-t-elle-nos-vies/
21 MERTON, R., « The unanticipated consequences of purposive social action », American
Sociological Review, 1936, 1, p.814-904
22 BOUDON, R. Effets pervers et ordre social, Paris, PUF, 1977
Pourquoi de tels effets ? On peut penser qu’une explication réside dans la notion de
décalage entre la réalité et l’analyse qu’on en a faite : « Les frontières d’un système
ne sont jamais une donnée naturelle. […] L’effet n’apparait pervers que parce que la
globalité du phénomène a été réduite à un sous-ensemble d’actions »23.
Le paradoxe est atteint quand le modèle lui-même est générateur d’effets qui altèrent
la réalité. J-P Dupuy parle de prophétie anticipatoire : » Il n’y a pas de réalité sociale
indépendante des représentations, des anticipations, des prédictions, des
significations en générale que les humains se forgent à son sujet. Une représentation,
une prédiction peut devenir vraie par le simple fait que les actions et les réactions
qu’elle engendre la réalise »24.
Or la sérendipité existe comme interprétation juste d’une observation imprévue et
surprenante. « Aucune forme de représentation ne peut jamais anticiper l’inconnu,
l’impossible, l’arrivée de faits ou de relations, de point de vue ou d’effets pervers, qui
sont imprévus ou imprévisibles, et donc surprenants. De même, un système expert ne
peut pas non plus improviser ou être surpris, il n’a pas le sens de l’humour, il ne peut
pas être effrayé, et n’est pas capable de reconnaitre ce qui est vraiment nouveau. »25
« Un système expert peut assister l’expert mais non lui être substitué. La sérendipité
est définie comme l’aptitude à faire des trouvailles. On ne peut pas la planifier mais on
peut la développer en tant que faculté précieuse. »26
«Derrière la sérendipité, c’est le réel dans la dimension du temps et de l’espace qui
est visé. La spéculation en serait la démarche opposée. Pourquoi ne savait-on pas
avant ? Parce que ce n’était pas le même état du monde, parce que le phénomène
n’était pas advenu. Pourquoi n’anticipe-t-on pas correctement ? Les statistiques ne
sont alors d’aucun secours car même si des classes de situations sont établies, elles
ne peuvent couvrir tous les événements possibles car les classes ne sont pas
homogènes entre elles.»27
Et si les biais d’interprétation de notre réalité, combinés à la persistance des
prédictions, ainsi qu’à un recours inadéquat à la technologie et à la science formelle
provoquaient une illusion de certitude, et diminuait d’autant notre attention envers les
accidents issus de la sérendipité, et pourtant potentiellement responsables de
découvertes importantes et de changements majeurs ?
23 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.215
24 DUPUY, J.P., « Les paradoxes de l’erreur créatrice », dans L'Erreur. De Jacques Oudot et Alain
Morgon. Presses universitaires de Lyon, Philosophy 254, 1982, p.165-166
25 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.252
26 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.263
27 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.225
Quelques solutions pour redonner sa place à la Sérendipité ?
La sérendipité. Une fin en soi ?
Une seule réponse à cette première question : non. La sérendipité productive de
connaissance est indissociable d’une démarche d’investigation conventionnelle. Loin
d’être opposées, ces deux approches sont absolument complémentaires.
« L’expérience nous apprend que nous découvrons les vérités les plus profitables
souvent même sans les avoir cherchées : alors cela nous apprend aussi que nous
trouvons en cherchant. A vrai dire l’accident en soi ne nous donne que la première
pensée brute. Quand nous voulons la rendre utile, nous devons la poursuivre et la
connecter avec beaucoup de vérités différentes, et tout cela ne peut pas arriver sans
pensée intentionnelle. La nécessité de penser ainsi reste donc indubitable […] avant
Archimède, maints baigneurs ont dû observer qu’ils pouvaient lever leurs bras dans
l’eau plus facilement qu’en dehors. C’est seulement parce qu’ils n’ont pas approfondi
la question, qu’il fut le premier à découvrir la loi de la masse volumique. »28
« Pour découvrir, inventer, créer ou décider, il reste essentiel de garder les deux yeux
ouverts, l’un pour ce que l’on cherche et… l’autre, pour ce que l’on ne cherche pas :
une recherche scientifique originale marche sur deux pieds : l’un sert à tester des
hypothèses et l’autre à expliquer des observations surprenantes (i.e. des nouveautés
et des anomalies). »29
Première piste : Penser la sérendipité comme une discipline qui se travaille
«La questions qui se pose dans notre société aujourd’hui est celle de la possibilité
d’accroitre les circonstances hasardeuses, et l’art de les utiliser. Pourtant, par
définition, on ne peut pas programmer la sérendipité, l’observation surprenante. On
ne la reconnait qu’après coup.”30
« Certains auteurs disent qu’une découverte fondée sur une observation de ce qui
n’était pas recherché est le fruit du hasard ou d’un accident. Ce qui n’est jamais vrai.
Les observations sont faites parce que l’observateur a un œil sur chaque
aberration »31. Pour citer Pasteur : « Souvenez-vous que dans les sciences
d’observation, le hasard ne favorise que des esprits préparés.»32
28 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.37
29 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.53
30 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.8
31 COMROE J.H., Retrospectroscope, Insights into Medical Discoveries, Menlo park, Californie, Voon
Gehr Press, p.48-9, ref : Charles Lam, « A dissertation on roast pig », The essays of Elias, or ed.1823,
repr.1892, Boston, Little, Brown Co, p.177
32 PASTEUR L., dans le manuscrit de sa première intervention comme doyen de la nouvelle Faculté
des Sciences à Lille en 1854
« Il n’existe pas de sérendipité en dehors de cas spécifique […], ce qui n’empêche
pas d’en tirer des généralités et des typologies. L’attention à la sérendipité peut se
travailler. Il s’agit moins de la rechercher que d’apprendre à la reconnaitre. »33
« La sérendipité est l’art d’enlever des œillères. Un bon chercheur a besoin d’œillères
qui il recherche et étudie mais il peut les enlever quand il observe un fait surprenant
qu’il veut interpréter pour en donner une explication correcte, ou mettre au point une
stratégie émergente »34.
« En tant qu’aptitude personnelle, la sérendipité peut être décrite comme une faculté,
une capacité, un talent, dont le développement, inégal d’un individu à l’autre, est
considéré soit comme une donnée naturelle, soit comme le fruit d’un apprentissage.
Le partage qui est fait ici, entre l’inné et l’acquis, appellerait une analyse approfondie.
En tant que phénomène objectif, elle se présente sous la forme d’un processus cognitif
dont les diverses définitions accentuent tel ou tel aspect : observation, interprétation,
raisonnement, explication, etc. »35
Bourcier et Van Adel suggèrent un enseignement de la sérendipité « comme possibilité
d’utiliser l’imagination et la créativité dans l’élaboration de connaissances et de faire
de cette faculté une ressource pour l’apprentissage de la recherche […] montrant ainsi
que l’histoire de la connaissance s’est construite de façon imprévisible, sans logique
prédéfinie et souvent de façon ludique.»36
On pourrait éventuellement spécifier les conditions nécessaires pour faire émerger des
faits surprenants : «Des signes particuliers peuvent devenir par sagacité, perspicacité
et discernement, l’occasion de découvrir, d’inventer ou de dévoiler ce qui était
jusqu’alors caché «37
La sérendipité peut naitre d’une démarche volontaire via une sensibilisation à la théorie
et aux exemples référencés, mais s’apprend difficilement en pratique : « par définition,
on ne peut pas programmer ses propres observations surprenantes même si on
apprend à utiliser sa liberté pour réagir de façon adaptée en face de signes étonnants.»
Une façon de faire pourrait être de « concevoir des travaux pratiques où seraient
insérés des données surprenantes, puis de confronter un étudiant à son inattention
face à une possibilité d’observation étonnante »38.
33 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.35
34 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.256
35 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.34
36 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.258
37 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.209
38 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.255
«Une certaine connaissance du mot, du phénomène et des cas de sérendipité aide
probablement à réagir de façon optimale quand on fait une observation étonnante.”39
Taleb quant à lui défend l’idée selon laquelle il y aurait deux façons d’appréhender les
phénomènes, l’une consistant à exclure l’extraordinaire en se concentrant sur les
événements de type « normaux » et « ordinaires », la seconde consistant à analyser
en priorité les extrêmes dans le but de comprendre le phénomène40. Une idée que l’on
retrouve également dans les écrits de Claude Bernard, ou bien dans ceux de Skinner :
« Je constatais un fait nouveau, imprévu par la théorie et que l’on n’avait pas remarqué,
parce que l’on était sous l’empire d’idées théoriques opposées auxquelles on avait
accordé trop de confiance […] Au lieu de garder la théorie et d’abandonner le fait, j’ai
gardé le fait que j’ai étudié, et je me suis hâté de laisser la théorie. »41. « Quand tu
tombes sur quelque chose d’intéressant, laisse tout tomber autour de toi et étudie-
le »42
Seconde piste : Reconnaitre l’importance de l’abduction et l’encourager
« L’abduction est le processus d’une hypothèse explicative. C’est la seule opération
logique qui introduit une quelconque idée neuve ; parce que l’induction détermine
une valeur et la déduction produit seulement les conséquences inévitables d’une
pure hypothèse.
La déduction prouve que quelque chose doit être ; l’induction montre que quelque
chose marche de facto ; l’abduction suggère seulement que cela est possible. Sa
seule justification est que la déduction peut produire une prédiction de cette
suggestion, qui peut être testée par induction, et que, si l’on veut apprendre jamais
quelque chose, ou comprendre des phénomènes, cela doit être fait par
l’abduction. »43
« L’abduction joue par définition un rôle central dans le phénomène de sérendipité
mais d’autres raisonnements participent. En effet, l’élaboration de l’hypothèse
nécessite de combiner la logique (la déduction et l’induction) avec le raisonnement
dialectique ou interviennent postulats, arguments, et contre-arguments. »44 45
Troisième piste : de l’idée aux observations…ou bien l’inverse. Provoquer le
hasard
« Les anciens Grecs avaient un dieu pour exprimer l’inconnu, un « dieu inconnu »,
39 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.9
40 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.18
41 BERNARD C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Librairie Joseph Gilbert, 1943
(Première édition : 1865), p.229, 230
42 SKINNER B.F. Am. Psychol. 1956, 11, p.221
43 PIERCE C.S. Collected Papers, ed C. Hartshorne, P. Weiss and A.W. Burks, vol.7 : 88, Harvard : Belknap
Press of Harvard University Press, 3 rd Pr., 1965, 5 : 171
44 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons
de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.64
45 Exemples illustratifs : Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est
mortel est une déduction (du général au particuliers). Socrate est un homme, or Socrate est mortel,
donc tous les hommes sont mortels est une induction (du particulier au général). Socrate est mortel, or
tous les hommes sont mortels, donc Socrate est un homme est une abduction (hypothèse par
analogie, émergence d’un fait nouveau).
