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ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

                    UNIVERSITÉ DE PARIS-SORBONNE ( PARIS IV)




                      MASTER PROFESSIONNEL

                       Mention : Information et Communication

                   Spécialité : Marketing, Publicité et Communication




 (RÉ) APPROPRIATION DES VILLES INTELLIGENTES                                  PAR

                                LES MARQUES.


                 Préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard.




AUDE CASTAN
2011-2012
2
REMERCIEMENTS



Je tiens à tout particulièrement remercier Philippe Gargov, mon rapporteur professionel
pour le temps qu’il a su me consacrer tout au long de l’écriture de ce mémoire..

Je remercie de la même manière l’ensemble du corps enseignant du CELSA pour leurs
précieux conseils de méthodologie et lecture.

Enfin, merci à MJB pour son support.




                                                                                     3
Sommaire




INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 5
I.        Quand les frontières entre marketing et urbanisme se confondent, la ville devient media. ....... 12
     A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de dépublicitarisation au profit
     de l‘expérience physique et sociale, amenant les marques à investir l’espace urbain. ................... 12
     B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique de l’espace, certaines marques
     s’intègrent dans des dynamiques de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un
     gigantesque territoire d'expérimentation. ....................................................................................... 19
     C.     Étude de cas : Montréal ............................................................................................................ 21
II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif: Appropriation et réappropriation de ses
territoires et imaginaires par les marques ........................................................................................... 30
     A.     Smart city et streetsmart brands .............................................................................................. 31
     B.     Participation, proximité et dialogue.......................................................................................... 35
     C.     Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve… ........................................................... 39
     D.     …et dystopie cyberpunk ? ......................................................................................................... 43
III.        Limites et recommandations..................................................................................................... 48
     A.     Utopies techniques et réalités urbaines ................................................................................... 48
     B.     La ville comme plateforme d’innovation ouverte pour les marques ........................................ 53
     C.     Hacking urbain, détournement urbain et détournement de valeurs : ..................................... 55
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 62
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................... 69
MOTS-CLEFS .......................................................................................................................................... 72
ANNEXES ............................................................................................................................................... 73




                                                                                                                                                        4
INTRODUCTION


           Au sein des villes, l’architecture et l’urbanisme épousent inévitablement le
rythme des révolutions technologiques : Dans son ouvrage Los Angeles : The
architecture of the four ecologies, Reyner Banham1 critique architectural américain,
explique comment ce qui était auparavant une révolution (l’ossature d’acier des
édifices du 19ème siècle, la mise en place d’escalators dans les métros et l’air
conditionné au 20ème etc ) devient généralement une norme, s’intégrant
naturellement dans l’infrastructure urbaine.

Au 21ème siècle toutefois les innovations ayant influencé l’évolution de
l’infrastructure urbaine sont autant tangibles qu’intangibles2 : Les TIC (technologies
de l’information et de la communication)                    modifient depuis une dizaine d’années
l’accès aux services et aux ressources de la ville, des compagnies urbaine et de
certaines collectivités locales. Internet, les smartphones et                            les smart cards3,
détenus par un nombre croissant4 d’individus sont devenus aujourd’hui, et seront
encore plus demain, des vecteurs essentiels de l’autonomie, de la communication et
de la socialisation urbaine. Pour Bruno Marzloff, sociologue, directeur du cabinet
d'études Média Mundia et du Groupe Chronos, les apports du numérique permettent
une nouvelle maîtrise des usages de la ville, que cela soit par exemple dans les
transports (auto-partage, vélo en libre service etc.), les réseaux intelligents (les
"smart grids"5 pour une optimisation des productions-consommations d'énergie), les

1
    Los angeles : The architecture of the four ecologies, Reyner Banham, p17-35, 2000
2
  Si les données et flux d’informations circulant dans les villes sont intangibles il ne faut pas oublier que les
infrastructures du "virtuel" sont tout à fait "tangibles" : câbles, antennes, postes de contrôle, etc.
3
 Les smart cards (cartes à puce en français) sont principalement utilisées comme moyens d'identification
personnelle (carte d'identité, badge d'accès aux bâtiments, carte d'assurance maladie, carte SIM) ou de
paiement (carte bancaire, porte-monnaie électronique) ou preuve d'abonnement à des services prépayés (Ainsi
toutes les cartes de téléphone et titres de transport rechargeables utilisent cette technologie)
4
  En 2012, environ 18% de la population mondiale possédant un téléphone est équipée d’un smartphone,
contre 12% en 2010 et 8% en 2008. D’ici 2015 ce chiffre est estimé passer à 60%. Source : IHS iSuppli's market
intelligence, 25 Aout 2011
5
  Le smart grid est une des dénominations d'un réseau de distribution d'électricité « intelligent » qui utilise des
technologies informatiques de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation ainsi que de
mieux mettre en relation l'offre et la demande entre les producteurs et les consommateurs d'électricité.
Définition proposée par fournisseurs-electricite.com


                                                                                                                 5
régulations de flux, le “quotidien à distance” (commerce, travail, formation, santé...),
etc. La massification des pratiques numériques alliée à la banalisation des capteurs
et des supports de transmission ouvre des horizons inédits de régulation urbaine,
visant à une économie des ressources, un apaisement des mobilités et à une
autonomisation des pratiques du citadin6

Pour Serge Wachter7, les TIC et les réseaux numériques sont de plus en plus
« encastrés » dans les modes de vie et représentent désormais aussi une
composante de premier plan du fonctionnement de l’infrastructure environnementale
et urbaine de ce qu’il appelle « la ville interactive ».

Au-delà de cette vision plutôt techno centrée, l’économiste, sociologue et urbaniste
François Ascher et l’architecte Néerlandais Rem Koolhaas préfèrent parler de « ville
hypermoderne » reprenant les théories de Gilles Lipovetsky sur l’hypermodernité8,
théorie qui envisage la ville hypermoderne                        au travers         des développements
considérables dans les techniques de transport et de stockage des personnes, des
biens et surtout des flux d’informations9. Rem Koolhaas déclare d’ailleurs que « la
métropole hypermoderne est moins marquée par une transformation des lieux que
par une montée en flèche des flux matériels et virtuels qui relient ces mêmes
lieux. »10




6
  Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff. Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de
ressources prospectives du Grand Lyon.

7
  La ville interactive - L'architecture et l'urbanisme au risque du numérique et de l'écologie, de Serge Wachter ;
L'Harmattan

8
  « On peut dès lors définir l’hypermodernité par la radicalisation des trois logiques constitutives de l’âge
moderne, à savoir, la techno-science, le marché, et l’individu et sa transcription politique, la démocratie'.
Une radicalisation qui se déploie au travers des processus de rationalisation mais aussi de l’intensification de la
compétition et de la commercialisation quasi générale des modes de vie. » Institut paul Bocuse, Cycles de
conférences « Grands Témoins » sur le thème de « l’hypermodernité », Extrait de la conférence de Gilles
Lipovetsky - 4 octobre 2010.

9
 Organiser la ville hypermoderne - François Ascher, grand prix de l'urbanisme Ariella Masboungi , Olivia Barbet
Massin, 2009,Broché

10
  Great leap forward – Harvard Design School Project on the City, New York , Rem Khoolas, Taschen, p. 124-
140.


                                                                                                                 6
Toutefois durant ces dernières années c’est le concept des « smart cities » ou
encore villes intelligentes qui a eu le plus de succès, désignant par là un type de
développement urbain apte à faire face aux besoins des institutions, des entreprises
et des citoyens, tant sur le plan économique, social qu'environnemental. Selon la
définition la plus communément employée, une ville intelligente serait ainsi une ville
qui investit en capitaux humains et sociaux, et en infrastructures traditionnelles
(transports) et modernes ( NTIC11) dans le but d’offrir une qualité de vie plus élevée
à ses citoyens, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce à travers
une gouvernance participative. 12


De nos jours, les performances urbaines ne dépendent plus seulement de la dotation
de la ville en infrastructures (son capital physique) mais aussi, et de plus en plus, de
la disponibilité et la qualité de la communication du savoir et l’infrastructure sociale
(capital social et capital intellectuel). Le terme de villes (plus) intelligentes est utilisé
comme concept de marketing                         ou de branding par les villes : La ville de
Southampton en Angleterre utilise le terme depuis 2004 pour décrire leur système
de carte de transport « Smartcities card »13 tandis qu’Amsterdam                                     revendique
l'appellation Smart City.14 Louise Guay qui dirige le Living Lab de Montréal, un
laboratoire d'innovation urbaine, rappelle qu’ «Une ville intelligente, c'est aussi une
ville qui s'appuie sur la participation citoyenne. Les jeunes, ceux qu'on a baptisés les
«digital natives» ou natifs numériques, sont habitués d'avoir une voix, de voter, de
co-créer. Naturellement, on se dirige de plus en plus vers ça. C'est la notion
d'intelligence planétaire dont parlait l'auteur Joël de Rosnay »15

11
     Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.
12
     “A city can be defined as ‘smart’ when investments in human and social capital and traditional (transport)
and modern (ICT) communication infrastructure fuel sustainable economic development and a high quality of
life, with a wise management of natural resources, through participatory governance” définition donnée dans
Smart Cities and the Future Internet: Towards Cooperation Frameworks for Open Innovation par Hans
Schaffers, Annika Sällström, Marc Pallot, José M. Hernandez-Muñoz, Roberto Santoro, Brigitte Trousse In: The
Future Internet. Future Internet Assemby 2011: Achievements and Technological Promises, pp 431-446.
13
     http://www.southampton.gov.uk/living/smartcities/
14
     http://www.amsterdamsmartcity.nl/#/en
15
     Le cerveau planétaire, Joël de Rosnay ,Editions Olivier Orban, collection Points, 1986, p.11.



                                                                                                              7
Les marques s’aventurent également de plus en plus sur ce terrain, comme IBM et
                                                              16
sa campagne « Une planète plus intelligente »                      ou encore Siemens (probablement
précurseur) en 2004 avec le projet Stadt der Zukunft/Smart City project 17 On
remarquera que ces initiatives vont au-delà de l’aspect purement techno centré, et
s’inscrivent dans une démarche participative et durable : Le concept de la campagne
« Une planète plus intelligente » repose sur une conversation qu’IBM engage avec
son écosystème et le grand public sur la nécessité d’une planète plus intelligente, et
ce que fait IBM pour créer des solutions. Cette conversation s’exprime sur diverses
plate-formes sur Internet (une par pays) autour de thématiques régulièrement
renouvelées comme la gestion du trafic automobile, le traitement des données ou
encore la pénurie d’énergie. En France le journal Le Monde possède un partenariat
avec        IBM,    et   propose      un    supplément       numérique       http://www.planete-plus-
intelligente.lemonde.fr/ consacré aux problématiques de la ville intelligente.


Dans la mesure où 50% des habitants de notre planète vivent en ville d'après l'ONU,
la transformation des villes est un nouvel enjeu central pour les marques. Depuis
quelques années les entreprises de télécommunications telles qu’IBM ou Siemens
ne sont plus les seules à se positionner sur ce segment, et de nombreux autres
groupes multiplient les dispositifs pour imaginer mais surtout concevoir la ville de
demain. Au-delà de la volonté d’innovation et d’inventivité que connotent ces projets,
il faut également envisager que ce déploiement des marques dans la ville intelligente
soit aussi une alternative médiatique face à l’érosion des supports publicitaires
traditionnels : Depuis une vingtaine d’années l’OJD , Office de Justification de la
Diffusion des Supports de Publicité, constate une baisse de l’efficacité et un recul de
la diffusion des principaux médias, que l’on attribue à une saturation visuelle, et une
lassitude des consommateurs face à la publicité.18


16
     http://www.ibm.com/smarterplanet/uk/en/overview/ideas/
17
     http://www.siemens.com/innovation/de/publikationen/zeitschriften_pictures_of_the_future/PoF_Fruehjahr
_2004/SmartCity.htm
18
  Plus des trois quarts des Français ont le sentiment que la communication des marques a fortement
augmenté ces dernières années, et 56% jugent que c'est plutôt une mauvaise chose. Source : étude TNS Sofres
publiée à l’occasion des Phénix de l’UDA, mars 2010.


                                                                                                          8
Le sujet de réflexion portera donc sur l’appropriation et la réappropriation du concept
des « villes intelligentes » par les marques. Nous verrons ainsi quelles sont les
marques qui s’approprient ce concept des « villes intelligentes », en utilisant les
terminologies, la sémantique et les imaginaires qui y sont associés, et quelles sont
celles qui se réapproprient le concept, en                       proposant de nouvelles solutions, en
concevant des services, des outils et des biens pour façonner la ville, la réinventer,
ou tout simplement répondre à de nouveaux usages.                                Dans cette optique, le sujet
pourra être problématisé de la façon suivante :

                                                         ***
      "Dans quelle mesure peut-on dire que la ville intelligente soit un nouvel horizon
     créatif pour les marques face à l’érosion des supports publicitaires traditionnels ?
                                                         ***


Il s'agira ici de penser la ville intelligente comme une inspiration pour les marques
qui la mettent en scène, la subliment, la transforment ou la perfectionnent, et de
dépasser la notion de marketing urbain et de city branding. Nous nous interrogerons
sur la sémantique du concept : Que signifie le terme « intelligence », comment doit-il
être compris selon qu’on soit collectivité, entreprise, citadin, marque ? Quels sont les
imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent autour de ce concept ?
Comment se concrétisent-ils au niveau des stratégies de communication des
marques, des collectivités, des entreprises ? Il est important ici de sortir de la vision
techno-centrée, qui selon Philippe Gargov géographe et spécialiste de la ville
numérique, « s’accompagne principalement d’imaginaires stéréotypés, hâtivement
résumés par le raccourci : « ville numérique = smart city = ville intelligente = ville
idéale. »19 Il nous faudra également confronter le terme à ses dérivés sémantiques
« Clever city », « ville astucieuse » ou encore « ville agile » et à ses extensions
marketing « smart brands » et « street smarts brands. »




19
  De la smart city à la « clever city » : la boîte à outils de la ville astucieuse (Angers Technopole), Philippe
Gargov, http://www.pop-up-urbain.com


                                                                                                                   9
La première hypothèse s’attache à analyser et interpréter le contexte présent,
et postule que l’investissement de l'espace urbain s’inscrit dans une logique de
dépublicitarisation20 : De plus en plus marketing et urbanisme se confondent, par
conséquent on pourrait envisager la smart city comme un média à part entière, dans
le sens où elle permet la communication, l’échange d'informations et la transmission
d’un message. Pour vérifier cette hypothèse nous utiliserons une méthodologie
essentiellement académique dans un premier temps : Nous nous appuierons sur les
travaux de différents universitaires et chercheurs afin de montrer en quoi l’érosion
de l’efficacité des supports classiques de publicité pousse les marques à investir la
ville.


Nous utiliserons ainsi les travaux de Pierre Berthelot21, consultant chez Sennse, o
il gère différents projets de mobilité et d’architecture, et chargé de cours au Celsa,
mais également des textes issus de                   yperpublicitarisation et dépublicitarisation
Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique22 par Karine
Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants chercheurs au Celsa.                                Après
avoir posé les bases théoriques sur le sujet nous couplerons ces informations avec
une étude de cas, pratique, à travers la ville de Montréal, en présentant les divers
moyens mis en place par les marques pour s’inscrire dans l‘environnement urbain de
cette « ville intelligente » en devenir. Nous nous baserons ici essentiellement sur des
entretiens menés avec Louise Guay et Claude Faribault, dirigeants du Living Lab de
Montréal et sur une observation in situ des infrastructures de la ville.


La seconde hypothèse avancée pour répondre à cette problématique se place sous
un angle de prospective et envisage les villes intelligentes comme un terrain fertile
aux innovations d‘un point de vue marketing et communicationnel.



20
    Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion
sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La publicité
d’aujourd’hui . Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot. L’harmattan.
21
   Les médias magasins : du prétexte à l'implication. Pierre Berthelot. Communication & langages - n° 146-
Décembre 2005. P52
22
   Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et
gestion sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La
publicité d’aujourd’hui Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot.
L’harmattan.


                                                                                                            10
Pour répondre à cette hypothèse, nous présenterons une étude des imaginaires et
des valeurs ainsi qu’une étude de cas de marques qui s’approprient l’imaginaire des
smart cities. Notre méthodologie s’inscrit dans une démarche de prospective : Nous
tâcherons ici de montrer que cette appropriation n’est pas qu’une mode passagère
mais bel et bien un horizon de créativité. Il nous faudra ainsi répertorier et énumérer
les campagnes, médias et hors médias gravitant autour du concept de                                  la ville
intelligente afin de sélectionner les thèmes récurrents.


Afin de montrer que les imaginaires et valeurs sélectionnés constituent de possibles
leviers créatifs nous analyserons toutes les connexions immédiates et secondaires
qui y sont liés, que se soit dans les tendances sociétales, la littérature, l’art, la
cinématographie ou le sport. Outre ces références culturelles et pop, nous utiliserons
les travaux et conférences de Phillipe Gargov et Bruno Marzloff géographe et
sociologue et de François Ascher, sociologue et urbaniste ainsi que les ouvrages de
Claude Chabine Les villes nouvelles dans le monde et de Françoise Choay
l’urbanisme, utopies et réalité, une anthologie, pour compléter notre corpus.


La troisième et dernière hypothèse s’interrogera sur la capacité des marques à
réellement maîtriser cette ville-médias. Dans cette optique interrogerons les limites
du sujet, en essayant de proposer des recommandations pour pallier à ses limites.
Nous nous appuierons sur les ouvrages                           La ville 2.0, plateforme d’innovation
ouverte de Daniel Kaplan et Thierry Marcou et le 5ème écran, de Bruno Marzloff,
            23


sociologue, directeur du groupe Chronos afin d’appréhender l’hypothèse dans une
optique de prospective urbaine viable.


Dans un premier temps nous tâcherons de montrer pourquoi et comment les
marques se sont-elles inscrites dans la ville en réponse à la perte d’efficacité des
médias traditionnels. La deuxième partie sera consacrée à l’analyse des territoires et
des imaginaires qui font de la ville intelligente un nouvel horizon créatif pour les
marques. Enfin dans une troisième et dernière partie nous nous concentrerons sur
les limites et recommandations, toujours dans une démarche de prospective.


23
     La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, Daniel Kaplan et Thierry Marcou, éditions FYP.


                                                                                                          11
I. Quand les frontières entre marketing et urbanisme se
confondent, la ville devient media.


             A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de
         dépublicitarisation au profit de l‘expérience physique et sociale,
         amenant les marques à investir l’espace urbain.


        Ces dernières années on a vu de nombreuses marques rompre la barrière
entre l’espace public et l’espace promotionnel. Au delà d’opérations de street
marketing, ces initiatives relèvent d’un véritable processus de planning urbain, et
s’intègrent dans un phénomène plus global de nouvelles transformations
médiatiques que nous allons nous employer à décrire.


Pour expliquer ces mutations médiatiques, il est nécessaire de tout d’abord se
pencher sur le système médiatique originel :                     Dans Les médias magasins : du
prétexte à l'implication,         Pierre Berthelot24 explique que les médias à partir du
moment où la diffusion publicitaire y était importante, et ce quelque soit le support,
(que cela soit le contenu d’un journal télévisé, ou d’un magazine par exemple) offrent
systématiquement un prétexte pour diffuser le discours de la marque. La publicité
s’immisce et se dissimule dans le contenu éditorial, les contenus eux-mêmes n’étant
que le prétexte à la consommation de messages publicitaires constituant la véritable
finalité de la relation construite entre le média et ses récepteurs. On profite de
l'attente du programme de première partie de soirée, ou de la pagination d’un
magazine pour démultiplier les occasions de stimulations publicitaires.




24
  Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication. in: Communication et langages. N°146,
4ème trimestre 2005. pp. 42-43.


