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ENTRE LA PRISE EN CHARGE JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE
Deux points de vue différenciés
CNAF | Informations sociales
2007/4 - n° 140
pages 96 à 103
ISSN 0046-9459
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2007-4-page-96.htm
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Pour citer cet article :
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« Entre la prise en charge judiciaire et administrative » Deux points de vue différenciés,
Informations sociales, 2007/4 n° 140, p. 96-103.
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Entre la prise en charge
Deux points de
Carol Bizouarn, juge des enfants auprès du tribunal de grande instance de Créteil
96 Informations sociales n° 140
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
> Le point de vue du juge des enfants
La place du juge des enfants est spécifique : juge
civil dans le cadre de la protection de l’enfance,
en lien avec l’autorité administrative, juge pénal
en cas de comportement délinquant. Le passage
de l’un à l’autre soulève la question de la com-
plémentarité des deux aspects, ou au contraire
celle de la prédominance de l’un sur l’autre. Le
département, auquel revient une mission de
coordination des actions menées, devra organiser
le passage de relais entre tous les acteurs.
La protection de l’enfance en danger relève prioritai-
rement des parents, titulaires de l’exercice de l’autori-
té parentale (1). Ce n’est qu’en cas d’absence ou de
défaillance de ceux-ci que la loi organise un autre
mode de protection, administratif ou judiciaire.
Néanmoins, ces dispositifs demeurent prioritairement
des compléments aux actions parentales, puisque,
dans le cadre administratif, la protection prend une
forme contractuelle avec les parents, et dans le cadre
judiciaire, non seulement elle est qualifiée d’assistan-
ce mais elle impose au juge des enfants de s’efforcer
de recueillir l’adhésion de la famille.
Le cadre légal confronté
aux pratiques
Ainsi construite, la protection de l’enfance se répar-
tit entre le conseil général et l’institution judiciaire
sur la base de deux critères légaux : le risque et le
danger. L’article L. 226-4 du Code de l’action socia-
le et des familles (CASF) impose, en effet, au prési-
dent du conseil général d’alerter l’autorité judiciai-
re lorsqu’un “mineur est victime de mauvais traite-
ments ou est présumé l’être et qu’il est impossible
d’évaluer la situation ou que la famille refuse mani-
festement d’accepter l’intervention du service de
l’aide à l’enfance”. Ce texte se combine avec l’ar-
ticle 375 du Code civil qui définit la compétence
du juge des enfants en fonction du danger pour “la
santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur” ou de
“conditions d’éducation ou de développement
physique, affectif, intellectuel et social gravement
compromises”. Si les notions de mauvais traitement
et de danger ne se recoupent pas totalement (2), la
construction de l’article L. 226-4 du CASF qui
subordonne le signalement à l’impossibilité d’inter-
venir auprès des familles conduit à considérer que
la protection administrative est la règle et la protec-
tion judiciaire l’exception.
Sur ce point, le rapport Naves-Cathala (3), qui sou-
ligne la difficulté de vérifier que l’esprit des textes
soit respecté du fait de l’absence de chiffres d’une
fiabilité incontestable (4), retient les chiffres du
ministère de l’Emploi et de la Solidarité de 1998
(5), selon lesquels, en 1996, sur 113 400 place-
ments gérés par l’aide sociale à l’enfance, 66 %
relevaient d’une décision judiciaire, contre seule-
ment 12 % d’un accueil provisoire signé par la
famille. Aucun chiffre exploitable n’existait alors
concernant les mesures d’assistance éducative en
milieu ouvert (6). Il semble donc que la pratique
diffère de l’esprit des textes, la prévention se trou-
vant largement minoritaire (voir dans ce dossier
l’article d’Isabelle Frechon).
Quelle interprétation faire d’un tel constat ? En
amont de l’intervention judiciaire, les profession-
nels travaillant dans le champ de la protection de
l’enfance sont généralement imprégnés par l’esprit
des textes et ne saisissent l’autorité judiciaire que
lorsqu’ils estiment avoir atteint les limites de la
prévention administrative. Plusieurs interpréta-
tions sont alors possibles pour expliquer la prédo-
minance du judiciaire :
– la difficulté pour les familles d’accepter l’intrusion
de l’État dans la sphère domestique et la remise en
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97n° 140 Informations sociales
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
judiciaire et administrative
vue différenciés
cause de leurs méthodes éducatives les conduit à
refuser l’aide administrative : un retrait d’adhésion
qui suffit à justifier la saisine de l’autorité judiciaire
indépendamment de la notion de danger. La diffi-
culté est alors d’évaluer à partir de quel moment le
refus des parents est “manifeste”, tel que l’exige le
texte. La passivité de certains parents peut-elle être
interprétée comme un refus ? Qu’en est-il de l’ac-
cord donné par eux lorsqu’il résulte de la peur
qu’ils ont de la saisine du juge des enfants ?
– les nécessités matérielles : par exemple, les exi-
gences de certains établissements d’enseignement
spécialisé qui demandent la mise en place d’une
mesure judiciaire pour accueillir un enfant, ou
encore les questions de prise en charge financière
des internats qui conduisent à tenter de contour-
ner la politique du conseil général en matière
d’aides financières ;
– le recours à la symbolique judiciaire est égale-
ment évoqué par les travailleurs sociaux qui signa-
lent une situation, le plus souvent lorsqu’il existe un
volet pénal à la problématique de danger (un com-
portement délinquant de l’enfant ou des poursuites
pénales engagées contre l’un des parents). Dans ces
hypothèses, le juge des enfants doit-il être le garant
de la symbolique judiciaire ? Je ne pense pas qu’il
faille généraliser. En effet, il convient, à mon sens,
de ne pas dénaturer la place juridique du juge des
enfants qui, dans le cadre de la protection de l’en-
fance, est un juge civil. Ainsi, même si le recours à
la symbolique judiciaire est un argument tout à fait
acceptable et opportun dans de nombreuses situa-
tions, il paraît, dans de nombreuses autres, une
forme de facilité résultant du fait que le juge des
enfants est le magistrat le plus accessible et peut-
être le mieux repéré. Mais la symbolique pourrait
bien souvent être assurée par le procureur de la
République ou par le juge d’instruction. Par
exemple, lorsque le mineur est délinquant et que le
travailleur social souhaite uniquement que la loi lui
soit rappelée, ne serait-il pas plus pertinent d’at-
tendre une saisine pénale du juge des enfants pour
effectuer un tel rappel ? Car c’est alors la place du
procureur de la République, en sa qualité de garant
des poursuites, qui est questionnée.
Fluidifier le passage
de l’administratif au judiciaire
Au-delà de la question du signalement à l’autorité
judiciaire, en amont de la procédure, se pose la
question de l’articulation en cours de prise en
charge judiciaire, soit par la possible intervention
concomitante des dispositifs administratif et judi-
ciaire, soit en aval lorsqu’un non-lieu est envisagé
en vue d’une prise en charge administrative.
L’intervention simultanée des deux dispositifs est
celle qui pose le plus de difficultés, notamment
sur le plan de la conception que l’on peut avoir du
dispositif global de protection de l’enfance. En
effet, dès lors que la loi permet une totale articu-
lation entre les deux dispositifs, deux conceptions
existent : celle qui estime que l’intervention judi-
ciaire est exclusive de toute autre et celle qui
considère, au contraire, que l’articulation des dis-
positifs est un outil supplémentaire pour enrichir
les prises en charge. Deux cas de figures permet-
tent d’illustrer mon propos.
