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Résumé
Cet article a pour objectif de présenter la Théorie des Contraintes et sa traduction
pour la comptabilité de gestion, le Throughput Accounting. Issue des travaux de
Goldratt cette approche a fait l’objet de nombreuses publications internationales et
est enseigné dans de nombreux pays, mais demeure très méconnue en France.
La première partie de l’article se concentre sur la présentation de la Théorie des
Contraintes et de ses applications managériales avec une attention particulière pour
le Throughput Accounting (TA). La seconde partie consiste en une étude
comparative de qui permet de positionner le TA par rapport aux principaless
approches de comptabilité de gestion.
Mots clés. – Théorie des Contraintes, Comptabilité de gestion, Production
Synchronisée, Thinking Process, Systémique.
Introduction
La comptabilité de gestion a connu de fortes évolutions lors des dernières décennies
pour faire face aux transformations des entreprises et des organisations en intégrant
la perspective organisationnelle et stratégique dans les nouvelles approches. Cooper
et Kaplan (1988) ont par exemple traduit ces deux tendances en focalisant leur
attention sur le concept d’activité et de processus dans le modèle de l’ABC et de
l’ABM pour renouveler les approches traditionnelles. Kaplan et Norton (1996) ont
diversifié les composantes de la performance pour élargir le périmètre de la
comptabilité de gestion en envisageant quatre axes pour le pilotage stratégique.
Simon (1995) a proposé une vision élargi du contrôle stratégique intégrant les outils
du contrôle de gestion dans un ensemble plus global de leviers visant a garantir la
2
performance stratégique des organisations. Ces approches ont connu un fort
retentissement se traduisant par de très nombreuses publications académiques.
Durant cette même période, Goldratt (1984) développe la Théorie des Contraintes
(TOC), une approche d’amélioration continue des organisations qui intègre
également la problématique de la comptabilité de gestion. Depuis ces travaux
précurseurs, le nombre d’articles, de livres et d’expériences pratiques dans les
organisations, s’est multiplié rapidement au niveau international. Par exemple, l’étude
menée par Mabin et Balderstone (1999) a identifié plus de 350 articles académiques
et plus de 40 livres sur la TOC dans le monde entre 1986 et 1999. Une étude
complémentaire que nous avons réalisée pour la période comprise entre 2000 et
2009 montre que plus de 1500 références traitent de la TOC et que des publications
sont parues dans plus d’une centaine de journaux et revues. La recherche
documentaire réalisée par Mabin et Balderstone (1999) a également identifié plus
d’une centaine d’études de cas contenant des informations sur les résultats obtenus
avec la TOC dans des entreprises et des organisations. Les cas d’organisations
étudiées sont très diversifiés : ils concernent aussi bien des entreprises
multinationales très importantes, telles que Boeing, General Motors ou des
organisations militaires telles que l’US Air Force ou des entreprises plus modestes
telles que des boulangeries de grandes villes.
Malgré ce développement international, visible dans les revues académiques et dans
les applications empiriques, la théorie des contraintes (TOC) reste relativement peu
diffusée en contexte francophone et plus particulièrement en France. Compte tenu
du décalage entre la présence internationale de cette approche et sa confidentialité
dans le monde académique français il est apparu nécessaire de présenter cette
3
approche pour éventuellement analyser les causes de cette différence de statut entre
la visibilité internationale et l’absence hexagonale.
L’objectif de cet article est de présenter cette approche en répondant à trois
questions principales visant la TOC.
Tout d’abord, qu’est-ce que la Théorie des Contraintes ? En particulier, pourquoi le
concept de contrainte est il central et quel lien existe-t-il entre la primauté accordée à
l’amélioration continue pour la performance des organisations et les indicateurs de
pilotage qui sont privilégiés par cette approche ?
Ensuite, quelles sont les applications managériales de la Théorie des Contraintes ?
En effet, à partir d’une conception de l’organisation privilégiant l’approche systémique
la TOC propose des solutions ingénièriques qui viennent alimenter différentes
pratiques managériales au delà de la comptabilité de gestion.
Enfin, quel est son positionnement par rapport aux autres méthodes de comptabilité
de gestion? En effet, l’approche de la comptabilité de gestion préconisée par la TOC,
le Throughput Accounting (TA) possède des caractéristiques qui la différencient des
autres approches et méritent d’être explicitées pour une meilleure compréhension de
l’apport de cette approche à la comptabilité de gestion.
Pour répondre à ces questions, la première partie est consacrée à la présentation de
la Théorie des Contraintes et à la centralité du concept de contrainte. Après un
rapide rappel historique de la genèse de la TOC, ce paragraphe montre le lien entre
la représentation de l’organisation sous-tendant la TOC qui conduit à privilégier
l’amélioration continue pour le pilotage de la performance et les outils de
management proposés et, en particulier, la déclinaison pour la comptabilité de
gestion, le Throughput Accounting.