                                                                                                           12
Toutefois, selon Pierre Berthelot, cette multiplication des prétextes occasions /
dissimulation a engendré un effet de saturation :


        « (…)Si elles permettent de faire connaître une marque, un produit, elles ne
        sont     pas     nécessairement          transformées         en     actes     d'achats      par     les
        consommateurs. Elles sont le plus souvent, au mieux, reléguées au fond de la
        mémoire, si toutefois le message a été perçu malgré le « bruit » concurrent
        constitué par la multitude des sollicitations auxquelles un citoyen est
        aujourd'hui soumis. Mais de consommation, point. »


Face à cette saturation et à la congestion publicitaires les marques ont donc dû
trouver de nouveaux espaces et apprendre “à désancrer leur discours des supports
publicitaires traditionnels pour l’inscrire dans des espaces non dédiés aux marques”,
comme l’expliquent Karine Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants
chercheurs        au     Celsa      dans      Hyperpublicitarisation          et     dépublicitarisation        :
Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique25.


Depuis la production de médias de marque (le magazine En route produit par Air
Canada) en passant par des incursion dans les écoles ( films sur la santé bucco-
dentaire présentés par le lapin Colgate) la création de lieu-médias (le Spa Dove ou
l’hôtel Campers) ou encore des expositions dans les musées (Ai Wei Wei 26 et
Unilever dans la Tate Modern à Londres en 2011) de nombreuses marques sont
investies dans une démarche de recherche constante de nouveaux espaces
cohérents, mais également dans la volonté de présenter des expériences sociales et
physiques inédites. Plus précisément, des marques s’immiscent dans la fabrique
même de l’espace public mobilier urbain, modes de transports, scénographie, etc.




25
   Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : Métamorphoses du discours des marques et gestion
sémiotique. Caroline de Montety et Karine Berthelot Guiet,in La publicité d’aujourd’hui. Discours, formes et
pratique , Revue du CIRCAV, Paris, L’harmattan, pp.63-78. 2008.

26
   Ai Weiwei est un des artistes majeurs de la scène artistique indépendante chinoise. Une de ses oeuvres
récentes les plus célèbres est l'installation Sunflower Seeds présentée dans le cadre des « Unilever Series », du
10 octobre 2010 au 2 mai 2011, à la Tate Modern de Londres.


                                                                                                              13
L'investissement de l'espace urbain s’inscrit parfaitement dans cette logique de
dépublicitarisation : de plus en plus marketing et urbanisme se confondent, avec des
démarches comme celles de Barclays Cycle Super Highways 27 (programme de
location de vélos sponsorisés développé par la banque Barclays à Londres) ou
encore la campagne Fun Theory28 par Volkswagen, utilisant le milieu urbain
(escaliers, poubelles et autres containers de recyclage) comme installations
ludiques.




Pour reprendre les théories de Pierre Berthelot, le média ne se contente plus
d'exploiter le prétexte, il l'engendre :


           ‘’Le branding ne consiste plus seulement à être associé à des représentations
          positives et cohérentes avec leurs identités, mais à en « faire des réalités
          vécues ». Ce qui passe par deux étapes clefs: transformer notre
          environnement en fiction de marque et, pour ce faire, multiplier les opérations
          de médiatisation du quotidien.’’29




27
     http://group.barclays.com/Media-Centre/Barclays-news/NewsArticle/1231785287844.html

28
     http://www.thefuntheory.com/

29
  Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication in Communication et langages. N°146,
4ème trimestre 2005. p. 45


                                                                                                             14
Le système médiatique est passé d’une « double logique du prétexte - dissimulation
et occasion vers une logique d’implication », les marques ont évolué de façon
masquée vers une logique d’implication, en créant des dispositifs nouveaux, ancrés
dans l’expérience signifiante : La banque Barclays a ainsi financé à hauteur de 20%
le projet Barclays Cycle Super Highways (programme similaire à celui des vélib à
Paris) s’octroyant en échange le droit de d’apposer son nom, son logo et ses
couleurs sur chacun des vélos du programme. Au-delà de la visibilité médiatique
quotidienne évidente, la banque a également su transformer l’environnement en
fiction de marque comme le dit Berthelot, et il est évident que dorénavant cette
initiative ancrera dans l’esprit des Londonien une image d’une marque responsable,
et écologique.


Autre point important, la municipalité a fait                 le choix de l’open data : toutes les
données concernant le service et les flux de passagers sont disponibles en ligne.
Mises en formes par l’opérateur, elles peuvent ainsi être manipulées par des
développeurs tiers (indépendants, start-ups, autres opérateurs, etc.) afin d’améliorer
                                                                                                     30
l’offre de services afférents            cartographies dynamiques, applications mobiles...
Ainsi il n’existe pas d’application officielle mais une multitude d’applications iPhone et
Android privées fournissant divers renseignements sur la disponibilité des vélos,
l’itinéraire le plus court etc.31 Autre programme similaire, le système VLS Bicing de
Barcelone mis en place par ClearChannel s’accompagne du service iBicing qui
fournit des renseignements sur la disponibilité des vélos directement depuis un
téléphone mobile. Il suffit d’envoyer par sms le nom d’une station, et on                        reçoit
immédiatement un message avec un numéro pour débloquer un vélo.


Autre exemple, celui de la campagne « Fun theory » par Volkswagen, lancée sur le
web en 2009 sous forme de vidéos virales par l’agence DDB Stockholm. La marque
automobile allemande s’était lancé un défi en Suède responsabiliser les citoyens de
façon ludique, en s’appuyant sur les mécanismes de fidélisation par le jeu et la
“gamification”. Ainsi, à l’image de la mise en plage des signalétiques pietonnes32 par

30
     Open data, comprendre l’ouverture des données publiques. De Simon Chignard, FYP editions.
31
     http://data.london.gov.uk/datastore/package/tfl-cycle-hire-locations
32
     http://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/kit_pieton_inpes.pdf



                                                                                                    15
les collectivités locales afin d’encourager les citadins à marcher, The Fun Theory a ici
utilisé ici les escaliers du métro en les déguisant en touches de piano pour les
convaincre de prendre les escaliers au lieu de l’escalator. La campagne se veut
également participative puisqu’elle invitait les suédois à laisser leurs propres idées
sur son site Internet. Au final, ce fut un gros succès viral (18 millions de vues pour la
seule vidéo des escaliers sur Youtube) mais également un succès en terme de
changement dans le comportement des usagers (66% d’utilisation supplémentaire
des escaliers) Pour mieux comprendre l’investissement de l’espace urbain par les
marques, il serait intéressant de se pencher sur la théorie Earned, Bought and
Owned medias, développée par les acteurs du digital , et synthétisée dans ce
schéma par Daniel Goodall, responsable Digital chez Nokia, et blogueur actif.33




Sur le schéma, le paramètre, « Bought », correspond aux canaux traditionnels de
communication, c'est-à-dire à l’achat médias classique (presse, TV, radio, bannières
etc). « Owned », représente quand à lui les canaux de communication propres à la
marque, comme son site web, son magazine, ses profils sur les réseaux sociaux ou
encore son point de vente.


33
     Owned, bought and earned http://danielgoodall.com/



                                                                                      16
Enfin le troisième paramètre, « Earned », correspond aux médias que les marques
ne peuvent contrôler : les commentaires sur un blog, les tweets, les articles dans la
presse, le bouche à oreille etc. On observe également que plus la marque détient un
contrôle sur le média, et moins sa portée (Reach) est importante. De fait le
paramètre « Earned » ne dépend pas de la marque, il ne peut être contrôlé mais
uniquement influencé. Toutefois ce paramètre conversationnel n’est pas à négliger
dans la mesure où le bouche à oreille et la prescription ont toujours été le moyen le
plus sûr de convaincre un prospect d’acheter un produit ou un service. Et face à
l’érosion des médias traditionnels ( « Bought » ), créer la conversation entre les
consommateurs est devenue primordiale dans la construction d’une stratégie de
communication :


C’est grâce à leur capacité à susciter des conversations (du bouche à oreille) et à
faire vivre aux consommateurs des expériences uniques que les marques se
distinguent. La portée d’Internet et des réseaux sociaux a donné aux consommateurs
la possibilité de se faire une opinion par eux-mêmes, de devenir une source
d’information pour les autres concernant tout ce qui touche aux marques, aux
produits et services, et donc de partager leurs expériences à un spectre bien plus
élargi de consommateurs potentiels. Cette théorie est à rapprocher des celles
développées par Jeremy Rifkin dans L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du
capitalisme34 Il y explique que nous appartenons désormais à « une économie qui
fournit des services et procure des expériences » (p.103) une société où ce qui
importe ce ne sont plus tant les objets à posséder que la qualité de vie et les
expériences auxquelles l’individu peut avoir accès.




34
     L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme. Jérémy Rifkin. Paris : La Découverte, 2005



                                                                                                        17
Nous vivons dans une société de services, une cité servicielle comme le rappelle
Bruno Marzloff35 :


        “D'une manière générale, la société est entrée inexorablement dans un
        modèle de services. Les services dans l'économie ont supplanté les
        productions agricoles et industrielles. Les services, ce sont quelques 65% des
        budgets des ménages, quelques 75% des emplois, quelques 80% du PIB,
        quelques 85% de la croissance, en France aujourd'hui. Dans ce modèle (…)
        les services deviennent des évidences qui s'imposent à la ville. Ces évolutions
        sont drainées par l'ambition - explicite ou sous-jacente - de "maîtrises des
        usages". Elles appellent une réflexion qui dépasse l'invocation du "service"
        comme solution ou même l'identification des services comme pistes de
        réponses. C'est une philosophie de la ville qui se repense.”



Cette nouvelle philosophie de la ville est repensée par les collectivités locales, mais
également par les marques et le citadin. En définitive les services de vélos en libre
service Barclays ou encore les services d’auto partage Car2go36 par Daimler sont
parfaitement représentatifs de cette nouvelle économie de la ville intelligente et
servicielle : Basés sur de nouvelles problématiques de mobilités incluant les TIC, se
sont de véritables médias de marques subtils, déguisés sous un habillage social et
surtout utilisés par les consommateurs de façon spontanée, conformément à ce que
Pierre Berthelot appelle “des phénomènes d'implication volontaire”, c'est-à-dire des
services, des outils et des biens susceptibles d’attirer et d’impliquer les
consommateurs, par leur nature même.


Ces deux exemples illustrent parfaitement la façon dont la ville intelligente peut
devenir un véritable média pour les marques dans le sens où ils permettent la
transmission d'un message, la communication et l'échange d'informations. Pour aller
plus loin on pourrait même dire que développer ce genre de services crée une

35
   Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff, Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de
ressources prospectives du Grand Lyon, 2011.
36
   Car2go est le nom d'un concept d'auto-partage urbain développé dans une dizaine de villes dans le monde
par le constructeur automobile allemand Daimler.


                                                                                                                 18
synergie entre les canaux de communications : Le financement relatif à la mise en
place des services pourrait être assimilé à de ‘achat d’espace (Dans la mesure ou la
marque verse une certaine somme à la ville en échange de la mise en place du
service) le service en lui-même ( auto-partage, vélo en libre service etc. ) constituant
le « owned medias » assurant visibilité et notoriété, tandis que les conversations
quotidiennes et les RP déclenchées au lancement du projet relèvent du « earned
medias ».




               B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique
            de l’espace, certaines marques s’intègrent dans des dynamiques
            de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un
            gigantesque territoire d'expérimentation.


Comme nous venons de le voir, les transformations médiatiques (dépublicitarisation,
investissement d’espaces non dédiés aux marques etc.) couplées à la multiplication
des réseaux et des flux d’informations dans les villes instaurent une nouvelle
condition urbaine dans laquelle les marques essayent de trouver leur place à travers
de multiples expérimentations. En effet, outre la visibilité et le bouche à l’oreille
entrainées par l’utilisation ou la mise en place d’ infrastructures urbaines comme
médias, cette incursion dans la ville se retrouve également dans la création de lieux
pionniers dédiés à des formes d'innovation urbaines : Au cours de ces dernières
années on a assisté à a multiplication des ouvertures de hackerspaces37 et autres
Living Labs38, lieux d'observation des usages émergents des technologies de
l'information et de la communication, dont certains ont été mis en place en
partenariat avec les marques. Parmi les marques qui se penchent vers l’urbanisme

37
       Les Hackerspaces peuvent être vus comme des laboratoires communautaires ouverts où des
« hackers »peuvent partager ressources et savoir. Beaucoup de hackerspaces utilisent et participent à des
projets autour du logiciel libre, ou des médias alternatifs. Source : hackerspaces.org/
38
     Le projet Living Labs est un programme de label européen lancé en 2006. Un Living Lab regroupe des acteurs
publics, privés, des acteurs individuels, dans l’objectif de créer et tester des services, des outils ou des usages
nouveaux. Il s’agit de sortir la recherche des laboratoires pour la faire descendre dans la vie de tous les jours.
Source : www.openlivinglabs.eu



                                                                                                                19
et la prospective, on trouve les “fournisseurs de mobilité”, à savoir les constructeurs
automobiles et           les marques du secteur de la communication, sans oublier les
opérateurs de mobilité qui doivent renouveler leur offre avec l’arrivée de ces
nouveaux entrants. Ainsi l’année dernière, Bjarke Ingels, l’un des plus grands
architectes contemporains, a été sollicité par Audi pour créer Urban Future
Initiative39, regroupant divers écrivains, créateurs et spécialistes de la prospective,
afin de travailler sur des idées de transition vers une nouvelle forme de mobilité.
BMW a quand elle mis en place un partenariat avec le musée Guggenheim de New
York pour créer le BMW Guggenheim Lab40, un laboratoire de recherche mobile.
Enfin Smart a traversé l’Europe entière d’avril 2010 à septembre 2011 avec son
projet itinérant Smart Urban Stage41, centré sur la ville du futur et la mobilité urbaine.
Côté communication IBM a par exemple lancé Smarter Cities Challenge42et Philips
son programme de Living Labs à travers le monde43 tandis que Sony a crée, en
partenariat avec le Forum for the Future, FutureScapes, un projet dont le but est
d’imaginer le monde en 2025 et de réfléchir au rôle que peut jouer la technologie
dans le futur selon différents scénarios d’évolution.44


Ces exemples prouvent le récent engagement des marques quand à la mise en
place de plate forme d’innovation ouverte favorisant l’innovation. Dans la mesure o
l’on considère que les marques                 font partie, au même titre que les collectivités
locales, des acteurs œuvrant au dynamisme des villes, il paraît logique qu’elles
mettent sur pied de nouveaux projets urbains afin de faire évoluer les villes. La 11 ème
thèse proposée par François Ascher sur l'urbanisme moderne dans son dossier de
candidature pour le Grand Prix de l'Urbanisme en 2006 résume cette mutation
qu’opèrent les villes intelligentes.




39
     http://www.audi-urban-future-initiative.com/
40
     http://www.bmwguggenheimlab.org/
41
     http://www.smart-urban-stage.com/
42
     http://smartercitieschallenge.org/
43
     http://www.research.philips.com/focused/experiencelab.html
44
     http://www.sony.co.uk/discussions/community/en/community/futurescapes



                                                                                            20
« Le développement d'une ville dépend pour une bonne part du dynamisme
        des acteurs. Son potentiel dépend                 aussi de toutes sortes de richesses
        immatérielles, de l'intensité des réseaux sociaux locaux à l'image de marque
        de la ville. L'urbanisme doit donc être capable de jouer non seulement sur le
        hard de la ville, mais également sur le soft, que ce soit dans les tâches de
        développement, dans l'invention programmatique liée à la conception de
        projets urbains, dans la production d'événements susceptibles de laisser des
        traces urbaines, dans la cristallisation spatiale des potentiels culturels et
        sociaux. »

Si les marques ont un rôle à jouer dans le hard – c'est-à-dire dans les infrastructures
matérielles de la ville – comme on l’a vu précédemment avec les services de vélos et
voiture en libre service, ou encore avec l’installation de signalétiques ludiques, elles
ont également un rôle possible dans le soft , la programmatique de la ville C’est sur
cette programmatique que les living labs conçus par BMW IBM ou Smart
réfléchissent, dans le but bien sûr de l’améliorer, mais également pour reprendre
Ascher, de laisser une trace durable.                Nous allons à présent           approfondir cette
nouvelle forme de dynamique de prospective urbaine à l’échelle d’une ville, à savoir
Montréal.




             C. Étude de cas : Montréal

Depuis quelques années de nombreux projets visant à promouvoir l’essor du Grand
Montréal comme ville intelligente se mettent en place dans la métropole Québécoise,
en particulier au niveau des infrastructures de transport. Une de ces premières
initiatives est la création en 1994 de Communauto45, un des plus importants services
d’auto-partage à avoir vu le jour en Amérique du Nord, suivi en 2008 par la mise en
place du Service Stationnement de Montréal ayant mis au point des terminaux de
paiement de stationnement automobile, en réseau sans fil et alimentés à l'énergie
solaire.

45
  Communauto met des véhicules à la disposition exclusive de ses abonnés pour une demi-heure, une heure,
une journée. Disséminées dans de nombreuses stations, les voitures sont disponibles sans délai, 24 h / 24, 7
jours sur 7.



                                                                                                         21
En 2009 la Ville de Montréal a lancé le système BIXI (mot-valise, contraction de
bicyclette et taxi) un service de quelques 6000 vélos en libre-service répartis sur 405
stations s’appuyant sur la même technologie d’alimentation à l’énergie solaire, et la
même infrastructure TI que les terminaux de paiement de stationnement automobile
existants. La réalisation physique a été faite en collaboration avec Rio Tinto Alcan
(Groupe minier fabricant aussi de l’aluminium) qui est également un des partenaires
mais également commanditaires du servie Bixi. Afin de rentabiliser les coûts
d’entretiens du service Société de vélo en libre-service46 et la ville ont mis en place
deux types de collaboration avec les marques :

Le premier système de financement, rapportant environ 2 millions de dollars par an,
est le partenariat, avec Rio Tinto Alcan, Telus (télécommunication) et Desjardins
(institution bancaire) En contre partie de leur appui financier ces trois marques on pu
afficher leurs logos et publicités sur les vélos et les stations ( voir photo ci-dessous).




46
   C'est à l'automne 2008 que la Société de vélo en libre-service a été créée par Stationnement de Montréal
pour officiellement exploiter le système. En mars 2010, le maire de Londres, Boris Johnson, a procédé au
lancement de la franchise BIXI, baptisé Barclays Cycle Hire, du nom de son commanditaire principal. En mai
2010, Bixi s’est installé à Melbourne, à Toronto , Ottawa et Boston en 2011 . En 2012 le système est présent ou
encours d’installation dans une vingtaine de ville.


                                                                                                            22
Le second système de financement provient des commanditaires, c'est-à-dire des
marques prêtes à payer pour avoir une ou plusieurs stations Bixi baptisées au nom
de leur entreprise. En plus des trois principaux partenaires cinq marques locales font
partie des commanditaires47. Toutefois cette transformation des vélos en support
publicitaire ne plait pas à tout le monde : Les Bixi sont régulièrement vandalisés, à la
peinture, au ruban adhésif ou à l'autocollant, afin de masquer les logos des
partenaires ( voir photo ci-dessous). La banque Desjardin, plutôt que de condamner
ces agissements reconnaît aujourd'hui qu'elle aurait pu afficher son partenariat avec
Bixi «de manière un peu plus délicate» comme elle l’indique dans le journal Le
Devoir48.

          «Nous préférerions que notre image soit respectée, a indiqué Francine
          Blackburn, porte-parole, mais nous ne pouvons pas empêcher les gens de
          s'exprimer, même s'ils s'expriment mal.» L'institution dit aussi être « ouverte à
          l'idée de discuter avec les représentants de Bixi afin de trouver d'autres façons
          de les soutenir ». « Nous aurions pu nous montrer sur les vélos de façon un
          peu plus discrète », reconnaît aujourd'hui Mme Blackburn.