Le premier est celui des fratries. Lorsqu’un enfant
est en danger et que le reste de la fratrie ne l’est
pas, mais nécessite néanmoins une prise en char-
ge éducative, faut-il saisir le juge des enfants pour
l’ensemble de la fratrie, afin de privilégier une
cohérence éducative, ou faut-il, au contraire,
poursuivre sur le mode administratif et ne saisir le
juge que de la situation du seul enfant en danger ?
Le fait de répondre à cette question soulèvera
nécessairement des objections de la part de ceux
qui privilégient la réponse “au cas par cas”.
Néanmoins, quelques lignes peuvent être déga-
gées. En effet, ou bien on considère que doit être
privilégiée la nécessité de ne pas multiplier les
intervenants, ou encore qu’il convient de ne pas
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98 Informations sociales n° 140
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
stigmatiser l’enfant en danger par rapport aux
autres, et le juge des enfants est saisi du tout. Ou
bien on estime, au contraire, qu’il est important de
préserver la symbolique judiciaire du danger, et
n’est signalé que l’enfant concerné. Dans un cas
comme dans l’autre, la marge de manœuvre du
juge des enfants varie. S’il est saisi de la totalité de
la fratrie, il pourra, selon sa pratique, ordonner
une mesure éducative pour toute ou partie de
celle-ci. En revanche, s’il n’est saisi que d’un seul
enfant, il ne disposera généralement pas des élé-
ments d’appréciation lui permettant d’étendre
d’office sa saisine aux autres enfants. Faut-il pour
autant généraliser les signalements de fratrie afin
de restituer au juge des enfants sa marge d’appré-
ciation ? Je ne le pense pas, car l’esprit des textes
vise à privilégier la prévention sur le judiciaire. Le
juge ne devrait donc être saisi que des cas de dan-
ger afin de permettre, lorsqu’il y a une collabora-
tion possible des parents, une intervention admi-
nistrative sur le reste de la fratrie.
Le second cas de figure est celui de la double prise
en charge d’un même mineur. Dit autrement,
peut-on envisager, lorsqu’un mineur en danger est
suivi dans le cadre d’une mesure d’Action éduca-
tive en milieu ouvert judiciaire (AEMO), que les
parents signent un contrat d’accueil temporaire ?
Là aussi, quelques arguments peuvent être déga-
gés. Le caractère judiciaire du placement peut être
défendu quand les parents sont en difficulté pour
gérer le sentiment de culpabilité que générerait la
signature d’un accueil temporaire. Un tel senti-
ment pourrait les conduire à mettre rapidement un
terme à la prise en charge, au détriment de la pro-
tection de l’enfant. L’intervention du juge des
enfants permet alors d’introduire de la neutralité et
de garantir à l’enfant une continuité dans sa prise
en charge éducative. Mais peut-on envisager la
judiciarisation à ce seul motif ? Je ne pense pas.
Cela ne pourra bien évidemment se justifier qu’à
condition que l’enfant courre un danger s’il
retourne au domicile. Il m’apparaît en effet impor-
tant de laisser aux parents le pouvoir de rester
maîtres de la partie de la prise en charge qui relè-
ve de leur autorité parentale. Dans le même ordre
d’idées, les contrats d’accueils temporaires ponc-
tuels, principalement dans le cadre des vacances
scolaires, sont souvent refusés par les conseils
généraux, notamment pour des raisons budgé-
taires. Faut-il pour autant multiplier ce qu’on
appelle les “OPP (7) vacances”, cette pratique des
juges des enfants, très usitée dans le passé, qui
consistait à permettre à des enfants suivis dans le
cadre d’une mesure d’AEMO de partir en
vacances par le biais d’un placement. Pour ma
part, je considère que le recours à l’OPP doit res-
ter exceptionnel. Ainsi, je ne l’ordonne, et donc
ne l’impose à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), que
dans deux hypothèses : ou le mineur est en dan-
ger s’il reste au domicile durant cette période, ou
le placement court est un outil pour travailler la
séparation et, à plus long terme, envisager un pos-
sible placement de longue durée.
En dehors de l’intervention concomitante des deux
dispositifs, se pose également la question du pas-
sage de relais en aval de la prise en charge judi-
ciaire, lorsqu’un non-lieu est envisagé du fait de la
disparition du danger. Ce passage de relais est
simple et s’opère sans difficulté dès lors que le juge
des enfants et l’inspecteur référent de la situation
se sont accordés sur ce point, comme c’est géné-
ralement le cas en matière de placement. En
revanche, la difficulté est plus importante lorsqu’il
s’agit d’AEMO, pour deux raisons. D’une part, le
service éducatif habilité pour intervenir dans le
cadre judiciaire est rarement le même que celui
qui intervient dans le cadre administratif. Le passa-
ge de relais implique donc un changement d’inter-
venant qui n’est pas toujours opportun et pour
lequel recueillir l’adhésion de la famille est diffici-
le. D’autre part, l’ASE n’intervient pas directement,
sauf exception, dans la mesure d’AEMO (contrai-
rement à la majorité des placements). De ce fait,
elle n’est pas associée à la réflexion concernant
l’existence du danger et le juge des enfants ne peut
pas lui imposer la signature d’un contrat d’aide
éducative à domicile. La décision de non-lieu
mentionnant la possibilité d’intervenir dans un
cadre administratif peut alors être vécue comme
une intrusion du juge dans les prérogatives du
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99n° 140 Informations sociales
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
conseil général. Pourtant, il est primordial de pou-
voir signifier aux familles la disparition du danger
et leur capacité à protéger leur enfant sans inter-
vention du juge. C’est pourquoi il faut favoriser
l’établissement de protocole de passage de relais
entre autorités administrative et judiciaire. Or
actuellement, une telle articulation est soumise à la
seule bonne volonté des partenaires locaux.
Vers quelle coordination ?
La loi relative à la protection de l’enfance du 5
mars 2007 ne modifie pas les dispositifs existants
mais donne un cadre légal à des pratiques éta-
blies, telles les “cellules de signalement”. En
revanche, elle vise à institutionnaliser une réelle
coordination entre les autorités administrative et
judiciaire, à tous les stades de la procédure. Pour
cela, elle crée un nouvel alinéa à l’article L. 221-
4 du CASF qui confie au président du conseil
général une mission de coordination avec l’auto-
rité judiciaire, “en amont, en cours et en fin de
mesure, aux fins de garantir la continuité et la
cohérence des actions menées”.
Cet ajout peut paraître purement organisationnel,
mais nous pouvons légitimement espérer que les
discussions qui accompagneront cette mission per-
mettront un débat de fond, au sein des départe-
ments, concernant les modalités d’une meilleure
fluidité entre suivis administratif et judiciaire. Il fau-
dra néanmoins attendre l’application effective de
la loi et de cette disposition en particulier afin de
voir de quelle façon les conseils généraux s’empa-
reront de ce nouvel outil pour engager le débat.
NOTES
1 - L’article 371-1 alinéa 2 du Code civil dispose que “l’autorité parentale appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou
l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre
son développement dans le respect dû à sa personne”.
2 - La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance remplace la notion de “mineur maltraité” par celle de “mineur
en danger”, afin d’harmoniser les concepts.
