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Magistère C2I : Communication Interculturelle de l’Inalco
                   Filière Communication et Formation Interculturelles
                Institut National des Langues et Civilisations Orientales




                      Les sports d’aventure :
   Vecteurs de la démarche interculturelle




                     Mémoire de fin de première année soutenu par
                                        Valentin CADIOT




Directeur de recherche : Peter Stockinger                                   Promotion 2011-2012

      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   1
                                         INALCO, 2012
Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   2
                                   INALCO, 2012
Cadiot, Valentin : « Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle. »
Rapport        pour l’obtention du Diplôme du Magistère de niveau M1 en Communication
Interculturelle de l’INALCO (Mag-C2I). Paris, Institut National des Langues et Civilisations Orientales
(INALCO) – Filière de Communication et Formation Interculturelle (CFI), 2012




                                       Jury d’examen

                                         1 – Peter Stockinger
                                          2 – Michel Fournié




       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,    3
                                          INALCO, 2012
A François,
                                        sans qui je n’aurais jamais découvert la montagne.




Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   4
                                   INALCO, 2012
Résumé
      « Les    sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle ». Le
problème posé dans ce travail consiste à essayer de comprendre dans quelles
mesures la pratique d’une activité sportive dite « d’aventure » engendre un dialogue
des cultures, et d’analyser en quoi le tourisme d’aventure favorise-t-il la découverte
et le respect des autres cultures. L’objectif est donc double. Il est à la fois de
démontrer que la pratique de ces sports participe au développement de la démarche
interculturelle, et de montrer que le tourisme d’aventure offre une alternative au
tourisme de masse, en terme de respect de la diversité culturelle.
       L’étude de ce sujet a été faite en se fondant sur trois sports d’aventures
représentatifs : l’escalade, l’alpinisme et le trekking, en étudiant en particulier le
développement du trekking et de l’alpinisme au Népal, et ses conséquences sur les
populations, ainsi qu’en s’appuyant sur des points de vue de professionnels des
sports d’aventures : des guides de haute montagne et des formateurs à l’ENSA
(Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme).
       La pratique des sports d’aventure permet donc d’engendrer des rencontres
interculturelles, mais celles-ci ne sont pas sans conséquences, et il convient de les
identifier et de les comprendre.


                                          Abstract
       « Adventure sports: vectors of the intercultural approach ». The problem in this
work is to understand to what extent the practice of an “adventure sport” creates a
dialogue between cultures, and to analyze how adventure tourism does promote the
discovery and respect of other cultures. There are two main goals in this work. It is
both to demonstrate that these sports helps develop the intercultural approach, and
to show that adventure tourism offers an alternative to mass tourism, in terms of
respect for cultural diversity.
       This study was based on three representative adventure sports: rock-climbing,
mountaineering and trekking, exploring in particular the development of trekking and
mountaineering in Nepal, and its consequences on local populations, as well as
asking the point of view of professionals about adventure sports : mountain guides
and instructors at the ENSA (National School of Ski and Mountaineering) located in
Chamonix, France.
       The practice of adventure sports can therefore lead to intercultural encounters,
but these are not without consequences, and should be identified and understood.

                                          レジュメ
   「冒険のスポーツ:アプローチの異文化間のベクトル」。この論文の課題
は「冒険」と呼ばれるスポーツの行うことは異文化間の対話を生成します。どの程
度まで理解しようとすると、冒険旅行が推進方法を分析することであることか他の
文化のための発見と尊敬しますか?目的は 2 つあります。それは両方がこれらのス
ポーツが異文化アプローチを開発し、冒険旅行は、文化的多様性の尊敬の観点から、

      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   5
                                         INALCO, 2012
マスツーリズムに代わるものを提供することを示すに役立つことを実証することで
ある。
   この主題の研究は 3 つの代表的な冒険のスポーツに基づいて行われます:ロッ
ククライミング、登山、とトレッキング。特にネパールでトレッキングや登山の発
展、と国民にその結果を分析します。ついに、冒険のスポーツのプロの視点で描き
ます:そのプロは ENSA(スキーと登山の国立学校)での山岳ガイドやインストラ
クター。
冒険のスポーツの行うことは、したがって、異文化間の出会いにつながることがで
きますが、これらは影響がないわけではありません。それらを識別し、理解する必
要があります。




  Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   6
                                     INALCO, 2012
Sommaire
RESUME………………………………………………………………………………………………………….5
ABSTRACT……………………………………………………………………………………………………....5
レジュメ...............................................................................................................................................5
AVANT-PROPOS………………………………………………………………………………………………..8

CHAPITRE 1 INTRODUCTION : SPORTS D’AVENTURE ET INTERCUTUREL……………………….9
  1.1 LES SPORTS D’AVENTURE...........................................................................................................9
  1.2 L’INTERCULTUREL……………………………………………………………………………………………….10
  1.3 LIEN ENTRE SPORTS D’AVENTURE ET DEMARCHE INTERCULTURELLE…………………..…….10
      1.3.1 Le tourisme d’aventure…………………………………………………………………………10
      1.3.2 Problématique…………………………………………………………………………………..11

CHAPITRE 2 DEMARCHE DE MA RECHERCHE…………………………………………………………12
  2.1 LES OBJECTIFS DE MON ETUDE…………………………………………………………...…………12
  2.2 LES DIFFERENTS AXES DE RECHERCHES……………………………………………………..……12
      2.2.1 Trois sports définis……………………………………………………………………………..12
      2.2.2 « Porteurs de l’Himalaya » : Un ouvrage spécifique………………………………………..13
      2.2.3 Le point de vue d’un guide de haute montagne……………………………………………..13
       2.2.4 L’offre de voyage des agences de tourisme d’aventure……………………………………14

CHAPITRE 3 L’ESCALADE…………………………………………………………………………………..15
  3.1 PRESENTATION DU SPORT…………………………………………………………………………...15
  3.2 LA « CULTURE DU ROCHER »……………………………………………………………………...….17
  3.3 L’ESCALADE ET LA DEMARCHE INTERCULTURELLE………………………………………...……..18

CHAPITRE 4 LE TREKKING ET L’ALPINISME……………………………………………………………20
  4.1 LE TREKKING, UN NOUVEAU MODE DE TOURISME……………………………………………..….20
  4.2 L’ALPINISME, UNE SOURCE DE RICHESSE INTERCULTURELLE…………………………………..20
  4.3 DES PERCEPTIONS DIFFERENTES DE LA MONTAGNE……………………………………………..22
      4.3.1 Montagne et spiritualité………………………………………………………………………...22
      4.3.2 La vision occidentale de la montagne………………………………………………………..24
      4.3.3 Etude de cas : La vision de la montagne au Népal…………………………………………24

CHAPITRE 5 SPORTS DE MONTAGNE ET DIVERSITE CULTURELLE………………………………27
  5.1 LA CONQUETE DES ALPES ET DE L’HIMALAYA…………………………………………………...…27
      5.1.1 Les Alpes, un affrontement des Nations……………………………………………………..27
      5.1.2 L’Himalaya, un nouveau terrain de jeux……………………………………………………..29.
   5.2 L’ATTRAIT POUR LES VACANCES SPORTIVES PROCHES DE LA NATURE, UN PHENOMENE
CULTUREL ? ..........................................................................................................................................30
          5.2.1 La clientèle du trekking………………………………………………………………………...30
          5.2.2 Le développement du trekking dans le tourisme……………………………………………32
          5.2.3 Les raisons qui poussent l’Homme à faire de l’alpinisme………………………………….33.
      5.3 LES ARGUMENTS DE VENTE DES AGENCES DE VOYAGES D’AVENTURE………………………..34

CHAPITRE 6 ETUDE DE CAS : LE TREKKING ET L’ALPINISME AU NEPAL……………………….36
  6.1 LA DIVERSITE ETHNIQUE DU NEPAL ET LE MYTHE DU SHERPA………………………………….36
  6.2 LE RAPPORT OCCIDENTAUX/GUIDES ET PORTEURS NEPALAIS………………………………….37
      6.2.1 Les conséquences de la rencontre Occident/Népal par le tourisme d’aventure………...37
      6.2.2 L’acculturation : Un des risques de la rencontre interculturelle ? ...................................38

CONCLUSION …………………………………………………………………………………………………40
ANNEXE…………………………………………………………………………………………………………43
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………………….44
FILMOGRAPHIE………………………………………………………………………………………………..44
RESSOURCES INTERNET…………………………………………………………………………………...44

           Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,                                                7
                                              INALCO, 2012
Avant-propos

         Le choix de ce sujet de travail de recherche découle de ma passion pour les
sports d’aventure, et en particulier des sports de montagne, comme l’escalade et
l’alpinisme. De mon expérience personnelle, et avec le temps, j’ai peu à peu réalisé
que c’est la pratique de ces sports qui m’a encouragé à voyager et qui m’a permis de
m’ouvrir sur le monde, sur ses différentes cultures, et ses langues multiples.
         Pour le mémoire de fin de première année, à rédiger dans le cadre du
magistère en communication interculturelle de l’Inalco, j’ai donc immédiatement
pensé à trouver un sujet de recherche combinant à la fois ma passion pour les sports
d’aventure, mon goût pour les voyages, et mon intérêt pour la communication
interculturelle dans tout ce qu’elle implique.
         Je suis donc très heureux d’avoir pu réaliser ce travail, qui vise à démontrer
que la pratique des sports d’aventure engendre un processus de démarche
interculturelle.
         Ces sujets d’études me passionnent, je vous laisse les découvrir.


                                                                                   Valentin Cadiot
                                                                                 Paris - 03/06/2012




       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   8
                                          INALCO, 2012
Chapitre 1
         I n t r o d u c t i o n : Sp o r ts d ’ a v e n t u r e e t
                               interculturel

      1.1 Les sports d’aventure


      Le terme de « sport d’aventure » est assez large, est renvoie à des activités
sportives qui se pratiquent majoritairement en milieux naturels, que ce soit en
montagne, en mer, dans des déserts, des forêts, sur des rivières, etc…
      Nous pouvons essayer de faire une liste des sports d’aventures : Sports de
montagne (ski, alpinisme, escalade, randonnée,…), les sports d’eau (surf, kayak,
voilier, rafting, canyoning,…), les sports aériens (parapente, kite surfing, …) ou
encore le cheval, le VTT, la spéléologie, etc… Mais il est difficile de réaliser une liste
exhaustive de ces sports. En effet, la limite de ce qu’est un sport d’aventure n’est
pas clairement définie. D’un point de vue général, le sport d’aventure implique un
goût pour l’effort physique, un goût pour l’aventure, mais également un désir de
découverte, que ce soit la découverte d’une région du globe ou d’un milieu naturel
bien précis.
      Ainsi    les   sports    d’aventure       se   pratiquent      souvent        en   fonction   de
l’environnement naturel du pays où l’on est, de son climat, et de sa géographie.
Selon le pays où l’on se trouve, les conditions environnementales qu’il offre ne
permettent que la pratique de tel ou tel sport d’aventure. Certains pays sont donc
connus    particulièrement      parce     que     leur   milieu    naturel     et    les   conditions
géographiques permettent la pratique d’un sport d’aventure précis. Par exemple, le
froid et la neige du grand nord canadien permettent de faire du chien de traîneaux,
les vagues de Hawaii favorisent la pratique du surf, ou encore les dunes de sables
du désert du Sahara encouragent la pratique du trekking et de la randonnée.
      Nous pouvons donc dire que la pratique d’un sport d’aventure bien particulier
implique à la base un intérêt ou au moins une curiosité pour la « culture
environnementale et climatique » du pays d’origine de la pratique de ce sport.
      C’est pourquoi les sports d’aventures favorisent les « voyages d’aventures »


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,     9
                                         INALCO, 2012
1.2 L’interculturel


           D’un point de vue très général, le terme « interculturel » désigne une situation
d’interaction entre des individus de cultures différentes. Il existe de très nombreuses
définitions de la culture, voici l’une d’entre elles : « L’ensemble des traits distinctifs,
spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un
groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances.1 »
           Il est important de prendre conscience de l’ampleur de la diversité culturelle
présente sur le globe. En effet de nombreuses « aires culturelles », elles mêmes
divisées en « sous cultures » couvrent l’ensemble du monde, où chacune a ses
particularités et des codes culturels différents. En connaissance de cette réalité, il est
devient alors intéressant d’observer et de comprendre ce qu’il se passe lorsque deux
individus ou deux groupes d’individus aux codes culturels différents entrent en
interaction les uns avec les autres.
           Les notions de communication interculturelle et de démarche interculturelle
prennent alors tout leur sens, et témoignent d’une volonté d’un groupe culturel aux
codes culturels bien spécifiques à entrer en interaction avec un autre, à générer un
processus de communication et de découverte de l’autre. La démarche interculturelle
signifie que l’on prend part à un processus de communication interculturelle, et cela
suppose de : se décentrer (c'est-à-dire objectiver son propre système de références,
à s’en distancier, et donc de s’ouvrir à l’existence d’autres systèmes), se mettre à la
place des autres (c'est-à-dire développer des capacités d’empathie, et ne pas
généraliser), coopérer (dépasser les préjugés, faire la démarche d’essayer de
comprendre l’autre, comment il perçoit la réalité et comment il me perçoit).

          1.3 Lien entre sports d’aventure et démarche interculturelle


      1.3.1 Le tourisme d’aventure




1
    Définition de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture)
           Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,    10
                                              INALCO, 2012
Pour comprendre le lien qui relie les sports d’aventure et la démarche
interculturelle, il convient de revenir au fait que la pratique des sports d’aventure
implique majoritairement le désir de la découverte d’un nouveau milieu naturel, et
d’un nouvel environnement, souvent d’un nouveau pays. Pratiquer un sport
d’aventure encourage donc à voyager et à pratiquer ce que l’on appelle le « voyage
d’aventure », donc de pratiquer le tourisme d’aventure, c'est-à-dire voyager dans une
optique de découverte d’un nouveau lieu et ce au moyen d’une activité sportive. « Le
tourisme d’aventure désigne par là des voyages de découverte d’un pays lointain,
dans des régions peu touchées par le tourisme de masse, selon une thématique à la
fois sportive et culturelle.2 »
          Le rôle du tourisme d’aventure est donc très important car c’est bien lui qui
permet de mettre en route le processus de démarche interculturelle, en envoyant les
pratiquants de sports d’aventures découvrir de nouvelles régions du monde et les
cultures qui leur sont rattachées.


      1.3.2 Problématique


          Ainsi, c’est en m’intéressant à la pratique des sports d’aventure et aux
voyages que celle-ci peut entraîner, que je me suis posé deux questions, auxquelles
je vais tenter de répondre tout le long de ce travail :


      -    Dans quelles mesures la pratique d’une activité sportive dite « d’aventure »
           engendre-t-elle un dialogue des cultures?


      -    En quoi le tourisme d’aventure favorise-t-il la découverte et le respect des
           autres cultures?




2
    SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p14.
        Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,         11
                                           INALCO, 2012
Chapitre 2
                        Démarche de ma recherche

       2.1 Les objectifs de mon étude


       Mes recherches traitent deux sujets bien distincts : les sports d’aventures et la
démarche interculturelle, et visent à comprendre le lien qui les unis. Ainsi mon
objectif pour ces études est double.
       Dans un premier temps, je souhaiterais démontrer que la pratique d’un ou des
sport(s) d’aventure, participe au développement de la démarche interculturelle, et
ceci pour plusieurs raisons que nous allons étudier tout au long de ce travail.
       Dans un second temps, et après avoir défini le lien qui unissait les sports
d’aventure, la démarche interculturelle, et le tourisme d’aventure, je chercherais à
montrer en quoi le tourisme d’aventure pourrait offrir une alternative au tourisme de
masse, en terme de respect de la diversité culturelle.


       2.2 Les différents axes de recherches


       Mon travail sur les sports d’aventure et la démarche interculturelle se fondera
sur quatre axes de recherches et d’analyses, énoncés ci-après :


   2.2.1 Trois sports définis


       Tout d’abord, le terme de sports d’aventure étant relativement large et lié à
plusieurs interprétations, il sera difficile de traiter le sujet dans sa globalité, c'est-à-
dire d’étudier dans le détail une liste exhaustive de tous les sports d’aventure
existant.
       C’est pourquoi pour traiter mon sujet, je vais me baser sur l’étude de la
pratique de trois sports en particulier, qui sont représentatifs des sports d’aventure et
illustrent bien ce que je vais chercher à démontrer dans mon travail.
       Il s’agit :


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   12
                                         INALCO, 2012
- De l’escalade : Le but de ce sport est de gravir un rocher ou une falaise de
tailles variables à l’aide de ses mains et de ses pieds. Pour ce sport, les grimpeurs
auront également besoin d’un matériel adapté (chaussons d’escalade) pour assurer
leur sécurité (baudrier, corde, casque,…)


       - Du trekking : On parle également de « randonnée » ou de « grande
randonnée » pour ce sport. Il consiste à marcher à pied pour une durée d’un à
plusieurs jours, le plus souvent dans des régions montagneuses (Himalaya, Haut-
Atlas marocain, les Andes,…), mais également dans des zones de hauts plateaux
(Tibet oriental et central, altiplano bolivien,…) ou des déserts (désert du Sahara).


       - De l’alpinisme : Cette pratique sportive consiste à gravir des montagnes en
haute altitude, et ce, à l’aide de ses membres et de matériel de montagne (corde,
baudrier, crampons, piolet, casque,…). Le plus souvent, l’alpinisme se pratique par
groupes de deux ou trois alpinistes, encordés les uns aux autres pour réaliser
l’ascension d’une montagne.


   2.2.2 « Porteurs de l’Himalaya » : Un ouvrage spécifique


       Après avoir sélectionné trois sports représentatifs de la pratique des sports
d’aventure, j’ai également sélectionné un livre de Isabelle Sacareau, Porteurs de
l’Himalaya, le trekking au Népal, que je vais étudier en profondeur et sur lequel je
vais me baser principalement. En effet ce livre aborde plusieurs thèmes sur le
développement du trekking et le développement du tourisme d’aventure au Népal,
avec les conséquences qui en découlent, et nous apporte ainsi des connaissances
profondes sur le sujet. Il y aura donc dans mon travail une analyse poussée sur la
pratique du trekking et de l’alpinisme au Népal, et sur ses conséquences en terme de
dialogue interculturel.


   2.2.3 Le point de vue d’un guide de haute montagne


       Au-delà de l’étude de l’ouvrage de Isabelle Sacareau, j’ai souhaité mener un
guide d’entretien avec monsieur Julien Laurent, guide de haute montagne. Il était
intéressant de connaître l’avis d’un professionnel des sports de montagne et de
       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 13
                                        INALCO, 2012
l’aventure, sur mes questions portant sur ce domaine. Julien Laurent est un jeune
guide originaire des Pyrénées et qui vit maintenant dans les Alpes-maritimes. Il fait
de la montagne depuis toujours et pratique l’alpinisme et l’escalade a proprement
parlé depuis vingt ans. Il exerce le métier de guide de haute montagne depuis cinq
ans. Il m’a ainsi semblé pertinent de lui demander son point de vue, en tant que
guide de haute montagne, fort d’une riche expérience en matière de sport d’aventure,
de voyages et de rencontres interculturelles.
      D’autres guides de haute montagne, comme Christian Ravier, ont également
eu la patience de répondre à mes questions. Parmi eux se trouvent Jean Annequin
et Rémi Thivel, qui en plus du métier de guide, sont formateurs à l’ENSA (Ecole
Nationale du Ski et de l’Alpinisme) située à Chamonix.


   2.2.4 L’offre de voyage des agences de tourisme d’aventure


      Enfin, je compte analyser l’offre de voyage des grandes agences de tourisme
d’aventure. Pour analyser ces offres, je chercherai à savoir si ces agences utilisent le
fait de pouvoir découvrir une autre culture comme un argument de vente pour un
voyage sportif. Si c’est le cas, je chercherai à montrer l’importance que peut prendre
cet argument dans l’offre de voyage et plus largement au sein de ces tour-
opérateurs.




      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   14
                                         INALCO, 2012
Chapitre 3
                                          L’escalade

       3.1 Présentation du sport


       L’escalade est un sport qui consiste à gravir un rocher, ou une falaise de
tailles variables. Pour se faire, le pratiquant doit se servir de ses mains et des ses
pieds mais aussi mobiliser l’ensemble des muscles de son corps, tout en jouant sur
différents équilibres et placements du corps.
       Bien évidemment, puisque le grimpeur prends de la hauteur, il devient
dangereux pour lui de pratiquer ce sport. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir un
minimum de matériel d’escalade pour assurer sa sécurité.


       Au sein de cette pratique sportive, nous distinguons trois disciplines
distinctes :


   - La couenne : C’est la discipline de l’escalade la plus commune et la plus
pratiquée par les grimpeurs dans le monde en général. Elle consiste à gravir une
falaise, ou un mur mais seulement sur une longueur de corde. La hauteur des
falaises gravies va généralement de dix à quarante mètres de haut, mais peut aller
au-delà. Dans cette discipline l’effort est continu sur l’ensemble de la longueur de
voie d’escalade.