Kairos, jusqu’à ce qu’ils adorent le dieu chrétien. A partir de ce moment, l’histoire de
la connaissance a emprunté des chemins plus obscurs. […] L’adoration peut écarter
le doute qui est à l’origine de la curiosité scientifique, comme le développera
Descartes. La raison est alors devenue un autre dieu. Dans un univers complexe
comme le nôtre, on peut revaloriser cet ancien dieu grec de l’inconnu pour combattre
la répétition et la routine servile du connu devant les faits extraordinaires. »46
«C’est ce que nous avons appelé l’expérience pour voir. On met ce procédé en usage
toutes les fois qu’on n’a pas d’idée préconçue pour entreprendre des recherches sur
un sujet à l’occasion duquel des observations antérieures manquent. Alors on
expérimente pour faire naitre des observations qui puissent à leur tout faire naitre des
idées […] il ne faut jamais rien négliger dans l’observation des faits, et je regarde
comme une règle indispensable de critique expérimentale de ne jamais admettre sans
preuve l’existence d’une cause d’erreur dans une expérience, et de chercher toujours
à se rendre raison de toutes les circonstances anormales qu’on observe. Il n’y a rien
d’accidentel, et ce qui, pour nous, est accident n’est qu’un fait inconnu qui peut devenir,
si on l’explique, l’occasion d’une découverte plus ou moins importante”47
Une idée : repenser notre réaction face aux prévisions, renoncer aux
probabilités
L’idée de Force exposée par Nassim Nicholas Taleb48 est intéressante : partant du
principe que l’erreur de prédiction est inéluctable, elle propose de se focaliser sur la
force face aux erreurs de prédictions plutôt que d’améliorer les prédictions elles
même. Par exemple en se concentrant sur le caractère dommageable de la survenue
de tel ou tel événement plutôt que sur sa probabilité d’apparition.
Constat : quelles réelles possibilités d’encourager l’imprévu ?
A l’issue de cette documentation des différents concepts constituant l’équation du
problème abordé se posaient plusieurs questions distinctes auxquelles le projet allait
devoir tenter de répondre :
Pour l’usager : comment renoncer à la tentation du contrôle et résister à l’enferment?
Comment résister à la tentation du modèle ?
Pour le dispositif : comment accueillir l’inattendu ? Comment découvrir par hasard ?
Pour le designer : comment aider les gens à trouver ce qu’ils ne cherchent pas ?
Comment permettre de voir différemment ce qui est déjà là ?
Mon constat était simple : pour découvrir, l’usager a besoin d’être surpris sachant
qu’il cherche par tous les moyens à minimiser le risque d’être déçu. Comment
résoudre ce paradoxe.
46 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit.
Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.255
47 BERNARD C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Librairie Joseph Gilbert, 1943
(Première édition : 1865), p.226, 227
48 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.12
Partie II - Projet / coulisses du projet et Process.
D’une volonté d’organisation à la nécessité de déranger
Le point de départ : un monde sans sérendipité, une impasse sur la carte de la
connaissance ?
A l’issue du travail exploratoire développé dans la première partie et portant sur le
rôle essentiel de la sérendipité dans la découverte humaine, et sur les limitations
possibles de l’utilisation de modèles pour établir une vision réaliste du monde, il s’est
alors posé la question de la possibilité de l’application pratique de ces
apprentissages dans la conception d’un service/produit/expérience dont la fonction
première soit de favoriser la survenue de la sérendipité.
Pour mémoire, les cinq spécificités constitutives de la sérendipité selon Robert K
Merton sont : l’observation, la non anticipation, l’anormalité, l’importance stratégique,
et, in fine, le développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension d’une théorie
existante.49
Connaissances, un mot pluriel ?
Plus schématiquement, pour mesurer le rôle crucial de la sérendipité dans
l’extension possible de la connaissance, et pour reprendre les termes de Donald
Rumsfled50, on peut tenter de résumer l’état de la connaissance humaine à un
instant donnée en une carte subdivisée elle-même en quatre zones :
- Ce que l’on a conscience de connaitre, et qui constitue le savoir disponible à un
instant donné.
- ce que l’on a conscience de ne pas connaitre, et qui constitue autant de pistes
potentielles de développement volontaire du champ de sa connaissance.
- Ce que l’on n’a pas (encore) conscience de (déjà) connaitre, enjeux majeur s’il en
fut à l’heure des big data et de l’engouement collectif pour les modèles
mathématiques, prétendument explicatifs voir prédictifs de nos comportements.
- Et enfin, la zone la plus problématique à mon sens, ce que l’on n’a pas (encore)
conscience de ne pas connaitre, virtuellement infinie au regard des trois autres zones
mentionnées ci-dessus.
Le constat direct de cette subdivision, et que, si la quatrième zone est par définition
l’endroit où repose l’ensemble des découvertes fondamentales et de rupture restant
à faire (pour tant que cette pensée vertigineuse soit quantifiable), elle est également
fondamentalement inaccessible.
C’est en réaction à cette inaccessibilité que la Sérendipité entre alors en scène et
joue un rôle majeur.
49 MERTON R, American Sociological Review, Oct 1948, Vol 13, N.5, p.506-7
MERTON R. The bearing of empirical research on sociological theory, Social Theory and Social Structure,
Glencoe III Free Press, 1949, p 256 note 5
50 Citation originale: “There are known knows; there are things we know we know. We also know there are
known unknowns; that is to say we know there are some things we do not know. But there are also unknown
unknowns – there are things we don’t know we don’t know” DoD News Briefing – Secretary Rumsfeld and
Gen. Myers; “New Transcript, U.S. Department of Defense; February 12, 2002.
http://defense.gov/transcripts/transcript.aspx?transcriptid=2636
Le rôle clef de la Sérendipité
En effet, l’observation accidentelle par le découvreur d’un phénomène non anticipé,
anormal et d’importance stratégique à terme est une des quelques possibilités de
liens directs avez cette zone de la connaissance, depuis laquelle, au prix d’un travail
intellectuel, l’observateur pourra formuler un raisonnement inductif qui le mènera au
développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension d’une théorie existante.
On comprend alors l’l’importance de la Sérendipité dans la recherche ou l’innovation
radicale. Elle est une sorte de portail inattendu vers ce quatrième champ
ordinairement inaccessible. Il s’agit donc pour le découvreur d’être capable de
mesurer consécutivement à ce phénomène inattendu la chance qui lui est offerte de
faire une incursion soudaine et involontaire dans le territoire de ce qui reste à
découvrir, et de ramener à force de travail cette nouvelle connaissance en terrain
découvert.
La Sérendipité, un phénomène qu’on ne reconnait qu’à posteriori ?
Parallèlement à ce constat se pose une observation d’importance : par définition,
nous ne semblons disposer d’aucun moyen de reconnaitre la Sérendipité, encore
moins de cultiver les conditions optimales de sa survenue. A l’exception de l’éternel
adage de Pasteur qui nous invite à préparer nos esprits et à observer attentivement.
C’est en me posant ces questions sur l’opportunité de favoriser la reconnaissance de
la sérendipité auprès de tout un chacun que mes observations m’ont conduit à
m’inquiéter sur la distraction induite par la consommation excessive d’informations
numériques.
Une analyse plus poussé des modalités de fonctionnement de ces nouvelles
technologies devait conforter cette hypothèse, et plus encore, me faire identifier un
facteur de distraction qui, s’il pouvait compromettre la survenue de la sérendipité
chez mon observateur, semblait porter également en lui un potentiel de destruction
du rôle positif joué par l’imprévu.
A la recherche d’un ennemi : l’enfermement avec la numérique
Vers un rôle croissant du modèle de représentation…
Dans un rapport récent, le Conseil d’Etat51 invite les pouvoirs publics à se pencher
sur la question des algorithmes prédictifs, et sur les sources de risques liées au
développement de cette technologie.
L’algorithme prédictif se définit comme une méthode d’analyse prédictive qui utilise
une variété de techniques issues des mathématiques, des statistiques et
d’extractions de données en vue d’analyser des faits présents et passés pour faire
des hypothèses prédictives sur des évènements futurs.
Le Conseil d’Etat met notamment en exergue les deux risques potentiels suivants :
Une hyperpersonnalisation des offres et messages adressés aux internautes et
consommateurs de manière générale, dont ils ne sont pas maîtres, cette
personnalisation conduisant à des risques d’enfermement de l’individu dans une
sphère limitée de possibilités et de ségrégation des expériences.
Une confiance abusive dans les résultats d’algorithmes perçus comme objectifs et
infaillibles, alors qu’ils résultent en tout état de cause d’idées et de choix initiaux non
nécessairement objectifs.
51 Laure Landes-Gronowski http://www.alain-bensoussan.com/algorithmes-predictifs/2014/10/17/
Pour le Conseil d’Etat, les algorithmes sont des sources de risques pour l’exercice de
nos droits fondamentaux : « Face aux risques qu’ils présentent, il convient de définir
un véritable droit des algorithmes prédictifs » affirme l’étude.
… et ses effets sur les utilisateurs
Au-delà des aspects juridiques se posait pour moi une autre question : et si cette
hyper personnalisation de l’information consommée par toute un chacun au grès de
ses affinités déclarées et supposées annonçait une forme de fin du rôle de la
surprise, un monde tout en affinité ?
Quelle place imaginer alors pour une découverte qui ne soit pas construite
préalablement par un système ? Et quel impact sur le comportement des utilisateurs,
qui dès lors n’étaient plus invités à observer le possible mais simplement à attendre
que se déroule le prévisible. Ce changement d’état dans la posture même
d’observation annonçait-il une compromission d’importance du rôle de la
sérendipité ?
Afin de le qualifier dans l’ensemble de mes notes de recherche, et en écho avec le
fameux quantified self, je baptisais cette hypothèse « Digital Cell » : une
consommation continuelle d’informations spécifiquement sélectionnées selon des
critères de recherches affinitaires préalables, obtenus par des moyens déclaratifs et
comportementaux. Je partais alors en quête de recherches préalablement effectuées
sur des sujets similaires.
Le pouvoir des algorithmes sur l’humain, une inquiétude partagée.
« Les algorithmes ne sont qu'un élément de la computation du monde. Quand on les
utilise, on simplifie toujours des systèmes complexes. Le risque est que cette
simplification nous aveugle. » - Ian Bogost, Videogame Researcher and Designer
« Nul ne veut que les choses travaillent pour nous. Trop souvent, les systèmes font
des choix implicites pour nous, mais ne font pas ce que l’on veut. » - Alexis Lloyd,
Creative Director, The New York Times R&D Lab
« I fear that we are beginning to design ourselves to suit digital models of us, and I
worry about a leaching of empathy and humanity in that process. » - Jaron Lanier,
Writer, Computer Scientist, Composer of Classical Music
« With self-tracking we end up optimising our behaviour within the existing
constraints rather than changing the constraints to begin with. It places us as
consumers rather than citizens. » - Evgeny Morozov, Writer, Researcher, Senior
editor at The New Republic
« Depuis que les citoyens sont moins dépendants des journalistes pour accéder à
l’information, ils s’intéressent davantage aux sujets dont ils sont déjà familiers. Alors
que nous nous trouvons facilement des communautés correspondant à nos centres
d’intérêt et à nos préjugés, nous ne sommes guère invités à sortir de notre bulle. »
Ethan Zucherman. Director of the MIT Center for Civic Media
Chacun de ces observateurs nourrissait mon inquiétude : renforcement des
convictions et pré supposés antérieurs, hyper spécialisation dans des domaines
choisis, diminution du temps d’attention à la survenue possible d’informations ou de
faits non recherchées, ou allant à l’encontre des croyances initiales, individualisation
renforcée de la perception singulière des autres et de l’existence. Le numérique
prenait soudainement un aspect bien obscur.
