This report analyses the ambitions of the international development cooperation and the dynamics of the pastoral system in Niger (past and present).
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Linking Business with Pro-Poor Development - A Backyard Poultry Value Chain I...
Politiques de Développement Pastoral au Sahel
1. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
MÉMOIRE DE RECHERCHE
SOUMIS A L'INSTITUT UNIVERSITAIRE
D'ÉTUDES DU DÉVELOPPEMENT,
IUED GENÈVE.
Politiques de développement pastoral au Sahel.
Les ambitions de développement de la coopération internationale et
la dynamique du système pastoral nigérien.
Analyse comparative et historique.
Proposé par Roland Hammel sous la Direction de Daniel Fino, Chargé de cours.
Diplôme de recherche N° 146 accordé à la soutenance le 25 août 2006
1
2. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
Table des matières.
1. Présentation. _____________________________________________________ 5
1.1. Cadre de la recherche.____________________________________________________ 5
1.1.1. Cadre général.______________________________________________________________ 5
1.1.2. Définition thématique. _______________________________________________________ 6
1.1.2.1. Politiques de développement pastoral au Sahel. _________________________________ 6
1.1.2.2. De l'analyse comparative des stratégies des bailleurs de fonds, agences de coopération et
ONG, avec les dynamiques du système pastoral. __________________________________________ 8
1.1.3. Questions spécifiques. _______________________________________________________ 8
1.1.4. Méthodologie.______________________________________________________________ 9
1.1.4.1. L'ambition initiale.________________________________________________________ 9
1.1.4.2. La méthodologie elle-même. _______________________________________________ 10
1.2. Précision des concepts utilisés. ____________________________________________ 11
1.3. Répertoire des sigles et abréviations. _______________________________________ 14
2. Cadre technique de référence. _________________________________ 16
2.1. Définitions et cadrage de l'étude .__________________________________________ 16
2.1.1. Contexte du pastoralisme au Sahel. ____________________________________________ 16
2.1.1.1. Climat et cycles._________________________________________________________ 16
2.1.2. Ecologie des pâturages. Notions essentielles._____________________________________ 18
2.1.2.1. Description générale de l'environnement. _____________________________________ 18
2.1.2.2. Influences sur l’équilibre de la végétation des savanes du Sahel. ___________________ 19
2.1.2.3. Germination et croissance des herbacées annuelles. _____________________________ 21
2.1.2.4. Variations de l’offre fourragère durant l’année et impact du cheptel sur le milieu. Un
équilibre instable. _________________________________________________________________ 24
2.1.2.5. Adaptation du cheptel aux conditions climatiques. ______________________________ 26
2.1.2.6. Contexte social de base.___________________________________________________ 28
2.1.2.7. Contexte économique. ____________________________________________________ 30
2.1.2.7.1. Importance économique du pastoralisme dans la satisfaction des besoins de base. __ 30
2.1.2.7.2. Importance de l'élevage dans les économies nationales. _______________________ 31
2.1.2.7.3. Rôle économique de l'élevage pastoral dans les régions. _______________________ 32
3. Description analytique et profil historique des politiques de
développement pastoral.______________________________________________ 33
3.1. Période Coloniale. ______________________________________________________ 33
3.1.1. Chronologie générale et description brève. ______________________________________ 33
3.1.2. Prédominance d'une vision purement vétérinaire de l'élevage au Sahel. _______________ 36
3.1.3. Orientations stratégiques et recherches. _________________________________________ 37
3.1.3.1. Trois postulats fondateurs . _______________________________________________ 37
3.1.3.2. De l'amélioration du cheptel local. Des illusions aux remises en causes. _____________ 38
3.1.4. Espaces pastoraux, de la logique militaro administrative aux ambitions de gestion rationnelle.
41
3.1.4.1. La période de conquête . __________________________________________________ 42
3.1.4.2. La période coloniale pacifiée. ______________________________________________ 46
3.1.4.3. La décennie de l'indépendance. ____________________________________________ 53
3.1.5. Transformer le pasteur "patriarche" en producteur averti.__________________________ 55
3.2. De l' indépendance jusqu'en 1972. _________________________________________ 60
3.2.1. L'élevage et ses filières. _____________________________________________________ 60
3.2.2. La gestion des espaces pastoraux. _____________________________________________ 62
3.2.2.1. Le cadre institutionnel de la modernisation pastorale.____________________________ 62
3.2.2.2. Mise en valeur des espaces pastoraux… sur le terrain. ___________________________ 64
3.2.2.3. Qui pilote ces orientations ? Expert ou bailleurs ? ______________________________ 67
3.3. de 1973 à 1985, les lendemains qui déchantent. ______________________________ 68
3.3.1. Réactions des pasteurs. ______________________________________________________ 68
2
3. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
3.3.2. Idéologie dominante dans les politiques de développement. _________________________ 70
3.3.3. Création des centres de multiplication du bétail. __________________________________ 73
3.3.4. La mise en œuvre de la modernisation pastorale. __________________________________ 75
3.3.4.1. Le rôle de l'IEMVT.______________________________________________________ 75
3.3.4.1.1. Le modèle de base : ___________________________________________________ 77
3.3.4.2. Le PENCE. Résumé de son action.__________________________________________ 80
3.3.4.3. Les acquis essentiels des grands projets et la lutte pour un nouveau paradigme du
pastoralisme. _____________________________________________________________________ 81
3.3.4.4. La sécheresse de 1984, sur fond de doutes et désillusions.________________________ 83
3.4. L'après 1985. __________________________________________________________ 87
3.4.1. Sur le terrain, l'abandon du secteur pastoral. _____________________________________ 87
3.4.2. Abandon des fleurons de la modernisation pastorale. ______________________________ 88
3.4.3. Les tendances de l'après 85. __________________________________________________ 89
3.5. De 1990 à nos jours. proximité et "responsabilisation", l'ère des sociologues et des
juristes.______________________________________________________________________ 93
3.5.1. Nouvelles perspectives et incertitudes.__________________________________________ 93
3.5.1.1. Un contexte trouble, des incertitudes nombreuses. ______________________________ 93
3.5.1.2. La gestion de l'espace pastoral revue et corrigée, la perte de toutes illusions.__________ 95
3.5.1.3. La "gestion de Terroirs" et le "développement local". Un recentrage des efforts sur le
monde agricole.___________________________________________________________________ 97