   - Le bloc : Cette discipline est un peu moins courante que la précédente. Il s’agit
de gravir des blocs de rochers d’une hauteur allant de deux à six mètres environ. La
particularité de l’escalade de bloc est qu’elle se pratique sans corde pour s’assurer.
La hauteur des blocs à gravir étant moins importante, seule l’utilisation d’un matelas
(que l’on appelle crash-pad), placé correctement en bas du bloc, permet d’assurer la
sécurité du grimpeur en cas de chute de ce dernier. De plus, et contrairement à une
idée reçue, l’escalade de bloc bien qu’elle nécessite moins de prise de hauteur, n’est
pas plus facile que l’escalade en couenne. En bloc, l’effort est très court (entre
quinze secondes et deux minutes d’efforts environ) mais beaucoup plus intense.
       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   15
                                          INALCO, 2012
Cette discipline nécessite souvent de mettre en œuvre des mouvements très
techniques et beaucoup plus dynamiques. Ainsi, beaucoup de grimpeurs aiment faire
du bloc pour améliorer leur technique et leur gestuelle pour ensuite reprendre la
couenne.


   - La grande voie : C’est cette discipline qui peut sembler la plus impressionnante
et la plus dangereuse en escalade. En effet, elle consiste à gravir des falaises de
taille beaucoup plus impressionnante, qui nécessite plusieurs longueurs de corde.
Les falaises de grande voie font généralement entre cent et quatre cent mètres de
hauteurs, mais peuvent aller au-delà des mille mètres de haut. C’est ainsi que les
notions de verticalité et de vertige prennent tout leur sens et ont enivré plus d’un
grimpeur, le motivant à vaincre ses peurs, repousser ses limites, et trouver l’aventure
au plus profond de soi. La grande voie permet ainsi de développer un effort long et
parfois intense, et requiert beaucoup d’endurance, car l’ascension d’une grande voie
et sa redescente prennent beaucoup de temps. Cela peut prendre trois heures pour
les grandes voies les plus courtes, ou encore trois jours pour les falaises les plus
grandes (comme par exemple la voie du Nose au parc national du Yosemite, en
Californie, Etats-Unis), où il devient alors nécessaire de passer la nuit au milieu de la
paroi. Dans cette discipline d’escalade, la sécurité est extrêmement importante car la
moindre erreur peu très vite devenir très grave. La grande voie nécessite ainsi
beaucoup de matériel de sécurité, beaucoup de rigueur, et d’engagement personnel.


       Ainsi, l’escalade est un sport permettant de pratiquer différentes disciplines
très différentes et complémentaires les unes des autres, où chacun peut y trouver
son compte, ses sensations différentes. Il est par ailleurs intéressant de noter
qu’après tout ce que nous allons étudier sur le trekking, l’escalade ne s’inscrit pas
vraiment dans le tourisme d’aventure, c'est-à-dire que les agences de voyages
d’aventure ne proposent pas ou peu de pratiquer l’escalade dans leurs offres de
voyages. Voyager pour faire de l’escalade relève davantage d’une démarche
personnelle sans le besoin de passer par une agence. Ainsi, même en dehors du
tourisme d’aventure, d’autres disciplines sportives dites « d’aventure » favorisent la
démarche interculturelle. Ces sports dépassent donc le cadre du tourisme qui
favorise la rencontre des cultures, et l’escalade en fait partie.


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   16
                                         INALCO, 2012
3.2 La « culture du rocher »


       Pour comprendre en quoi l’escalade favorise le dialogue des cultures, il est
intéressant de noter qu’au sein de la discipline sportive même, une grande diversité
existe, que ce soit dans les disciplines (couenne, bloc, ou grande voie), dans les
pratiques (encordé avec un partenaire, ou en solo intégral, c'est-à-dire sans aucune
assurance,…), ou encore dans le rocher (calcaire, granit, grès,…). Ainsi, en fonction
des pays, les pratiques de l’escalade peuvent réellement différer, et tout l’intérêt pour
un grimpeur sera de pouvoir découvrir cette diversité en voyageant et en partageant
sa passion avec des grimpeurs d’autres pays.
       Il existe par exemple ce que l’on pourrait appeler « une culture du rocher ». En
effet, selon le pays ou la région où l’on se trouve, la nature du rocher peut être
différente, formant des falaises et donc des voies d’escalade qui n’ont rien à voir
dans le style. Les Etats-Unis par exemple sont très connues pour avoir un rocher très
compact et des voies « en fissures », là où la France est davantage connue pour ses
voies en calcaires, sans jamais aucune fissure. Ainsi, un grimpeur américain
développera davantage sa musculature au niveau des épaules là où un Français
développera plutôt ses avant-bras. Par ailleurs, un très bon grimpeur français peut se
retrouver totalement démuni face à une voie en fissure aux Etats-Unis, nécessitant
une technique particulière à laquelle il ne sera pas familiarisé.
       D’autre part, et pour illustrer à nouveau mes propos, les Espagnols sont
reconnues pour exceller dans l’escalade en dévers (c'est-à-dire une escalade
surplombante sur l’ensemble de la voie), qui nécessite beaucoup plus de force
physique et de dynamisme, contrairement à une escalade en dalle (c’est-à-dire sur
une voie à peine verticale) qui demande davantage de jeux d’équilibre, de
positionnement, et de techniques.
       Enfin, les grimpeurs japonais sont connus pour préférer l’escalade de bloc à la
couenne ou à la grande voie. En effet, leur corpulence leur permet d’exceller dans le
bloc, qui nécessite des efforts courts mais extrêmement intenses et parfois violents,
sur des prises très petites et difficiles à tenir. Culturellement aussi, les grimpeurs
japonais préfèrent l’escalade de bloc parce que cette discipline nécessite peu de
matériel, et peut se pratiquer sans partenaire d’escalade. Ainsi, le bloc permet une
plus grande liberté individuelle, qui convient bien aux grimpeurs japonais.


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   17
                                         INALCO, 2012
3.3 L’escalade et la démarche interculturelle


       Pour comprendre en quoi la pratique de l’escalade favorise la démarche
interculturelle, il convient de l’illustrer par un évènement bien particulier. Il s’agit d’un
évènement organisé par Petzl, une des marques de matériels d’escalade les plus
connues. Cette entreprise organise chaque année le Petzl Roc Trip. Il s’agit de faire
partir toute une équipe de grimpeurs, parmi les meilleurs du monde et sponsorisés
par Petzl, chaque année dans un coin du monde différent, pour y découvrir des
falaises d’escalade. La dernière édition de l’évènement s’est déroulée en 2O11, le
Roc Trip avait lieu en Chine, au parc national de la rivière Getu, l’année d’avant
l’évènement se déroulait dans le Sud du Mexique, et en 2009 les grimpeurs se sont
retrouvés en France aux alentours de la ville de Millau. Au retour de chacun de ces
voyages, des comptes-rendus vidéo sont diffusés en masse sur internet pour la
communauté des grimpeurs, et les encouragent à découvrir des lieux d’escalade
partout dans le monde. Dans le film du dernier Petzl Roc Trip, les meilleurs
grimpeurs du monde, venant de Suède, des Etats-Unis, d’Espagne, de Grande-
Bretagne, de France, du Japon… découvrent une région reculée de Chine sur une
falaise de plusieurs centaines de mètres de haut le long d’une rivière. Nous les
observons découvrir ce nouvel environnement, les paysans chinois qui travaillent au
pied de la falaise, et faisant connaissance avec la communauté de grimpeurs chinois.
Autant de pays, de langues, et de cultures réunis autour de ce même sport. Une
grimpeuse japonaise affirme d’ailleurs : « Nous parlons tous la même langue :
l’escalade ».
       Cet évènement illustre donc bien l’idée générale que la pratique de l’escalade
permet de créer une certaine curiosité pour la diversité culturelle, et donc
d’engendrer une démarche de dialogue interculturel, entre les grimpeurs de
différents pays. Pratiquer l’escalade donne envie de voyager, car cela permet de
découvrir dans un premier temps d’autres natures de la roche, d’autres paysages,
d’autres climats, d’autres personnes partageant la même passion ou non, et au final
de se créer toute une atmosphère de découverte, d’échange, et d’effort collectif.
       L’escalade donnant envie de voyager, une thématique de voyage a ainsi fait
son apparition. Il s’agit du « tour du monde de bloc ». En effet, certains grimpeurs qui
en ont les moyens, s’organisent des tours du monde, avec pour objectif principal de
découvrir les meilleurs endroits pour pratiquer l’escalade de bloc partout dans le
     Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 18
                                        INALCO, 2012
monde, et donc de s’imprégner de toute la diversité des environnements et des
populations accompagnants ces lieux, que ce soit en Afrique, en Amérique du Sud,
en Europe, en Asie, ou partout ailleurs.


        Nous retiendrons donc en conclusion de ce chapitre que la pratique de
l’escalade permet de mettre en place des rencontres interculturelles, entre des
grimpeurs désireux de découvertes et les populations relativement proches des lieux
de pratique d’escalade, ainsi qu’entre les grimpeurs des différents pays. Toutes ces
rencontres se font dans une optique d’échange et de partage, car la passion du sport
accorde tous les acteurs de la rencontre ensemble, et les mettent sur un même pied
d’égalité. Ainsi le guide de haute montagne Rémi Thivel estime que la pratique de
l’escalade a été pour lui un moyen de découvrir d’autres cultures : « Car l’escalade a
toujours été un prétexte aux voyages »3.




3
 Propos du guide de haute montagne et formateur à l’ENSA (Ecole Nationale du Ski et de l’Alpinisme) Rémi
Thivel, recueillis lors d’un entretien.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,      19
                                            INALCO, 2012
Chapitre 4
                            Le trekking et l’alpinisme

      4.1 Le trekking, un nouveau mode de tourisme


      Le trekking est une pratique sportive qui consiste à marcher en milieux
naturels sur des périodes allant de une à plusieurs journées pour découvrir des
régions isolées et souvent inaccessibles autrement qu’à pied. Généralement il s’agit
de grandes randonnées dans des régions montagneuses, à moyenne altitude, mais
également des zones désertiques. Ainsi le trekking peut se pratiquer sur tous les
continents, pour découvrir des régions peu connues du grand public, loin des
sentiers battus. S’ajoute à cela une notion d’autonomie. En effet, le trekkeur
transporte souvent avec lui sa tente, sa nourriture, pour disposer d’une plus grande
liberté de voyage. Mais il arrive également que l’hébergement du trekkeur se fasse
dans des refuges ou des gîtes qui se trouvent sur son chemin, voire même
directement chez l’habitant.
      Il est intéressant de noter que le trekking est devenu un mode de voyage qui
se développe de plus en plus, dans le tourisme d’aventure, ou le « tourisme
équitable », par opposition au tourisme de masse. En effet, le fait de marcher à pied
tout le long de son voyage permet de se donner un rythme plus lent et de favoriser
les rencontres durant son séjour, en particulier si le parcours que l’on choisit fait que
l’on peut dormir chez l’habitant. De plus, marcher à pied a également un faible impact
d’un point de vue davantage écologique, et cela répond à une demande croissante
de voyageurs soucieux de l’environnement et du développement durable.
      En somme, le trekking offre une alternative de mode de voyage qui répond à
différentes   demandes des clients : voyager et relever un défi physique, mais
également découvrir des paysages grandioses, de rencontrer des populations et
leurs coutumes dans des régions isolées et loin de la foule, pour au final découvrir un
coin du monde, et se découvrir soi même.


      4.2 L’alpinisme, une source de richesse interculturelle


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   20
                                         INALCO, 2012
L’alpinisme est une pratique sportive se déroulant dans un environnement de
haute montagne, parfois à très haute altitude. Le but de ce sport est de réaliser des
ascensions de montagnes et de gravir des sommets plus ou moins difficiles et
techniques, ainsi que de parcourir des glaciers. L’alpinisme peut se pratiquer dans
toutes les régions montagneuses du monde, et sa pratique est réputée en particulier
dans les Alpes (Europe) , l’Himalaya (Asie) , la cordillère des Andes (Amérique du
Sud) ou encore les rocheuses (Amérique du Nord). Dans tous ces lieux, des noms
de montagnes et de sommets mythiques existent.
        Ainsi, l’envie de gravir ces montagnes pousse l’alpiniste à voyager, et par
conséquent, le pousse à aller vers d’autres cultures. Plus précisément, la pratique de
l’alpinisme fait que l’on a très vite de l’intérêt pour les grands massifs montagneux du
monde, et une envie de les découvrir, avec le pays qui leurs correspondent. En effet,
l’histoire de l’alpinisme fait que les pionniers dans la matière partaient totalement à la
découverte de ces massifs montagneux et à la découverte des populations qui s’y
rattachaient, si bien que dans les récits de leur aventure qu’ils ramenaient, la place
accordée à la découverte d’une culture différente n’était pas négligeable, par rapport
au récit des ascensions de montagnes elles-mêmes.4 C’est en partie par ces récits
que tout un mythe s’est crée autour de la montagne et des expéditions lointaines en
régions isolées. Ainsi, lorsqu’un alpiniste rêve de gravir une montagne, en réalité il
est également transporté par l’idée d’aventure liée à l’ascension et la découverte de
tout ce qui l’entoure, c'est-à-dire les populations alentours, ainsi que leur culture.


        En conclusion, découvrons le témoignage du guide de haute montagne Julien
Laurent, qui se demande si la pratique des sports de montagnes est un moyen de
découvrir d’autre cultures : « Je suis absolument convaincu que la pratique des
sports de montagne a été un moyen de découvrir d’autres cultures. Dans le cadre de
ces sports, j’ai fait cinq voyages en Amérique du nord, deux en Amérique du sud,
trois en Afrique, un au moyen orient, deux en Asie, ainsi que de nombreuses
incursions de différents pays d’Europe. J’ai toujours de nouveaux projets à la clé.
J’aimerai ajouter que même au niveau national la richesse culturelle se manifeste par
de nombreuses différences entre par exemple les Pyrénées, la massif central ainsi

4
 On trouve une illustration de cela dans l’ouvrage « Annapurna premier 8000 », qui retrace le récit de l’alpiniste
Mauricec Herzog et de son équipe française, qui furent les premiers à réussir à gravir un sommet de plus de 8000
mètres le 3 juin 1950 : l’Annapurna au Népal. Dans ce récit d’aventure, nous découvrons avec eux la culture
népalaise et surtout la population Sherpa qui les aidera énormément dans la réussite de leur entreprise.
        Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,             21
                                                INALCO, 2012
que les Alpes du sud et du nord. Ces différences correspondent aux différents us et
coutumes, aux dialectes, aux accents, à l’architecture, à la gastronomie et plus
généralement aux modes de vie. La pratique des sports de montagne est
indéniablement une source de richesse interculturelle qui favorise l’écoute d’autrui et
le respect de la différence.5 »


        4.3 Des perceptions différentes de la montagne


        Il y a autant de représentations différentes de la montagne que de cultures.
Les regards portés sur la montagne sont ainsi différents selon la culture, et mettent
donc en scène une divergence des représentations selon le pays ou la zone
géographique où l’on se trouve. Voici un aperçu de ses différentes perceptions de la
montagne.


    4.3.1 Montagne et spiritualité


        Dans la plupart des civilisations traditionnelles, beaucoup de visions de la
montagne sont fortement chargées spirituellement, voire religieusement. La
montagne à très haute altitude est hostile, elle semble inaccessible,                        ce qui lui
confère une part de mystère, qui lui donne un caractère divin. La montagne relie le
ciel et la terre par sa verticalité, la terre au divin, si bien que le fait de la gravir peut
relever d’un rite religieux, d’un voyage initiatique pour aller puiser dans le domaine
des dieux une purification du corps et de l’esprit. La montagne symbolise alors de
nombreuses notions antinomiques : la vie et la mort, le haut et le bas, l’action et la
contemplation, etc…6
        Ainsi, de très nombreuses populations ont leur montagne sacrée. Chez les
Africains par exemple, les montagnes jouent le rôle d’êtres fabuleux, hantés par des
forces cachées. C’est un lieu où réside le sacré, on ne peut y pénétrer sans un guide
Initiateur sous peine de danger de mort. Pour illustrer cela, nous pouvons parler du
sommet de la main de Fatima au Mali, situé sur la route de Ga, une ville à 1220
kilomètres de Bamako. Selon la légende, une princesse du nom de Fatima se serait


5
 Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien.
6
 Lire à ce propos : SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde,
Belin, 1997, 273p.
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transformée en cette montagne le jour de son mariage, lui conférant un caractère
sacré. De même au Japon, la montagne représente un lieu potentiellement
dangereux car habité de Kami, des esprits, qui pourraient être impitoyable si l’on
pénétrait leur territoire sans prendre de précaution. Le mont Fuji en particulier a eu et
a toujours une nature sacrée très importante dans la culture nippone, du fait de sa
parfaite symétrie et de sa taille imposante.
        Parfois, la montagne est vue comme un domaine où vivent les dieux, mais
d’autres fois, c’est la montagne elle-même qui est la divinité. La montagne est alors
personnifiée. J’ai moi-même pu faire l’expérience d’une telle vision de la montagne
lors d’un voyage au Ladakh, dans la chaîne de l’Himalaya en Inde du Nord,
lorsqu’une nuit, lors d’un orage très violent au camp de base du mont Kang Yatse à
5000 mètres d’altitude, je découvris nos guides indiens apeurés, prier la montagne
de la sorte : « Kang Yatse, holy mountain ! Holy mountain ! 7». Par ailleurs, une autre
illustration de la divinisation de la montagne peut se faire en donnant le nom tibétain
du mont Everest, la plus haute montagne du globe (8848 mètres d’altitude) :
Chomolungma, ce qui signifie littéralement « La déesse mère des vents », ce qui lui
confère son caractère sacré.


        Enfin, il convient de préciser que cette vision spirituelle de la montagne peut
aller en contradiction avec la pratique sportive de l’alpinisme, car l’alpiniste
pénétrerait alors des domaines sacrés qu’il ne faudrait normalement pas approcher
sans prendre des précautions. Ainsi, certains sommets sont interdits d’accès pour les
alpinistes. C’est le cas par exemple du mont Kailash en Chine, car la montagne est
sacrée pour trois grandes religions : Les Hindous, les Bouddhistes, et les fidèles de
Bön (la religion prédominante au Tibet avant l'avènement du bouddhisme). 8 De
même, le mont Machapuchare au Népal est interdit à tout ascension, car il serait
selon l’hindouisme la demeure du dieu Shiva, et est donc considéré comme très
sacré par la population locale.9



7
  « Kang Yatse, montagne sacrée ! Montagne sacrée !»
8
  A ce propos, le gouvernement tibétain en exil déclara ainsi le 8 mai 2001 : « Traiter la montagne la plus sacrée
au monde comme un vulgaire terrain de sport constituerait la preuve d'une insensibilité flagrante vis-à-vis des
sentiments religieux du peuple tibétain. »
9
  Voici d’ailleurs une anecdote intéressante sur le mont Machapuchare : Alors que toute ascension était interdite
pour des raisons religieuses, une équipe d’alpinistes britanniques le gravit toutefois en 1957, mais en décidant de
s’arrêter à 50 mètres du sommet, par respect pour les croyances locales.
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4.3.2 La vision occidentale de la montagne


      La vision occidentale de la montagne est très différente de ce que nous avons
vu précédemment. En effet, cette perception de la montagne a davantage tendance
à désacraliser la montagne, à ne pas reconnaître totalement son côté divin et
religieux. Dans les représentations occidentales de la montagne, celle-ci est
davantage humanisée, dans un esprit de contemplation de la nature, des forêts, des
lacs, des cascades, etc… Etant humanisée, elle retransmet également le mythe du
montagnard, et toutes les valeurs qui lui sont associés, c'est-à-dire le courage, le
dépassement de soi, la persévérance, l’endurance,… mais aussi la sérénité et
l’harmonie liée au phénomène de la contemplation de la nature dans sa dimension
esthétique.
      Ainsi, la vision occidentale de la montagne est davantage liée à la dimension
sportive, à l’exploit sportif pur de l’alpiniste, indépendante de toute autre motivation,
qu’elle soit religieuse, scientifique, militaire, etc… Les montagnes renversent
totalement leurs valeurs, et ne sont plus effrayantes ni mystiques, mais deviennent
des terrains de jeux pour des alpinistes en quête d’exploit sportif, de dépassement
de soi, de découverte et de conquête.
      C’est cet esprit de découverte et de conquête qui découlera d’ailleurs sur la
réalisation d’ascensions de tous les sommets des Alpes, puis très rapidement au-
delà, pour gravir des sommets toujours plus hauts, dans les Andes d’Amérique du
Sud, ou encore dans le chaîne de l’Himalaya en Asie, pour finalement parvenir au
sommet du point culminant du globe, l’Everest, et ses 8848 mètres d’altitude. A de
telles hauteurs, nous pouvons bel et bien parler d’exploit sportif, tant l’oxygène y est
rare et les dangers liés à l’environnement montagneux sont nombreux.