3 - Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français
de protection de l’enfance et de la famille, rapport présenté par Pierre Naves et Bruno Cathala, juin 2001.
4 - Cette difficulté devrait, dans l’avenir, être écartée par le travail d’harmonisation des sources statistiques qu’effectue actuel-
lement l’Observatoire national de l’enfance en danger, travail qui sera renforcé par la création des observatoires départemen-
taux prévus par la loi sur la protection de l’enfance.
5 - L’aide sociale à l’enfance, bénéficiaires, séries chronologiques 1990-1996, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, août 1998.
6 - Ces proportions semblent être toujours d’actualité, puisque, dans le Val-de-Marne, en 2005, les chiffres étaient les suivants : 366
accueils provisoires administratifs contre 1 109 placements judiciaires, et 429 aides éducatives à domicile contre 843 mesures
d’AEMO judiciaires et 710 mesures d’investigation (180 enquêtes sociales et 530 mesures d’investigation et d’orientation éducative).
7 - Ordonnances de placement provisoire.
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100 Informations sociales n° 140
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
> Le point de vue du conseil général
d’Eure-et-Loir
La protection de l’enfance est une architecture
complexe, peu lisible pour les usagers, voire pour
les acteurs eux-mêmes. Depuis 2004, le conseil
général est chargé de la coordination de l’en-
semble, tout en étant co-responsable avec l’État.
Pour tous il importe de savoir qui arbitre, qui
décide, qui exécute et qui est responsable…
Au moment où la solidarité se trouve de plus en
plus sollicitée pour l’accompagnement des plus
démunis et le soutien entre les générations, le dis-
positif de protection de l’enfance est interpellé sur
sa cohérence et son efficience au regard des
moyens qu’il mobilise.
Des constats préoccupants
Le dispositif de protection de l’enfance, aujour-
d’hui (1), représente une dépense de 5 milliards d’eu-
ros pour l’ensemble des budgets départementaux
d’ASE (sur les chiffres concernant la répartition des
mesures, voir l’article d’Isabelle Frechon dans ce dos-
sier). On observe une augmentation de 7 % des
signalements administratifs et judiciaires (soit 95 000
en 2004), à laquelle s’ajoute un surcroît de signale-
ments de mauvais traitements suspectés ou avérés,
impliqués dans 20 % des cas (soit 19 000 en 2004).
Un cadre législatif et réglementaire
qui évolue
Rappelons les textes à l’origine du dispositif de
protection de l’enfance :
– l’ordonnance du 23 décembre 1958 (art.
375/CC) instaure l’assistance éducative et confie à
l’autorité judiciaire la protection de l’enfant en
danger ;
– le décret du 7 janvier 1959 (art. R.221-1/CASF)
confirme à la protection sociale la mission d’assu-
rer la protection de l’enfant en risque de danger.
Les lois de décentralisation (juin et juillet 1983) ont
conduit à la redéfinition des fondements de l’inter-
vention administrative par la loi du 6 janvier 1986
(art L. 221-1/CASF) comme devant “apporter un
soutien matériel, éducatif et psychologique aux
mineurs confrontés à des difficultés susceptibles de
compromettre gravement leur équilibre et mener
en urgence des actions de protection à leur égard”.
Par ailleurs, la loi du 10 juillet 1989 introduit une
nouvelle catégorie de mineurs à protéger relevant
de maltraitances, organise le recueil des signale-
ments et définit, conformément à l’article L. 226-
4 du Code de l’action sociale et des familles, les
modalités de saisine du parquet par le président
du conseil général, dès lors “qu’un mineur est vic-
time de mauvais traitements ou est présumé l’être
et qu’il est impossible d’évaluer la situation ou
que la famille refuse manifestement d’accepter
l’intervention du service de l’aide sociale à l’en-
fance”. Enfin, la loi du 2 janvier 2004 (CC) intro-
duit l’exigence de la prise en compte de l’intérêt
de l’enfant dans les décisions de protection qui le
concernent.
Doivent également être prises en compte les modi-
fications intervenues en ce qui concerne les droits
des familles, tant dans leurs rapports avec l’Aide
sociale à l’enfance (loi du 6 juin 1984 et décret du
23 août 1985) que dans le cadre de la réforme de
l’assistance éducative (décret du 15 mars 2002).
Ainsi, l’ASE doit concilier (sauf circonstances
exceptionnelles) les prérogatives de l’autorité
parentale qui ne sont pas incompatibles avec la
mesure de placement (entretien, éducation, sur-
veillance), tout en garantissant la capacité de
l’exercice des actes usuels de la vie courante par
le service de prise en charge (vie quotidienne, loi-
sirs, sorties, etc.).
En matière d’assistance éducative, il s’agit de
prendre en compte les prérogatives liées à l’auto-
rité parentale en permettant l’accès au dossier et
en garantissant le débat contradictoire. De ce fait,
les familles peuvent, préalablement à l’audience
judiciaire, consulter les pièces du dossier et pré-
parer leurs arguments devant le juge des enfants
en toute connaissance de cause.
En conséquence, on voit, au travers de l’évolution
Marie-Paule Martin-Blachais, directrice “Enfance et famille”, conseil général d’Eure-et-Loire
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101n° 140 Informations sociales
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
du cadre législatif et réglementaire, un élargisse-
ment des publics accessibles au dispositif de pro-
tection administrative, ainsi qu’une déclinaison
partielle des modes de saisine de l’autorité judiciai-
re par le conseil général qui, depuis la loi du 10
juillet 1989, définit seulement les situations de sus-
picion de mauvais traitements, sans précision pour
les autres catégories de mise en danger des mineurs
telles que prévues au titre des mesures de protec-
tion judiciaire (art. 375 et suivants du Code civil).
Ceci peut faire obstacle à une clarification du cir-
cuit de signalement, facilite la dispersion des
modes d’entrée dans le dispositif de protection de
l’enfance et accentue ses défaillances (saisine a
priori du judiciaire, informations partielles, évalua-
tion unilatérale des situations familiales, procédure
d’urgence injustifiée, etc.), ne rend pas suffisam-
ment lisible la hiérarchie du dispositif, à savoir la
fonction première de la protection administrative
et le recours subsidiaire à la protection judiciaire.
La mise en place d’une cellule de signalement
centralisée au sein du département, telle que pré-
vue dans le projet de réforme de la protection de
l’enfance, et la fonction de chef de file du disposi-
tif de protection de l’enfance dévolue au président
du conseil général devraient considérablement
améliorer la procédure de recueil de signalements
comme l’articulation entre ce qui relève de l’ad-
ministratif et du judiciaire.
Le conseil général, chef de file…
Depuis 1970, de nombreux rapports, dont plus de
six en 2005 (2), soulignent la complexité du dis-
positif, son manque de lisibilité et de complémen-
tarité, qui devrait pourtant reposer sur la co-res-
ponsabilité des autorités administratives et judi-
ciaires.
L’acte I de la décentralisation (juin et juillet 1983)
attribue la prévention et la protection sociale au
département ; l’acte II, dans le cadre de la loi du
13 août 2004, confie au président du conseil
général la compétence de chef de file de l’action
sociale sur le territoire départemental aux fins de
coordination de l’ensemble des acteurs.