4
Le deuxième paragraphe met plus particulièrement l’accent sur la comptabilité de
gestion pour positionner le Throughput Accounting par rapport aux principales
approches de comptabilité de gestion. Cela nécessite, dans un premier temps, de
revenir sur les hypothèses sur lesquelles repose le TA pour en déterminer les
conséquences en matière de traitements des coûts, de détermination du résultat et
de prise de décision pour le pilotage de la performance. Cela conduit enfin à
s’interroger sur le contexte comportemental des managers associé à cette approche.
En conclusion, une approche abductive, incite à proposer quelques pistes pour tenter
d’expliquer la différence de diffusion de la TOC entre le contexte international et le
contexte français.
5
1 Présentation de la Théorie des Contraintes
Pour appréhender la contribution de la théorie des contraintes aux sciences de
gestion en général et plus précisément à la comptabilité de gestion, il est nécessaire,
au préalable, de rappeler les différentes évolutions qui ont marqué son
développement et de présenter les différents éléments participant à sa définition.
Un premier paragraphe permet en premier lieu de revenir rapidement sur les
principales étapes qui ont amené E. Goldratt, son initiateur principal, à proposer ce
nouveau paradigme. Cette rapide mise en perspective théorique conduit ensuite à
expliciter la place centrale du concept de contrainte dans cette approche.
Comme toute approche de management repose sur les représentations de
l’organisation et sur les postulats qui constituent le cadre cognitif de ses initiateurs, le
deuxième paragraphe a pour objectif d’examiner la conception de l’organisation qui
sous-tend le paradigme managérial de la TOC c'est-à-dire le paradigme systémique.
Cela permet de mieux appréhender les propositions conceptuelles et ingéniériques
en termes d’outils de gestion qui sont préconisés. Enfin, la TOC ayant pour vocation
de décliner des outils de management pour la prise de décision, un troisième
paragraphe recense plusieurs applications qui découlent des concepts de l’approche
initiée par E. Goldratt pour faire face à différentes situations de gestion, pour mieux
instrumenter l’alignement des indicateurs de gestion issu du Throughput Accounting
(TA).
1.1 Emergence et centralité du concept de contrainte dans la TOC
La centralité du concept de contrainte est l’aboutissement d’un processus qui a
conduit E. Goldratt d’une première posture mécaniste sur le fonctionnement des
organisations à une perception systémique dans laquelle ce concept, comme dans
6
de nombreux domaines tels que la recherche opérationnelle, la programmation
linéaire, les mathématiques et les sciences physiques occupe une place
prépondérante. C’est l’irruption de ce concept dans le domaine de l’organisation et
des sciences humaines qui va initier le développement de la théorie des contraintes.
1.1.1 La genèse de la Théorie des Contraintes
A ses débuts, le Docteur Eliyahu Moshe Goldratt effectue des recherches sur le
processus d’amélioration continue dans les organisations à partir de l’étude des
règles, des concepts et des outils, en développant un logiciel de gestion de
production, OPT (Optimized Production Technology), dans le cadre de sa thèse de
Doctorat à l’université Bar-Ilan (Israël). Il quitte le monde académique et rejoint une
entreprise d’édition de logiciel, Creative Output, pour promouvoir cet outil
informatique en Israël, aux Etats-Unis et en Europe. OPT était alors vendu comme le
premier logiciel de planification ayant la particularité d’intégrer un niveau de capacité
finie dans la fabrication.
En 1984, Goldratt écrit son premier livre avec Jeff Cox, The Goal: A Process Of On
Going Improvement1
, dans lequel il expose la logique de la méthode de gestion de
production, base du progiciel OPT. Dans cet ouvrage, Goldratt est très critique vis-à-
vis des méthodes et des outils de gestion traditionnels et surtout de la comptabilité
de gestion, qu’il considère comme le principal obstacle de la productivité2
.
La lecture dans une revue professionnelle au début de l’année 1985 de l’expérience
d’une petite entreprise ayant transformé son organisation avec un impact très
significatif sur la performance en appliquant les préconisations développées dans
l’ouvrage The Goal, a provoqué une prise de conscience radicale chez Goldratt sur le
potentiel de l’approche proposée. En 1986, après avoir été renvoyé de la société
1
Goldratt E. M., Cox J., The Goal: A process of ongoing improvement, North River Press, 1984
2
Goldratt E. M., Cost accounting is enemy number one of productivity, International Conference
Proceedings, American Production and Inventory Control Society (APICS), October 1983
7
Creative Output, il réalise que ni ses pratiques de consultant, ni le logiciel développé
ne constituent une réponse satisfaisante à la problématique de l’amélioration
continue. Il donne alors un nom à l’élément qui lui semble manquer le
« Thoughtware », c'est-à-dire l’approche qu’il entend développer. C’est ainsi que
après quelques mois, en octobre 1986, il crée le AGI (Avraham Y. Goldratt Institute)
pour développer le thoughtware. Cette méthode a alors été renommée « Theory Of
Constraints » (TOC) pour laquelle nous proposons la définition suivante : approche
d’amélioration continue basée sur l’identification et l’exploitation des contraintes
d’une organisation pour maximiser les flux de production d’unités de son objectif,
diminuer ses investissements et ses dépenses de fonctionnement.