   4.3.3 Etude de cas : La vision de la montagne au Népal


      Si la vision de la montagne des Occidentaux a plutôt tendance à la
désacraliser, pour la représenter davantage comme un terrain de jeux pour l’homme,
où celui-ci doit pouvoir se surpasser lui-même, mais aussi se confronter aux
éléments naturels et ainsi réaliser des exploits sportifs, il convient de préciser que
certains alpinistes et trekkeurs aspirent à chercher dans la montagne une autre


      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   24
                                         INALCO, 2012
signification davantage spirituelle, qu’ils vont chercher notamment en Himalaya, et en
particulier au Népal.
           En effet, la représentation de la montagne par les habitants du Népal est très
différente de celle des Occidentaux, car ces habitants ont davantage une vision
sacrée des montagnes de l’Himalaya, liée à la religion bouddhiste et hindouiste
présente dans le pays. Ainsi, comme nous l’avons vu plus tôt, certains sommets sont
interdits d’accès pour toute ascension pour des raisons religieuses, comme le mont
Machapuchare, haut de 6993 mètres, considéré comme la demeure du dieu hindou
Shiva, ou encore le mont Khumbilha (5761 mètres d’altitude), la montagne sacrée
des Sherpa du Khumbu, l’une des régions du Népal. « Les hautes montagnes sont
considérées dans l’ensemble de l’aire culturelle hindoue et bouddhiste comme le
séjour des dieux, le refuge des ermite et des saints. Les grandes divinités
protectrices, créatrices de l’humanité, résident sur les sommets de l’Himalaya,
associées au monde céleste et abstrait »10. Pour illustrer à nouveau ce processus de
divinisation des montagnes, nous pouvons également nous référer au nom sanskrit
de l’Everest, « Sagarmatha », qui renvoie à Sangar, l’un des noms donnés à Shiva.
Pour les Népalais donc, la montagne est un lieu sacré, un domaine des dieux, où la
présence de l’homme n’est pas recommandée. « Pour le Népalais, s’aventurer dans
le sanctuaire d’une montagne divinisée c’est commettre un sacrilège, transgresser un
interdit dont le châtiment risque d’être la mort. Le caractère sacrée de ces sommets
fait que leur ascension constitue une violation susceptible d’attirer les foudres des
divinités »11.
           Mais face à l’ouverture du pays au tourisme et plus spécifiquement au
tourisme d’aventure dans les années 1950-1960, et avec l’arrivée en masse de
touristes occidentaux (pour la plupart des alpinistes désireux de conquérir les plus
hauts sommets du pays), la vision de la montagne a évolué pour de nombreux
Népalais, avec l’arrivée de ce nouveau marché économique grandissant. En effet,
sur les quatorze sommets les plus hauts de la planète (les sommets de plus de 8000
mètres d’altitude), huit sont situés au Népal, dont le plus haut l’Everest (8848 mètres),
et la majeure partie du pays est constituée de montagnes. C’est pourquoi de très
nombreux trekkeurs et alpinistes occidentaux se sont précipités dans ce pays pour y
découvrir les régions les plus hautes du monde. C’est face au développement de ce

10
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997 p239.
11
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997 p241.
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                                            INALCO, 2012
nouveau marché du tourisme d’aventure que la représentation de la montagne pour
certains Népalais a évolué. La montagne est alors devenue un espace davantage
fonctionnel, un espace « produit», synonyme d’argent pour les porteurs Népalais.
C’est ainsi que pour ces derniers, la montagne est davantage perçue comme un
territoire professionnelle.
       Mais les guides sherpa sont tiraillés entre la nécessité d’exercer leur métier
pour les touristes venus faire du trekking et de l’alpinisme, et leurs convictions
religieuses. Ainsi, ils réalisent rarement l’ascension d’une montagne sans avoir au
préalable consulté un lama astrologue, célébré un rituel au dieu de la montagne afin
de s’accorder son autorisation (le rituel s’effectue par exemple avec des autels ornés
de drapeaux à prières, des offrandes de riz et d’alcool,…).


       Ces divergences dans les représentations symboliques que l’on peut se faire
de la montagne selon des codes culturels différents ne sont pas sans conséquences,
et notamment dans des situations d’interculturalité liées à la pratique sportive du
trekking et de l’alpinisme, dans le cadre du tourisme d’aventure.




      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   26
                                         INALCO, 2012
Chapitre 5
                Sports de montagne et diversité culturelle

           5.1 La conquête des Alpes et de l’Himalaya


           La pratique sportive de l’alpinisme et des sports de montagnes en général,
s’est principalement développée en Europe, dans la chaîne montagneuse des Alpes.
Puis relativement rapidement, l’alpinisme s’est développé davantage à l’international,
en particulier dans la chaîne de l’Himalaya, puis dans la cordillère des Andes en
Amérique du Sud. Comment la conquête de ses grands massifs montagneux s’est
elle opérée ?


      5.1.1 Les Alpes, un affrontement des Nations


           Les Alpes sont une chaîne montagneuse qui s’étend en Europe et forme une
barrière de 1200 km, entre la Méditerranée et le Danube, en traversant de nombreux
pays. Le point culminant de ce massif est le Mont Blanc, à 4807 mètres d’altitude, et
l’ensemble de la chaîne montagneuse comporte quatre-vingt-deux sommets de plus
de 4000 mètres d’altitude. L’histoire des tous débuts de l’alpinisme remonte à une
période relativement lointaine et prend sa source dans les Alpes au 14ème siècle12.
Mais le véritable alpinisme fut réellement inventé en 1786, par Horace-Bénédict de
Saussure (un naturaliste et géologue suisse), lorsque ce dernier proposa d’offrir une
prime au premier alpiniste qui arriverait au sommet du Mont Blanc. En effet, bien que
cette montagne soit la plus haute des Alpes, elle n’en est pas la plus difficile et a été
conquise par Jacques Balmat et Michel Paccard dès les débuts de histoire de
l’alpinisme, le 8 août 1786.
           Puis l’alpinisme se développa progressivement mais prit un véritable essor au
XIXème siècle, lorsque les Britanniques s’attaquèrent aux montagnes les plus
difficiles des Alpes. S’ensuivit alors une compétition, une course à la montre des
conquêtes alpines, où de nombreuses Nations d’Europe s’affrontèrent et se
confrontèrent les unes aux autres, pour assurer leur prestige. Les plus grands
12
     ARDITO Stefano, Glorieux sommets, images et récits des grands alpinistes, Gründ, 1993, 144p.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   27
                                            INALCO, 2012
sommets des Alpes tombèrent les uns après les autres, sous les pas décidés des
Britanniques, des Suisses, des Français, des Italiens, etc… Si bien qu’à la fin du
19ème siècle, les deux derniers sommets encore vierge des Alpes furent vaincus (le
Cervin en 1865, et la Meije en 1877).
           Mais l’affrontement des Nations ne s’arrêta pas là. Le nouveau défi de ce
     ème
20         siècle consista alors à réaliser les voies les plus difficiles de chacun de ces
sommets en s’attaquant à tous leurs versants. Cette étape constitua le début de
l’alpinisme moderne. A nouveau, les sommets tombèrent progressivement sous les
pas des alpinistes toujours plus conquérants et désireux d’apporter du prestige à leur
Nation, au travers de ces ascensions. Pour illustrer ce phénomène, nous pouvons
étudier le cas de la conquête de la face nord de l’Eiger en Suisse. Ce versant nord
de la montagne, fort d’un dénivelé de 1600 mètres, est réputé pour sa difficulté et sa
dangerosité, et constitua l’un des derniers grands problèmes des Alpes pour les
alpinistes dans les années 1930 13 . En cette période d’entre deux guerres, la
compétition internationale était à son comble et les membres du parti nazi allemand
accordaient alors beaucoup d’importance à leur propagande, pour promouvoir la
force de leur Nation. Ainsi, bon nombre d’Allemands, d’Autrichiens, mais aussi de
Français, d’Italiens, etc, s’aventurèrent sur la face nord de l’Eiger pour y tenter
l’ascension. Ils furent nombreux à finalement abandonner et rebrousser chemin, et
aussi nombreux à périr sur ce versant 14 . Finalement, c’est un groupe de deux
cordées, l’une autrichienne et l’autre allemande, qui réussirent l’exploit de gravir la
face nord le 24 juillet 1938, à la grande joie du parti national-socialiste allemand qui
exploita l’évènement pour sa propagande. Le groupe d’alpinistes fut même reçu et
félicité pour leur bravoure par Hitler lui-même.


           C’est ainsi qu’à la fin des années 1930, tous les sommets des Alpes étaient
vaincus, et que l’affrontement des Nations continua, au-delà des frontières de
l’Europe, au contrefort de l’Himalaya, et à l’assaut des sommets de plus de 8000
mètres d’altitude.



13
   RETTNER Rainer, Triomphe et tragédies à l’Eiger, à la conquête de la face nord, 1932-1938, coll. Hommes
et montagnes, Glénat, 2009, 320p.
14
   A ce sujet, voir le film « North face, duel au sommet » de Philipp stölzl, sorti en 2008, qui retrace l’histoire
d’une tentative de la première ascension de la face nord de l’Eiger par deux cordées, l’une autrichienne et l’autre
allemande, qui perdirent la vie dans des conditions atroces.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,                 28
                                                 INALCO, 2012
5.1.2 L’Himalaya, un nouveau terrain de jeux


        Très rapidement, l’Himalaya attira l’attention des alpinistes occidentaux en
quête d’aventure et de nouveaux exploits sportifs. La densité et la démesure des
montagnes qui constituent cette chaîne de montagne ne pouvaient que laisser rêveur
tous ces grimpeurs qui faisaient tomber un à un les sommets les plus difficiles et les
plus hauts des Alpes. Tout l’enjeu dans la conquête de l’Himalaya, et ce qui attirait le
plus, était la découverte des hautes altitudes. Les alpinistes occidentaux ne
connaissaient les effets de la haute altitude qu’au sommet du Mont Blanc au
maximum (4807 mètres). Le fait de savoir que l’Himalaya abritait d’innombrables
montagnes de plus de 5000, 6000, et 7000 mètres, ainsi que quatorze sommets de
plus de 8000 mètres enflamma les passions de nombreux grimpeurs. Il s’agissait là
d’un nouveau terrain de jeux, à l’aspect infini et inépuisable pour nombre d’entre eux.
        L’affrontement des Nations qui s’opérait dans les Alpes pour la conquête des
sommets européens fut ainsi transféré dans ces hautes montagnes d’Asie. Le but fut
très rapidement d’être la première Nation à atteindre le sommet d’une montagne de
plus de 8000 mètres. Ce désir commença dès la fin du 19ème siècle, notamment en
1895, pour la première tentative d’ascension du Nanga Parbat (8126 mètres), par
une expédition britannique, puis par d’autres expéditions allemandes et autrichiennes.
Mais ces premières tentatives furent des échecs. Beaucoup des expéditions en
partance pour l’Himalaya étaient Britanniques, du fait que bon nombre des
montagnes de l’Himalaya appartenaient à leur Empire des Indes. Parmi ces
alpinistes britanniques chevronnés, Georges Mallory et son compagnon Andrew
Irvine se distinguèrent lors de leur tentative d’ascension de l’Everest en 1924, dont
on ne les vu jamais revenir. On ne sut jamais s’ils avaient réussi à atteindre le
sommet ou non, si tôt dans l’histoire de l’alpinisme, soit trente ans avant les
premières ascensions réussies des autres 8000 de l’Himalaya15.
        Finalement, c’est une expédition française et plus particulièrement la cordée
composée de Maurice Herzog et Louis Lachenal qui réussirent les premiers
l’ascension d’une montagne de plus de 8000 mètres et qui devinrent des héros




15
 Lire le livre suivant, au sujet de l’histoire de cette tentative d’ascension de l’Everest : ANKER Conrad,
ROBERTS David, À la recherche des fantômes de l'Everest. Glénat, Grenoble, 2000, 260p.
        Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,           29
                                                 INALCO, 2012
nationaux le 3 juin 1950, avec l’Annapurna (8091 mètres)16. Au même moment, la
course à la conquête de l’Everest continuait, entre les Britanniques, les Allemands,
les Suisses et les Français. Et c’est finalement le 29 mai 1953 que le Néo-Zélandais
Edmund Hillary et le Sherpa Népalais Tenzing Norgay foulèrent le sommet du toit du
monde, à 8848 mètres 17 . Il est intéressant de noter que les deux vainqueurs de
l‘Everest sont de cultures différentes mais qu’ils se sont battus ensemble pour fouler
ce sommet. Cette ascension permit d’ailleurs de mettre en avant les Sherpas en
Occident, peu connus du grand public auparavant. La réussite de l’ascension faite
par un membre citoyen du royaume du Commonwealth fut fortement médiatisée par
les Britanniques, qui valorisèrent cet exploit au sein de la communauté internationale.
D’autant plus qu’il concordait à trois jours près avec la date du couronnement de la
reine Elisabeth II. Ainsi, Edmund Hillary fut proclamé chevalier de l’Ordre de l’Empire
britannique, et Tenzing Norgay reçu la médaille de Georges, en récompense de son
action héroïque.
        La conquête des autres 8000 se poursuivit, puis un nouveau défi fit son
apparition, et opposa à nouveau les différentes nations occidentales, mais également
des pays d’Asie, comme la Chine, la Corée, le Japon, et d’autres pays du continent
américain. Ce nouveau défi consistait à être le premier alpiniste à réaliser l’ascension
des quatorze sommets de plus de 8000 mètres. C’est finalement l’Italien Reinhold
Messner qui réussit le premier cet exploit en 1986. A ce jour, en 2012, seulement 30
alpinistes, originaires des quatre coins du monde, réussirent à clôturer l’ascension
des quatorze sommets de plus de 8000 mètres du globe.


        5.2 L’attrait pour les vacances sportives proches de la nature, un
phénomène culturel ?


     5.2.1 La clientèle du trekking


        En se posant la question de savoir si l’attrait pour les vacances sportives
proches de la nature est un phénomène culturel, il peut être intéressant de se

16
   Lire le récit de cette expédition : HERZOG Maurice, Annapurna, premier 8000, Flammarion, Paris, 2010,
381p.
17
   Pour découvrir tous les détails de la première ascension réussie de l’Everest, vous pouvez regarder le film
documentaire de Georges Lowe, intitulé « La conquête de l’Everest », datant de 1953 (l’année de l’exploit), et
nommé au titre de meilleur documentaire aux Oscars de cette même année.
          Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,           30
                                                INALCO, 2012
demander au préalable qui sont ces alpinistes et ces trekkeurs qui partent à la
découverte de régions isolées et de hauts sommets sauvages ? Nous avons déjà vu
que le trekking et l’alpinisme constituaient des pratiques sportives plutôt originaires
d’Occident. Mais qui sont plus précisément ces Occidentaux qui partent faire du
trekking ? En analysant la question, l’on constate que tous les pays occidentaux ne
sont pas forcément attirés par le tourisme d’aventure. Certains le sont plus que
d’autres. Mais à quoi sont dus ces différences ? Si l’on cherche à connaître la
nationalité de la majorité des trekkeurs au Népal par exemple, l’on constate que ce
sont les Européens, suivis des Nord-américains qui en fournissent le plus grand
nombre, devant les Australiens et Néo-Zélandais, ainsi que les Asiatiques. Pour ce
qui est des Européens, nous pouvons dire que globalement, les Anglo-Saxons et les
Nordiques sont plutôt intéressés par ce genre de voyage, tandis que les pays
davantage méditerranéens le sont beaucoup moins, car ces derniers ont peu voire
pas de tradition alpine, et ne s’étaient déjà pas spécialement distingués durant la
période de conquête des Alpes. En effet, seulement 8% des touristes espagnols et
moins de 5% des Italiens partent en trekking, contrairement aux Norvégiens par
exemple, qui sont plus de 45% à choisir le trekking comme façon de visiter le pays18.
           Par ailleurs, la clientèle asiatique s’est développée au fur et à mesure de la
croissance économique des pays d’Asie, surtout quand elles se sont accompagnées
d’un allongement de la durée des congés annuels. D’autre part, et pour faire venir
une clientèle davantage japonaise, certaines agences de tourisme se sont adaptées
à ces clients qui ont peu de congés, en proposant des circuits d’une ou deux
semaines.
           Enfin, nous pouvons observer un attrait prononcé pour certaines montagnes
spécifiques, et ce, selon la nationalité des alpinistes et des trekkeurs. Ainsi, les
trekkeurs français sont très sensibles au massif des Annapurna, et la majorité
d’entres eux se ruent dans cette région, car le souvenir de la conquête du premier
8000 par les Français Maurice Herzog et Louis Lachenal reste encore frais dans leur
mémoire. De même, les Japonais se dirigent vers le Manaslu (8163 mètres
d’altitude), où ils se distinguèrent en ouvrant les premières voies d’ascension ; alors
que les Anglo-Saxons au sens plus large se concentrent davantage vers la région du
Khumbu, où se situe l’Everest (conquis entre autres par un Néo-Zélandais).


18
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p128.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,       31
                                            INALCO, 2012
5.2.2 Le développement du trekking dans le tourisme


           Le trekking fait partie de ces nouvelles formes de voyages touristiques que
l’on peut regrouper aujourd’hui dans les milieux professionnels du tourisme comme
appartenant au tourisme d’aventure, c'est-à-dire un voyage de découverte d’un pays
lointain et de ses régions isolées peu touchées par le tourisme de masse, au moyen
de randonnées pédestres itinérantes. Cette pratique touristique est à la fois sportive
et culturelle et s’est développée à la fin des années 1970.
           C’est au Népal que les formes pionnières du tourisme d’aventure prirent forme,
lorsque les Occidentaux recherchaient des espaces de loisirs à l’écart de la foule, et
aspiraient à découvrir des paysages esthétiques, ainsi que des cultures
traditionnelles qui leurs était rattachées. Des agences locales de trekking se sont
alors créées progressivement pour répondre à cette demande de mode de voyages.
Si bien qu’aujourd’hui, le Népal tient la première place des destinations du tourisme
d’aventure, juste devant le Maroc, et le Sahara Algérien19.
           Parallèlement à l’ouverture des agences locales de trekking dans la deuxième
moitié       des    années       1970,     les   premiers      guides     touristiques      « alternatifs »
commencèrent à être éditées, prônant une façon de voyager autrement et proposant
des circuits d’aventure vers des destinations lointaines dans des pays du Tiers
monde (la collection du Guide du routard en France, ou de Lonely Planet dans les
pays anglo-saxons). Les premiers tours-opérateurs firent également leur apparition
proposant des voyages d’aventure à pied. En France il s’agit par exemple de
Nouvelles Frontières, Terres d’Aventure, Club Aventure, Nomade, ou encore
Atalante.
           Au même moment, les guides de haute montagne souhaitant diversifier leurs
activités commencèrent à développer une offre de voyages fondée sur les sports de
montagne, et la découverte culturelle d’un pays.
           Dans ce milieu du tourisme d’aventure, le trekking au Népal détient la
première place, il s’agit de la première destination extra-européenne de ce type de
voyage, à peine devant les circuits du Sahara et les randonnées dans l’Atlas
marocain. Loin derrière arrivent la Turquie, et l’Inde, puis encore le Kenya et la


19
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p68.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,         32
                                            INALCO, 2012
Tanzanie, et les circuits des Andes (Pérou, Bolivie, Equateur, Colombie, Chili,
Argentine).


           Ainsi, le trekking s’est développé dans le tourisme dans les années 1970,
comme une thématique de voyage à part entière loin des sentiers battus, se
distinguant du tourisme de masse, et dans une atmosphère de contestation de la
société de consommation touchant l’Europe et les Etats-Unis.


