4. ¶
Composition
La composition de ce gel n’a pas été établie de façon précise
mais il semble constitué d’un mélange de mucines solubles et
non solubles produites au niveau des glandes lacrymales, de
l’épithélium stratifié de la surface oculaire et de ces cellules
caliciformes. Certaines de ces mucines s’ancrent à la surface de
la cornée en établissant des liaisons avec les mucines présentes
à la surface de l’épithélium cornéen [6, 9].
En dehors d’eau, d’électrolytes et de mucines, le film lacrymal
est constitué d’un grand nombre de composants : immunoglobulines, protéines à activité antimicrobienne (lysozyme et
lactoferrine), facteurs de croissance (transforming growth factoralpha, epidermal growth factor, hepatocyte growth factor), etc. Le
rôle exact de chacun de ces composants n’a pas été formellement identifié mais il est probable qu’il contribue à maintenir
l’homéostasie de la surface oculaire et à réguler les processus de
cicatrisation [5].
Notre connaissance de la phase lipidique a également progressé : des lipides hydrophiles polaires (phospholipides,
sphingomyéline, céramides, cérébrosides) constituent une partie
de la phase lipidique et sont principalement localisés au contact
de la phase mucinoaqueuse. La majeure partie de la phase
lipidique, plus superficielle, est faite de lipides hydrophobes
(esters de cholestérol, triglycérides, acides gras libres) [5, 10, 11].
Fonction
Le rôle fonctionnel des larmes est large [2] :
• protéger de façon mécanique la cornée et la conjonctive des
contaminants aériens (agents chimiques, poussière, corps
étranger, etc.) ;
• assurer l’humidification de la cornée et de la conjonctive et
lutter contre la dessiccation des cellules épithéliales ;
• rôle métabolique : la cornée étant avasculaire, la plupart des
substances nécessaires à son métabolisme lui parviennent par
les larmes ;
• rôle lubrifiant favorisant le glissement des paupières sur la
cornée ;
• rôle optique : le film lacrymal crée en effet en avant de la
cornée une surface régulière permettant une vision précise ;
• rôle de protection immunitaire avec un système comprenant
des protéines à activité antimicrobienne, des anticorps, des
cellules phagocytaires, des immunoglobulines, etc. ;
• le film lacrymal, hypertonique, joue également un rôle
osmotique vis-à-vis de l’hydratation du stroma antérieur ;
• rôle dans la cicatrisation cornéenne (le film lacrymal contient
un certain nombre de facteurs de croissance : epidermal growth
factor, transforming growth factor alpha...).
Le film lacrymal s’intègre à l’intérieur d’un complexe, la
surface oculaire, qui comprend, outre le film lacrymal, l’épithélium cornéen, l’épithélium conjonctival, les glandes lacrymales
accessoires et les glandes de Meibomius. Le clignement palpébral permet quant à lui d’étaler la larme à la surface du globe
et favorise l’élimination et le turn-over lacrymal.
La sécrétion lacrymale est essentiellement de nature réflexe.
La stimulation lacrymale provient de stimuli issus de la surface
oculaire et de la muqueuse nasale. La voie afférente du stimulus
emprunte la branche ophtalmique du trijumeau, le signal est
ensuite intégré au niveau cérébral. La voie efférente emprunte
des voies parasympathiques au sein du nerf facial ainsi que des
fibres sympathiques issues des chaînes sympathiques
paraspinales.
Il est maintenant clairement admis que surface oculaire,
clignement palpébral, glande lacrymale principale et interconnexions nerveuses relèvent d’une même unité fonctionnelle où
chacun des composants interagit avec les autres. L’existence de
cette unité fonctionnelle explique que tout dysfonctionnement
de l’un de ses constituants entraîne la production d’un film
lacrymal inadapté dans son volume ou sa composition [5].
■ Définition, classification
et étiologie de l’œil sec
L’œil sec est un déséquilibre du film lacrymal, dû à un
défaut de sécrétion ou un excès d’évaporation, lequel cause
des dommages de la surface oculaire et est associé à des
symptômes oculaires d’inconforts.
Classification et étiologies
Œil sec par défaut de sécrétion
Les syndromes secs par défaut de sécrétion sont subdivisés en
deux catégories : l’insuffisance lacrymale non liée à un Sjögren
et l’insuffisance lacrymale du syndrome de Sjögren.
Insuffisance lacrymale non liée à un Sjögren
L’insuffisance lacrymale non liée à un Sjögren peut provenir
d’une production glandulaire altérée, d’une stimulation afférente ou efférente altérée, ou d’une maladie de surface oculaire
locale.
Le déficit lacrymal peut être primaire et résulter d’une
absence lacrymale congénitale (rares cas d’enfants nés avec une
absence ou une hypoplasie des glandes lacrymales). D’autres
maladies congénitales, comme le syndrome de Riley-Day,
peuvent être responsables d’une absence de larmes. Le syndrome de Riley-Day se caractérise par une innervation parasympathique anormale de la glande lacrymale sans altération
structurelle de cette dernière. Ce syndrome comporte une
absence de sécrétion lacrymale réflexe et s’associe souvent à une
diminution de la sensibilité cornéenne favorisant la survenue
d’ulcères, voire de perforations de la cornée [4].
Cependant, la grande majorité des patients atteints de
syndrome de sécheresse oculaire présentent une forme acquise
de syndrome sec.
La kératoconjonctivite sèche dégénérative est la plus fréquente des sécheresses oculaires, atteignant plus de 10 % de la
population après 60 ans ; sa pathogénie, mal élucidée est de
nature multifactorielle associant des facteurs dégénératifs liés à
l’âge, des facteurs hormonaux, inflammatoires, etc.
La sécheresse oculaire peut être la conséquence d’atteinte de
la conjonctive dans le cadre de conjonctivite allergique chronique, de kératoconjonctivite virale.
Une carence en vitamine A peut provoquer une sécheresse
oculaire par deux mécanismes : un déficit en mucine ou par le
biais d’un déficit de la production de la phase aqueuse.
Différentes affections fibrosantes conjonctivales peuvent
entraîner des syndromes secs sévères par atteinte des voies
d’excrétion. Citons le trachome, la pemphigoïde oculaire
cicatricielle, le syndrome de Stevens-Johnson, les brûlures
chimiques...
Le déficit lacrymal peut résulter d’une infiltration de la
glande lacrymale. Lymphome, sarcoïdose, hémochromatose,
amylose, infection par le virus de l’immunodéficience humaine,
par le HTLV1, par le virus d’Epstein-Barr (EBV), par le virus de
l’hépatite C et la maladie du greffon contre l’hôte peuvent
entraîner un œil sec par ce processus. De la même manière, la
destruction du tissu lacrymal par irradiation ou dans les suites
d’une chirurgie peut entraîner un œil sec sévère [2, 4, 10].
Une atteinte des boucles nerveuses afférentes et efférentes est
une cause fréquente de sécheresse oculaire. Les médicaments
systémiques sont une source commune d’inhibition de la
stimulation efférente de la glande lacrymale. De nombreux
médicaments, au premier rang desquels on peut citer les
psychotropes, les antihistaminiques et les bêtabloquants [2],
peuvent provoquer une sécheresse oculaire, notamment en
réduisant le larmoiement par inhibition anticholinergique de la
glande lacrymale ou par déshydratation systémique.
Un traumatisme des fibres nerveuses afférentes et efférentes
destinées et issues de la glande lacrymale peut aussi entraîner
un œil sec. L’interruption du stimulus de la production
lacrymale ou la perte sensorielle (dénervation), entraîne une
diminution de la sécrétion lacrymale et réduit la vitesse de
clignement. Après instillation d’anesthésie topique on constate
une diminution de la sécrétion lacrymale de 60 à 75 % et une
réduction de 30 % de la fréquence du clignement palpébral. Des
dommages des fibres sensitives afférentes responsables d’un œil
sec ont été rapportés après incision chirurgicale cornéenne
(kératoplastie, kératotomie radiaire et incision limbique de
cataracte) et après dommage de la première division du ganglion trijumeau (par traumatisme, tumeur, herpès ou zona) [4].
5. ¶
Tableau 1.
Critères européens du syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS).
1. Symptômes oculaires (au moins une réponse positive à l’une
des 3 questions suivantes) :
- sensation d’œil sec quotidienne depuis plus de 3 mois ?
- impression de sable ou gravier dans les yeux ?
- utilisation de larmes artificielles plus de 3 fois par jour ?
2. Symptômes buccaux (au moins une réponse positive à l’une
des 3 questions suivantes) :
- sensation quotidienne de bouche sèche depuis plus de 3 mois ?
- épisodes permanents ou récidivants de gonflement parotidien à l’âge
adulte ?
- obligation de boire fréquemment pour avaler les aliments secs ?
