1. Avril 2014192
VOYAGE GAstrOnOmiE
Road tRip
au paRadis
URUGUAY
Caché entre le Brésil et l’Argentine, ce petit pays d’Amérique du Sud
est la nouvelle destination préférée des branchés-bohème. GQ a mordu la poussière
de Montevideo à Punta del Diablo pour goûter à la dulce vida uruguayenne.
Yoann stoeckelLaure Flammarion
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ipad
193Avril 2014
UrUgUay
luxe
authentique
Petite cabane
de bord de mer ou
palace, comme ici
l’hôtel Fasano Las
Piedras… L’Uruguay
recèle d’atouts
contrastés.
P
endant la très haute saison australe, de
mi-décembre à mi-janvier, l’arrogante
jeunesse de Montevideo se dore sur les
longues plages de l’Uruguay. Cheveux
longs, fesses fermes et rebondies, corps fin
et musclé : l’Uruguayenne a quelques
atouts et n’a qu’un objectif, se faire
remarquer. L’homme, quant à lui, porte
facilement la nuque longue et affecte une démarche
nonchalante. Fuyez donc cette jet-set fatigante et
fatiguée en privilégiant les longues et confortables
mi-saisons et laissez-vous emporter par les nuées de
perroquets sauvages qui traversent le ciel uruguayen.
À quelques minutes du port de Montevideo, par lequel
de nombreux voyageurs arrivent de Buenos Aires,
des maisons défraîchies, qui donnent l’impression
que rien n’a bougé depuis la Coupe du monde de 1950.
Soudain, une cantine emballante, et un concept-store
pointu. Montevideo est un doux mélange de nostalgie
et d’énergie apportée dans leurs bagages par
les nombreux artistes sud-américains installés dans
la capitale. En quittant la ville, on s’arrête dans un petit
marché. Parmi les combis Volkswagen, un couple de
petits vieux fait frire des galettes de pommes de terre.
Au-dessus de leur établi flotte le drapeau uruguayen,
bleu et or. Sur les étals, les légumes sont étincelants
et la viande, fierté nationale, a l’air plus qu’appétissante.
Dans l’air, flotte le parfum enivrant des paraísos,
arbres majestueux dont les délicates fleurs
s’envolent d’un seul coup en une pluie d’étoiles.
Robinson au pays de l’urbanisation
De Montevideo à Punta del Este, il y a plus d’une heure
de route pendant laquelle il faut fermer les yeux. Ne pas
regarder ce combat d’une urbanisation déraisonnée sur
la nature ambiante, faire l’impasse sur les immondes
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UrUgUay
panneaux publicitaires parasitant les prairies tout en
savourant les ponctuelles exclamations architecturales
qui foudroient avec style et incohérence le paysage.
Tantôt la cabane d’un Robinson des temps modernes,
tantôt une barre d’immeubles de soixante-dix étages
de béton blanc dont les fenêtres futuristes reflètent
le bleu de l’océan, et soudain cette maison que
Le Corbusier aurait pu signer.
À la pêche aux croissants chauds
La Barra est le premier village de la côte à s’être
développé après Punta. Désormais infréquentable
en haute saison, il abrite les restaurants préférés
des vacanciers ainsi que Medialunas Calientitas,
une boulangerie réputée. Les jours de pluie, toutes
générations confondues s’y réfugient autour de
vintage
Dans certains
villages du sud
de l’Uruguay, à
l’image de rocha,
le temps semble
s’être arrêté
quelques décennies
plus tôt.
gastronomie
Des cantines de
Montevideo aux
spécialités du chef
cathodique Francis
Mallmann,
les gourmets
sont servis.
uruguay
Montevideo
Punta
Del Diablo
195Avril 2014
UrUgUay
Des plages infinies de sable
fin et chaud, pas un être.
Dans les terres,
se trouve le Lagon noir.
pyramides de croissants brûlants accompagnés de
briques de lait chocolaté et de cafés « cortado ». Dans
les terres, on roule entre les fabuleuses propriétés qui
se succèdent, comme le superbe Hotel Fasano et
ses 480 hectares. Le dimanche soir sur la plage du lagon
de la Barra, les pêcheurs amateurs se retrouvent en
famille ou solitaires. Un maté à la main, ils attendent
que le courant épuise leur proie. Soudain, l’un deux
monte au front en s’enfonçant dans l’eau. Les visages
burinés se rapprochent et commentent le combat
silencieux. La semaine se termine et le soleil se couche.