Le dispositif de protection de l’enfance fonction-
nant sous la co-responsabilité publique de l’État et
du conseil général, il convient que, conformément
à la circulaire du 10 janvier 2001, l’État, sous l’au-
torité du préfet, garantisse la coordination des
administrations d’État (police, gendarmerie, juri-
dictions, PJJ, Éducation nationale, Jeunesse et
Sports, DDASS) avec les politiques départemen-
tales locales associant l’ensemble des acteurs (col-
lectivités locales, secteur associatif, établissements
publics, établissements privés habilités).
L’existence de schéma de protection de l’enfance
conjoint (État/département), l’élaboration de
chartes partenariales, de protocoles et de procé-
dures partagées, la mise en œuvre de conférences
annuelles de la famille, etc. sont autant d’éléments
favorables à la consolidation du dispositif, à la cla-
rification des rôles et des fonctions de chacun, à
l’amélioration de la complémentarité des acteurs.
Un défaut d’articulation
En effet, le président du conseil général dispose
d’une fonction de protection générale des mineurs
accueillis hors du domicile familial, au titre de
l’article L. 227-1 du CASF. Par ailleurs, quand le
mineur est confié à des particuliers ou à des éta-
blissements au titre des articles 375 et suivants,
celui-ci est placé, conformément à l’article L. 227-
2 du CASF, sous la responsabilité conjointe du
président du conseil général et du juge des
enfants. Enfin, lorsque le mineur, par décision du
juge des enfants, est confié à l’ASE en qualité de
service “gardien”, il revient en même temps au
conseil général la charge “d’organiser, de diriger
et de contrôler la vie de ce mineur et donc la res-
ponsabilité de ses actes”, celle-ci n’étant pas fon-
dée sur l’autorité parentale mais sur la garde (Cour
de cassation, 1996).
Pour l’accomplissement de ses missions et sans
préjudice de ses responsabilités vis-à-vis des
enfants qui lui sont confiés, le service de l’ASE
peut faire appel à des organismes publics ou pri-
vés habilités ou à des personnes physiques. Le ser-
vice contrôle les personnes physiques ou morales
auxquelles il a confié des mineurs en vue de s’as-
surer des conditions matérielles et morales de leur
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102 Informations sociales n° 140
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
placement (art. L. 221-1 du CASF).
De ce fait, la multiplicité des responsabilités
gagnerait à être clarifiée au regard de la complexi-
té des postures des décideurs dans le dispositif, qui
rend peu lisibles les lieux de décision et d’arbitra-
ge quand il s’agit de concilier les prérogatives entre
juge des enfants, service gardien, familles et éta-
blissements ou services de prise en charge.
Prenons l’exemple d’un des enfants d’une famille
faisant l’objet d’une décision de placement judi-
ciaire par le juge des enfants pour mise en danger
du mineur. Il est confié à l’ASE et orienté dans un
établissement social habilité. Dans ce cas, les
parents détiennent toujours l’autorité parentale,
mais le service de l’ASE est déclaré civilement res-
ponsable, y compris lors des retours en héberge-
ment familial. Quelques questions sont soule-
vées : quelle représentation se font les parents de
la répartition des prérogatives entre juge des
enfants et service de l’ASE s’il y a demande d’hé-
bergement chez un tiers ? Quelle articulation
entre responsabilité du service ASE en qualité de
service “gardien” et projet individuel personnalisé
de l’établissement d’accueil tel que prévu au titre
de la loi du 2 janvier 2002 ? Quelles seront les
modalités relationnelles entre parents et établisse-
ment alors que le commanditaire est l’ASE et non
les parents, et l’usager le mineur confié ? Quelles
seront les modalités relationnelles dans le disposi-
tif triangulaire juge des enfants, ASE et établisse-
ment ou service public ou privé habilité, en matiè-
re d’information, de décision, d’arbitrage, de
coordination et de recours ?
Le passage du champ administratif
au champ judiciaire
L’évolution des notions (danger, risques de danger,
maltraitance…) retenues pour identifier les
publics pris en charge interrogent aujourd’hui sur
les critères de champs de référence. Par manque
de définition consensuelle du danger ou du risque
de danger, il apparaît plus pertinent de retenir la
protection administrative dans le champ du
contractuel ; c’est-à-dire requérant l’accord des
parties devant une problématique reconnue, iden-
tifiée, partagée, pour laquelle les mesures d’aides
proposées font l’objet d’un document, conformé-
ment à l’article L. 223-1 et R.223-6 du CASF,
contractualisé et formalisé, opposable et intégrant
les voies de recours. Il s’agit donc bien d’une
démarche d’accompagnement négociée sans
contrainte, librement consentie et co-construite
par les deux parties.
L’absence de ces conditions devrait conduire à la
saisine de l’autorité judiciaire (déni, conflit,
impossibilité d’évaluer, refus des mesures d’aide
proposées), telle que prévue au titre de la loi du
10 juillet 1989 relative aux mauvais traitements.
La diversité des origines des signalements (sani-
taires, sociaux, éducatifs, familiaux, etc.) et la
multiplicité des portes d’entrée (signalement au
président du conseil général, saisine directe du
parquet ou du juge des enfants) dans le dispositif
de protection de l’enfance sont assez caractéris-
tiques de notre système français. Il ne permet pas
la mise en place d’une organisation garantissant la
hiérarchisation des réponses au regard de la com-
plexification des problématiques posées et le
recours du judiciaire en seconde intention – dès
lors que la protection administrative ne peut assu-
rer la mesure de protection initiale.
L’externalisation de certaines mesures (comme le
placement direct ou l’assistance en milieu ouvert)
fonctionnant en auxiliaire de justice sans réel
engagement formalisé dans le dispositif de protec-
tion de l’enfance ne permet pas de garantir le
nécessaire travail en réseau, la continuité du par-
cours de l’enfant et de sa famille ni la complé-
mentarité des actions, mais peut parfois induire
clivage et rupture dans la prise en charge au
niveau du système de protection de l’enfance,
compromettant le sens et la cohérence de l’action.
Aussi, un dispositif de droit commun de protec-
tion de l’enfance et une articulation coordonnée
des actions permettraient une meilleure cohéren-
ce du dispositif.
Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
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103n° 140 Informations sociales
L’enfant dans le système administratif et judiciaire
R U B R I Q U E
NOTES
1 - Sources : enquête nationale 2004 ; rapport annuel 2005 de l’Observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS).
2 - Voir dans ce même numéro (article de Manuel Palacio) la liste des rapports récents.
Bibliographie
> Marie-Paule Martin-Blachais, “Le petit enfant en souffrance aux lisières de la cité”, Édition ANPA-
SE, Émergence, n° 74, 2006, p. 81-84
> Didier Houzel, Les enjeux de la parentalité, Érès, 1999.
> Louis de Broissia, L’amélioration de la prise en charge des mineurs protégés, rapport au ministre
délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, juillet
2005.
> Joseph Goldstein, Anna Freud, Albert J. Solnit, Dans l’intérêt de l’enfant, ESF, 1980.
Réinvestir le champ
de la prévention
Les travaux des experts (Anna Freud, John Bowlby,
Esther Bick…) s’accordent sur le fait que la cellu-
le familiale est le premier lieu d’expérience et de
socialisation de l’enfant : lieu de découverte et
d’apprentissage, d’attachement, d’identification et
de structuration de l’estime de soi au regard de
l’accès à une sécurité interne suffisante. Ceci plai-
de pour développer le champ de la prévention et
de la protection administrative, pour favoriser les
synergies des adultes qui entourent l’enfant et
ainsi tisser le nécessaire réseau partenarial de
prise en charge. L’enfant doit être au centre des
préoccupations institutionnelles.