3. Signes oculaires (positivité d’au moins un des tests suivants) :
- test de Schirmer ≤ 5 mm en 5 minutes
- rose Bengale ≥ 4 selon le score de Van Bijsterveld
4. Signes d’atteinte des glandes salivaires (positivité de l’un des 3 tests
suivants) :
- scintigraphie salivaire
- sialographie parotidienne
- flux salivaire non stimulé ≤ 1,5 ml en 15 minutes
5. Signes histologiques :
- focus score ≥ 1 sur une biopsie de glandes salivaires accessoires
6. Autoanticorps : présence dans les sérums
- anticorps anti-Ssa/Ro et/ou anti SSb/La
SGS primitif : 4 critères avec au moins critère 5 ou 6
Critères d’exclusion : lymphome préexistant, sida, sarcoïdose, maladie du greffon
contre l’hôte, sialadénose, utilisation de médicaments antidépresseurs et
antihypertenseurs, neuroleptiques, substances parasympatholytiques
Le LASIK et la kératotomie photoréfractive (PKR) sont des
causes communes d’œil sec. Une diminution de la sensibilité
cornéenne, de la production lacrymale, et de la vitesse de
clignement dans les 6 à 18 mois suivant une chirurgie réfractive
est habituelle. L’incidence peut être plus élevée dans le LASIK
que dans la PKR car la création d’un capot entraîne sur 270° de
circonférence cornéenne une section des branches des nerfs
ciliaires longs. Donnenfeld et son équipe ont rapporté de façon
statistiquement significative une plus grande fréquence de
sécheresse oculaire chez les patients ayant une charnière
supérieure par rapport à une charnière nasale suggérant que le
placement nasal de charnière autorise une préservation plus
importante de l’innervation cornéenne. La création d’un capot
peut aussi être à l’origine d’une distribution inhomogène des
larmes [12, 13].
L’importance des facteurs hormonaux dans la genèse de la
sécheresse oculaire est de plus en plus soulignée. La sécheresse
oculaire est fréquente après la ménopause. Bien que la plupart
des symptômes systémiques de la ménopause soient liés à la
diminution du taux d’œstrogène, les études de supplémentation
en œstrogènes n’ont pas montré d’effets bénéfiques sur la
sécheresse oculaire. L’implication d’un déficit en androgène est
de plus en plus soulignée dans ce type de sécheresse [14, 15].
Insuffisance lacrymale liée à un syndrome de Sjögren
Le syndrome de Gougerot-Sjögren se caractérise par l’association d’un syndrome sec prédominant aux niveaux oculaire et
buccal et de manifestations extraglandulaires de mécanisme
immuno-inflammatoire.
Le syndrome de Gougerot-Sjögren primaire est la collagénose
la plus fréquente après la polyarthrite rhumatoïde. La maladie
est à nette prédominance féminine : neuf femmes pour un
homme. Elle peut survenir à tout âge mais c’est le plus souvent
vers 45 ans qu’apparaissent les premiers symptômes.
Son diagnostic repose sur l’association de signes subjectifs et
objectifs de sécheresse oculaire et buccale, sur la constatation
histologique d’un infiltrat lymphoplasmocytaire en amas au
niveau des glandes salivaires accessoires et sur la présence
d’anticorps anti-SSA et anti-SSB (Tableau 1).
La sécheresse peut affecter d’autres muqueuses (ORL, génitales, respiratoires, digestives) ainsi que la peau. Une asthénie, des
Figure 1.
Filaments muqueux dans le cadre d’un syndrome de Sjögren.
douleurs articulaires et tendinomusculaires sont fréquemment
observées. Des atteintes témoignant d’un processus autoimmun sont habituelles (vascularites, syndrome de Raynaud,
thyroïdites...). Les marqueurs biologiques d’auto-immunité sont
fréquemment constatés. La sévérité sur le plan vital de cette
affection est liée à la possibilité de localisations rénales,
pulmonaires, neurologiques, mais également à la possibilité de
survenue d’un lymphome.
De tous les syndromes secs oculaires, celui associé au syndrome de Sjögren est l’un des plus sévères [16, 17].
La sécheresse oculaire est quasiment constamment observée
au cours de ce syndrome (90 % des cas). Cliniquement, cette
sécheresse est sévère (kératoconjonctivite sèche), comporte
volontiers des filaments faits de débris muqueux et épithéliaux
(Fig. 1), et comprend une très nette réduction de la sécrétion
réflexe. D’autres atteintes du segment antérieur sont possibles :
kératite ponctuée superficielle et infiltrats sous-épithéliaux,
ulcères aseptiques. L’existence d’un Sjögren expose à la survenue de kératite microbienne.
De façon beaucoup plus exceptionnelle, des manifestations
ophtalmologiques extracornéoconjonctivales peuvent s’observer
au cours du syndrome de Sjögren : altérations du champ visuel,
trouble de l’oculomotricité, nystagmus, ptôsis, trouble de la
vision des couleurs, neuropathie optique, choroïdopathie,
vascularite et hémorragies rétiniennes... En cas de localisations
neurologiques, il est parfois difficile de différencier cette
affection d’une sclérose en plaques [18, 19].
Le syndrome de Sjögren peut aussi être associé au lupus
érythémateux systémique, polyarthrite rhumatoïde, maladie
granulomateuse de Wegener, sclérodermie, polymyosite, dermatopolymyosite et cirrhose biliaire primitive. Le syndrome de
Sjögren est alors dit secondaire.
Deux points différenciant les syndromes de Sjögren primitifs
(SSP) des syndromes de Sjögren secondaires (SSS) méritent d’être
soulignés :
• les syndromes secs oculaires associés au SSP sont plus sévères
que les formes liées au SSS ;
• par ailleurs sur le plan évolutif, les formes liées au SSP sont
stables, tandis que celles associées au SSS suivent une évolution parallèle à l’affection causale, avec la survenue possible
de phase de quasi-normalisation de la fonction lacrymale [20].
Œil sec par excès d’évaporation
Les conditions environnementales telles que l’altitude, la
sécheresse, la chaleur extrême, la climatisation accélèrent
l’évaporation.
Maladie des glandes de Meibomius et blépharites
Le dysfonctionnement des glandes de Meibomius mène à une
diminution de leur production et à une composition anormale
de la couche lipidique du film lacrymal. Les conséquences d’un
dysfonctionnement des glandes de Meibomius sont multiples :
• la couche lipidique résultante est incapable de maintenir la
stabilité du film lacrymal et de lutter contre l’évaporation ;
6. ¶
• les lipides anormaux favorisent le développement de phénomènes inflammatoires locaux au niveau de la surface oculaire
et des paupières à type d’acné rosacée, de dermatite séborrhéique.
Le dysfonctionnement meibomien est associé à une colonisation bactérienne anormale.
Exposition
L’exposition excessive de la surface oculaire mène à l’augmentation de l’évaporation lacrymale, ainsi, tout désordre qui
augmente l’exposition oculaire peut entraîner une sécheresse
oculaire par hyperévaporation.
Une atteinte palpébrale d’origine mécanique ou neurologique
ayant comme conséquence d’altérer ou réduire le clignement
palpébral, d’augmenter la taille de la fente palpébrale, peut
entraîner une sécheresse oculaire par hyperévaporation.
La sécheresse oculaire par hyperévaporation peut être observée dans les atteintes oculaires dysthyroïdiennes comprenant
exophtalmie et rétraction palpébrale.
Les patients comateux ou certains patients psychiatriques
peuvent présenter un syndrome sec sévère par hyperévaporation.
■ Diagnostic
Signes fonctionnels
L’interrogatoire s’attache à préciser l’ancienneté des symptômes, leur caractère quotidien ou intermittent et leur sévérité.
Les patients présentant des manifestations cliniques oculaires
au cours de cette affection rapportent en général des sensations
diverses d’inconfort oculaire, à type d’impression de corps
étranger, de sécheresse, de brûlure, de fatigue visuelle et parfois
de prurit. Sécrétions, rougeur oculaire, photophobie et trouble
visuel intermittent sont également des plaintes habituelles.
Afin de préciser la nature des signes fonctionnels, différents
questionnaires peuvent être utilisés. Ils ont pour intérêt de
préciser la sévérité du problème et d’évaluer l’efficacité des
traitements. Ces questionnaires peuvent être administrés en
salle d’attente. Il en existe de différents types, des plus simples
comprenant six questions à des formes plus complexes. Les
questionnaires les plus longs sont consommateurs de temps, les
plus concis peuvent passer à côté de certains points importants.
Il convient d’utiliser des questionnaires trouvant un bon
équilibre entre exhaustivité et temps de réalisation. Parmi les
tests les plus utilisés, citons le questionnaire de McMonnie et le
questionnaire OSDI (Ocular Surface Disease Index). Ce questionnaire liste 12 symptômes habituels auxquels est attribué un
score de gravité compris entre 1 et 4.
Ces questionnaires peuvent être complétés par des échelles
visuelles analogiques pour évaluer la plainte fonctionnelle
ressentie par le patient.
Cependant, le diagnostic d’œil sec n’est pas toujours aisé. Il
convient, en effet, de souligner deux points :
• il n’existe aucun signe fonctionnel spécifique de la sécheresse
oculaire. Un grand nombre de patients présentant un syndrome sec ne parlent pas d’impression d’œil sec mais parlent
plus volontiers de brûlures, de picotements, de sensation de
corps étranger... : soit un cortège de plaintes fonctionnelles
communes à l’ensemble des pathologies de la surface oculaire ;
• il n’existe pas de corrélation entre l’importance de la plainte
fonctionnelle et les constatations objectives de l’examen
clinique : un certain nombre de patients présentant un
syndrome sec sévère ne vont se plaindre d’aucun signe
fonctionnel (il convient dans ce cas de rechercher une
diminution de la sensibilité cornéenne), à l’inverse la gêne
oculaire est parfois ressentie de façon intense alors que les
tests de fonction lacrymale sont à la limite de la normale.