3.5.1.4. Dans la zone Nord, entre urgence, temporisation du conflit et développement pastoral.
Recherche d'interlocuteurs. __________________________________________________________ 98
3.5.1.5. Les ONGs et la question pastorale dans les années 90. __________________________ 102
3.5.1.6. Emergence du secteur associatif. ___________________________________________ 103
3.5.1.7. La sélection du cheptel partagée avec les éleveurs. Innovation de la CTB. __________ 106
3.5.2. Code rural, terroirs d'attache et décentralisation. L'ère des juristes. __________________ 107
3.5.2.1. Les soutiens aux commissions foncières. ____________________________________ 108
3.5.2.2. L'insoluble débat sur les terroirs d'attaches.___________________________________ 108
3.5.2.3. Le mythe du ranching refait surface. ________________________________________ 109
3.5.3. "Le rêve porteur de développement". Nouvelle approche de la DDC pour l'élevage sahélien. ______ 110
3.5.3.1. L'enthousiasme contagieux……. ___________________________________________ 110
3.5.3.2. ………Puis le dogme métaphysique.________________________________________ 111
3.5.3.3. Le dogme devient doctrine de politique interne. _______________________________ 115
4. Dynamiques actuelles du système pastoral et coopération au
développement. ______________________________________________________ 118
4.1. Sécheresses, sentiment de rupture climatique ? _____________________________ 119
4.1.1. Quelques rappels et précisions. ______________________________________________ 119
4.1.2. L’irrégularité inter-annuelle, et le sentiment de rupture d’équilibre. __________________ 121
4.1.3. Rappel de la réalité historique du climat. _______________________________________ 121
4.1.3.1. Préhistoire du climat. ____________________________________________________ 121
4.1.3.2. Fluctuations minimes au 20 ème siècle. _____________________________________ 122
4.1.3.3. Des perceptions à court terme sur le terrain. __________________________________ 123
4.1.3.3.1. Facteurs « conjoncturels de crise » liés à l’environnement et au climat. __________ 124
4.1.3.3.2. Facteurs liés aux systèmes de production. _________________________________ 126
4.2. Identification à l'espace, nomadisme et sédentarité.__________________________ 131
4.2.1. Difficulté de cerner une réalité mouvante. ______________________________________ 131
4.2.1.1. La mobilité, des formes infiniment variées.___________________________________ 131
4.2.1.2. La possession matérielle _________________________________________________ 132
4.2.1.3. Le village et la brousse, complémentaires et opposés. __________________________ 135
4.2.2. Eléments de perturbation du système de gestion des pâturages en saison sèche. _________ 136
4.2.2.1. Surabondance de points d’eau. ____________________________________________ 137
4.2.2.2. Accès par abreuvement mobile.____________________________________________ 138
4.2.3. Cadre législatif en gestation. ________________________________________________ 140
4.2.3.1. Situation actuelle des processus globaux, description et interprétation. _____________ 140
4.2.3.2. Reconnaissance formelle des Terroirs d’Attache. Formule salvatrice ou hérésie ? ____ 144
4.2.3.3. Risques inhérents à la formalisation des Terroirs d’Attache. _____________________ 146
3
4. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
4.2.3.4. Extrême des perceptions de sécurisation d’accès en zones pastorale, sur les espaces
identitaires des pasteurs et voie médiane. ______________________________________________ 151
4.2.3.5. Scénarios possibles d’évolution non souhaitables pour les 15 ans à venir. ___________ 152
______________________________________________ ___________________________________ 156
4.2.4. Caractériser le phénomène de sédentarisation. ___________________________________ 157
4.2.4.1. Résumer le phénomène de sédentarisation. ___________________________________ 159
4.2.4.2. Risques du phénomène de sédentarisation. ___________________________________ 160
4.2.4.2.1. Risque social dans les agglomérations. ___________________________________ 160
4.2.4.2.2. Risque écologique. ___________________________________________________ 161
5. Le pastoralisme sahélien, plus dynamique que jamais._______ 162
5.1. L' affrontement des idées. _______________________________________________ 162
5.1.1. L’Etat et les bailleurs…. peu d'avancées conceptuelles.____________________________ 162
5.1.2. Les Communes rurales… Outil à double tranchant._______________________________ 164
5.2. Résistance et adaptation du système. ______________________________________ 166
5.2.1. Maintien de la mobilité et des systèmes d'accès aux ressources. _____________________ 166
5.2.2. Evolution des systèmes d'échange et stratégies commerciales. ______________________ 168
5.2.3. Agro pastoralismes, exodes et stratégies de crises. _______________________________ 169
5.2.4. Récupération des innovations utiles. __________________________________________ 169
6. Conclusion. _____________________________________________________ 170
6.1. Reconnaissance de la rentabilité économique et sociale de l'élevage familial…? __ 170
6.2. Reconnaissance de la mobilité opportuniste comme meilleur outil de gestion ? ___ 172
6.3. Reconnaissance du pouvoir de gestion des ressources par les pasteurs…? _______ 173
6.4. Dépasser la crise de confiance. ___________________________________________ 173
7. ANNEXES. ______________________________________________________ 175
7.1. Annexe 1. Textes. ______________________________________________________ 175
7.1.1. Sur la modernisation pastorale ______________________________________________ 175
7.1.2. Sur la limite Nord des cultures. ______________________________________________ 176
7.1.3. Terroirs d'attache des pasteurs._______________________________________________ 179
7.2. Histoire de Baleiri à travers les deux sécheresses. ___________________________ 182
7.3. Description des résultats d’enquête et analyse à Tannatahmo. _________________ 194
Une gestion privative d'espaces pastoraux. _____________________________________ 194
7.3.1. Historique du site : ________________________________________________________ 194
7.3.2. Système de gestion des pâturages. ____________________________________________ 195
7.3.2.1. Système théorique. Principes de base. _______________________________________ 195
7.3.2.2. Questions quant à la répartition de la charge. _________________________________ 197
7.3.3. Principes de base, réalité du milieu, évolution actuelle. ___________________________ 198
7.3.4. Stratégie commerciale. _____________________________________________________ 199
7.3.5. Analyse rapide de la situation foncière. ________________________________________ 200
7.3.5.1. Statut de terroir d’attache. ________________________________________________ 200
7.3.5.2. Sur la question de la priorité et du droit d’exclusion. ___________________________ 201
7.4. tableau des valeurs fourragère des principaux ligneux. _______________________ 203
7.5. Capacité de Charge.____________________________________________________ 204
7.6. Documentation. _______________________________________________________ 207
7.6.1. Document de travail généraux sur les études antérieures et de référence globale. ________ 207
7.6.2. Documents cités dans le texte. _______________________________________________ 208
4
5. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
1. Présentation.
1.1. CADRE DE LA RECHERCHE.
1.1.1. CADRE GENERAL.
Cette recherche a été menée sous l'égide de l’IUED et de Daniel Fino, Chargé de cours, dans
le cadre du Diplôme de Recherche, afin d'analyser avec son appui et encadrement, les
politiques de développement et de coopération qui se sont attachées à proposer et mettre en
œuvre des stratégies de renforcement technique ou structurel de l’Elevage en Afrique sub-
saharienne depuis les indépendances.
L’auteur1 a bénéficié, avant de proposer cette recherche, de 14 années de collaborations
diverses au Niger, Tchad et Mauritanie dans des projets d’appui à l’élevage. Ces
collaborations ont concerné des contrats de moyenne durée avec des ONGs ou autre structures
sur des projets déjà partiellement défini (VSF, UICN, OXFAM,) la création et la mise en
œuvre de projets avec une ONG du Sud à vocation corporative, (4 ans avec l’AREN au
Niger), l'évaluation de projets de développement pastoral en Guinée (AFD), l'évaluation d'un
projet d'appui au pastoralisme au Burkina-Faso pour la DDC. Plus récemment, une
collaboration d'expert à moyen terme avec GTZ au Niger en 2004-2005 pour la réalisation de
deux études, l'une sur la gestion des risques en milieu pastoral, l'autre sur la définition d'une
stratégie de projet en matière de GRN pour un projet pastoral dans le Nord du Niger, a permis
d’affiner encore le travail de recherche et d’apporter des éléments que les expériences
précédentes n’avaient pas permis de bien approfondir.
Dans ces différents contextes de travail, au contact de philosophies diverses, l’auteur a pu être
progressivement amené à relativiser le rôle de l’aide publique ou privée au développement de
l’élevage au Sahel, en se confrontant aux contradictions des projets dans lesquels il avait à
travailler, mais aussi par observation des réalisations et approches d’autres projets ou
agences de développement dans les même pays, voir dans les mêmes régions.
Cette recherche se concentre principalement sur un pays, le Niger et des parallèles utiles à la
compréhension globale de l'évolution des politiques de développement seront opérés
fréquemment sur la base d'exemples dans d'autres pays sahéliens. Par exemple, comprendre
la philosophie du développement de l'élevage de la DDC au Sahel nécessitera un regard sur le
terreau expérimental qui a nourri ses idées au Burkina-Faso durant les années 90. Certains
courant de pensées ont pu agir différemment en Mauritanie.
1
Ancien éleveur de moutons, l'auteur est au bénéfice d'un diplôme d'Etat Français BAC +2 d' Agent de
Développement International. Largement autodidacte dans le pastoralisme sahélien, ce mémoire est une
synthèse de son expérience au Sahel et l'aboutissement de ses recherches personnelles.
5
6. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
1.1.2. DEFINITION THEMATIQUE.
1.1.2.1. Politiques de développement pastoral au Sahel.
Il convient ici de préciser ce que l'on entend par " Politiques de développement" dans le cadre
de cette recherche.
Les politiques de développement, tel que nous l'entendons ici, sont l'ensemble des
orientations stratégiques des bailleurs de fonds et des Etats, qui sous-tendent l'utilisation des
moyens financiers et les traduisent en "projets de développement" et en actions concrètes sur
le terrain.
Elles peuvent faire (ou non ) l'objet de lettres d'orientation interne formelles chez les bailleurs
et les Etats sous différentes formes (Lettre de politique thématique, plans de développement
sur du moyen et long terme, stratégies définies dans les programmes de développement,
etc…), mais sont en réalité la composante de ces orientations, de pratiques sur le terrain, et de
courants d'influences divers, qu'ils soient scientifiques, politiques ou le fruit de débats internes
chez les bailleurs. Nous nous intéresserons davantage à la manière dont les politiques sont
appliquées sur le terrain, aux stades de connaissances, aux croyances et aux influences qui
leur donnent leur caractère effectif et leurs effets, qu'aux textes qui les fixent temporairement
par écrit.
Ces politiques fluctuent dans le temps et sont la résultante de multiples combinaisons de
facteurs et d'influences. Le développement et la croissance économique des pays concernés
sont leur finalité, mais selon des angles de vue variables.
Parmi les facteurs et influences, les avancées de la recherche scientifique mais aussi ses
besoins de champs d'expériences, figurent en bonne place. L'interaction entre développement
et recherche est un facteur que l'on peut qualifier "d'historique" sur ce thème précis et l'on
cherchera plus loin a en relever les impacts sur les politiques. Les épisodes de sécheresses du
Sahel, l'incertitude climatique, mais surtout la perception de ces contraintes par les structures
de développement sont une autre influence majeure qui fera l'objet d'attention particulière.
Les politiques intérieures des Etats concernés ont également une part dans l'ensemble des
influences sur les politiques de développement, mais ces politiques sont elles mêmes soumises
globalement aux mêmes paramètres d'analyses cités plus haut, recherche et incertitude
climatique. Les besoins de sédentarisation en vue de meilleur contrôle des populations sont
fréquemment mis en avant mais nous les relativiserons. Une influence qui n'est pas à négliger
sera les propres politiques de développement agricole des pays donateurs et l'avancée de ces
débats au Nord. La "pensée productiviste" en matière de développement agricole, si elle est
remise en question au Nord avec une certaine efficacité et audience depuis quelques années,
n'en reste pas moins la base de pensée du développement agricole du monde industrialisé.