En conséquence, au regard d’un dispositif actuel qui
se caractérise par une forte judiciarisation des situa-
tions et une majorité de mineurs confiés à l’ASE, il
est nécessaire de clarifier, tant pour les enfants et
leurs familles que pour les acteurs eux-mêmes, l’ar-
chitecture de notre dispositif de protection de l’en-
fance aux fins d’identifier les lieux d’arbitrage, de
décision, de coordination, de mise en œuvre, d’exé-
cution, de responsabilité et de recours. C’est un
double souci de transparence pour les usagers et de
sécurisation des fonctions et des pratiques pour les
professionnels qui doit nous guider.
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entre la prise en charge judiciaire et administrative

  • 1. ENTRE LA PRISE EN CHARGE JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE Deux points de vue différenciés CNAF | Informations sociales 2007/4 - n° 140 pages 96 à 103 ISSN 0046-9459 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2007-4-page-96.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- « Entre la prise en charge judiciaire et administrative » Deux points de vue différenciés, Informations sociales, 2007/4 n° 140, p. 96-103. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour CNAF. © CNAF. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 2. Entre la prise en charge Deux points de Carol Bizouarn, juge des enfants auprès du tribunal de grande instance de Créteil 96 Informations sociales n° 140 L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E > Le point de vue du juge des enfants La place du juge des enfants est spécifique : juge civil dans le cadre de la protection de l’enfance, en lien avec l’autorité administrative, juge pénal en cas de comportement délinquant. Le passage de l’un à l’autre soulève la question de la com- plémentarité des deux aspects, ou au contraire celle de la prédominance de l’un sur l’autre. Le département, auquel revient une mission de coordination des actions menées, devra organiser le passage de relais entre tous les acteurs. La protection de l’enfance en danger relève prioritai- rement des parents, titulaires de l’exercice de l’autori- té parentale (1). Ce n’est qu’en cas d’absence ou de défaillance de ceux-ci que la loi organise un autre mode de protection, administratif ou judiciaire. Néanmoins, ces dispositifs demeurent prioritairement des compléments aux actions parentales, puisque, dans le cadre administratif, la protection prend une forme contractuelle avec les parents, et dans le cadre judiciaire, non seulement elle est qualifiée d’assistan- ce mais elle impose au juge des enfants de s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille. Le cadre légal confronté aux pratiques Ainsi construite, la protection de l’enfance se répar- tit entre le conseil général et l’institution judiciaire sur la base de deux critères légaux : le risque et le danger. L’article L. 226-4 du Code de l’action socia- le et des familles (CASF) impose, en effet, au prési- dent du conseil général d’alerter l’autorité judiciai- re lorsqu’un “mineur est victime de mauvais traite- ments ou est présumé l’être et qu’il est impossible d’évaluer la situation ou que la famille refuse mani- festement d’accepter l’intervention du service de l’aide à l’enfance”. Ce texte se combine avec l’ar- ticle 375 du Code civil qui définit la compétence du juge des enfants en fonction du danger pour “la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur” ou de “conditions d’éducation ou de développement physique, affectif, intellectuel et social gravement compromises”. Si les notions de mauvais traitement et de danger ne se recoupent pas totalement (2), la construction de l’article L. 226-4 du CASF qui subordonne le signalement à l’impossibilité d’inter- venir auprès des familles conduit à considérer que la protection administrative est la règle et la protec- tion judiciaire l’exception. Sur ce point, le rapport Naves-Cathala (3), qui sou- ligne la difficulté de vérifier que l’esprit des textes soit respecté du fait de l’absence de chiffres d’une fiabilité incontestable (4), retient les chiffres du ministère de l’Emploi et de la Solidarité de 1998 (5), selon lesquels, en 1996, sur 113 400 place- ments gérés par l’aide sociale à l’enfance, 66 % relevaient d’une décision judiciaire, contre seule- ment 12 % d’un accueil provisoire signé par la famille. Aucun chiffre exploitable n’existait alors concernant les mesures d’assistance éducative en milieu ouvert (6). Il semble donc que la pratique diffère de l’esprit des textes, la prévention se trou- vant largement minoritaire (voir dans ce dossier l’article d’Isabelle Frechon). Quelle interprétation faire d’un tel constat ? En amont de l’intervention judiciaire, les profession- nels travaillant dans le champ de la protection de l’enfance sont généralement imprégnés par l’esprit des textes et ne saisissent l’autorité judiciaire que lorsqu’ils estiment avoir atteint les limites de la prévention administrative. Plusieurs interpréta- tions sont alors possibles pour expliquer la prédo- minance du judiciaire : – la difficulté pour les familles d’accepter l’intrusion de l’État dans la sphère domestique et la remise en Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 3. 97n° 140 Informations sociales L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E judiciaire et administrative vue différenciés cause de leurs méthodes éducatives les conduit à refuser l’aide administrative : un retrait d’adhésion qui suffit à justifier la saisine de l’autorité judiciaire indépendamment de la notion de danger. La diffi- culté est alors d’évaluer à partir de quel moment le refus des parents est “manifeste”, tel que l’exige le texte. La passivité de certains parents peut-elle être interprétée comme un refus ? Qu’en est-il de l’ac- cord donné par eux lorsqu’il résulte de la peur qu’ils ont de la saisine du juge des enfants ? – les nécessités matérielles : par exemple, les exi- gences de certains établissements d’enseignement spécialisé qui demandent la mise en place d’une mesure judiciaire pour accueillir un enfant, ou encore les questions de prise en charge financière des internats qui conduisent à tenter de contour- ner la politique du conseil général en matière d’aides financières ; – le recours à la symbolique judiciaire est égale- ment évoqué par les travailleurs sociaux qui signa- lent une situation, le plus souvent lorsqu’il existe un volet pénal à la problématique de danger (un com- portement délinquant de l’enfant ou des poursuites pénales engagées contre l’un des parents). Dans ces hypothèses, le juge des enfants doit-il être le garant de la symbolique judiciaire ? Je ne pense pas qu’il faille généraliser. En effet, il convient, à mon sens, de ne pas dénaturer la place juridique du juge des enfants qui, dans le cadre de la protection de l’en- fance, est un juge civil. Ainsi, même si le recours à la symbolique judiciaire est un argument tout à fait acceptable et opportun dans de nombreuses situa- tions, il paraît, dans de nombreuses autres, une forme de facilité résultant du fait que le juge des enfants est le magistrat le plus accessible et peut- être le mieux repéré. Mais la symbolique pourrait bien souvent être assurée par le procureur de la République ou par le juge d’instruction. Par exemple, lorsque le mineur est délinquant et que le travailleur social souhaite uniquement que la loi lui soit rappelée, ne serait-il pas plus pertinent d’at- tendre une saisine pénale du juge des enfants pour effectuer un tel rappel ? Car c’est alors la place du procureur de la République, en sa qualité de garant des poursuites, qui est questionnée. Fluidifier le passage de l’administratif au judiciaire Au-delà de la question du signalement à l’autorité judiciaire, en amont de la procédure, se pose la question de l’articulation en cours de prise en charge judiciaire, soit par la possible intervention concomitante des dispositifs administratif et judi- ciaire, soit en aval lorsqu’un non-lieu est envisagé en vue d’une prise