47
     http://montreal.bixi.com/commanditaires/commanditaires
48
  Bixi: la pub qui dérange... dérange. Les affiches vandalisées causent des maux de tête à Desjardins, Fabien
Deglise, Le Devoir, mai 2011. http://www.ledevoir.com/politique/montreal/323220/bixi-la-pub-qui-derange-
derange


                                                                                                                23
Justement, si la banque le désire, il existe des façons pour elle de discuter avec les
usagers et représentants, à travers la mise en place du BixiWiki 2.0 projet-pilote
lancé par le Living Lab de Montréal sous la forme d’une plate-forme numérique
basée sur l’innovation ouverte49, permettant aux acteurs de la ville de communiquer
entre eux.50

L'objectif est ici d'évaluer comment les usagers de Bixi peuvent utiliser les
applications mobiles et web sociales afin d’ aider à améliorer la fluidité du service de
vélos, développer le commerce local ou créer de nouvelles applications pour faciliter
les transports urbains. Cette plate-forme a été mise en place grâce à la collaboration
active de nombreux partenaires issus des secteurs publics et privés :                             les
usagers de Bixi, Tourisme Montréal, l’école HEC (Montréal), le groupe Bell (télé-
communications), l'École Polytechnique, le MIT Media Lab (Boston), entre autres.

Selon Louise Guay, fondatrice du Living Lab, interviewée en août 2012 à Montréal 51,
l’intérêt pour les marques n’est plus seulement médiatique, mais de l’ordre de la
prospective urbaine Il s’agit ici pour les marques de s’habituer à collaborer, à aller
chercher des solutions en dehors de leur sein, à s’initier à l’innovation ouverte, avec
d’autres partenaires ou au sein de leur organisation interne. Le Living Lab se pose
en facilitateur, en collaborateur, en tant que plateforme de modélisation et de
consultation, tant pour les marques que pour les acteurs publics de la ville. Louise
Guay et Claude Faribault avouent que le Living Lab a pour vocation d’optimiser
Montréal, de la rendre plus intelligente.




49
   L’innovation ouverte est un terme promu par Henry Chesbrough, professeur et directeur du centre pour
l'innovation ouverte à Berkeley. C'est un mode d'innovation basé sur le partage, la collaboration et la
sérendipité, s’opposant a à 'innovation "fermée", c'est-à-dire principalement développée « en interne » et mise
en œuvre au sein de l'entreprise, sous le sceau du secret industriel ou de fabrication Elle peut concerner tous
les domaines de la recherche.
50
   Le Living Lab est un organisme à but non lucratif fondé par Louise Guay et Claude Faribault. Le Living Lab de
Montréal est né dans le cadre du projet de recherche international Responsive City, qui vise à mieux
comprendre l'utilisation des ressources partagées par les citoyens des villes. Regroupant plusieurs partenaires
sociaux, corporatifs, publics et universitaires, le Living Lab de Montréal favorise la co-création et l'innovation
ouverte comme méthode de recherche participative.
51
   Interview réalisée en aout 2012 à Montréal auprès de Louise Guay et Claude Faribault. L’interview n’est pas
retranscrite en annexes pour des raisons de confidentialité.


                                                                                                               24
« Aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, tous les grands enjeux de
           développement de la vie urbaine sont déjà discutés ouvertement par des
           citoyens venus de tous les horizons. Le web 2.0 fait partie intégrante de la
           nouvelle trame urbaine. Il a déjà commencé de transformer la ville en paysage
           d'information et les citoyens en agents interactifs. »

Pour Louise Guay si les innovations sont aussi importantes dans le secteur du
transport c’est parce que les infrastructures de transport constituent la nouvelle
trame de la ville intelligente. Selon elle, les transports sont la matrice de la ville, elle
rappelle ainsi qu’en Amérique du nord les villes ont étés construites en fonction des
moyens de transport : Ainsi la largeur des routes épouse celle des calèches et
diligences, et par la suite celle des voitures, les résidences et commerces sont
venues s’installer le long des axes routiers, puis par la suite se sont délocalisés à
l’extérieur du centre ville. En Amérique du nord, ne pas avoir de voiture c’est être
condamné à être enfermé là o l’on vit, c’est aussi montrer indirectement que l’on n’a
pas les moyens d’en acquérir une. Le développement de Bixi ou de Communauto
représente une option écologique intéressante pour ceux qui ne possèdent pas de
voiture ou choisissent de ne conserver qu’un seul véhicule pour la famille.

Ces alternatives entraînent également un changement de paradigme fort : Le statut
social et les valeurs du conducteur ne se sont désormais plus visibles à travers le
choix de la marque de sa voiture, mais au contraire à travers son choix de ne pas
être propriétaire, sa volonté de trouver des solutions alternatives et intelligente, par
soucis d’écologie et d’économie. Ce changement de paradigme est pour Louise
Guay au cœur des problématiques des marques automobiles, qui plutôt que de s’en
inquiéter devraient apprendre à y voir de nouvelles formes d’innovation possible (Ce
que Audi, BMW ou Daimler ont très bien compris52)

Les marques, en collaborant avec le Living Lab et les acteurs publics ont la
possibilité de redéfinir la notion de possession, de mettre en place un système de
transport alternatif en plaçant l’usager au centre des problématiques, de réfléchir aux
nouvelles formes de financement ou de partenariat possibles afin de démocratiser de
l’accès aux différentes infrastructures publiques et commerciales de la ville, et

52
     Cf exemples cités dans la première partie.


                                                                                         25
réduire l’empreinte écologique. Le projet central du Living lab, qui devrait voir le jour
courant 2013, est une plateforme de négociation et de collaboration, visant à
promouvoir l’économie locale, à récompenser les usagers des transports alternatifs
et axée sur des principes de ludification.

Le principe : les marchands et entreprises de la ville achètent des crédits de jeu
auprès des sociétés de transports de Montréal, en échange, c’est dans leurs
boutiques que les usagers pourront venir dépenser les points accumulés gagnés en
délaissent leurs voitures au profit des transports en commun, du co-voiturage, du Bixi
ou de la marche à pied. Comme le fait remarquer Louise Guay, pour arriver à de
nouvelles solutions, il est nécessaire de prendre en compte et collaborer avec tous
les acteurs du marché : Cette plateforme ne pourra être mise en place que si les
sociétés de transport publics et les marques travaillent main dans la main, en se
servant du Living Lab comme consultant et médiateur auprès des usagers afin de
créer une application utile et profitable à tous. Elle critique ainsi les initiatives trop
superficielles ou menées individuellement, constatant que les consommateurs ne
sont pas dupes et détectent facilement les projets o l’investissement des marques
n’est que superficiel et publicitaire : Bien que la démarche de Desjardin, Rio Tinto
Alcan et Telus à Montréal relève de la dépublicitarisation, les Montréalais n’y voient
qu’une nouvelle forme de publicité intrusive, et ne se privent pas de le faire savoir en
vandalisant les logos des vélos.

Pour eux le financement représente d’avantage un achat médias qu’un réel
investissement dans le projet, déjà parce que les sommes versées par les marques
ne couvrent qu’une petite partie des frais de dépense du service, mais également
parce que cela reflète une « appropriation » du projet plutôt qu’une vraie réflexion,
les entreprises ayant simplement « récupéré » le projet pour faire valoir un soit
disant engagement citoyen, elles ne se sont à aucun moment assises avec les
pouvoirs publics et les usagers pour le mettre en place. Ainsi il n’existe pas
d’application mobile officielle, et ce alors que Telus est une des plus grandes
compagnies de télécommunication en Amérique du nord.




                                                                                       26
Claude Faribault cite également l’Autobus des créateurs, un concours réalisé durant
la conférence internationale C2 MTL53 en mai 2012, en partenariat avec la Ville de
Montréal, la Société de transport de Montréal (STM) et Telus, où de                                    jeunes
développeurs étaient invités à monter et travailler dans un bus sillonnant la ville, afin
de trouver des solutions aux problèmes de transport à Montréal de développer un
projet web ou mobile à partir des ensembles de données ouvertes par la Ville de
Montréal et la STM. Pour alimenter le travail des développeurs présents dans
l’autobus, la Ville de Montréal libérait de nouveaux ensembles de données dans de
nombreux domaines dont les pistes cyclables, l’hydrographie, les données de la
voirie etc.

Si l’initiative est à priori louable, sa réalisation se montre en revanche plus délicate,
un bus scolaire n’étant pas franchement un endroit adapté pour le travail en équipe
(pas de bureau, un accès WiFi très faible, une chaleur écrasante etc.) Ici,
l’engagement de Telus n’aura été qu’iconique, puisque la marque se sera
simplement contenté d’apporter un soutien financier. Si ici on déplore tout au plus
des conditions de travail absurdes, le manque de collaboration et d’écoute peut
entrainer de lourdes conséquences pour les compagnies.

Claude Faribault cite ainsi le BMW Guggenheim Lab, sorte de living lab temporaire et
mobile, réunissant architectes, artistes et scientifiques afin de discuter de problèmes
de développement urbain actuels, qui devait ouvrir ses portes à Berlin mais a reçu un
très mauvais accueil des habitants. Le projet a été retardé de trois semaines et a dû
s’installer dans un quartier plus excentré que ce qui avait été initialement prévu,
suite aux menaces de violence provenant de militants d’extrême gauche, et aux
plaintes des riverains. Un site internet et une pétition s’opposant à l’arrivée du lab
avaient étés mis en place en soulevant que le projet signifiant une prise de valeur du
terrain et donc une augmentation croissante des loyers. En effet ce type de projet
artistique et culturel signifie un afflux de touristes et entraîne une hausse importante
des loyers et de la vie quotidienne, ce qui a été jugé inacceptable de la part des
Berlinois, reprochant à BMW et au musée de venir faire du profit sans avoir consulté


53
  http://createurs.ville.montreal.qc.ca/ C2-MTL est un événement de trois jours, mis en place par l’agence de
publicité Sid Lee, en collaboration avec le Cirque du Soleil, Fast Company et IBM, mis en place afin de trouver
des réponses créatives à des questions commerciales. L’évènement accueillait divers ateliers , conférences et
groupes de discussions en collaboration avec la ville et la région de Quebec.


                                                                                                             27
les riverains, et en dépit de leur avis. L’affaire était remontée au plus haut niveau des
autorités locales, qui avaient du intervenir et prendre la décision de délocaliser le
projet plus loin entraînant de nombreuses répercussions sur l’image du constructeur
automobile et du musée. La ville est bel et bien une vitrine potentielle pour un produit
ou une compagnie, pourvu                qu’elles apprennent à consulter pouvoirs publics et
usagers, sous peine de devenir intrusives, ou de saturer l’espace urbain par des
campagnes publicitaires invasives.

     Pour reprendre notre hypothèse initiale, il est certain que l’investissement de la
ville intelligente s’inscrit dans une logique de dépublicitarisation. Toutefois les
marques doivent maintenant aller au-delà de la dimension de support médiatique
qu’offre la ville intelligente, pour se diriger dans une optique de prospective urbaine,
en collaboration avec les acteurs du secteur, afin de proposer des solutions
intelligentes à l’écoute des usagers. Lorsqu’on analyse le terme « intelligence »
selon les définitions proposées par les dictionnaires Larousse54 et le Trésor de la
langue française informatisée55                  on remarque la récurrence de plusieurs
thèmes entourant le concept d’intelligence, à savoir l’aptitude ; (soit la capacité, la
compétence reconnue ou la disposition naturelle) la notion de but et le choix des
moyens pour atteindre ce but ; la compréhension de l’environnement et des enjeux et
enfin l’action.

En comparant les définitions du concept « d’intelligence » avec la définition de la
ville intelligente donnée lors de la conférence Future Internet Assembly à Ghent en
Belgique en décembre 201056, on pourrait imaginer quelle serait la ville intelligente
dans laquelle les marques évolueraient : Une ville astucieuse, qui se construit selon

54
  Intelligence, nom féminin (latin intelligentia, de intelligere, connaître) Désigne l’Ensemble des fonctions
mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle mais également l’ aptitude d'un être
humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances, Qualité de
quelqu'un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui
adapte facilement son comportement à ces finalités, Dictionnaire Larousse

55
     [Dans des circonstances nouvelles pour lesquelles l'instinct, l'apprentissage ou l'habitude ne dispose
d'aucune solution] Aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les
procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui
permettent l'adaptation aux exigences de l'action. Trésor informatisé de la langue française
56
   « Une ville peut être qualifiée d’intelligente quand les investissements en capitaux humains, sociaux, en
infrastructures de communication traditionnelle (transports) et moderne (NTIC) alimentent un développement
économique durable ainsi qu’une qualité de vie élevée, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce
à travers une gouvernance participative. »


                                                                                                            28
les usages, une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement
(citoyens, acteurs privés et publics) afin de choisir les moyens d’actions en fonction
du but à atteindre.


Par extension, une marque associée à une ville intelligente serait alors une marque
qui vient s’inscrire dans l’inconscient (ou le conscient) collectif comme une marque
intelligente, focalisée sur les usages du citoyen, sachant s’adapter aux besoins, aux
attentes, et s’adapter aux problèmes urbains pour simplifier et améliorer
concrètement le quotidien des citadins. Proposer des solutions urbaines intelligentes
assurerait ainsi aux marques une image positive, à la fois innovante et soucieuse de
l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Pour cela, de nombreux imaginaires
créatifs s’offrent à elle, que nous allons dès à présent étudier dans une seconde
partie.




                                                                                   29
II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif:
Appropriation et réappropriation de ses territoires et
imaginaires par les marques

         La ville, quelle soit réelle ou réinventée, imaginaire ou imaginée, a toujours
constituée un espace représenté à travers les diverses productions médiatiques
que sont la peinture, la littérature, la représentation cartographique, puis la publicité,
le cinéma, etc. ainsi qu’un espace de représentation, pour les acteurs qui viennent
s’y intégrer. La ville est depuis longtemps un sujet d’inspiration pour les marques,
qu’elle soit contemporaine ou futuriste : Depuis les villes robotisées ( Suntory - The
bar ou Puma - Until Then ) en passant par les villes ludifiées, terrains de jeu à ciel
ouvert ( Nike - Tag ou Nissan Qashqai ), celles reprenant les codes des jeux vidéos (
Nike- Game on, World) jusqu’aux villes dystopiques ( Verizon Motorola Droid Bionic –
Arena)57 Toutes sortes de représentations , de projections et d’imaginaires ont étés
utilisés par toutes sortes de marques.


Durant l’atelier « Ville imaginaire, ville imaginée, comment s’y retrouver? » organisé
l’an dernier à Montréal, Céline Poisson, enseignante à l’ École de design, Université
du Québec à Montréal rappelle comment depuis l‘imaginaire entourant la Rome
antique, en passant par le Paris haussmannien, jusqu’à Las Vegas « les images et
discours sur la ville se construisent, se complexifient au gré des désirs, des
aspirations et des fantasmes d’acteurs aux intérêts divers jouant ainsi un rôle
essentiel dans la représentation sociale et la construction identitaire urbaine. »
Comme on l’a vu dans une première partie, les marques aujourd’hui essaient de
plus en plus de devenir des acteurs importants du développement de la ville
intelligente, elles pourraient donc façonner cette nouvelle cité au gré de leurs désirs
et aspirations, et donc participer à la construction identitaire.




57
  Toutes les références publicitaires de la ville du futur sont dans le corpus page 65, la ville ludifiée pages 66 et
67.


                                                                                                                  30
Comment les marques pourraient-elles projeter leur vision de l’urbanité ? Nous
commencerons ici par analyser les trois principaux concepts et leurs sous-concepts
qui entourent la ville intelligente et la façon dont ils peuvent être utilisés par les
marques.         Que signifient-ils, comment peuvent-ils être appréhendés                       par les
marques ? Quels sont les imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent
autour de ces concepts pouvant être exploités par les marques ?                            Après avoir
analysé la sémantique de ces concepts, et les imaginaires qu’ils transportent, nous
tâcherons de voir comment                chacun d’eux peut être amené à se concrétiser
ensemble ou séparément au niveau des stratégies de communication des marques.


               A. Smart city et streetsmart brands

Si l’on reprend encore une fois la définition de l’intelligence on note que les notions
d’aptitude et d’adaptation reviennent beaucoup. Comme on l’a vu dans la première
partie, la ville intelligente est une ville astucieuse, qui se construit selon les usages,
une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement, ce qui
suppose que ses habitants sachent faire de même. Ces notions « d’aptitude » et «
d’adaptation » en milieu urbain renvoient d’ailleurs vers la terminologie anglo-
saxonne « streetwise » ou « streetsmart »58 désignant une personne possédant les
astuces nécessaires à la survie dans l’environnement urbain, concept souvent traduit
en français par « débrouillard » ou « astucieux » perdant ainsi la dimension urbaine
du terme anglais. L’adjectif « streetsmart » qualifie également une personne
connaissant les « bons plans » les lieus secrets, les moindres recoins de la ville où
elle se déplace.

De nombreuses marques s’appuient sur ce concept et ancrent leurs campagnes de
communication dans le territoire créatif du « streetsmart » : Le collectif Soundwalk
 propose ainsi des guides audio téléchargeables sur internet. Il suffit d’écouter tout
59


en marchant les indications et les histoires racontées par les guides pour découvrir
une vingtaine de villes et leurs secrets.


58
  -     Adj, informal : having the skills and knowledge necessary for dealing with modern urban life. Word
reference

59
     http://cxa.typepad.com/creative_exchange_agency/2011/03/now-representing-soundwalk.html


                                                                                                       31
Le groupe a également travaillé avec différentes marques dont Louis Vuitton lors des
jeux Olympiques de Beijing en 2008 ou encore Puma lors de la coupe du monde de
football en Allemagne en 2010. Autres exemples : Adidas a mis au point en 2009 une
application mobile répertoriant les meilleurs graffitis et fresques murales de Berlin et
Hambourg et prévoit de faire de même pour d’autres capitales européennes tandis
que Nike a lancé « Nike True city » une application iPhone où les fans peuvent
laisser commentaires et opinions sur leurs endroits préfèrés dans les villes où ils
résident, afin d’établir une cartographie de la « Nike True city ». L’application prévient
également les fans avant tous les autres consommateurs de l’arrivée de nouveaux
produits dans leurs villes ou du lancement d’événements.

Nike est d’ailleurs un formidable exemple de ces marques qui mettent en scène la
ville comme terrain de jeu, et incarnent parfaitement l’introduction du « streetsmart »
dans le phénomène de mobilité et ludification urbaine, phénomènes ayant toute leurs
place dans les problématiques de la ville intelligente. Talya Bigio, architecte et co-
fondatrice de la rubrique architecture des Lettres Françaises explique que les
marques, et Nike en particulier, se sont appropriées le thème de la ludification
urbaine suite aux transformations des valeurs sociales vers le divertissement :

        [Dans les publicité Nike] Dans les années 90, la publicité montrait l’image d’un
        cycliste qui montait péniblement une montagne. La publicité privilégiait alors la
        volonté et le dépassement héroïque de soi. Aujourd’hui, la publicité privilégie
        les situations de loisir dans l’espace urbain. La publicité pour les chaussures
        Nike met en scène un jeune homme engagé dans une course-poursuite dans
        le métro. L’espace urbain est transformé en lieu de jouissance et d’action. A
        l’image du mode ludique des jeux vidéo, le personnage est une figure de
        l’éternel adolescent qui s’invente le modèle d’une cité qu’il peut librement
        parcourir en tous sens.60




60
  Talya Bigio, « Technopolis ou les paradoxes de la visibilité », Communication et organisation [Online], 32 |
2007, Online since 01 December 2010, connection on 15 August 2012. URL :
http://communicationorganisation.revues.org/276


                                                                                                                 32
Dans ce spot publicitaire, la ville est un terrain de jeu (les habitants jouent à «
chat ») et le jeu se prolonge online, puisque les consommateurs sont invités à se
mesurer les uns aux autres en chronométrant leurs performances grâce au système
iPod (ou plus récemment à                l’application Nike + tag.) et à partager en ligne les
résultats de leurs courses afin de comparer leurs aptitudes.

