Dans le contexte de l'entreprise, le terme gouvernance fait référence aux règles classiques du droit des sociétés, et à la manière dont les instances de décision de l'entreprise (conseil d'administration, directoire, conseil de surveillance) vont s'organiser pour assurer l'efficacité de leurs décisions et leur adéquation aux besoins de l'entreprise, et, sur un terrain plus juridique, à son intérêt social.
La gouvernance qui s'est mise en place en France au cours de ces dernières décennies est très largement inspirée des principes de la "corporate governance", qui repose sur une hypothèse fondatrice de suspicion à l'égard des dirigeants et la nécessité perçue d'aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires, à travers un système d'incitations fondé sur les politiques de rémunération.
Mais elle fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques, soulignant qu'elle conduit à une coûteuse et inefficace fuite en avant dans le formalisme, ainsi qu'à une explosion des rémunérations dans les sociétés cotées à actionnariat dispersé.
De plus,elle se révèle inadaptée aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), alors même que celles-ci représentent la majorité des entreprises. Cet article explique pourquoi.
Interview Les Echos le 4 janv 2014 sur la charte familiale
Blog figaro quelle gouvernance pour nos entreprises
1. UN CONSEIL DE FAMILLE POUR MIEUX DIRIGER L'ENTREPRISE
Blog.lefigaro.fr - 08/01/2012
http://blog.lefigaro.fr/legales/2012/01/la-corporate-governance-est-elle-adaptee-a-nos-
entreprises.html
Valérie Tandeau de Marsac, avocate associée chez JeantetAssociés et auteur du "Guide pratique des
entreprises familiales" parue aux Editions Eyrolles, analyse les bonnes pratiques de gouvernance
adaptées aux entreprises patrimoniales.
Le mot "gouvernance" est aujourd'hui utilisé dans un si grand nombre de contextes qu'il a fini par
devenir une notion "fourre-tout" au contenu incertain.
Dans le contexte de l'entreprise, le terme "gouvernance" fait référence aux règles classiques du droit
des sociétés, et à la manière dont les instances de décision de
l'entreprise (conseil d'administration, directoire, conseil de
surveillance) vont s'organiser pour assurer l'efficacité de leurs
décisions et leur adéquation aux besoins de l'entreprise, et, sur un
terrain plus juridique, à son intérêt social.
La gouvernance qui s'est mise en place en France au cours de ces
dernières décennies est très largement inspirée des principes de la
"corporate governance".
Cette doctrine a été développée principalement aux Etats-Unis. Elle
repose sur la théorie néolibérale de l'agence, promue par l'Ecole de
Chicago, qui a été la pensée dominante depuis les années 1980
jusqu'à la crise de 2007. Elle considère que l'actionnariat dilué dans le
public est la structure "normale" du capital des entreprises vers
laquelle tendent, à terme, toutes les sociétés. Les actionnaires sont
les "créanciers résiduels", preneurs de risque en dernier ressort.
Schématiquement, la "corporate governance" repose sur une hypothèse fondatrice de suspicion à
l'égard des dirigeants et la nécessité perçue d'aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires, à travers
un système d'incitations fondé sur les politiques de rémunération.
C'est pourquoi elle vise principalement à encadrer leur pouvoir discrétionnaire par des organes et des
mécanismes de contrôle disciplinaire de plus en plus formalisés au nom du principe de transparence.
Mais elle fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques, soulignant qu'elle conduit à une coûteuse et
inefficace fuite en avant dans le formalisme, ainsi qu'à une explosion des rémunérations dans les
sociétés cotées à actionnariat dispersé.
De plus, elle se révèle inadaptée aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), alors même que celles-ci
représentent la majorité des entreprises, le tissu économique indispensable au bon fonctionnement
d'un pays, ainsi que le démontre aujourd'hui l'exemple du "Mittelstand" allemand.
Mais surtout la "corporate governance" ne traite pas de l'interaction entre la famille et l'entreprise alors
2. que 80% des entreprises de taille intermédiaire et 40% des sociétés cotées sont des entreprises
familiales ou de type entrepreneurial à l'actionnariat concentré.
La "corporate governance" se révèle particulièrement inadaptée à ce type d'entreprises, pour lesquelles,
il n'y a pas de conflit d'intérêt structurel, mais au contraire convergence, puisque actionnaires et
dirigeants sont incarnés par les mêmes personnes.
C'est pour répondre aux besoins spécifiques de ces entreprises que se sont développées les bonnes
pratiques de gouvernance appliquées aux entreprises familiales, toujours plus largement promues et
mises en œuvre depuis quelques années. Dans ce contexte, le terme "gouvernance de la famille" est
largement utilisé pour faire référence à un ensemble de règles d'organisation et de fonctionnement que
la famille s'engage à respecter pour lui permettre d'interagir de façon à la fois harmonieuse et efficace
avec le cercle de l'entreprise.