« Mais nos fantasmes de substitution nous ont coûté. Maintenant nous devons tous
nous concentrer sur les nombreuses façons dont la technologie peut nous ramener à
nos vies réelles, à nos propres corps, nos propres communautés, nos propres
politiques, notre propre planète. Ils ont besoin de nous. Parlons de la manière dont
nous pouvons utiliser la technologie numérique, la technologie de nos rêves, pour
faire de cette vie la vie que nous pouvons aimer. »
Sherry Turkle, Professor at MIT, Social Studies of Science and Technology
Axe de directions possibles de prime abord
Recherches et pistes surprenants :
Camps de vacances pour Adulte : Digital Detox
Urbanisation / Mobilisation Règlementation Normes
Crash volontaire / Hack / Prise de conscience
Les points communs de ces différentes orientations : Réalité Diminué. Restriction. Un
monde sans digital, choisi ou subit. Ne pas laisser le choix à l’utilisateur, problème.
Equivalent d’une diète, d’un régime, vœux pieu
Détourner l’usage plutôt que restreindre
Philosophies : Objets détournés de Campani
Détourner
Objet font prendre conscience de l’utilité par le manque
Pendant très longtemps mon erreur : il faut encourager la sérendipité.
Encourager l’imprévisible. Organiser l’imprévisible. Par définition antagoniste ?
Plutôt qu’organiser l’Imprévisible Désorganiser le prévisible.
Dans certains conditions, l’humaine est tout à fait disposé à prendre contact avec
l’inconnu, on peut le retrouver dans la dimension expérientielle du succès de certains
services récents comme Air BnB, Couch Surfing
Désir de connexion. Désir de contact. Et une série de reflexes qui le poussent, au-
delà de consommer, à générer du contenu. Il y avait là une possibilité d’intercepter
un comportement déjà ancré pour mieux le détourner.
« Il est urgent d’organiser la rencontre avec les surprises, de mettre au point des
outils qui aident à rechercher l’inconnu. »
Ethan Zucherman
Director of the MIT Center for Civic Media
Nouvelle mission, nouvelle vision
Offrir une réalité alternative au quotidien « augmenté », une nouvelle perspective à
partir des mêmes comportements.
Ne pas inventer quelque chose de nouveau, qui nécessite un nouvel apprentissage,
simplement prolonger un usage actuel de façon à ce que quand l’usager procède
comme à son habitude, il puisse sans effort pousser une nouvelle porte.
Détourner une expérience ordinaire de son but initial en proposant de l’inattendu
digne d’intérêt, un moyen de s’évader de son référentiel.
Un support : le smartphone, accusé parmi tous d’être le facteur majeur de distraction
de l’attention contemporain et extension technologique par excellence. Avec lui nait
une nouvelle forme de contenu qui change l’aspect du web : le partage massif de
photographies mobiles. Ce constat est attesté et documenté par une étude TNS
Sofres 2009 qui nous informe que :
90 % des jeunes de 12 à 17 ans possèdent un téléphone portable muni d’un appareil
photo numérique
86 % d’entre eux envoient des photos avec leur téléphone
74 % envoient également des vidéos
Une autre étude Credoc 2012 nous apprend également que
80 % des adolescents fréquentent un réseau social
92 %, d’entre eux utilisent Facebook
74% recourent au partage de photos et de vidéos
Les possesseurs de smartphones sont plus enclins que les autres à partager leurs
photos
Par mail : 71 % vs 66%
Par MMS : 57 % vs 41%
Via les réseaux sociaux 42 % vs 33%
Les usages étaient là, restait à définir les enjeux potentiels qui se dissimulaient
derrière ces multiples connexions.
Pourquoi les gens se connectent en ligne
Vraisemblablement trois motivations fondamentales
1. Recréer un lien intime avec des sphères communes individuelles ou
communautaires. Poursuivre un lien réel
2. Lien utile : recherche communauté d’affinité. Connexion offre / demande
3. Aucun Lien. Connexion hasardeuse.
Un point commun aux trois : démarche consciente et volontaire de prolonger,
provoquer ou expérimenter le contact.
Une réflexion : la place du lien révélé ?
Définition du lien révélé : révélation par l’interface à l’occasion d’une pratique de
documentation de son quotidien qu’on partage quelque chose avec un/une
inconnu(e). Se substitue à la recherche volontaire. C’est le motif qui amène aux
autres. Pas une démarche volontaire et consciente d’aller à la rencontre
Pourquoi les gens prennent-ils des photos ?
Evolution du rôle de la photographie : d’un outil à un service, puis à une expérience,
d’abord individuelle, puis collective. La photo comme une fonctionnalité, une
possibilité de connexion et d’échanges.
Cet angle se retrouve dans l’engouement ciblé pour les applications photos portant
sur l’aspect communautaire de leur échange
Exemple d’applications utilisant le média photographique comme vecteur de
rencontres imprévues et potentiellement affinitaires.
Color
Prendre des photos pour tous les autres utilisateurs environnant
Acteur d’un multi angle collectif
Enseignement : expérience déceptive car nécessitant une communication inter
acteurs synchrone.
Sketchy
Nouveau type de lien qui n’a d’autre motivation que l’intérêt de représenter l’autre
Galeries de photos, et possibilité de faire la représentation graphique des photos de
son choix.
Exemple d’entretien exploratoire mené dans le cadre de ma recherche.
Jean-Tristan est un touriste expérimental. Il dit dépasser sa « perception du risque »,
en se rendant dans des pays réputés dangereux et en suivant des protocoles de
déplacements qui sont à l’origine de découvertes surprenantes.
L’intérêt ? Jouer avec les limites de son « cadre » et de sa « zone de confort ».
Découvrir le « off the grid ». Il est très critique à l’égard des systèmes de
recommandations touristiques, qui dénaturent selon lui « l’authenticité » des endroits
et volent « l’instant des autres gens, par définition unique».
Son constat : « Les gens sont soit dans l’avant avec l’anticipation et la sécurisation à
outrance, soit dans l’après avec la collecte d’instants qu’ils partageront, ils
n’expérimentent pas le présent».
Ce qui change c’est le regard.
Test : démarche d’exploration terrain menée à Beaubourg avec partage de
photographies via un polaroïd.
Constat : Photo + Message. Surenchères dans les messages d’affection
Conférence
C2MTL - Abignail Posner – Head of Strategic Planning for Google.
Propos : le Visual web est un endroit où les gens font des créations non pas pour se
faire connaitre mais pour faire rire les gens, qui du coup les font rire à leur tour.
Hilarité générale auto renforcée.
Enseignements
Principe : procédé de prise de photos avec envoie systématique à autrui dans un
temps asynchrone.
Déletion isn’t defaults : si les gens contrôlent ce qu’il publie et l’édite à leur grès, la
permanence n’est pas un souci majeur.
Possibilité d’échange, de collection
Prolongement d’une habitude, regard différent. Pas de démarche volontaire, action,
découverte connexion.
PROJET
ODZ - Life’s a journey. Meet your fellow Travelers!
ODZ est une application mobile qui vous permet de découvrir les points communs
entre vos photos et celles de tous les autres usagers.
Elle vous permet d’explorer les matchs photographiques des usagers, de découvrir
les usagers qui matchent avec vos photos, et de rentrer en contact avec eux !
Conçue pour être l’extension des applications les plus populaires du Visual web
telles qu’Instagram, Tumblr, Flickr ou Pinterest, elle offre aux accros du smartphone
la possibilité de porter un nouveau regard sur leurs photos.
En analysant les métadonnées des images postées par les utilisateurs, elle leur offre
en un instant un panorama infini de tous les autres moments de vie qui se déroulent
dans les mêmes lieux, et dans le même temps.
Véritable invitation au voyage, elle se veut une porte de sortie d’un monde connu et
familier vers l’immensité de toutes les aventures humaines, et un vecteur de
rencontres entre personnes connectées par les mêmes lieux, instants ou
événements.
Une expérience progressive, trois niveaux d’engagements
Première étape
Test : navigation dans l’application et observation des matchs réalisés
Seconde étape
Production de contenu et expérimentation des matchs personnels possibles
Troisième étape
Contact possible avec un ou plusieurs match obtenu
Possibilités de connexion avec un ensemble de comptes existants afin de
bénéficier de contenu préalablement produit.
Possibilité de financer le produit via un don unique ou bien exposition à une
bannière de publicité à chaque lancement.
Architecture d’informations
Exemple : présentation d’un match. Possibilité de retour. Navigation dans les photos
constitutives du match. Aimer, Voir commentaires, Commenter, Partager.
Navigation Standard.
Règles de navigation
Navigation inter catégories de matchs
Défilement de l’ensemble des matchs réalisés dans cette catégorie
Déclaration « Like » d’un match effectué par l’application.
Navigation au sein d’un match avec possibilité d’accéder à la vision et aux
information spécifiques de chacun des photos utilisées.
Production de contenu
Mode Appareil Photo Mode Upload parmi Gallerie d’images
Proposition de Match Présentation de Match
Notifications relatives aux Matchs Navigations dans les Matchs proposés
Evolutions technologiques possibles
Etape 1 : Matchmaking à partir des informations déclaratives individuelles.
Etape 2 : Matchmaking à partir des informations issues de l’actvité de la base
utilisateurs
Etape 3 : Matchmaking à partir des corrélations établies avec des data Internet
externes
Evolutions expérience possibles
Gamification
Retrouver le point de vue d’une photo existante.
Scores, incitations à découvrir avec de nouveaux angles un lieu familier.
Condition de la mise en relation.
Génération de photos non matchables récompensée.
PARTIE III - Synthèse et analyse de ce projet.
Questions du jury
Encore un algorithme ?
Si l’objectif avoué de ce projet était de désorganiser le prévisible, on retrouve in
fine une proposition de valeur dont le fonctionnement repose sur un algorithme. Y-
a-t-il une part d’ironie dans ce constat ? N’est-ce pas contradictoire ?
Internet c’est comme le câble, vous avez trois cent chaines et vous allez tout le temps sur
les cinq même. En dépit de toutes les bonnes résolutions, d’un souhait authentique de
diversifier leur pratique et d’introduire de la nouveauté dans leur existence, trop souvent
les usagers retombent dans leurs habitudes premières. Et je voulais prendre ce constat
en observation dans le design de ma solution.
Plutôt que d’espérer changer les choses à travers un instant de révélation qui aurait
conditionné une modification en profondeur des habitudes de mes usagers, j’ai souhaité
leur offrir la possibilité d’un nouveau regard sur le monde au travers de pratiques
existantes et sans nécessité d’introduire de nouveaux comportements.
Mon but est de les aider à reconnecter avec une réalité si immédiate, si concrète, si
présente qu’on l’oublie. Il s’agit plus de mettre en exergue la présence et l’existence
réelle d’autres personnes autour d’eux, dans leur monde, à ce moment précis, et qui
peuvent nourrir des intérêts communs. A partir de la documentation de ses propres
pratiques, aller vers l’autre au lieu de rester centré sur soi-même. On peut regretter que
ce soit un algorithme qui le fasse, mais son but n’est que de reproduire une réalité déjà
présente, pas d’en créer une nouvelle.
Quelle vision financière ?
Le financement et la survie à terme de ce projet semble correspondre au modèle
d’un réseau social. Quelle vision à terme pour ce projet ? Derrière le
fonctionnement de ce projet repose l’impératif de construire une communauté
d’utilisateurs réguliers. Pourquoi ne pas faire Meetstagram ? S’appuyer sur un
socle existant ?
C’est tout l’enjeu du développement d’un programme via l’API Instagram. La démarche
logique serait de le faire comme ça, une touche en haut à droite dans Instagram
Questions complémentaires : Est-ce que légalement ça passe ?