Nike a également lancé Nike Grid à Londres en 2010 invitant ses fans à parcourir
Londres en courant en vue de conquérir des quartiers. Pour ce faire, les joueurs
devaient se rendre dans les cabines téléphoniques brandées aux couleurs de la
marque et appeler un numéro afin de remporter le badge du quartier, le but du jeu
étant évidemment           de courir plus pour remporter plus de badges. La campagne
exploite et détourne ici le mobilier urbain en le couplant avec la géolocalisation et la
gamification61 dans une grande quête o                       l’envie naturelle de se mesurer aux
coureurs locaux et l’attachement à leurs quartiers assurait une participation de la
part des coureurs. Nike se base ici sur l’insight selon lequel des joggeurs du même
quartier se défient naturellement en se croisant. De surcroit, la marque parie sur le
fait que plus un joueur connaît la ville comme sa poche et plus il est assuré de
gagner, en passant par des raccourcis inédits ou secrets. La campagne leur permet
ici de devenir les « rois du quartier » tant grâce à leur aptitude à courir plus vite que
les autres que grâce à leur maîtrise de l’espace urbain.

Autre exemple de streetsmart brand, le projet « Musée Ephémère » une initiative
ludique mêlant street art et revalorisation de l’espace urbain, mise en place par le
rhum Pampero à Lisbonne et permettant aux usagers de découvrir les œuvres des
murs de la ville : Sur le site web de la marque on peut télécharger gratuitement une
carte répertoriant tous les graffitis du Bairro Alto, quartier populaire connu pour ses
fresques murales mais perdant peu à peu son dynamisme passé. Un guide audio
était également mis à disposition, afin d’obtenir plus d’informations sur les œuvres.




61
  La ludification ou gamification, est le transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier
des sites web, des situations d'apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est
d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu.
[owni.fr/2012/06/07/la-culture-des-jeux-video-est-aux-fraises/ « C’est pas du jeu »], Owni.fr, Anaïs Richardin, 7
juin 201


                                                                                                              33
Si on les compare aux initiatives de vélos en libre service, d’auto-partage ou de mise
en place de living lab, il est évident que ce genre de projet ludique vient s’inscrire
dans une dimension à moindre échelle, toutefois ils permettent à une marque de
s’intégrer dans une prospective d’innovation en s’affranchissant de la dimension
institutionnelle, en se positionnant comme de vraies marques urbaines tout en
préservant ( ou en créant de toute pièces ) une certaine impertinence, exclusivité ou
« street credibility » .


 L’imaginaire de la « street » est vaste et se décline dans de nombreux domaines, 62
comme le sport (le skate, le basketball de rue, le football de rue), le graffiti et les
installations artistiques urbaines (qu’on appelle communément streetart), le style
vestimentaire (de nombreuses marques – dont Adidas - revendiquent l’appellation
streetwear ) mais également la nourriture ( L’une des tendances majeures de 2010
ayant été les restaurants streetfood installés dans des camion ambulants annonçant
leurs venue grâce aux réseaux sociaux) Cette multitude de connexions permettent
ainsi possiblement à un grands nombres de marques aux origines et aux fonctions
diverses de venir s’établir dans les rues des villes intelligentes.


 De plus, le concept « Streetsmart brand » possède une dimension plus locale, c’est
une expérience ou un service ludique à l’échelle d’une rue ou d’un quartier (Adidas,
Musée Ephémère ou Nike Grid) ou d’une communauté (Nike Tag, Nike True City,
Soundwalk ) qui permettent – en théorie - de souder ces quartiers ou communautés
autour d’un intérêt, ou d’un patrimoine commun. En effet, si ces projets ont en
apparence l’air plus simples à mettre en place d’un point de vu financier, ils
nécessitent la collaboration du public, à la fois des collectivités locales, mais
également des riverains, et demandent surtout à la marque de maîtriser, partager et
connaître les codes, intérêts et valeurs des communautés ou des quartiers à qui
elles s’adressent.




62
  Planète street : cultures urbaines des cinq continents / Roger Gastman ; Caleb Neelon ; Anthony Smyrski. -
Paris : Pyramyd, 2007.


                                                                                                           34
Lorsqu’adidas a lancé son application les critiques ont étés vives, la marque ayant
été accusée de « récupérer » le mouvement street art à des fins publicitaires. En
effet l’application était payante, mais aucun des artistes ayant été répertoriés par la
marque n’a reçu de rémunération, et ce, alors qu’adidas utilisait les visuels lors de
ses communications. Quand au rhum Pampero, si la marque avait d’abord consulté
les artistes, c’est les riverains qu’elle avait oubliés La valorisation des graffitis n’est
pas au goût de certains commerçants et résidents du quartier, qui n’y ont pas vu une
tribune d’expression mais au contraire une incitation à vandaliser les murs du
quartier. Soutenus par des élus de l'opposition, les riverains ont convaincu la mairie
de Lisbonne de faire nettoyer deux rues du quartier et ont fait installer des caméras
de vidéosurveillance afin de dissuader les éventuels vandales.


Cette notion de participation, d’inclusion de la sphère publique se rattache d’ailleurs
à notre première partie, où nous avions détaillé l’importance du earned medias, et de
la prise en compte des usagers et citoyens dans les stratégies de communication, et
vient maintenant faire l’objet d’une étude plus approfondie.




             B. Participation, proximité et dialogue


Participation, proximité et dialogue. Les trois maîtres-mots de la communication au
XXIème siècle, qu’elle soit politique, institutionnelle et bien entendu publicitaire. On
l’a vu, les nouvelles pratiques numériques ont chamboulé le schéma classique
émetteur-récepteur, aujourd’hui internet et les réseaux sociaux ont donné la
possibilité à tout le monde de participer, dialoguer, émettre un avis ou critiquer,
inspirant aux acteurs privés et publics de nouvelles idées, que cela soit à travers le
crowdsourcing 63ou la volonté d’une démocratie participative.




63
   Le crowdsourcing est la pratique qui correspond à faire appel au grand public ou aux consommateurs pour
proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix de marque, création de slogan, création de
vidéo). Les prestataires amateurs peuvent alors être récompensés ou rémunérés. Source :
http://www.definitions-marketing.com/Definition-Crowdsourcing


                                                                                                       35
La notion de « gouvernance participative64 » étant incluse au cœur de la définition
de la ville intelligente, on peut donc déclarer que l’importance croissante de cette
mobilisation des acteurs, s’inscrit dans une redéfinition des façons de construire
l’intérêt général. Au sujet de cette nouvelle gouvernance urbaine, Saskia Sassen,
professeur de sociologie et co-présidente du Comité pour la pensée globale de
l’université de Columbia déclare :65


        On peut imaginer qu’une telle organisation donnerait lieu à une conversation
        générale, non seulement entre les résidents et les personnes qui dirigent la
        ville, mais aussi horizontalement, entre les citoyens qui comparent leurs
        impressions. Cela pourrait mener à un nouveau genre de réseau open source,
        dans lequel le principe de détection des problèmes de code du logiciel serait
        remplacé par un principe d’amélioration du système et de résolution des
        problèmes par la collectivité urbaine. C’est ce que j’appelle « l’urbanisme open
        source ».

Ce que Saskia Sassen avait imaginé en 2011, les applications Beecitiz, ou encore
FixMyStreet l’ont réalisé.          Le principe : Une carte participative              qui permet aux
citadins de rendre compte de problèmes sur la voirie et, aux services municipaux de
leur répondre. Les requêtes sont postées autour de quelques grandes catégories
(espaces verts, voirie, éclairage...). La mairie Paris IV a été une des premières à
expérimenter ce service et après un an quelques 100 signalements ont été fait, et
plus de 700 téléchargements de l'appli Paris4 sur Iphone et sur Androïd ont été
répertoriés.66 Ce nouvel outil de géolocalisation participatif répond ainsi aux
exigences actuelles des citoyens envers leurs services publics : la réactivité,
l’immédiateté, la proximité et le dialogue. D’un côté, les habitants en participant
améliorent leur environnement immédiat et les élus quant à eux voient leur notoriété
augmenter et leur image s’améliorer.




64
   La Gouvernance Participative est l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative par les
citoyens et les officiels, pour gérer les affaires de la société à tous les niveaux.
65
    Dialogue sur la ville de demain avec Saskia Sassen http://www.sfr.com/les-mondes-numeriques/sfr-
player/11142011-1259-dialogue-sur-la-ville-de-demain-avec-saskia-sassen
66
   http://www.mairie4.paris.fr/mairie04/jsp/site/Portal.jsp?document_id=2223&portlet_id=119


                                                                                                         36
A l’échelle d’une marque, ce genre d’initiative est à relever du côté de la SNCF :
Ainsi la plateforme Transilien Open Data s’appuie sur la participation des usagers,
pour proposer des idées d'applications mobiles dans une démarche d'appropriation
des outils numériques en mobilité, mais aussi dans un processus d’open data,
lentement mis en place par la SNCF. Accessible à tous, le concours Open app (
organisé par l’agence publicitaire June 21 )                        a récompensé en mai 2012 les
applications les plus intelligentes.


Le jury a choisi de récompenser Transifoule, une application renseignant
« l'affluence quotidienne sur chaque Transilien pour optimiser son trajet et de fait
participer à la régularisation du trafic en gares. »67 L'application se couple à d'autres
services proposés dans le concours comme la possibilité de rencontrer des profils
similaires ou au contraire d'éviter un train trop masculin le soir.




67
     http://opendata.transilien.com/concours-openapp/transifoule/


                                                                                              37
Autre idée d'application, Colis Train, qui transforme le voyageur en livreur à temps
partiel68 :


        "L'application proposée permettrait à des voyageurs de se confier des
        livraisons de tous types (colis, lettres, fleurs...). L'expéditeur dépose une
        requête dans laquelle il décrit les stations de départ et d'arrivée ainsi que la
        nature de la livraison (poids, délai...). Un voyageur peut accepter cette requête
        et ils conviennent alors d'un tarif qui idéalement est gratuit. De la même façon
        tout voyageur peut indiquer les trajets qu'il réalise et proposer ses services
        pour effectuer une livraison. Ce type d'application peut s'effectuer en
        partenariat avec un site type colis-covoiturage."


Au-delà de l’aspect écologique et de la possibilité d’augmenter un peu les revenus
des usagers, cette initiative répond également à un réel problème rencontré dans
certaines ZUS69, o les livreurs n’osent plus s’aventurer, privant les habitants de leurs
colis (et de leurs droits !)70 Si pour l’instant ces deux applications sont simplement
envisagées par la RATP, le processus décrit dans la deuxième commence à se
mettre doucement en forme : à Seattle et à New York,                             Amazon expérimente
actuellement un système de consignes, installés dans les supérettes Seven Eleven,
possédant des enseignes dans tous les états du pays.


Ces nouvelles initiatives basées sur la mobilisation citoyenne                           contribuent   à
l'élargissement des possibles, en termes de créativité. On pourrait ainsi imaginer des
services et applications à mettre en place grâce à la mobilisation citoyenne voire au
crowdfunding, à l’image de la « Plus pool »71 un projet de piscine flottant dans la
rivière Hudson à New York. Pour réaliser ce projet les designers ont ouvert un
compte kickstarter, afin de recevoir des dons des habitants et commencer à
construire la piscine avec l’accord des autorités locales.



68
   http://opendata.transilien.com/concours-openapp/colis-train/
69
   zone urbaine sensible
70
   http://www.lepoint.fr/societe/pas-de-livraison-de-colis-en-zone-urbaine-sensible-14-08-2012-
1495911_23.php
71
   http://www.pluspool.org


                                                                                                       38
Ce genre d’initiative serait parfaitement envisageable à l’échelle d’une marque soit
au niveau du financement, soit au niveau des décisions à prendre (emplacement,
design du projet etc.) Dans la veine des compagnies qui demandent de l’aide aux
consommateurs et jeunes designers pour concevoir un spot télé, un logo etc. ces
initiatives vont plus loin et proposent un résultat concret, ouvert, utile et accessible à
tous.    La mobilisation et le dialogue citoyen pourraient amener les marques à
s’intéresser à l’aménagement urbain en collaboration avec les citadins, pourvu
qu’elles y perçoivent       un moyen de renouveler leurs fonctions et leur image, en
proposant non plus des produits mais des services des services utiles à la
communauté. Les nouvelles formes d’appropriations de l’espace urbain par les
marques ou les possibles partenariats public-privé ouvrent de grandes perspectives
tant pour les acteurs privés que pour les acteurs publics, à court de financement,
mais cherchant néanmoins toujours de nouveaux moyens de montrer le dynamisme
et l’attractivité de leurs villes.


De plus, à partir du moment où se sont les citoyens qui investissent massivement
(intellectuellement et financièrement) en connaissance de cause dans les projets
proposés par les marques, les collectivités locales ont davantage de chance d’avoir
l’opinion publique de leur côté, essayant ainsi d’éviter de se faire taxer d’opportuniste
ou de faire le jeu des multinationales.


    C. Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve…
Il est intéressant de noter que la plupart de ces communications, qu’elles soient
médias ou hors médias           possèdent toutes une   double temporalité : Inscrire sa
marque dans la ville intelligente c’est naturellement l’inscrire dans le présent, et faire
valoir son dynamisme, son côté précurseur, innovant, tendance voire comme on l’a
vu plus haut lui donner une certaine « street credibility ». Mais c’est également
l’inscrire dans une temporalité future      en pariant sur la ville intelligente et ses
technologies on projette la marque dans le futur, on lui conçoit une longévité, on
avance vers le progrès, on se place dans une démarche de projection souvent un
peu utopique.




                                                                                       39
La problématique de la cité idéale est loin d’être récente et se décline de multiples
façons depuis la “Callipolis” de Platon (La République) jusqu’aux grandes utopies
urbanistiques du XXe siècle en passant par les u-cities72 , comme Songdo73 en
Corée , ou encore les villes 100% écolo comme Lilypad74. Il est certain que les
grandes ambitions sociales, technologiques, écologiques et politiques de la ville
intelligente lui confèrent à priori une dimension de « ville idéale », il est donc logique
que les marques se soient aventurées sur ce territoire. Toutefois certaines de ces
projections, et ce à la différence des marques évoquées plus haut qui exploitent des
territoires et imaginaires très ancrés dans le réel, tendent souvent à ressembler à
une ville utopique aseptisée, uniformisée, voire déshumanisée, pour reprendre
Françoise Choay.75


Ainsi, les récents spots Samsung pour la tablette Galaxy Note en 2010 suivis d’une
campagne pour le smartphone Galaxy Note en 2012, présentent tous une ville
moderne, aseptisée et lisse, mais qualifiée d’ « idéale ». Ainsi dans un des films
(Work) un jeune homme travaille pour un                             projet économique sur la ville idéale,
présentant de jolis camemberts de parts de marché et autres diagrammes en bâton
analysant la satisfaction client. Derrière cette publicité somme toute assez banale, on
trouve en réalité une réalité urbanistique : Les dénominations « intelligente »,
« numérique » ou «ville du futur » de plus en plus employées par les métropoles
dans leurs stratégies de branding révèlent leur volonté d’attirer les classes créatives
et supérieures, garant du dynamisme économique de la ville, en leur promettant des
installations culturelles et technologiques dernier cri.

72
   Une ville ubiquitaire, ou u-city est une ville hyperconnectée, où tous les systèmes d’information sont liés.
73
    Songdo est une nouvelle ville en construction près de Séoul, à Incheon, en Corée du Sud. Construite de toute pièce, la
ville, verte et intelligente, inaugurera, en2018, sa centaine de buildings, couverts de toits végétaux et de panneaux
solaires., parcourus de milliers de kilomètres de câbles collectant, traitant et utilisant les moindres données émises par ses
habitants. Son concepteur, la société Gale, espère vendre prochainement ce concept de « ville en kit » à une vingtaine
d’agglomérations en Asie. Source :. http://www.maxisciences.com/ville/songdo-la-ville-du-futur_art25808.html
74
    Lilypad est un concept de l'architecte Vincent Callebaut, un modèle de ville à 100% écolo, qui flotte au large de nos
côtes

75
     Entretien de Françoise Choay avec Thierry Paquot, 1994. http://www.franceculture.fr


                                                                                                                          40
A travers la présentation des capacités du téléphone Samsung projette ainsi sa
vision de l’urbanité, à savoir une ville dynamique grâce à ses cadres supérieurs. Si
on peut émettre certaines réserves devant cette construction d’une ville-produit un
peu lisse dans laquelle les citadins sont des clients, il faut tout de même reconnaître
que la marque exploite le territoire du « projet » et de la « construction » de la ville
idéale, et laisse toute la place à l’imagination : la publicité ne montre pas
physiquement la ville, mais se contente de montrer comment la marque peut aider
les individus à la façonner, aux grés de leurs envies. Ainsi                           une seconde vidéo
exploite également cette notion de projet urbain avec beaucoup plus de candeur
cette fois : Dans le spot « Laissez libre cours à votre créativité » la ville idéale ne se
markette pas, elle se rêve et se dessine. Le citadin bricole lui-même sa « ville idéale
» en commençant par intégrer un bâtiment iconique et moderne (ressemblant à
l’opéra de Sydney) dans le paysage tout aussi iconique (pour ne pas dire cliché)
d’une mer bleu turquoise scintillante.




On retrouve cette vision de la ville idéale et aseptisée dans deux autres films (
Galaxy Note - Create et Galaxy Tab – official Release ) : Le décor carton-pâte
rappelle les rues marchandes de Disneyland, la ville-privée Celebration76 ou encore
les banlieues résidentielles américaines proprettes et uniformisées d’ Agrestic et
Wisteria Lane dans les séries TV Weeds et Desperate Housewife. La ville est si
paisible et policée qu’elle paraît quasiment désuète : Dans les rues du spot
« Create » on voit un vieux landeau monté sur des hautes roues, installé devant des
musiciens ambulants jouant de l’accordéon, dans le spot Galaxy Tab on aperçoit des
rails de tramway séculaire et des voitures de collection, quand aux passants et
protagonistes des deux films, ils arborent tous un look preppy-retro des plus sages.
Comme le note Philippe Gargov, le plus intriguant dans le décor du film Galaxy Tab
réside dans le fait que la ville représentée est sensée être New York :


76
  Celebration est une ville privée américaine, située dans le centre de l'État de Floride, à quelques kilomètres
d'Orlando. Elle a la particularité d'avoir été créée, développée et d'être administrée par la Walt Disney
Company. Elle devait être en quelque sorte la réalisation du projet lancé par Walt Disney d'une ville idéale


                                                                                                               41
Alors qu’habituellement, les publicitaires se contentent de quelques taxis
       jaunes ou d’un plan sur l’entrée d’un métro, facilement identifiables, le spot
       choisi ici d’afficher son identité territoriale grâce aux panneaux indiquant la
       direction de Broadway ou Central Park. C’est d’autant plus surprenant que l’on
       n’est clairement pas à New York.


La ville que nous présente Samsung est lisse, propre, dépouillée et calme, loin de
l’effervescence technologique, urbaine et humaine un peu grouillante attribuée
généralement à New York. On peut y voir ici le choix de la marque de présenter sa
propre vision de ce que devrait être une ville moderne et idéale. Si la marque
s’écarte du cliché « Times Squares et ses écrans géants » c’est bien entendu pour
montrer qu’une autre ville, plus sereine et chaleureuse est possible, mais c’est
surtout pour s’éloigner des imaginaires de la ville numérique. La marque laisse la
porte du champ des possibles grande ouverte                 Ici, la modernité, l’innovation et
l’intelligence viennent des usages que l’on fait de l’outil, et non pas de la ville elle-
même. En somme, la ville du futur se construit par le biais des objets et des
interactions des citadins.




En haut à gauche, la publicité Samsung Galaxy Note - Spot TV Create ( 2012) En bas à gauche, les
boutiques de Disneyland Tokyo. En haut à droite, la publicité Samsung Galaxy Tab Official Release
(2010) En bas, à droite, la ville de Wisteria Lane dans la série Desperate Housewives.