      5.2.3 Les raisons qui poussent l’Homme à faire de l’alpinisme


           Mais quelles sont les raisons qui poussent l’homme à pratiquer l’alpinisme20 ?
Que recherchent ces touristes, alpinistes et trekkeurs, en partant au quatre coins du
monde ? Ces sportifs pratiquant chez eux ont d’abord le rêve de vivre une aventure à
leur échelle, en partant dans les déserts ou en approchant à pied les géants de
l’Himalaya. Ce désir d’aventure part d’une envie de vivre une vie peu conventionnelle,
de se dégager de la vie quotidienne et de la civilisation industrielle pour retourner
davantage à un état de nature. S’ajoute à ces motivations le challenge purement
sportif, l’envie de se dépasser en gravissant des montagnes toujours plus hautes,
toujours plus difficiles. Enfin, une grande part de la motivation des alpinistes à
pratiquer ce sport est de pouvoir découvrir une autre culture. Ce sport dispense une
forme d’entrée thématique et une façon de voyager qui permet l’immersion plus
directe et plus profonde dans le pays visité, grâce au rythme lent et à la plus grande
liberté dans ce genre de périple. Pour illustrer cela nous pouvons découvrir le
témoignage du guide de haute montagne Jean Annequin, également formateur à
l’ENSA (Ecole Nationale de ski et d’Alpinisme), qui pense également que la
découverte d’une autre culture rend la pratique sportive intéressante : « C’est parce
qu’il y a çà a la clef, que cela me donne envie de le faire. Grimper pour grimper n’a
aucun intérêt et l’on en revient vite. Parcourir le monde pour les émotions partagées
est le fil conducteur.21 »


           5.3 Les arguments de vente des agences de voyages d’aventure



20
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p64.
21
     Propos du guide de haute montagne et formateur à l’ENSA, Jean Annequin, recueillis lors d’un entretien.
          Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,           33
                                              INALCO, 2012
Comment les agences de voyages d’aventure vendent elles leurs circuits de
trekking et d’alpinisme ? Quels sont leurs arguments ?
           Les principaux arguments que les agences de voyages d’aventure utilisent
reprennent tout simplement les raisons pour lesquels un trekkeur et un alpiniste
veulent partir à l’aventure. Ils reprennent les notions d’évasions, de retour à un état
de nature, et de défis sportifs, pour se confronter non seulement aux montagnes
mais également à soi-même. Un autre élément de vente notamment pour les
voyages en Himalaya, est de refaire vivre aux futurs clients les premières grandes
expéditions de conquêtes des sommets himalayens par les alpinistes qui ont marqué
l’histoire de la montagne.
           Mais aussi, dans la plupart des brochures de voyages, le thème de la
découverte culturelle est abordé à multiples reprises et est réellement mise en valeur
dans l’offre de voyage. L’on parle de rencontre avec « l’autre », et l’on met en valeur
les populations locales en évoquant « d’extraordinaire variété ethnique ». Pour les
voyages au Népal on en arrive également à une mystification des populations locales,
les Sherpa : « De rudes montagnards bouddhistes d’origine tibétaine dotées de
qualités de générosité, de gaieté, et d’hospitalité malgré leur vie âpre »22. Pour le cas
des voyages en Himalaya à nouveau, la thématique religieuse est également
importante. En effet le Bouddhisme et l’Hindouisme sont perçus comme des religions
très exotiques et fascinent l’Occident, tout en renforçant la mystification des lieux. Le
tourisme d’aventure va chercher le mythe, la représentation de la montagne des
Népalais, pour faire rêver les touristes. Ainsi la culture bouddhiste est survalorisée
par le tourisme, qui vend l’Himalaya comme une région cachée et inaccessible, qui a
su préserver ses coutumes, pour attirer le trekkeur.
           Du côté des guides de haute montagne, la valorisation de la découverte d’une
culture peut vraiment être un argument de taille pour donner envie à des clients de
partir en expédition à l’étranger. C’est le cas du guide Julien Laurent qui nous donne
son témoignage : « Je pense que la première motivation de mes clients reste les
activités montagnes. Cependant la curiosité pour d’autres cultures reste assurément
un argument de taille, et ce prétexte culturel est souvent très valorisé dans la
démarche commerciale des guides. Quel excellent prétexte que les voyages pour
faire par exemple un safari au Kenya après avoir grimpé le Kilimandjaro, ou partir au


22
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p72.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,         34
                                            INALCO, 2012
cœur de la forêt amazonienne en Equateur à la rencontre de tribus après avoir
grimpé le Cotopaxi et le Chimborazo. Je pense qu’on ne peut pas demander à tous
les guides de haute montagne de prendre le temps de faire découvrir les cultures
locales lors de voyages (car là n’est pas son métier), mais je sais aussi que cette
démarche constitue une excellente plus value pour attirer les clients et surtout réussir
un voyage.23 »




23
     Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien.
          Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   35
                                               INALCO, 2012
Chapitre 6
          Etude de cas : le trekking et l’alpinisme au Népal

           6.1 La diversité ethnique du Népal et le mythe du Sherpa


           S’il est une figure emblématique parmi les différentes populations locales que
se représente les Occidentaux dans une région de trekking et d’alpinisme, c’est bien
le Sherpa24. La place du Sherpa dans la représentation de l’Himalaya que se font les
trekkeurs est très importante, elle joue un des facteurs clefs dans la valorisation du
tourisme d’aventure au Népal. Cette population s’est en effet forgée une réputation
très forte, suite à leur implication dans les expéditions himalayennes et au rôle
essentiel qu’ils ont joué dans la conquête des 8000. Pourtant une utilisation erronée
est faite en ce qui concerne la désignation du Sherpa. En effet, à la base les Sherpa
forment une minorité ethnique du Népal spécifique vivant dans la région du Solo-
Khumbu. Mais l’utilisation abusive du terme par les Occidentaux a fait qu’un
glissement de sens s’est opéré, découlant sur une confusion où l’on ne sait plus très
bien si en parlant de Sherpa il s’agit d’une minorité ethnique, d’un guide népalais ou
d’un porteur, voire même de tous les Népalais. Au final le terme est désormais utilisé
dans un sens professionnel, et non plus ethnique, plus ou moins ambigu, désignant
un statut bien précis entre celui du guide et du porteur, au sein de la hiérarchie du
portage.
           Dans l’histoire de la conquête des sommets himalayens, les Sherpa se
distinguèrent très vite. « Ces mercenaires étaient appréciés par les Britannique pour
leur robustesse, leur courage, leur discipline, et leur bonne adaptation à la vie
collective, ainsi que pour leur absence de tabous alimentaires, qui les firent préférer
aux Indiens de castes.25 » La légende se concrétisa particulièrement lorsque Tensing
Norgay Sherpa fut le premier vainqueur de l’Everest avec Edmund Hillary, en 1953.
           Mais l’utilisation professionnelle du mot Sherpa ne doit pas être confondu avec
son utilisation ethnique. Les Sherpa ont en effet obtenu une place privilégiée dans la
hiérarchie du portage, mais cela ne doit pas occulter le fait que la diversité ethnique

24
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p74.
25
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p76.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,         36
                                            INALCO, 2012
du Népal est très riche, et que de nombreuses autres minorités ethniques ne sont
pas en reste. Ainsi, « les ethnies tibéto-birmanes des collines, en particulier les
Tamang, mais aussi les Magar, les Gurung, et les Raï ainsi qu’un petit nombre de
Newat et d’Indo-népalais s’investissent progressivement dans les activités de
montagne. 26»


           6.2 Le rapport Occidentaux/guides et porteurs népalais


      6.2.1 Les conséquences de la rencontre Occident/Népal par le tourisme
d’aventure


           Les rencontres qui ont lieux entre les guides et porteurs népalais avec leurs
clients Occidentaux ne sont pas sans conséquences diverses pour les Népalais. En
effet, un rapport de promiscuité s’opère avec les clients occidentaux, modifiant leur
mentalité et leur comportement, et découlant sur de nouvelles pratiques sportives
ainsi que sur une nouvelle perception qu’ils ont de la montagne et d’eux-mêmes.
           Tout d’abord, dans la rencontre entre les touristes occidentaux et les guides
népalais, les différences de niveau de vie conditionnent déjà la nature de leur rapport
l’un à l’autre. La relation est ambiguë dans la mesure où la relation clients/guides est
avant tout professionnelle, et que toutes les marques de sympathie des guides et
porteurs envers les touristes font partie du service qu’ils doivent rendre à leurs clients.
Ceci est à nuancer car il arrive évidemment que de véritables amitiés émergent entre
les touristes et les guides, les difficultés partagées en montagne aidant. Ainsi,
certains guides arrivent à se constituer parfois une clientèle fidèle.
           Par ailleurs, l’on note qu’en interaction avec les Occidentaux, les guides et
porteurs népalais ont découvert une nouvelle perception de la montagne. Ainsi, le
regard esthétique que portent les trekkeurs sur la montagne et toutes ces notions de
contemplation de la nature les ont surpris. D’un coup, les alpinistes les ont emmené
avec eux sur ces terrains de jeux, et les guides et porteurs se sont appropriés ces
représentations de la montagne. L’investissement important des guides et porteurs
népalais dans les métiers de la montagne a contribué à changer leur rapport à la
montagne. Les guides népalais sont alors devenus les principaux médiateurs, entre


26
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p82-83.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,       37
                                            INALCO, 2012
le groupe de touristes, le milieu environnemental qu’ils explorent avec eux, et les
populations locales qu’ils rencontrent sur leur parcours. Il s’est donc bien opéré une
transformation du rapport symbolique des guides et porteurs népalais envers la
montagne, au contact des Occidentaux.
       D’un autre côté, les Occidentaux sont désireux de découvrir les croyances
locales et de comprendre quelles sont les représentations que se font les Népalais
de la montagne. Certains alpinistes n’hésitent d’ailleurs pas à s’approprier ces
croyances, et à laisser des drapeaux de prières au camp de base de la montagne
qu’ils s’apprêtent à gravir par exemple. Les Népalais ont conscience de l’attrait de
leur culture (tibétaine et bouddhiste) pour les Occidentaux. Ils échangent ainsi
volontiers sur leurs danses, leurs chants, leur conception de la vie et de la religion.
Les Népalais, parfois surpris que les touristes viennent chercher l’inconfort, et les
fatigues du trekking au Népal, alors qu’ils bénéficient de conditions de vies
confortables en Occident, concluent parfois à une insatisfaction profonde sur le plan
spirituel des Occidentaux. Ayant parfois un peu de peine pour ces clients étrangers,
ils relativisent alors un peu l’écart qui les sépare. L’échange interculturel s’opère
donc bien entre les clients occidentaux, et les guides et porteurs népalais, même si
l’on remarque que l’influence des Occidentaux a des conséquences beaucoup plus
importantes sur les modes de vie des Népalais.
       En effet des conséquences économiques et sociales sont également à noter
du fait de l’arrivée des touristes occidentaux au Népal. Le développement du trekking
et de l’alpinisme a en effet fait émerger l’industrie du tourisme d’aventure, qui a crée
de nombreux emplois, et changé les modes de vies des guides et porteurs népalais,
toujours en déplacement aujourd’hui, alors qu’ils travaillaient avant comme
agriculteurs, auprès de leur famille.


   6.2.2 L’acculturation : Un des risques de la rencontre interculturelle ?


       Parmi toutes les conséquences qui émergent lors des interactions entre les
touristes occidentaux et les guides et porteurs népalais qui travaillent pour eux, il en
est une qui n’est pas à négliger, et qui a eu des effets importants sur la société
népalaise : l’acculturation. Cette notion décrit un ensemble de phénomènes qui
résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures
différentes et qui entraîne des modifications dans les modèles culturels initiaux de
       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 38
                                        INALCO, 2012
l’un ou des deux groupes. Il s’agit donc de la perte d’une culture d’origine mais aussi,
et peut être surtout, l’appropriation d’une nouvelle culture.
           En effet, « il s’observe chez les guides népalais toute une série de
phénomènes            d’imitation    des     étrangers,     en     particulier   dans     leurs    tenues
vestimentaires,         leurs    goûts     et   habitudes        alimentaires,    leurs    modèles      de
consommation et de comportements. Les Occidentaux qui ont une vision mythique
de leur apparent détachement matériel et de la frugalité « saine » de leur mode de
vie, découvrent avec une surprise quelque peu naïve que beaucoup de Sherpa ont
adopté à leur contact des comportements de plus en plus individualistes et
mercantiles.27 »
           Un autre effet encore plus grave dans ce processus d’imitation est également
apparu dans les années 1970, lorsque que dans ces années hyppies, de jeunes
occidentaux étaient en recherche de drogue bon marché auprès de la jeunesse
népalaise. Certains Sherpa se sont alors lancés dans des trafics illégaux à l’échelle
internationale.
           Mais ce processus d’acculturation est à nuancer car il trouve assez vite ses
limites. En effet, malgré ces réalités, les touristes occidentaux qui viennent en
Himalaya sont là non seulement pour découvrir des montagnes mythiques, mais
également pour y rencontrer le Sherpa qu’il imaginais avant son départ au Népal, et
auquel il attribue de nombreuses valeurs : courage, dévouement, spiritualité, sens de
l’effort, sympathie, etc… Le guide népalais a alors intérêt à se rapprocher le plus
possible de cette image pour contenter ses clients qui se le représente ainsi.
« L’image valorisante que l’étranger projette sur lui renforce d’une certaine manière
son identité.28 »
           Ainsi, le regard des touristes occidentaux modifie les relations sociales entre
les Népalais, tout comme leur pratique professionnelle les amène à s’approprier
progressivement leurs montagnes, jusque là ignorées ou maintenues à distance car
sacrées.




27
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p252.
28
     SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p253.
         Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,       39
                                            INALCO, 2012
Conclusion

           Après avoir étudié les cas spécifiques de trois sports d’aventure particuliers,
l’escalade, le trekking, et l’alpinisme, nous avons pu observé et comprendre en quoi
chacun de ces sports offrait des prétextes pour voyager. En effet, la pratique de
l’escalade, du trekking, de l’alpinisme, ou quel que soit le sport d’aventure, permet de
découvrir de nouvelles régions du monde car le principe même du sport d’aventure
est fondée sur la découverte, et le désir d’aller chercher des environnements peu
accessibles en tant normal.
           Le témoignage du guide de haute montagne Christian Ravier illustre bien ces
propos : « Ces activités sont prétextes au voyage, à la rencontre. Nous sommes
amenés à aller loin de grands centres touristiques, dans des endroits, des villages de
montagne où l’échange, parfois au delà du rempart de la langue, peut être très
fort.29 »
           Ces différents voyages passent en grande partie par le développement du
secteur du tourisme dit « d’aventure », qui se distingue du tourisme de
masse .Toutefois, peut on réellement parler de démarche interculturelle et de
dialogue interculturel lorsque que l’on voyage dans le cadre de ce mode de
tourisme ? En somme, quels sont les acteurs de la rencontre interculturelle qui a lieu
lors de ces voyages ? Quelle est la nature de ces rencontres ? Et enfin, quelles sont
les conséquences de ces rencontres interculturelles ?


           Pour ce qui est des protagonistes des rencontres interculturelles lors des
voyages d’aventures, ils sont de trois sortes. Il y a d’abord le touriste, le sportif qui
part à l’aventure découvrir de nouvelles régions et de nouvelles cultures au moyen
de sa passion. Il y a ensuite les populations locales de ces régions du monde
souvent isolées, qui assistent à l’arrivée de ces touristes dans leurs pays, parfois
perplexes face à la vision de la vie de ces derniers. Et enfin, il y a les employés des
agences locales qui réceptionnent et s’occupent des touristes. Dans le cas du Népal
que nous avons étudié en profondeur, il s’agit des Sherpa et des porteurs népalais,


29
     Propos du guide de haute montagne Christian Ravier recueillis lors d’un entretien.
          Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   40
                                               INALCO, 2012
qui jouent le rôle important du médiateur entre les touristes, les populations
autochtones, et l’environnement du pays visité.
        La nature de ces rencontres interculturelles est belle est bien de l’ordre de la
découverte, mais peut on réellement parler de dialogue interculturel ? Ce n’est pas si
évident, et c’est cela qu’explique Julien Laurent dans son témoignage : « A mon sens,
les activités montagnes favorisent les rencontres interculturelles à l’échelle nationale,
européenne et internationale. La pratique de la montagne nécessite une mobilité
géographique. Les nombreux lieux de passage pour rejoindre les sites de pratiques
alpines sont inédits, originaux et variés. Il est à mon sens très juste de parler de
découverte culturelle (architecture, gastronomie, lieux de culte, organisation des
sociétés, mode de vie…). En revanche, il est, je crois plus délicat de parler de
rencontre et surtout de dialogue avec d’autres cultures. Plusieurs raisons à cela. Les
moments de découvertes restent souvent éphémères (quelques jours à quelques
semaines), la barrière de la langue est une constante (communication à des
personnes restreintes), les visiteurs de passages restent toujours des étrangers et
les portes ne leurs sont pas toujours grandes ouvertes, les lieux régulièrement
fréquentés par les alpinistes deviennent des lieux de tourisme dont les impacts
économiques locaux ont des effets sur les structures sociales et culturelles en place.
Je crois donc que la montagne favorise grandement les échanges interculturels mais
que certaines portes méritent d’être entrouvertes au prix de quelques efforts
(rudiments linguistiques, durées des voyages, curiosité naturelle, lieux inédits,
respect des traditions…) 30 ». De plus, un autre guide de haute montagne, Rémi
Thivel, précise que « les pratiques sportives favorisent des échanges, à condition
seulement qu’elles ne se fassent pas dans la démesure : par exemple les
expéditions commerciales sur les grands sommets de 8000 mètres d’altitude, ou
l’héliski en Turquie. Les échanges interculturels seront sûrement plus faciles pour un
petit groupe de backpakers que pour une collective d’agence31 ».
        Enfin, l’impact des voyages et des rencontres interculturelles entre les
pratiquants de sports d’aventures, et les populations des régions isolées, n’est pas
sans conséquences, et ce, pour les deux parties de cette rencontre.



30
  Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien.
31
  Propos du guide de haute montagne Rémi Thivel, également formateur à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et
d’Alpinisme), recueillis lors d’un entretien.
        Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,      41
                                              INALCO, 2012
En effet, il se produit d’abord un phénomène de choc culturel. La
représentation de la nature, du sport que pratique le touriste, la vision de la vie, la
religion, les valeurs,… tous ces points peuvent réellement différées voire être
totalement contradictoire entre les touristes et les populations locales. Cela peut être
source d’incompréhension, d’étonnement, voire même de conflits.
      Un deuxième effet qui peut se produire pendant la rencontre interculturelle, et
que nous avons analysé dans le cas du Népal, et l’enclenchement d’un processus
d’acculturation, qui touche davantage les populations locales au contact des touristes
« d’aventures », que les touristes eux-mêmes. Toutefois, ce phénomène est à
nuancer car il a ses limites, et ne présente pas un si grand risque pour les
populations locales.
      Au final, il convient de se souvenir que la pratique des sports d’aventures
engendre donc un processus de démarche interculturelle, mais que celle-ci n’est pas
sans conséquences pour aucun des acteurs de la rencontre interculturelle. Cette
rencontre a des effets complexes, et agit sur la dynamique des sociétés et du milieu
local. Ne peut on donc pas s’interroger sur l’impact que ses effets ont eu sur les
populations, aussi bien dans leur représentation du monde que dans la construction
de leur identité, et ainsi essayer de comprendre comment le tourisme d’aventure
devrait se développer, pour continuer au mieux à respecter la diversité culturelle ?




      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   42
                                         INALCO, 2012
Annexe
                           Questions à Julien Laurent,
                           et autres guides de haute montagne
http://www.julienlaurent.com/Des_glaciers_aux_coraux/acceuil.html

Dans le cadre de mon mémoire de fin de première année de master en
communication interculturelle, je réalise un travail sur le sujet suivant : « Les sports
d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle »
En me focalisant en particulier sur la pratique de l’escalade, du trekking, et de
l’alpinisme, je cherche à démontrer que la pratique de ces sports participe au
développement de la démarche interculturelle, et engendre un dialogue des cultures.
Pour m’aider dans mes recherches, pourriez-vous répondre aux quelques questions
ci-dessous ?

   1) D’une manière générale, pensez vous que la pratique de l’escalade, du
      trekking, ou de l’alpinisme favorise la rencontre et le dialogue vers d’autres
      cultures ? Pourquoi ?

   2) Dans votre métier, la part des voyages à l’étranger (expéditions, trekkings,
      etc…) avec des clients est-elle importante ?

   3) En France, avez-vous une clientèle étrangère ? Si oui,                        de quels pays
      viennent ces étrangers principalement ?

   4) Vous avez été formé à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme) à
      Chamonix. Dans la formation des guides de haute montagne, y a-t-il un
      enseignement ou une sensibilisation dédiée à l’interculturel, ou destinée à
      vous préparer à gérer des clients ou un environnement aux codes culturels
      différents ? Si non, cela vous semblerait-il utile ?

   5) Dans votre métier, avez-vous déjà été confronté à des problèmes liés à des
      différences culturelles ? Etait-ce entre vous et vos clients ? Ou entre votre
      groupe et le pays ou vous voyagiez ? Comment avez-vous géré ces conflits ?

   6) Pensez vous qu’au delà de la pratique sportive, une des motivations de vos
      clients et de découvrir d’autres cultures ? Insistez vous sur cet aspect de votre
      métier pour trouver des clients ?

   7) Enfin, et au-delà de votre métier, pensez-vous que la pratique des sports de
      montagne a été pour vous un moyen de découvrir d’autres cultures ?
      Pourquoi ?

   8) Depuis combien de temps faites vous de la montagne ? Depuis combien
      d’années exercez-vous le métier de guide de haute montagne ?