Certains points permettent cependant d’évoquer une sécheresse oculaire :
• des signes fonctionnels s’accentuant au cours de la journée
(notamment en cas de déficit aqueux) ou plus importants au
réveil (en cas d’atteintes meibomiennes) ;
• une symptomatologie accentuée par la climatisation, l’air sec
et chaud, par la fumée de cigarettes ;
• des symptômes majorés par une activité visuelle nécessitant
une attention soutenue (travail sur écran, conduite, lecture)
qui s’accompagne d’une diminution de la fréquence du
clignement. La sévérité d’une sécheresse peut être suspectée
lorsque le patient signale qu’il ne produit plus de larmes
(lorsqu’il épluche des oignons, ou dans des situations d’émotion où jusque-là il pleurait...) [18].
L’interrogatoire s’attache en outre à préciser les antécédents
locaux (conjonctivite, porteurs de lentilles, antécédents de
kératite, chirurgie cornéenne, traitements locaux) et généraux
(maladie auto-immunes, diabète, atteintes neurologiques...). Le
statut hormonal est à préciser. La liste des médicaments doit
être scrupuleusement inventoriée à la recherche de médicaments pourvoyeurs de sécheresse oculaire : parasympatholytiques, notamment psychotropes, antihistaminiques,
bêtabloquants... La recherche d’une sécheresse buccale est
systématique.
Examen clinique
Cliniquement, il convient d’analyser successivement les
paupières, la conjonctive et la cornée.
Une blépharite, une malposition palpébrale, une anomalie
des cils sont à rechercher.
La recherche d’un dysfonctionnement des glandes de Meibomius fait systématiquement partie du bilan clinique entraînant :
sécrétions épaisses, chalazions, obstruction des orifices des
glandes de Meibomius, télangiectasies palpébrales, tableau
d’acné rosacée... Une diminution en hauteur de la rivière
lacrymale inférieure est habituelle. L’hyperhémie conjonctivale
est fréquente. La rougeur oculaire doit être quantifiée, on peut
utiliser pour cela différentes classifications comme le score de
McMonnies [18, 21, 22].
La sécheresse oculaire peut être responsable d’une atteinte
clinique de la cornée et de la conjonctive, là où elles sont les
plus exposées, c’est-à-dire dans la fente interpalpébrale réalisant
le tableau de kératoconjonctivite sèche. Dans certains cas on
peut constater la présence de débris muqueux et épithéliaux sur
la conjonctive et la cornée, réalisant parfois un tableau chronique de kératite filamenteuse.
Les patients présentant une sécheresse oculaire présentent
également un risque accru d’infections de la surface oculaire en
raison de la diminution du renouvellement des larmes et de la
dessiccation de surface [18].
Une kératinisation peut survenir de façon exceptionnelle en
cas de syndrome sec et doit faire rechercher avant tout un
déficit en vitamine A (xérophtalmie).
De tous les syndromes secs oculaires, celui associé au syndrome de Sjögren est un des plus sévères [17]. D’autres manifestations cornéennes au cours du syndrome de Sjögren peuvent
être occasionnellement constatées. La complication cornéenne
la plus sévère et la plus traînante est la survenue de véritables
ulcères cornéens qui peuvent exceptionnellement se perforer.
L’existence d’un syndrome de Sjögren expose, par ailleurs, à la
survenue de kératite microbienne. Les ulcères aseptiques ou
abcédés peuvent dans certains cas récidiver et progresser vers la
cécité [18].
Méthodes d’exploration
Le diagnostic de sécheresse oculaire fait habituellement appel
à l’examen biomicroscopique de l’œil (afin d’apprécier le
retentissement du syndrome sec sur la surface oculaire), à des
tests permettant d’apprécier quantitativement et qualitativement le déficit lacrymal et dans certains cas à une évaluation
cytologique et immunologique de la surface oculaire.
Inspection du ménisque lacrymal
En situation normale de production lacrymale, un ménisque
lacrymal mesurant environ 0,5 mm siège entre le bord de la
paupière inférieure et la conjonctive bulbaire. Chez les sujets
présentant un déficit de la sécrétion lacrymale, ce ménisque est
souvent réduit. Des photos du film lacrymal après instillation de
fluorescéine permettent de mieux préciser les limites du
ménisque lacrymal. La mesure de la hauteur du ménisque
lacrymal peut être réalisée par vidéoméniscométrie et plus
récemment par optical coherence tomography (OCT) du segment
antérieur [18, 23, 24].
7. ¶
Figure 2. Kératite ponctuée superficielle dans l’aire de la fente
palpébrale.
Évaluation par les colorants
Imprégnation par la fluorescéine. La fluorescéine est un
colorant vital, non toxique pour l’épithélium, mettant en
évidence des zones d’altérations épithéliales au sein de la surface
oculaire, comme une kératite ponctuée superficielle ou des
ulcères cornéens. Ce colorant est normalement incapable de
franchir les jonctions serrées d’un épithélium sain. En cas
d’altérations épithéliales, il pénètre dans les espaces intercellulaires. La fluorescéine souligne également les débris épithéliaux
et muqueux (Fig. 2, 3) [25, 26].
Typiquement la fluorescéine imprègne plus la cornée que la
conjonctive. Au cours du syndrome sec, la kératoconjonctivite
sèche se manifeste fréquemment sous la forme d’une kératite
ponctuée superficielle (KPS) (Fig. 2). La KPS est plus fréquente
en cas de syndrome de Sjögren que dans les autres causes de
syndrome sec [17]. L’importance de la kératite est un excellent
reflet de la sévérité du syndrome sec. Il est important de coter
cette KPS. La cotation d’Oxford a été développée spécifiquement
pour évaluer l’importance de l’atteinte épithéliale cornéenne et
conjonctivale au cours d’un syndrome sec, son utilisation n’est
pas recommandée dans les autres atteintes de la surface oculaire.
Pour observer et coter l’imprégnation du colorant, il convient
de relever légèrement la paupière supérieure et de comparer
l’examen à la lampe à fente à la cotation de référence. Celle-ci
comporte cinq stades (A à E) de sévérité croissante. Lorsqu’on
instille de la fluorescéine, l’observation s’effectue en lumière
bleue et peut être sensibilisée par l’interposition d’un filtre
jaune ou orange en avant de l’objectif de la lampe à fente. Cette
cotation peut également être utilisée avec le rose Bengale et le
vert de Lissamine [26].
Coloration au rose Bengale et au vert de Lissamine. Le rose
Bengale et son successeur, le vert de Lissamine, sont très utiles
au diagnostic des lésions de la surface oculaire au cours d’un
syndrome sec. Le rose Bengale, ainsi que le vert de Lissamine,
se déposent au niveau des territoires de conjonctive et de
cornée non protégés par le composant muqueux des larmes [2527]. Le vert de Lissamine est moins toxique et irritant que le rose
Bengale. L’importance de l’imprégnation de surface par ces
colorants est donc un reflet du déficit en mucus au sein du film
lacrymal, témoin indirect de l’atteinte des cellules à mucus.
L’observation se fait à l’aide d’une lumière blanche avec si
possible interposition d’un filtre rouge. Une classification
permettant de coter l’imprégnation par le rose Bengale a été
proposée par Van Bijsterveld [28]. La surface cornéoconjonctivale
exposée dans l’aire de la fente palpébrale est divisée en trois
zones (conjonctive nasale, conjonctive temporale et cornée).
Dans chacune de ces zones l’intensité de la coloration est noté
de 0 à 3 (Fig. 4-6). Un test de van Bijsterveld supérieur ou égal
à 4 fait partie des critères diagnostiques du syndrome de
Sjögren. Classiquement, l’imprégnation au niveau conjonctival
est plus importante qu’au niveau cornéen, et l’atteinte nasale
est habituellement plus marquée que l’atteinte temporale.
Récemment Lemp a proposé une modification de la classification de van Bijsterveld, où seule l’atteinte conjonctivale est
considérée et la conjonctive divisée en 6 territoires [29].
Stabilité du film lacrymal
Break-up time (BUT). Ce test mesure le temps en secondes
entre l’ouverture des paupières et la visualisation de la première
rupture du film lacrymal. Il est le reflet de l’évaporation
lacrymale. Pour déterminer le BUT, on instille une goutte de
fluorescéine, et l’on demande au patient de cligner des yeux,
puis de maintenir les paupières ouvertes aussi longtemps que
possible. L’œil est examiné en s’aidant de la lumière bleue. On
recherche la survenue d’une rupture du film lacrymal qui
apparaît sous la forme d’une zone sombre sur la cornée. La
Figure 3. Imprégnation de filaments par la
fluorescéine.
Figure 4.
1/3.
Coloration au vert de Lissamine
8. ¶
Figure 5. Coloration au vert de Lissamine
2/3.
Figure 6.
3/3.
valeur normale du BUT est supérieure à 10 secondes, un
raccourcissement du BUT est le témoin d’une instabilité du film
lacrymal.
Tearscope. Il correspond à un raffinement du NIBUT (non
invasive tear breakup test) et permet de ce fait la mesure de la
stabilité du film lacrymal précornéen. Il consiste en la projection de cibles sur la surface convexe du film lacrymal et
enregistre le temps après clignement nécessaire à la rupture de
cette image. Cet examen permet en outre une évaluation
qualitative et semi-quantitative de la couche lipidique des
larmes grâce à une analyse des interférences générée par
réflexion spéculaire d’une lumière froide projetée à la surface du
film lipidique [30].