                                                                                                    42
D. …et dystopie cyberpunk ?
En réalité, si l’on s’attarde sur la dimension «technologie et modernité » de la ville
intelligente , dimension qui comme on l’a vu précédemment est souvent trop mise en
avant au détriment des autres paramètres, on s’aperçoit très vite que les imaginaires
et les projections entourant ces concept sont révélateurs de nombreuses peurs, et
penchent souvent vers la paranoïa aigue, raison sans doute pour laquelle Samsung
a préféré rassurer ses consommateurs en utilisant une ville uniformisée et coquette
plutôt que de mettre en avant un prototype de ville du futur.
La technologie est en train de profondément modifier les interactions entre les
acteurs des villes (à défaut de modifier profondément leurs infrastructures) et
engendre une nouvelles condition urbaine, se caractérisant selon Robert David
Kaplan77 journaliste économique américain, par six facteurs, englobant autant d’effets
positifs que d’effets pervers.


             1.   Omniprésence des réseaux : les réseaux sont de plus en plus banalisés, au
                  sens où ils véhiculent indifféremment toutes sortent de contenu.
             2.   Internet des objets, autrement dit l’intelligence ambiante qui suppose
                  l’adjonction de puces aux objets, et donc l’enrichissement de leurs
                  interactions avec leur environnement.
             3.   Infrastructure informationnelle et le web sémantique : les données produits
                  par les objets intelligents sont potentiellement exploitables par les acteurs
                  privé ou publics.      Quand au web sémantique, il permet la délivrance de
                  nouveaux services avec un impact sur la localisation de ces services
             4.   Tensions autour de la sécurité due au développement des TIC : risques de vol
                  des données numériques, peur que l’on utilise les TIC à des fins sécuritaires
                  (comme la vidéo-surveillance généralisée)
             5.   Risque de fracture numérique, géographique et générationnelle Ethique de
                  l’innovation : possible nécessité de mettre en place des mesures de protection
                  des libertés et des individualités, et d’un principe de précaution à l’innovation
                  numérique


77
   D.Kaplan, Le territoire face aux nouvelles tendances technologiques, prospecTIC et territoires, conférence
Fing - octobre 2006.


                                                                                                                43
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(RÉ) APPROPRIATION DES VILLES INTELLIGENTES PAR LES MARQUES.