Instagram est-il à la recherche de ce genre d’applications ? Quelle place et quel poids
dans l’écosystème ?
Financement par le don et la publicité ? Est-ce un impératif ? N’est-il pas
envisageable de faire payer les utilisateurs ?
Par défaut : avec pub ou bien payer une fois pour l’enlever définitivement.
Option d’utilisation par abonnement : discriminant. Même acheter l’appli.
Pourquoi ? Parce que la diffusion et la viralité reste fortement conditionnée à l’utilisation
par les15-25 ans, lesquels ne dispose pas de pouvoir d’achat en propre.
Options : fonctionnalité additionnelles payantes
BtoB
J’ai envie de casser les codes, de mettre en contact les gens sur des sujets hors
business ou des intérêts collatéraux.
Un moment de vie identifié mène vers quelque chose d’imprévisible mais qui aura la
particularité de partager à minima un critère
C2MTL, Connecting People52
Connaissez-vous Hubert ? Lui il connait tout le monde ici ! Hub, de son petit nom, c'est la
plateforme déployée spécialement à l'occasion du C2MTL et sur laquelle sont vivement
invités à s'inscrire l'ensemble des participants.
Moitié site de rencontre, moitié réseau social, Hub répond à une mission triple : permettre
à chaque participant de se présenter à l'aide d'un profil personnel, de documenter
l'ensemble de ses centres d'intérêts et compétences, et enfin d'exprimer le pourquoi de
sa présence au C2MTL.Une fois l'ensemble des données collectées, et une pincée de
magie algorithmique plus tard, chacun peut découvrir les profils d'experts se proposant
de l'aider à plancher sur ses problématiques. Il ne reste alors plus qu'à s'écrire et à
réserver des créneaux de travail dans l'agenda en ligne. Un parfait catalyseur numérique
de la raison d'être du C2MTL !
52 R. RIVAS. C2MTL, Une Expérience se vit autant en ligne que hors-ligne
https://www.linkedin.com/pulse/article/20140701060659-33844597-3-le%C3%A7ons-de-mon-c2mtl-
2014-le%C3%A7on-n-2-une-conf%C3%A9rence-se-vit-autant-en-ligne-que-hors-ligne?trk=mp-reader-
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Bibliographie
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LAPLACE P.S de, 1776a; Œuvres Complètes, VIII p.145, cité en anglais dans P.-S. La
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LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 28 janvier 1754 à Horace
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LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 10 septembre 1789 à Hannah
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PASTEUR L., dans le manuscrit de sa première intervention comme doyen de la
nouvelle Faculté des Sciences à Lille en 1854
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Harvard : Belknap Press of Harvard University Press, 3 rd Pr., 1965
SKINNER B.F. Am. Psychol. 1956
TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres,
2007
Webographie
Richard Dawkins Why the universe seems so strange,
https://www.ted.com/talks/richard_dawkins_on_our_queer_universe
De la chaleur ajoutée plutôt que des algorithmes et des scripts
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Roadbook r rivas odz sérendipité et modèles

  • 1. RoadBook ODZ. Une application photographique mobile pour un regard différent sur votre vie. RIVAS Rémi Master ID 2013/2014
  • 2. “Timeo hominem unius libri” Saint Thomas d’Aquin “No man is an island. Entire of itself, Every man is a piece of the continent, A part of the main. If a clod be washed away by the sea, Europe is the less. As well as if a promontory were. As well as if a manor of thy friend's or of thine own were: Any man's death diminishes me, Because I am involved in mankind, And therefore never send to know for whom the bell tolls; It tolls for thee.” John Donne
  • 3. Partie I - Phase exploratoire et notions problématisantes. La Sérendipité et le Modèle La sérendipité. Brève définition et histoire. Définition La sérendipité est considérée par Bourcier et Van Adel comme « la capacité de découvrir, d’inventer, de créer ou d’imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir cherché, à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée correctement ». Elle est selon eux « inhérente à la conduite humaine ».1 Bourcier et Van Adel vont encore plus loin et postulent que : «en pratique une vraie découverte, invention, création est toujours la combinaison d’un élément étonnant et d’une vérification pertinente”.2 Exprimé plus poétiquement par Francis Bacon : « Il semblerait que, jusqu’à maintenant, l’homme doit plus à une chèvre pour la chirurgie, à un rossignol pour la musique, à l’ibis pour une partie de la physique, ou à un couvercle qui saute du chaudron pour l’artillerie, ou généralement à la chance ou à quelque chose d’autre qu’à la Logique dans les arts et les sciences. »3 Il y a également un parallèle intéressant à établir entre la sérendipité et la définition d’un événement de type Cygne Noir proposée par Nassim Nicolas Taleb dans son ouvrage Le Cygne Noir: une aberration statistique se situant en dehors du cadre de nos attentes ordinaires (car rien dans le passé n’indique de façon convaincante qu’elle avait une chance de se produire), à l’impact sociétal extrêmement fort, et dont l’être humain ne saura s’empêcher après sa survenue de lui attribuer un caractère prétendument prévisible.4 Histoire Le premier emploi du mot sérendipité semble dater de 1754. On le retrouve dans une lettre d’Horace Walpole à Horace Mann faisant référence à un conte Persan. »J’ai lu, jadis, un conte stupide, intitulé Les Trois Princes de Serendip : quand leurs altesses voyageaient, elles faisaient toujours des découvertes, par accident et sagacité, des choses qu’elles ne cherchaient pas”5 Horace Walpole reviendra par la suite de nombreuses fois sur ce terme. Selon lui, les motivations de l’être humain sont les mêmes depuis l’aube des temps et justifient de nombreuses découvertes non-préméditées, et non désirées initialement. Il formule 1 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.11 2 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.12 3 BACON F., The works of Francis Bacon, facsimile — Neudruck der Ausgabe von Spedding, Ellis und Heath, London, 1857 — 1874, Vierter Band, The advancement of learning, Stuttgart, Fromann, 1962 4 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.12 5 LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 28 janvier 1754 à Horace Mann, XII, 1937, p. 214
  • 4. cette pensée trente-cinq ans après son invention du terme sérendipité dans une lettre à Hannah More en 1789 : «Beaucoup de découvertes sont faites par des gens qui étaient à la chasse de quelque chose de très différent. Je ne suis pas totalement sûr si l’art de faire de l’or ou la vie éternelle ont été inventés — mais combien de découvertes nobles ont déjà été mises en lumière parce qu’on cherchait ces moyens miraculeux ! Pauvre Chimie si elle n’avait pas eu de motivations aussi glorieuses devant les yeux!”6 «En résumé, la sérendipité a d’abord été identifiées dans les humanités. Ce phénomène a, pendant deux siècles, intéressé les disciplines littéraires, les essayistes et les rédacteurs de dictionnaires, et aussi les collectionneurs en tout genre avant d’intéresser les sciences «dures” ou expérimentales. Enfin les sciences sociales, ou non-expérimentales, ont été concernées par les processus de construction de leurs concepts et de leurs méthodes et donc par les modes cognitifs de découverte.”7 La première tentative de théorisation formelle de la sérendipité hors du cadre des sciences naturelles est faite par Robert K Merton en 1945 en sociologie des sciences. Selon lui, elle est un procédé qui mobilise l’inattendu deux fois : dans l’observation initiale, et dans la nouvelle connaissance obtenue. « La sérendipité, ou découverte par accident, par chance ou sagacité de résultats valides qui n’étaient pas recherchés est une composante de la recherche. Le donné est avant tout non anticipé. Une recherche dirigée pour tester une hypothèse produit un effet secondaire fortuit, une observation inattendue qui repose sur des théories qui n’étaient pas remises en cause quand la recherche a commencé. Deuxièmement, l’observation est anormale, surprenante, parce qu’elle semble inconsistance soit avec la théorie régnante soit avec d’autres faits préétablis. Dans tous les cas, l’inconsistance apparente provoque la curiosité ; elle incite le chercheur à donner un sens au donné pour l’adapter à un cadre élargi de la connaissance »8 Merton reviendra ensuite sur le terme en 1948 et introduira le terme de « serendipity pattern » qui précise selon lui les cinq spécificités constitutives de cette pratique : l’observation, la non anticipation, l’anormalité, l’importance stratégique. Elle doit également provoquer le développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension d’une théorie existante.9 De nombreuses personnes reconnaissent aujourd’hui l’importance du rôle de la sérendipité, ainsi que ses nombreux apports au monde de la science ou à celui de la création. Pourtant, les comportements sociétaux que nous pouvons observer actuellement reflètent ils cette importance, et permettent-ils d’intégrer aisément et 6 LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 10 septembre 1789 à Hannah More, XII, 1937, p. 325. 7 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.31 8 MERTON R. Sociological Theory, American Journal of Sociology, 1945 p.37-38 9 MERTON R, American Sociological Review, Oct 1948, Vol 13, N.5, p.506-7 MERTON R. The bearing of empirical research on sociological theory, Social Theory and Social Structure, Glencoe III Free Press, 1949, p 256 note 5
  • 5. intuitivement la sérendipité dans nos vies quotidiennes ? Et si au contraire nous cherchions en réalité à diminuer sa place et son impact ? De la compréhension à la prédiction : tentation du modèle et effets pervers Abolir le rôle du hasard ? L’humain semble naturellement vouloir abolir les phénomènes hasardeux. Il peut admettre l’existence d’une part de hasard irréductible : «On s’efforce de tout maîtriser et de laisser le moins de place possible à l’incertitude. Le hasard est alors en quelque sorte un solde : c’est ce qu’on ne parvient pas à prévoir mais que l’on se propose pourtant de réduire sans cesse plus notamment grâce au développement des sciences et des techniques” 10 Il peut également considérer, tel Pierre-Simon de Laplace, que le hasard n’est qu’une autre façon de nommer l’inconnu au sein d’un système où tout effet a une cause déterminée. «Avant que d’aller plus loin, il importe de fixer le sens de ces mots, hasards et probabilité. Nous regardons une chose comme l’effet du hasard, alors qu’elle n’offre à nos yeux rien de régulier, ou qu’elle annonce un dessein et que nous ignorons d’ailleurs les causes qui l’ont produite. Le hasard n’a donc aucune réalité en lui-même, ce n’est qu’un terme propre à désigner notre ignorance sur la manière dont les différentes parties d’un phénomène se coordonnent entre elles et avec le reste de la nature.”11 En ce qui concerne l’aspect hasardeux que peut revêtir la sérendipité, Bourcier et Van Adel proposent de distinguer deux types de hasards : le hasard crucial et le hasard trivial. L’accident crucial étant celui directement responsable de l’observation surprenante, les autres hasards triviaux étant indirectement responsables.12 Modéliser : le piège de la représentation Face à un fait surprenant, les réactions peuvent être complètement différentes : le chercheur fait une interprétation soit juste (sérendipité), soit fausse, ou bien il peut être paralysé par l’observation et ne pas aller plus loin (résistance à la découverte).13 Barber va encore plus loin et postule que, «à cause de leur conceptions et de leurs théories, les scientifiques peuvent rater des découvertes qu’ils avaient littéralement devant leur yeux”14 Une amusante citation de Wittgenstein reprise par Richard Dawkins illustre la limite intellectuelle posée par la modélisation et l’interprétation : « Nous sommes désormais si accoutumés à l'idée que la Terre tourne -- et non que le Soleil se déplace dans le 10 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.7 11 LAPLACE P.S de, 1776a; Œuvres Complètes, VIII p.145, cité en anglais dans P.-S. La place, Marquis de (1749 — 1827), Dictionary of Scientific Biography, Ch.C. Gillipsie, New York, Ed. Ch. Scribner’s sons, 1981, Vol. 15, p. 284 12 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.259 13 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.99. 14 BARBER B., Résistance by Scientists to scientific Discovery, Science, Septembre 1961, vol. 134, p.598.