Mesure de la production et de la clairance des larmes
Test de Schirmer. Le test de Schirmer est le test objectif le
plus utilisé pour quantifier un déficit de la production
lacrymale. Sa réalisation consiste en la mise en place d’une
bandelette de papier, graduée de 5 mm en 5 mm, au niveau du
tiers externe de la paupière inférieure. La bandelette s’imprègne
progressivement de larmes par capillarité. On mesure après
5 minutes la longueur de papier imprégné de larmes. Approximativement 70 % des sujets normaux, sans symptomatologie
oculaire, ont un test de Schirmer supérieur ou égal à 10 mm à
5 minutes. Cependant, ce test connaît une grande variabilité,
notamment intra-individuelle. En raison de cette grande
variabilité il n’y a pas de consensus sur la valeur inférieure
normale du test de Schirmer [18].
Ce test, réalisé en l’absence d’anesthésie (Schirmer I), stimule
habituellement de façon réflexe le larmoiement. Il est donc à la
fois le reflet, du larmoiement de base et du larmoiement réflexe.
Un test de Schirmer I inférieur à 5 mm fait partie des critères
diagnostiques du syndrome de Sjögren. Un test de Schirmer
avec anesthésie peut également être réalisé, il est le reflet du
larmoiement basal, des valeurs comprises entre 7 mm et 9 mm
s’observent fréquemment chez des sujets normaux.
La stimulation nasale du larmoiement réalisée en combinaison d’un test de Schirmer est un test beaucoup plus spécifique
qu’un test de Schirmer I notamment au cours du syndrome de
Sjögren. En effet, il existe rapidement au cours du syndrome de
Sjögren une disparition du larmoiement réflexe. Une valeur de
Schirmer avec stimulation nasale inférieure à 10 mm est le
Coloration au vert de Lissamine
témoin d’une altération du larmoiement réflexe et est évocatrice
d’un syndrome de Sjögren [31].
Test au fil imprégné de rouge phénol (FRP). Ce fil imprégné d’un colorant autorise un examen de durée réduite
(15 secondes) et est moins inconfortable que le test de Schirmer.
Des valeurs inférieures à 10 mm sont en faveur d’une sécheresse
oculaire [32].
Évaluation de la clairance des larmes. De nombreux
auteurs soulignent que l’évaluation de la clairance des larmes
est mieux corrélée à la sévérité de l’atteinte cornéenne et à
l’importance des symptômes que le test de Schirmer I. La
clairance des larmes peut être estimée par l’étude de la dilution
de la fluorescéine au sein du film lacrymal. Il existe une
diminution de la clairance des larmes chez certains patients
atteints d’un syndrome sec. Chez les sujets ayant une production et un drainage normal des larmes, si l’on instille 0,5 µl
d’une solution de fluorescéine au niveau du cul-de-sac conjonctival inférieur, la fluorescence n’est plus détectable sur le papier
de Schirmer après 20 minutes. Tandis que chez les patients qui
présentent un syndrome sec important il est possible d’en
détecter plus de 30 minutes après l’instillation de fluorescéine.
Le Tear Clearence Rate évalue la clairance des larmes en mesurant
l’importance de l’imprégnation par la fluorescéine d’une
bandelette de Schirmer mise en place 5 minutes après l’instillation du colorant.
Le Tear function index (TFI) qui est le rapport entre la clairance
et la production des larmes est selon Xu et al. un indice
discriminant au cours d’un syndrome sec. Une valeur de TFI
inférieure à 34 est hautement évocatrice d’un syndrome de
Sjögren, une valeur comprise entre 35 et 96 est le témoin d’un
syndrome sec relevant d’autres étiologies, au-dessus de 96 on ne
peut plus parler de syndrome sec [33].
D’autres méthodes plus précises mais non standardisées
d’évaluation de la clairance des larmes ont été développées.
Récemment Pflugfelder a décrit une méthode d’emploi
clinique aisé pour apprécier la clairance des larmes consistant à
comparer sur une échelle visuelle assignée d’un score de 0 à
6 l’aspect latéral inférieur du ménisque lacrymal 15 minutes
après instillation de 5 µl de fluorescéine à 2 % à une échelle
visuelle de référence [33].
9. ¶
Le développement de méthodes standardisées et d’utilisation
clinique facile devrait faire des tests d’évaluation de la clairance
des larmes des mesures de routine et de première intention.
Autres examens
Dosage lacrymal du lysozyme et de la lactoferrine. Le
lysozyme et la lactoferrine sont tous deux des protéines à
activité antimicrobienne, produites au niveau des acini des
glandes lacrymales. En cas de déficit de la production lacrymale
il existe une diminution de la concentration en ces deux
molécules [18].
Osmolarité lacrymale. Les larmes ont une osmolarité voisine
de 302 ± 6,3 mOsmol/l chez l’individu normal. En cas de
syndrome sec, l’osmolarité augmente et peut atteindre des
niveaux élevés parfois compris entre 330 et 340 mOsmol/l. Une
valeur supérieure à 312 mOsmol/l peut être considérée comme
anormale. La détermination de l’osmolarité des larmes a une
sensibilité élevée et une forte spécificité dans le diagnostic de
sécheresse oculaire, mais sa faible diffusion et son coût élevé en
ont fait limiter l’utilisation [18].
Meibométrie et meibographie. L’analyse de la composante
meibomienne du syndrome sec peut être aidée par l’analyse des
glandes de Meibomius par meibographie. Un test par transillumination permet de distinguer trois grades : le grade 0 correspond à une absence d’atteinte des glandes de Meibomius, le
grade 1 à une destruction des glandes sur moins de la moitié du
tarse inférieur et le grade 2 à une destruction sur plus de la
moitié.
La meibométrie permet quant à elle la collecte et l’analyse de
la production de lipides sur la marge palpébrale.
Mesure de la sensibilité cornéenne. Elle est évaluée au
mieux par l’esthésiomètre de Cochet-Bonnet. Une diminution
de la sensibilité cornéenne peut à la fois être la cause et la
conséquence de la sécheresse oculaire.
Topographie cornéenne et étude aberrométrique. Ces
examens permettent de rendre compte de l’influence de
l’atteinte lacrymale sur la qualité de vision. Le film lacrymal est
le premier dioptre rencontré par la lumière lors de sa traversée
de l’œil pour atteindre la cornée. Il semble donc logique que sa
modification qualitative et quantitative altère la fonction
visuelle. Les études topographiques ont montré que les indices
de régularité de surface (SRI) et d’asymétrie de surface (SRA)
étaient perturbés dans les syndromes secs. Des études plus
récentes ont évalué le retentissement aberrométrique d’un
syndrome sec. Ces études retrouvent une augmentation significative des aberrations de 3e et de 4e ordre en cas de sécheresse
oculaire, l’instillation de substituts lacrymaux contribuant à
diminuer ces aberrations [34-36].
Exploration de l’inflammation de la surface oculaire.
Biopsie conjonctivale : en raison de son caractère agressif, ses
indications sont limitées. Elle constitue un matériel de choix
pour une étude cytologique et d’immunohistochimie.
Biopsie de la glande lacrymale : elle n’a pas d’intérêt en
pratique clinique et a été avantageusement remplacée dans le
diagnostic du syndrome de Sjögren par la biopsie des glandes
salivaires accessoires en raison de son caractère moins agressif.
Empreintes conjonctivales : il s’agit d’une technique simple,
non invasive permettant d’évaluer les modifications pathologiques affectant l’épithélium de la surface oculaire. Des cellules
épithéliales superficielles (cellules épithéliales, cellules à mucus,
cellules dendritiques) sont obtenues en plaçant un filtre
d’acétate de nitrocellulose contre la conjonctive. L’analyse de
ces prélèvements permet d’apprécier le degré de souffrance de
la surface oculaire : diminution du nombre de cellules à mucus,
métaplasie squameuse, kératinisation étendue, infiltration
lymphocytaire. Ces méthodes combinées à des techniques
immunocytologiques permettent de rechercher certains marqueurs témoins de l’inflammation de surface [37, 38].
Anticorps plasmatiques. Les recherches du facteur rhumatoïde, d’anticorps antinucléaire, d’anticorps spécifique du
syndrome de Sjögren anti-SSA (ou anti-Ro) et anti-SSB (ou antiLA) font partie du bilan systématique d’une sécheresse oculaire
présumée associée à une maladie auto-immune.
Sélection et séquence des tests
L’ordre dans lequel les test d’explorations sont réalisés est
d’une grande importance dans la mesure où chaque test peut
influencer le suivant [39, 40]. Il est de règle de procéder du test
le moins invasif vers les test les plus invasifs.
Bron et al. suggèrent ainsi de commencer par les questionnaires puis de poursuivre avec des tests non invasifs (NIBUT et
analyse de lipides par Tearscope et méniscométrie) puis de
réaliser ensuite les tests peu invasifs : BUT à la fluorescéine,
cotation de la KPS, photographie du ménisque lacrymal et
évaluation de la clairance des larmes après instillation de
fluorescéine, puis de poursuivre par les tests modérément
invasifs (test au rouge Phénol, coloration au vert de Lissamine
et rose Bengale) et de finir par les tests les plus invasifs
(Schirmer, meibométrie) [26].
Il est préférable pour ne pas induire de sécrétion réflexe de
réserver toutes les manipulations des paupières à la fin de
l’examen (éversion des paupières, pression sur les glandes de
Meibomius...).