La définition à retenir pour « objectif » dans ce cadre rejoint celle de l’approche
systémique. Pour de Rosnay (1975), "un système est un ensemble d'éléments en
interaction dynamique, organisé en fonction d'un but3
" (p.93). Mélèze (1972) propose
la définition suivante : "des finalités et des buts étant exprimés sur un environnement,
un système finalisé est un ensemble organisé de moyens, méthodes, règles et
procédures qui permet d'obtenir des réponses satisfaisantes de l'environnement4
".
Puisque tous les systèmes ont un objectif ou un but, Goldratt affirme que la TOC
s’applique à tous les types d’organisations comme l’ont montré des applications
aussi bien dans des entreprises multinationales, telles que Boeing, General Motors,
des organisations militaires telles que l’US Air Force, des organisations de santé
telles que des hôpitaux, des organisations non gouvernementales (ONG), des
établissements d’enseignement ou des boulangeries de grandes villes.
3
Rosnay, J. de, Le macroscope: vers une vision globale, Paris: Seuil, 1975, p. 93
4
Mélèze, J., L'analyse modulaire des systèmes de gestion, A.M.S., Puteaux, France: Editions
hommes et techniques, 1972, p. 53
8
1.1.2 La place centrale du concept de contrainte
Suivant le dictionnaire Larousse une contrainte est une retenue, une gêne ou une
force qui empêche quelqu’un, une organisation, un système d’agir comme il le
voudrait. Le terme « contrainte » est ainsi souvent associé à une image négative. En
fonction de la définition donnée précédemment de la TOC, une contrainte est ce qui
empêche un système de réaliser une quantité supplémentaire de son objectif ou de
son but. Une contrainte d’un système peut être repérée de plusieurs façons, mais un
principe de base de la Théorie des Contraintes est qu’il n’y en a pas une multitude. Il
y en a au moins une et au plus quelques-unes pour un système donné.
La contrainte, physique ou organisationnelle, constitue ainsi le centre d’intérêt de la
TOC sur lequel il faut se concentrer car les améliorations réalisées sur la contrainte
augmentent la production d’unités d’objectif de l’organisation. En conséquence, les
ressources ne sont plus considérées équivalentes. Les décisions et les actions des
parties non contraintes de l’organisation doivent alors être subordonnées à
l’exploitation maximale de la contrainte qui conditionne la performance de l’entité
considérée. Une contrainte peut être interne ou externe au système.
Une contrainte est interne lorsque l’environnement demande plus au système que ce
qu’il peut délivrer. Si c’est le cas, l’organisation doit travailler au repérage de la
contrainte et mettre en œuvre les cinq étapes de l’amélioration continue définie par
la TOC pour l’analyser et optimiser son utilisation (et éventuellement la déplacer si
nécessaire).
Une contrainte est externe lorsque le système peut produire plus que ne peut
supporter son environnement. Dans ce cas, l’organisation doit se concentrer sur les
moyens de créer plus de demande pour ses produits ou services.
9
Dans le cas d’une organisation ou d’une entreprise, la contrainte peut être une
ressource (personnel, matière, équipement, trésorerie, fournisseur, client) ou un
principe organisationnel (procédure, instruction de travail, norme, réglementation).
1.2 Une représentation de l’organisation déterminante pour la conduite de
l’amélioration continue
La représentation de l’organisation est déterminante pour la définition et la mise en
œuvre des indicateurs de performance locaux (au niveau de chaque poste de travail)
et globaux (au niveau de l’entreprise) qui vont influencer les décisions
d’améliorations du fonctionnement de l’organisation considérée.
La TOC considère toute organisation comme un système composé d’éléments
interdépendants dont la performance est limitée par un facteur physique ou
organisationnel désigné par le terme « contrainte ». Le premier paragraphe présente
les contributions du concept de contrainte aux travaux sur les approches
systémiques des organisations. Le deuxième paragraphe expose comment la TOC
utilise la contrainte en tant que point d’appui pour surmonter la complexité d’un
système dans une démarche d’amélioration continue.