Les experts du développement ressortissant des pays du Nord ont été formés à cette école…
ainsi que ceux des pays du Sud qui en sont parfois les plus fervent défenseurs. A l'inverse, on
verra que le renversement de tendance "alternatif" amorcé dans les années 60 et qui est entré
aujourd'hui dans les sphères de décision des Etats du Nord, a également engendré ou soutenu
au Sud des remises en questions parfois salutaires et parfois hasardeuses des politiques de
développement de l'élevage.
Ainsi, des multiples facteurs se combinent et se chevauchent pour contribuer chez les
différents partenaires de développement et bailleurs, à dessiner en permanence une idée
fluctuante et imprécise de : "ce qui serait sage et pertinent pour appuyer l'élevage des pays
6
7. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
sahéliens". Des courants de pensée forts et parfois passionnés se confrontent, des intérêts se
mêlent au débat et le complexifient, des effets de mode dans "les cultures internes des
technostructures du développement" 2 passent et se suivent sous l'influence de personnalités
marquantes ou d'événements.
Enfin, dans les zones pastorales, donc chez les premiers intéressés, les conditions
environnementales, la démographie, les évolutions sociales chez les pasteurs, modifient à
chaque décennie les paramètres de ce que l'on pourrait chercher à caractériser comme une
réalité de base, mais qui échappe constamment à la synthèse.
Sur le plan de la finalité économique des politiques de développement de l'élevage, on peut
retrouver les oppositions des orientations politiques les plus classiques des orientations de
politique agricole dans le monde. La recherche d'une augmentation de "rentabilité" de
l'élevage se traduit souvent par la promotion d'idées de développement économique de type
"entreprise" en opposition avec un développement basé sur l'économie familiale des éleveurs.
D'un côté, on considère que des investisseurs appliquant un certain nombre de pratiques
jugées modernes sont plus à même de garantir un usage plus rentable des ressources naturelles
utilisées par un cheptel national donné. Ces investisseurs, consommateurs d'intrants importés,
utilisant des salariés et valorisant les disponibilités techniques et scientifiques disponibles
dans les pays concernés, sont souvent perçu comme l'avenir incontournable d'un élevage qui
serait plus rentable et dégageraient plus de revenus au niveau national. Les systèmes
commerciaux et les quelques utilisations de techniques supplémentaires au système
traditionnel contribuent à hausser l'image de cette activité auprès du niveau politique qui a
tendance à favoriser ce type d'investissement. La Banque Mondiale représente sans doute la
position la plus extrême de cette vision et influence beaucoup la politique nigérienne comme
on le verra plus loin. On peut qualifier cette tendance de libérale ou capitaliste dans sa
pensée.
A l'inverse, on considère que l'élevage devrait rester de type familial, argumentant sur sa
plus grande rentabilité nette, sur la dimension sociale de sa nature profonde et historique,
mais surtout sur le fait qu'il fait vivre des millions de pasteurs détenant un savoir faire
irremplaçable3 dans les pays sahéliens. Il s'agit ici de maintenir un niveau maximum de
pasteurs indépendants disposant de troupeaux modestes mais avec un fort taux d'exploitation
au profit d'économies familiales. La maîtrise foncière des espaces pastoraux par les
communautés de pasteurs représente un des enjeux majeurs des relectures des textes régissant
l'accès aux ressources naturelles et des processus de décentralisation depuis les 15 dernières
années dans tous les pays sahéliens. La tendance privilégiant l'élevage de type familial peut
être qualifiée de "socio-écologique" en opposition avec la première décrite plus haut et elle
comporte sans doute une composante "utopique" dans le sens où elle vise également à assurer
la perpétuation de cultures millénaires. Cette dimension anthropologique souvent perçue à
tort comme teintée de nostalgie, nuit parfois à un débat objectif et contribue à renforcer le fait
que les tenants de la tendance "technico-libérale" considèrent l'élevage familial et pastoral
comme archaïque.
Des divergences de vues tranchées sont donc à l'œuvre pour modeler en permanence les
politiques de développement nationales et les positions des bailleurs en fonction d'objectifs
2
Ce terme explicite est emprunté à FINO Daniel chargé de cours à l'IUED et directeur de cette recherche.
Ouvrage collectif sous la Direction de Daniel Fino, Impasses et Promesses, l'ambiguïté de la coopération au
développement. IUED Genève, 1996.
3
On remarquera dès ici que les investisseurs ne peuvent se passer de ce savoir-faire, recrutant les bergers ruinés
pour entretenir leurs troupeaux dans des zones pastorales aux conditions très difficiles.
7
8. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
économiques. Cette mouvance d'idées est aggravée par le fait que les agences et structures du
développement ne disposent pas toujours de réelles compétences dans leurs sphères de
décisions pour estimer avec l'efficience et le réalisme scientifique nécessaires, les différentes
options qui leur sont proposées et pour se doter de stratégies cohérentes. Nous allons décrire
les différentes orientations et les confronter avec une description objective et scientifique du
pastoralisme selon les recherches les plus récentes.
1.1.2.2. De l'analyse comparative des stratégies des bailleurs de
fonds, agences de coopération et ONG, avec les dynamiques
du système pastoral.
La comparaison porte sur deux objets :
• D'une part les politiques telles que définies au point 1.1.2.1. Leur traduction en projets
de développements avec leurs effets est présentée.
• D'autre part une vision la plus complète possible du système pastoral, à la lumière des
connaissances scientifiques et des recherches récentes.
De cette comparaison, qui s'inscrit sur un profil historique couvrant environ un siècle, soit
depuis la colonisation des pays sahéliens, doit émerger un certain nombre de champs
d'analyses précis. Il s'agit de comprendre où et sur quels points précis, la coopération au
développement a atteint ou non ses objectifs, et surtout pourquoi. Le postulat de base de cette
recherche était de démontrer que la simplification des problèmes et l'absence de vision
globale de la question pastorale avaient occulté aux décideurs des pans entiers de la réalité et
continuent encore d'engager des actions de développement et des usages de fonds importants
dans des voies sans issue.
___________________________________________________________________________
1.1.3. QUESTIONS SPECIFIQUES.
Ces questions sont strictement celles qui étaient proposées dans le dossier de recherche
présenté à l'IUED en 2002. Elles ont servit de guide tout au long de la recherche mais ne
seront pas reprises dans le mémoire de manière systématique.
Faible impact des aides au développement de l'élevage.
- Les Ambitions de l'aide au développement de l'élevage sont-elles réalistes ?
- Les décalages à la réalisation, descriptions d'objectifs cachés divergents des
acteurs.
- Les procédures des technostructures du développement. Intentions du
développement participatif et réalité.
Possibilités réelle ou supposées d'améliorer les conditions de l'élevage.
- Attentes des éleveurs, visions locales du développement.
- Possibilité d'amélioration techniques réelles.
8
9. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
- Illusions courantes des possibilités de renforcement technique.
- Description de cas concrets d'objectifs sans rapports avec les besoins.
- Exemples de progrès réels et adaptés aux attentes
- Exemple de APESS/DDC. Une tentative de rupture avec les concepts passés.
- Tendances nouvelles de renforcement des capacités de négociation pour l'accès
aux RNs, dans le cadre des décentralisations en cours et de la relecture ou création
des textes fonciers.
Ce qui a changé réellement depuis 40 ans en terme d'évolution positive.
- Accès aux soins de santé animale
- Vaccination, régression de certaines épizooties
- Reconnaissance du système, jusque dans les intentions des textes législatif.
- Emergence des organisations de base des éleveurs
- Prise de conscience progressive des partenaires du développement, (mais avec
distorsions)
- Infrastructures laissées par les projets.
Part d'innovations et mutations imputable aux projets.
- Les campagnes de sensibilisation
- L'effet d'imitation par le milieu
- Les récupérations spontanées d'améliorations techniques par le milieu
Rôles des structures professionnelles des éleveurs.
- Distinction, complémentarité et/ou contradiction des deux rôles fondamentaux,
recherche d'appui et outil de représentation des intérêts.
- Part variable de ces deux aspects selon le vécu des intéressés et la part de revenu
que représente l'élevage dans leur économie.
- Comment sont-elles perçues par les agences de développement ?
- Quels sont les courants et les difficultés qui les traversent ?
- Analyse des perceptions réciproques et des objectifs à travers les outils de
compréhension des conflits.