  • 1. ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION UNIVERSITÉ DE PARIS-SORBONNE ( PARIS IV) MASTER PROFESSIONNEL Mention : Information et Communication Spécialité : Marketing, Publicité et Communication (RÉ) APPROPRIATION DES VILLES INTELLIGENTES PAR LES MARQUES. Préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard. AUDE CASTAN 2011-2012
  • 2. 2
  • 3. REMERCIEMENTS Je tiens à tout particulièrement remercier Philippe Gargov, mon rapporteur professionel pour le temps qu’il a su me consacrer tout au long de l’écriture de ce mémoire.. Je remercie de la même manière l’ensemble du corps enseignant du CELSA pour leurs précieux conseils de méthodologie et lecture. Enfin, merci à MJB pour son support. 3
  • 4. Sommaire INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 5 I. Quand les frontières entre marketing et urbanisme se confondent, la ville devient media. ....... 12 A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de dépublicitarisation au profit de l‘expérience physique et sociale, amenant les marques à investir l’espace urbain. ................... 12 B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique de l’espace, certaines marques s’intègrent dans des dynamiques de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un gigantesque territoire d'expérimentation. ....................................................................................... 19 C. Étude de cas : Montréal ............................................................................................................ 21 II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif: Appropriation et réappropriation de ses territoires et imaginaires par les marques ........................................................................................... 30 A. Smart city et streetsmart brands .............................................................................................. 31 B. Participation, proximité et dialogue.......................................................................................... 35 C. Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve… ........................................................... 39 D. …et dystopie cyberpunk ? ......................................................................................................... 43 III. Limites et recommandations..................................................................................................... 48 A. Utopies techniques et réalités urbaines ................................................................................... 48 B. La ville comme plateforme d’innovation ouverte pour les marques ........................................ 53 C. Hacking urbain, détournement urbain et détournement de valeurs : ..................................... 55 CONCLUSION ......................................................................................................................................... 62 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................... 69 MOTS-CLEFS .......................................................................................................................................... 72 ANNEXES ............................................................................................................................................... 73 4
  • 5. INTRODUCTION Au sein des villes, l’architecture et l’urbanisme épousent inévitablement le rythme des révolutions technologiques : Dans son ouvrage Los Angeles : The architecture of the four ecologies, Reyner Banham1 critique architectural américain, explique comment ce qui était auparavant une révolution (l’ossature d’acier des édifices du 19ème siècle, la mise en place d’escalators dans les métros et l’air conditionné au 20ème etc ) devient généralement une norme, s’intégrant naturellement dans l’infrastructure urbaine. Au 21ème siècle toutefois les innovations ayant influencé l’évolution de l’infrastructure urbaine sont autant tangibles qu’intangibles2 : Les TIC (technologies de l’information et de la communication) modifient depuis une dizaine d’années l’accès aux services et aux ressources de la ville, des compagnies urbaine et de certaines collectivités locales. Internet, les smartphones et les smart cards3, détenus par un nombre croissant4 d’individus sont devenus aujourd’hui, et seront encore plus demain, des vecteurs essentiels de l’autonomie, de la communication et de la socialisation urbaine. Pour Bruno Marzloff, sociologue, directeur du cabinet d'études Média Mundia et du Groupe Chronos, les apports du numérique permettent une nouvelle maîtrise des usages de la ville, que cela soit par exemple dans les transports (auto-partage, vélo en libre service etc.), les réseaux intelligents (les "smart grids"5 pour une optimisation des productions-consommations d'énergie), les 1 Los angeles : The architecture of the four ecologies, Reyner Banham, p17-35, 2000 2 Si les données et flux d’informations circulant dans les villes sont intangibles il ne faut pas oublier que les infrastructures du "virtuel" sont tout à fait "tangibles" : câbles, antennes, postes de contrôle, etc. 3 Les smart cards (cartes à puce en français) sont principalement utilisées comme moyens d'identification personnelle (carte d'identité, badge d'accès aux bâtiments, carte d'assurance maladie, carte SIM) ou de paiement (carte bancaire, porte-monnaie électronique) ou preuve d'abonnement à des services prépayés (Ainsi toutes les cartes de téléphone et titres de transport rechargeables utilisent cette technologie) 4 En 2012, environ 18% de la population mondiale possédant un téléphone est équipée d’un smartphone, contre 12% en 2010 et 8% en 2008. D’ici 2015 ce chiffre est estimé passer à 60%. Source : IHS iSuppli's market intelligence, 25 Aout 2011 5 Le smart grid est une des dénominations d'un réseau de distribution d'électricité « intelligent » qui utilise des technologies informatiques de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation ainsi que de mieux mettre en relation l'offre et la demande entre les producteurs et les consommateurs d'électricité. Définition proposée par fournisseurs-electricite.com 5
  • 6. régulations de flux, le “quotidien à distance” (commerce, travail, formation, santé...), etc. La massification des pratiques numériques alliée à la banalisation des capteurs et des supports de transmission ouvre des horizons inédits de régulation urbaine, visant à une économie des ressources, un apaisement des mobilités et à une autonomisation des pratiques du citadin6 Pour Serge Wachter7, les TIC et les réseaux numériques sont de plus en plus « encastrés » dans les modes de vie et représentent désormais aussi une composante de premier plan du fonctionnement de l’infrastructure environnementale et urbaine de ce qu’il appelle « la ville interactive ». Au-delà de cette vision plutôt techno centrée, l’économiste, sociologue et urbaniste François Ascher et l’architecte Néerlandais Rem Koolhaas préfèrent parler de « ville hypermoderne » reprenant les théories de Gilles Lipovetsky sur l’hypermodernité8, théorie qui envisage la ville hypermoderne au travers des développements considérables dans les techniques de transport et de stockage des personnes, des biens et surtout des flux d’informations9. Rem Koolhaas déclare d’ailleurs que « la métropole hypermoderne est moins marquée par une transformation des lieux que par une montée en flèche des flux matériels et virtuels qui relient ces mêmes lieux. »10 6 Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff. Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de ressources prospectives du Grand Lyon. 7 La ville interactive - L'architecture et l'urbanisme au risque du numérique et de l'écologie, de Serge Wachter ; L'Harmattan 8 « On peut dès lors définir l’hypermodernité par la radicalisation des trois logiques constitutives de l’âge moderne, à savoir, la techno-science, le marché, et l’individu et sa transcription politique, la démocratie'. Une radicalisation qui se déploie au travers des processus de rationalisation mais aussi de l’intensification de la compétition et de la commercialisation quasi générale des modes de vie. » Institut paul Bocuse, Cycles de conférences « Grands Témoins » sur le thème de « l’hypermodernité », Extrait de la conférence de Gilles Lipovetsky - 4 octobre 2010. 9 Organiser la ville hypermoderne - François Ascher, grand prix de l'urbanisme Ariella Masboungi , Olivia Barbet Massin, 2009,Broché 10 Great leap forward – Harvard Design School Project on the City, New York , Rem Khoolas, Taschen, p. 124- 140. 6
  • 7. Toutefois durant ces dernières années c’est le concept des « smart cities » ou encore villes intelligentes qui a eu le plus de succès, désignant par là un type de développement urbain apte à faire face aux besoins des institutions, des entreprises et des citoyens, tant sur le plan économique, social qu'environnemental. Selon la définition la plus communément employée, une ville intelligente serait ainsi une ville qui investit en capitaux humains et sociaux, et en infrastructures traditionnelles (transports) et modernes ( NTIC11) dans le but d’offrir une qualité de vie plus élevée à ses citoyens, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce à travers une gouvernance participative. 12 De nos jours, les performances urbaines ne dépendent plus seulement de la dotation de la ville en infrastructures (son capital physique) mais aussi, et de plus en plus, de la disponibilité et la qualité de la communication du savoir et l’infrastructure sociale (capital social et capital intellectuel). Le terme de villes (plus) intelligentes est utilisé comme concept de marketing ou de branding par les villes : La ville de Southampton en Angleterre utilise le terme depuis 2004 pour décrire leur système de carte de transport « Smartcities card »13 tandis qu’Amsterdam revendique l'appellation Smart City.14 Louise Guay qui dirige le Living Lab de Montréal, un laboratoire d'innovation urbaine, rappelle qu’ «Une ville intelligente, c'est aussi une ville qui s'appuie sur la participation citoyenne. Les jeunes, ceux qu'on a baptisés les «digital natives» ou natifs numériques, sont habitués d'avoir une voix, de voter, de co-créer. Naturellement, on se dirige de plus en plus vers ça. C'est la notion d'intelligence planétaire dont parlait l'auteur Joël de Rosnay »15 11 Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. 12 “A city can be defined as ‘smart’ when investments in human and social capital and traditional (transport) and modern (ICT) communication infrastructure fuel sustainable economic development and a high quality of life, with a wise management of natural resources, through participatory governance” définition donnée dans Smart Cities and the Future Internet: Towards Cooperation Frameworks for Open Innovation par Hans Schaffers, Annika Sällström, Marc Pallot, José M. Hernandez-Muñoz, Roberto Santoro, Brigitte Trousse In: The Future Internet. Future Internet Assemby 2011: Achievements and Technological Promises, pp 431-446. 13 http://www.southampton.gov.uk/living/smartcities/ 14 http://www.amsterdamsmartcity.nl/#/en 15 Le cerveau planétaire, Joël de Rosnay ,Editions Olivier Orban, collection Points, 1986, p.11. 7
  • 8. Les marques s’aventurent également de plus en plus sur ce terrain, comme IBM et 16 sa campagne « Une planète plus intelligente » ou encore Siemens (probablement précurseur) en 2004 avec le projet Stadt der Zukunft/Smart City project 17 On remarquera que ces initiatives vont au-delà de l’aspect purement techno centré, et s’inscrivent dans une démarche participative et durable : Le concept de la campagne « Une planète plus intelligente » repose sur une conversation qu’IBM engage avec son écosystème et le grand public sur la nécessité d’une planète plus intelligente, et ce que fait IBM pour créer des solutions. Cette conversation s’exprime sur diverses plate-formes sur Internet (une par pays) autour de thématiques régulièrement renouvelées comme la gestion du trafic automobile, le traitement des données ou encore la pénurie d’énergie. En France le journal Le Monde possède un partenariat avec IBM, et propose un supplément numérique http://www.planete-plus- intelligente.lemonde.fr/ consacré aux problématiques de la ville intelligente. Dans la mesure où 50% des habitants de notre planète vivent en ville d'après l'ONU, la transformation des villes est un nouvel enjeu central pour les marques. Depuis quelques années les entreprises de télécommunications telles qu’IBM ou Siemens ne sont plus les seules à se positionner sur ce segment, et de nombreux autres groupes multiplient les dispositifs pour imaginer mais surtout concevoir la ville de demain. Au-delà de la volonté d’innovation et d’inventivité que connotent ces projets, il faut également envisager que ce déploiement des marques dans la ville intelligente soit aussi une alternative médiatique face à l’érosion des supports publicitaires traditionnels : Depuis une vingtaine d’années l’OJD , Office de Justification de la Diffusion des Supports de Publicité, constate une baisse de l’efficacité et un recul de la diffusion des principaux médias, que l’on attribue à une saturation visuelle, et une lassitude des consommateurs face à la publicité.18 16 http://www.ibm.com/smarterplanet/uk/en/overview/ideas/ 17 http://www.siemens.com/innovation/de/publikationen/zeitschriften_pictures_of_the_future/PoF_Fruehjahr _2004/SmartCity.htm 18 Plus des trois quarts des Français ont le sentiment que la communication des marques a fortement augmenté ces dernières années, et 56% jugent que c'est plutôt une mauvaise chose. Source : étude TNS Sofres publiée à l’occasion des Phénix de l’UDA, mars 2010. 8
  • 9. Le sujet de réflexion portera donc sur l’appropriation et la réappropriation du concept des « villes intelligentes » par les marques. Nous verrons ainsi quelles sont les marques qui s’approprient ce concept des « villes intelligentes », en utilisant les terminologies, la sémantique et les imaginaires qui y sont associés, et quelles sont celles qui se réapproprient le concept, en proposant de nouvelles solutions, en concevant des services, des outils et des biens pour façonner la ville, la réinventer, ou tout simplement répondre à de nouveaux usages. Dans cette optique, le sujet pourra être problématisé de la façon suivante : *** "Dans quelle mesure peut-on dire que la ville intelligente soit un nouvel horizon créatif pour les marques face à l’érosion des supports publicitaires traditionnels ? *** Il s'agira ici de penser la ville intelligente comme une inspiration pour les marques qui la mettent en scène, la subliment, la transforment ou la perfectionnent, et de dépasser la notion de marketing urbain et de city branding. Nous nous interrogerons sur la sémantique du concept : Que signifie le terme « intelligence », comment doit-il être compris selon qu’on soit collectivité, entreprise, citadin, marque ? Quels sont les imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent autour de ce concept ? Comment se concrétisent-ils au niveau des stratégies de communication des marques, des collectivités, des entreprises ? Il est important ici de sortir de la vision techno-centrée, qui selon Philippe Gargov géographe et spécialiste de la ville numérique, « s’accompagne principalement d’imaginaires stéréotypés, hâtivement résumés par le raccourci : « ville numérique = smart city = ville intelligente = ville idéale. »19 Il nous faudra également confronter le terme à ses dérivés sémantiques « Clever city », « ville astucieuse » ou encore « ville agile » et à ses extensions marketing « smart brands » et « street smarts brands. » 19 De la smart city à la « clever city » : la boîte à outils de la ville astucieuse (Angers Technopole), Philippe Gargov, http://www.pop-up-urbain.com 9
  • 10. La première hypothèse s’attache à analyser et interpréter le contexte présent, et postule que l’investissement de l'espace urbain s’inscrit dans une logique de dépublicitarisation20 : De plus en plus marketing et urbanisme se confondent, par conséquent on pourrait envisager la smart city comme un média à part entière, dans le sens où elle permet la communication, l’échange d'informations et la transmission d’un message. Pour vérifier cette hypothèse nous utiliserons une méthodologie essentiellement académique dans un premier temps : Nous nous appuierons sur les travaux de différents universitaires et chercheurs afin de montrer en quoi l’érosion de l’efficacité des supports classiques de publicité pousse les marques à investir la ville. Nous utiliserons ainsi les travaux de Pierre Berthelot21, consultant chez Sennse, o il gère différents projets de mobilité et d’architecture, et chargé de cours au Celsa, mais également des textes issus de yperpublicitarisation et dépublicitarisation Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique22 par Karine Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants chercheurs au Celsa. Après avoir posé les bases théoriques sur le sujet nous couplerons ces informations avec une étude de cas, pratique, à travers la ville de Montréal, en présentant les divers moyens mis en place par les marques pour s’inscrire dans l‘environnement urbain de cette « ville intelligente » en devenir. Nous nous baserons ici essentiellement sur des entretiens menés avec Louise Guay et Claude Faribault, dirigeants du Living Lab de Montréal et sur une observation in situ des infrastructures de la ville. La seconde hypothèse avancée pour répondre à cette problématique se place sous un angle de prospective et envisage les villes intelligentes comme un terrain fertile aux innovations d‘un point de vue marketing et communicationnel. 20 Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La publicité d’aujourd’hui . Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot. L’harmattan. 21 Les médias magasins : du prétexte à l'implication. Pierre Berthelot. Communication & langages - n° 146- Décembre 2005. P52 22 Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La publicité d’aujourd’hui Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot. L’harmattan. 10
  • 11. Pour répondre à cette hypothèse, nous présenterons une étude des imaginaires et des valeurs ainsi qu’une étude de cas de marques qui s’approprient l’imaginaire des smart cities. Notre méthodologie s’inscrit dans une démarche de prospective : Nous tâcherons ici de montrer que cette appropriation n’est pas qu’une mode passagère mais bel et bien un horizon de créativité. Il nous faudra ainsi répertorier et énumérer les campagnes, médias et hors médias gravitant autour du concept de la ville intelligente afin de sélectionner les thèmes récurrents. Afin de montrer que les imaginaires et valeurs sélectionnés constituent de possibles leviers créatifs nous analyserons toutes les connexions immédiates et secondaires qui y sont liés, que se soit dans les tendances sociétales, la littérature, l’art, la cinématographie ou le sport. Outre ces références culturelles et pop, nous utiliserons les travaux et conférences de Phillipe Gargov et Bruno Marzloff géographe et sociologue et de François Ascher, sociologue et urbaniste ainsi que les ouvrages de Claude Chabine Les villes nouvelles dans le monde et de Françoise Choay l’urbanisme, utopies et réalité, une anthologie, pour compléter notre corpus. La troisième et dernière hypothèse s’interrogera sur la capacité des marques à réellement maîtriser cette ville-médias. Dans cette optique interrogerons les limites du sujet, en essayant de proposer des recommandations pour pallier à ses limites. Nous nous appuierons sur les ouvrages La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte de Daniel Kaplan et Thierry Marcou et le 5ème écran, de Bruno Marzloff, 23 sociologue, directeur du groupe Chronos afin d’appréhender l’hypothèse dans une optique de prospective urbaine viable. Dans un premier temps nous tâcherons de montrer pourquoi et comment les marques se sont-elles inscrites dans la ville en réponse à la perte d’efficacité des médias traditionnels. La deuxième partie sera consacrée à l’analyse des territoires et des imaginaires qui font de la ville intelligente un nouvel horizon créatif pour les marques. Enfin dans une troisième et dernière partie nous nous concentrerons sur les limites et recommandations, toujours dans une démarche de prospective. 23 La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, Daniel Kaplan et Thierry Marcou, éditions FYP. 11
  • 12. I. Quand les frontières entre marketing et urbanisme se confondent, la ville devient media. A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de dépublicitarisation au profit de l‘expérience physique et sociale, amenant les marques à investir l’espace urbain. Ces dernières années on a vu de nombreuses marques rompre la barrière entre l’espace public et l’espace promotionnel. Au delà d’opérations de street marketing, ces initiatives relèvent d’un véritable processus de planning urbain, et s’intègrent dans un phénomène plus global de nouvelles transformations médiatiques que nous allons nous employer à décrire. Pour expliquer ces mutations médiatiques, il est nécessaire de tout d’abord se pencher sur le système médiatique originel : Dans Les médias magasins : du prétexte à l'implication, Pierre Berthelot24 explique que les médias à partir du moment où la diffusion publicitaire y était importante, et ce quelque soit le support, (que cela soit le contenu d’un journal télévisé, ou d’un magazine par exemple) offrent systématiquement un prétexte pour diffuser le discours de la marque. La publicité s’immisce et se dissimule dans le contenu éditorial, les contenus eux-mêmes n’étant que le prétexte à la consommation de messages publicitaires constituant la véritable finalité de la relation construite entre le média et ses récepteurs. On profite de l'attente du programme de première partie de soirée, ou de la pagination d’un magazine pour démultiplier les occasions de stimulations publicitaires. 24 Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication. in: Communication et langages. N°146, 4ème trimestre 2005. pp. 42-43. 12
  • 13. Toutefois, selon Pierre Berthelot, cette multiplication des prétextes occasions / dissimulation a engendré un effet de saturation : « (…)Si elles permettent de faire connaître une marque, un produit, elles ne sont pas nécessairement transformées en actes d'achats par les consommateurs. Elles sont le plus souvent, au mieux, reléguées au fond de la mémoire, si toutefois le message a été perçu malgré le « bruit » concurrent constitué par la multitude des sollicitations auxquelles un citoyen est aujourd'hui soumis. Mais de consommation, point. » Face à cette saturation et à la congestion publicitaires les marques ont donc dû trouver de nouveaux espaces et apprendre “à désancrer leur discours des supports publicitaires traditionnels pour l’inscrire dans des espaces non dédiés aux marques”, comme l’expliquent Karine Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants chercheurs au Celsa dans Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique25. Depuis la production de médias de marque (le magazine En route produit par Air Canada) en passant par des incursion dans les écoles ( films sur la santé bucco- dentaire présentés par le lapin Colgate) la création de lieu-médias (le Spa Dove ou l’hôtel Campers) ou encore des expositions dans les musées (Ai Wei Wei 26 et Unilever dans la Tate Modern à Londres en 2011) de nombreuses marques sont investies dans une démarche de recherche constante de nouveaux espaces cohérents, mais également dans la volonté de présenter des expériences sociales et physiques inédites. Plus précisément, des marques s’immiscent dans la fabrique même de l’espace public mobilier urbain, modes de transports, scénographie, etc. 25 Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety et Karine Berthelot Guiet,in La publicité d’aujourd’hui. Discours, formes et pratique , Revue du CIRCAV, Paris, L’harmattan, pp.63-78. 2008. 26 Ai Weiwei est un des artistes majeurs de la scène artistique indépendante chinoise. Une de ses oeuvres récentes les plus célèbres est l'installation Sunflower Seeds présentée dans le cadre des « Unilever Series », du 10 octobre 2010 au 2 mai 2011, à la Tate Modern de Londres. 13
  • 14. L'investissement de l'espace urbain s’inscrit parfaitement dans cette logique de dépublicitarisation : de plus en plus marketing et urbanisme se confondent, avec des démarches comme celles de Barclays Cycle Super Highways 27 (programme de location de vélos sponsorisés développé par la banque Barclays à Londres) ou encore la campagne Fun Theory28 par Volkswagen, utilisant le milieu urbain (escaliers, poubelles et autres containers de recyclage) comme installations ludiques. Pour reprendre les théories de Pierre Berthelot, le média ne se contente plus d'exploiter le prétexte, il l'engendre : ‘’Le branding ne consiste plus seulement à être associé à des représentations positives et cohérentes avec leurs identités, mais à en « faire des réalités vécues ». Ce qui passe par deux étapes clefs: transformer notre environnement en fiction de marque et, pour ce faire, multiplier les opérations de médiatisation du quotidien.’’29 27 http://group.barclays.com/Media-Centre/Barclays-news/NewsArticle/1231785287844.html 28 http://www.thefuntheory.com/ 29 Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication in Communication et langages. N°146, 4ème trimestre 2005. p. 45 14
  • 15. Le système médiatique est passé d’une « double logique du prétexte - dissimulation et occasion vers une logique d’implication », les marques ont évolué de façon masquée vers une logique d’implication, en créant des dispositifs nouveaux, ancrés dans l’expérience signifiante : La banque Barclays a ainsi financé à hauteur de 20% le projet Barclays Cycle Super Highways (programme similaire à celui des vélib à Paris) s’octroyant en échange le droit de d’apposer son nom, son logo et ses couleurs sur chacun des vélos du programme. Au-delà de la visibilité médiatique quotidienne évidente, la banque a également su transformer l’environnement en fiction de marque comme le dit Berthelot, et il est évident que dorénavant cette initiative ancrera dans l’esprit des Londonien une image d’une marque responsable, et écologique. Autre point important, la municipalité a fait le choix de l’open data : toutes les données concernant le service et les flux de passagers sont disponibles en ligne. Mises en formes par l’opérateur, elles peuvent ainsi être manipulées par des développeurs tiers (indépendants, start-ups, autres opérateurs, etc.) afin d’améliorer 30 l’offre de services afférents cartographies dynamiques, applications mobiles... Ainsi il n’existe pas d’application officielle mais une multitude d’applications iPhone et Android privées fournissant divers renseignements sur la disponibilité des vélos, l’itinéraire le plus court etc.31 Autre programme similaire, le système VLS Bicing de Barcelone mis en place par ClearChannel s’accompagne du service iBicing qui fournit des renseignements sur la disponibilité des vélos directement depuis un téléphone mobile. Il suffit d’envoyer par sms le nom d’une station, et on reçoit immédiatement un message avec un numéro pour débloquer un vélo. Autre exemple, celui de la campagne « Fun theory » par Volkswagen, lancée sur le web en 2009 sous forme de vidéos virales par l’agence DDB Stockholm. La marque automobile allemande s’était lancé un défi en Suède responsabiliser les citoyens de façon ludique, en s’appuyant sur les mécanismes de fidélisation par le jeu et la “gamification”. Ainsi, à l’image de la mise en plage des signalétiques pietonnes32 par 30 Open data, comprendre l’ouverture des données publiques. De Simon Chignard, FYP editions. 31 http://data.london.gov.uk/datastore/package/tfl-cycle-hire-locations 32 http://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/kit_pieton_inpes.pdf 15
  • 16. les collectivités locales afin d’encourager les citadins à marcher, The Fun Theory a ici utilisé ici les escaliers du métro en les déguisant en touches de piano pour les convaincre de prendre les escaliers au lieu de l’escalator. La campagne se veut également participative puisqu’elle invitait les suédois à laisser leurs propres idées sur son site Internet. Au final, ce fut un gros succès viral (18 millions de vues pour la seule vidéo des escaliers sur Youtube) mais également un succès en terme de changement dans le comportement des usagers (66% d’utilisation supplémentaire des escaliers) Pour mieux comprendre l’investissement de l’espace urbain par les marques, il serait intéressant de se pencher sur la théorie Earned, Bought and Owned medias, développée par les acteurs du digital , et synthétisée dans ce schéma par Daniel Goodall, responsable Digital chez Nokia, et blogueur actif.33 Sur le schéma, le paramètre, « Bought », correspond aux canaux traditionnels de communication, c'est-à-dire à l’achat médias classique (presse, TV, radio, bannières etc). « Owned », représente quand à lui les canaux de communication propres à la marque, comme son site web, son magazine, ses profils sur les réseaux sociaux ou encore son point de vente. 33 Owned, bought and earned http://danielgoodall.com/ 16