Ces deux cercles fonctionnent en effet selon des systèmes de valeur très différents, voire opposés1
qui
nécessitent de définir des corps de règles bien distincts.
La famille étant dans un cercle privé, les outils qui peuvent être mis en place pour assurer sa cohésion
ne peuvent avoir aucun caractère coercitif. Ils n'en sont pas moins des outils de nature juridique, au sens
où ils créent au sein de la famille un corps de règles qui ont vocation à s'appliquer à tous. Le sentiment
d'appartenance et la bonne volonté individuelle de chacun ont dans cette sphère place prépondérante.
Les bonnes pratiques comprennent en général l'élaboration d'une charte familiale, souvent
accompagnée de la mise en place d'un conseil de famille.
La charte familiale définit les valeurs et objectifs communs de la famille, qui caractérisent " l'affectio
familiae". Elle précise la manière dont la famille assure en son sein la circulation des informations
relatives à l'entreprise, pour faire émerger une unanimité au sein du cercle des actionnaires familiaux,
dont la position peut être relayée auprès de l'entreprise pour assurer une gestion efficace. Elle traite
aussi des sujets délicats, comme celui des critères qui doivent être respectés (en termes d'expérience et
de qualification professionnelle, de niveaux d'études, etc...) pour que des membres de la famille
exercent des fonctions au sein de l'entreprise, de la politique de dividendes ou encore des modalités de
résolution des conflits intrafamiliaux.
Le conseil de famille est l'organe pivot de la politique familiale. C'est l'instance de gouvernance de la
famille, au travers lequel, celle-ci met en œuvre les principes de fonctionnement définis dans la charte
familiale. Il est utile de prévoir la rédaction d'un règlement intérieur pour préciser les règles qui
président à sa composition et à son fonctionnement, y compris le "code de communication" pour
assurer une écoute respectueuse du point de vue de chacun. Si la famille gère un budget dans un but
collectif (pour assurer des formations, par exemple), le règlement doit préciser comment ces sommes
sont gérées et qui contrôle et rend compte de leur utilisation.
Une autre bonne pratique est de rédiger un guide de l'administrateur familial, parfois appelé "vade-
mecum", qui rappelle les devoirs et responsabilités attachés à l'exercice du mandat et formule des
recommandations pour permettre un exercice professionnel de la fonction d'administrateur.
Ces différents documents n'ont pas à proprement parler de valeur "juridique" mais plutôt une valeur
d'engagement moral, dont le non-respect risquerait d'entraîner conflits et exclusions du cercle familial.
Du côté de l'entreprise, le terme "gouvernance" fait référence aux règles classiques du droit des
sociétés, et à la manière dont les instances de décision de l'entreprise (conseil d'administration,
1
La famille fonctionne sur des valeurs affectives et émotionnelles, d'attachement, de filiation, tandis que
l'entreprise est un monde plus orienté vers le résultat, la rentabilité et l'efficacité.
3. directoire, conseil de surveillance) vont s'organiser pour assurer l'efficacité de leurs décisions et leur
adéquation aux besoins de l'entreprise, et sur le plan juridique, à son intérêt social.
Dans la mesure où l'intérêt social ne se confond pas avec l'intérêt des actionnaires, a fortiori quand
ceux-ci sont des actionnaires familiaux, il est devenu de pratique courante de nommer au sein des
organes de la société des administrateurs indépendants, ou, à tout le moins, extérieurs à la famille.
Leur présence peut aussi présenter l'avantage d'agir comme facteur d'apaisement des tensions qui
peuvent exister au sein des instances de direction si le climat familial est porteur de conflits latents ou
révélés.
Il est souvent nécessaire de prévoir un pacte d'actionnaires qui, à la différence des documents cités
précédemment, est un contrat qui engage juridiquement tous ses signataires. Son objet est de régler les
modalités d'exercice du pouvoir politique et de contrôle du capital entre les actionnaires. Les clauses
usuelles concernent les modalités d'exercice du droit de vote (concertation préalable, par exemple), les
clauses visant à limiter la libre circulation des actions (telles que clauses d'agrément et de préemption)
et les clauses financières qui garantiront le respect de la politique de distribution des dividendes prévues
dans la charte familiale. Il peut également prévoir des dispositions visant à assurer une certaine liquidité
du capital et stipuler les méthodes d'évaluation des actions.
Enfin, bien qu'il n'existe aucune norme juridique applicable en la matière, la rédaction d'un règlement
intérieur du conseil d'administration est une bonne pratique recommandée par des organisations
professionnelles comme l'Institut Français des Administrateurs. Il est d'usage qu'il traite, au-delà des
règles de composition et de fonctionnement du conseil, de l'existence des attributions et du mode de
fonctionnement des éventuels comités spécialisés, ainsi que de la rémunération des administrateurs et
des modalités de l'évaluation régulière du fonctionnement du conseil.