___________________________________________________________________________
1.1.4. METHODOLOGIE.
1.1.4.1. L'ambition initiale.
La méthodologie de la recherche et de sa présentation, répondaient dès le départ au souci de
partager des convictions issues de la capitalisation d'une expérience professionnelle acquise
au contact des pasteurs et de multiples rencontres et collaborations avec d'autres experts. Un
constat : Plus on apprend sur le système pastoral du Sahel, plus sa complexité apparaît, et
plus on relativise la possibilité de réellement apporter une aide efficace à travers les processus
de la coopération internationale selon les mécanismes actuels. Après avoir suivi en confiance
bien des chemins de pensée décrits dans ce mémoire comme sans issues, l'auteur a
aujourd'hui le souci d'aider au dépassement de malentendus historiques et de recentrer les
débats sur le pastoralisme là où il lui semble utile de se concentrer durant les décennies à
9
10. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
venir. Le choix du Niger est lié a une plus grande expérience de l'auteur de ce pays, mais
aussi au fait que la problématique pastorale y est plus précise et plus exacerbée que dans les
pays voisins.
La longue description analytique de l'histoire du développement pastoral, ou tout au moins
des efforts consentis dans sa direction, est donc essentielle pour tracer la genèse des
errements et tâtonnements déguisés en certitudes scientifiques depuis que la colonisation a
tenté de prendre les rênes de l'histoire sur le continent africain, compromettant à tout jamais
d'autres futurs possibles. Les influences venues du monde industrialisé, ses croyances, ses
visions de l'avenir, font partie intégrante de cette histoire, et agissent comme des influences
cachées sur tout les débats actuels au sahel nigérien quand on parle d'élevage. La pauvreté du
pays, la lutte pour la survie, la compétition pour l'espace, les jeux politiques, la survivance
d'une aristocratie pastorale, les innombrables mécanismes et réflexes sociaux engendrés par
l'aide au développement et la création de l'Etat moderne, sont d'autres éléments qui
complexifient le débat. Tout ceci est tellement imbriqué dans tous les thèmes que la logique
peut déterminer concernant le pastoralisme actuel, que de multiples raccords entre les
chapitres du documents ont été inévitables, au risque de créer des répétitions. Nous espérons
qu'à la fin de la lecture de ce document, les malentendus pourront être compris et dépassés, et
que les priorités actuelles pour permettre au pastoralisme nigérien de survivre seront
clarifiées.
1.1.4.2. La méthodologie elle-même.
L'ambition de démontrer la nécessité d'aborder le pastoralisme par une vision globale,
nécessitait de l'aborder nous même en tenant compte de toute les voies académiques
existantes. La climatologie, la science vétérinaire, la sociologie, l'analyse juridique, l'histoire,
l'écologie, l'économie, participent à parts égales à la compréhension de ce système.
Le choix d'une description des politiques successives en ordre chronologique s'est imposé par
l'existence des grands courants de pensées qui sont décrits, et qui sont liés à l'histoire.
Concernant la phase de collecte des données, c'est sur la base d'une prévision détaillée des
thèmes à traiter, approuvée par l'IUED, qu'elle a été menée.
Une mission de trois semaines à Niamey en 2003 a permi de collecter plus de 109 documents,
dont 2/3 en format papier et 1/3 sur support informatique. Une grande partie d'entre eux
provient des archives du Ministère du développement rural, et le reste est issu des rencontres
avec les différents projets et bailleurs de fonds. La DDC notamment a mis à disposition ses
archives à Niamey.
Le Secrétariat Permanent du Code Rural nous a fourni tous les textes de Lois sur CD-rom.
Une part non négligeable de la documentation utilisée était déjà en possession de l'auteur, une
autre partie a été trouvée auprès de sources diverses, experts, bibliothèque IUED, Internet.
Les deux études de 2004 et 2005 pour le LUCOP-Tan, GTZ, ont également permis de
collecter de la documentation et surtout de repréciser des points essentiels des postulats de
base de la recherche.
___________________________________________________________________________
10
11. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
1.2. PRECISION DES CONCEPTS UTILISES.
Termes utilisés Définition dans le cadre de la recherche
Climax Type végétal caractéristique et persistant qui domine
un site quelconque en fonction du sol et du climat de ce
site. Si ce climax se trouve dérangé (par surpâturage
en saison des pluies ou déficit pluviométrique ou
passage du feu…), la végétation d’origine peut y
revenir en passant par des étapes successionnelles. 4
Communauté Tout ensemble d’individu qui a une stature sociale,
économique ou culturelle avérée et dont les membres
se reconnaissent comme tels et sont perçus comme tels
par les autres.
Conflit Un conflit5 est une situation de polarisation
antagonique entre deux ou plusieurs communautés,
entre une (des) communauté(s) et l’Etat. La source de
cette polarisation est une contradiction structurelle
affectant la vie des acteurs concernés. L’antagonisme
résultant de ladite polarisation génère une hostilité
quasi permanente pouvant engendrer des
confrontations violentes récurrentes et/ou durables
entre les acteurs en question, confrontations ayant le
potentiel de compromettre gravement la quiétude
sociale.
Il est considéré comme latent, tant qu’il reste
caractérisé par une hostilité et une polarisation des
intérêts. Il est déclaré ouvert lorsque les manifestations
violentes ont déjà été déclenchées par l’une ou
plusieurs des parties.
Endodromie6 Henri Barral a fait une recherche sur les systèmes
pastoraux dans la province d’Oudalan au Nord du
Burkina Faso (1974). Délimitant les parcours partagés,
il a employé le concept d’ « endodromie » avec lequel
il conçoit les aires pastorales à l’intérieur desquelles
s’effectuent, selon un cycle annuel, les déplacements
d’un nombre à peu près constant de troupeaux et de la
population qui les accompagne. Chaque zone
d’endodromie pastorale comporte :
un certain nombre de points d’eau pérennes
utilisés en saison sèche
des parcours de saison sèche exploités à partir
de ces points d’eau
des terrains de culture « nomades » ou des
terroirs villageois rattachés à ces points d’eau
des points d’eau temporaires de saison des pluies et les
parcours qui leur sont associés.
Gestion des Ressources Naturelles On entend par Gestion, le fait de mettre en place et
d’appliquer des règles d’usage raisonnées et viables des
RN permettant leur renouvellement et la préservation
4
Repenser l’écologie des parcours, implications pour la gestion des terres de parcours en Afrique. R.H. Behnke
et I. Scoones, dossier IIED N° 33, 1992
5
Etude d’identification et d’analyse des conflits dans les zones d’intervention du PNN et du PDRT. Août 2002,
Dr. Pascal de Campos, Cabinet Nazari.
6
Mission d’appui à la formulation d’une stratégie au processus de sécurisation foncière dans les arrondissements
de Tchintabaraden et d’Abalak. Ingrid Poulsen, RDP Livestock, Rapport de Mission, 21 novembre – 6
décembre 2002
11
12. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
de leurs conditions de production. La gestion se
distingue de l’utilisation simple par le fait que des
règles existent et sont en vigueur. La gestion peut être
le fait de règles formelles ou informelles, écrites,
orales, ou même tacites (tacite = connues mais non
exprimées).
Ligneux Le terme "ligneux" désigne les arbres et arbustes en
différenciation avec les plantes dites "herbacées" dont
les tissus constitutifs ne se "lignifient " pas en tiges
permanentes (troncs et branches).
Litige Situation de divergence de vues et de concurrence
d’intérêts entre deux ou plusieurs communautés, entre
une (des) communauté(s) et l’Etat. Le litige se
caractérise par le fait que des voies pacifiques,
administratives, coutumières, restent les voies utilisées
par les parties, dans le but d’obtenir gain de cause, mais
aussi dans le but partagé d’éviter au litige d’évoluer
vers le conflit.
Nomadisme Ce mot désigne à l’origine le fait de vivre sans
domicile fixe et en déplacement à la recherche de
ressources ou de moyens de vivre, en communautés
familiales. Les Nomades, par définition, ne sont pas
forcément des pasteurs. Ils peuvent être pêcheurs,
chasseurs, musiciens, artisans, etc….
Des usages abusifs et indifférenciés ont donné à ce mot
un sens imprécis au Sahel et au Sahara d’une manière
générale.
Tout pasteur pratiquant le pastoralisme est nomade par
définition, puisqu’ il est en déplacement continuel pour
ajuster les besoins de son cheptel aux ressources
disponibles. On devrait distinguer ce système avec la
pratique agropastorale qui induit généralement un lieu
de domicile fixe pour la pratique agricole. Les
agropasteurs ne sont donc pas nomades, même si leur
cheptel et ses bergers sont Transhumants.
Pourtant, le mot nomade sert aujourd’hui à désigner
les pasteurs pratiquant une faible mobilité à l’intérieur
d’une zone d’attache, n’en sortant que par nécessité
conjoncturelle.
L’usage des mots nomade et nomadisme nous parait
impropre à qualifier ce mode de mobilité réduite. Le
terme correct pour désigner ce mode de mobilité
réduite est Endodromie.
Nous n'utiliserons donc pas le mot Nomade dans notre
texte en raison des usages différents qui en sont fait au
Sahel et avec lesquels nous sommes en désaccord.
7
Pasteurs …tout groupe humain et social qui se caractérise
historiquement et socialement par sa mobilité et dont
l’élevage constitue l’activité principale.