  • 17. Enfin le troisième paramètre, « Earned », correspond aux médias que les marques ne peuvent contrôler : les commentaires sur un blog, les tweets, les articles dans la presse, le bouche à oreille etc. On observe également que plus la marque détient un contrôle sur le média, et moins sa portée (Reach) est importante. De fait le paramètre « Earned » ne dépend pas de la marque, il ne peut être contrôlé mais uniquement influencé. Toutefois ce paramètre conversationnel n’est pas à négliger dans la mesure où le bouche à oreille et la prescription ont toujours été le moyen le plus sûr de convaincre un prospect d’acheter un produit ou un service. Et face à l’érosion des médias traditionnels ( « Bought » ), créer la conversation entre les consommateurs est devenue primordiale dans la construction d’une stratégie de communication : C’est grâce à leur capacité à susciter des conversations (du bouche à oreille) et à faire vivre aux consommateurs des expériences uniques que les marques se distinguent. La portée d’Internet et des réseaux sociaux a donné aux consommateurs la possibilité de se faire une opinion par eux-mêmes, de devenir une source d’information pour les autres concernant tout ce qui touche aux marques, aux produits et services, et donc de partager leurs expériences à un spectre bien plus élargi de consommateurs potentiels. Cette théorie est à rapprocher des celles développées par Jeremy Rifkin dans L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme34 Il y explique que nous appartenons désormais à « une économie qui fournit des services et procure des expériences » (p.103) une société où ce qui importe ce ne sont plus tant les objets à posséder que la qualité de vie et les expériences auxquelles l’individu peut avoir accès. 34 L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme. Jérémy Rifkin. Paris : La Découverte, 2005 17
  • 18. Nous vivons dans une société de services, une cité servicielle comme le rappelle Bruno Marzloff35 : “D'une manière générale, la société est entrée inexorablement dans un modèle de services. Les services dans l'économie ont supplanté les productions agricoles et industrielles. Les services, ce sont quelques 65% des budgets des ménages, quelques 75% des emplois, quelques 80% du PIB, quelques 85% de la croissance, en France aujourd'hui. Dans ce modèle (…) les services deviennent des évidences qui s'imposent à la ville. Ces évolutions sont drainées par l'ambition - explicite ou sous-jacente - de "maîtrises des usages". Elles appellent une réflexion qui dépasse l'invocation du "service" comme solution ou même l'identification des services comme pistes de réponses. C'est une philosophie de la ville qui se repense.” Cette nouvelle philosophie de la ville est repensée par les collectivités locales, mais également par les marques et le citadin. En définitive les services de vélos en libre service Barclays ou encore les services d’auto partage Car2go36 par Daimler sont parfaitement représentatifs de cette nouvelle économie de la ville intelligente et servicielle : Basés sur de nouvelles problématiques de mobilités incluant les TIC, se sont de véritables médias de marques subtils, déguisés sous un habillage social et surtout utilisés par les consommateurs de façon spontanée, conformément à ce que Pierre Berthelot appelle “des phénomènes d'implication volontaire”, c'est-à-dire des services, des outils et des biens susceptibles d’attirer et d’impliquer les consommateurs, par leur nature même. Ces deux exemples illustrent parfaitement la façon dont la ville intelligente peut devenir un véritable média pour les marques dans le sens où ils permettent la transmission d'un message, la communication et l'échange d'informations. Pour aller plus loin on pourrait même dire que développer ce genre de services crée une 35 Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff, Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de ressources prospectives du Grand Lyon, 2011. 36 Car2go est le nom d'un concept d'auto-partage urbain développé dans une dizaine de villes dans le monde par le constructeur automobile allemand Daimler. 18
  • 19. synergie entre les canaux de communications : Le financement relatif à la mise en place des services pourrait être assimilé à de ‘achat d’espace (Dans la mesure ou la marque verse une certaine somme à la ville en échange de la mise en place du service) le service en lui-même ( auto-partage, vélo en libre service etc. ) constituant le « owned medias » assurant visibilité et notoriété, tandis que les conversations quotidiennes et les RP déclenchées au lancement du projet relèvent du « earned medias ». B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique de l’espace, certaines marques s’intègrent dans des dynamiques de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un gigantesque territoire d'expérimentation. Comme nous venons de le voir, les transformations médiatiques (dépublicitarisation, investissement d’espaces non dédiés aux marques etc.) couplées à la multiplication des réseaux et des flux d’informations dans les villes instaurent une nouvelle condition urbaine dans laquelle les marques essayent de trouver leur place à travers de multiples expérimentations. En effet, outre la visibilité et le bouche à l’oreille entrainées par l’utilisation ou la mise en place d’ infrastructures urbaines comme médias, cette incursion dans la ville se retrouve également dans la création de lieux pionniers dédiés à des formes d'innovation urbaines : Au cours de ces dernières années on a assisté à a multiplication des ouvertures de hackerspaces37 et autres Living Labs38, lieux d'observation des usages émergents des technologies de l'information et de la communication, dont certains ont été mis en place en partenariat avec les marques. Parmi les marques qui se penchent vers l’urbanisme 37 Les Hackerspaces peuvent être vus comme des laboratoires communautaires ouverts où des « hackers »peuvent partager ressources et savoir. Beaucoup de hackerspaces utilisent et participent à des projets autour du logiciel libre, ou des médias alternatifs. Source : hackerspaces.org/ 38 Le projet Living Labs est un programme de label européen lancé en 2006. Un Living Lab regroupe des acteurs publics, privés, des acteurs individuels, dans l’objectif de créer et tester des services, des outils ou des usages nouveaux. Il s’agit de sortir la recherche des laboratoires pour la faire descendre dans la vie de tous les jours. Source : www.openlivinglabs.eu 19
  • 20. et la prospective, on trouve les “fournisseurs de mobilité”, à savoir les constructeurs automobiles et les marques du secteur de la communication, sans oublier les opérateurs de mobilité qui doivent renouveler leur offre avec l’arrivée de ces nouveaux entrants. Ainsi l’année dernière, Bjarke Ingels, l’un des plus grands architectes contemporains, a été sollicité par Audi pour créer Urban Future Initiative39, regroupant divers écrivains, créateurs et spécialistes de la prospective, afin de travailler sur des idées de transition vers une nouvelle forme de mobilité. BMW a quand elle mis en place un partenariat avec le musée Guggenheim de New York pour créer le BMW Guggenheim Lab40, un laboratoire de recherche mobile. Enfin Smart a traversé l’Europe entière d’avril 2010 à septembre 2011 avec son projet itinérant Smart Urban Stage41, centré sur la ville du futur et la mobilité urbaine. Côté communication IBM a par exemple lancé Smarter Cities Challenge42et Philips son programme de Living Labs à travers le monde43 tandis que Sony a crée, en partenariat avec le Forum for the Future, FutureScapes, un projet dont le but est d’imaginer le monde en 2025 et de réfléchir au rôle que peut jouer la technologie dans le futur selon différents scénarios d’évolution.44 Ces exemples prouvent le récent engagement des marques quand à la mise en place de plate forme d’innovation ouverte favorisant l’innovation. Dans la mesure o l’on considère que les marques font partie, au même titre que les collectivités locales, des acteurs œuvrant au dynamisme des villes, il paraît logique qu’elles mettent sur pied de nouveaux projets urbains afin de faire évoluer les villes. La 11 ème thèse proposée par François Ascher sur l'urbanisme moderne dans son dossier de candidature pour le Grand Prix de l'Urbanisme en 2006 résume cette mutation qu’opèrent les villes intelligentes. 39 http://www.audi-urban-future-initiative.com/ 40 http://www.bmwguggenheimlab.org/ 41 http://www.smart-urban-stage.com/ 42 http://smartercitieschallenge.org/ 43 http://www.research.philips.com/focused/experiencelab.html 44 http://www.sony.co.uk/discussions/community/en/community/futurescapes 20
  • 21. « Le développement d'une ville dépend pour une bonne part du dynamisme des acteurs. Son potentiel dépend aussi de toutes sortes de richesses immatérielles, de l'intensité des réseaux sociaux locaux à l'image de marque de la ville. L'urbanisme doit donc être capable de jouer non seulement sur le hard de la ville, mais également sur le soft, que ce soit dans les tâches de développement, dans l'invention programmatique liée à la conception de projets urbains, dans la production d'événements susceptibles de laisser des traces urbaines, dans la cristallisation spatiale des potentiels culturels et sociaux. » Si les marques ont un rôle à jouer dans le hard – c'est-à-dire dans les infrastructures matérielles de la ville – comme on l’a vu précédemment avec les services de vélos et voiture en libre service, ou encore avec l’installation de signalétiques ludiques, elles ont également un rôle possible dans le soft , la programmatique de la ville C’est sur cette programmatique que les living labs conçus par BMW IBM ou Smart réfléchissent, dans le but bien sûr de l’améliorer, mais également pour reprendre Ascher, de laisser une trace durable. Nous allons à présent approfondir cette nouvelle forme de dynamique de prospective urbaine à l’échelle d’une ville, à savoir Montréal. C. Étude de cas : Montréal Depuis quelques années de nombreux projets visant à promouvoir l’essor du Grand Montréal comme ville intelligente se mettent en place dans la métropole Québécoise, en particulier au niveau des infrastructures de transport. Une de ces premières initiatives est la création en 1994 de Communauto45, un des plus importants services d’auto-partage à avoir vu le jour en Amérique du Nord, suivi en 2008 par la mise en place du Service Stationnement de Montréal ayant mis au point des terminaux de paiement de stationnement automobile, en réseau sans fil et alimentés à l'énergie solaire. 45 Communauto met des véhicules à la disposition exclusive de ses abonnés pour une demi-heure, une heure, une journée. Disséminées dans de nombreuses stations, les voitures sont disponibles sans délai, 24 h / 24, 7 jours sur 7. 21
  • 22. En 2009 la Ville de Montréal a lancé le système BIXI (mot-valise, contraction de bicyclette et taxi) un service de quelques 6000 vélos en libre-service répartis sur 405 stations s’appuyant sur la même technologie d’alimentation à l’énergie solaire, et la même infrastructure TI que les terminaux de paiement de stationnement automobile existants. La réalisation physique a été faite en collaboration avec Rio Tinto Alcan (Groupe minier fabricant aussi de l’aluminium) qui est également un des partenaires mais également commanditaires du servie Bixi. Afin de rentabiliser les coûts d’entretiens du service Société de vélo en libre-service46 et la ville ont mis en place deux types de collaboration avec les marques : Le premier système de financement, rapportant environ 2 millions de dollars par an, est le partenariat, avec Rio Tinto Alcan, Telus (télécommunication) et Desjardins (institution bancaire) En contre partie de leur appui financier ces trois marques on pu afficher leurs logos et publicités sur les vélos et les stations ( voir photo ci-dessous). 46 C'est à l'automne 2008 que la Société de vélo en libre-service a été créée par Stationnement de Montréal pour officiellement exploiter le système. En mars 2010, le maire de Londres, Boris Johnson, a procédé au lancement de la franchise BIXI, baptisé Barclays Cycle Hire, du nom de son commanditaire principal. En mai 2010, Bixi s’est installé à Melbourne, à Toronto , Ottawa et Boston en 2011 . En 2012 le système est présent ou encours d’installation dans une vingtaine de ville. 22
  • 23. Le second système de financement provient des commanditaires, c'est-à-dire des marques prêtes à payer pour avoir une ou plusieurs stations Bixi baptisées au nom de leur entreprise. En plus des trois principaux partenaires cinq marques locales font partie des commanditaires47. Toutefois cette transformation des vélos en support publicitaire ne plait pas à tout le monde : Les Bixi sont régulièrement vandalisés, à la peinture, au ruban adhésif ou à l'autocollant, afin de masquer les logos des partenaires ( voir photo ci-dessous). La banque Desjardin, plutôt que de condamner ces agissements reconnaît aujourd'hui qu'elle aurait pu afficher son partenariat avec Bixi «de manière un peu plus délicate» comme elle l’indique dans le journal Le Devoir48. «Nous préférerions que notre image soit respectée, a indiqué Francine Blackburn, porte-parole, mais nous ne pouvons pas empêcher les gens de s'exprimer, même s'ils s'expriment mal.» L'institution dit aussi être « ouverte à l'idée de discuter avec les représentants de Bixi afin de trouver d'autres façons de les soutenir ». « Nous aurions pu nous montrer sur les vélos de façon un peu plus discrète », reconnaît aujourd'hui Mme Blackburn. 47 http://montreal.bixi.com/commanditaires/commanditaires 48 Bixi: la pub qui dérange... dérange. Les affiches vandalisées causent des maux de tête à Desjardins, Fabien Deglise, Le Devoir, mai 2011. http://www.ledevoir.com/politique/montreal/323220/bixi-la-pub-qui-derange- derange 23
  • 24. Justement, si la banque le désire, il existe des façons pour elle de discuter avec les usagers et représentants, à travers la mise en place du BixiWiki 2.0 projet-pilote lancé par le Living Lab de Montréal sous la forme d’une plate-forme numérique basée sur l’innovation ouverte49, permettant aux acteurs de la ville de communiquer entre eux.50 L'objectif est ici d'évaluer comment les usagers de Bixi peuvent utiliser les applications mobiles et web sociales afin d’ aider à améliorer la fluidité du service de vélos, développer le commerce local ou créer de nouvelles applications pour faciliter les transports urbains. Cette plate-forme a été mise en place grâce à la collaboration active de nombreux partenaires issus des secteurs publics et privés : les usagers de Bixi, Tourisme Montréal, l’école HEC (Montréal), le groupe Bell (télé- communications), l'École Polytechnique, le MIT Media Lab (Boston), entre autres. Selon Louise Guay, fondatrice du Living Lab, interviewée en août 2012 à Montréal 51, l’intérêt pour les marques n’est plus seulement médiatique, mais de l’ordre de la prospective urbaine Il s’agit ici pour les marques de s’habituer à collaborer, à aller chercher des solutions en dehors de leur sein, à s’initier à l’innovation ouverte, avec d’autres partenaires ou au sein de leur organisation interne. Le Living Lab se pose en facilitateur, en collaborateur, en tant que plateforme de modélisation et de consultation, tant pour les marques que pour les acteurs publics de la ville. Louise Guay et Claude Faribault avouent que le Living Lab a pour vocation d’optimiser Montréal, de la rendre plus intelligente. 49 L’innovation ouverte est un terme promu par Henry Chesbrough, professeur et directeur du centre pour l'innovation ouverte à Berkeley. C'est un mode d'innovation basé sur le partage, la collaboration et la sérendipité, s’opposant a à 'innovation "fermée", c'est-à-dire principalement développée « en interne » et mise en œuvre au sein de l'entreprise, sous le sceau du secret industriel ou de fabrication Elle peut concerner tous les domaines de la recherche. 50 Le Living Lab est un organisme à but non lucratif fondé par Louise Guay et Claude Faribault. Le Living Lab de Montréal est né dans le cadre du projet de recherche international Responsive City, qui vise à mieux comprendre l'utilisation des ressources partagées par les citoyens des villes. Regroupant plusieurs partenaires sociaux, corporatifs, publics et universitaires, le Living Lab de Montréal favorise la co-création et l'innovation ouverte comme méthode de recherche participative. 51 Interview réalisée en aout 2012 à Montréal auprès de Louise Guay et Claude Faribault. L’interview n’est pas retranscrite en annexes pour des raisons de confidentialité. 24
  • 25. « Aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, tous les grands enjeux de développement de la vie urbaine sont déjà discutés ouvertement par des citoyens venus de tous les horizons. Le web 2.0 fait partie intégrante de la nouvelle trame urbaine. Il a déjà commencé de transformer la ville en paysage d'information et les citoyens en agents interactifs. » Pour Louise Guay si les innovations sont aussi importantes dans le secteur du transport c’est parce que les infrastructures de transport constituent la nouvelle trame de la ville intelligente. Selon elle, les transports sont la matrice de la ville, elle rappelle ainsi qu’en Amérique du nord les villes ont étés construites en fonction des moyens de transport : Ainsi la largeur des routes épouse celle des calèches et diligences, et par la suite celle des voitures, les résidences et commerces sont venues s’installer le long des axes routiers, puis par la suite se sont délocalisés à l’extérieur du centre ville. En Amérique du nord, ne pas avoir de voiture c’est être condamné à être enfermé là o l’on vit, c’est aussi montrer indirectement que l’on n’a pas les moyens d’en acquérir une. Le développement de Bixi ou de Communauto représente une option écologique intéressante pour ceux qui ne possèdent pas de voiture ou choisissent de ne conserver qu’un seul véhicule pour la famille. Ces alternatives entraînent également un changement de paradigme fort : Le statut social et les valeurs du conducteur ne se sont désormais plus visibles à travers le choix de la marque de sa voiture, mais au contraire à travers son choix de ne pas être propriétaire, sa volonté de trouver des solutions alternatives et intelligente, par soucis d’écologie et d’économie. Ce changement de paradigme est pour Louise Guay au cœur des problématiques des marques automobiles, qui plutôt que de s’en inquiéter devraient apprendre à y voir de nouvelles formes d’innovation possible (Ce que Audi, BMW ou Daimler ont très bien compris52) Les marques, en collaborant avec le Living Lab et les acteurs publics ont la possibilité de redéfinir la notion de possession, de mettre en place un système de transport alternatif en plaçant l’usager au centre des problématiques, de réfléchir aux nouvelles formes de financement ou de partenariat possibles afin de démocratiser de l’accès aux différentes infrastructures publiques et commerciales de la ville, et 52 Cf exemples cités dans la première partie. 25
  • 26. réduire l’empreinte écologique. Le projet central du Living lab, qui devrait voir le jour courant 2013, est une plateforme de négociation et de collaboration, visant à promouvoir l’économie locale, à récompenser les usagers des transports alternatifs et axée sur des principes de ludification. Le principe : les marchands et entreprises de la ville achètent des crédits de jeu auprès des sociétés de transports de Montréal, en échange, c’est dans leurs boutiques que les usagers pourront venir dépenser les points accumulés gagnés en délaissent leurs voitures au profit des transports en commun, du co-voiturage, du Bixi ou de la marche à pied. Comme le fait remarquer Louise Guay, pour arriver à de nouvelles solutions, il est nécessaire de prendre en compte et collaborer avec tous les acteurs du marché : Cette plateforme ne pourra être mise en place que si les sociétés de transport publics et les marques travaillent main dans la main, en se servant du Living Lab comme consultant et médiateur auprès des usagers afin de créer une application utile et profitable à tous. Elle critique ainsi les initiatives trop superficielles ou menées individuellement, constatant que les consommateurs ne sont pas dupes et détectent facilement les projets o l’investissement des marques n’est que superficiel et publicitaire : Bien que la démarche de Desjardin, Rio Tinto Alcan et Telus à Montréal relève de la dépublicitarisation, les Montréalais n’y voient qu’une nouvelle forme de publicité intrusive, et ne se privent pas de le faire savoir en vandalisant les logos des vélos. Pour eux le financement représente d’avantage un achat médias qu’un réel investissement dans le projet, déjà parce que les sommes versées par les marques ne couvrent qu’une petite partie des frais de dépense du service, mais également parce que cela reflète une « appropriation » du projet plutôt qu’une vraie réflexion, les entreprises ayant simplement « récupéré » le projet pour faire valoir un soit disant engagement citoyen, elles ne se sont à aucun moment assises avec les pouvoirs publics et les usagers pour le mettre en place. Ainsi il n’existe pas d’application mobile officielle, et ce alors que Telus est une des plus grandes compagnies de télécommunication en Amérique du nord. 26
  • 27. Claude Faribault cite également l’Autobus des créateurs, un concours réalisé durant la conférence internationale C2 MTL53 en mai 2012, en partenariat avec la Ville de Montréal, la Société de transport de Montréal (STM) et Telus, où de jeunes développeurs étaient invités à monter et travailler dans un bus sillonnant la ville, afin de trouver des solutions aux problèmes de transport à Montréal de développer un projet web ou mobile à partir des ensembles de données ouvertes par la Ville de Montréal et la STM. Pour alimenter le travail des développeurs présents dans l’autobus, la Ville de Montréal libérait de nouveaux ensembles de données dans de nombreux domaines dont les pistes cyclables, l’hydrographie, les données de la voirie etc. Si l’initiative est à priori louable, sa réalisation se montre en revanche plus délicate, un bus scolaire n’étant pas franchement un endroit adapté pour le travail en équipe (pas de bureau, un accès WiFi très faible, une chaleur écrasante etc.) Ici, l’engagement de Telus n’aura été qu’iconique, puisque la marque se sera simplement contenté d’apporter un soutien financier. Si ici on déplore tout au plus des conditions de travail absurdes, le manque de collaboration et d’écoute peut entrainer de lourdes conséquences pour les compagnies. Claude Faribault cite ainsi le BMW Guggenheim Lab, sorte de living lab temporaire et mobile, réunissant architectes, artistes et scientifiques afin de discuter de problèmes de développement urbain actuels, qui devait ouvrir ses portes à Berlin mais a reçu un très mauvais accueil des habitants. Le projet a été retardé de trois semaines et a dû s’installer dans un quartier plus excentré que ce qui avait été initialement prévu, suite aux menaces de violence provenant de militants d’extrême gauche, et aux plaintes des riverains. Un site internet et une pétition s’opposant à l’arrivée du lab avaient étés mis en place en soulevant que le projet signifiant une prise de valeur du terrain et donc une augmentation croissante des loyers. En effet ce type de projet artistique et culturel signifie un afflux de touristes et entraîne une hausse importante des loyers et de la vie quotidienne, ce qui a été jugé inacceptable de la part des Berlinois, reprochant à BMW et au musée de venir faire du profit sans avoir consulté 53 http://createurs.ville.montreal.qc.ca/ C2-MTL est un événement de trois jours, mis en place par l’agence de publicité Sid Lee, en collaboration avec le Cirque du Soleil, Fast Company et IBM, mis en place afin de trouver des réponses créatives à des questions commerciales. L’évènement accueillait divers ateliers , conférences et groupes de discussions en collaboration avec la ville et la région de Quebec. 27
  • 28. les riverains, et en dépit de leur avis. L’affaire était remontée au plus haut niveau des autorités locales, qui avaient du intervenir et prendre la décision de délocaliser le projet plus loin entraînant de nombreuses répercussions sur l’image du constructeur automobile et du musée. La ville est bel et bien une vitrine potentielle pour un produit ou une compagnie, pourvu qu’elles apprennent à consulter pouvoirs publics et usagers, sous peine de devenir intrusives, ou de saturer l’espace urbain par des campagnes publicitaires invasives. Pour reprendre notre hypothèse initiale, il est certain que l’investissement de la ville intelligente s’inscrit dans une logique de dépublicitarisation. Toutefois les marques doivent maintenant aller au-delà de la dimension de support médiatique qu’offre la ville intelligente, pour se diriger dans une optique de prospective urbaine, en collaboration avec les acteurs du secteur, afin de proposer des solutions intelligentes à l’écoute des usagers. Lorsqu’on analyse le terme « intelligence » selon les définitions proposées par les dictionnaires Larousse54 et le Trésor de la langue française informatisée55 on remarque la récurrence de plusieurs thèmes entourant le concept d’intelligence, à savoir l’aptitude ; (soit la capacité, la compétence reconnue ou la disposition naturelle) la notion de but et le choix des moyens pour atteindre ce but ; la compréhension de l’environnement et des enjeux et enfin l’action. En comparant les définitions du concept « d’intelligence » avec la définition de la ville intelligente donnée lors de la conférence Future Internet Assembly à Ghent en Belgique en décembre 201056, on pourrait imaginer quelle serait la ville intelligente dans laquelle les marques évolueraient : Une ville astucieuse, qui se construit selon 54 Intelligence, nom féminin (latin intelligentia, de intelligere, connaître) Désigne l’Ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle mais également l’ aptitude d'un être humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances, Qualité de quelqu'un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui adapte facilement son comportement à ces finalités, Dictionnaire Larousse 55 [Dans des circonstances nouvelles pour lesquelles l'instinct, l'apprentissage ou l'habitude ne dispose d'aucune solution] Aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action. Trésor informatisé de la langue française 56 « Une ville peut être qualifiée d’intelligente quand les investissements en capitaux humains, sociaux, en infrastructures de communication traditionnelle (transports) et moderne (NTIC) alimentent un développement économique durable ainsi qu’une qualité de vie élevée, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce à travers une gouvernance participative. » 28
  • 29. les usages, une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement (citoyens, acteurs privés et publics) afin de choisir les moyens d’actions en fonction du but à atteindre. Par extension, une marque associée à une ville intelligente serait alors une marque qui vient s’inscrire dans l’inconscient (ou le conscient) collectif comme une marque intelligente, focalisée sur les usages du citoyen, sachant s’adapter aux besoins, aux attentes, et s’adapter aux problèmes urbains pour simplifier et améliorer concrètement le quotidien des citadins. Proposer des solutions urbaines intelligentes assurerait ainsi aux marques une image positive, à la fois innovante et soucieuse de l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Pour cela, de nombreux imaginaires créatifs s’offrent à elle, que nous allons dès à présent étudier dans une seconde partie. 29