■ Pathogénie
Le syndrome sec oculaire relève probablement d’une pathogénie multifactorielle (immunologique, hormonale, neurologique, virale...). Au cours de ces dernières années, de nouveaux
concepts ont profondément modifié notre compréhension des
mécanismes physiopathologiques de l’atteinte oculaire au cours
du syndrome sec. On a longtemps considéré que la sécheresse
oculaire, notamment chez les sujets âgés, était liée à l’involution
sénile de la glande lacrymale, ou dans le cas du syndrome de
Sjögren à une infiltration de la glande lacrymale par des
lymphocytes. Ces processus aboutissaient progressivement à une
atrophie ou à une destruction de la glande et à son corollaire
un tarissement des larmes. On sait maintenant que la souffrance
oculaire n’est pas seulement la conséquence de l’atteinte de la
glande lacrymale, mais qu’elle traduit une atteinte plus globale
de l’unité fonctionnelle lacrymale. Les processus aboutissant à
ces dysfonctionnements sont multiples : liés à l’âge par le biais
notamment de facteurs hormonaux, liés à des facteurs inflammatoires, à des maladies de la surface oculaire modifiant les
stimuli afférents ou à des atteintes systémiques bouleversant les
boucles de contrôle neurologique. Les mécanismes de régulation
de la sécrétion lacrymale, notamment neurologiques et hormonaux, sont maintenant mieux élucidés, l’importance de l’initiation au niveau de la surface oculaire d’une véritable maladie
inflammatoire locale est mieux comprise, enfin l’importance des
phénomènes d’apoptose est communément admise. L’ensemble
des facteurs impliqués dans la genèse de l’œil sec interagissent
les uns avec les autres au sein de l’unité fonctionnelle
lacrymale [41, 42].
Caractéristiques histologiques de l’œil sec
Au cours de la sécheresse oculaire, on constate de façon
progressive une augmentation de la stratification épithéliale
associée à des anomalies de prolifération et différenciation
épithéliales. Par la suite il y a une réduction de la production
des mucines solubles et non solubles par la surface oculaire. Les
mécanismes exacts de ces modifications ne sont pas élucidés ;
mais elles s’accentuent à fur et à mesure que la sécheresse
s’aggrave. L’augmentation de l’osmolarité lacrymale peut
contribuer à ces altérations, de même le traumatisme induit par
le clignement palpébral effectué sur une surface non lubrifiée
peut entraîner ces atteintes. De plus, la diminution de la
production de facteurs de croissance au niveau de la glande
lacrymale peut perpétuer ces lésions en compromettant les
mécanismes physiologiques de cicatrisation [5].
Inflammation de la surface oculaire
et phénomènes d’apoptose
Au cours du syndrome sec, à mesure que la sécrétion et la
clairance des larmes diminuent, une réponse inflammatoire
locale est initiée au niveau de la surface oculaire. Un des
mécanismes potentiels initiant la cascade inflammatoire est
l’exposition des cellules épithéliales à un milieu hyperosmolaire.
10. ¶
Un autre mécanisme important pouvant enclencher la réaction
inflammatoire locale est la perte de l’effet de protection contre
l’inflammation engendrée par une diminution de la concentration en androgène dans l’environnement de l’unité fonctionnelle lacrymale. En passant en dessous d’un certain seuil, par
exemple au moment de la ménopause chez la femme, un taux
insuffisant d’androgène circulant peut rendre l’unité fonctionnelle lacrymale sensible à l’effet délétère de médiateurs de
l’inflammation [5, 43].
Normalement lorsqu’il n’y a pas d’inflammation, des lymphocytes T locaux sont inhibés en subissant un processus
d’apoptose, en présence de médiateurs inflammatoires ou en cas
de diminution des défenses locales contre l’inflammation, les
lymphocytes T résistent à l’apoptose et sécrètent des cytokines
pro-inflammatoires qui à leur tour recrutent d’autres lymphocytes T [5, 44].
De ce fait, on sait maintenant que l’unité fonctionnelle
lacrymale ne se contente pas d’être la cible du processus
immunitaire mais que sous l’effet de l’inflammation elle se
comporte comme un organe immunocompétent. Ceci se traduit
par une expression anormale de marqueurs inflammatoires de
surface (HLA DR au niveau épithélial), et d’apoptose, et par une
production de cytokines pro-inflammatoires (IL 1, IL 6, TNF
alpha...) dans les larmes. Les cytokines et l’hyperosmolarité sont
de puissants stimuli pour la production de métalloprotéinases
(MMP). Les facteurs ainsi libérés peuvent à leur tour être à
l’origine de modifications au sein de la glande lacrymale, avec
notamment activation de lymphocytes qui détruisent les
cellules qui les ont activés. On aboutit ainsi à un cercle vicieux,
entretenant un état d’inflammation généralisé. Il est probable
que c’est cette inflammation généralisée qui fait la gravité du
syndrome sec plus que le simple déficit de la glande
lacrymale [42, 45, 46].
L’importance des phénomènes apoptotiques a, par ailleurs,
été récemment mise en évidence, notamment au cours du
syndrome de Sjögren. On s’est en effet rendu compte que de
nombreux marqueurs d’apoptose (surexpression de l’antigène
Fas, diminution de l’expression de bcl2) étaient exprimés au
cours de cette affection, parfois même au sein d’acini glandulaires non touchés par l’infiltration lymphocytaire. Ces médiateurs apoptotiques favorisent la destruction de cellules des acini
et protègent au contraire les lymphocytes. La mise en œuvre des
mécanismes de mort cellulaire programmée semble être liée à
l’importance de l’inflammation chronique de la surface oculaire
et au terrain hormonal préexistant [42, 45, 46].
Contrôle hormonal
Le fait que l’atteinte féminine soit prédominante et la
découverte de récepteurs des hormones sexuelles au niveau de
l’œil et de ses annexes ont permis de suspecter l’importance du
contrôle hormonal sur l’atteinte oculaire au cours du syndrome
sec.
Le rôle des œstrogènes au niveau oculaire reste encore
controversé, bénéfique pour les uns en administration topique,
délétère pour d’autres.
Les androgènes, quant à eux, joueraient un rôle majeur en
favorisant la production de certaines protéines lacrymales. Ils
agissent sur les glandes de Meibomius et interviennent dans la
régulation de la sécrétion de la phase lipidique des larmes. Un
déficit en androgène s’accompagne d’une altération de la
couche lipidique et donc d’une instabilité du film
lacrymal [47-49].
Par ailleurs, comme on l’a cité plus haut, les androgènes ont
un rôle immunomodulateur majeur : ils exercent en effet une
action immunosuppressive et anti-inflammatoire [45].
Des expériences réalisées sur des modèles murins de syndrome de Sjögren ont montré une plus grande expression des
marqueurs d’apoptose et des médiateurs de l’inflammation au
sein de la population femelle. Dans ces modèles, l’administration d’une androgénothérapie fait régresser l’inflammation. Ces
constatations contribuent à élaborer une théorie unifiée de la
pathogénie de l’œil sec [15, 50]. On peut penser, en résumé,
qu’un déficit relatif en androgène, sur un terrain immunologique particulier, peut être responsable, d’une part d’un défaut de
contrôle des phénomènes inflammatoires et apoptotiques et
d’autre part d’une plus grande évaporation des larmes, l’ensemble conduisant à des altérations des fonctions lacrymales.
Le rôle d’autres hormones dans le métabolisme lacrymal reste
encore à préciser.
Contrôle neurologique
La régulation de la sécrétion lacrymale est sous la dépendance
d’un contrôle neurologique, empruntant les voies parasympathiques, adrénergiques et sensitives. D’autres neuromédiateurs
ont été récemment identifiés qui ont une action sur la sécrétion
des protéines lacrymales [51]. Ces différentes voies de conduction
nerveuse sont étroitement intriquées entre elles et sont agencées
sous forme de boucles de régulation nerveuses organisées entre
la surface oculaire et les glandes lacrymales principales et
accessoires. Le système parasympathique (neuromédiateurs :
acétylcholine et VIP) joue un rôle majeur en stimulant la
sécrétion d’eau, de protéines et d’électrolytes à partir de la
glande lacrymale principale, ainsi que la production de mucus
par les cellules à mucus [51].
Au cours du syndrome de Sjögren, la sévérité du syndrome sec
n’est pas corrélée avec l’importance de destruction glandulaire,
et il n’est pas rare de constater au sein de la glande lacrymale un
nombre suffisant d’unités fonctionnelles pour assurer en théorie
une sécrétion lacrymale de qualité [42, 46]. On peut donc penser
que d’autres facteurs sont impliqués dans la diminution de la
sécrétion de la glande lacrymale. Différents éléments plaident en
faveur d’une perturbation des signaux de régulation neurologiques. Il est tout d’abord vraisemblable que des cytokines libérées
au sein de la glande (en particulier IL1 et TNF-a) perturbent la
conduction nerveuse [42, 46], soit en agissant directement sur les
neuromédiateurs (comme des expériences récentes sur des
modèles murins de syndrome de Sjögren semblent en attester [52]) soit en agissant sur les seconds messagers. Par ailleurs,
l’existence d’anticorps dirigés contre les récepteurs muscariniques
M3, c’est-à-dire les récepteurs de l’acétylcholine au sein de la
glande lacrymale, a été récemment décrite au sein du sérum de
patients atteints de syndrome de Sjögren [51]. En résumé on peut
penser que sous l’effet de cytokines ou d’autoanticorps, une
altération des signaux nerveux de régulation de la production
lacrymale apparaît. Ceci conduit à un défaut de sécrétion des
larmes, qui précède probablement la dégénérescence des acini
glandulaires [42, 45, 46, 53].
De plus, il a été démontré que la sensibilité cornéenne
diminue avec l’installation du syndrome sec. Cette diminution
de la sensibilité cornéenne participe à la diminution de la
stimulation de production lacrymale, engendrant à nouveau un
cercle vicieux.