1.2.1 Contrainte et approche systémique
Sur les bases du concept de contrainte décrit plus haut, la TOC a développé une
représentation des organisations sous forme de chaîne qui s’inscrit dans une
approche systémique.
La Théorie des Contraintes caractérise tout système comme une chaîne ou un
réseau de chaînes composées de maillons interdépendants. La contrainte d’une
chaîne d’interdépendances est le maillon le plus faible de ladite chaîne, celui qui
limite la performance du système pour atteindre son objectif global.
10
Goldratt estime que l’étude de la dynamique des systèmes conduit naturellement à
se concentrer sur la contrainte du système pour optimiser l’atteinte de l’objectif.
L’effet de levier consiste alors en de petites modifications réalisées sur les
principales causes à l’origine de la contrainte du système, ce qui concrétise le
processus d’amélioration continue préconisé par l’auteur.
Comme Argyris (2003) et Senge (2006), Goldratt considère que les interventions à
fort effet de levier dans les systèmes se situent dans les boucles de rétroactions,
positives ou négatives. Sur cette base, il établit qu’une boucle de rétroaction négative
a pour origine un conflit créatif systémique non résolu au sens de Nonaka et
Takeuchi (1995) et Senge (2006), qui constitue un foyer d’amélioration des
performances de l’organisation.
L’approche systémique et la TOC convergent sur les principes systémiques définis
par de Rosnay (1975) et Senge (2006) considérant que l’optimum d’un système n’est
pas la somme des optima locaux. D’un point de vue statique avec la TOC, la
contrainte limite la performance du système quelles que soient les performances des
autres parties. De plus, d’un point de vue dynamique, une solution optimale pour le
système dégénère dans le temps lorsque l’environnement du système change. Un
processus d’amélioration continue est donc nécessaire pour mettre à jour et
maintenir l’efficacité d’une solution. L’inertie étant le pire ennemi d’un processus
d’amélioration continue, la TOC préconise un processus continu de traitement des
contraintes en cinq étapes : identifier la contrainte, exploiter la contrainte,
subordonner les autres parties à l’exploitation de la contrainte, élever la capacité de
la contrainte, recommencer la première étape et ne pas laisser l’inertie s’installer. Les
idées ne suffisant pas à définir des solutions applicables, les auteurs proposent des
11
outils d’implémentation du changement afin de passer du stade du souhaitable au
stade de l’opérationnalisable (cf. 1.3).
1.2.2 La contrainte comme levier pour surmonter la complexité
Cependant, la TOC diverge de l’approche systémique sur la notion de complexité. La
complexité, d'après de Rosnay (1975), est notamment attribuable à la grande variété
des composants possédant des fonctions spécialisées. Le degré de complexité d'un
système dépend alors du nombre de ses composants ainsi que du nombre et du type
de relations qui les lient entre eux.
La TOC explore la notion de complexité par les relations entre les différents
composants d’un système : le fait qu’une action, à un endroit de l’organisation, sur un
élément déterminant, puisse avoir un effet sur un autre emplacement de
l’organisation. Combien d’éléments du système faut-il modifier pour affecter les
autres éléments du système ? Si la réponse à cette question est un ou quelques
éléments peu nombreux, alors le système ne dispose que d’un ou de quelques
degrés de liberté. Identifier et exploiter le ou les quelques éléments (peu nombreux)
du système qui le gouvernent ou limitent ses performances constituent les fondations
principales des méthodes et outils de la Théorie des Contraintes.
L’identification du ou des quelques éléments qui limitent la performance du système
global permet de déterminer la ou les quelques causes aux origines des limitations.
L’émergence du conflit créatif décrit par Nonaka et Takeuchi (1995) est le produit de
l’analyse de causes et d’effets dans le système considéré. La résolution du conflit
créatif par le questionnement des hypothèses conduit à la mise en œuvre d’un plan
d’améliorations mis à jour de manière continue.
12
1.3 Les applications managériales de la Théorie des Contraintes
La conception de l’organisation portée par la TOC entraîne plusieurs conséquences.
En premier lieu cette représentation de l’organisation conduit les auteurs à définir des
principes généraux guidant l’action et la décision dans l’organisation. Ensuite, cela se
traduit par une démarche ingéniérique proposant un ensemble d’outils visant à
instrumenter la mise en œuvre effective de ces principes. Enfin, les auteurs
proposent un paradigme décisionnel centré sur la comptabilité de gestion : le
Throughput Accounting (TA).