  • 30. II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif: Appropriation et réappropriation de ses territoires et imaginaires par les marques La ville, quelle soit réelle ou réinventée, imaginaire ou imaginée, a toujours constituée un espace représenté à travers les diverses productions médiatiques que sont la peinture, la littérature, la représentation cartographique, puis la publicité, le cinéma, etc. ainsi qu’un espace de représentation, pour les acteurs qui viennent s’y intégrer. La ville est depuis longtemps un sujet d’inspiration pour les marques, qu’elle soit contemporaine ou futuriste : Depuis les villes robotisées ( Suntory - The bar ou Puma - Until Then ) en passant par les villes ludifiées, terrains de jeu à ciel ouvert ( Nike - Tag ou Nissan Qashqai ), celles reprenant les codes des jeux vidéos ( Nike- Game on, World) jusqu’aux villes dystopiques ( Verizon Motorola Droid Bionic – Arena)57 Toutes sortes de représentations , de projections et d’imaginaires ont étés utilisés par toutes sortes de marques. Durant l’atelier « Ville imaginaire, ville imaginée, comment s’y retrouver? » organisé l’an dernier à Montréal, Céline Poisson, enseignante à l’ École de design, Université du Québec à Montréal rappelle comment depuis l‘imaginaire entourant la Rome antique, en passant par le Paris haussmannien, jusqu’à Las Vegas « les images et discours sur la ville se construisent, se complexifient au gré des désirs, des aspirations et des fantasmes d’acteurs aux intérêts divers jouant ainsi un rôle essentiel dans la représentation sociale et la construction identitaire urbaine. » Comme on l’a vu dans une première partie, les marques aujourd’hui essaient de plus en plus de devenir des acteurs importants du développement de la ville intelligente, elles pourraient donc façonner cette nouvelle cité au gré de leurs désirs et aspirations, et donc participer à la construction identitaire. 57 Toutes les références publicitaires de la ville du futur sont dans le corpus page 65, la ville ludifiée pages 66 et 67. 30
  • 31. Comment les marques pourraient-elles projeter leur vision de l’urbanité ? Nous commencerons ici par analyser les trois principaux concepts et leurs sous-concepts qui entourent la ville intelligente et la façon dont ils peuvent être utilisés par les marques. Que signifient-ils, comment peuvent-ils être appréhendés par les marques ? Quels sont les imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent autour de ces concepts pouvant être exploités par les marques ? Après avoir analysé la sémantique de ces concepts, et les imaginaires qu’ils transportent, nous tâcherons de voir comment chacun d’eux peut être amené à se concrétiser ensemble ou séparément au niveau des stratégies de communication des marques. A. Smart city et streetsmart brands Si l’on reprend encore une fois la définition de l’intelligence on note que les notions d’aptitude et d’adaptation reviennent beaucoup. Comme on l’a vu dans la première partie, la ville intelligente est une ville astucieuse, qui se construit selon les usages, une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement, ce qui suppose que ses habitants sachent faire de même. Ces notions « d’aptitude » et « d’adaptation » en milieu urbain renvoient d’ailleurs vers la terminologie anglo- saxonne « streetwise » ou « streetsmart »58 désignant une personne possédant les astuces nécessaires à la survie dans l’environnement urbain, concept souvent traduit en français par « débrouillard » ou « astucieux » perdant ainsi la dimension urbaine du terme anglais. L’adjectif « streetsmart » qualifie également une personne connaissant les « bons plans » les lieus secrets, les moindres recoins de la ville où elle se déplace. De nombreuses marques s’appuient sur ce concept et ancrent leurs campagnes de communication dans le territoire créatif du « streetsmart » : Le collectif Soundwalk propose ainsi des guides audio téléchargeables sur internet. Il suffit d’écouter tout 59 en marchant les indications et les histoires racontées par les guides pour découvrir une vingtaine de villes et leurs secrets. 58 - Adj, informal : having the skills and knowledge necessary for dealing with modern urban life. Word reference 59 http://cxa.typepad.com/creative_exchange_agency/2011/03/now-representing-soundwalk.html 31
  • 32. Le groupe a également travaillé avec différentes marques dont Louis Vuitton lors des jeux Olympiques de Beijing en 2008 ou encore Puma lors de la coupe du monde de football en Allemagne en 2010. Autres exemples : Adidas a mis au point en 2009 une application mobile répertoriant les meilleurs graffitis et fresques murales de Berlin et Hambourg et prévoit de faire de même pour d’autres capitales européennes tandis que Nike a lancé « Nike True city » une application iPhone où les fans peuvent laisser commentaires et opinions sur leurs endroits préfèrés dans les villes où ils résident, afin d’établir une cartographie de la « Nike True city ». L’application prévient également les fans avant tous les autres consommateurs de l’arrivée de nouveaux produits dans leurs villes ou du lancement d’événements. Nike est d’ailleurs un formidable exemple de ces marques qui mettent en scène la ville comme terrain de jeu, et incarnent parfaitement l’introduction du « streetsmart » dans le phénomène de mobilité et ludification urbaine, phénomènes ayant toute leurs place dans les problématiques de la ville intelligente. Talya Bigio, architecte et co- fondatrice de la rubrique architecture des Lettres Françaises explique que les marques, et Nike en particulier, se sont appropriées le thème de la ludification urbaine suite aux transformations des valeurs sociales vers le divertissement : [Dans les publicité Nike] Dans les années 90, la publicité montrait l’image d’un cycliste qui montait péniblement une montagne. La publicité privilégiait alors la volonté et le dépassement héroïque de soi. Aujourd’hui, la publicité privilégie les situations de loisir dans l’espace urbain. La publicité pour les chaussures Nike met en scène un jeune homme engagé dans une course-poursuite dans le métro. L’espace urbain est transformé en lieu de jouissance et d’action. A l’image du mode ludique des jeux vidéo, le personnage est une figure de l’éternel adolescent qui s’invente le modèle d’une cité qu’il peut librement parcourir en tous sens.60 60 Talya Bigio, « Technopolis ou les paradoxes de la visibilité », Communication et organisation [Online], 32 | 2007, Online since 01 December 2010, connection on 15 August 2012. URL : http://communicationorganisation.revues.org/276 32
  • 33. Dans ce spot publicitaire, la ville est un terrain de jeu (les habitants jouent à « chat ») et le jeu se prolonge online, puisque les consommateurs sont invités à se mesurer les uns aux autres en chronométrant leurs performances grâce au système iPod (ou plus récemment à l’application Nike + tag.) et à partager en ligne les résultats de leurs courses afin de comparer leurs aptitudes. Nike a également lancé Nike Grid à Londres en 2010 invitant ses fans à parcourir Londres en courant en vue de conquérir des quartiers. Pour ce faire, les joueurs devaient se rendre dans les cabines téléphoniques brandées aux couleurs de la marque et appeler un numéro afin de remporter le badge du quartier, le but du jeu étant évidemment de courir plus pour remporter plus de badges. La campagne exploite et détourne ici le mobilier urbain en le couplant avec la géolocalisation et la gamification61 dans une grande quête o l’envie naturelle de se mesurer aux coureurs locaux et l’attachement à leurs quartiers assurait une participation de la part des coureurs. Nike se base ici sur l’insight selon lequel des joggeurs du même quartier se défient naturellement en se croisant. De surcroit, la marque parie sur le fait que plus un joueur connaît la ville comme sa poche et plus il est assuré de gagner, en passant par des raccourcis inédits ou secrets. La campagne leur permet ici de devenir les « rois du quartier » tant grâce à leur aptitude à courir plus vite que les autres que grâce à leur maîtrise de l’espace urbain. Autre exemple de streetsmart brand, le projet « Musée Ephémère » une initiative ludique mêlant street art et revalorisation de l’espace urbain, mise en place par le rhum Pampero à Lisbonne et permettant aux usagers de découvrir les œuvres des murs de la ville : Sur le site web de la marque on peut télécharger gratuitement une carte répertoriant tous les graffitis du Bairro Alto, quartier populaire connu pour ses fresques murales mais perdant peu à peu son dynamisme passé. Un guide audio était également mis à disposition, afin d’obtenir plus d’informations sur les œuvres. 61 La ludification ou gamification, est le transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier des sites web, des situations d'apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu. [owni.fr/2012/06/07/la-culture-des-jeux-video-est-aux-fraises/ « C’est pas du jeu »], Owni.fr, Anaïs Richardin, 7 juin 201 33
  • 34. Si on les compare aux initiatives de vélos en libre service, d’auto-partage ou de mise en place de living lab, il est évident que ce genre de projet ludique vient s’inscrire dans une dimension à moindre échelle, toutefois ils permettent à une marque de s’intégrer dans une prospective d’innovation en s’affranchissant de la dimension institutionnelle, en se positionnant comme de vraies marques urbaines tout en préservant ( ou en créant de toute pièces ) une certaine impertinence, exclusivité ou « street credibility » . L’imaginaire de la « street » est vaste et se décline dans de nombreux domaines, 62 comme le sport (le skate, le basketball de rue, le football de rue), le graffiti et les installations artistiques urbaines (qu’on appelle communément streetart), le style vestimentaire (de nombreuses marques – dont Adidas - revendiquent l’appellation streetwear ) mais également la nourriture ( L’une des tendances majeures de 2010 ayant été les restaurants streetfood installés dans des camion ambulants annonçant leurs venue grâce aux réseaux sociaux) Cette multitude de connexions permettent ainsi possiblement à un grands nombres de marques aux origines et aux fonctions diverses de venir s’établir dans les rues des villes intelligentes. De plus, le concept « Streetsmart brand » possède une dimension plus locale, c’est une expérience ou un service ludique à l’échelle d’une rue ou d’un quartier (Adidas, Musée Ephémère ou Nike Grid) ou d’une communauté (Nike Tag, Nike True City, Soundwalk ) qui permettent – en théorie - de souder ces quartiers ou communautés autour d’un intérêt, ou d’un patrimoine commun. En effet, si ces projets ont en apparence l’air plus simples à mettre en place d’un point de vu financier, ils nécessitent la collaboration du public, à la fois des collectivités locales, mais également des riverains, et demandent surtout à la marque de maîtriser, partager et connaître les codes, intérêts et valeurs des communautés ou des quartiers à qui elles s’adressent. 62 Planète street : cultures urbaines des cinq continents / Roger Gastman ; Caleb Neelon ; Anthony Smyrski. - Paris : Pyramyd, 2007. 34
  • 35. Lorsqu’adidas a lancé son application les critiques ont étés vives, la marque ayant été accusée de « récupérer » le mouvement street art à des fins publicitaires. En effet l’application était payante, mais aucun des artistes ayant été répertoriés par la marque n’a reçu de rémunération, et ce, alors qu’adidas utilisait les visuels lors de ses communications. Quand au rhum Pampero, si la marque avait d’abord consulté les artistes, c’est les riverains qu’elle avait oubliés La valorisation des graffitis n’est pas au goût de certains commerçants et résidents du quartier, qui n’y ont pas vu une tribune d’expression mais au contraire une incitation à vandaliser les murs du quartier. Soutenus par des élus de l'opposition, les riverains ont convaincu la mairie de Lisbonne de faire nettoyer deux rues du quartier et ont fait installer des caméras de vidéosurveillance afin de dissuader les éventuels vandales. Cette notion de participation, d’inclusion de la sphère publique se rattache d’ailleurs à notre première partie, où nous avions détaillé l’importance du earned medias, et de la prise en compte des usagers et citoyens dans les stratégies de communication, et vient maintenant faire l’objet d’une étude plus approfondie. B. Participation, proximité et dialogue Participation, proximité et dialogue. Les trois maîtres-mots de la communication au XXIème siècle, qu’elle soit politique, institutionnelle et bien entendu publicitaire. On l’a vu, les nouvelles pratiques numériques ont chamboulé le schéma classique émetteur-récepteur, aujourd’hui internet et les réseaux sociaux ont donné la possibilité à tout le monde de participer, dialoguer, émettre un avis ou critiquer, inspirant aux acteurs privés et publics de nouvelles idées, que cela soit à travers le crowdsourcing 63ou la volonté d’une démocratie participative. 63 Le crowdsourcing est la pratique qui correspond à faire appel au grand public ou aux consommateurs pour proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix de marque, création de slogan, création de vidéo). Les prestataires amateurs peuvent alors être récompensés ou rémunérés. Source : http://www.definitions-marketing.com/Definition-Crowdsourcing 35
  • 36. La notion de « gouvernance participative64 » étant incluse au cœur de la définition de la ville intelligente, on peut donc déclarer que l’importance croissante de cette mobilisation des acteurs, s’inscrit dans une redéfinition des façons de construire l’intérêt général. Au sujet de cette nouvelle gouvernance urbaine, Saskia Sassen, professeur de sociologie et co-présidente du Comité pour la pensée globale de l’université de Columbia déclare :65 On peut imaginer qu’une telle organisation donnerait lieu à une conversation générale, non seulement entre les résidents et les personnes qui dirigent la ville, mais aussi horizontalement, entre les citoyens qui comparent leurs impressions. Cela pourrait mener à un nouveau genre de réseau open source, dans lequel le principe de détection des problèmes de code du logiciel serait remplacé par un principe d’amélioration du système et de résolution des problèmes par la collectivité urbaine. C’est ce que j’appelle « l’urbanisme open source ». Ce que Saskia Sassen avait imaginé en 2011, les applications Beecitiz, ou encore FixMyStreet l’ont réalisé. Le principe : Une carte participative qui permet aux citadins de rendre compte de problèmes sur la voirie et, aux services municipaux de leur répondre. Les requêtes sont postées autour de quelques grandes catégories (espaces verts, voirie, éclairage...). La mairie Paris IV a été une des premières à expérimenter ce service et après un an quelques 100 signalements ont été fait, et plus de 700 téléchargements de l'appli Paris4 sur Iphone et sur Androïd ont été répertoriés.66 Ce nouvel outil de géolocalisation participatif répond ainsi aux exigences actuelles des citoyens envers leurs services publics : la réactivité, l’immédiateté, la proximité et le dialogue. D’un côté, les habitants en participant améliorent leur environnement immédiat et les élus quant à eux voient leur notoriété augmenter et leur image s’améliorer. 64 La Gouvernance Participative est l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative par les citoyens et les officiels, pour gérer les affaires de la société à tous les niveaux. 65 Dialogue sur la ville de demain avec Saskia Sassen http://www.sfr.com/les-mondes-numeriques/sfr- player/11142011-1259-dialogue-sur-la-ville-de-demain-avec-saskia-sassen 66 http://www.mairie4.paris.fr/mairie04/jsp/site/Portal.jsp?document_id=2223&portlet_id=119 36
  • 37. A l’échelle d’une marque, ce genre d’initiative est à relever du côté de la SNCF : Ainsi la plateforme Transilien Open Data s’appuie sur la participation des usagers, pour proposer des idées d'applications mobiles dans une démarche d'appropriation des outils numériques en mobilité, mais aussi dans un processus d’open data, lentement mis en place par la SNCF. Accessible à tous, le concours Open app ( organisé par l’agence publicitaire June 21 ) a récompensé en mai 2012 les applications les plus intelligentes. Le jury a choisi de récompenser Transifoule, une application renseignant « l'affluence quotidienne sur chaque Transilien pour optimiser son trajet et de fait participer à la régularisation du trafic en gares. »67 L'application se couple à d'autres services proposés dans le concours comme la possibilité de rencontrer des profils similaires ou au contraire d'éviter un train trop masculin le soir. 67 http://opendata.transilien.com/concours-openapp/transifoule/ 37
  • 38. Autre idée d'application, Colis Train, qui transforme le voyageur en livreur à temps partiel68 : "L'application proposée permettrait à des voyageurs de se confier des livraisons de tous types (colis, lettres, fleurs...). L'expéditeur dépose une requête dans laquelle il décrit les stations de départ et d'arrivée ainsi que la nature de la livraison (poids, délai...). Un voyageur peut accepter cette requête et ils conviennent alors d'un tarif qui idéalement est gratuit. De la même façon tout voyageur peut indiquer les trajets qu'il réalise et proposer ses services pour effectuer une livraison. Ce type d'application peut s'effectuer en partenariat avec un site type colis-covoiturage." Au-delà de l’aspect écologique et de la possibilité d’augmenter un peu les revenus des usagers, cette initiative répond également à un réel problème rencontré dans certaines ZUS69, o les livreurs n’osent plus s’aventurer, privant les habitants de leurs colis (et de leurs droits !)70 Si pour l’instant ces deux applications sont simplement envisagées par la RATP, le processus décrit dans la deuxième commence à se mettre doucement en forme : à Seattle et à New York, Amazon expérimente actuellement un système de consignes, installés dans les supérettes Seven Eleven, possédant des enseignes dans tous les états du pays. Ces nouvelles initiatives basées sur la mobilisation citoyenne contribuent à l'élargissement des possibles, en termes de créativité. On pourrait ainsi imaginer des services et applications à mettre en place grâce à la mobilisation citoyenne voire au crowdfunding, à l’image de la « Plus pool »71 un projet de piscine flottant dans la rivière Hudson à New York. Pour réaliser ce projet les designers ont ouvert un compte kickstarter, afin de recevoir des dons des habitants et commencer à construire la piscine avec l’accord des autorités locales. 68 http://opendata.transilien.com/concours-openapp/colis-train/ 69 zone urbaine sensible 70 http://www.lepoint.fr/societe/pas-de-livraison-de-colis-en-zone-urbaine-sensible-14-08-2012- 1495911_23.php 71 http://www.pluspool.org 38
  • 39. Ce genre d’initiative serait parfaitement envisageable à l’échelle d’une marque soit au niveau du financement, soit au niveau des décisions à prendre (emplacement, design du projet etc.) Dans la veine des compagnies qui demandent de l’aide aux consommateurs et jeunes designers pour concevoir un spot télé, un logo etc. ces initiatives vont plus loin et proposent un résultat concret, ouvert, utile et accessible à tous. La mobilisation et le dialogue citoyen pourraient amener les marques à s’intéresser à l’aménagement urbain en collaboration avec les citadins, pourvu qu’elles y perçoivent un moyen de renouveler leurs fonctions et leur image, en proposant non plus des produits mais des services des services utiles à la communauté. Les nouvelles formes d’appropriations de l’espace urbain par les marques ou les possibles partenariats public-privé ouvrent de grandes perspectives tant pour les acteurs privés que pour les acteurs publics, à court de financement, mais cherchant néanmoins toujours de nouveaux moyens de montrer le dynamisme et l’attractivité de leurs villes. De plus, à partir du moment où se sont les citoyens qui investissent massivement (intellectuellement et financièrement) en connaissance de cause dans les projets proposés par les marques, les collectivités locales ont davantage de chance d’avoir l’opinion publique de leur côté, essayant ainsi d’éviter de se faire taxer d’opportuniste ou de faire le jeu des multinationales. C. Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve… Il est intéressant de noter que la plupart de ces communications, qu’elles soient médias ou hors médias possèdent toutes une double temporalité : Inscrire sa marque dans la ville intelligente c’est naturellement l’inscrire dans le présent, et faire valoir son dynamisme, son côté précurseur, innovant, tendance voire comme on l’a vu plus haut lui donner une certaine « street credibility ». Mais c’est également l’inscrire dans une temporalité future en pariant sur la ville intelligente et ses technologies on projette la marque dans le futur, on lui conçoit une longévité, on avance vers le progrès, on se place dans une démarche de projection souvent un peu utopique. 39
  • 40. La problématique de la cité idéale est loin d’être récente et se décline de multiples façons depuis la “Callipolis” de Platon (La République) jusqu’aux grandes utopies urbanistiques du XXe siècle en passant par les u-cities72 , comme Songdo73 en Corée , ou encore les villes 100% écolo comme Lilypad74. Il est certain que les grandes ambitions sociales, technologiques, écologiques et politiques de la ville intelligente lui confèrent à priori une dimension de « ville idéale », il est donc logique que les marques se soient aventurées sur ce territoire. Toutefois certaines de ces projections, et ce à la différence des marques évoquées plus haut qui exploitent des territoires et imaginaires très ancrés dans le réel, tendent souvent à ressembler à une ville utopique aseptisée, uniformisée, voire déshumanisée, pour reprendre Françoise Choay.75 Ainsi, les récents spots Samsung pour la tablette Galaxy Note en 2010 suivis d’une campagne pour le smartphone Galaxy Note en 2012, présentent tous une ville moderne, aseptisée et lisse, mais qualifiée d’ « idéale ». Ainsi dans un des films (Work) un jeune homme travaille pour un projet économique sur la ville idéale, présentant de jolis camemberts de parts de marché et autres diagrammes en bâton analysant la satisfaction client. Derrière cette publicité somme toute assez banale, on trouve en réalité une réalité urbanistique : Les dénominations « intelligente », « numérique » ou «ville du futur » de plus en plus employées par les métropoles dans leurs stratégies de branding révèlent leur volonté d’attirer les classes créatives et supérieures, garant du dynamisme économique de la ville, en leur promettant des installations culturelles et technologiques dernier cri. 72 Une ville ubiquitaire, ou u-city est une ville hyperconnectée, où tous les systèmes d’information sont liés. 73 Songdo est une nouvelle ville en construction près de Séoul, à Incheon, en Corée du Sud. Construite de toute pièce, la ville, verte et intelligente, inaugurera, en2018, sa centaine de buildings, couverts de toits végétaux et de panneaux solaires., parcourus de milliers de kilomètres de câbles collectant, traitant et utilisant les moindres données émises par ses habitants. Son concepteur, la société Gale, espère vendre prochainement ce concept de « ville en kit » à une vingtaine d’agglomérations en Asie. Source :. http://www.maxisciences.com/ville/songdo-la-ville-du-futur_art25808.html 74 Lilypad est un concept de l'architecte Vincent Callebaut, un modèle de ville à 100% écolo, qui flotte au large de nos côtes 75 Entretien de Françoise Choay avec Thierry Paquot, 1994. http://www.franceculture.fr 40
  • 41. A travers la présentation des capacités du téléphone Samsung projette ainsi sa vision de l’urbanité, à savoir une ville dynamique grâce à ses cadres supérieurs. Si on peut émettre certaines réserves devant cette construction d’une ville-produit un peu lisse dans laquelle les citadins sont des clients, il faut tout de même reconnaître que la marque exploite le territoire du « projet » et de la « construction » de la ville idéale, et laisse toute la place à l’imagination : la publicité ne montre pas physiquement la ville, mais se contente de montrer comment la marque peut aider les individus à la façonner, aux grés de leurs envies. Ainsi une seconde vidéo exploite également cette notion de projet urbain avec beaucoup plus de candeur cette fois : Dans le spot « Laissez libre cours à votre créativité » la ville idéale ne se markette pas, elle se rêve et se dessine. Le citadin bricole lui-même sa « ville idéale » en commençant par intégrer un bâtiment iconique et moderne (ressemblant à l’opéra de Sydney) dans le paysage tout aussi iconique (pour ne pas dire cliché) d’une mer bleu turquoise scintillante. On retrouve cette vision de la ville idéale et aseptisée dans deux autres films ( Galaxy Note - Create et Galaxy Tab – official Release ) : Le décor carton-pâte rappelle les rues marchandes de Disneyland, la ville-privée Celebration76 ou encore les banlieues résidentielles américaines proprettes et uniformisées d’ Agrestic et Wisteria Lane dans les séries TV Weeds et Desperate Housewife. La ville est si paisible et policée qu’elle paraît quasiment désuète : Dans les rues du spot « Create » on voit un vieux landeau monté sur des hautes roues, installé devant des musiciens ambulants jouant de l’accordéon, dans le spot Galaxy Tab on aperçoit des rails de tramway séculaire et des voitures de collection, quand aux passants et protagonistes des deux films, ils arborent tous un look preppy-retro des plus sages. Comme le note Philippe Gargov, le plus intriguant dans le décor du film Galaxy Tab réside dans le fait que la ville représentée est sensée être New York : 76 Celebration est une ville privée américaine, située dans le centre de l'État de Floride, à quelques kilomètres d'Orlando. Elle a la particularité d'avoir été créée, développée et d'être administrée par la Walt Disney Company. Elle devait être en quelque sorte la réalisation du projet lancé par Walt Disney d'une ville idéale 41
  • 42. Alors qu’habituellement, les publicitaires se contentent de quelques taxis jaunes ou d’un plan sur l’entrée d’un métro, facilement identifiables, le spot choisi ici d’afficher son identité territoriale grâce aux panneaux indiquant la direction de Broadway ou Central Park. C’est d’autant plus surprenant que l’on n’est clairement pas à New York. La ville que nous présente Samsung est lisse, propre, dépouillée et calme, loin de l’effervescence technologique, urbaine et humaine un peu grouillante attribuée généralement à New York. On peut y voir ici le choix de la marque de présenter sa propre vision de ce que devrait être une ville moderne et idéale. Si la marque s’écarte du cliché « Times Squares et ses écrans géants » c’est bien entendu pour montrer qu’une autre ville, plus sereine et chaleureuse est possible, mais c’est surtout pour s’éloigner des imaginaires de la ville numérique. La marque laisse la porte du champ des possibles grande ouverte Ici, la modernité, l’innovation et l’intelligence viennent des usages que l’on fait de l’outil, et non pas de la ville elle- même. En somme, la ville du futur se construit par le biais des objets et des interactions des citadins. En haut à gauche, la publicité Samsung Galaxy Note - Spot TV Create ( 2012) En bas à gauche, les boutiques de Disneyland Tokyo. En haut à droite, la publicité Samsung Galaxy Tab Official Release (2010) En bas, à droite, la ville de Wisteria Lane dans la série Desperate Housewives. 42
  • 43. D. …et dystopie cyberpunk ? En réalité, si l’on s’attarde sur la dimension «technologie et modernité » de la ville intelligente , dimension qui comme on l’a vu précédemment est souvent trop mise en avant au détriment des autres paramètres, on s’aperçoit très vite que les imaginaires et les projections entourant ces concept sont révélateurs de nombreuses peurs, et penchent souvent vers la paranoïa aigue, raison sans doute pour laquelle Samsung a préféré rassurer ses consommateurs en utilisant une ville uniformisée et coquette plutôt que de mettre en avant un prototype de ville du futur. La technologie est en train de profondément modifier les interactions entre les acteurs des villes (à défaut de modifier profondément leurs infrastructures) et engendre une nouvelles condition urbaine, se caractérisant selon Robert David Kaplan77 journaliste économique américain, par six facteurs, englobant autant d’effets positifs que d’effets pervers. 1. Omniprésence des réseaux : les réseaux sont de plus en plus banalisés, au sens où ils véhiculent indifféremment toutes sortent de contenu. 2. Internet des objets, autrement dit l’intelligence ambiante qui suppose l’adjonction de puces aux objets, et donc l’enrichissement de leurs interactions avec leur environnement. 3. Infrastructure informationnelle et le web sémantique : les données produits par les objets intelligents sont potentiellement exploitables par les acteurs privé ou publics. Quand au web sémantique, il permet la délivrance de nouveaux services avec un impact sur la localisation de ces services 4. Tensions autour de la sécurité due au développement des TIC : risques de vol des données numériques, peur que l’on utilise les TIC à des fins sécuritaires (comme la vidéo-surveillance généralisée) 5. Risque de fracture numérique, géographique et générationnelle Ethique de l’innovation : possible nécessité de mettre en place des mesures de protection des libertés et des individualités, et d’un principe de précaution à l’innovation numérique 77 D.Kaplan, Le territoire face aux nouvelles tendances technologiques, prospecTIC et territoires, conférence Fing - octobre 2006. 43