Même si la pathogénie de l’atteinte oculaire au cours du
syndrome sec est mieux élucidée, un grand nombre de points
restent encore à préciser : les mécanismes de cytotoxicité et de
recrutement des lymphocytes sont encore mal connus, la
signification des anomalies de la distribution de l’aquaporine, le
rôle des virus (EBV, HTLV1) dans la genèse de l’affection [54].
■ Traitement
La prise en charge thérapeutique de la sécheresse oculaire,
notamment dans ses formes chroniques, peut être difficile. Et il
n’est pas rare d’essayer plusieurs combinaisons thérapeutiques
avant de trouver le traitement qui soulage au mieux le patient.
La prescription est directement guidée par les données de
l’interrogatoire et de l’examen clinique. Il convient ainsi de
traquer et corriger les facteurs pouvant accentuer l’impression
d’œil sec : travail en milieu climatisé, travail sur écran, prise de
médicaments pourvoyeurs de sécheresse, allergie, tabac... Il est
impératif de conseiller aux patients des mesures simples
permettant d’améliorer leurs symptômes : hygiène des paupières
pour combattre un éventuel dysfonctionnement des glandes de
Meibomius, utilisation de crème hydratante, d’humidificateur. Il
est enfin indispensable d’écouter les patients, de les rassurer,
leur dire que l’affection, sauf cas extrême n’est pas cause de
cécité et leur expliquer le projet thérapeutique. C’est après cette
première étape qu’il est possible d’envisager une prescription.
La plupart des traitements actuels sont uniquement symptomatiques : certains reproduisent, plus ou moins bien, les
11. ¶
fonctions et la structure des larmes (c’est l’objectif des substituts
lacrymaux) d’autres tentent de limiter l’évaporation des larmes
(lunettes à chambre humide, massage des paupières) ou de
limiter l’élimination du film lacrymal (obturation méatique).
Cependant une sécheresse oculaire chronique peut produire
des phénomènes inflammatoires et des modifications cellulaires
qui empêchent la cicatrisation cornéenne. Les thérapeutiques
émergeantes visent à moduler ces processus et à promouvoir la
sécrétion d’un film lacrymal normal.
Substituts lacrymaux
L’utilisation de larmes artificielles et de gels est actuellement
la thérapeutique la plus largement utilisée dans le traitement de
l’œil sec. Les objectifs théoriques de ces substituts lacrymaux
sont multiples :
• soulager l’irritation oculaire ;
• assurer la formation d’un film fonctionnel et préserver la
fonction visuelle ;
• augmenter le volume des larmes ;
• humidifier et lubrifier la surface cornéoconjonctivale ;
• remplacer la couche de mucine déficiente et stabiliser le film
lacrymal ;
• diminuer l’osmolarité lacrymale par un effet de dilution [2, 55].
Cependant ce type de traitement a deux limites principales :
d’une part il ne reproduit qu’incomplètement la composition et
la structure naturelle des larmes, d’autre part son administration
est discontinue à la différence du processus physiologique
continu de sécrétion lacrymal [56]. Il n’en reste pas moins que
les substituts lacrymaux constituent la base du traitement de
toute sécheresse oculaire. Il en existe une grande variété
disponible dans le commerce se distinguant par leur composition en électrolytes, par la nature et la concentration de la
substance active et par le type de conservation. La satisfaction
du patient vis-à-vis de ce type de traitement peut être associée
à différents facteurs tels que le coût, le confort, le trouble visuel,
la facilité d’utilisation, le conditionnement... Classiquement on
distingue les larmes artificielles des gels oculaires.
Les larmes artificielles : c’est le traitement le plus anciennement utilisé dans la sécheresse oculaire. Il s’agit soit de sérum
physiologique à 0,9 % ou 1,4 %, soit de dérivés polyvinyliques
dont la propriété principale est d’allonger le temps de contact
cornéen. L’inconvénient majeur de ce type de traitement est sa
durée d’action limitée conduisant à de fréquentes instillations.
Les larmes artificielles sont indiquées dans les sécheresses
oculaires minimes sans altération cornéoconjonctivale.
Les gels : afin d’augmenter le temps de contact entre les
substituts lacrymaux et la surface oculaire, des polymères
hydrophiles, plus visqueux, emmagasinant de grandes quantités
d’eau ont été conçus. Il s’agit soit d’éthers de cellulose, soit de
gels de carbomères, soit de polysaccharides.
Les éthers de cellulose les plus utilisés se présentent le plus
souvent sous forme de collyre (Celluvisc®). Il existe également
une présentation galénique originale sous la forme d’inserts
d’hydroxypropylcellulose. Il s’agit de dispositif placé au niveau
du cul-de-sac conjonctival inférieur relarguant en continu le
substitut lacrymal. La perte fréquente de ce dispositif, la
sensation de corps étranger qu’il engendre, et son coût en ont
fait limiter l’utilisation.
Depuis plus de 10 ans, une nouvelle classe thérapeutique
a fait son apparition : les gels de carbomères synthétique
(Siccafluid®, Civigel®, Lacrigel®). Il s’agit de macromolécules
hydrophiles formant un réseau tridimensionnel capable
d’emmagasiner d’importantes quantités d’eau entre leur mailles.
Ils présentent un temps de résidence sur la cornée largement
supérieur aux larmes artificielles autorisant une diminution du
nombre d’instillation au cours de la journée. L’apparition de
troubles visuels directement après l’instillation constitue l’effet
indésirable le plus fréquent. Ce trouble disparaît quelques
secondes à quelques minutes après l’administration du gel.
Classiquement, les gels de carbomères sont plutôt prescrits pour
les formes d’œil sec de gravité moyenne [57].
Dérivés de l’acide hyaluronique [58, 59] : l’apparition au cours
de ces dernières années de dérivés de l’acide hyaluronique
(Vismed®, Hylocomod®) a constitué un progrès majeur dans la
prise en charge des syndromes secs sévères. Le hyaluronate de
Figure 7. Clou méatique.
sodium est un polysaccharide dont les propriétés rhéologiques
sont comparables à celles de la couche muqueuse du film
lacrymal, principale responsable de la viscosité des larmes. Il
autorise un temps de contact prolongé et a une excellente
répartition sur l’ensemble de la surface cornéoconjonctivale.
En pratique, il n’est pas toujours facile de choisir le substitut
lacrymal adapté à chacun des patients, et il n’est pas rare qu’un
patient essaie plusieurs de ces produits avant d’en trouver un
qui lui convienne à la fois en termes d’efficacité, de tolérance
et de facilité d’utilisation. Dans l’idéal, le patient doit pouvoir
gérer lui-même le nombre d’instillations au cours de la journée
et l’adapter à sa symptomatologie fonctionnelle.
Quel que soit le produit utilisé, dans toutes les formes de
syndrome sec nécessitant une instillation chronique et répétée
de substituts lacrymaux, il est essentiel de privilégier l’emploi
des formulations sans conservateur pour éviter leur toxicité [60].
En effet, tous les conservateurs sont à des degrés divers,
cytotoxiques pour la surface oculaire.
Méthodes de préservation des larmes
L’occlusion temporaire ou définitive des voies d’élimination
physiologique des larmes constitue la méthode non pharmacologique la plus utilisée pour suppléer au déficit lacrymal et peut
contribuer à une amélioration des signes fonctionnels et
cliniques [56, 61, 62]. L’occlusion des points ou des canalicules
lacrymaux contribue en effet, en limitant l’élimination des
larmes, à augmenter la quantité de larmes présente au contact
de la surface cornéoconjonctivale. La méthode d’occlusion la
plus populaire consiste en la mise en place de bouchons
lacrymaux en silicone au niveau de la portion verticale des
canalicules lacrymaux (Fig. 7). Plus rarement l’occlusion
temporaire ou définitive des voies d’élimination des larmes est
obtenue par des méthodes thermiques ou chirurgicales. L’occlusion du système de drainage des larmes est réservée aux formes
modérées à sévères d’œil sec, après échec des méthodes classiques de traitement par substituts lacrymaux. Ces méthodes ne
sont pas en effet dépourvues d’inconvénient : apparition d’un
larmoiement permanent, irritation, prurit, formation de granulomes pyogènes, colonisation bactérienne de l’orifice du
bouchon lacrymal, intrusion ou extrusion du dispositif, canaliculites, dacryocystite [56, 62-64]. Des études suggèrent même que
dans certaines conditions, les méthodes d’occlusion peuvent
diminuer la clairance et la production des larmes [65].
Il existe d’autres méthodes visant à préserver la larme en
cherchant à limiter son évaporation. Elles sont, en dehors des
massages palpébraux, d’usage beaucoup plus restreint et sont
représentées par des lunettes à chambres humides, par le port
de lentilles de contact, par la réalisation de tarsorraphie dans les
formes les plus graves.
Stimuler la sécrétion : les sécrétagogues
L’utilisation de produits augmentant la sécrétion de différents
composants des larmes représente une autre voie thérapeutique
du traitement de la sécheresse oculaire. Les sécrétagogues sont
des traitements qui stimulent la sécrétion lacrymale et nécessitent un reliquat glandulaire fonctionnel.