Merci beaucoup pour vos réponses !
      Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   43
                                         INALCO, 2012
Bibliographie
   -   ANKER Conrad, ROBERTS David, À la recherche des fantômes de l'Everest.
       Glénat, Grenoble, 2000, 260p.
   -   ARDITO Stefano, Glorieux sommets, images et récits des grands alpinistes,
       Gründ, 1993, 144p.
   -   HERZOG Maurice, Annapurna, premier 8000, Flammarion, Paris, 2010, 381p.
   -   RETTNER Rainer, Triomphe et tragédies à l’Eiger, à la conquête de la face
       nord, 1932-1938, coll. Hommes et montagnes, Glénat, 2009, 320p.
   -   SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll.
       Mappemonde, Belin, 1997, 273p.



                                       Filmographie
   -   LOWE Georges, La conquête de l’Everest, Grande-Bretagne, 1953. (DVD
       78min : couleur SECAM)
   -   STOLZL Philipp, North face, duel au sommet, Allemagne, 2008. (DVD,
       121min : couleur SECAM).



                                 Ressources internet
Agence de tourisme d’aventure :

- http://www.terdav.com/
- http://www.allibert-trekking.com/
- http://www.terresoubliees.com/
- http://www.clubaventure.fr/
- http://www.atalante.fr/
- http://www.tamera.fr/
- http://www.expeditionsmonde.com/
- http://www.akaoka.com/


Divers :

- http://www.ffme.fr/
- http://www.kairn.com/


       Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris,   44
                                          INALCO, 2012

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Les sports d'aventure : vecteurs de la démarche interculturelle

