Sébastien Broca - De l'open source au digital labour : deux critiques du capitalisme numérique
1. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
« Les mutations de la critique du capitalisme
numérique »
Sébastien Broca (Cemti/Université Paris 8)
2. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Les critiques du capitalisme numérique
Sébastien Broca, « Les deux critiques du capitalisme numérique »,
https://hal.archivesouvertes.fr/hal01137521
Points de départ :
●
Le « capitalisme numérique » a toujours suscité des critiques,
tant dans le monde universitaire (Richard Barbrook et Andy
Cameron, « The Californian Ideology », 1995) que chez
certains acteurs du numérique (le mouvement du logiciel
libre)
●
Les formes dominantes (« idéalestypiques ») de cette critique
se sont transformées depuis vingt ans
3. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Le capitalisme et ses critiques
●
Il existe un jeu dialectique permanent entre le
capitalisme et ses critiques : ce qui conteste le
capitalisme à un moment donné devient
ultérieurement une nouvelle ressource pour son
affirmation symbolique et matérielle
●
Boltanski et Chiapello ont appliqué ce schéma général
aux mutations du capitalisme dans les années 1990 en
lien avec la « critique artiste »
●
Dans la postface, ils précisent : « le mode d’analyse
historique des transformations du capitalisme en
relation avec ses critiques que nous avons développé
pourrait trouver à s’employer sur la période plus
récente »
Luc Boltanski et Ève Chiapello
Le nouvel esprit du capitalisme
Gallimard, 2011 (1999)
Essayer d'appliquer ce schéma général aux bouleversements de
l'économie numérique dans les années 2000
4. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Feuille de route
I. Esquisser une histoire sociale et conceptuelle de la contestation du
capitalisme numérique, en mettant en lien l'évolution de celuici au
cours des années 2000 avec deux critiques qui lui ont successivement été
adressées :
●
la critique de la propriétarisation de l'information (« freeculturalism »)
●
la critique du digital labour
II. Discuter le cadre théorique développé par la deuxième critique,
celle du digital labour
5. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
I. D'une critique à l'autre
6. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Le « capitalisme informationnel »
●
Le « capitalisme informationnel » vise à produire et commercialiser
des biens à base informationnelle (molécules, semences, programmes
informatiques, morceaux de musique, etc.) protégés par des droits de
propriété intellectuelle (DPI), qui permettent de vendre chaque copie
à un prix très supérieur à son coût de production :
« Les nouvelles industries apparaissent dans des domaines où il est possible de
s'approprier la fonction de reproduction à coût très faible de l'information elle
même ou d'un objet matériel dans lequel une part informationnelle joue un rôle
essentiel »
P. Aigrain, Cause commune, 2005, p. 81
●
Pendant longtemps, la légitimité des DPI a été assez peu contestée
(importance des coûts fixes, incitations à l'innovation, débat réservé
aux « spécialistes »)
7. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
L'essor d'une critique de la propriétarisation de
l'information
●
Émergence de mouvements sociaux contestant le
renforcement des DPI : logiciel libre, open access, médicaments
génériques, semences libres, etc.
●
Développement d'une critique universitaire du « deuxième
mouvement des enclosures » (J. Boyle, L. Lessig, Y. Benkler)
●
Mise en avant de la notion de (biens) communs (E. Ostrom)
●
Augmentation du « piratage » suite à l'essor des réseaux p2p,
du direct download, du streaming, etc.
8. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
L'incorporation par le capitalisme de cette
première critique : l'open source
●
Apparu à la fin des années 1990, le mouvement open source (Torvalds,
Raymond) a promu une nouvelle rhétorique pragmatique et business
friendly pour défendre les logiciels libres
●
L'open source a permis le développement d'une véritable économie du
logiciel libre impliquant les grands acteurs de l'informatique, les
multinationales du Web (qui contribuent par exemple à Linux) ainsi
que des entreprises spécifiques (Red Hat)
L'open source a été le moment inaugural d'intégration par le
capitalisme numérique de la critique portant sur la
propriétarisation de l'information
9. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Vers une « alliance avec la multitude » (Colin, Verdier) ?
L'économie numérique a changé :
●
Recul de l'exclusivisme propriétaire au
profit d' « écosystèmes » (plus ou moins)
ouverts
●
Participation accrue des utilisateurs à
la production de valeur (diminuer le coût
des inputs)
●
Nouveaux modèles économiques du
« gratuit » où la valeur est dégagée de
manière « indirecte » (publicité, services,
freemium, etc.)