A partir des concepts proposés et de son paradigme décisionnel, la TOC s’adresse à
des situations de gestion qui concernent différentes pratiques managériales. Un
premier paragraphe synthétise les principaux domaines d’application de la TOC, le
management de la production, l’analyse et la résolution de problème centrées sur la
conduite du changement et le management de projet, en présentant les principaux
outils proposés. A partir de cette présentation ingénierique, un second paragraphe
met plus particulièrement l’accent sur la comptabilité de gestion pour exposer le
paradigme décisionnel préconisé et les indicateurs de performance qui en découlent.
1.3.1 Quels outils pour quelles pratiques managériales ?
La TOC s’est plus particulièrement focalisée sur quatre situations de gestion pour
appliquer ses principes concernant le fonctionnement des organisations et ainsi
proposer un ensemble d’outils et de méthodes de gestion synthétisé dans le tableau
1 ci-dessous.
13
1
Management de la
Production
Optimisation de la gestion
de production
Ingénierie Drum – Buffer – Rope (DBR)
2
Analyse et
Résolution de
Problème
Innovation
organisationnelle
Cognition Le « Thinking Process » :
Intermediate Objectives Map,
Current Reality Tree,
Evaporating Cloud, Future
Reality Tree, Pre Requisite
Tree, Transition Tree.
3
Management de
Projet
Optimisation de la gestion
de projet
Ingénierie La Chaîne Critique
4
Comptabilité de
Gestion
Alignement des
indicateurs financiers de
gestion
Ingénierie Le « Throughput Accounting »
est l’objet du paragraphe
1.3.2.
Objectif Niveau prescriptif OutilApplication
managériale
1. Management de la production par le « Drum – Buffer – Rope (DBR) »
L’objectif du DBR est d’optimiser le débit d’un système de production contraint par
une ressource physique. Les détails de la technique de planification et d’exécution de
la production ont été présentés dans The Race (Goldratt et Fox, 1986). Le Drum, ou
la contrainte, conditionne le rythme du système et est protégé par le Buffer. Le Rope
est le mécanisme de communication qui autorise l’approvisionnement du système
aux bons moments. A titre d’illustration, dans un atelier, le Drum est la ressource qui
dispose de la capacité la moins élevée et qui conditionne donc le flux global de
l’organisation ; le Buffer est un stock placé en amont du Drum pour optimiser son
utilisation et synchroniser les autres ressources de l’organisation, qui disposent de
réserves de capacités, sur le rythme du Drum. Le Rope déclenche les
approvisionnements de l’atelier de production en fonction du niveau de Buffer.
La détermination des niveaux de buffers appropriés constitue un domaine de
recherche déjà largement développé (Radovilsky (1998), Gunn et Nahavandi (2000),
Louw et Page (2004), Ye (2007)).
Tableau 1 – Les applications managériales de la TOC
14
2. Analyse et résolution de problème par le « Thinking Process » centrées sur la
conduite du changement
Reconnaissant que dans de nombreux systèmes la contrainte est organisationnelle
ou procédurale (Motwani, 1996), la TOC s’est graduellement concentrée sur le
développement d’outils plus qualitatifs pour traiter les contraintes organisationnelles
et la résistance au changement. Le livre de Goldratt « It’s not luck » (Goldratt, 1994)
constitue la base du Thinking Process (TP) pour répondre aux quatre questions des
managers lorsqu’ils doivent traiter des contraintes : Quel est l’objectif ? Quoi
changer ? Changer pour quoi ? Comment changer ?
Six arbres logiques distincts composent le TP pour aider la réflexion logique requise
pour répondre aux questions citées plus haut (Dettmer, 2007).
Le Intermediate Objectives Map (IO Map) est utilisé pour formaliser les conditions
nécessaires et les critères de succès ainsi que l’objectif de l’organisation. Ces
éléments sont structurés dans un arbre qui représente la situation cible du système
considéré. Le IO Map fournit la référence et la représentation rationnelle des
conditions qu’un système doit satisfaire pour atteindre son objectif agréé.
Le Current Reality Tree (CRT) est un outil d’analyse d’écart qui facilite l’examen de la
logique effet – cause – effet sous-jacente à la situation étudiée pour déterminer
pourquoi elle diffère de celle exprimée dans l’IO Map. Le CRT nous indique ce qui
doit être modifié pour un effet maximal vers l’objectif. Cet outil permet de répondre à
la deuxième question posée (Quoi changer ?).
L’Evaporating Cloud (EC), quelques fois appelé Diagramme de Résolution de Conflit,
a été conçu pour aider à résoudre des conflits cachés à l’origine d’un problème
fondamental. L’EC sert aussi de « générateur de nouvelles idées » de solutions à
15
des problèmes. Il permet de répondre à la première partie de la question « changer
pour quoi ? ».
Le Future Reality Tree (FRT) sert deux objectifs. Il permet de vérifier que l’action à
mettre en œuvre produira les résultats escomptés et d’identifier de nouvelles
conséquences indésirables éventuelles pour les éliminer. Cet outil permet de
répondre à la deuxième partie de la question « changer pour quoi ? » en validant la
nouvelle configuration du système.