  • 6. ciel -- qu'il nous est difficile de réaliser à quel point cette révolution intellectuelle a dû être dévastatrice. Après tout, il semble évident que la Terre est immense et immobile, et que le Soleil est petit et en mouvement. Mais n'oublions pas la remarque de Wittgenstein à ce sujet. "Dis-moi", demandait-il à un ami, "pourquoi dit-on toujours qu'il était naturel que les hommes présument que le Soleil tournait autour de la Terre et non que la Terre tourne ?" Son ami lui répondit, "Eh bien, évidemment parce qu'on dirait que le Soleil tourne autour de la Terre." Wittgenstein répondit, "Mais à quoi cela aurait- il ressemblé si on eût dit que la Terre tournait ? »15 Taleb introduit également le terme de « platonicité », qu’il définit comme le fait de « privilégier des constructions mentales claires et nettes par rapport à d’autres objets moins élégants à la structure plus désordonnée et moins souple ». Cette tendance aurait pour conséquence de nous faire croire que nous comprenons plus de choses que ça n’en est réellement le cas.16 Il présente également un ensemble d’erreurs types pouvant altérer la perception humaine : l’erreur de confirmation (la recherche systématique de preuves du connu plutôt que de l’inconnu), l’erreur de narration (la recherche systématique de causalité), la dimension émotionnelle (le caractère non intuitif des cygnes noirs pour l’humain), l’erreur de Diagoras (le biais de l’apprentissage analeptique), la limite de notre imagination (nous nous concentrons massivement sur les cygnes noirs que nous sommes capables d’anticiper, et négligeons de fait encore plus les autres).17 Comprendre, Prévoir, Prédire Le dictionnaire Larousse définit l’action de comprendre comme « faire entrer, compter quelqu'un, quelque chose dans un ensemble, un total ou, en parlant de cet ensemble, les contenir, les englober, les inclure »18. Il y a donc une analogie remarquable entre le fait de rendre un phénomène intelligible, explicable, et celui de l’intégrer dans un modèle plus vaste au sein duquel il trouve son explication. Comprendre pourrait donc être défini comme l’action de « rattacher au modèle ». Cette démarche pourrait être menée de deux façons : en trouvant au phénomène observé une explication intelligible dans le modèle de référence tel que défini alors, ou bien en redéfinissant le modèle de façon à rendre l’apparition du phénomène cohérente dans celui-ci. « Soit l’investigateur n’est pas suffisamment préparé pour voir le fait surprenant (aveuglement, exclusion), soit il n’existe pas encore de cadre conceptuel permettant de l’expliquer. Deux situations peuvent alors se présenter : le chercheur classe le fait en affirmant qu’il ne peut être pris en compte. Il le mettra de côté avant de voir de quelle façon il peut faire une pile de cas identiques (collecte). Soit il existe déjà plusieurs cas du même genre, et le chercheur devra construire le cadre conceptuel 15 DAWKINS R., Why the universe seems so strange, https://www.ted.com/talks/richard_dawkins_on_our_queer_universe 16 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.19 17 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.83. 18 Dictionnaire Larousse, Edition 2014 (6 juin 2013)
  • 7. nécessaire. Même si la catégorie n’est pas tout à fait consistante, ainsi définie, elle est ouverte à un nouveau cadre théorique. »19 Sous ce jour, il semble ainsi logique que la modélisation d’un phénomène mène à des tentatives de prévision à son sujet. On peut définir le fait de prévoir comme le l’action de « concevoir quelque chose par la pensée, l'envisager comme possible, et, en particulier, prendre des dispositions en vue de son éventualité »18. Cette définition dépasse celle de la compréhension car elle associe le fait de comprendre les causes et effets d’un phénomène avec une tentative de quantification de sa probabilité d’apparition sur un plan statistique. La prévision peut quant à elle mener à son tour à la prédiction, que l’on peut définir comme « l’acte d’annoncer par avance ce qui doit arriver, par intuition, raisonnement, conjecture ou inspiration. »18. Cette pratique dépasse celle de la prévision puisqu’elle propose de dépasser la notion de probabilité offerte par l’emploi des statistiques pour se risquer à anticiper les phénomènes à venir. Prédire peut alors être perçu comme un refus de considération d’une valeur statistique aberrante au profit de l’observation d’un phénomène attendu et recherché. A l’heure de la numérisation et de l’automatisation croissante de nos activités humaines, sommes-nous en train de basculer vers une société de la prédiction ? Et si oui, cela a-t-il un impact sur notre capacité à reconnaitre et à utiliser la sérendipité ?20 Quelques limites de la prédiction déjà observables et éléments de réponse En 1936, Merton publia un article sur les conséquences inattendues, voir contre- productive des actions et des décisions humaines21. R. Boudon rebaptisa ce type de phénomènes « effets pervers » en 197722. Il écrit qu’une décision a des effets pervers lorsqu’elle « produit des effets inattendus par rapport aux objectifs visé par l’acteur initial. Ces effets sont le produit de décisions prises par des agents qui communiquent, interprètent, s’adaptent ou se coordonnent face à une situation donnée en fonction d’intérêts différents, voire contradictoires » 19 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.64 20 De la chaleur ajoutée plutôt que des algorithmes et des scripts http://www.collaboratif-info.fr/edito/une-relation-client-en-manque-dhumain-et-de-naturel How Your Location Data Is Being Used to Predict the Events You Will Want to Attend http://www.technologyreview.com/view/526096/how-your-location-data-is-being-used-to-predict-the- events-you-will-want-to-attend/?utm_campaign=socialsync&utm_medium=social- post&utm_source=facebook Aveu d'un pionnier d'Internet : "nous nous sommes trompés de bonne foi" http://meta-media.fr/2014/03/24/aveu-dun-pionnier-dinternet-nous-nous-sommes-trompes-de-bonne- foi.html?utm_source=La+Lettre+de+Petit+Web&utm_campaign=16c934c731- L118&utm_medium=email&utm_term=0_924f520221-16c934c731-8061057 Médias Les algorithmes auront-ils la peau des journalistes ? http://bit.ly/1gCoKTm La conception algorithmique automatise-t-elle nos vies ? http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/03/14/la-conception-algorithmique-automatise-t-elle-nos-vies/ 21 MERTON, R., « The unanticipated consequences of purposive social action », American Sociological Review, 1936, 1, p.814-904 22 BOUDON, R. Effets pervers et ordre social, Paris, PUF, 1977
  • 8. Pourquoi de tels effets ? On peut penser qu’une explication réside dans la notion de décalage entre la réalité et l’analyse qu’on en a faite : « Les frontières d’un système ne sont jamais une donnée naturelle. […] L’effet n’apparait pervers que parce que la globalité du phénomène a été réduite à un sous-ensemble d’actions »23. Le paradoxe est atteint quand le modèle lui-même est générateur d’effets qui altèrent la réalité. J-P Dupuy parle de prophétie anticipatoire : » Il n’y a pas de réalité sociale indépendante des représentations, des anticipations, des prédictions, des significations en générale que les humains se forgent à son sujet. Une représentation, une prédiction peut devenir vraie par le simple fait que les actions et les réactions qu’elle engendre la réalise »24. Or la sérendipité existe comme interprétation juste d’une observation imprévue et surprenante. « Aucune forme de représentation ne peut jamais anticiper l’inconnu, l’impossible, l’arrivée de faits ou de relations, de point de vue ou d’effets pervers, qui sont imprévus ou imprévisibles, et donc surprenants. De même, un système expert ne peut pas non plus improviser ou être surpris, il n’a pas le sens de l’humour, il ne peut pas être effrayé, et n’est pas capable de reconnaitre ce qui est vraiment nouveau. »25 « Un système expert peut assister l’expert mais non lui être substitué. La sérendipité est définie comme l’aptitude à faire des trouvailles. On ne peut pas la planifier mais on peut la développer en tant que faculté précieuse. »26 «Derrière la sérendipité, c’est le réel dans la dimension du temps et de l’espace qui est visé. La spéculation en serait la démarche opposée. Pourquoi ne savait-on pas avant ? Parce que ce n’était pas le même état du monde, parce que le phénomène n’était pas advenu. Pourquoi n’anticipe-t-on pas correctement ? Les statistiques ne sont alors d’aucun secours car même si des classes de situations sont établies, elles ne peuvent couvrir tous les événements possibles car les classes ne sont pas homogènes entre elles.»27 Et si les biais d’interprétation de notre réalité, combinés à la persistance des prédictions, ainsi qu’à un recours inadéquat à la technologie et à la science formelle provoquaient une illusion de certitude, et diminuait d’autant notre attention envers les accidents issus de la sérendipité, et pourtant potentiellement responsables de découvertes importantes et de changements majeurs ? 23 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.215 24 DUPUY, J.P., « Les paradoxes de l’erreur créatrice », dans L'Erreur. De Jacques Oudot et Alain Morgon. Presses universitaires de Lyon, Philosophy 254, 1982, p.165-166 25 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.252 26 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.263 27 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.225
  • 9. Quelques solutions pour redonner sa place à la Sérendipité ? La sérendipité. Une fin en soi ? Une seule réponse à cette première question : non. La sérendipité productive de connaissance est indissociable d’une démarche d’investigation conventionnelle. Loin d’être opposées, ces deux approches sont absolument complémentaires. « L’expérience nous apprend que nous découvrons les vérités les plus profitables souvent même sans les avoir cherchées : alors cela nous apprend aussi que nous trouvons en cherchant. A vrai dire l’accident en soi ne nous donne que la première pensée brute. Quand nous voulons la rendre utile, nous devons la poursuivre et la connecter avec beaucoup de vérités différentes, et tout cela ne peut pas arriver sans pensée intentionnelle. La nécessité de penser ainsi reste donc indubitable […] avant Archimède, maints baigneurs ont dû observer qu’ils pouvaient lever leurs bras dans l’eau plus facilement qu’en dehors. C’est seulement parce qu’ils n’ont pas approfondi la question, qu’il fut le premier à découvrir la loi de la masse volumique. »28 « Pour découvrir, inventer, créer ou décider, il reste essentiel de garder les deux yeux ouverts, l’un pour ce que l’on cherche et… l’autre, pour ce que l’on ne cherche pas : une recherche scientifique originale marche sur deux pieds : l’un sert à tester des hypothèses et l’autre à expliquer des observations surprenantes (i.e. des nouveautés et des anomalies). »29 Première piste : Penser la sérendipité comme une discipline qui se travaille «La questions qui se pose dans notre société aujourd’hui est celle de la possibilité d’accroitre les circonstances hasardeuses, et l’art de les utiliser. Pourtant, par définition, on ne peut pas programmer la sérendipité, l’observation surprenante. On ne la reconnait qu’après coup.”30 « Certains auteurs disent qu’une découverte fondée sur une observation de ce qui n’était pas recherché est le fruit du hasard ou d’un accident. Ce qui n’est jamais vrai. Les observations sont faites parce que l’observateur a un œil sur chaque aberration »31. Pour citer Pasteur : « Souvenez-vous que dans les sciences d’observation, le hasard ne favorise que des esprits préparés.»32 28 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.37 29 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.53 30 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.8 31 COMROE J.H., Retrospectroscope, Insights into Medical Discoveries, Menlo park, Californie, Voon Gehr Press, p.48-9, ref : Charles Lam, « A dissertation on roast pig », The essays of Elias, or ed.1823, repr.1892, Boston, Little, Brown Co, p.177 32 PASTEUR L., dans le manuscrit de sa première intervention comme doyen de la nouvelle Faculté des Sciences à Lille en 1854