Depuis de nombreuses années, des agonistes cholinergiques
sont utilisés dans le traitement des manifestations oculaires et
buccales de sécheresse au cours du syndrome de Sjögren. Les
12. ¶
agonistes cholinergiques agissent en effet sur les récepteurs
cholinergiques muscariniques M3 de la glande lacrymale
principale et pourraient stimuler sa sécrétion. Alors que l’utilisation topique de la pilocarpine n’a pas d’effet sur la sécrétion
lacrymale, des études cliniques ont montré une amélioration
des signes fonctionnels de sécheresse oculaire chez des patients
prenant par voie orale cette molécule [66] ainsi qu’une amélioration de l’épithélium conjonctival et une augmentation du
nombre de cellules caliciformes [67] . La pilocarpine orale
(Salagen®) ainsi que la cevimeline (Evoxac®) sont deux agonistes cholinergiques M3 approuvés dans le traitement de la
sécheresse buccale qui stimulent également la sécrétion
lacrymale [66, 68]. Leurs effets sont plus marqués sur la bouche
que sur l’œil et les effets secondaires généraux cholinergiques
peuvent en limiter l’utilisation.
De nombreuses molécules ont été proposées à cet effet,
administrées par voie générale ou des molécules administrées
par voie topique : eicosanoid 15(S) HETE, agonistes des récepteurs P2Y2 (diquafosol), cette dernière molécule a un effet
bénéfique sur la sécrétion de mucine et aurait de plus un effet
bénéfique sur la métaplasie squameuse conjonctivale [5, 69-71].
Traiter les causes
À mesure que la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la sécheresse oculaire augmentait, de nouveaux
traitements, visant à traiter les causes sous-jacentes à la sécheresse lacrymale, sont apparus. Ils visent à briser le cercle vicieux
de l’inflammation, entretenue par la sécheresse, en agissant sur
des médiateurs immunologiques, inflammatoires et hormonaux.
Anti-inflammatoires
L’utilisation locale de corticoïdes peut avoir une légitimité
dans les formes où une exacerbation des symptômes survient
malgré une thérapeutique supplétive appropriée [72-74]. Dans ces
cas la corticothérapie locale a pour but de faire passer un cap
douloureux et doit être aussi courte que possible (de l’ordre de
15 jours). En effet, la iatrogénicité connue des corticoïdes en
matière de cataracte et de glaucome doit en faire limiter la
durée d’utilisation [72]. L’application topique de corticoïdes a
démontré, parfois de façon spectaculaire, son efficacité pour
diminuer irritation, rougeur et sévérité de la kératoconjonctivite
sèche, ils permettent en outre de diminuer les niveaux des
cytokines inflammatoires.
À ce jour très peu d’études ont précisé l’intérêt des antiinflammatoires non stéroïdiens administrés par voie topique au
cours du syndrome de Sjögren [75, 76]. Leur utilisation n’est pas
consensuelle. Certaines études semblent montrer une certaine
efficacité de ces produits à la fois sur la réduction des symptômes et sur l’amélioration de la kératite filamenteuse [75] ;
cependant il convient d’insister sur la nécessité d’une surveillance attentive des patients sous anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) en raison de la survenue possible d’érosions
cornéennes, conséquences d’une diminution de la sensibilité
cornéenne secondaire au traitement [77].
Ciclosporine A
Depuis de nombreuses années, en pratique vétérinaire, la
ciclosporine administrée par voie topique a montré une efficacité certaine pour traiter des chiens atteints de formes autoimmunes de kératoconjonctivite sèche. Les essais cliniques
réalisés chez l’homme ont également montré une efficacité
significative de ce traitement sur la sécheresse oculaire associée
à un bon profil de tolérance [78-80]. Dans une étude récente
portant sur 877 patients (dont 270 atteints d’un syndrome de
Sjögren) l’administration de ciclosporine à 0,05 % ou à 0,1 %
autorise une amélioration à la fois des signes fonctionnels, du
test de Schirmer et permet d’obtenir une diminution de
l’imprégnation cornéenne par les colorants vitaux [78]. L’utilisation de la ciclosporine se traduit, en outre, par une diminution
de production de certaines cytokines (IL 6 notamment), par une
diminution de l’expression de marqueurs inflammatoires de
surface (HLA DR) et par une augmentation du nombre de
cellules à mucus [81, 82]. La ciclosporine diminue, enfin, les
phénomènes d’apoptose au niveau de la glande lacrymale et de
la surface oculaire et favorise l’apoptose des lymphocytes au
sein de la glande lacrymale. Ce médicament apporte de fait
pour la première fois une réponse au mécanisme de l’atteinte
oculaire et n’est pas qu’un traitement substitutif.
Hormonothérapie
Les androgènes topiques sont actuellement à l’étude. Ils
exercent en effet une activité trophique, immunosuppressive,
antiapoptotique et anti-inflammatoire vis-à-vis du tissu
lacrymal. Ils régulent, par ailleurs, la phase lipidique des larmes
en agissant sur les glandes de Meibomius [7]. L’administration
systémique d’androgène a montré, sur des modèles murins de
syndrome de Sjögren, une efficacité sur la fonction lacrymale et
sur l’infiltration lymphocytaire [83] . Des études visant au
développement d’androgènes topiques non virilisants sont en
cours.
Autres traitements
Cicatrisants
Leur utilisation trouve sa justification dans les formes
compliquées d’atteintes épithéliales cornéennes ou d’atteinte
des cellules à mucus. La vitamine A, constituant naturel des
larmes, joue un rôle majeur dans les processus de cicatrisation
et de différenciation épithéliale. Elle peut être administrée sous
forme de pommade dans les cas comportant cliniquement une
atteinte épithéliale. D’autres cicatrisants peuvent également être
prescrits, comme l’acétylcystéine à 5 % (Génac®, Euronac®), aux
propriétés mucolytiques et anticollagénases, utiles en cas de
kératite filamenteuse.
Des études récentes ont montré l’intérêt de l’utilisation du
sérum autologue dans le traitement de formes sévères de
sécheresse oculaire. Le sérum contient en effet des facteurs de
croissance (EGF, TGF-b) et de la vitamine A, composants
habituels des larmes, faisant défaut en cas de syndrome sec
sévère. Un déficit de ces composants pouvant altérer le processus normal de prolifération et de maturation de l’épithélium.
L’application de sérum autologue permet d’apporter ces facteurs
essentiels et d’améliorer les signes fonctionnels d’œil ainsi que
les scores de fluorescéine et de rose Bengale [84, 85]. En raison des
problèmes pratiques liés à sa préparation et à sa conservation,
il est indiqué dans les formes sévères d’œil sec, notamment
lorsqu’il existe des ulcères cornéens persistants.
Tétracyclines
Dans les formes de sécheresse comportant un important
dysfonctionnement secondaire des glandes de Meibomius,
l’administration par voie orale de tétracycline, constitue, en plus
de l’hygiène des paupières, le traitement de référence [56].
Les collyres mucolytiques : l’administration topique de
produits mucolytiques peut présenter un intérêt dans les formes
compliquées de kératite filamenteuse.
Chirurgie
Des techniques chirurgicales visant à irriguer la surface
oculaire par des techniques de dérivation du canal de Sténon,
ou par des implantations conjonctivales de glande salivaire
accessoire sont rarement réalisées dans la pratique et sont
abandonnées par la plupart des auteurs [69].
Place de l’apport nutritionnel
Une diminution des anti-inflammatoires naturels (lactoferrine), une augmentation de médiateurs de l’inflammation
(interleukine pro-inflammatoire, TNF alpha, métalloprotéinases,
cytokines) et une augmentation de l’osmolarité (elle-même proinflammatoire) sont démontrées dans la sécheresse oculaire.
Par ailleurs, on constate une hyperproduction d’espèces
réactives oxygénées au niveau de la surface oculaire en cas de
sécheresse oculaire.
En raison de ce mécanisme inflammatoire, les antioxydants et
les acides gras poly-insaturés (intervenant dans la cascade
inflammatoire) prennent leur place dans la prise en charge de
la sécheresse oculaire.
Certaines études récentes ont suggéré l’intérêt d’une supplémentation orale en antioxydant pour améliorer la fonction
lacrymale et diminuer le stress oxydatif au niveau de la surface
oculaire [86, 87].
13. ¶
■ Conclusion
Place des acides gras poly-insaturés (oméga 3 et oméga 6)
Une supplémentation alimentaire en acides gras polyinstaurés pourrait améliorer la qualité des sécrétions lipidiques
meibomiennes et pourrait diminuer la synthèse de cytokines
pro-inflammatoires. Des études ont montré que la prise
d’oméga 3 et le ratio oméga 3 sur oméga 6 module le niveau
d’inflammation au sein de l’organisme. L’alimentation dans
notre civilisation actuelle présente un fort déséquilibre du
rapport oméga 6/oméga 3 (rapport entre 10/1 et 30/1). L’apport
nutritionnel recommandé actuel est de 5 pour 1 (5 fois plus
d’oméga 6 que d’oméga 3).
Une étude récente réalisée sur une population de 39 876 femmes, montre que les femmes ayant la plus grande consommation de poissons contenant des oméga 3 ont la plus faible
prévalence de sécheresse oculaire et qu’à l’inverse une augmentation du ratio oméga 6/oméga 3 est associée à une plus grande
fréquence de sécheresse oculaire [88].