Pour nous, le voyage commence seulement.
Hédonisme de masse
Le village en vogue est désormais José Ignacio, qu’on
aime comparer à Saint-Tropez. Il se voudrait bohème,
mais en vérité, il est tout aussi jet-set, si ce n’est plus.
La Huella, le restaurant emblématique local, en éclaire
les nuits plus encore que le phare. Tous les jours,
une queue se forme devant. Une serveuse en jean blanc
prend les noms en dansant sensuellement. Ici encore,
on est beau, riche et cool, on mange bien et sain.
On voudrait détester cet endroit mais voilà, après
un impeccable poisson grillé, un nouveau pichet
de clerico arrive sur la table avec un « volcan de dulce
de leche et sa glace à la banane ». La musique est forte
mais bonne. Il fait beau, le soleil tape doucement
traDition
Le dimanche, les
pêcheurs s'aident
de la marée pour
piéger leurs prises.
caLme
Une chambre
joliment désuète
de l'hôtel Casa
Zinc à La Barra.
3. Avril 2014198
UrUgUay
Y ALLER
Toute l’année, cinq vols air France
par semaine via Buenos aires.
Paris-Montevideo aller-retour à partir
de 1 036 € TTC (jusqu’au 28 juin)
hors frais de service
renseignements et réservations: 3654
ou auprès des agences air France
ou des agences de voyages.
SE LOGER
• Fasano, La Barra Ses maisons
individuelles réparties dans une propriété
sublime en font l’un des plus beaux
hôtels du monde. C’est indiscutable:
on a trouvé le paradis.
laspiedrasfasano.com,
+598 4267 0000
• Estancia VIK & Playa Vik,
José Ignacio Dans les terres,
Estancia Vik surplombe une somptueuse
nature tandis que Playa Vik signé
Carlos Ott flirte avec l’océan. Un rêve.
vikretreats.com, + 598 9460 5212
• Sofitel, Montevideo Ce célèbre
bâtiment de la côte, fréquenté
à l’époque par albert Einstein
et François Mitterrand, a été
formidablement restauré, devenant
ainsi le premier Sofitel d’Uruguay.
sofitel.com, +55 11 55478007
• Casa Zinc, La Barra Construite
de toutes pièces par un chineur
professionnel, cette maison au charme
fou semble exister depuis toujours.
casazinc.com, +598 9962 0066
Où MAnGER
• Elmo, La Bota, + 598 9406 9111
Le temple des pizzas et fruits de mer
au feu de bois.
• La Huella, José Ignacio
Sans aucun doute le meilleur
restaurant de plage de la côte.
paradorlahuella.com, +598 4486 2279
• Garzón, Garzón
ravissant décor pour la table
la plus courue de la région.
restaurantegarzon.com, + 598 4410 2811
LES ADRESSES GQ
éDEn
Un beau jardin,
un lonesome
gaucho…un goût
de l'exotisme
uruguayen.
tERRASSE
Prenez donc
une mousse au
Club Social rocha.
Ici encore les flamants roses se baignent parmi les
roseaux et un carpincho profite du soleil. On atteint le
Parc Santa Teresa, étonnante zone militaire qui fait
office de haut lieu de tourisme. Ses belles plages et
cabanons de vacances, sa réserve naturelle, son zoo et
ses serres pittoresques en font une version surprenante
du camp militaire.
L’adieu à l’océan
Sur le chemin du retour, nous longeons la palmeraie où
les vaches broutent au milieu des arécacées. Rencontre
inattendue de deux symboles de la culture uruguayenne,
la palmeraie est sans doute la meilleure image que l’on
puisse se faire de ce pays. Sur la route, des petits stands
de liqueurs, miels, fromages ou dulce de leche rythment
le paysage. On s’arrête pour manger une glace à Castillos,
à la quiétude délicieuse, puis on s’offre une dernière
escale pour voir l’océan. Ce sera Valizas, un discret
village, à peine colonisé par les surfeurs. Alors que le
soleil se couche, ses maisons bancales enfoncées dans les
dunes, cabanes de rêve faites de morceaux d’épaves, de
courage et d’utopie, sont pareilles à celles que l’on nous
décrivait enfant dans les contes. Le voyage peut prendre
fin. L’Uruguay a dévasté nos cœurs.