  • 10. « Il n’existe pas de sérendipité en dehors de cas spécifique […], ce qui n’empêche pas d’en tirer des généralités et des typologies. L’attention à la sérendipité peut se travailler. Il s’agit moins de la rechercher que d’apprendre à la reconnaitre. »33 « La sérendipité est l’art d’enlever des œillères. Un bon chercheur a besoin d’œillères qui il recherche et étudie mais il peut les enlever quand il observe un fait surprenant qu’il veut interpréter pour en donner une explication correcte, ou mettre au point une stratégie émergente »34. « En tant qu’aptitude personnelle, la sérendipité peut être décrite comme une faculté, une capacité, un talent, dont le développement, inégal d’un individu à l’autre, est considéré soit comme une donnée naturelle, soit comme le fruit d’un apprentissage. Le partage qui est fait ici, entre l’inné et l’acquis, appellerait une analyse approfondie. En tant que phénomène objectif, elle se présente sous la forme d’un processus cognitif dont les diverses définitions accentuent tel ou tel aspect : observation, interprétation, raisonnement, explication, etc. »35 Bourcier et Van Adel suggèrent un enseignement de la sérendipité « comme possibilité d’utiliser l’imagination et la créativité dans l’élaboration de connaissances et de faire de cette faculté une ressource pour l’apprentissage de la recherche […] montrant ainsi que l’histoire de la connaissance s’est construite de façon imprévisible, sans logique prédéfinie et souvent de façon ludique.»36 On pourrait éventuellement spécifier les conditions nécessaires pour faire émerger des faits surprenants : «Des signes particuliers peuvent devenir par sagacité, perspicacité et discernement, l’occasion de découvrir, d’inventer ou de dévoiler ce qui était jusqu’alors caché «37 La sérendipité peut naitre d’une démarche volontaire via une sensibilisation à la théorie et aux exemples référencés, mais s’apprend difficilement en pratique : « par définition, on ne peut pas programmer ses propres observations surprenantes même si on apprend à utiliser sa liberté pour réagir de façon adaptée en face de signes étonnants.» Une façon de faire pourrait être de « concevoir des travaux pratiques où seraient insérés des données surprenantes, puis de confronter un étudiant à son inattention face à une possibilité d’observation étonnante »38. 33 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.35 34 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.256 35 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.34 36 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.258 37 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.209 38 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.255
  • 11. «Une certaine connaissance du mot, du phénomène et des cas de sérendipité aide probablement à réagir de façon optimale quand on fait une observation étonnante.”39 Taleb quant à lui défend l’idée selon laquelle il y aurait deux façons d’appréhender les phénomènes, l’une consistant à exclure l’extraordinaire en se concentrant sur les événements de type « normaux » et « ordinaires », la seconde consistant à analyser en priorité les extrêmes dans le but de comprendre le phénomène40. Une idée que l’on retrouve également dans les écrits de Claude Bernard, ou bien dans ceux de Skinner : « Je constatais un fait nouveau, imprévu par la théorie et que l’on n’avait pas remarqué, parce que l’on était sous l’empire d’idées théoriques opposées auxquelles on avait accordé trop de confiance […] Au lieu de garder la théorie et d’abandonner le fait, j’ai gardé le fait que j’ai étudié, et je me suis hâté de laisser la théorie. »41. « Quand tu tombes sur quelque chose d’intéressant, laisse tout tomber autour de toi et étudie- le »42 Seconde piste : Reconnaitre l’importance de l’abduction et l’encourager « L’abduction est le processus d’une hypothèse explicative. C’est la seule opération logique qui introduit une quelconque idée neuve ; parce que l’induction détermine une valeur et la déduction produit seulement les conséquences inévitables d’une pure hypothèse. La déduction prouve que quelque chose doit être ; l’induction montre que quelque chose marche de facto ; l’abduction suggère seulement que cela est possible. Sa seule justification est que la déduction peut produire une prédiction de cette suggestion, qui peut être testée par induction, et que, si l’on veut apprendre jamais quelque chose, ou comprendre des phénomènes, cela doit être fait par l’abduction. »43 « L’abduction joue par définition un rôle central dans le phénomène de sérendipité mais d’autres raisonnements participent. En effet, l’élaboration de l’hypothèse nécessite de combiner la logique (la déduction et l’induction) avec le raisonnement dialectique ou interviennent postulats, arguments, et contre-arguments. »44 45 Troisième piste : de l’idée aux observations…ou bien l’inverse. Provoquer le hasard « Les anciens Grecs avaient un dieu pour exprimer l’inconnu, un « dieu inconnu », 39 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.9 40 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.18 41 BERNARD C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Librairie Joseph Gilbert, 1943 (Première édition : 1865), p.229, 230 42 SKINNER B.F. Am. Psychol. 1956, 11, p.221 43 PIERCE C.S. Collected Papers, ed C. Hartshorne, P. Weiss and A.W. Burks, vol.7 : 88, Harvard : Belknap Press of Harvard University Press, 3 rd Pr., 1965, 5 : 171 44 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.64 45 Exemples illustratifs : Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel est une déduction (du général au particuliers). Socrate est un homme, or Socrate est mortel, donc tous les hommes sont mortels est une induction (du particulier au général). Socrate est mortel, or tous les hommes sont mortels, donc Socrate est un homme est une abduction (hypothèse par analogie, émergence d’un fait nouveau).
  • 12. Kairos, jusqu’à ce qu’ils adorent le dieu chrétien. A partir de ce moment, l’histoire de la connaissance a emprunté des chemins plus obscurs. […] L’adoration peut écarter le doute qui est à l’origine de la curiosité scientifique, comme le développera Descartes. La raison est alors devenue un autre dieu. Dans un univers complexe comme le nôtre, on peut revaloriser cet ancien dieu grec de l’inconnu pour combattre la répétition et la routine servile du connu devant les faits extraordinaires. »46 «C’est ce que nous avons appelé l’expérience pour voir. On met ce procédé en usage toutes les fois qu’on n’a pas d’idée préconçue pour entreprendre des recherches sur un sujet à l’occasion duquel des observations antérieures manquent. Alors on expérimente pour faire naitre des observations qui puissent à leur tout faire naitre des idées […] il ne faut jamais rien négliger dans l’observation des faits, et je regarde comme une règle indispensable de critique expérimentale de ne jamais admettre sans preuve l’existence d’une cause d’erreur dans une expérience, et de chercher toujours à se rendre raison de toutes les circonstances anormales qu’on observe. Il n’y a rien d’accidentel, et ce qui, pour nous, est accident n’est qu’un fait inconnu qui peut devenir, si on l’explique, l’occasion d’une découverte plus ou moins importante”47 Une idée : repenser notre réaction face aux prévisions, renoncer aux probabilités L’idée de Force exposée par Nassim Nicholas Taleb48 est intéressante : partant du principe que l’erreur de prédiction est inéluctable, elle propose de se focaliser sur la force face aux erreurs de prédictions plutôt que d’améliorer les prédictions elles même. Par exemple en se concentrant sur le caractère dommageable de la survenue de tel ou tel événement plutôt que sur sa probabilité d’apparition. Constat : quelles réelles possibilités d’encourager l’imprévu ? A l’issue de cette documentation des différents concepts constituant l’équation du problème abordé se posaient plusieurs questions distinctes auxquelles le projet allait devoir tenter de répondre : Pour l’usager : comment renoncer à la tentation du contrôle et résister à l’enferment? Comment résister à la tentation du modèle ? Pour le dispositif : comment accueillir l’inattendu ? Comment découvrir par hasard ? Pour le designer : comment aider les gens à trouver ce qu’ils ne cherchent pas ? Comment permettre de voir différemment ce qui est déjà là ? Mon constat était simple : pour découvrir, l’usager a besoin d’être surpris sachant qu’il cherche par tous les moyens à minimiser le risque d’être déçu. Comment résoudre ce paradoxe. 46 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009, p.255 47 BERNARD C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Librairie Joseph Gilbert, 1943 (Première édition : 1865), p.226, 227 48 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, p.12
  • 13. Partie II - Projet / coulisses du projet et Process. D’une volonté d’organisation à la nécessité de déranger Le point de départ : un monde sans sérendipité, une impasse sur la carte de la connaissance ? A l’issue du travail exploratoire développé dans la première partie et portant sur le rôle essentiel de la sérendipité dans la découverte humaine, et sur les limitations possibles de l’utilisation de modèles pour établir une vision réaliste du monde, il s’est alors posé la question de la possibilité de l’application pratique de ces apprentissages dans la conception d’un service/produit/expérience dont la fonction première soit de favoriser la survenue de la sérendipité. Pour mémoire, les cinq spécificités constitutives de la sérendipité selon Robert K Merton sont : l’observation, la non anticipation, l’anormalité, l’importance stratégique, et, in fine, le développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension d’une théorie existante.49 Connaissances, un mot pluriel ? Plus schématiquement, pour mesurer le rôle crucial de la sérendipité dans l’extension possible de la connaissance, et pour reprendre les termes de Donald Rumsfled50, on peut tenter de résumer l’état de la connaissance humaine à un instant donnée en une carte subdivisée elle-même en quatre zones : - Ce que l’on a conscience de connaitre, et qui constitue le savoir disponible à un instant donné. - ce que l’on a conscience de ne pas connaitre, et qui constitue autant de pistes potentielles de développement volontaire du champ de sa connaissance. - Ce que l’on n’a pas (encore) conscience de (déjà) connaitre, enjeux majeur s’il en fut à l’heure des big data et de l’engouement collectif pour les modèles mathématiques, prétendument explicatifs voir prédictifs de nos comportements. - Et enfin, la zone la plus problématique à mon sens, ce que l’on n’a pas (encore) conscience de ne pas connaitre, virtuellement infinie au regard des trois autres zones mentionnées ci-dessus. Le constat direct de cette subdivision, et que, si la quatrième zone est par définition l’endroit où repose l’ensemble des découvertes fondamentales et de rupture restant à faire (pour tant que cette pensée vertigineuse soit quantifiable), elle est également fondamentalement inaccessible. C’est en réaction à cette inaccessibilité que la Sérendipité entre alors en scène et joue un rôle majeur. 49 MERTON R, American Sociological Review, Oct 1948, Vol 13, N.5, p.506-7 MERTON R. The bearing of empirical research on sociological theory, Social Theory and Social Structure, Glencoe III Free Press, 1949, p 256 note 5 50 Citation originale: “There are known knows; there are things we know we know. We also know there are known unknowns; that is to say we know there are some things we do not know. But there are also unknown unknowns – there are things we don’t know we don’t know” DoD News Briefing – Secretary Rumsfeld and Gen. Myers; “New Transcript, U.S. Department of Defense; February 12, 2002. http://defense.gov/transcripts/transcript.aspx?transcriptid=2636
  • 14. Le rôle clef de la Sérendipité En effet, l’observation accidentelle par le découvreur d’un phénomène non anticipé, anormal et d’importance stratégique à terme est une des quelques possibilités de liens directs avez cette zone de la connaissance, depuis laquelle, au prix d’un travail intellectuel, l’observateur pourra formuler un raisonnement inductif qui le mènera au développement d’une nouvelle théorie ou bien l’extension d’une théorie existante. On comprend alors l’l’importance de la Sérendipité dans la recherche ou l’innovation radicale. Elle est une sorte de portail inattendu vers ce quatrième champ ordinairement inaccessible. Il s’agit donc pour le découvreur d’être capable de mesurer consécutivement à ce phénomène inattendu la chance qui lui est offerte de faire une incursion soudaine et involontaire dans le territoire de ce qui reste à découvrir, et de ramener à force de travail cette nouvelle connaissance en terrain découvert.