Le Prerequisite Tree (PRT) est une aide à l’exécution des actions à mettre en œuvre
en identifiant les obstacles intermédiaires à surmonter qui constituent autant
d’objectifs successifs. Le PRT fournit la première partie de la réponse à la dernière
question « comment changer ? ».
Le dernier des six outils du TP est le Transition Tree (TT) qui permet d’établir la
feuille de route détaillée vers les objectifs détaillés précédemment. Cet outil permet
de répondre à la deuxième partie de la question « comment changer ? ».
Comme le résume Kim (2008), le TP identifie d’abord les symptômes
problématiques, les preuves que le système ne produit pas les performances
voulues. Les outils du TP sont alors utilisés pour « déduire les causes de ces
symptômes, ce qui doit être fait pour corriger ces causes, et comment ces actions
correctrices peuvent être mises en œuvre », en se conformant à des règles strictes
de logique et la rigueur de la réflexion de cause et d’effet.
3. Management de projet : le rôle central de la Chaîne Critique
La troisième application concerne la gestion de projet. Depuis longtemps, les projets
dans tous les domaines (R&D, développements de nouveaux produits, construction,
et tous types de mise en œuvre de nouveaux systèmes), ont rencontré des difficultés
pour respecter les trois principaux paramètres de tout projet : budget, délai et qualité.
16
La TOC propose deux modifications à la méthode couramment admise du Chemin
Critique. En premier lieu, le délai pour terminer un projet n’est pas seulement basé
sur la plus longue chaîne de tâches séquentielles, mais sur la chaîne la plus longue
de tâches en tenant compte de la rareté des ressources d’une organisation, appelée
la Chaîne Critique5
. De plus, la TOC suggère une gestion des incertitudes au niveau
global du projet plutôt qu’au niveau local de chacune des tâches. Les marges de
manœuvre, matérialisées par des délais supplémentaires, intégrées dans chaque
tâche par les contributeurs du projet pour assurer la réussite de leurs objectifs
locaux, sont supprimées de chaque tâche et agrégées au niveau du projet pour
sécuriser sa réussite.
Les applications de la chaîne critique sont nombreuses dans le domaine de la
construction (Yang, 2007), de la réparation et de la maintenance (Srinivasan, 2007)
et dans le secteur de la santé (Umble, 2006).
5
Goldratt E., Critical Chain, North River Press, 1997
Figure 1 – Chemin Critique et Chaîne Critique
17
1.3.2 L’application de la TOC à la comptabilité de Gestion : Le Throughput
Accounting pour l’alignement des indicateurs financiers de gestion
Dans le livre « The Haystack Syndrome » (Goldratt, 1990), Goldratt a exprimé les
deux conditions pour mettre en œuvre un processus d’amélioration continue, à savoir
définir le but de l’organisation et les indicateurs de performance qui lui permettront de
l’atteindre efficacement. Il met l’accent sur le fait que l’objectif de tout système doit
être déterminé par ses propriétaires. Donc, les actionnaires, en tant que véritables
propriétaires des entreprises, définissent l’objectif comme suit : gagner de l’argent
maintenant et dans le futur. A partir de ce constat la TOC présente un ensemble
d’indicateurs de mesure de la performance opérationnelle (Throughput,
Investissement et Dépenses de Fonctionnement) qui permet à l’équipe de
management d’évaluer globalement les effets des actions locales au travers des
indicateurs de performance constitués par le cash flow, le profit et le retour sur
investissement. L’intérêt de la TOC pour la comptabilité de gestion repose sur le
même constat de Johnson et Kaplan en (1987) qui considèrent que les pratiques de
comptabilité de gestion ont stagné depuis les années 1920 et que la comptabilité de
gestion traditionnelle basée sur les calculs des coûts des produits ou des services
n’est plus pertinente et doit évoluer.
La TOC propose de privilégier trois indicateurs (T, I, DF) pour expliquer le lien entre
les bénéfices, le retour sur investissement (ROI), le cash-flow et les indicateurs
locaux. Ces trois indicateurs sont purement financiers pour démontrer l’avancement
de l’entreprise vers le premier de ses objectifs, survivre grâce à une bonne santé
financière.
Le Throughput (T)
Il s’agit de la capacité du système à générer de la trésorerie par les ventes. Le
Throughput est mesuré par le chiffre d’affaires (CA) moins les coûts complètement
18
variables (CCV) qui ne varient que lorsque les ventes varient (coûts des matières
premières, commissions commerciales, frais de voyages éventuels, coûts des sous-
traitants par exemple)6
.