en charge administrative. L’intervention simultanée des deux dispositifs est celle qui pose le plus de difficultés, notamment sur le plan de la conception que l’on peut avoir du dispositif global de protection de l’enfance. En effet, dès lors que la loi permet une totale articu- lation entre les deux dispositifs, deux conceptions existent : celle qui estime que l’intervention judi- ciaire est exclusive de toute autre et celle qui considère, au contraire, que l’articulation des dis- positifs est un outil supplémentaire pour enrichir les prises en charge. Deux cas de figures permet- tent d’illustrer mon propos. Le premier est celui des fratries. Lorsqu’un enfant est en danger et que le reste de la fratrie ne l’est pas, mais nécessite néanmoins une prise en char- ge éducative, faut-il saisir le juge des enfants pour l’ensemble de la fratrie, afin de privilégier une cohérence éducative, ou faut-il, au contraire, poursuivre sur le mode administratif et ne saisir le juge que de la situation du seul enfant en danger ? Le fait de répondre à cette question soulèvera nécessairement des objections de la part de ceux qui privilégient la réponse “au cas par cas”. Néanmoins, quelques lignes peuvent être déga- gées. En effet, ou bien on considère que doit être privilégiée la nécessité de ne pas multiplier les intervenants, ou encore qu’il convient de ne pas Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 4. 98 Informations sociales n° 140 L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E stigmatiser l’enfant en danger par rapport aux autres, et le juge des enfants est saisi du tout. Ou bien on estime, au contraire, qu’il est important de préserver la symbolique judiciaire du danger, et n’est signalé que l’enfant concerné. Dans un cas comme dans l’autre, la marge de manœuvre du juge des enfants varie. S’il est saisi de la totalité de la fratrie, il pourra, selon sa pratique, ordonner une mesure éducative pour toute ou partie de celle-ci. En revanche, s’il n’est saisi que d’un seul enfant, il ne disposera généralement pas des élé- ments d’appréciation lui permettant d’étendre d’office sa saisine aux autres enfants. Faut-il pour autant généraliser les signalements de fratrie afin de restituer au juge des enfants sa marge d’appré- ciation ? Je ne le pense pas, car l’esprit des textes vise à privilégier la prévention sur le judiciaire. Le juge ne devrait donc être saisi que des cas de dan- ger afin de permettre, lorsqu’il y a une collabora- tion possible des parents, une intervention admi- nistrative sur le reste de la fratrie. Le second cas de figure est celui de la double prise en charge d’un même mineur. Dit autrement, peut-on envisager, lorsqu’un mineur en danger est suivi dans le cadre d’une mesure d’Action éduca- tive en milieu ouvert judiciaire (AEMO), que les parents signent un contrat d’accueil temporaire ? Là aussi, quelques arguments peuvent être déga- gés. Le caractère judiciaire du placement peut être défendu quand les parents sont en difficulté pour gérer le sentiment de culpabilité que générerait la signature d’un accueil temporaire. Un tel senti- ment pourrait les conduire à mettre rapidement un terme à la prise en charge, au détriment de la pro- tection de l’enfant. L’intervention du juge des enfants permet alors d’introduire de la neutralité et de garantir à l’enfant une continuité dans sa prise en charge éducative. Mais peut-on envisager la judiciarisation à ce seul motif ? Je ne pense pas. Cela ne pourra bien évidemment se justifier qu’à condition que l’enfant courre un danger s’il retourne au domicile. Il m’apparaît en effet impor- tant de laisser aux parents le pouvoir de rester maîtres de la partie de la prise en charge qui relè- ve de leur autorité parentale. Dans le même ordre d’idées, les contrats d’accueils temporaires ponc- tuels, principalement dans le cadre des vacances scolaires, sont souvent refusés par les conseils généraux, notamment pour des raisons budgé- taires. Faut-il pour autant multiplier ce qu’on appelle les “OPP (7) vacances”, cette pratique des juges des enfants, très usitée dans le passé, qui consistait à permettre à des enfants suivis dans le cadre d’une mesure d’AEMO de partir en vacances par le biais d’un placement. Pour ma part, je considère que le recours à l’OPP doit res- ter exceptionnel. Ainsi, je ne l’ordonne, et donc ne l’impose à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), que dans deux hypothèses : ou le mineur est en dan- ger s’il reste au domicile durant cette période, ou le placement court est un outil pour travailler la séparation et, à plus long terme, envisager un pos- sible placement de longue durée. En dehors de l’intervention concomitante des deux dispositifs, se pose également la question du pas- sage de relais en aval de la prise en charge judi- ciaire, lorsqu’un non-lieu est envisagé du fait de la disparition du danger. Ce passage de relais est simple et s’opère sans difficulté dès lors que le juge des enfants et l’inspecteur référent de la situation se sont accordés sur ce point, comme c’est géné- ralement le cas en matière de placement. En revanche, la difficulté est plus importante lorsqu’il s’agit d’AEMO, pour deux raisons. D’une part, le service éducatif habilité pour intervenir dans le cadre judiciaire est rarement le même que celui qui intervient dans le cadre administratif. Le passa- ge de relais implique donc un changement d’inter- venant qui n’est pas toujours opportun et pour lequel recueillir l’adhésion de la famille est diffici- le. D’autre part, l’ASE n’intervient pas directement, sauf exception, dans la mesure d’AEMO (contrai- rement à la majorité des placements). De ce fait, elle n’est pas associée à la réflexion concernant l’existence du danger et le juge des enfants ne peut pas lui imposer la signature d’un contrat d’aide éducative à domicile. La décision de non-lieu mentionnant la possibilité d’intervenir dans un cadre administratif peut alors être vécue comme une intrusion du juge dans les prérogatives du Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 5. 99n° 140 Informations sociales L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E conseil général. Pourtant, il est primordial de pou- voir signifier aux familles la disparition du danger et leur capacité à protéger leur enfant sans inter- vention du juge. C’est pourquoi il faut favoriser l’établissement de protocole de passage de relais entre autorités administrative et judiciaire. Or actuellement, une telle articulation est soumise à la seule bonne volonté des partenaires locaux. Vers quelle coordination ? La loi relative à la protection de l’enfance du 5 mars 2007 ne modifie pas les dispositifs existants mais donne un cadre légal à des pratiques éta- blies, telles les “cellules de signalement”. En revanche, elle vise à institutionnaliser une réelle coordination entre les autorités administrative et judiciaire, à tous les stades de la procédure. Pour cela, elle crée un nouvel alinéa à l’article L. 221- 4 du CASF qui confie au président du conseil général une mission de coordination avec l’auto- rité judiciaire, “en amont, en cours et en fin de mesure, aux fins de garantir la continuité et la cohérence des actions menées”. Cet ajout peut paraître purement organisationnel, mais nous pouvons légitimement espérer que les discussions qui accompagneront cette mission per- mettront un débat de fond, au sein des départe- ments, concernant les modalités d’une meilleure fluidité entre suivis administratif et judiciaire. Il fau- dra néanmoins attendre l’application effective de la loi et de cette disposition en particulier afin de voir de quelle façon les conseils généraux s’empa- reront de ce nouvel outil pour engager le débat. NOTES 1 - L’article 371-1 alinéa 2 du Code civil dispose que “l’autorité parentale appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne”. 2 - La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance remplace la notion de “mineur maltraité” par celle de “mineur en danger”, afin d’harmoniser les concepts. 