Ces acides gras agissent comme des modulateurs de l’inflammation. Cette modulation est sous la dépendance d’une balance
entre les apports alimentaires en oméga 6 et oméga 3. La
cascade de transformation des oméga 6 favorise la formation de
prostaglandine E2 et de leucotriènes B4 qui sont de puissants
agents pro-inflammatoires ; une augmentation de l’apport en
oméga 3 va créer une compétition dans la voie du métabolisme
des lipides et va diminuer la production des dérivés proinflammatoires des oméga 6 aux dépens des dérivés des
oméga 3 qui ont un effet anti-inflammatoire (PGE 3 ). Par
ailleurs, un rapport oméga 6/oméga 3 inférieur à 5 va orienter
le métabolisme des oméga 6 vers une autre voie aboutissant à
la formation de prostaglandines E1. Ces prostaglandines E1 sont
des agents stimulant la production de la phase aqueuse des
larmes [89]. De nombreuses molécules incorporant acides gras
poly-insaturés et antioxydants sont disponibles dans le commerce, sans qu’à ce jour de vastes études randomisées n’aient
confirmé leur efficacité.
Perspectives thérapeutiques
En matière de larmes artificielles, de nombreuses recherches
se focalisent sur la mise au point de substituts lacrymaux plus
proches du film lacrymal, notamment en essayant de reconstituer des larmes intégrant des lipides dans un milieu aqueux.
D’autres voies thérapeutiques sont explorées : aquaporine,
molécules stimulant la sécrétion du mucus, thérapie génique,
nerve growth factor [41, 90]...
“
Il semble que nous nous trouvons à une période charnière.
Alors que jusqu’à peu, les larmes artificielles étaient quasiment
la seule arme de notre arsenal thérapeutique, les progrès dans la
compréhension du syndrome sec nous laissent entrevoir, pour
les années à venir, des avancées considérables en matière de
traitement.
.
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Points Forts
La sécheresse oculaire est une des causes les plus fréquentes de consultation en ophtalmologie et touche jusqu’à 15 % des patients
après 65 ans.
Les avancées récentes dans la compréhension de la sécheresse oculaire nous apprennent que l’œil sec, bien plus que la conséquence
d’un simple tarissement des larmes, est en fait une véritable maladie de la surface oculaire, d’origine multifactorielle, avec implication
des nombreux médiateurs immunologiques et inflammatoires.
L’importance des phénomènes inflammatoires locaux est clairement reconnue dans la genèse de la sécheresse : la surface oculaire se
comporte comme un organe immunocompétent, libérant localement des médiateurs contribuant à créer et entretenir la sécheresse
oculaire.
Les androgènes jouent un rôle majeur dans l’intégrité du film lacrymal : ils contribuent à la stabilité du film lacrymal et exercent une
action immunomodulatrice, immunosuppressive et anti-inflammatoire.
Enfin, des dysfonctionnements siégeant au niveau des interconnexions nerveuses entre surface oculaire, paupière et glande lacrymale
principale ont été clairement identifiés comme participant à la genèse de la sécheresse oculaire.
De nouvelles méthodes d’exploration contribuent au diagnostic d’œil sec et permettent d’en mesurer le retentissement : osmolarité
lacrymale, tests de clairance, empreintes conjonctivales, topographie cornéenne, aberrométrie, etc.
Sur le plan thérapeutique de nombreux progrès ont permis d’améliorer la prise en charge de la sécheresse : diffusion des substituts
lacrymaux sans conservateurs, mise au point de substituts lacrymaux ayant des temps de contact cornéens prolongés avec
optimisation de leur composition et meilleures propriétés d’étalement, développement des sécrétagogues, meilleure gestion des
pathologies des glandes de Meibomius, et, point essentiel, prise en compte du retentissement sur la qualité de vie.
Enfin de nouveaux traitements, visant à traiter les causes sous-jacentes à la sécheresse lacrymale, sont apparus. Ils visent à briser le
cercle vicieux de l’inflammation, entretenue par la sécheresse, en agissant sur des médiateurs immunologiques, inflammatoires et
hormonaux. La ciclosporine est le principal représentant de cette nouvelle génération de traitement.
14. ¶
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17. ¶
Il s’agit le plus souvent de conjonctivites folliculaires aiguës,
plus rarement folliculopapillaires. Le chémosis palpébral est
fréquent, les sécrétions souvent peu abondantes. Les hémorragies, fréquentes, ne sont pas systématiques mais peuvent
orienter vers certaines étiologies.
Leur principale complication est l’atteinte cornéenne, pouvant avoir des répercussions sur l’acuité visuelle. Enfin, la
présence éventuelle de signes d’accompagnement régionaux ou
généraux permet parfois d’identifier le virus responsable.
Kératoconjonctivites à adénovirus
Les adénovirus représentent la cause la plus fréquente de
conjonctivites virales. L’adénovirus a été isolé pour la première
fois par Rowe [1], et l’on dénombre actuellement 41 sérotypes
selon de Jong [2], subdivisés en six sous-types (A, B, C, D, E, F),
variables dans leur clinique et leur épidémiologie. La kératoconjonctivite épidémique est associée aux sérotypes 8, 19 et 37.
Cette forme clinique peut être sévère et est extrêmement
contagieuse, ce qui en fait une entité redoutée de l’ophtalmologiste. Les sérotypes 3, 4 et 7 sont associés à la fièvre adénopharyngo-conjonctivale, qui survient elle aussi sous forme
d’épidémies. La kératoconjonctivite chronique à adénovirus,
quant à elle, est associée au sérotype 2 essentiellement. Les
autres sérotypes, 1, 5, 6, 11, 13, 14, 15, 20, 21, 23, 24 et 29,
sont associés à des formes sporadiques.
Pour Van Bijsterveld [3], sur une statistique de 216 patients
atteints d’infections à adénovirus, l’atteinte cornéenne est
présente dans 49,5 % des cas, et dans 79,5 % des cas si la
conjonctivite est bilatérale. Dans les cas avec atteinte cornéenne
grave (opacités nummulaires), les sérotypes 8 et 19 sont les plus
retrouvés ; on retrouve les sérotypes 3, 4 et 7 dans les formes
plus atypiques.
A
B
Figure 1. Exemple de conjonctivite folliculaire (A, B).
Formes cliniques
Kératoconjonctivite épidémique
Les enfants et les adultes jeunes (20-60 ans) sont les plus
touchés.
La maladie est hautement contagieuse et survient en petites
épidémies partout dans le monde, l’Asie (en particulier le Japon)
et le Moyen-Orient étant plus touchés. Ces épidémies surviennent surtout en été et en hiver, se répandant au sein des
collectivités.
De façon précoce, on retrouve un œdème palpébral et une
inflammation conjonctivale unilatéraux ou asymétriques, avec
des sécrétions abondantes et aqueuses responsables d’un
larmoiement. L’hyperhémie de la conjonctive bulbaire peut être
associée à de petites hémorragies dans les formes sévères.
L’atteinte est rapidement bilatérale (seules 25 % des formes
restent strictement unilatérales).
De façon inconstante, on peut observer des signes généraux
de l’infection : une adénopathie prétragienne (souvent volumineuse si elle existe), une atteinte récente du tractus respiratoire
supérieur, une fièvre et/ou des troubles gastro-intestinaux.
Lorsqu’on étudie plus précisément l’histoire naturelle, durant
les premiers jours, la conjonctive est hyperhémiée, associée à un
œdème des paupières avec ptosis et/ou pétéchies. Des sécrétions
sont retrouvées dans les culs-de-sac, et dans les formes sévères,
elles peuvent prendre un aspect pseudomembraneux car l’exsudation de la fibrine peut se mélanger au mucus.
Pendant la première semaine, des follicules apparaissent dans
le cul-de-sac conjonctival inférieur, s’étendant ensuite à la
conjonctive tarsale (Fig. 1) : ces follicules sont gris-blanc, avec
des zones légèrement surélevées dans les couches sousépithéliales de la conjonctive inflammatoire.
Durant la deuxième semaine, les follicules persistent mais
sont plus discrets. De façon concomitante, l’atteinte conjonctivale régresse, mais une gêne peut persister du fait de la modification du film lacrymal secondaire à la cicatrisation
conjonctivale. De plus, dans les formes sévères de conjonctivite
pseudomembraneuse, on peut retrouver la formation de symblépharons (Fig. 2) entraînant un comblement des culs-de-sac et
Figure 2. Symblépharon.
un inconfort durable avec parfois des ulcères cornéens mécaniques induits.
Une des formes les plus sévères est la kératite à adénovirus,
particulièrement associée aux sérotypes 8, 19 et 37. Elle apparaît
pendant la première semaine sous la forme d’une kératite
ponctuée superficielle responsable d’une photophobie. Dans la
plupart des cas, la kératite superficielle régresse spontanément,
mais dans les cas plus sévères, les lésions fusionnent en fin de
première semaine : c’est la phase immunologique, qui fait toute
la gravité de la maladie (lésions : infiltrats de lymphocytes). On
retrouve alors des opacités nummulaires sous-épithéliales
blanchâtres, siégeant dans le stroma antérieur, plus denses, qui
peuvent accrocher la fluorescéine, et dont le nombre est
variable (à 50). Leur localisation typiquement centrale sur l’axe
optique peut avoir un impact visuel, ou par astigmatisme
irrégulier, et chez l’enfant, laisser des séquelles responsables
d’amblyopie. Lorsque l’inflammation disparaît, les lésions
épithéliales disparaissent, mais les bords des infiltrats sousépithéliaux persistent, laissant des opacités circulaires séquellaires relativement discrètes. Ces dernières peuvent persister
plusieurs mois, voire des années. Il est intéressant de noter que
dans le premier mois, seulement 34 % des patients ont vu
disparaître la conjonctivite folliculaire et l’atteinte cornéenne
inflammatoire, 75 % à 2 mois et 95 % à 1 an [4]. L’affection
inflammatoire peut donc durer des mois.