  • 1. Magistère C2I : Communication Interculturelle de l’Inalco Filière Communication et Formation Interculturelles Institut National des Langues et Civilisations Orientales Les sports d’aventure : Vecteurs de la démarche interculturelle Mémoire de fin de première année soutenu par Valentin CADIOT Directeur de recherche : Peter Stockinger Promotion 2011-2012 Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 1 INALCO, 2012
  • 2. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 2 INALCO, 2012
  • 3. Cadiot, Valentin : « Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle. » Rapport pour l’obtention du Diplôme du Magistère de niveau M1 en Communication Interculturelle de l’INALCO (Mag-C2I). Paris, Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) – Filière de Communication et Formation Interculturelle (CFI), 2012 Jury d’examen 1 – Peter Stockinger 2 – Michel Fournié Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 3 INALCO, 2012
  • 4. A François, sans qui je n’aurais jamais découvert la montagne. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 4 INALCO, 2012
  • 5. Résumé « Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle ». Le problème posé dans ce travail consiste à essayer de comprendre dans quelles mesures la pratique d’une activité sportive dite « d’aventure » engendre un dialogue des cultures, et d’analyser en quoi le tourisme d’aventure favorise-t-il la découverte et le respect des autres cultures. L’objectif est donc double. Il est à la fois de démontrer que la pratique de ces sports participe au développement de la démarche interculturelle, et de montrer que le tourisme d’aventure offre une alternative au tourisme de masse, en terme de respect de la diversité culturelle. L’étude de ce sujet a été faite en se fondant sur trois sports d’aventures représentatifs : l’escalade, l’alpinisme et le trekking, en étudiant en particulier le développement du trekking et de l’alpinisme au Népal, et ses conséquences sur les populations, ainsi qu’en s’appuyant sur des points de vue de professionnels des sports d’aventures : des guides de haute montagne et des formateurs à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme). La pratique des sports d’aventure permet donc d’engendrer des rencontres interculturelles, mais celles-ci ne sont pas sans conséquences, et il convient de les identifier et de les comprendre. Abstract « Adventure sports: vectors of the intercultural approach ». The problem in this work is to understand to what extent the practice of an “adventure sport” creates a dialogue between cultures, and to analyze how adventure tourism does promote the discovery and respect of other cultures. There are two main goals in this work. It is both to demonstrate that these sports helps develop the intercultural approach, and to show that adventure tourism offers an alternative to mass tourism, in terms of respect for cultural diversity. This study was based on three representative adventure sports: rock-climbing, mountaineering and trekking, exploring in particular the development of trekking and mountaineering in Nepal, and its consequences on local populations, as well as asking the point of view of professionals about adventure sports : mountain guides and instructors at the ENSA (National School of Ski and Mountaineering) located in Chamonix, France. The practice of adventure sports can therefore lead to intercultural encounters, but these are not without consequences, and should be identified and understood. レジュメ 「冒険のスポーツ:アプローチの異文化間のベクトル」。この論文の課題 は「冒険」と呼ばれるスポーツの行うことは異文化間の対話を生成します。どの程 度まで理解しようとすると、冒険旅行が推進方法を分析することであることか他の 文化のための発見と尊敬しますか?目的は 2 つあります。それは両方がこれらのス ポーツが異文化アプローチを開発し、冒険旅行は、文化的多様性の尊敬の観点から、 Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 5 INALCO, 2012
  • 6. マスツーリズムに代わるものを提供することを示すに役立つことを実証することで ある。 この主題の研究は 3 つの代表的な冒険のスポーツに基づいて行われます:ロッ ククライミング、登山、とトレッキング。特にネパールでトレッキングや登山の発 展、と国民にその結果を分析します。ついに、冒険のスポーツのプロの視点で描き ます:そのプロは ENSA(スキーと登山の国立学校)での山岳ガイドやインストラ クター。 冒険のスポーツの行うことは、したがって、異文化間の出会いにつながることがで きますが、これらは影響がないわけではありません。それらを識別し、理解する必 要があります。 Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 6 INALCO, 2012
  • 7. Sommaire RESUME………………………………………………………………………………………………………….5 ABSTRACT……………………………………………………………………………………………………....5 レジュメ...............................................................................................................................................5 AVANT-PROPOS………………………………………………………………………………………………..8 CHAPITRE 1 INTRODUCTION : SPORTS D’AVENTURE ET INTERCUTUREL……………………….9 1.1 LES SPORTS D’AVENTURE...........................................................................................................9 1.2 L’INTERCULTUREL……………………………………………………………………………………………….10 1.3 LIEN ENTRE SPORTS D’AVENTURE ET DEMARCHE INTERCULTURELLE…………………..…….10 1.3.1 Le tourisme d’aventure…………………………………………………………………………10 1.3.2 Problématique…………………………………………………………………………………..11 CHAPITRE 2 DEMARCHE DE MA RECHERCHE…………………………………………………………12 2.1 LES OBJECTIFS DE MON ETUDE…………………………………………………………...…………12 2.2 LES DIFFERENTS AXES DE RECHERCHES……………………………………………………..……12 2.2.1 Trois sports définis……………………………………………………………………………..12 2.2.2 « Porteurs de l’Himalaya » : Un ouvrage spécifique………………………………………..13 2.2.3 Le point de vue d’un guide de haute montagne……………………………………………..13 2.2.4 L’offre de voyage des agences de tourisme d’aventure……………………………………14 CHAPITRE 3 L’ESCALADE…………………………………………………………………………………..15 3.1 PRESENTATION DU SPORT…………………………………………………………………………...15 3.2 LA « CULTURE DU ROCHER »……………………………………………………………………...….17 3.3 L’ESCALADE ET LA DEMARCHE INTERCULTURELLE………………………………………...……..18 CHAPITRE 4 LE TREKKING ET L’ALPINISME……………………………………………………………20 4.1 LE TREKKING, UN NOUVEAU MODE DE TOURISME……………………………………………..….20 4.2 L’ALPINISME, UNE SOURCE DE RICHESSE INTERCULTURELLE…………………………………..20 4.3 DES PERCEPTIONS DIFFERENTES DE LA MONTAGNE……………………………………………..22 4.3.1 Montagne et spiritualité………………………………………………………………………...22 4.3.2 La vision occidentale de la montagne………………………………………………………..24 4.3.3 Etude de cas : La vision de la montagne au Népal…………………………………………24 CHAPITRE 5 SPORTS DE MONTAGNE ET DIVERSITE CULTURELLE………………………………27 5.1 LA CONQUETE DES ALPES ET DE L’HIMALAYA…………………………………………………...…27 5.1.1 Les Alpes, un affrontement des Nations……………………………………………………..27 5.1.2 L’Himalaya, un nouveau terrain de jeux……………………………………………………..29. 5.2 L’ATTRAIT POUR LES VACANCES SPORTIVES PROCHES DE LA NATURE, UN PHENOMENE CULTUREL ? ..........................................................................................................................................30 5.2.1 La clientèle du trekking………………………………………………………………………...30 5.2.2 Le développement du trekking dans le tourisme……………………………………………32 5.2.3 Les raisons qui poussent l’Homme à faire de l’alpinisme………………………………….33. 5.3 LES ARGUMENTS DE VENTE DES AGENCES DE VOYAGES D’AVENTURE………………………..34 CHAPITRE 6 ETUDE DE CAS : LE TREKKING ET L’ALPINISME AU NEPAL……………………….36 6.1 LA DIVERSITE ETHNIQUE DU NEPAL ET LE MYTHE DU SHERPA………………………………….36 6.2 LE RAPPORT OCCIDENTAUX/GUIDES ET PORTEURS NEPALAIS………………………………….37 6.2.1 Les conséquences de la rencontre Occident/Népal par le tourisme d’aventure………...37 6.2.2 L’acculturation : Un des risques de la rencontre interculturelle ? ...................................38 CONCLUSION …………………………………………………………………………………………………40 ANNEXE…………………………………………………………………………………………………………43 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………………….44 FILMOGRAPHIE………………………………………………………………………………………………..44 RESSOURCES INTERNET…………………………………………………………………………………...44 Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 7 INALCO, 2012
  • 8. Avant-propos Le choix de ce sujet de travail de recherche découle de ma passion pour les sports d’aventure, et en particulier des sports de montagne, comme l’escalade et l’alpinisme. De mon expérience personnelle, et avec le temps, j’ai peu à peu réalisé que c’est la pratique de ces sports qui m’a encouragé à voyager et qui m’a permis de m’ouvrir sur le monde, sur ses différentes cultures, et ses langues multiples. Pour le mémoire de fin de première année, à rédiger dans le cadre du magistère en communication interculturelle de l’Inalco, j’ai donc immédiatement pensé à trouver un sujet de recherche combinant à la fois ma passion pour les sports d’aventure, mon goût pour les voyages, et mon intérêt pour la communication interculturelle dans tout ce qu’elle implique. Je suis donc très heureux d’avoir pu réaliser ce travail, qui vise à démontrer que la pratique des sports d’aventure engendre un processus de démarche interculturelle. Ces sujets d’études me passionnent, je vous laisse les découvrir. Valentin Cadiot Paris - 03/06/2012 Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 8 INALCO, 2012
  • 9. Chapitre 1 I n t r o d u c t i o n : Sp o r ts d ’ a v e n t u r e e t interculturel 1.1 Les sports d’aventure Le terme de « sport d’aventure » est assez large, est renvoie à des activités sportives qui se pratiquent majoritairement en milieux naturels, que ce soit en montagne, en mer, dans des déserts, des forêts, sur des rivières, etc… Nous pouvons essayer de faire une liste des sports d’aventures : Sports de montagne (ski, alpinisme, escalade, randonnée,…), les sports d’eau (surf, kayak, voilier, rafting, canyoning,…), les sports aériens (parapente, kite surfing, …) ou encore le cheval, le VTT, la spéléologie, etc… Mais il est difficile de réaliser une liste exhaustive de ces sports. En effet, la limite de ce qu’est un sport d’aventure n’est pas clairement définie. D’un point de vue général, le sport d’aventure implique un goût pour l’effort physique, un goût pour l’aventure, mais également un désir de découverte, que ce soit la découverte d’une région du globe ou d’un milieu naturel bien précis. Ainsi les sports d’aventure se pratiquent souvent en fonction de l’environnement naturel du pays où l’on est, de son climat, et de sa géographie. Selon le pays où l’on se trouve, les conditions environnementales qu’il offre ne permettent que la pratique de tel ou tel sport d’aventure. Certains pays sont donc connus particulièrement parce que leur milieu naturel et les conditions géographiques permettent la pratique d’un sport d’aventure précis. Par exemple, le froid et la neige du grand nord canadien permettent de faire du chien de traîneaux, les vagues de Hawaii favorisent la pratique du surf, ou encore les dunes de sables du désert du Sahara encouragent la pratique du trekking et de la randonnée. Nous pouvons donc dire que la pratique d’un sport d’aventure bien particulier implique à la base un intérêt ou au moins une curiosité pour la « culture environnementale et climatique » du pays d’origine de la pratique de ce sport. C’est pourquoi les sports d’aventures favorisent les « voyages d’aventures » Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 9 INALCO, 2012
  • 10. 1.2 L’interculturel D’un point de vue très général, le terme « interculturel » désigne une situation d’interaction entre des individus de cultures différentes. Il existe de très nombreuses définitions de la culture, voici l’une d’entre elles : « L’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.1 » Il est important de prendre conscience de l’ampleur de la diversité culturelle présente sur le globe. En effet de nombreuses « aires culturelles », elles mêmes divisées en « sous cultures » couvrent l’ensemble du monde, où chacune a ses particularités et des codes culturels différents. En connaissance de cette réalité, il est devient alors intéressant d’observer et de comprendre ce qu’il se passe lorsque deux individus ou deux groupes d’individus aux codes culturels différents entrent en interaction les uns avec les autres. Les notions de communication interculturelle et de démarche interculturelle prennent alors tout leur sens, et témoignent d’une volonté d’un groupe culturel aux codes culturels bien spécifiques à entrer en interaction avec un autre, à générer un processus de communication et de découverte de l’autre. La démarche interculturelle signifie que l’on prend part à un processus de communication interculturelle, et cela suppose de : se décentrer (c'est-à-dire objectiver son propre système de références, à s’en distancier, et donc de s’ouvrir à l’existence d’autres systèmes), se mettre à la place des autres (c'est-à-dire développer des capacités d’empathie, et ne pas généraliser), coopérer (dépasser les préjugés, faire la démarche d’essayer de comprendre l’autre, comment il perçoit la réalité et comment il me perçoit). 1.3 Lien entre sports d’aventure et démarche interculturelle 1.3.1 Le tourisme d’aventure 1 Définition de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture) Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 10 INALCO, 2012
  • 11. Pour comprendre le lien qui relie les sports d’aventure et la démarche interculturelle, il convient de revenir au fait que la pratique des sports d’aventure implique majoritairement le désir de la découverte d’un nouveau milieu naturel, et d’un nouvel environnement, souvent d’un nouveau pays. Pratiquer un sport d’aventure encourage donc à voyager et à pratiquer ce que l’on appelle le « voyage d’aventure », donc de pratiquer le tourisme d’aventure, c'est-à-dire voyager dans une optique de découverte d’un nouveau lieu et ce au moyen d’une activité sportive. « Le tourisme d’aventure désigne par là des voyages de découverte d’un pays lointain, dans des régions peu touchées par le tourisme de masse, selon une thématique à la fois sportive et culturelle.2 » Le rôle du tourisme d’aventure est donc très important car c’est bien lui qui permet de mettre en route le processus de démarche interculturelle, en envoyant les pratiquants de sports d’aventures découvrir de nouvelles régions du monde et les cultures qui leur sont rattachées. 1.3.2 Problématique Ainsi, c’est en m’intéressant à la pratique des sports d’aventure et aux voyages que celle-ci peut entraîner, que je me suis posé deux questions, auxquelles je vais tenter de répondre tout le long de ce travail : - Dans quelles mesures la pratique d’une activité sportive dite « d’aventure » engendre-t-elle un dialogue des cultures? - En quoi le tourisme d’aventure favorise-t-il la découverte et le respect des autres cultures? 2 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p14. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 11 INALCO, 2012
  • 12. Chapitre 2 Démarche de ma recherche 2.1 Les objectifs de mon étude Mes recherches traitent deux sujets bien distincts : les sports d’aventures et la démarche interculturelle, et visent à comprendre le lien qui les unis. Ainsi mon objectif pour ces études est double. Dans un premier temps, je souhaiterais démontrer que la pratique d’un ou des sport(s) d’aventure, participe au développement de la démarche interculturelle, et ceci pour plusieurs raisons que nous allons étudier tout au long de ce travail. Dans un second temps, et après avoir défini le lien qui unissait les sports d’aventure, la démarche interculturelle, et le tourisme d’aventure, je chercherais à montrer en quoi le tourisme d’aventure pourrait offrir une alternative au tourisme de masse, en terme de respect de la diversité culturelle. 2.2 Les différents axes de recherches Mon travail sur les sports d’aventure et la démarche interculturelle se fondera sur quatre axes de recherches et d’analyses, énoncés ci-après : 2.2.1 Trois sports définis Tout d’abord, le terme de sports d’aventure étant relativement large et lié à plusieurs interprétations, il sera difficile de traiter le sujet dans sa globalité, c'est-à- dire d’étudier dans le détail une liste exhaustive de tous les sports d’aventure existant. C’est pourquoi pour traiter mon sujet, je vais me baser sur l’étude de la pratique de trois sports en particulier, qui sont représentatifs des sports d’aventure et illustrent bien ce que je vais chercher à démontrer dans mon travail. Il s’agit : Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 12 INALCO, 2012
  • 13. - De l’escalade : Le but de ce sport est de gravir un rocher ou une falaise de tailles variables à l’aide de ses mains et de ses pieds. Pour ce sport, les grimpeurs auront également besoin d’un matériel adapté (chaussons d’escalade) pour assurer leur sécurité (baudrier, corde, casque,…) - Du trekking : On parle également de « randonnée » ou de « grande randonnée » pour ce sport. Il consiste à marcher à pied pour une durée d’un à plusieurs jours, le plus souvent dans des régions montagneuses (Himalaya, Haut- Atlas marocain, les Andes,…), mais également dans des zones de hauts plateaux (Tibet oriental et central, altiplano bolivien,…) ou des déserts (désert du Sahara). - De l’alpinisme : Cette pratique sportive consiste à gravir des montagnes en haute altitude, et ce, à l’aide de ses membres et de matériel de montagne (corde, baudrier, crampons, piolet, casque,…). Le plus souvent, l’alpinisme se pratique par groupes de deux ou trois alpinistes, encordés les uns aux autres pour réaliser l’ascension d’une montagne. 2.2.2 « Porteurs de l’Himalaya » : Un ouvrage spécifique Après avoir sélectionné trois sports représentatifs de la pratique des sports d’aventure, j’ai également sélectionné un livre de Isabelle Sacareau, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, que je vais étudier en profondeur et sur lequel je vais me baser principalement. En effet ce livre aborde plusieurs thèmes sur le développement du trekking et le développement du tourisme d’aventure au Népal, avec les conséquences qui en découlent, et nous apporte ainsi des connaissances profondes sur le sujet. Il y aura donc dans mon travail une analyse poussée sur la pratique du trekking et de l’alpinisme au Népal, et sur ses conséquences en terme de dialogue interculturel. 2.2.3 Le point de vue d’un guide de haute montagne Au-delà de l’étude de l’ouvrage de Isabelle Sacareau, j’ai souhaité mener un guide d’entretien avec monsieur Julien Laurent, guide de haute montagne. Il était intéressant de connaître l’avis d’un professionnel des sports de montagne et de Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 13 INALCO, 2012
  • 14. l’aventure, sur mes questions portant sur ce domaine. Julien Laurent est un jeune guide originaire des Pyrénées et qui vit maintenant dans les Alpes-maritimes. Il fait de la montagne depuis toujours et pratique l’alpinisme et l’escalade a proprement parlé depuis vingt ans. Il exerce le métier de guide de haute montagne depuis cinq ans. Il m’a ainsi semblé pertinent de lui demander son point de vue, en tant que guide de haute montagne, fort d’une riche expérience en matière de sport d’aventure, de voyages et de rencontres interculturelles. D’autres guides de haute montagne, comme Christian Ravier, ont également eu la patience de répondre à mes questions. Parmi eux se trouvent Jean Annequin et Rémi Thivel, qui en plus du métier de guide, sont formateurs à l’ENSA (Ecole Nationale du Ski et de l’Alpinisme) située à Chamonix. 2.2.4 L’offre de voyage des agences de tourisme d’aventure Enfin, je compte analyser l’offre de voyage des grandes agences de tourisme d’aventure. Pour analyser ces offres, je chercherai à savoir si ces agences utilisent le fait de pouvoir découvrir une autre culture comme un argument de vente pour un voyage sportif. Si c’est le cas, je chercherai à montrer l’importance que peut prendre cet argument dans l’offre de voyage et plus largement au sein de ces tour- opérateurs. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 14 INALCO, 2012
  • 15. Chapitre 3 L’escalade 3.1 Présentation du sport L’escalade est un sport qui consiste à gravir un rocher, ou une falaise de tailles variables. Pour se faire, le pratiquant doit se servir de ses mains et des ses pieds mais aussi mobiliser l’ensemble des muscles de son corps, tout en jouant sur différents équilibres et placements du corps. Bien évidemment, puisque le grimpeur prends de la hauteur, il devient dangereux pour lui de pratiquer ce sport. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir un minimum de matériel d’escalade pour assurer sa sécurité. Au sein de cette pratique sportive, nous distinguons trois disciplines distinctes : - La couenne : C’est la discipline de l’escalade la plus commune et la plus pratiquée par les grimpeurs dans le monde en général. Elle consiste à gravir une falaise, ou un mur mais seulement sur une longueur de corde. La hauteur des falaises gravies va généralement de dix à quarante mètres de haut, mais peut aller au-delà. Dans cette discipline l’effort est continu sur l’ensemble de la longueur de voie d’escalade. - Le bloc : Cette discipline est un peu moins courante que la précédente. Il s’agit de gravir des blocs de rochers d’une hauteur allant de deux à six mètres environ. La particularité de l’escalade de bloc est qu’elle se pratique sans corde pour s’assurer. La hauteur des blocs à gravir étant moins importante, seule l’utilisation d’un matelas (que l’on appelle crash-pad), placé correctement en bas du bloc, permet d’assurer la sécurité du grimpeur en cas de chute de ce dernier. De plus, et contrairement à une idée reçue, l’escalade de bloc bien qu’elle nécessite moins de prise de hauteur, n’est pas plus facile que l’escalade en couenne. En bloc, l’effort est très court (entre quinze secondes et deux minutes d’efforts environ) mais beaucoup plus intense. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 15 INALCO, 2012
  • 16. Cette discipline nécessite souvent de mettre en œuvre des mouvements très techniques et beaucoup plus dynamiques. Ainsi, beaucoup de grimpeurs aiment faire du bloc pour améliorer leur technique et leur gestuelle pour ensuite reprendre la couenne. - La grande voie : C’est cette discipline qui peut sembler la plus impressionnante et la plus dangereuse en escalade. En effet, elle consiste à gravir des falaises de taille beaucoup plus impressionnante, qui nécessite plusieurs longueurs de corde. Les falaises de grande voie font généralement entre cent et quatre cent mètres de hauteurs, mais peuvent aller au-delà des mille mètres de haut. C’est ainsi que les notions de verticalité et de vertige prennent tout leur sens et ont enivré plus d’un grimpeur, le motivant à vaincre ses peurs, repousser ses limites, et trouver l’aventure au plus profond de soi. La grande voie permet ainsi de développer un effort long et parfois intense, et requiert beaucoup d’endurance, car l’ascension d’une grande voie et sa redescente prennent beaucoup de temps. Cela peut prendre trois heures pour les grandes voies les plus courtes, ou encore trois jours pour les falaises les plus grandes (comme par exemple la voie du Nose au parc national du Yosemite, en Californie, Etats-Unis), où il devient alors nécessaire de passer la nuit au milieu de la paroi. Dans cette discipline d’escalade, la sécurité est extrêmement importante car la moindre erreur peu très vite devenir très grave. La grande voie nécessite ainsi beaucoup de matériel de sécurité, beaucoup de rigueur, et d’engagement personnel. Ainsi, l’escalade est un sport permettant de pratiquer différentes disciplines très différentes et complémentaires les unes des autres, où chacun peut y trouver son compte, ses sensations différentes. Il est par ailleurs intéressant de noter qu’après tout ce que nous allons étudier sur le trekking, l’escalade ne s’inscrit pas vraiment dans le tourisme d’aventure, c'est-à-dire que les agences de voyages d’aventure ne proposent pas ou peu de pratiquer l’escalade dans leurs offres de voyages. Voyager pour faire de l’escalade relève davantage d’une démarche personnelle sans le besoin de passer par une agence. Ainsi, même en dehors du tourisme d’aventure, d’autres disciplines sportives dites « d’aventure » favorisent la démarche interculturelle. Ces sports dépassent donc le cadre du tourisme qui favorise la rencontre des cultures, et l’escalade en fait partie. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 16 INALCO, 2012
  • 17. 3.2 La « culture du rocher » Pour comprendre en quoi l’escalade favorise le dialogue des cultures, il est intéressant de noter qu’au sein de la discipline sportive même, une grande diversité existe, que ce soit dans les disciplines (couenne, bloc, ou grande voie), dans les pratiques (encordé avec un partenaire, ou en solo intégral, c'est-à-dire sans aucune assurance,…), ou encore dans le rocher (calcaire, granit, grès,…). Ainsi, en fonction des pays, les pratiques de l’escalade peuvent réellement différer, et tout l’intérêt pour un grimpeur sera de pouvoir découvrir cette diversité en voyageant et en partageant sa passion avec des grimpeurs d’autres pays. Il existe par exemple ce que l’on pourrait appeler « une culture du rocher ». En effet, selon le pays ou la région où l’on se trouve, la nature du rocher peut être différente, formant des falaises et donc des voies d’escalade qui n’ont rien à voir dans le style. Les Etats-Unis par exemple sont très connues pour avoir un rocher très compact et des voies « en fissures », là où la France est davantage connue pour ses voies en calcaires, sans jamais aucune fissure. Ainsi, un grimpeur américain développera davantage sa musculature au niveau des épaules là où un Français développera plutôt ses avant-bras. Par ailleurs, un très bon grimpeur français peut se retrouver totalement démuni face à une voie en fissure aux Etats-Unis, nécessitant une technique particulière à laquelle il ne sera pas familiarisé. D’autre part, et pour illustrer à nouveau mes propos, les Espagnols sont reconnues pour exceller dans l’escalade en dévers (c'est-à-dire une escalade surplombante sur l’ensemble de la voie), qui nécessite beaucoup plus de force physique et de dynamisme, contrairement à une escalade en dalle (c’est-à-dire sur une voie à peine verticale) qui demande davantage de jeux d’équilibre, de positionnement, et de techniques. Enfin, les grimpeurs japonais sont connus pour préférer l’escalade de bloc à la couenne ou à la grande voie. En effet, leur corpulence leur permet d’exceller dans le bloc, qui nécessite des efforts courts mais extrêmement intenses et parfois violents, sur des prises très petites et difficiles à tenir. Culturellement aussi, les grimpeurs japonais préfèrent l’escalade de bloc parce que cette discipline nécessite peu de matériel, et peut se pratiquer sans partenaire d’escalade. Ainsi, le bloc permet une plus grande liberté individuelle, qui convient bien aux grimpeurs japonais. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 17 INALCO, 2012
  • 18. 3.3 L’escalade et la démarche interculturelle Pour comprendre en quoi la pratique de l’escalade favorise la démarche interculturelle, il convient de l’illustrer par un évènement bien particulier. Il s’agit d’un évènement organisé par Petzl, une des marques de matériels d’escalade les plus connues. Cette entreprise organise chaque année le Petzl Roc Trip. Il s’agit de faire partir toute une équipe de grimpeurs, parmi les meilleurs du monde et sponsorisés par Petzl, chaque année dans un coin du monde différent, pour y découvrir des falaises d’escalade. La dernière édition de l’évènement s’est déroulée en 2O11, le Roc Trip avait lieu en Chine, au parc national de la rivière Getu, l’année d’avant l’évènement se déroulait dans le Sud du Mexique, et en 2009 les grimpeurs se sont retrouvés en France aux alentours de la ville de Millau. Au retour de chacun de ces voyages, des comptes-rendus vidéo sont diffusés en masse sur internet pour la communauté des grimpeurs, et les encouragent à découvrir des lieux d’escalade partout dans le monde. Dans le film du dernier Petzl Roc Trip, les meilleurs grimpeurs du monde, venant de Suède, des Etats-Unis, d’Espagne, de Grande- Bretagne, de France, du Japon… découvrent une région reculée de Chine sur une falaise de plusieurs centaines de mètres de haut le long d’une rivière. Nous les observons découvrir ce nouvel environnement, les paysans chinois qui travaillent au pied de la falaise, et faisant connaissance avec la communauté de grimpeurs chinois. Autant de pays, de langues, et de cultures réunis autour de ce même sport. Une grimpeuse japonaise affirme d’ailleurs : « Nous parlons tous la même langue : l’escalade ». Cet évènement illustre donc bien l’idée générale que la pratique de l’escalade permet de créer une certaine curiosité pour la diversité culturelle, et donc d’engendrer une démarche de dialogue interculturel, entre les grimpeurs de différents pays. Pratiquer l’escalade donne envie de voyager, car cela permet de découvrir dans un premier temps d’autres natures de la roche, d’autres paysages, d’autres climats, d’autres personnes partageant la même passion ou non, et au final de se créer toute une atmosphère de découverte, d’échange, et d’effort collectif. L’escalade donnant envie de voyager, une thématique de voyage a ainsi fait son apparition. Il s’agit du « tour du monde de bloc ». En effet, certains grimpeurs qui en ont les moyens, s’organisent des tours du monde, avec pour objectif principal de découvrir les meilleurs endroits pour pratiquer l’escalade de bloc partout dans le Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 18 INALCO, 2012