●
Nouveaux acteurs dominants (GAFA)
qui supplantent en partie les acteurs du
« capitalisme informationnel »
« C'est ce que j'appelle le 'communisme du
capital' qui se présente réellement (se présenter
ne veut pas dire faire semblant) comme ayant
aboli la propriété »
Yann Moulier Boutang, La revue du projet, 2014
« Privative scheme rests on creating scarcity of
knowledge flows and charging for the access to
them. In contrast, inclusive appropriation
harnesses the abundance of knowledge, without
charging directly for access, and collects money
from targeted advertisement, data selling and
related businesses »
Mariano Zukerfeld, « Inclusive Appropriation
and the Double Freedom of Knowledge », 2014
10. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Le nouvel « esprit » du capitalisme numérique
« Songez aux possibilités que vous avez en tant
qu’individu. Vous n’êtes plus un réceptacle passif de
biens et de services. Vous pouvez participer à
l’économie sur un pied d’égalité, cocréer de la valeur
avec vos pairs et vos entreprises préférées pour
satisfaire vos besoins personnels, rejoindre des
communautés épanouissantes, changer le monde ou
simplement vous amuser. La boucle de la prosommation
est bouclée »
Don Tapscott, Anthony D. Williams,
Wikinomics, Portfolio, 2006
Ces changements ont eu une traduction claire dans la littérature
managériale de la Silicon Valley, mais aussi chez certains critiques de la
propriétarisation de l'information (Lessig, Benkler), qui ont contribué à
forger le nouvel « esprit » du capitalisme numérique autour des notions
d'ouverture, de partage, de collaboration, d'intelligence collective, etc.
11. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Une deuxième critique : le digital labour
L'approche digital labour est la
conséquence :
●
de travaux précurseurs autour des
notions de « travail immatériel »
(Lazzarato) ou de « free labor »
(Terranova)
●
des nouveaux business models
reposant sur la participation des
utilisateurs
●
des insuffisances de la critique de la
propriétarisation (cf. Lessig, Benkler)
« Je me suis demandé si cette culture de la
participation n'aide pas tout simplement les
entreprises à se faire une clientèle sur notre dos.
(...) Nous devenons une force de travail
externalisée, alors que l'intérêt de la chose, de
notre point de vue, est loin d'être évident »
Om Malik, 18 octobre 2005
L'approche digital labor remet en cause l'axiome du nouveau capitalisme
numérique : l'échange entre enrichissement personnel pour les individus et
enrichissement financier pour les entreprises n'est pas « gagnantgagnant »
« Autour de ces économies de partage, des
entreprises construisent des business. Elles
essaient ainsi d’extraire du profit du partage des
autres. Une nouvelle fois, selon mon opinion
(peutêtre préhistorique), cette recherche de
profit doit être louée »
Lawrence Lessig, Remix, 2008
12. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Caractéristiques de l'approche digital labour
●
Les activités effectuées en ligne
(recherche Google, profil Facebook,
contribution logiciel libre, travail
Mechanical Turk) sont considérées
comme étant au cœur de la
production de valeur
●
Comme elles ne sont pas (ou peu)
rémunérées, elles sont considérées
comme du travail gratuit
●
La captation de valeur dans
l'économie numérique équivaudrait
ainsi à une nouvelle forme
d'exploitation Trebor Scholz (ed.), Digital
Labor. The Internet as
Playground and Foctory,
Routledge, 2012
13. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Les mutations de la critique du capitalisme
numérique
1. Basculement d'une approche « libérale » centrée sur les aspects juridiques
et contestant la propriétarisation des biens informationnels, à une approche
« (néo)marxiste » centrée sur le travail et contestant les nouvelles formes de
distribution de la valeur
2. Disqualification, parfois, de la première critique : les opposants à la
propriétarisation de l'information comme « idiots utiles » du nouveau
capitalisme numérique (M. Pasquinelli)
3. Coexistence des deux critiques : la critique de la propriétarisation ne
disparaît pas (le capitalisme informationnel subsiste lui aussi) mais elle se
trouve en quelque sorte débordée « sur sa gauche ».
4. Hybridation, parfois, des deux critiques : réflexions autour des licences à
réciprocité (peer production licence), discours mêlant défense libérale des
libertés individuelles et revendications « égalitaristes » sur les revenus...
14. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
II. Réflexions sur la notion de digital labor
15. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Une notion très (trop?) englobante
« Réfléchir au digital labor signifie contempler des modèles globaux de connexion et
d'accumulation qui facilitent et promeuvent certaines productions. Tous les processus qui y sont
liés doivent être inclus dans cette définition : tout depuis l'assemblage des iPhones, la Xbox, les
câbles, les réseaux sans fil, les usines Foxconn […] à Shenzen en Chine (qui nous apportent les
produits d'Apple, HP, Dell et Sony), et l'extraction de minerais rares en République Démocratique
du Congo, an Nigéria et dans la région de Nancheng en Chine, sans lesquels nous ne pourrions
démarrer ni nos ordinateurs portables, ni nos téléphones mobiles »
Trebor Scholz, « Think Outside the Boss », 2015
Digital Labour n'est pas un terme qui d écrit seulement la production de contenus numériques.