3 - Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français de protection de l’enfance et de la famille, rapport présenté par Pierre Naves et Bruno Cathala, juin 2001. 4 - Cette difficulté devrait, dans l’avenir, être écartée par le travail d’harmonisation des sources statistiques qu’effectue actuel- lement l’Observatoire national de l’enfance en danger, travail qui sera renforcé par la création des observatoires départemen- taux prévus par la loi sur la protection de l’enfance. 5 - L’aide sociale à l’enfance, bénéficiaires, séries chronologiques 1990-1996, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, août 1998. 6 - Ces proportions semblent être toujours d’actualité, puisque, dans le Val-de-Marne, en 2005, les chiffres étaient les suivants : 366 accueils provisoires administratifs contre 1 109 placements judiciaires, et 429 aides éducatives à domicile contre 843 mesures d’AEMO judiciaires et 710 mesures d’investigation (180 enquêtes sociales et 530 mesures d’investigation et d’orientation éducative). 7 - Ordonnances de placement provisoire. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 6. 100 Informations sociales n° 140 L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E > Le point de vue du conseil général d’Eure-et-Loir La protection de l’enfance est une architecture complexe, peu lisible pour les usagers, voire pour les acteurs eux-mêmes. Depuis 2004, le conseil général est chargé de la coordination de l’en- semble, tout en étant co-responsable avec l’État. Pour tous il importe de savoir qui arbitre, qui décide, qui exécute et qui est responsable… Au moment où la solidarité se trouve de plus en plus sollicitée pour l’accompagnement des plus démunis et le soutien entre les générations, le dis- positif de protection de l’enfance est interpellé sur sa cohérence et son efficience au regard des moyens qu’il mobilise. Des constats préoccupants Le dispositif de protection de l’enfance, aujour- d’hui (1), représente une dépense de 5 milliards d’eu- ros pour l’ensemble des budgets départementaux d’ASE (sur les chiffres concernant la répartition des mesures, voir l’article d’Isabelle Frechon dans ce dos- sier). On observe une augmentation de 7 % des signalements administratifs et judiciaires (soit 95 000 en 2004), à laquelle s’ajoute un surcroît de signale- ments de mauvais traitements suspectés ou avérés, impliqués dans 20 % des cas (soit 19 000 en 2004). Un cadre législatif et réglementaire qui évolue Rappelons les textes à l’origine du dispositif de protection de l’enfance : – l’ordonnance du 23 décembre 1958 (art. 375/CC) instaure l’assistance éducative et confie à l’autorité judiciaire la protection de l’enfant en danger ; – le décret du 7 janvier 1959 (art. R.221-1/CASF) confirme à la protection sociale la mission d’assu- rer la protection de l’enfant en risque de danger. Les lois de décentralisation (juin et juillet 1983) ont conduit à la redéfinition des fondements de l’inter- vention administrative par la loi du 6 janvier 1986 (art L. 221-1/CASF) comme devant “apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs confrontés à des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre et mener en urgence des actions de protection à leur égard”. Par ailleurs, la loi du 10 juillet 1989 introduit une nouvelle catégorie de mineurs à protéger relevant de maltraitances, organise le recueil des signale- ments et définit, conformément à l’article L. 226- 4 du Code de l’action sociale et des familles, les modalités de saisine du parquet par le président du conseil général, dès lors “qu’un mineur est vic- time de mauvais traitements ou est présumé l’être et qu’il est impossible d’évaluer la situation ou que la famille refuse manifestement d’accepter l’intervention du service de l’aide sociale à l’en- fance”. Enfin, la loi du 2 janvier 2004 (CC) intro- duit l’exigence de la prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans les décisions de protection qui le concernent. Doivent également être prises en compte les modi- fications intervenues en ce qui concerne les droits des familles, tant dans leurs rapports avec l’Aide sociale à l’enfance (loi du 6 juin 1984 et décret du 23 août 1985) que dans le cadre de la réforme de l’assistance éducative (décret du 15 mars 2002). Ainsi, l’ASE doit concilier (sauf circonstances exceptionnelles) les prérogatives de l’autorité parentale qui ne sont pas incompatibles avec la mesure de placement (entretien, éducation, sur- veillance), tout en garantissant la capacité de l’exercice des actes usuels de la vie courante par le service de prise en charge (vie quotidienne, loi- sirs, sorties, etc.). En matière d’assistance éducative, il s’agit de prendre en compte les prérogatives liées à l’auto- rité parentale en permettant l’accès au dossier et en garantissant le débat contradictoire. De ce fait, les familles peuvent, préalablement à l’audience judiciaire, consulter les pièces du dossier et pré- parer leurs arguments devant le juge des enfants en toute connaissance de cause. En conséquence, on voit, au travers de l’évolution Marie-Paule Martin-Blachais, directrice “Enfance et famille”, conseil général d’Eure-et-Loire Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 7. 101n° 140 Informations sociales L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E du cadre législatif et réglementaire, un élargisse- ment des publics accessibles au dispositif de pro- tection administrative, ainsi qu’une déclinaison partielle des modes de saisine de l’autorité judiciai- re par le conseil général qui, depuis la loi du 10 juillet 1989, définit seulement les situations de sus- picion de mauvais traitements, sans précision pour les autres catégories de mise en danger des mineurs telles que prévues au titre des mesures de protec- tion judiciaire (art. 375 et suivants du Code civil). Ceci peut faire obstacle à une clarification du cir- cuit de signalement, facilite la dispersion des modes d’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance et accentue ses défaillances (saisine a priori du judiciaire, informations partielles, évalua- tion unilatérale des situations familiales, procédure d’urgence injustifiée, etc.), ne rend pas suffisam- ment lisible la hiérarchie du dispositif, à savoir la fonction première de la protection administrative et le recours subsidiaire à la protection judiciaire. La mise en place d’une cellule de signalement centralisée au sein du département, telle que pré- vue dans le projet de réforme de la protection de l’enfance, et la fonction de chef de file du disposi- tif de protection de l’enfance dévolue au président du conseil général devraient considérablement améliorer la procédure de recueil de signalements comme l’articulation entre ce qui relève de l’ad- ministratif et du judiciaire. Le conseil général, chef de file… Depuis 1970, de nombreux rapports, dont plus de six en 2005 (2), soulignent la complexité du dis- positif, son manque de lisibilité et de complémen- tarité, qui devrait pourtant reposer sur la co-res- ponsabilité des autorités administratives et judi- ciaires. L’acte I de la décentralisation (juin et juillet 1983) attribue la prévention et la protection sociale au département ; l’acte II, dans le cadre de la loi du 13 août 2004, confie au président du conseil général la compétence de chef de file de l’action sociale sur le territoire départemental aux fins de coordination de l’ensemble des acteurs. Le dispositif de protection de l’enfance fonction- nant sous la co-responsabilité publique de l’État et du conseil général, il convient que, conformément à la circulaire du 10 janvier 2001, l’État, sous l’au- torité du préfet, garantisse la coordination des administrations d’État (police, gendarmerie, juri- dictions, PJJ, Éducation nationale, Jeunesse et Sports, DDASS) avec les politiques départemen- tales locales associant l’ensemble des acteurs (col- lectivités locales, secteur associatif, établissements publics, établissements privés habilités). L’existence de schéma de protection de l’enfance conjoint (État/département), l’élaboration de chartes partenariales, de protocoles et de procé- dures partagées, la mise en œuvre de conférences annuelles de la famille, etc. sont autant d’éléments favorables à la consolidation du dispositif, à la cla- rification des rôles et des fonctions de chacun, à l’amélioration de la complémentarité des acteurs. Un défaut d’articulation En effet, le président du conseil général dispose d’une fonction de protection générale des mineurs accueillis hors du domicile familial, au titre de l’article L. 227-1 du CASF. Par ailleurs, quand le mineur est confié à des particuliers ou à des éta- blissements au titre des articles 375 et suivants, celui-ci est placé, conformément à l’article L. 227- 2 du CASF, sous la responsabilité conjointe du président du conseil général et du juge des enfants. Enfin, lorsque le mineur, par décision du juge des enfants, est confié à l’ASE en qualité de service “gardien”, il revient en même temps au conseil général la charge “d’organiser, de diriger et de contrôler la vie de ce mineur et donc la res- ponsabilité de ses actes”, celle-ci n’étant pas fon- dée sur l’autorité parentale mais sur la garde (Cour de cassation, 1996). Pour l’accomplissement de ses missions et sans préjudice de ses responsabilités vis-à-vis des enfants qui lui sont confiés, le service de l’ASE peut faire appel à des organismes publics ou pri- vés habilités ou à des personnes physiques. Le ser- vice contrôle les personnes physiques ou morales auxquelles il a confié des mineurs en vue de s’as- surer des conditions matérielles et morales de leur Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 8. 102 Informations sociales n° 140 L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E placement (art. L. 221-1 du CASF). De ce fait, la multiplicité des responsabilités gagnerait à être clarifiée au regard de la complexi- té des postures des décideurs dans le dispositif, qui rend peu lisibles les lieux de décision et d’arbitra- ge quand il s’agit de concilier les prérogatives entre juge des enfants, service gardien, familles et éta- blissements ou services de prise en charge. Prenons l’exemple d’un des enfants d’une famille faisant l’objet d’une décision de placement judi- ciaire par le juge des enfants pour mise en danger du mineur. Il est confié à l’ASE et orienté dans un établissement social habilité. Dans ce cas, les parents détiennent toujours l’autorité parentale, mais le service de l’ASE est déclaré civilement res- ponsable, y compris lors des retours en héberge- ment familial. Quelques questions sont soule- vées : quelle représentation se font les parents de la répartition des prérogatives entre juge des enfants et service de l’ASE s’il y a demande d’hé- bergement chez un tiers ? Quelle articulation entre responsabilité du service ASE en qualité de service “gardien” et projet individuel personnalisé de l’établissement d’accueil tel que prévu au titre de la loi du 2 janvier 2002 ? Quelles seront les modalités relationnelles entre parents et établisse- ment alors que le commanditaire est l’ASE et non les parents, et l’usager le mineur confié ? Quelles seront les modalités relationnelles dans le disposi- tif triangulaire juge des enfants, ASE et établisse- ment ou service public ou privé habilité, en matiè- re d’information, de décision, d’arbitrage, de coordination et de recours ? Le passage du champ administratif au champ judiciaire L’évolution des notions (danger, risques de danger, maltraitance…) retenues pour identifier les publics pris en charge interrogent aujourd’hui sur les critères de champs de référence. Par manque de définition consensuelle du danger ou du risque de danger, il apparaît plus pertinent de retenir la protection administrative dans le champ du contractuel ; c’est-à-dire requérant l’accord des parties devant une problématique reconnue, iden- tifiée, partagée, pour laquelle les mesures d’aides proposées font l’objet d’un document, conformé- ment à l’article L. 223-1 et R.223-6 du CASF, contractualisé et formalisé, opposable et intégrant les voies de recours. Il s’agit donc bien d’une démarche d’accompagnement négociée sans contrainte, librement consentie et co-construite par les deux parties. L’absence de ces conditions devrait conduire à la saisine de l’autorité judiciaire (déni, conflit, impossibilité d’évaluer, refus des mesures d’aide proposées), telle que prévue au titre de la loi du 10 juillet 1989 relative aux mauvais traitements. La diversité des origines des signalements (sani- taires, sociaux, éducatifs, familiaux, etc.) et la multiplicité des portes d’entrée (signalement au président du conseil général, saisine directe du parquet ou du juge des enfants) dans le dispositif de protection de l’enfance sont assez caractéris- tiques de notre système français. Il ne permet pas la mise en place d’une organisation garantissant la hiérarchisation des réponses au regard de la com- plexification des problématiques posées et le recours du judiciaire en seconde intention – dès lors que la protection administrative ne peut assu- rer la mesure de protection initiale. L’externalisation de certaines mesures (comme le placement direct ou l’assistance en milieu ouvert) fonctionnant en auxiliaire de justice sans réel engagement formalisé dans le dispositif de protec- tion de l’enfance ne permet pas de garantir le nécessaire travail en réseau, la continuité du par- cours de l’enfant et de sa famille ni la complé- mentarité des actions, mais peut parfois induire clivage et rupture dans la prise en charge au niveau du système de protection de l’enfance, compromettant le sens et la cohérence de l’action. Aussi, un dispositif de droit commun de protec- tion de l’enfance et une articulation coordonnée des actions permettraient une meilleure cohéren- ce du dispositif. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF
  • 9. 103n° 140 Informations sociales L’enfant dans le système administratif et judiciaire R U B R I Q U E NOTES 1 - Sources : enquête nationale 2004 ; rapport annuel 2005 de l’Observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS). 2 - Voir dans ce même numéro (article de Manuel Palacio) la liste des rapports récents. Bibliographie > Marie-Paule Martin-Blachais, “Le petit enfant en souffrance aux lisières de la cité”, Édition ANPA- SE, Émergence, n° 74, 2006, p. 81-84 > Didier Houzel, Les enjeux de la parentalité, Érès, 1999. > Louis de Broissia, L’amélioration de la prise en charge des mineurs protégés, rapport au ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, juillet 2005. > Joseph Goldstein, Anna Freud, Albert J. Solnit, Dans l’intérêt de l’enfant, ESF, 1980. Réinvestir le champ de la prévention Les travaux des experts (Anna Freud, John Bowlby, Esther Bick…) s’accordent sur le fait que la cellu- le familiale est le premier lieu d’expérience et de socialisation de l’enfant : lieu de découverte et d’apprentissage, d’attachement, d’identification et de structuration de l’estime de soi au regard de l’accès à une sécurité interne suffisante. Ceci plai- de pour développer le champ de la prévention et de la protection administrative, pour favoriser les synergies des adultes qui entourent l’enfant et ainsi tisser le nécessaire réseau partenarial de prise en charge. L’enfant doit être au centre des préoccupations institutionnelles. En conséquence, au regard d’un dispositif actuel qui se caractérise par une forte judiciarisation des situa- tions et une majorité de mineurs confiés à l’ASE, il est nécessaire de clarifier, tant pour les enfants et leurs familles que pour les acteurs eux-mêmes, l’ar- chitecture de notre dispositif de protection de l’en- fance aux fins d’identifier les lieux d’arbitrage, de décision, de coordination, de mise en œuvre, d’exé- cution, de responsabilité et de recours. C’est un double souci de transparence pour les usagers et de sécurisation des fonctions et des pratiques pour les professionnels qui doit nous guider. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---92.137.84.132-10/02/201411h33.©CNAF