  • 19. monde, et donc de s’imprégner de toute la diversité des environnements et des populations accompagnants ces lieux, que ce soit en Afrique, en Amérique du Sud, en Europe, en Asie, ou partout ailleurs. Nous retiendrons donc en conclusion de ce chapitre que la pratique de l’escalade permet de mettre en place des rencontres interculturelles, entre des grimpeurs désireux de découvertes et les populations relativement proches des lieux de pratique d’escalade, ainsi qu’entre les grimpeurs des différents pays. Toutes ces rencontres se font dans une optique d’échange et de partage, car la passion du sport accorde tous les acteurs de la rencontre ensemble, et les mettent sur un même pied d’égalité. Ainsi le guide de haute montagne Rémi Thivel estime que la pratique de l’escalade a été pour lui un moyen de découvrir d’autres cultures : « Car l’escalade a toujours été un prétexte aux voyages »3. 3 Propos du guide de haute montagne et formateur à l’ENSA (Ecole Nationale du Ski et de l’Alpinisme) Rémi Thivel, recueillis lors d’un entretien. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 19 INALCO, 2012
  • 20. Chapitre 4 Le trekking et l’alpinisme 4.1 Le trekking, un nouveau mode de tourisme Le trekking est une pratique sportive qui consiste à marcher en milieux naturels sur des périodes allant de une à plusieurs journées pour découvrir des régions isolées et souvent inaccessibles autrement qu’à pied. Généralement il s’agit de grandes randonnées dans des régions montagneuses, à moyenne altitude, mais également des zones désertiques. Ainsi le trekking peut se pratiquer sur tous les continents, pour découvrir des régions peu connues du grand public, loin des sentiers battus. S’ajoute à cela une notion d’autonomie. En effet, le trekkeur transporte souvent avec lui sa tente, sa nourriture, pour disposer d’une plus grande liberté de voyage. Mais il arrive également que l’hébergement du trekkeur se fasse dans des refuges ou des gîtes qui se trouvent sur son chemin, voire même directement chez l’habitant. Il est intéressant de noter que le trekking est devenu un mode de voyage qui se développe de plus en plus, dans le tourisme d’aventure, ou le « tourisme équitable », par opposition au tourisme de masse. En effet, le fait de marcher à pied tout le long de son voyage permet de se donner un rythme plus lent et de favoriser les rencontres durant son séjour, en particulier si le parcours que l’on choisit fait que l’on peut dormir chez l’habitant. De plus, marcher à pied a également un faible impact d’un point de vue davantage écologique, et cela répond à une demande croissante de voyageurs soucieux de l’environnement et du développement durable. En somme, le trekking offre une alternative de mode de voyage qui répond à différentes demandes des clients : voyager et relever un défi physique, mais également découvrir des paysages grandioses, de rencontrer des populations et leurs coutumes dans des régions isolées et loin de la foule, pour au final découvrir un coin du monde, et se découvrir soi même. 4.2 L’alpinisme, une source de richesse interculturelle Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 20 INALCO, 2012
  • 21. L’alpinisme est une pratique sportive se déroulant dans un environnement de haute montagne, parfois à très haute altitude. Le but de ce sport est de réaliser des ascensions de montagnes et de gravir des sommets plus ou moins difficiles et techniques, ainsi que de parcourir des glaciers. L’alpinisme peut se pratiquer dans toutes les régions montagneuses du monde, et sa pratique est réputée en particulier dans les Alpes (Europe) , l’Himalaya (Asie) , la cordillère des Andes (Amérique du Sud) ou encore les rocheuses (Amérique du Nord). Dans tous ces lieux, des noms de montagnes et de sommets mythiques existent. Ainsi, l’envie de gravir ces montagnes pousse l’alpiniste à voyager, et par conséquent, le pousse à aller vers d’autres cultures. Plus précisément, la pratique de l’alpinisme fait que l’on a très vite de l’intérêt pour les grands massifs montagneux du monde, et une envie de les découvrir, avec le pays qui leurs correspondent. En effet, l’histoire de l’alpinisme fait que les pionniers dans la matière partaient totalement à la découverte de ces massifs montagneux et à la découverte des populations qui s’y rattachaient, si bien que dans les récits de leur aventure qu’ils ramenaient, la place accordée à la découverte d’une culture différente n’était pas négligeable, par rapport au récit des ascensions de montagnes elles-mêmes.4 C’est en partie par ces récits que tout un mythe s’est crée autour de la montagne et des expéditions lointaines en régions isolées. Ainsi, lorsqu’un alpiniste rêve de gravir une montagne, en réalité il est également transporté par l’idée d’aventure liée à l’ascension et la découverte de tout ce qui l’entoure, c'est-à-dire les populations alentours, ainsi que leur culture. En conclusion, découvrons le témoignage du guide de haute montagne Julien Laurent, qui se demande si la pratique des sports de montagnes est un moyen de découvrir d’autre cultures : « Je suis absolument convaincu que la pratique des sports de montagne a été un moyen de découvrir d’autres cultures. Dans le cadre de ces sports, j’ai fait cinq voyages en Amérique du nord, deux en Amérique du sud, trois en Afrique, un au moyen orient, deux en Asie, ainsi que de nombreuses incursions de différents pays d’Europe. J’ai toujours de nouveaux projets à la clé. J’aimerai ajouter que même au niveau national la richesse culturelle se manifeste par de nombreuses différences entre par exemple les Pyrénées, la massif central ainsi 4 On trouve une illustration de cela dans l’ouvrage « Annapurna premier 8000 », qui retrace le récit de l’alpiniste Mauricec Herzog et de son équipe française, qui furent les premiers à réussir à gravir un sommet de plus de 8000 mètres le 3 juin 1950 : l’Annapurna au Népal. Dans ce récit d’aventure, nous découvrons avec eux la culture népalaise et surtout la population Sherpa qui les aidera énormément dans la réussite de leur entreprise. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 21 INALCO, 2012
  • 22. que les Alpes du sud et du nord. Ces différences correspondent aux différents us et coutumes, aux dialectes, aux accents, à l’architecture, à la gastronomie et plus généralement aux modes de vie. La pratique des sports de montagne est indéniablement une source de richesse interculturelle qui favorise l’écoute d’autrui et le respect de la différence.5 » 4.3 Des perceptions différentes de la montagne Il y a autant de représentations différentes de la montagne que de cultures. Les regards portés sur la montagne sont ainsi différents selon la culture, et mettent donc en scène une divergence des représentations selon le pays ou la zone géographique où l’on se trouve. Voici un aperçu de ses différentes perceptions de la montagne. 4.3.1 Montagne et spiritualité Dans la plupart des civilisations traditionnelles, beaucoup de visions de la montagne sont fortement chargées spirituellement, voire religieusement. La montagne à très haute altitude est hostile, elle semble inaccessible, ce qui lui confère une part de mystère, qui lui donne un caractère divin. La montagne relie le ciel et la terre par sa verticalité, la terre au divin, si bien que le fait de la gravir peut relever d’un rite religieux, d’un voyage initiatique pour aller puiser dans le domaine des dieux une purification du corps et de l’esprit. La montagne symbolise alors de nombreuses notions antinomiques : la vie et la mort, le haut et le bas, l’action et la contemplation, etc…6 Ainsi, de très nombreuses populations ont leur montagne sacrée. Chez les Africains par exemple, les montagnes jouent le rôle d’êtres fabuleux, hantés par des forces cachées. C’est un lieu où réside le sacré, on ne peut y pénétrer sans un guide Initiateur sous peine de danger de mort. Pour illustrer cela, nous pouvons parler du sommet de la main de Fatima au Mali, situé sur la route de Ga, une ville à 1220 kilomètres de Bamako. Selon la légende, une princesse du nom de Fatima se serait 5 Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien. 6 Lire à ce propos : SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, 273p. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 22 INALCO, 2012
  • 23. transformée en cette montagne le jour de son mariage, lui conférant un caractère sacré. De même au Japon, la montagne représente un lieu potentiellement dangereux car habité de Kami, des esprits, qui pourraient être impitoyable si l’on pénétrait leur territoire sans prendre de précaution. Le mont Fuji en particulier a eu et a toujours une nature sacrée très importante dans la culture nippone, du fait de sa parfaite symétrie et de sa taille imposante. Parfois, la montagne est vue comme un domaine où vivent les dieux, mais d’autres fois, c’est la montagne elle-même qui est la divinité. La montagne est alors personnifiée. J’ai moi-même pu faire l’expérience d’une telle vision de la montagne lors d’un voyage au Ladakh, dans la chaîne de l’Himalaya en Inde du Nord, lorsqu’une nuit, lors d’un orage très violent au camp de base du mont Kang Yatse à 5000 mètres d’altitude, je découvris nos guides indiens apeurés, prier la montagne de la sorte : « Kang Yatse, holy mountain ! Holy mountain ! 7». Par ailleurs, une autre illustration de la divinisation de la montagne peut se faire en donnant le nom tibétain du mont Everest, la plus haute montagne du globe (8848 mètres d’altitude) : Chomolungma, ce qui signifie littéralement « La déesse mère des vents », ce qui lui confère son caractère sacré. Enfin, il convient de préciser que cette vision spirituelle de la montagne peut aller en contradiction avec la pratique sportive de l’alpinisme, car l’alpiniste pénétrerait alors des domaines sacrés qu’il ne faudrait normalement pas approcher sans prendre des précautions. Ainsi, certains sommets sont interdits d’accès pour les alpinistes. C’est le cas par exemple du mont Kailash en Chine, car la montagne est sacrée pour trois grandes religions : Les Hindous, les Bouddhistes, et les fidèles de Bön (la religion prédominante au Tibet avant l'avènement du bouddhisme). 8 De même, le mont Machapuchare au Népal est interdit à tout ascension, car il serait selon l’hindouisme la demeure du dieu Shiva, et est donc considéré comme très sacré par la population locale.9 7 « Kang Yatse, montagne sacrée ! Montagne sacrée !» 8 A ce propos, le gouvernement tibétain en exil déclara ainsi le 8 mai 2001 : « Traiter la montagne la plus sacrée au monde comme un vulgaire terrain de sport constituerait la preuve d'une insensibilité flagrante vis-à-vis des sentiments religieux du peuple tibétain. » 9 Voici d’ailleurs une anecdote intéressante sur le mont Machapuchare : Alors que toute ascension était interdite pour des raisons religieuses, une équipe d’alpinistes britanniques le gravit toutefois en 1957, mais en décidant de s’arrêter à 50 mètres du sommet, par respect pour les croyances locales. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 23 INALCO, 2012
  • 24. 4.3.2 La vision occidentale de la montagne La vision occidentale de la montagne est très différente de ce que nous avons vu précédemment. En effet, cette perception de la montagne a davantage tendance à désacraliser la montagne, à ne pas reconnaître totalement son côté divin et religieux. Dans les représentations occidentales de la montagne, celle-ci est davantage humanisée, dans un esprit de contemplation de la nature, des forêts, des lacs, des cascades, etc… Etant humanisée, elle retransmet également le mythe du montagnard, et toutes les valeurs qui lui sont associés, c'est-à-dire le courage, le dépassement de soi, la persévérance, l’endurance,… mais aussi la sérénité et l’harmonie liée au phénomène de la contemplation de la nature dans sa dimension esthétique. Ainsi, la vision occidentale de la montagne est davantage liée à la dimension sportive, à l’exploit sportif pur de l’alpiniste, indépendante de toute autre motivation, qu’elle soit religieuse, scientifique, militaire, etc… Les montagnes renversent totalement leurs valeurs, et ne sont plus effrayantes ni mystiques, mais deviennent des terrains de jeux pour des alpinistes en quête d’exploit sportif, de dépassement de soi, de découverte et de conquête. C’est cet esprit de découverte et de conquête qui découlera d’ailleurs sur la réalisation d’ascensions de tous les sommets des Alpes, puis très rapidement au- delà, pour gravir des sommets toujours plus hauts, dans les Andes d’Amérique du Sud, ou encore dans le chaîne de l’Himalaya en Asie, pour finalement parvenir au sommet du point culminant du globe, l’Everest, et ses 8848 mètres d’altitude. A de telles hauteurs, nous pouvons bel et bien parler d’exploit sportif, tant l’oxygène y est rare et les dangers liés à l’environnement montagneux sont nombreux. 4.3.3 Etude de cas : La vision de la montagne au Népal Si la vision de la montagne des Occidentaux a plutôt tendance à la désacraliser, pour la représenter davantage comme un terrain de jeux pour l’homme, où celui-ci doit pouvoir se surpasser lui-même, mais aussi se confronter aux éléments naturels et ainsi réaliser des exploits sportifs, il convient de préciser que certains alpinistes et trekkeurs aspirent à chercher dans la montagne une autre Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 24 INALCO, 2012
  • 25. signification davantage spirituelle, qu’ils vont chercher notamment en Himalaya, et en particulier au Népal. En effet, la représentation de la montagne par les habitants du Népal est très différente de celle des Occidentaux, car ces habitants ont davantage une vision sacrée des montagnes de l’Himalaya, liée à la religion bouddhiste et hindouiste présente dans le pays. Ainsi, comme nous l’avons vu plus tôt, certains sommets sont interdits d’accès pour toute ascension pour des raisons religieuses, comme le mont Machapuchare, haut de 6993 mètres, considéré comme la demeure du dieu hindou Shiva, ou encore le mont Khumbilha (5761 mètres d’altitude), la montagne sacrée des Sherpa du Khumbu, l’une des régions du Népal. « Les hautes montagnes sont considérées dans l’ensemble de l’aire culturelle hindoue et bouddhiste comme le séjour des dieux, le refuge des ermite et des saints. Les grandes divinités protectrices, créatrices de l’humanité, résident sur les sommets de l’Himalaya, associées au monde céleste et abstrait »10. Pour illustrer à nouveau ce processus de divinisation des montagnes, nous pouvons également nous référer au nom sanskrit de l’Everest, « Sagarmatha », qui renvoie à Sangar, l’un des noms donnés à Shiva. Pour les Népalais donc, la montagne est un lieu sacré, un domaine des dieux, où la présence de l’homme n’est pas recommandée. « Pour le Népalais, s’aventurer dans le sanctuaire d’une montagne divinisée c’est commettre un sacrilège, transgresser un interdit dont le châtiment risque d’être la mort. Le caractère sacrée de ces sommets fait que leur ascension constitue une violation susceptible d’attirer les foudres des divinités »11. Mais face à l’ouverture du pays au tourisme et plus spécifiquement au tourisme d’aventure dans les années 1950-1960, et avec l’arrivée en masse de touristes occidentaux (pour la plupart des alpinistes désireux de conquérir les plus hauts sommets du pays), la vision de la montagne a évolué pour de nombreux Népalais, avec l’arrivée de ce nouveau marché économique grandissant. En effet, sur les quatorze sommets les plus hauts de la planète (les sommets de plus de 8000 mètres d’altitude), huit sont situés au Népal, dont le plus haut l’Everest (8848 mètres), et la majeure partie du pays est constituée de montagnes. C’est pourquoi de très nombreux trekkeurs et alpinistes occidentaux se sont précipités dans ce pays pour y découvrir les régions les plus hautes du monde. C’est face au développement de ce 10 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997 p239. 11 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997 p241. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 25 INALCO, 2012
  • 26. nouveau marché du tourisme d’aventure que la représentation de la montagne pour certains Népalais a évolué. La montagne est alors devenue un espace davantage fonctionnel, un espace « produit», synonyme d’argent pour les porteurs Népalais. C’est ainsi que pour ces derniers, la montagne est davantage perçue comme un territoire professionnelle. Mais les guides sherpa sont tiraillés entre la nécessité d’exercer leur métier pour les touristes venus faire du trekking et de l’alpinisme, et leurs convictions religieuses. Ainsi, ils réalisent rarement l’ascension d’une montagne sans avoir au préalable consulté un lama astrologue, célébré un rituel au dieu de la montagne afin de s’accorder son autorisation (le rituel s’effectue par exemple avec des autels ornés de drapeaux à prières, des offrandes de riz et d’alcool,…). Ces divergences dans les représentations symboliques que l’on peut se faire de la montagne selon des codes culturels différents ne sont pas sans conséquences, et notamment dans des situations d’interculturalité liées à la pratique sportive du trekking et de l’alpinisme, dans le cadre du tourisme d’aventure. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 26 INALCO, 2012
  • 27. Chapitre 5 Sports de montagne et diversité culturelle 5.1 La conquête des Alpes et de l’Himalaya La pratique sportive de l’alpinisme et des sports de montagnes en général, s’est principalement développée en Europe, dans la chaîne montagneuse des Alpes. Puis relativement rapidement, l’alpinisme s’est développé davantage à l’international, en particulier dans la chaîne de l’Himalaya, puis dans la cordillère des Andes en Amérique du Sud. Comment la conquête de ses grands massifs montagneux s’est elle opérée ? 5.1.1 Les Alpes, un affrontement des Nations Les Alpes sont une chaîne montagneuse qui s’étend en Europe et forme une barrière de 1200 km, entre la Méditerranée et le Danube, en traversant de nombreux pays. Le point culminant de ce massif est le Mont Blanc, à 4807 mètres d’altitude, et l’ensemble de la chaîne montagneuse comporte quatre-vingt-deux sommets de plus de 4000 mètres d’altitude. L’histoire des tous débuts de l’alpinisme remonte à une période relativement lointaine et prend sa source dans les Alpes au 14ème siècle12. Mais le véritable alpinisme fut réellement inventé en 1786, par Horace-Bénédict de Saussure (un naturaliste et géologue suisse), lorsque ce dernier proposa d’offrir une prime au premier alpiniste qui arriverait au sommet du Mont Blanc. En effet, bien que cette montagne soit la plus haute des Alpes, elle n’en est pas la plus difficile et a été conquise par Jacques Balmat et Michel Paccard dès les débuts de histoire de l’alpinisme, le 8 août 1786. Puis l’alpinisme se développa progressivement mais prit un véritable essor au XIXème siècle, lorsque les Britanniques s’attaquèrent aux montagnes les plus difficiles des Alpes. S’ensuivit alors une compétition, une course à la montre des conquêtes alpines, où de nombreuses Nations d’Europe s’affrontèrent et se confrontèrent les unes aux autres, pour assurer leur prestige. Les plus grands 12 ARDITO Stefano, Glorieux sommets, images et récits des grands alpinistes, Gründ, 1993, 144p. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 27 INALCO, 2012
  • 28. sommets des Alpes tombèrent les uns après les autres, sous les pas décidés des Britanniques, des Suisses, des Français, des Italiens, etc… Si bien qu’à la fin du 19ème siècle, les deux derniers sommets encore vierge des Alpes furent vaincus (le Cervin en 1865, et la Meije en 1877). Mais l’affrontement des Nations ne s’arrêta pas là. Le nouveau défi de ce ème 20 siècle consista alors à réaliser les voies les plus difficiles de chacun de ces sommets en s’attaquant à tous leurs versants. Cette étape constitua le début de l’alpinisme moderne. A nouveau, les sommets tombèrent progressivement sous les pas des alpinistes toujours plus conquérants et désireux d’apporter du prestige à leur Nation, au travers de ces ascensions. Pour illustrer ce phénomène, nous pouvons étudier le cas de la conquête de la face nord de l’Eiger en Suisse. Ce versant nord de la montagne, fort d’un dénivelé de 1600 mètres, est réputé pour sa difficulté et sa dangerosité, et constitua l’un des derniers grands problèmes des Alpes pour les alpinistes dans les années 1930 13 . En cette période d’entre deux guerres, la compétition internationale était à son comble et les membres du parti nazi allemand accordaient alors beaucoup d’importance à leur propagande, pour promouvoir la force de leur Nation. Ainsi, bon nombre d’Allemands, d’Autrichiens, mais aussi de Français, d’Italiens, etc, s’aventurèrent sur la face nord de l’Eiger pour y tenter l’ascension. Ils furent nombreux à finalement abandonner et rebrousser chemin, et aussi nombreux à périr sur ce versant 14 . Finalement, c’est un groupe de deux cordées, l’une autrichienne et l’autre allemande, qui réussirent l’exploit de gravir la face nord le 24 juillet 1938, à la grande joie du parti national-socialiste allemand qui exploita l’évènement pour sa propagande. Le groupe d’alpinistes fut même reçu et félicité pour leur bravoure par Hitler lui-même. C’est ainsi qu’à la fin des années 1930, tous les sommets des Alpes étaient vaincus, et que l’affrontement des Nations continua, au-delà des frontières de l’Europe, au contrefort de l’Himalaya, et à l’assaut des sommets de plus de 8000 mètres d’altitude. 13 RETTNER Rainer, Triomphe et tragédies à l’Eiger, à la conquête de la face nord, 1932-1938, coll. Hommes et montagnes, Glénat, 2009, 320p. 14 A ce sujet, voir le film « North face, duel au sommet » de Philipp stölzl, sorti en 2008, qui retrace l’histoire d’une tentative de la première ascension de la face nord de l’Eiger par deux cordées, l’une autrichienne et l’autre allemande, qui perdirent la vie dans des conditions atroces. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 28 INALCO, 2012
  • 29. 5.1.2 L’Himalaya, un nouveau terrain de jeux Très rapidement, l’Himalaya attira l’attention des alpinistes occidentaux en quête d’aventure et de nouveaux exploits sportifs. La densité et la démesure des montagnes qui constituent cette chaîne de montagne ne pouvaient que laisser rêveur tous ces grimpeurs qui faisaient tomber un à un les sommets les plus difficiles et les plus hauts des Alpes. Tout l’enjeu dans la conquête de l’Himalaya, et ce qui attirait le plus, était la découverte des hautes altitudes. Les alpinistes occidentaux ne connaissaient les effets de la haute altitude qu’au sommet du Mont Blanc au maximum (4807 mètres). Le fait de savoir que l’Himalaya abritait d’innombrables montagnes de plus de 5000, 6000, et 7000 mètres, ainsi que quatorze sommets de plus de 8000 mètres enflamma les passions de nombreux grimpeurs. Il s’agissait là d’un nouveau terrain de jeux, à l’aspect infini et inépuisable pour nombre d’entre eux. L’affrontement des Nations qui s’opérait dans les Alpes pour la conquête des sommets européens fut ainsi transféré dans ces hautes montagnes d’Asie. Le but fut très rapidement d’être la première Nation à atteindre le sommet d’une montagne de plus de 8000 mètres. Ce désir commença dès la fin du 19ème siècle, notamment en 1895, pour la première tentative d’ascension du Nanga Parbat (8126 mètres), par une expédition britannique, puis par d’autres expéditions allemandes et autrichiennes. Mais ces premières tentatives furent des échecs. Beaucoup des expéditions en partance pour l’Himalaya étaient Britanniques, du fait que bon nombre des montagnes de l’Himalaya appartenaient à leur Empire des Indes. Parmi ces alpinistes britanniques chevronnés, Georges Mallory et son compagnon Andrew Irvine se distinguèrent lors de leur tentative d’ascension de l’Everest en 1924, dont on ne les vu jamais revenir. On ne sut jamais s’ils avaient réussi à atteindre le sommet ou non, si tôt dans l’histoire de l’alpinisme, soit trente ans avant les premières ascensions réussies des autres 8000 de l’Himalaya15. Finalement, c’est une expédition française et plus particulièrement la cordée composée de Maurice Herzog et Louis Lachenal qui réussirent les premiers l’ascension d’une montagne de plus de 8000 mètres et qui devinrent des héros 15 Lire le livre suivant, au sujet de l’histoire de cette tentative d’ascension de l’Everest : ANKER Conrad, ROBERTS David, À la recherche des fantômes de l'Everest. Glénat, Grenoble, 2000, 260p. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 29 INALCO, 2012
  • 30. nationaux le 3 juin 1950, avec l’Annapurna (8091 mètres)16. Au même moment, la course à la conquête de l’Everest continuait, entre les Britanniques, les Allemands, les Suisses et les Français. Et c’est finalement le 29 mai 1953 que le Néo-Zélandais Edmund Hillary et le Sherpa Népalais Tenzing Norgay foulèrent le sommet du toit du monde, à 8848 mètres 17 . Il est intéressant de noter que les deux vainqueurs de l‘Everest sont de cultures différentes mais qu’ils se sont battus ensemble pour fouler ce sommet. Cette ascension permit d’ailleurs de mettre en avant les Sherpas en Occident, peu connus du grand public auparavant. La réussite de l’ascension faite par un membre citoyen du royaume du Commonwealth fut fortement médiatisée par les Britanniques, qui valorisèrent cet exploit au sein de la communauté internationale. D’autant plus qu’il concordait à trois jours près avec la date du couronnement de la reine Elisabeth II. Ainsi, Edmund Hillary fut proclamé chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique, et Tenzing Norgay reçu la médaille de Georges, en récompense de son action héroïque. La conquête des autres 8000 se poursuivit, puis un nouveau défi fit son apparition, et opposa à nouveau les différentes nations occidentales, mais également des pays d’Asie, comme la Chine, la Corée, le Japon, et d’autres pays du continent américain. Ce nouveau défi consistait à être le premier alpiniste à réaliser l’ascension des quatorze sommets de plus de 8000 mètres. C’est finalement l’Italien Reinhold Messner qui réussit le premier cet exploit en 1986. A ce jour, en 2012, seulement 30 alpinistes, originaires des quatre coins du monde, réussirent à clôturer l’ascension des quatorze sommets de plus de 8000 mètres du globe. 5.2 L’attrait pour les vacances sportives proches de la nature, un phénomène culturel ? 5.2.1 La clientèle du trekking En se posant la question de savoir si l’attrait pour les vacances sportives proches de la nature est un phénomène culturel, il peut être intéressant de se 16 Lire le récit de cette expédition : HERZOG Maurice, Annapurna, premier 8000, Flammarion, Paris, 2010, 381p. 17 Pour découvrir tous les détails de la première ascension réussie de l’Everest, vous pouvez regarder le film documentaire de Georges Lowe, intitulé « La conquête de l’Everest », datant de 1953 (l’année de l’exploit), et nommé au titre de meilleur documentaire aux Oscars de cette même année. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 30 INALCO, 2012