  • 15. La Sérendipité, un phénomène qu’on ne reconnait qu’à posteriori ? Parallèlement à ce constat se pose une observation d’importance : par définition, nous ne semblons disposer d’aucun moyen de reconnaitre la Sérendipité, encore moins de cultiver les conditions optimales de sa survenue. A l’exception de l’éternel adage de Pasteur qui nous invite à préparer nos esprits et à observer attentivement. C’est en me posant ces questions sur l’opportunité de favoriser la reconnaissance de la sérendipité auprès de tout un chacun que mes observations m’ont conduit à m’inquiéter sur la distraction induite par la consommation excessive d’informations numériques. Une analyse plus poussé des modalités de fonctionnement de ces nouvelles technologies devait conforter cette hypothèse, et plus encore, me faire identifier un facteur de distraction qui, s’il pouvait compromettre la survenue de la sérendipité chez mon observateur, semblait porter également en lui un potentiel de destruction du rôle positif joué par l’imprévu. A la recherche d’un ennemi : l’enfermement avec la numérique Vers un rôle croissant du modèle de représentation… Dans un rapport récent, le Conseil d’Etat51 invite les pouvoirs publics à se pencher sur la question des algorithmes prédictifs, et sur les sources de risques liées au développement de cette technologie. L’algorithme prédictif se définit comme une méthode d’analyse prédictive qui utilise une variété de techniques issues des mathématiques, des statistiques et d’extractions de données en vue d’analyser des faits présents et passés pour faire des hypothèses prédictives sur des évènements futurs. Le Conseil d’Etat met notamment en exergue les deux risques potentiels suivants : Une hyperpersonnalisation des offres et messages adressés aux internautes et consommateurs de manière générale, dont ils ne sont pas maîtres, cette personnalisation conduisant à des risques d’enfermement de l’individu dans une sphère limitée de possibilités et de ségrégation des expériences. Une confiance abusive dans les résultats d’algorithmes perçus comme objectifs et infaillibles, alors qu’ils résultent en tout état de cause d’idées et de choix initiaux non nécessairement objectifs. 51 Laure Landes-Gronowski http://www.alain-bensoussan.com/algorithmes-predictifs/2014/10/17/
  • 16. Pour le Conseil d’Etat, les algorithmes sont des sources de risques pour l’exercice de nos droits fondamentaux : « Face aux risques qu’ils présentent, il convient de définir un véritable droit des algorithmes prédictifs » affirme l’étude. … et ses effets sur les utilisateurs Au-delà des aspects juridiques se posait pour moi une autre question : et si cette hyper personnalisation de l’information consommée par toute un chacun au grès de ses affinités déclarées et supposées annonçait une forme de fin du rôle de la surprise, un monde tout en affinité ? Quelle place imaginer alors pour une découverte qui ne soit pas construite préalablement par un système ? Et quel impact sur le comportement des utilisateurs, qui dès lors n’étaient plus invités à observer le possible mais simplement à attendre que se déroule le prévisible. Ce changement d’état dans la posture même d’observation annonçait-il une compromission d’importance du rôle de la sérendipité ? Afin de le qualifier dans l’ensemble de mes notes de recherche, et en écho avec le fameux quantified self, je baptisais cette hypothèse « Digital Cell » : une consommation continuelle d’informations spécifiquement sélectionnées selon des critères de recherches affinitaires préalables, obtenus par des moyens déclaratifs et comportementaux. Je partais alors en quête de recherches préalablement effectuées sur des sujets similaires. Le pouvoir des algorithmes sur l’humain, une inquiétude partagée. « Les algorithmes ne sont qu'un élément de la computation du monde. Quand on les utilise, on simplifie toujours des systèmes complexes. Le risque est que cette simplification nous aveugle. » - Ian Bogost, Videogame Researcher and Designer « Nul ne veut que les choses travaillent pour nous. Trop souvent, les systèmes font des choix implicites pour nous, mais ne font pas ce que l’on veut. » - Alexis Lloyd, Creative Director, The New York Times R&D Lab « I fear that we are beginning to design ourselves to suit digital models of us, and I worry about a leaching of empathy and humanity in that process. » - Jaron Lanier, Writer, Computer Scientist, Composer of Classical Music « With self-tracking we end up optimising our behaviour within the existing constraints rather than changing the constraints to begin with. It places us as consumers rather than citizens. » - Evgeny Morozov, Writer, Researcher, Senior editor at The New Republic « Depuis que les citoyens sont moins dépendants des journalistes pour accéder à l’information, ils s’intéressent davantage aux sujets dont ils sont déjà familiers. Alors que nous nous trouvons facilement des communautés correspondant à nos centres d’intérêt et à nos préjugés, nous ne sommes guère invités à sortir de notre bulle. » Ethan Zucherman. Director of the MIT Center for Civic Media
  • 17. Chacun de ces observateurs nourrissait mon inquiétude : renforcement des convictions et pré supposés antérieurs, hyper spécialisation dans des domaines choisis, diminution du temps d’attention à la survenue possible d’informations ou de faits non recherchées, ou allant à l’encontre des croyances initiales, individualisation renforcée de la perception singulière des autres et de l’existence. Le numérique prenait soudainement un aspect bien obscur. « Mais nos fantasmes de substitution nous ont coûté. Maintenant nous devons tous nous concentrer sur les nombreuses façons dont la technologie peut nous ramener à nos vies réelles, à nos propres corps, nos propres communautés, nos propres politiques, notre propre planète. Ils ont besoin de nous. Parlons de la manière dont nous pouvons utiliser la technologie numérique, la technologie de nos rêves, pour faire de cette vie la vie que nous pouvons aimer. » Sherry Turkle, Professor at MIT, Social Studies of Science and Technology Axe de directions possibles de prime abord Recherches et pistes surprenants : Camps de vacances pour Adulte : Digital Detox Urbanisation / Mobilisation Règlementation Normes Crash volontaire / Hack / Prise de conscience Les points communs de ces différentes orientations : Réalité Diminué. Restriction. Un monde sans digital, choisi ou subit. Ne pas laisser le choix à l’utilisateur, problème. Equivalent d’une diète, d’un régime, vœux pieu
  • 18. Détourner l’usage plutôt que restreindre Philosophies : Objets détournés de Campani Détourner Objet font prendre conscience de l’utilité par le manque Pendant très longtemps mon erreur : il faut encourager la sérendipité. Encourager l’imprévisible. Organiser l’imprévisible. Par définition antagoniste ? Plutôt qu’organiser l’Imprévisible Désorganiser le prévisible. Dans certains conditions, l’humaine est tout à fait disposé à prendre contact avec l’inconnu, on peut le retrouver dans la dimension expérientielle du succès de certains services récents comme Air BnB, Couch Surfing Désir de connexion. Désir de contact. Et une série de reflexes qui le poussent, au- delà de consommer, à générer du contenu. Il y avait là une possibilité d’intercepter un comportement déjà ancré pour mieux le détourner.
  • 19. « Il est urgent d’organiser la rencontre avec les surprises, de mettre au point des outils qui aident à rechercher l’inconnu. » Ethan Zucherman Director of the MIT Center for Civic Media Nouvelle mission, nouvelle vision Offrir une réalité alternative au quotidien « augmenté », une nouvelle perspective à partir des mêmes comportements. Ne pas inventer quelque chose de nouveau, qui nécessite un nouvel apprentissage, simplement prolonger un usage actuel de façon à ce que quand l’usager procède comme à son habitude, il puisse sans effort pousser une nouvelle porte. Détourner une expérience ordinaire de son but initial en proposant de l’inattendu digne d’intérêt, un moyen de s’évader de son référentiel. Un support : le smartphone, accusé parmi tous d’être le facteur majeur de distraction de l’attention contemporain et extension technologique par excellence. Avec lui nait une nouvelle forme de contenu qui change l’aspect du web : le partage massif de photographies mobiles. Ce constat est attesté et documenté par une étude TNS Sofres 2009 qui nous informe que : 90 % des jeunes de 12 à 17 ans possèdent un téléphone portable muni d’un appareil photo numérique 86 % d’entre eux envoient des photos avec leur téléphone 74 % envoient également des vidéos
  • 20. Une autre étude Credoc 2012 nous apprend également que 80 % des adolescents fréquentent un réseau social 92 %, d’entre eux utilisent Facebook 74% recourent au partage de photos et de vidéos Les possesseurs de smartphones sont plus enclins que les autres à partager leurs photos Par mail : 71 % vs 66% Par MMS : 57 % vs 41% Via les réseaux sociaux 42 % vs 33% Les usages étaient là, restait à définir les enjeux potentiels qui se dissimulaient derrière ces multiples connexions.
  • 21. Pourquoi les gens se connectent en ligne Vraisemblablement trois motivations fondamentales 1. Recréer un lien intime avec des sphères communes individuelles ou communautaires. Poursuivre un lien réel 2. Lien utile : recherche communauté d’affinité. Connexion offre / demande 3. Aucun Lien. Connexion hasardeuse. Un point commun aux trois : démarche consciente et volontaire de prolonger, provoquer ou expérimenter le contact. Une réflexion : la place du lien révélé ? Définition du lien révélé : révélation par l’interface à l’occasion d’une pratique de documentation de son quotidien qu’on partage quelque chose avec un/une inconnu(e). Se substitue à la recherche volontaire. C’est le motif qui amène aux autres. Pas une démarche volontaire et consciente d’aller à la rencontre
  • 22. Pourquoi les gens prennent-ils des photos ? Evolution du rôle de la photographie : d’un outil à un service, puis à une expérience, d’abord individuelle, puis collective. La photo comme une fonctionnalité, une possibilité de connexion et d’échanges. Cet angle se retrouve dans l’engouement ciblé pour les applications photos portant sur l’aspect communautaire de leur échange
  • 23. Exemple d’applications utilisant le média photographique comme vecteur de rencontres imprévues et potentiellement affinitaires. Color Prendre des photos pour tous les autres utilisateurs environnant Acteur d’un multi angle collectif Enseignement : expérience déceptive car nécessitant une communication inter acteurs synchrone. Sketchy Nouveau type de lien qui n’a d’autre motivation que l’intérêt de représenter l’autre Galeries de photos, et possibilité de faire la représentation graphique des photos de son choix.