T = CA – CCV
Le Throughput est différent du revenu marginal car les coûts d’investissements
nécessaires à la réalisation d’une unité supplémentaire de produit ou de service ne
sont pas imputés au produit ou au service mais viennent augmenter le niveau
d’investissement.
L’Investissement (I)
L’investissement est mesuré par les moyens financiers que le système investit pour
produire. L’investissement peut être divisé en deux catégories, d’une part, les stocks
de matières, les encours de production, les produits finis et d’autre part, les autres
actifs de l’entreprise tels que les immobilisations. La valeur des stocks d’encours et
de produits finis est leur coût complètement variable qui exclut les allocations des
coûts des différentes étapes de production.
Les Dépenses de Fonctionnement (DF)
Ce sont les dépenses du système pour utiliser les investissements et créer du
Throughput. La TOC ne classe pas les dépenses en fixes, variables, directes ou
indirectes. Les DF sont tous les coûts autres que les coûts complètement variables
(CCV).
La TOC considère ces trois indicateurs comme suffisants pour gérer une
organisation. Les liens avec le bénéfice, le cash flow et le retour sur investissement
sont les suivants7
:
6
Noreen, E., Smith, D., and Mackey, T., The Theory of Constraints and its implications for
management accounting, North River Press, pp 12, 13, 80, 1995
7
Goldratt, E. M., The haystack syndrome: sifting information out of the data ocean, North River Press,
pp 10, 14, 19, 23, 29, 31-35, 1990
19
 Le profit est le résultat de la différence entre Throughput et dépenses de
fonctionnement, Profit = T - DF.
 Le retour sur investissement est le rapport du profit à l’investissement, ROI =
(T - DF) / I
 La Productivité est le rapport entre Througput et dépenses de
Fonctionnement, P = T / DF
 Le Cash Flow est le montant du Throughput moins les dépenses de
fonctionnement et l’investissement, CF = T – DF - I
Pour soutenir la mise en œuvre des outils développés avec la TOC (DBR et
Chaîne Critique notamment), le Throughput Accounting est basé sur l’approche
économique du coût marginal pour maximiser la contribution unitaire marginale
de la ressource contrainte.
Ainsi la TOC en partant de problématiques visant principalement la gestion de la
production a préconisé une démarche d’amélioration continue. Cela a conduit son
auteur à élargir sa perception du fonctionnement des organisations pour
préconiser d’autres outils visant la résolution de problèmes afin de faciliter la
conduite du changement et à proposer un nouveau paradigme décisionnel. Le
Troughput Accounting constitue finalement la traduction en matière de
comptabilité de gestion du modèle de prise de décision économique et
managériale porté par la TOC.
20
2 Différences entre le Throughput Accounting et les autres
méthodes
Le TA fait partie du mouvement de remise en cause des méthodes traditionnelles de
contrôle de gestion, il est par exemple contemporain de l’ABC. E. Goldratt8
rejoint
d’ailleurs T. Ohno (concepteur du Toyota Production System) et R. Kaplan9
pour
déclarer que la comptabilité de gestion doit être considérée comme « l'ennemi
numéro un de la productivité ». Ils convergent avec un grand nombre de chercheurs
de la fin du 20ème siècle qui considèrent que les méthodes de gestion par les coûts
ont été conçues pour supporter les méthodes de production en masse du 20ème
siècle et rencontrent de fortes difficultés pour s’adapter au nouveau contexte des
entreprises et doivent évoluer ou être complétées par d’autres approches. Pour
appréhender le Throughput Accounting et ses apports à la comptabilité de gestion,
nous le comparons dans le cadre d’une démarche analytique aux méthodes
traditionnelles, principalement le coût complet et le direct costing, et à l’ABC. Afin de
mieux souligner la différence de perspective entre le T.A. et les autres approches
nous revenons dans un premier paragraphe sur les hypothèses de base sur
lesquelles reposent ces approches. En effet ces hypothèses de base conditionnent la
définition du modèle économique sous-jacent et le système de prise de décision
managériale induits par ces différentes approches de comptabilité de gestion. Elles
sont indispensables pour avoir une compréhension globale de l’apport du TA car
elles mettent en lumière les postulats concernant la conception du management de la
performance sur lesquels reposent ces outils de gestion. Ensuite, un deuxième
paragraphe s’intéresse au modèle même d’affectation des coûts et plus
8
Goldratt E. M., Cost Accounting is enemy number one of productivity, International Conference
Proceedings, American Production and Inventory Control Society, October 1983.