Nous utilisons plutôt le terme en un sens plus général à propos de l'ensemble du mode de
production numérique, lequel se compose d'un réseau d'activités agricoles, industrielles et
informationnelles qui permettent l'existence et l'utilisation des médias numériques
Christian Fuchs et Marisol Sandoval, « Digital Workers of the World Unite ! », 2014
Le digital labour ne désigne plus ici une forme particulière de travail. Il
renvoie à un mode de production, voire il équivaut à une forme historique
du capitalisme dans son ensemble.
16. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Le digital labor comme activités numériques
« Par digital labor, nous désignons les activités numériques quotidiennes des usagers des
plateformes sociales, d'objets connectés ou d'applications mobiles. Néanmoins, chaque post,
chaque photo, chaque saisie et même chaque connexion à ces dispositifs remplit les conditions
évoquées dans la définition : produire de la valeur (...), encadrer la participation (...), mesurer »
Antonio Casilli, 2015
« À la fois volontairement effectué et non salarié, apprécié et exploité, le free labor sur le Net
inclut la construction de sites Web, la modification de paquets logiciel, la lecture et la participation
à des listes de discussion et la construction d’espaces virtuels »
Terranova, 2000
Dans ce sens plus restreint, la notion de digital labour inclut les
recherches Google, le maintien de relations sur Facebook, le travail sur
Mechanical Turk, la contribution à un logiciel libre, etc.
Or les significations associées à ces activités par ceux qui les pratiquent
sont dissemblables
Le digital labor regroupe donc sous un même label des activités qui, du
point de vue d'une sociologie compréhensive, sont très différentes
17. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Fautil parler de « travail » ?
Les protagonistes du digital labor ne considèrent en général pas leurs
activités comme du travail (Cf. Brown, Quan Haase, 2012 ; Himanen,
1999).
S'il veut parler de digital labor, le chercheur est donc obligé de renoncer à
la posture compréhensive
On peut par conséquent reprocher aux théoriciens du digital labor de
présupposer une aliénation (ou une « fausse conscience ») des acteurs
« Quand je passe un test
Captcha, je permets à Google
d’améliorer son produit. Quand
le serveur d’un resto me
demande si j’ai aimé mon plat et
que je lui réponds « oui mais
l’assiette aurait pu être servie
plus chaude », idem. Quelqu’un
estil d’avis que j’ai droit à une
réduction de ma note de
restaurant ? »
Olivier, commentaire, 2014
« Estce vraiment du « travail » ? je suis plutôt de
l’avis de isbninfo. Estce un travail de vivre ?
j’entends de vivre une vie numérique ? (ce qui
suppose parfois de demander son chemin, de faire
la causette avec quelqu’un etc., tous ces petits actes
de la vie quotidienne). Nous parlons bien de
comportements, je suis d’accord, mais s’agitil
vraiment de comportements assimilables à du
travail ? une vie numérique, c’est tout de même une
vie : avoir des activités, pendant des plages de
temps »
EC, commentaire, 2014
18. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Pourquoi les théoriciens du digital labour
parlent de travail malgré tout
●
Un choix politique (Terranova, 2013) : parler de « travail exploité » permet
d'attirer l'attention, de susciter l'indignation et de pousser à la contestation
●
Un choix théorique (Andrejevic, 2013) : s'éloigner du sens commun (comment les
contributeurs considèrentils leurs activités ?) pour élaborer une approche
structurelle et objectiviste (comment la valeur estelle « réellement » produite?)
permet de dépasser les fauxsemblants de la doxa libérale, notamment l'insistance
sur le choix et le plaisir individuels
On passe d'une sociologie compréhensive des usages à une
économie politique d'Internet. Pour que ce changement de
perspective soit justifié, il faut néanmoins prouver : i) que les
mécanismes économiques en jeu dans diverses activités perçues
comme du loisir sont similaires ; ii) que cette similarité justifie de
désigner cellesci comme étant « objectivement » du travail exploité
19. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Des business models dissemblables
Même s'ils partagent un même « esprit », les modèles économiques du
digital labor sont plus différents qu'il n'y paraît :
●
Exploitation de données personnelles et revenus publicitaires (Google)
Pas de rémunération pour les « contributeurs »
●
Exploitation de contenus créatifs et revenus publicitaires (YouTube)
Rémunération uniquement pour les « contributeurs » les plus populaires,
proportionnelle à la popularité de leurs contenus
●
Exploitation d'un travail déqualifié et revenus liés à une position
intermédiaire entre « demandeurs » et « offreurs » (Mechanical Turk)
(Faible) rémunération « à la tâche » pour les « contributeurs »
●
Exploitation d'un travail fortement qualifié et revenus issus des services
proposés aux entreprises (Red Hat)
Rémunération (parfois élevée) de certains contributeurs seulement
20. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
La notion d'exploitation
S'agitil dans ces différents cas d'un
travail exploité au sens de Marx ?