  • 24. Exemple d’entretien exploratoire mené dans le cadre de ma recherche. Jean-Tristan est un touriste expérimental. Il dit dépasser sa « perception du risque », en se rendant dans des pays réputés dangereux et en suivant des protocoles de déplacements qui sont à l’origine de découvertes surprenantes. L’intérêt ? Jouer avec les limites de son « cadre » et de sa « zone de confort ». Découvrir le « off the grid ». Il est très critique à l’égard des systèmes de recommandations touristiques, qui dénaturent selon lui « l’authenticité » des endroits et volent « l’instant des autres gens, par définition unique». Son constat : « Les gens sont soit dans l’avant avec l’anticipation et la sécurisation à outrance, soit dans l’après avec la collecte d’instants qu’ils partageront, ils n’expérimentent pas le présent». Ce qui change c’est le regard. Test : démarche d’exploration terrain menée à Beaubourg avec partage de photographies via un polaroïd. Constat : Photo + Message. Surenchères dans les messages d’affection
  • 25. Conférence C2MTL - Abignail Posner – Head of Strategic Planning for Google. Propos : le Visual web est un endroit où les gens font des créations non pas pour se faire connaitre mais pour faire rire les gens, qui du coup les font rire à leur tour. Hilarité générale auto renforcée. Enseignements Principe : procédé de prise de photos avec envoie systématique à autrui dans un temps asynchrone. Déletion isn’t defaults : si les gens contrôlent ce qu’il publie et l’édite à leur grès, la permanence n’est pas un souci majeur. Possibilité d’échange, de collection Prolongement d’une habitude, regard différent. Pas de démarche volontaire, action, découverte connexion.
  • 26. PROJET ODZ - Life’s a journey. Meet your fellow Travelers! ODZ est une application mobile qui vous permet de découvrir les points communs entre vos photos et celles de tous les autres usagers. Elle vous permet d’explorer les matchs photographiques des usagers, de découvrir les usagers qui matchent avec vos photos, et de rentrer en contact avec eux ! Conçue pour être l’extension des applications les plus populaires du Visual web telles qu’Instagram, Tumblr, Flickr ou Pinterest, elle offre aux accros du smartphone la possibilité de porter un nouveau regard sur leurs photos. En analysant les métadonnées des images postées par les utilisateurs, elle leur offre en un instant un panorama infini de tous les autres moments de vie qui se déroulent dans les mêmes lieux, et dans le même temps. Véritable invitation au voyage, elle se veut une porte de sortie d’un monde connu et familier vers l’immensité de toutes les aventures humaines, et un vecteur de rencontres entre personnes connectées par les mêmes lieux, instants ou événements.
  • 27. Une expérience progressive, trois niveaux d’engagements Première étape Test : navigation dans l’application et observation des matchs réalisés Seconde étape Production de contenu et expérimentation des matchs personnels possibles Troisième étape Contact possible avec un ou plusieurs match obtenu Possibilités de connexion avec un ensemble de comptes existants afin de bénéficier de contenu préalablement produit. Possibilité de financer le produit via un don unique ou bien exposition à une bannière de publicité à chaque lancement.
  • 28. Architecture d’informations Exemple : présentation d’un match. Possibilité de retour. Navigation dans les photos constitutives du match. Aimer, Voir commentaires, Commenter, Partager. Navigation Standard. Règles de navigation Navigation inter catégories de matchs
  • 29. Défilement de l’ensemble des matchs réalisés dans cette catégorie Déclaration « Like » d’un match effectué par l’application. Navigation au sein d’un match avec possibilité d’accéder à la vision et aux information spécifiques de chacun des photos utilisées.
  • 30. Production de contenu Mode Appareil Photo Mode Upload parmi Gallerie d’images Proposition de Match Présentation de Match
  • 31. Notifications relatives aux Matchs Navigations dans les Matchs proposés Evolutions technologiques possibles Etape 1 : Matchmaking à partir des informations déclaratives individuelles. Etape 2 : Matchmaking à partir des informations issues de l’actvité de la base utilisateurs Etape 3 : Matchmaking à partir des corrélations établies avec des data Internet externes
  • 32. Evolutions expérience possibles Gamification Retrouver le point de vue d’une photo existante. Scores, incitations à découvrir avec de nouveaux angles un lieu familier. Condition de la mise en relation. Génération de photos non matchables récompensée.
  • 33. PARTIE III - Synthèse et analyse de ce projet. Questions du jury Encore un algorithme ? Si l’objectif avoué de ce projet était de désorganiser le prévisible, on retrouve in fine une proposition de valeur dont le fonctionnement repose sur un algorithme. Y- a-t-il une part d’ironie dans ce constat ? N’est-ce pas contradictoire ? Internet c’est comme le câble, vous avez trois cent chaines et vous allez tout le temps sur les cinq même. En dépit de toutes les bonnes résolutions, d’un souhait authentique de diversifier leur pratique et d’introduire de la nouveauté dans leur existence, trop souvent les usagers retombent dans leurs habitudes premières. Et je voulais prendre ce constat en observation dans le design de ma solution. Plutôt que d’espérer changer les choses à travers un instant de révélation qui aurait conditionné une modification en profondeur des habitudes de mes usagers, j’ai souhaité leur offrir la possibilité d’un nouveau regard sur le monde au travers de pratiques existantes et sans nécessité d’introduire de nouveaux comportements. Mon but est de les aider à reconnecter avec une réalité si immédiate, si concrète, si présente qu’on l’oublie. Il s’agit plus de mettre en exergue la présence et l’existence réelle d’autres personnes autour d’eux, dans leur monde, à ce moment précis, et qui peuvent nourrir des intérêts communs. A partir de la documentation de ses propres pratiques, aller vers l’autre au lieu de rester centré sur soi-même. On peut regretter que ce soit un algorithme qui le fasse, mais son but n’est que de reproduire une réalité déjà présente, pas d’en créer une nouvelle. Quelle vision financière ? Le financement et la survie à terme de ce projet semble correspondre au modèle d’un réseau social. Quelle vision à terme pour ce projet ? Derrière le fonctionnement de ce projet repose l’impératif de construire une communauté d’utilisateurs réguliers. Pourquoi ne pas faire Meetstagram ? S’appuyer sur un socle existant ? C’est tout l’enjeu du développement d’un programme via l’API Instagram. La démarche logique serait de le faire comme ça, une touche en haut à droite dans Instagram Questions complémentaires : Est-ce que légalement ça passe ? Instagram est-il à la recherche de ce genre d’applications ? Quelle place et quel poids dans l’écosystème ?
  • 34. Financement par le don et la publicité ? Est-ce un impératif ? N’est-il pas envisageable de faire payer les utilisateurs ? Par défaut : avec pub ou bien payer une fois pour l’enlever définitivement. Option d’utilisation par abonnement : discriminant. Même acheter l’appli. Pourquoi ? Parce que la diffusion et la viralité reste fortement conditionnée à l’utilisation par les15-25 ans, lesquels ne dispose pas de pouvoir d’achat en propre. Options : fonctionnalité additionnelles payantes BtoB J’ai envie de casser les codes, de mettre en contact les gens sur des sujets hors business ou des intérêts collatéraux. Un moment de vie identifié mène vers quelque chose d’imprévisible mais qui aura la particularité de partager à minima un critère C2MTL, Connecting People52 Connaissez-vous Hubert ? Lui il connait tout le monde ici ! Hub, de son petit nom, c'est la plateforme déployée spécialement à l'occasion du C2MTL et sur laquelle sont vivement invités à s'inscrire l'ensemble des participants. Moitié site de rencontre, moitié réseau social, Hub répond à une mission triple : permettre à chaque participant de se présenter à l'aide d'un profil personnel, de documenter l'ensemble de ses centres d'intérêts et compétences, et enfin d'exprimer le pourquoi de sa présence au C2MTL.Une fois l'ensemble des données collectées, et une pincée de magie algorithmique plus tard, chacun peut découvrir les profils d'experts se proposant de l'aider à plancher sur ses problématiques. Il ne reste alors plus qu'à s'écrire et à réserver des créneaux de travail dans l'agenda en ligne. Un parfait catalyseur numérique de la raison d'être du C2MTL ! 52 R. RIVAS. C2MTL, Une Expérience se vit autant en ligne que hors-ligne https://www.linkedin.com/pulse/article/20140701060659-33844597-3-le%C3%A7ons-de-mon-c2mtl- 2014-le%C3%A7on-n-2-une-conf%C3%A9rence-se-vit-autant-en-ligne-que-hors-ligne?trk=mp-reader- card
  • 35. Bibliographie BACON F., The works of Francis Bacon, facsimile — Neudruck der Ausgabe von Spedding, Ellis und Heath, London, 1857 — 1874, Vierter Band, The advancement of learning, Stuttgart, Fromann, 1962 BARBER B., Résistance by Scientists to scientific Discovery, Science, Septembre 1961 BERNARD C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Librairie Joseph Gilbert, 1943 (Première édition : 1865) BOUDON, R. Effets pervers et ordre social, Paris, PUF, 1977 BOURCIER D. et VAN ADEL P., De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit. Leçons de l’inattendu. L’Act Mem, 2009 COMROE J.H., Retrospectroscope, Insights into Medical Discoveries, Menlo park, California, Voon Gehr Press, p.48-9, ref : Charles Lam, « A dissertation on roast pig », The essays of Elias, or ed.1823, repr.1892, Boston, Little, Brown Co DUPUY, J.P., « Les paradoxes de l’erreur créatrice », dans L'Erreur. De Jacques Oudot et Alain Morgon. Presses universitaires de Lyon, Philosophy 254, 1982 LAPLACE P.S de, 1776a; Œuvres Complètes, VIII p.145, cité en anglais dans P.-S. La place, Marquis de (1749 - 1827), Dictionary of Scientific Biography, Ch.C. Gillipsie, New York, Ed. Ch. Scribner’s sons, 1981, Vol. 15 LAROUSSE Dictionnaire, Edition 2014 (6 juin 2013) LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 28 janvier 1754 à Horace Mann, XII, 1937 LEWIS W.S. Horace Walpole’s Correspondence, Lettre du 10 septembre 1789 à Hannah More, XII, 1937 MERTON R, American Sociological Review, Oct 1948, Vol 13, N.5 MERTON R. Sociological Theory, American Journal of Sociology, 1945 MERTON R. The bearing of empirical research on sociological theory, Social Theory and Social Structure, Glencoe III Free Press, 1949 MERTON R., « The unanticipated consequences of purposive social action », American Sociological Review, 1936, 1 PASTEUR L., dans le manuscrit de sa première intervention comme doyen de la nouvelle Faculté des Sciences à Lille en 1854
  • 36. PIERCE C.S. Collected Papers, ed C. Hartshorne, P. Weiss and A.W. Burks, vol.7 : 88, Harvard : Belknap Press of Harvard University Press, 3 rd Pr., 1965 SKINNER B.F. Am. Psychol. 1956 TALEB N.N., 2012, Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2007 Webographie Richard Dawkins Why the universe seems so strange, https://www.ted.com/talks/richard_dawkins_on_our_queer_universe De la chaleur ajoutée plutôt que des algorithmes et des scripts http://www.collaboratif-info.fr/edito/une-relation-client-en-manque-dhumain-et-de- naturel How Your Location Data Is Being Used to Predict the Events You Will Want to Attend http://www.technologyreview.com/view/526096/how-your-location-data-is-being- used-to-predict-the-events-you-will-want-to- attend/?utm_campaign=socialsync&utm_medium=social-post&utm_source=facebook Aveu d'un pionnier d'Internet : "nous nous sommes trompés de bonne foi" http://meta-media.fr/2014/03/24/aveu-dun-pionnier-dinternet-nous-nous-sommes- trompes-de-bonne- foi.html?utm_source=La+Lettre+de+Petit+Web&utm_campaign=16c934c731- L118&utm_medium=email&utm_term=0_924f520221-16c934c731-8061057 Médias Les algorithmes auront-ils la peau des journalistes ? http://bit.ly/1gCoKTm La conception algorithmique automatise-t-elle nos vies ? http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/03/14/la-conception-algorithmique- automatise-t-elle-nos-vies/