Nous préciserons ici la nécessité de pratiquer l’élevage
mobile au quotidien pour être qualifié de pasteurs, afin
de différencier le pasteur de celui qui dispose d’un
cheptel gardé par des bergers tout en restant sédentaire
et pratiquant d’autres activités.
Pastoralisme Mode d’élevage valorisant des ressources dispersées
dans le temps et l’espace grâce à la mobilité du cheptel
et des familles de pasteurs qui en sont propriétaires et
7
Texte complémentaire du Code Rural Nigérien. Décret N° 97-007/PRN/MAG/E du 10 janvier 1997 fixant
statut des terroirs d’attache des pasteurs
12
13. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
qui en vivent. Le mot pastoralisme est utilisé pour
désigner un élevage mobile familial, avec une
interdépendance entre la famille et le cheptel qui la fait
vivre, ainsi qu’une culture et une connaissance
technique liées à ce mode d’élevage. La seule mobilité
des animaux ne suffit pas à l’usage du mot
« pastoralisme ».
Ressources Naturelles Eau de surface et du sous-sol, pâturages herbacés et
aérien, espace, produits de cueillettes, bois. Par
Naturelle on comprend une ressource produite par la
nature, d’une manière non organisée et planifiée par
l’homme. Le pâturage, même faisant l’objet d’une
gestion, est une RN. Les récoltes de champs cultivés et
semés ne sont pas une RN, mais l’espace sur lequel est
implanté le champ et la terre qui le constitue avec sa
vie biologique est une ressource naturelle. Le mot
Ressource quant à lui, indique que le produit concerné
est utilisé par l’Homme pour ses besoins.
Structurel Tout aspect constitutif du tissu social, économique ou
culturel ayant un effet sur l’accès et l’exploitation des
RN, la répartition des richesses, le statut social, les
idéologies ou tout autre paramètre pouvant affecter de
larges pans de la société.
8
Terroirs d’Attache Unité territoriale déterminée et reconnue par la
coutume et/ou les textes en vigueur à l’intérieur de
laquelle vivent habituellement durant la majeure partie
de l’année des pasteurs, unité territoriale à laquelle ils
restent attachés lorsqu’ils se déplacent, que se soit à
l’occasion de la transhumance, du nomadisme ou des
migrations.
Ainsi, « Terroirs d’attache » ne désigne pas seulement
le Droit d’usage prioritaire formalisé par les textes et
l’inscription au dossier rural, mais préfigure
antérieurement une notion réelle à laquelle les pasteurs
souscrivent largement lorsqu’une définition réaliste
leur en est donnée. Tous les pasteurs, y compris les
plus mobiles, ont un terroir d’attache, même dans le cas
où celui-ci ne leur est pas entièrement dévolu et qu’ils
le partagent avec d’autres. Par ailleurs, cette notion
antérieure au texte concerne les pasteurs sahéliens et
sahariens en générale, pas seulement les pasteurs du
Niger.
Transhumance Déplacement régulier du cheptel vers une destination
plus ou moins définie et à une période plus ou moins
précise de l’année. Les vastes mouvements vers le
Nord en SP par exemple, ou vers le Sud en SS, sont
une transhumance. De grandes variables interviennent
dans les itinéraires et destinations en fonction de la
localisation des ressources recherchées et des droits
d’accès à ces ressources.
Dans le langage actuel sur le terrain et chez la plupart
des intervenants au Niger, le mot transhumant sert à
désigner les pasteurs pratiquant une grande amplitude
de mobilité vers des directions variables en opposition
au mot "nomadisme et nomades" qui eux désignent
des pasteurs à mobilité réduite et endodromique. Nous
nous distancerons de cette distinction car nous la
jugeons trop réductrice et peu conforme à la réalité.
8
Idem
13
14. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
Zone agricole Zone située au Sud de l’isohyète 400 mm, où la culture
sous pluie trouve des rendements satisfaisants et
réguliers même en année relativement sèche. Au Nord
de cette isohyète, les récoltes ne peuvent intervenir que
deux ans sur trois en moyenne, sur certains terrains
seulement, et avec des rendements faibles.
Zone agropastorale Zone intermédiaire située approximativement entre le
13 ème et le 15 ème parallèle, entre les isohyètes 300 et
400 mm, dans laquelle pastoralisme et agriculture
doivent cohabiter. En pratique, l’agriculture est
devenue de fait prioritaire dans cette zone, et les
conflits entre usagers sont fréquents et récurrents.
L’agriculture a triplé ces surfaces dans cette zone
depuis les années 70.
Zone pastorale Une définition existe sur la base de la Loi 1961, fixant
la limite Nord des cultures. Nous ne la retiendrons pas
puisqu’elle ne fût jamais vraiment appliquée. Nous
retiendrons toutefois une limite au Nord de la zone de
l’isohyète 300 mm, au delà de laquelle la culture sous
pluie devient aléatoire et non rentable, conférant à la
zone une vocation pastorale quasi exclusive. Nous
situerons cette limite à hauteur du 15 ème parallèle
environ, même s’il est évident que des cultures sous
pluies existent au Nord de cette limite. La limite de
l’isohyète 300 mm est également celle au Nord de
laquelle les pâturages acquièrent une haute valeur
fourragère, notamment par leur teneur en MAD et
phosphore.
__________________________________________________________________________
1.3. REPERTOIRE DES SIGLES ET ABREVIATIONS.
AEF Afrique Equatoriale Française. Entité administrative coloniale française couvrant
plus ou moins l'actuelle Afrique centrale francophone, moins la RDC qui était une
possession belge.
AFD Agence Française de Développement
AG Assemblée Générale
AGRHYMET Créé en 1974, le Centre Régional AGRHYMET est une institution spécialisée du
Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS).
Centre de formation et de recherche en météorologie notamment, orienté vers la
production agricole et la sécurité alimentaire. Basé à Niamey.
AOF Afrique Occidentale Française. Entité administrative coloniale française, actuelle
Afrique de l'Ouest francophone.
APESS Association de Promotion de l'Elevage au Sahel et en Savane
AREN Association pour la redynamisation de l'élevage au Niger.
AZAWAK Race bovine de l’Est du Niger dont un projet de la CTB pratique la sélection et la
diffusion, et dont il a prit le nom.
BP Before Present, référence internationale en archéologie et préhistoire. Il s'agit de
l'année 1950 utilisée comme point 0 dans les mesures de temps par radiocarbone
BRGM Bureau de recherche géologiques et minières. France
CAPAN Collectif des associations pastorales du Niger
14
15. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
CILSS Comité Permanent inter Etat de lutte contre la sécheresse dans le Sahel.
CIPEA Centre pour la promotion de l'élevage en afrique
CMB Centre de multiplication du bétail
COFO Commissions foncières
CTB Coopération technique belge
GRN Gestion des ressources naturelles.
IEMVT Institut d'Elevage et de Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux
IIED Institut international pour l'environnement et le développement (GB)
INRAN Institut national de recherche agronomique au Niger
IRAM Institut de recherche en méthodologie appliquée. Bureau d'étude français
LUCOP Lutte contre la pauvreté, projet GTZ , parfois accompagné de "Tan" qui signifie
Tahoua et Nord.
MAD Matière Azotée Digestible. Il s'agit de la part de protéines réellement assimilables
par la digestion des ruminants dans un type de fourrage ou une plante donnée. Cette
mesure différencie de la teneur en protéines totales qui ne sont pas toutes sous une
forme assimilable.
MARP Méthode accélérée de recherche participative. Le mot "accélérée" fût souvent
remplacé vers la fin des années 90 par "active".
MS Matière sèche. Il s'agit de la matière totalement déshydratée d'une plante fourragère,
soit environ 30% de son poids initial. Le fourrage est toujours exprimé en MS dans
les calculs de ration ou les estimations de production fourragère d'une zone donnée.
NRLP Niger range livestock project
ODI Oversas institut development ( GB)
OP Organisations de Producteurs
PAAPB Projet d'appui aux associations pastorales de Bermo. Bermo est un poste
administratif au Nord de Dakoro, département de Maradi.
PASEL Projet d'appui au secteur élevage (DDC)
PASP Projet agro-sylvo-pastoral
PENCE Projet Elevage Niger Centre Est
PGCRN Programme pour la Gestion Conjointe des Ressources Naturelles
PNN Projet Nord Niger de la GTZ
POCR Principes d'Orientation du Code Rural. Premier texte produit par le SPCR en 1993
PPCB Péripneumonie contagieuse bovine
PPP Projet Pastoral Pilote
PROZOPAS Projet zone pastorale de l'UE
RESAL Réseau sécurité alimentaire
RN Ressources naturelles
SAF Schéma d'aménagement foncier
SP Saison des Pluies
SPCR Secrétariat permanent du Code Rural
SS Saison sèche
SSC Saison sèche chaude
SSF Saison sèche froide
T.A. Terroirs d'Attaches, selon l'idée juridique définie par les textes complémentaires au
Code Rural en 1997.