●
L'exploitation est le fait d'accomplir un
surtravail, c'està dire un travail
producteur de valeur et non rémunéré
●
Le taux d'exploitation correspond au
rapport entre travail payé et travail non
payé, constitutif de la plusvalue
●
L'analyse de l'exploitation dépend de la
théorie de la valeur, en vertu de laquelle la
valeur des marchandises dépend de la
quantité de travail (abstrait) qu'elles
incorporent
21. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Une exploitation 2.0 ?
Un cadre d'analyse
élaboré dans un
contexte historique très
différent, où subsistait
une claire distinction
entre le travail et les
autres sphères de la vie
sociale, estil toujours
pertinent ?
22. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Les limites de la notion classique d'exploitation
Hormis pour l'exemple de Mechanical Turk, la notion classique d'exploitation est
inapplicable à l'économie numérique :
●
La séparation entre temps de travail et de nontravail est inopérante : on ne peut plus
discriminer empiriquement entre un temps de travail et de surtravail (Cf. Google)
●
La loi de la valeur est mise en échec : la valeur produite par les contributeurs (et leur
rémunération) ne dépend pas de leur quantité de travail, ni même du « travail abstrait
simple et socialement nécessaire » (cf. YouTube). De plus, l'apport d'un contributeur
individuel est impossible à quantifier dans des projets qui mobilisent une « intelligence
collective » (Cf. Red Hat)
●
Valeur d'usage et valeur d'échange sont disjointes. Le rapport entre ce que produisent les
contributeurs et la valeur générée par les entreprises est indirect. Le « digital labor » ne
produit donc pas de marchandises réalisant, comme chez Marx, l'unité immédiate de la
valeur d'usage et de la valeur d'échange (cf. Red Hat)
●
Les contributeurs ne sont pas toujours dépossédés des fruits de leur travail (Cf. Red
Hat), contrairement à ce qui se passe dans la situation classique d'exploitation
23. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
La critique de Gorz et du « capitalisme cognitif »
« Jusqu'ici on définissait l'exploitation comme l'extorsion d'un surtravail.
C'estàdire d'une part de travail non rémunérée fournie involontairement
dans le cadre d'un contrat de travail. Mais cette définition n'est plus
pertinente quand le travail n'est plus mesurable en unités de temps. Elle
ne s'applique plus non plus quand le travail non payé est accompli
volontairement par ces personnes qui croient travailler à leur propre
compte alors qu'une part de leur effort est captée "par derrière" par des
entreprises qui en tirent profit »
André Gorz in Politiques des Multitudes, 2007
La notion marxiste d'exploitation est inadéquate dans le contexte de
l'économie numérique.
« Cela n'a pas de sens de parler d’une plusvalue de la pollinisation
attribuable à une abeille en tant que telle. Elle pollinise, mais imputer à
une abeille isolée un rôle dans la pollinisation est un nonsens. […]
Donc, ça n’a pas de sens de dire que l’abeille est exploitée
individuellement. Ce qui est exploité, c’est sa capacité pollinisatrice »
Yann Moulier Boutang, L'abeille et l'économiste, 2010
24. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
La contradiction interne des théoriciens du
digital labor ?
●
D’un côté, ils s’appuient sur les analyses postopéraïstes (« travail
immatériel », « usine sociale ») pour affirmer que la valeur est désormais
produite sur tous les temps sociaux, en dehors du seul lieu de travail,
dans des activités aussi banales que faire une recherche Google,
communiquer sur Facebook, etc.
●
De l’autre, ils appliquent à l’analyse de ces activités un cadre marxiste
orthodoxe, élaboré dans un contexte où il existait au contraire une
séparation beaucoup tranchée entre temps de travail et de non travail
25. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Conclusion : Apports et limites du digital
labor
●
La notion de digital labour a l'immense mérite de replacer l'attention sur des
questions (le travail, la répartition de la valeur) que les critiques du capitalisme
numérique ont longtemps délaissées.
●
Elle pâtit néanmoins du fait de rester tributaire de cadres théoriques forgées
dans un contexte où il était possible de discriminer nettement entre travail et
loisir. Des approches comme celle du « capitalisme cognitif », bien qu'elles aient
aussi leurs limites, me semblent plus en phase avec les nouvelles caractéristiques
du capitalisme numérique.
●
Pour penser l'économie politique d'Internet, il me semble nécessaire de revenir
sur certaines notions cruciales, notamment celles de valeur et d'exploitation.
26. Séminaire « Étudier les cultures du numériques », EHESS,
2 novembre 2015
Merci
sebastien.broca@univparis8.fr