  • 31. demander au préalable qui sont ces alpinistes et ces trekkeurs qui partent à la découverte de régions isolées et de hauts sommets sauvages ? Nous avons déjà vu que le trekking et l’alpinisme constituaient des pratiques sportives plutôt originaires d’Occident. Mais qui sont plus précisément ces Occidentaux qui partent faire du trekking ? En analysant la question, l’on constate que tous les pays occidentaux ne sont pas forcément attirés par le tourisme d’aventure. Certains le sont plus que d’autres. Mais à quoi sont dus ces différences ? Si l’on cherche à connaître la nationalité de la majorité des trekkeurs au Népal par exemple, l’on constate que ce sont les Européens, suivis des Nord-américains qui en fournissent le plus grand nombre, devant les Australiens et Néo-Zélandais, ainsi que les Asiatiques. Pour ce qui est des Européens, nous pouvons dire que globalement, les Anglo-Saxons et les Nordiques sont plutôt intéressés par ce genre de voyage, tandis que les pays davantage méditerranéens le sont beaucoup moins, car ces derniers ont peu voire pas de tradition alpine, et ne s’étaient déjà pas spécialement distingués durant la période de conquête des Alpes. En effet, seulement 8% des touristes espagnols et moins de 5% des Italiens partent en trekking, contrairement aux Norvégiens par exemple, qui sont plus de 45% à choisir le trekking comme façon de visiter le pays18. Par ailleurs, la clientèle asiatique s’est développée au fur et à mesure de la croissance économique des pays d’Asie, surtout quand elles se sont accompagnées d’un allongement de la durée des congés annuels. D’autre part, et pour faire venir une clientèle davantage japonaise, certaines agences de tourisme se sont adaptées à ces clients qui ont peu de congés, en proposant des circuits d’une ou deux semaines. Enfin, nous pouvons observer un attrait prononcé pour certaines montagnes spécifiques, et ce, selon la nationalité des alpinistes et des trekkeurs. Ainsi, les trekkeurs français sont très sensibles au massif des Annapurna, et la majorité d’entres eux se ruent dans cette région, car le souvenir de la conquête du premier 8000 par les Français Maurice Herzog et Louis Lachenal reste encore frais dans leur mémoire. De même, les Japonais se dirigent vers le Manaslu (8163 mètres d’altitude), où ils se distinguèrent en ouvrant les premières voies d’ascension ; alors que les Anglo-Saxons au sens plus large se concentrent davantage vers la région du Khumbu, où se situe l’Everest (conquis entre autres par un Néo-Zélandais). 18 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p128. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 31 INALCO, 2012
  • 32. 5.2.2 Le développement du trekking dans le tourisme Le trekking fait partie de ces nouvelles formes de voyages touristiques que l’on peut regrouper aujourd’hui dans les milieux professionnels du tourisme comme appartenant au tourisme d’aventure, c'est-à-dire un voyage de découverte d’un pays lointain et de ses régions isolées peu touchées par le tourisme de masse, au moyen de randonnées pédestres itinérantes. Cette pratique touristique est à la fois sportive et culturelle et s’est développée à la fin des années 1970. C’est au Népal que les formes pionnières du tourisme d’aventure prirent forme, lorsque les Occidentaux recherchaient des espaces de loisirs à l’écart de la foule, et aspiraient à découvrir des paysages esthétiques, ainsi que des cultures traditionnelles qui leurs était rattachées. Des agences locales de trekking se sont alors créées progressivement pour répondre à cette demande de mode de voyages. Si bien qu’aujourd’hui, le Népal tient la première place des destinations du tourisme d’aventure, juste devant le Maroc, et le Sahara Algérien19. Parallèlement à l’ouverture des agences locales de trekking dans la deuxième moitié des années 1970, les premiers guides touristiques « alternatifs » commencèrent à être éditées, prônant une façon de voyager autrement et proposant des circuits d’aventure vers des destinations lointaines dans des pays du Tiers monde (la collection du Guide du routard en France, ou de Lonely Planet dans les pays anglo-saxons). Les premiers tours-opérateurs firent également leur apparition proposant des voyages d’aventure à pied. En France il s’agit par exemple de Nouvelles Frontières, Terres d’Aventure, Club Aventure, Nomade, ou encore Atalante. Au même moment, les guides de haute montagne souhaitant diversifier leurs activités commencèrent à développer une offre de voyages fondée sur les sports de montagne, et la découverte culturelle d’un pays. Dans ce milieu du tourisme d’aventure, le trekking au Népal détient la première place, il s’agit de la première destination extra-européenne de ce type de voyage, à peine devant les circuits du Sahara et les randonnées dans l’Atlas marocain. Loin derrière arrivent la Turquie, et l’Inde, puis encore le Kenya et la 19 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p68. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 32 INALCO, 2012
  • 33. Tanzanie, et les circuits des Andes (Pérou, Bolivie, Equateur, Colombie, Chili, Argentine). Ainsi, le trekking s’est développé dans le tourisme dans les années 1970, comme une thématique de voyage à part entière loin des sentiers battus, se distinguant du tourisme de masse, et dans une atmosphère de contestation de la société de consommation touchant l’Europe et les Etats-Unis. 5.2.3 Les raisons qui poussent l’Homme à faire de l’alpinisme Mais quelles sont les raisons qui poussent l’homme à pratiquer l’alpinisme20 ? Que recherchent ces touristes, alpinistes et trekkeurs, en partant au quatre coins du monde ? Ces sportifs pratiquant chez eux ont d’abord le rêve de vivre une aventure à leur échelle, en partant dans les déserts ou en approchant à pied les géants de l’Himalaya. Ce désir d’aventure part d’une envie de vivre une vie peu conventionnelle, de se dégager de la vie quotidienne et de la civilisation industrielle pour retourner davantage à un état de nature. S’ajoute à ces motivations le challenge purement sportif, l’envie de se dépasser en gravissant des montagnes toujours plus hautes, toujours plus difficiles. Enfin, une grande part de la motivation des alpinistes à pratiquer ce sport est de pouvoir découvrir une autre culture. Ce sport dispense une forme d’entrée thématique et une façon de voyager qui permet l’immersion plus directe et plus profonde dans le pays visité, grâce au rythme lent et à la plus grande liberté dans ce genre de périple. Pour illustrer cela nous pouvons découvrir le témoignage du guide de haute montagne Jean Annequin, également formateur à l’ENSA (Ecole Nationale de ski et d’Alpinisme), qui pense également que la découverte d’une autre culture rend la pratique sportive intéressante : « C’est parce qu’il y a çà a la clef, que cela me donne envie de le faire. Grimper pour grimper n’a aucun intérêt et l’on en revient vite. Parcourir le monde pour les émotions partagées est le fil conducteur.21 » 5.3 Les arguments de vente des agences de voyages d’aventure 20 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p64. 21 Propos du guide de haute montagne et formateur à l’ENSA, Jean Annequin, recueillis lors d’un entretien. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 33 INALCO, 2012
  • 34. Comment les agences de voyages d’aventure vendent elles leurs circuits de trekking et d’alpinisme ? Quels sont leurs arguments ? Les principaux arguments que les agences de voyages d’aventure utilisent reprennent tout simplement les raisons pour lesquels un trekkeur et un alpiniste veulent partir à l’aventure. Ils reprennent les notions d’évasions, de retour à un état de nature, et de défis sportifs, pour se confronter non seulement aux montagnes mais également à soi-même. Un autre élément de vente notamment pour les voyages en Himalaya, est de refaire vivre aux futurs clients les premières grandes expéditions de conquêtes des sommets himalayens par les alpinistes qui ont marqué l’histoire de la montagne. Mais aussi, dans la plupart des brochures de voyages, le thème de la découverte culturelle est abordé à multiples reprises et est réellement mise en valeur dans l’offre de voyage. L’on parle de rencontre avec « l’autre », et l’on met en valeur les populations locales en évoquant « d’extraordinaire variété ethnique ». Pour les voyages au Népal on en arrive également à une mystification des populations locales, les Sherpa : « De rudes montagnards bouddhistes d’origine tibétaine dotées de qualités de générosité, de gaieté, et d’hospitalité malgré leur vie âpre »22. Pour le cas des voyages en Himalaya à nouveau, la thématique religieuse est également importante. En effet le Bouddhisme et l’Hindouisme sont perçus comme des religions très exotiques et fascinent l’Occident, tout en renforçant la mystification des lieux. Le tourisme d’aventure va chercher le mythe, la représentation de la montagne des Népalais, pour faire rêver les touristes. Ainsi la culture bouddhiste est survalorisée par le tourisme, qui vend l’Himalaya comme une région cachée et inaccessible, qui a su préserver ses coutumes, pour attirer le trekkeur. Du côté des guides de haute montagne, la valorisation de la découverte d’une culture peut vraiment être un argument de taille pour donner envie à des clients de partir en expédition à l’étranger. C’est le cas du guide Julien Laurent qui nous donne son témoignage : « Je pense que la première motivation de mes clients reste les activités montagnes. Cependant la curiosité pour d’autres cultures reste assurément un argument de taille, et ce prétexte culturel est souvent très valorisé dans la démarche commerciale des guides. Quel excellent prétexte que les voyages pour faire par exemple un safari au Kenya après avoir grimpé le Kilimandjaro, ou partir au 22 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p72. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 34 INALCO, 2012
  • 35. cœur de la forêt amazonienne en Equateur à la rencontre de tribus après avoir grimpé le Cotopaxi et le Chimborazo. Je pense qu’on ne peut pas demander à tous les guides de haute montagne de prendre le temps de faire découvrir les cultures locales lors de voyages (car là n’est pas son métier), mais je sais aussi que cette démarche constitue une excellente plus value pour attirer les clients et surtout réussir un voyage.23 » 23 Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 35 INALCO, 2012
  • 36. Chapitre 6 Etude de cas : le trekking et l’alpinisme au Népal 6.1 La diversité ethnique du Népal et le mythe du Sherpa S’il est une figure emblématique parmi les différentes populations locales que se représente les Occidentaux dans une région de trekking et d’alpinisme, c’est bien le Sherpa24. La place du Sherpa dans la représentation de l’Himalaya que se font les trekkeurs est très importante, elle joue un des facteurs clefs dans la valorisation du tourisme d’aventure au Népal. Cette population s’est en effet forgée une réputation très forte, suite à leur implication dans les expéditions himalayennes et au rôle essentiel qu’ils ont joué dans la conquête des 8000. Pourtant une utilisation erronée est faite en ce qui concerne la désignation du Sherpa. En effet, à la base les Sherpa forment une minorité ethnique du Népal spécifique vivant dans la région du Solo- Khumbu. Mais l’utilisation abusive du terme par les Occidentaux a fait qu’un glissement de sens s’est opéré, découlant sur une confusion où l’on ne sait plus très bien si en parlant de Sherpa il s’agit d’une minorité ethnique, d’un guide népalais ou d’un porteur, voire même de tous les Népalais. Au final le terme est désormais utilisé dans un sens professionnel, et non plus ethnique, plus ou moins ambigu, désignant un statut bien précis entre celui du guide et du porteur, au sein de la hiérarchie du portage. Dans l’histoire de la conquête des sommets himalayens, les Sherpa se distinguèrent très vite. « Ces mercenaires étaient appréciés par les Britannique pour leur robustesse, leur courage, leur discipline, et leur bonne adaptation à la vie collective, ainsi que pour leur absence de tabous alimentaires, qui les firent préférer aux Indiens de castes.25 » La légende se concrétisa particulièrement lorsque Tensing Norgay Sherpa fut le premier vainqueur de l’Everest avec Edmund Hillary, en 1953. Mais l’utilisation professionnelle du mot Sherpa ne doit pas être confondu avec son utilisation ethnique. Les Sherpa ont en effet obtenu une place privilégiée dans la hiérarchie du portage, mais cela ne doit pas occulter le fait que la diversité ethnique 24 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p74. 25 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p76. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 36 INALCO, 2012
  • 37. du Népal est très riche, et que de nombreuses autres minorités ethniques ne sont pas en reste. Ainsi, « les ethnies tibéto-birmanes des collines, en particulier les Tamang, mais aussi les Magar, les Gurung, et les Raï ainsi qu’un petit nombre de Newat et d’Indo-népalais s’investissent progressivement dans les activités de montagne. 26» 6.2 Le rapport Occidentaux/guides et porteurs népalais 6.2.1 Les conséquences de la rencontre Occident/Népal par le tourisme d’aventure Les rencontres qui ont lieux entre les guides et porteurs népalais avec leurs clients Occidentaux ne sont pas sans conséquences diverses pour les Népalais. En effet, un rapport de promiscuité s’opère avec les clients occidentaux, modifiant leur mentalité et leur comportement, et découlant sur de nouvelles pratiques sportives ainsi que sur une nouvelle perception qu’ils ont de la montagne et d’eux-mêmes. Tout d’abord, dans la rencontre entre les touristes occidentaux et les guides népalais, les différences de niveau de vie conditionnent déjà la nature de leur rapport l’un à l’autre. La relation est ambiguë dans la mesure où la relation clients/guides est avant tout professionnelle, et que toutes les marques de sympathie des guides et porteurs envers les touristes font partie du service qu’ils doivent rendre à leurs clients. Ceci est à nuancer car il arrive évidemment que de véritables amitiés émergent entre les touristes et les guides, les difficultés partagées en montagne aidant. Ainsi, certains guides arrivent à se constituer parfois une clientèle fidèle. Par ailleurs, l’on note qu’en interaction avec les Occidentaux, les guides et porteurs népalais ont découvert une nouvelle perception de la montagne. Ainsi, le regard esthétique que portent les trekkeurs sur la montagne et toutes ces notions de contemplation de la nature les ont surpris. D’un coup, les alpinistes les ont emmené avec eux sur ces terrains de jeux, et les guides et porteurs se sont appropriés ces représentations de la montagne. L’investissement important des guides et porteurs népalais dans les métiers de la montagne a contribué à changer leur rapport à la montagne. Les guides népalais sont alors devenus les principaux médiateurs, entre 26 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p82-83. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 37 INALCO, 2012
  • 38. le groupe de touristes, le milieu environnemental qu’ils explorent avec eux, et les populations locales qu’ils rencontrent sur leur parcours. Il s’est donc bien opéré une transformation du rapport symbolique des guides et porteurs népalais envers la montagne, au contact des Occidentaux. D’un autre côté, les Occidentaux sont désireux de découvrir les croyances locales et de comprendre quelles sont les représentations que se font les Népalais de la montagne. Certains alpinistes n’hésitent d’ailleurs pas à s’approprier ces croyances, et à laisser des drapeaux de prières au camp de base de la montagne qu’ils s’apprêtent à gravir par exemple. Les Népalais ont conscience de l’attrait de leur culture (tibétaine et bouddhiste) pour les Occidentaux. Ils échangent ainsi volontiers sur leurs danses, leurs chants, leur conception de la vie et de la religion. Les Népalais, parfois surpris que les touristes viennent chercher l’inconfort, et les fatigues du trekking au Népal, alors qu’ils bénéficient de conditions de vies confortables en Occident, concluent parfois à une insatisfaction profonde sur le plan spirituel des Occidentaux. Ayant parfois un peu de peine pour ces clients étrangers, ils relativisent alors un peu l’écart qui les sépare. L’échange interculturel s’opère donc bien entre les clients occidentaux, et les guides et porteurs népalais, même si l’on remarque que l’influence des Occidentaux a des conséquences beaucoup plus importantes sur les modes de vie des Népalais. En effet des conséquences économiques et sociales sont également à noter du fait de l’arrivée des touristes occidentaux au Népal. Le développement du trekking et de l’alpinisme a en effet fait émerger l’industrie du tourisme d’aventure, qui a crée de nombreux emplois, et changé les modes de vies des guides et porteurs népalais, toujours en déplacement aujourd’hui, alors qu’ils travaillaient avant comme agriculteurs, auprès de leur famille. 6.2.2 L’acculturation : Un des risques de la rencontre interculturelle ? Parmi toutes les conséquences qui émergent lors des interactions entre les touristes occidentaux et les guides et porteurs népalais qui travaillent pour eux, il en est une qui n’est pas à négliger, et qui a eu des effets importants sur la société népalaise : l’acculturation. Cette notion décrit un ensemble de phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraîne des modifications dans les modèles culturels initiaux de Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 38 INALCO, 2012
  • 39. l’un ou des deux groupes. Il s’agit donc de la perte d’une culture d’origine mais aussi, et peut être surtout, l’appropriation d’une nouvelle culture. En effet, « il s’observe chez les guides népalais toute une série de phénomènes d’imitation des étrangers, en particulier dans leurs tenues vestimentaires, leurs goûts et habitudes alimentaires, leurs modèles de consommation et de comportements. Les Occidentaux qui ont une vision mythique de leur apparent détachement matériel et de la frugalité « saine » de leur mode de vie, découvrent avec une surprise quelque peu naïve que beaucoup de Sherpa ont adopté à leur contact des comportements de plus en plus individualistes et mercantiles.27 » Un autre effet encore plus grave dans ce processus d’imitation est également apparu dans les années 1970, lorsque que dans ces années hyppies, de jeunes occidentaux étaient en recherche de drogue bon marché auprès de la jeunesse népalaise. Certains Sherpa se sont alors lancés dans des trafics illégaux à l’échelle internationale. Mais ce processus d’acculturation est à nuancer car il trouve assez vite ses limites. En effet, malgré ces réalités, les touristes occidentaux qui viennent en Himalaya sont là non seulement pour découvrir des montagnes mythiques, mais également pour y rencontrer le Sherpa qu’il imaginais avant son départ au Népal, et auquel il attribue de nombreuses valeurs : courage, dévouement, spiritualité, sens de l’effort, sympathie, etc… Le guide népalais a alors intérêt à se rapprocher le plus possible de cette image pour contenter ses clients qui se le représente ainsi. « L’image valorisante que l’étranger projette sur lui renforce d’une certaine manière son identité.28 » Ainsi, le regard des touristes occidentaux modifie les relations sociales entre les Népalais, tout comme leur pratique professionnelle les amène à s’approprier progressivement leurs montagnes, jusque là ignorées ou maintenues à distance car sacrées. 27 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p252. 28 SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, p253. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 39 INALCO, 2012
  • 40. Conclusion Après avoir étudié les cas spécifiques de trois sports d’aventure particuliers, l’escalade, le trekking, et l’alpinisme, nous avons pu observé et comprendre en quoi chacun de ces sports offrait des prétextes pour voyager. En effet, la pratique de l’escalade, du trekking, de l’alpinisme, ou quel que soit le sport d’aventure, permet de découvrir de nouvelles régions du monde car le principe même du sport d’aventure est fondée sur la découverte, et le désir d’aller chercher des environnements peu accessibles en tant normal. Le témoignage du guide de haute montagne Christian Ravier illustre bien ces propos : « Ces activités sont prétextes au voyage, à la rencontre. Nous sommes amenés à aller loin de grands centres touristiques, dans des endroits, des villages de montagne où l’échange, parfois au delà du rempart de la langue, peut être très fort.29 » Ces différents voyages passent en grande partie par le développement du secteur du tourisme dit « d’aventure », qui se distingue du tourisme de masse .Toutefois, peut on réellement parler de démarche interculturelle et de dialogue interculturel lorsque que l’on voyage dans le cadre de ce mode de tourisme ? En somme, quels sont les acteurs de la rencontre interculturelle qui a lieu lors de ces voyages ? Quelle est la nature de ces rencontres ? Et enfin, quelles sont les conséquences de ces rencontres interculturelles ? Pour ce qui est des protagonistes des rencontres interculturelles lors des voyages d’aventures, ils sont de trois sortes. Il y a d’abord le touriste, le sportif qui part à l’aventure découvrir de nouvelles régions et de nouvelles cultures au moyen de sa passion. Il y a ensuite les populations locales de ces régions du monde souvent isolées, qui assistent à l’arrivée de ces touristes dans leurs pays, parfois perplexes face à la vision de la vie de ces derniers. Et enfin, il y a les employés des agences locales qui réceptionnent et s’occupent des touristes. Dans le cas du Népal que nous avons étudié en profondeur, il s’agit des Sherpa et des porteurs népalais, 29 Propos du guide de haute montagne Christian Ravier recueillis lors d’un entretien. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 40 INALCO, 2012
  • 41. qui jouent le rôle important du médiateur entre les touristes, les populations autochtones, et l’environnement du pays visité. La nature de ces rencontres interculturelles est belle est bien de l’ordre de la découverte, mais peut on réellement parler de dialogue interculturel ? Ce n’est pas si évident, et c’est cela qu’explique Julien Laurent dans son témoignage : « A mon sens, les activités montagnes favorisent les rencontres interculturelles à l’échelle nationale, européenne et internationale. La pratique de la montagne nécessite une mobilité géographique. Les nombreux lieux de passage pour rejoindre les sites de pratiques alpines sont inédits, originaux et variés. Il est à mon sens très juste de parler de découverte culturelle (architecture, gastronomie, lieux de culte, organisation des sociétés, mode de vie…). En revanche, il est, je crois plus délicat de parler de rencontre et surtout de dialogue avec d’autres cultures. Plusieurs raisons à cela. Les moments de découvertes restent souvent éphémères (quelques jours à quelques semaines), la barrière de la langue est une constante (communication à des personnes restreintes), les visiteurs de passages restent toujours des étrangers et les portes ne leurs sont pas toujours grandes ouvertes, les lieux régulièrement fréquentés par les alpinistes deviennent des lieux de tourisme dont les impacts économiques locaux ont des effets sur les structures sociales et culturelles en place. Je crois donc que la montagne favorise grandement les échanges interculturels mais que certaines portes méritent d’être entrouvertes au prix de quelques efforts (rudiments linguistiques, durées des voyages, curiosité naturelle, lieux inédits, respect des traditions…) 30 ». De plus, un autre guide de haute montagne, Rémi Thivel, précise que « les pratiques sportives favorisent des échanges, à condition seulement qu’elles ne se fassent pas dans la démesure : par exemple les expéditions commerciales sur les grands sommets de 8000 mètres d’altitude, ou l’héliski en Turquie. Les échanges interculturels seront sûrement plus faciles pour un petit groupe de backpakers que pour une collective d’agence31 ». Enfin, l’impact des voyages et des rencontres interculturelles entre les pratiquants de sports d’aventures, et les populations des régions isolées, n’est pas sans conséquences, et ce, pour les deux parties de cette rencontre. 30 Propos du guide de haute montagne Julien Laurent, recueillis lors d’un entretien. 31 Propos du guide de haute montagne Rémi Thivel, également formateur à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme), recueillis lors d’un entretien. Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 41 INALCO, 2012
  • 42. En effet, il se produit d’abord un phénomène de choc culturel. La représentation de la nature, du sport que pratique le touriste, la vision de la vie, la religion, les valeurs,… tous ces points peuvent réellement différées voire être totalement contradictoire entre les touristes et les populations locales. Cela peut être source d’incompréhension, d’étonnement, voire même de conflits. Un deuxième effet qui peut se produire pendant la rencontre interculturelle, et que nous avons analysé dans le cas du Népal, et l’enclenchement d’un processus d’acculturation, qui touche davantage les populations locales au contact des touristes « d’aventures », que les touristes eux-mêmes. Toutefois, ce phénomène est à nuancer car il a ses limites, et ne présente pas un si grand risque pour les populations locales. Au final, il convient de se souvenir que la pratique des sports d’aventures engendre donc un processus de démarche interculturelle, mais que celle-ci n’est pas sans conséquences pour aucun des acteurs de la rencontre interculturelle. Cette rencontre a des effets complexes, et agit sur la dynamique des sociétés et du milieu local. Ne peut on donc pas s’interroger sur l’impact que ses effets ont eu sur les populations, aussi bien dans leur représentation du monde que dans la construction de leur identité, et ainsi essayer de comprendre comment le tourisme d’aventure devrait se développer, pour continuer au mieux à respecter la diversité culturelle ? Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 42 INALCO, 2012
  • 43. Annexe Questions à Julien Laurent, et autres guides de haute montagne http://www.julienlaurent.com/Des_glaciers_aux_coraux/acceuil.html Dans le cadre de mon mémoire de fin de première année de master en communication interculturelle, je réalise un travail sur le sujet suivant : « Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle » En me focalisant en particulier sur la pratique de l’escalade, du trekking, et de l’alpinisme, je cherche à démontrer que la pratique de ces sports participe au développement de la démarche interculturelle, et engendre un dialogue des cultures. Pour m’aider dans mes recherches, pourriez-vous répondre aux quelques questions ci-dessous ? 1) D’une manière générale, pensez vous que la pratique de l’escalade, du trekking, ou de l’alpinisme favorise la rencontre et le dialogue vers d’autres cultures ? Pourquoi ? 2) Dans votre métier, la part des voyages à l’étranger (expéditions, trekkings, etc…) avec des clients est-elle importante ? 3) En France, avez-vous une clientèle étrangère ? Si oui, de quels pays viennent ces étrangers principalement ? 4) Vous avez été formé à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme) à Chamonix. Dans la formation des guides de haute montagne, y a-t-il un enseignement ou une sensibilisation dédiée à l’interculturel, ou destinée à vous préparer à gérer des clients ou un environnement aux codes culturels différents ? Si non, cela vous semblerait-il utile ? 5) Dans votre métier, avez-vous déjà été confronté à des problèmes liés à des différences culturelles ? Etait-ce entre vous et vos clients ? Ou entre votre groupe et le pays ou vous voyagiez ? Comment avez-vous géré ces conflits ? 6) Pensez vous qu’au delà de la pratique sportive, une des motivations de vos clients et de découvrir d’autres cultures ? Insistez vous sur cet aspect de votre métier pour trouver des clients ? 7) Enfin, et au-delà de votre métier, pensez-vous que la pratique des sports de montagne a été pour vous un moyen de découvrir d’autres cultures ? Pourquoi ? 8) Depuis combien de temps faites vous de la montagne ? Depuis combien d’années exercez-vous le métier de guide de haute montagne ? Merci beaucoup pour vos réponses ! Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 43 INALCO, 2012
  • 44. Bibliographie - ANKER Conrad, ROBERTS David, À la recherche des fantômes de l'Everest. Glénat, Grenoble, 2000, 260p. - ARDITO Stefano, Glorieux sommets, images et récits des grands alpinistes, Gründ, 1993, 144p. - HERZOG Maurice, Annapurna, premier 8000, Flammarion, Paris, 2010, 381p. - RETTNER Rainer, Triomphe et tragédies à l’Eiger, à la conquête de la face nord, 1932-1938, coll. Hommes et montagnes, Glénat, 2009, 320p. - SACAREAU Isabelle, Porteurs de l’Himalaya, le trekking au Népal, coll. Mappemonde, Belin, 1997, 273p. Filmographie - LOWE Georges, La conquête de l’Everest, Grande-Bretagne, 1953. (DVD 78min : couleur SECAM) - STOLZL Philipp, North face, duel au sommet, Allemagne, 2008. (DVD, 121min : couleur SECAM). Ressources internet Agence de tourisme d’aventure : - http://www.terdav.com/ - http://www.allibert-trekking.com/ - http://www.terresoubliees.com/ - http://www.clubaventure.fr/ - http://www.atalante.fr/ - http://www.tamera.fr/ - http://www.expeditionsmonde.com/ - http://www.akaoka.com/ Divers : - http://www.ffme.fr/ - http://www.kairn.com/ Cadiot, Valentin : Les sports d’aventure : vecteurs de la démarche interculturelle, Paris, 44 INALCO, 2012