UBT Unité Bovin Tropical : animal de référence de 250 kg ayant achevé sa croissance
(norme Boudet et Rivière, IEMVT). Le coefficient de correspondance d’une espèce
animale en UBT est égal au poids métabolique de l’animal divisé par 62,9 soit 0,81
UBT pour un bovin ; 0,18 UBT pour un ovin ; 0,16 UBT pour un caprin ; 1,18
UBT pour un camelin et 0,63 UBT pour un asin.
UE Union Européenne
VSF Vétérinaires sans frontières
15
16. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
___________________________________________________________________________
référence.
2. Cadre technique de référence.
Le pastoralisme doit être envisagé par différents angles scientifiques pour être abordé avec
une compréhension globale. On ne peut donc faire l'économie d'en dessiner les contours à la
lumière des recherches pertinentes et récentes avant de poursuivre. Les connaissances
minima sur les fonctionnements de la végétation des pâturages sont indispensables à la
compréhension des fondements de la mobilité du cheptel.
Nous tenterons ici de résumer au maximum les notions de base nécessaires afin de permettre
la lecture de ce qui suit sans alourdir le texte. Cela suppose que des références, des analyses,
des exemples concrets issus de nos recherches personnelles ou de celles d'autres confrères ne
figureront pas dans ce chapitre. Nous renverrons donc aux annexes.
2.1. DEFINITIONS ET CADRAGE DE L'ETUDE .
2.1.1. CONTEXTE DU PASTORALISME AU SAHEL.
2.1.1.1. Climat et cycles.
Il peut être utile de rappeler brièvement le cadre
environnemental dans lequel évolue le pastoralisme au Sahel
et plus précisément au Niger.
Ce mode d'élevage des ruminants est induit par la fluctuation
dans le temps et dans l'espace des ressources fourragères
naturelles, composées en majeure partie de graminées
annuelles à cycle court. La mobilité du cheptel et des familles
permet d'accéder aux ressources
Ci contre, fourrage aérien, Marua crassifolia.
fourragères là où elles se trouvent, leur production étant aléatoire, variable dans l'espace et
imprévisible.
Le pastoralisme utilise et valorise des espaces arides au nord de l'isohyète 350 mm où
l'agriculture sous pluie est peu ou pas du tout présente en raison de l'insuffisance et de
l’irrégularité des précipitations. Il utilise également en saison sèche, des zones au Sud de
16
17. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
cet isohyète où il cohabite avec les utilisateurs agricoles de l'espace, mais le plus souvent en
dehors des périodes de végétation.
On distingue le plus souvent deux "grandes saisons". La saison des pluies, de juin à
septembre, durant laquelle la totalité des pluies annuelles tombent et durant laquelle la
végétation est vivante. La saison sèche dure d’octobre à mai. Durant cette saison le bétail
consomme en majeure partie des pailles sèches sur pied issue la saison des pluies
précédente.
On distingue plus précisément, dans le cycle pastoral lié à ce climat, 5 saisons.
o La saison froide, de novembre à février, au cours de laquelle la température peut
descendre jusque vers 5° au matin et ne dépasse guère 25° dans la journée.
o La saison sèche chaude, de mars à mai, période la
plus éprouvante en raison de la chaleur et de la
déperdition de valeur nutritive des plantes sèches
sur pied. La température dépasse fréquemment les
45° en pleine journée. Ici à droite, des stocks de
fourrage sur pied en saison sèche chaude.
o Le début de la saison des pluies, de juin à mi-
juillet selon les années. Cette période est la plus
difficile car les animaux souffrent des privations de la saison sèche passée, les stocks
de fourrage sur pied sont épuisés, alors que les repousses de pâturages sont encore
insuffisantes et incertaines. Par ailleurs, c'est également la saison durant laquelle
des déplacements importants ont lieu notamment vers le Nord car les conflits sont
fréquents avec les agriculteurs dans les zones méridionales mieux arrosées en raison
de la reprise des cultures pluviales.
o La saison des pluies "installée", de mi-juillet à
fin septembre. le pâturage herbacé vert est
abondant et d'une qualité croissante vers le
Nord, les eaux de surfaces permettent un
abreuvement sans les puits, c'est la période de
reconstitution des forces, pour les pasteurs
comme pour le bétail. Ici à droite, une vallée de
savane en saison des pluies à maturation des
graminées.
o La petite saison chaude, de fin septembre à novembre. C'est période où la
température remonte sensiblement après la saison pluvieuse. Le fourrage est
maintenant sec sur pied mais les eaux de surfaces ne sont plus disponibles dans le
Nord. C'est la saison durant laquelle le risque de feux de brousse est le plus élevé en
raison de la forte densité de paille sèche encore peu consommée par le bétail.
17
18. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
2.1.2. ECOLOGIE DES PATURAGES. NOTIONS
ESSENTIELLES.
Nous tenterons uniquement ici de présenter quelques bases de cette écologie, et surtout d'en
dégager les points qui nous semblent essentiels pour la compréhension du système,
notamment en vue de servir de référence aux analyses des politiques de développement qui
suivent.
On retiendra que les zones arides et semi arides, donc où l'élevage
mobile reste le mode d'usage des ressources naturelles le plus courant,
représentent 55 % des terres émergées d'Afrique, et qu'elles abritent 59 %
de son cheptel, toutes espèces confondues.
2.1.2.1. Description générale de l'environnement.
Le type d’environnement concerné en premier lieu par le pastoralisme de l’Afrique de l’Ouest
est la savane.
La savane se défini comme étant composée d’une strate herbacée continue, et d’une strate
ligneuse dont la fréquence permet de différencier plusieurs types de savane9 :
• Savane boisée ( arbres et arbustes forment un couvert clair)
• Savane arbustive ou arborée ( le couvert ligneux est disséminé )
• Savane herbeuse ( arbres et arbustes sont quasiment absents)
La savane est caractérisée par une symbiose entre les ligneux et la strate herbacée.
1/4 des terres émergées du globe sont composées de savanes, si on englobe dans cette
catégorie, les steppes.
La steppe dans son sens le plus strict est caractérisée par des espèces vivaces et surtout par
un rythme biologique comportant deux périodes de repos annuelles, (hiver - été). Or un tel
rythme est absent de l'Afrique tropicale, et l'on devrait plutôt adopter le terme de pseudo -
steppe, ou encore celui plus précis de "savane steppique", là où la savane, aux limites de
l'aridité, revêt un couvert discontinu10.
9
Accord interafricain sur la définition des types de végétation de l'Afrique Tropicale. Trochain J-L 1957,
Bulletin de l'Institut d'Etudes Centrafricaines N° 13-14 pp 55-93.
10
Riou G. 1995, Savanes - l'herbe, l'arbre et l'homme en terre tropicales, Masson-Armand Colin, Paris, cité
par B.Thébaud en 1999, formation au nouveau paradigme, SOS-Sahel GB / IIED, Zinder, Niger.
18
19. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
A gauche, savane arbustive, à couvert continu et à dominance d’Acacia radiana.
A droite, savane de type « steppique » à couvert discontinu, à Commiphora africana, au premier plan.
2.1.2.2. Influences sur l’équilibre de la végétation des savanes du
Sahel.
Des influences diverses modifient constamment la végétation des savanes du Sahel:
- La pluviométrie
- Les sols
- Le relief et la topographie
- L’Homme et l’élevage.
- la faune sauvage
- Le feu.
Les zones pastorales du Sahel sont façonnées par un équilibre toujours fragile entre le cheptel
de ruminants et les plantes, arbres et herbacées. Il ne s'agit pas d'un milieu à proprement
parler "originel" ou primaire. Les savanes sahéliennes sans l'élevage seraient plus pauvres
d'un point de vue de la diversité botanique, traversées de feux beaucoup plus importants, et
le couvert arboré lui-même serait moins dense.
Au Sahel, la strate herbeuse est composée essentiellement de graminées annuelles, et de
légumineuses annuelles. Les plantes herbacées pérennes y sont rares et généralement
localisées. Leur contribution à la biomasse herbacée est très faible. Ces plantes annuelles
n’ont qu’une durée de vie limitée aux quelques mois de saison pluvieuse, de juin à septembre,
et n’ont d’autre finalité biologique que de produire des semences pour l’année suivante. La
biomasse à l’état sec des plantes herbacées, racines comprises, n’est donc pas considérée
comme faisant partie du cycle végétatif. Sa destruction par le feu, par exemple, n’a pas de
conséquence négative pour la repousse de l’année suivante. Le feu permet parfois de
débarrasser le sol des résidus des annuelles qui perturbent la croissance des plantes nouvelles.
Ce sont les semences des annuelles, enfouies dans les sols à des profondeurs variables, qui
assurent la pérennité du tapis herbacé. La consommation totale des pailles résiduelles par le
bétail n’a également aucune conséquence négative.
19
20. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
(un «réveil» des plantes vivaces par le passage des feux est souvent cité comme avantage,
mais dans la réalité, dans l'écosystème sahélien, ce phénomène est rendu rarissime par la
rareté des pâturages où les espèces vivaces ont une contribution significative ).
On ne peut donc pas parler de surpâturage de la strate herbacée en saison sèche. Au
contraire, il faut que les résidus secs des annuelles soient consommés pour permettre à la
strate herbacée nouvelle de pousser. Le surpâturage ne peut concerner que des espaces soumis
en permanence à la pâture durant la période croissance des plantes, par exemple en saisons
des pluies autour des villages avec un cheptel non mobile.
L’absence ou l’insuffisance de pâture, par contre, à des effets négatifs très importants, car la
strate herbacée sèche va se coucher et pourrir en un tapis épais lors des pluies suivantes. La
germination des semences et surtout la levée des plantules en seront perturbées. En saison
sèche, le feu interviendra avec plus de
probabilité, le combustible étant
important, mais surtout, il interviendra
avec plus d’intensité, mettant en danger
la survie des ligneux si la saison est
avancée. On voit sur l’image de gauche,
prise en Mauritanie en juillet, que la
repousse est fortement gênée là où le feu
s’est arrêtée et qu’elle est favorisée là où
le terrain était nu. C’est pourquoi le feu
précoce est utilisé comme outil de
gestion dans les parcs nationaux, sous
contrôle des spécialistes, car la pâture
par la faune est généralement insuffisante. Enfin, le brassage des couches superficielles du
sol sur les terrains sableux par le piétinement du bétail est également un élément important qui
favorise la germination. L’absence de cet important facteur réduit notablement le taux de
germination des semences sur une surface donnée (A ne pas confondre avec le phénomène de
compactage des sols partiellement argileux, qui concerne des phénomènes liés justement à
une insuffisance de mobilité des troupeaux).
Il faut ajouter que le bétail contribue largement à la dissémination des semences des
annuelles, participant ainsi de façon très significative aux transports de matériel génétique et à
la sauvegarde de la biodiversité. Ce déplacement des semences s’effectue de plusieurs
manières :
Zoochorie Par accrochement au pelage des animaux
Endozoochorie Par les tubes digestifs. Pour les graminées, c’est 10% des semences
ingérées qui gardent leur pouvoir de germination. Pour les graines des
principaux ligneux, on sait que la dormance des graines ne peut être
levée sans le passage dans le tube digestif. L’absence de bétail signifie
directement l’absence de régénération des ligneux au Sahel (cette règle
est valable pour Balanites aegyptiaca, Acacia albida, Acacia seyal,
Acacia nilotica, et la plupart des espèces de Combrétacées, soit la
grande majorité des arbres et arbustes du Sahel)
Anénochorie transport par le vent, facilité par le brassage des couches superficielles
du sol.
__________________________________________________________________________
20
21. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
2.1.2.3. Germination et croissance des herbacées annuelles.
Nous nous limiterons à en relever la complexité, sans en détailler tous les facteurs et
mécanismes.
Le Pouvoir Germinatif moyen des semences des graminées est de 90%. Celui des
légumineuses n’est que de 50 %. Il est donc aléatoire, ce qui explique leur présence moins
marquée dans la strate herbacée, largement dominée par les graminées annuelles11.
La germination des semences dépend de conditions diverses qui se combinent, pour multiplier
à l’infini les scénarios sur la parcelle de terrain.
Elle dépend de :
La température. D’une portion de sol à l’autre, d’un jour à l’autre, cette
température varie considérablement selon l'inclinaison, l'exposition.
L’humidité. D’une portion de sol à l’autre, cette humidité est variable selon la
position dans une pente, l'infiltration, l'évaporation, la structure du sol.
De plus, l’irrégularité des pluies en début de saison détermine la germination ou
non de telle ou telle espèce, qui a ses préférences.
La profondeur à laquelle se trouve la graine. En surface, ou à 5 cm, les
conditions ne sont pas du tout les mêmes.
La génétique. C’est l’aspect le plus complexe. Même appartenant à la même
espèce, et placées dans des conditions absolument identique, même en
laboratoire, certaines graines vont germer à la première humidification, d’autre
à la seconde, à la troisième, à la quatrième....ou de ne pas germer et attendre un
an, deux ans, 10 ans.....
On appelle cette germination «étalée» en raison de plusieurs facteurs, levées successives par
cohortes.
Cette complexité du pouvoir germinatif des semences est l’une des raisons pour laquelle la
composition floristique et la biomasse d’une parcelle varient d’une année à l’autre, et qu’il est
quasiment impossible de faire des prévisions sûres dans ce domaine au Sahel. A l’inverse,
sur des pâturages composés de plantes pérennes, comme dans les climats tempérés par
exemple ou dans les plaines d’Amérique du Nord ou d’Océanie, les compositions floristiques
restent inchangées durant plusieurs années avec
des contributions stables des espèces implantées,
à la biomasse totale d’une production qui varie
peu également.
On verra qu'une prise en compte insuffisante de
cette différence fondamentale a pu engager la
recherche elle-même et les politiques de
développement vers des voies peu fécondes en
terme de résultat et consommatrices de fonds
importants.
A droite, pousse de Cenchrus biflorus, graminée, avec
Zornia glochidiata, légumineuse.
11
Pastoralisme, troupeaux, espace et sociétés, ouvrage collectif sous la coordination de Daget P et Godron M,
Universités francophones, Hatier, Paris, 510 pages. Chapitre 6.
21
22. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
La production numérique de semences des graminées annuelles au Sahel est importante.
Par exemple, Panicum laetum, une graminée annuelle courante du Sahel, peut produire de
50 000 à 70 000 graines au m2. Ces graines sont ce que l’on appelle le stock semencier
initial. Une partie sera emportée par le vent, les fourmis et termites, les oiseaux, etc... il
restera le stock semencier final qui représente 50% du stock semencier initial.
Une partie, variable selon les conditions cette année là, va germer en saison pluvieuse, et
l’autre partie va constituer ce qui est appelé le stock résiduel. Ce stock résiduel, comme on
l’a vu plus haut, pourra continuer à germer au gré des saisons et des conditions qui lui seront
favorables, durant plusieurs années.
Ceci explique comment des espèces que l’on croyait disparues depuis plusieurs années dans
certains endroits, font des réapparitions spectaculaires lorsqu’elles retrouvent les conditions
climatiques qui leur conviennent.
Un exemple récent a bien illustré ce mécanisme au Niger en 1999. A la suite de 2 saisons des
pluies excellentes aussi bien dans le cumul pluviométrique que dans la régularité, la plante
semi-vivace Chrozophora brochiana s'est ré-implantée massivement sur les ensembles
dunaires fixés qui composent la zone pastorale du centre entre 300 mm et 150 mm d'isohyète
après plus de 10 ans d'absence.
Ces mécanismes complexes sont encore influencés par les variations inter-annuelles des
régimes des pluies. D’une année à l’autre, ni la biomasse totale, ni la composition floristiques
des herbages ne peuvent être identique. Les écarts peuvent être de 1 à 10.
Exemples de variations pluviométriques inter annuelles à Widou Thiengoli
(zone pastorale du Ferlo, dans le Nord du Sénégal)
Ecarts pluviométrie / production
500 1200 Kg
450
1000 Kg
400
350
800 Kg
300
250 600 Kg
200
400 Kg
150
100
200 Kg
50
0 0 Kg
Pluviomét rie en mm. Rendement Kg/ M S/ hect are
Année 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92
Pluviométrie 353 207 105 131 303 323 242 344 471 304 219 119
Rendement Kg/MS 1000 610 210 112 931 965 1051 1055 1081 555 607 117
/ hectare
22
23. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
On voit ici que la production de biomasse est influencée par le cumul pluviométrique, mais
pas de manière absolument linéaire. Durant les années 86, 87, et 88, malgré des cumuls
pluviométriques médiocres, la production a continué à augmenter. De la même manière, les
excellentes pluies de 1989 ne se sont pas accompagnées d’une augmentation spectaculaire de
la production.
Un facteur important qui n’apparaît pas ici est la régularité de ces pluies, qui influencent non
seulement la biomasse, mais également la composition floristique, très variable d’une année
sur l’autre, ce qui influence bien sûr la qualité fourragère du pâturage.
Toutefois, à fin de prévision ou de planification, on admet un chiffre moyen d’estimation de
production de biomasse, qui est de 2,5 kg /hectare, par 1mm de pluie12.
On considère également une moyenne de production de biomasse, au-delà de laquelle le
pâturage perd de sa qualité fourragère, qui est de 1000 kg/hectare. En effet, la valeur
fourragère du pâturage décroît en fonction de l’importance de la biomasse. Ainsi, les
pâturages du Nord, moins denses, ont une valeur supérieure à ceux des climats soudaniens par
exemple. La migration des troupeaux vers le Nord quand le pâturage est disponible, a donc
un peu le même sens que la recherche de pâturage de qualité dans les climats européens, avec
les déplacements en altitude.
Dans la partie méridionale du Sahel, le déficit d'azote et de phosphore constitue le facteur
limitant à la croissance des plantes et pénalise également leur valeur nutritive. Dans la partie
septentrionale, c'est le déficit pluviométrique par sa faiblesse et son irrégularité qui constitue
la contrainte majeure de la production primaire. La ligne de démarcage entre ces deux zones
se situerait aux alentour de l'isohyète des 300 mm13.
Dans la partie septentrionale, là où l'eau constitue la contrainte, la valeur en protéines des
jeunes plantes est d'environ 18% et se stabilise à 12 % vers la fin de la période de croissance,
soit à l'apparition des graines. Dans les régions sud, où la croissance est limitée par l'azote et
le phosphore, la valeur protéique des plantes décroît rapidement jusqu'à 3-6 %.
Ainsi, au Sud la biomasse augmente mais les protéines diminuent, et au nord la biomasse
diminue et les protéines augmentent. Or si un bovin consomme en moyenne 6,25 Kg de
Matière Sèche (MS plus loin dans le texte) par jour quelle que soit la qualité du fourrage, la
quantité de protéines ingérée dépend directement de la valeur du fourrage.
Cette variabilité qualitative détermine les mouvements des troupeaux, mais également les
migrations des diverses populations de pasteurs qui depuis le 19 ème siècle à nos jours ont été
fortement influencées par ce facteur. Selon Maliki14, la montée vers le Nord des Wodaabés
au Niger dans les années 30, a signifié l'entrée dans une région extrêmement favorable,
surtout par rapport aux deux critères majeurs de productivité de la production laitière et de la
fécondité. Cette situation a été très favorable pour les Wodaabés (Maliki parle de période
d'euphorie) mais a sans doute déterminé le passage à un mode d'élevage plus mobile que
dans les décennies précédentes pour valoriser cette meilleure position. Cela a signifié pour
beaucoup de familles la fin d'une période agropastorale avec l'abandon des cultures.
12
Pastoralisme, troupeaux, espace et sociétés, ouvrage collectif sous la coordination de Daget P et Godron M,
Universités francophones, Hatier, Paris, 510 pages. Chapitre 6.
13
Selon Penning de Vries et Djiteye, 1982, cités par Angelo Maliki Bonfiglioli, "Duddal" Histoire de
familles, Histoires de troupeaux, éditions de la maison des sciences de l'homme, Paris, 1988.
14
DUDDAL, Angelo Maliki, Bonfiglioli, histoire de famille, histoire de troupeau, éditions de la maison des
sciences de l'homme, Paris, 1988
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24. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
2.1.2.4. Variations de l’offre fourragère durant l’année et impact
du cheptel sur le milieu. Un équilibre instable.
Les ruminants du Sahel ne bénéficient d’une strate herbacée vivante que durant 3 à 4 mois. A
cette saison, les éleveurs bougent énormément, suivant les pousses du pâturage, selon des
critères de quantités mais surtout de qualité.
On trouve donc un effet bénéfique de la pâture sur la qualité des herbages. La pâture sélective
des ruminants dans un contexte de mobilité, favorisent le tallage et la dominance des
plantes les plus intéressantes sur le plan fourrager.
Ceci se comprend aisément si l’on considère que le choix sélectif des animaux va aux plantes
les plus intéressantes sur le plan fourrager. Le broutage de la plante va provoquer une
réaction biologique qui démultiplie les feuilles participant à la photosynthèse mais aussi les
tiges porteuses de graines. Les plantes recherchées par le bétail fourniront ainsi davantage de
semences que les autres et seront donc favorisées à long terme.
Par plantes « intéressantes sur le plan fourrager », il faut entendre celles qui combinent les
deux avantages suivants :
• D’être appréciées par le bétail et donc consommées facilement en quantité,
• D’avoir une teneur en Matière Azotée Digestible (MAD plus loin dans le texte)
importante.
Les teneurs des plantes herbacées en MAD sont bien sûr très variables, et la connaissance de
ces valeurs aux différents stades phénologiques sont des éléments déterminants des choix
opérés par les éleveurs dans la recherche de pâturages en saison des pluies. Les légumineuses
telles que Zornia glochidiata par exemple ou encore les graminées annuelles Dactyloctenium
aegyptium et Panicum leatum ont une haute valeur. A l’inverse, la graminée annuelle
Schoenefeldia gracilis contient peu de MAD mais sera appréciée surtout en saison sèche pour
sa bonne conservation à l’état sec et sa valeur en énergie. Cenchrus biflorus, graminée à
l’inflorescence particulièrement piquante, n’est appréciée pour sa haute valeur que dans sa
phase jeune jusqu’à la montaison, car l’apparition de l’épi la rend difficilement consommable
durant une période qui va jusqu’à la chute des graines en novembre ou décembre.
Il y a donc, durant cette période de végétation, une influence bénéfique des troupeaux sur la
dynamique de végétation à condition que la grande mobilité soit la règle, car elle induit
des périodes de repos pour les plantes. Sur des parcelles fermées avec une charge définie ou
sur des parcours quotidiens, l’effet est inverse, et ce système conduit à la disparition
progressive des plantes «nobles». L’exemple est frappant autour des villages, où le bétail est
présent chaque jour de la saison pluvieuse, et l’on peut observer la disparition des bonnes
plantes par surconsommation. Avec la mobilité sur les grands espaces, l’effet est inverse.
En saison sèche, les plantes à l’état sec sont consommées. Il est admis que cette
consommation représente 30% de la biomasse sèche. Les 70% restants étant détruits par les
termites, la dessiccation, le vent, et le piétinement. ( Cette disparition de la biomasse
résiduelle est une nécessité écologique, comme on l’a vu plus haut ). Cette estimation
vraiment large de 30% intervient dans des calculs pourtant très précis et très scientifiques,
nécessaires à la détermination de la capacité de charge, comme on le verra plus loin.
Mais la paille sèche ne peut suffire à fournir les éléments indispensables aux animaux en
saison sèche. Elle fourni la ration d’encombrement (exprimée en MS, soit Matière Sèche),
24
25. Politique de développement pastoral au Sahel. Mémoire pour le Diplôme de Recherche IUED. Roland Hammel
2005
un apport très insuffisant de minéraux, et un apport minimum en énergie (exprimée en UF,
soit Unité Fourragère).
Par contre, les besoins en Matière azotée digestible (MAD) nécessaire à la croissance et à la
production de lait et à la croissance, ainsi qu’en vitamine A et E, nécessaires entre autres
choses, à la fertilité, ne sont pas couverts dans les fourrages herbacés à l’état nécrotique, car
ces éléments y sont quasiment inexistants.
Le phosphore est également un élément essentiel au métabolisme qui doit être apporté en
suffisance. Sa carence dans la ration induit des comportements dits « de pica » chez le bétail
qui se met à ronger ce qu’il trouve à la recherche de satisfaction de ce besoin minéral
important. Il est connu que la contamination à certaines pathologies, notamment le botulisme
et le charbon, est largement favorisée par l’attrait qu’offrent au bétail carencé, les ossements
d’animaux morts abandonnés dans les zones pastorales.
MAD, vitamine A et E, ainsi que Phosphore et d’autres éléments doivent être fournis en
saison sèche soit par des plantes vivaces, que l’on trouvera surtout dans les bas-fonds ou dans
des régions méridionales, quoique assez rarement en quantité significative, mais
principalement par les produits des ligneux (terme désignant généralement les arbres et
arbustes pour les agrostologues), fruits et feuilles, tombées à terre, ou broutées sur l’arbre, ou
encore mis à disposition par élagage ou gaulage.
Besoins alimentaires journaliers des bovins en région tropicale, pour une UBT, soit un bovin
de 250 kg (source : divers documents IEMVT)
Eau : 3 litres par Kg/MS ingérée
MS : 6,25 Kg
Vit A : 0,1 grm soit 100 mg
Phosphore : 7,5 grm
MAD : 60 gr par 100 Kg de PV (poids
vif).
(Augmentation de 60 gm de MAD par litre de
lait produit)
La survie des ruminants durant 7 mois de saison sèche ne pourrait en aucun cas être basée
exclusivement sur les stocks de paille sèche du tapis herbacé. Une UBT devrait consommer
en saison sèche en moyenne 2 kg de MS issus des
ligneux, par jour, sur une ration de 6,25 Kg, pour
assurer ses besoins en MAD15 .
A gauche, Balanites aegyptiaca et repousses intensives par les
racines. Arbre fourrager par excellence.
10 à 15 ligneux par hectares, peuvent fournir environ 50
kg de matière sèche MS accessible, de bonne qualité.
Or, la nature faisant bien les choses, les arbres et
arbustes des zones pastorales du Sahel ont souvent des
rythmes phénologiques « décalés » par rapport à ceux du tapis herbacé et leurs fourrages sont
disponibles justement durant la saison sèche, ce qui rend leur apport d’autant plus précieux.
L’ annexe 7.4. contient un tableau issu des chiffres de valeur fourragère de Hubert Gillet, et
permet de mesurer à quel point les espèces ligneuses les plus courantes sont essentielles au
15
Notions d’agrostologie et d’aménagement sylvo-pastoral. Rép du Niger, MAE, institut pratique de
développement rural Kollo, spécialité Eaux et Forêt, Francis Tasse, septembre 1987.
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