9
Kaplan R. S., Cooper R., How cost accounting distorts product costs, Management Accounting, April
1998, pp.20-27
21
particulièrement aux différences de traitement des coûts, notamment des coûts fixes
et des coûts indirects. Cette analyse des choix de répartition des coûts conduit, dans
le paragraphe suivant, à mettre l’accent sur la phase de calcul du résultat
opérationnel pour identifier les différences entre les autres approches et le TA. Enfin,
le dernier paragraphe liste les répercussions et les conséquences de ces différences
(hypothèses, modalités de répartition des coûts et calcul du résultat opérationnel) sur
les pratiques managériales effectives. Deux thématiques principales sont abordées :
le périmètre et la priorisation de la prise de décisions issus des indicateurs et le
contexte culturel et comportemental associé à cette approche.
En conclusion de la deuxième partie, un tableau récapitulatif fait la synthèse
comparative des caractéristiques du TA et des principales approches de comptabilité
de gestion.
2.1 Différences des hypothèses de base entre le TA et les autres méthodes de
comptabilité de gestion
En reprenant les travaux de Maskell et Baggaley (2003) quatre hypothèses de base
des modèles de la comptabilité de gestion traditionnelle sont remises en cause par le
TA.
Le TA : Un rôle limité du calcul des coûts pour la tarification afin de
privilégier la prise de décision opérationnelle
Les méthodes de comptabilité de gestion traditionnelles sont issues d’un contexte où
le calcul des coûts joue un rôle fondamental dans la tarification pour déterminer le
prix. En se plaçant délibérément dans une optique de Target Costing où le prix est
fixé à partir du marché, le TA se libère de la contrainte du calcul du coût complet en
simplifiant la problématique de la répartition et de l’affectation des charges. Seules
les charges complètement variables se voient effectivement réparties sur les
22
produits, les autres étant imputées aux coûts de la période. La tarification ne
constitue donc plus un objectif déterminant pour le TA qui vise principalement la prise
de décision opérationnelle par les acteurs de terrain dans le cadre d’une démarche
d’amélioration continue et explique la simplification de la catégorisation des coûts
(CCV, DF, I).
Un refus de découpage organisationnel pour une maîtrise globale de
la contrainte
Les méthodes traditionnelles adoptent une démarche analytique qui traite les
fonctions d’une organisation de manière indépendante et équivalente notamment
dans le cas du traitement des charges indirectes. Comme le TA est basé sur une
approche systémique qui privilégie l’exploitation optimale d’une contrainte au niveau
global, il refuse le découpage de l’organisation en sous-parties visant à affecter les
coûts autres que totalement variables. Ce refus du découpage est également avancé
par les tenants du TA par rapport à l’approche transversale de l’ABC. Les
défenseurs du TA considèrent que l’ABC se concentre sur l’analyse des processus et
les interactions au sein de ceux-ci alors que le TA prend en compte les interactions
entre les processus pour avoir une maîtrise globale de la contrainte sur l’ensemble
de l’organisation.
Un refus de la linéarité des coûts à court terme
La méthode du Coût Complet affecte les charges indirectes sur chaque unité de
produit ou de service en utilisant des clés de répartition basées sur un coût d’unité
d’œuvre (heure de main d’œuvre par exemple). L’Activity Based Costing répartit les
charges indirectes sur chaque unité de produit ou de service en utilisant des
inducteurs de ressources attribués à des activités, allouées à des inducteurs
d’activités et finalement aux produits et services. C’est pourquoi les méthodes de
coût complet et ABC considèrent qu’une augmentation du volume d’activité ou de
23
production induit mécaniquement une augmentation des charges indirectes. Les
coûts (directs et indirects) varient alors de manière linéaire en fonction du niveau
d’activité.
Les auteurs qui traitent du TA pensent que seuls les coûts complètement variables
varient directement avec le niveau d’activité, alors que les autres coûts ne varient
pas à court terme, tant que le volume de production ne dépasse pas un certain seuil.
Ce qui explique qu’ils sont imputés globalement aux coûts de la période. Les
investissements et les dépenses de fonctionnement ne varient pas linéairement en
fonction du niveau d’activité de l’organisation, mais fluctuent par paliers.
La priorité de la performance globale pour privilégier l’amélioration
continue
Une autre hypothèse structurante des méthodes traditionnelles de comptabilité de
gestion citée par Maskell et Baggaley considère que les performances des sous-
parties d’un système peuvent être additionnées. Cette additivité des coûts et des
performances relevant d’une représentation cartésienne des organisations, postule
que l’optimum global est obtenu par la somme des optima locaux. Ceci revient à
considérer qu’une amélioration réalisée dans une unité de l’organisation quelle
qu’elle soit, a un impact positif sur l’ensemble de l’organisation. C’est le cas pour la
méthode du coût complet avec une analyse reposant sur les centres d’analyses et de
l’ABC avec une analyse reposant sur les processus. Au contraire, la TOC considère
que la somme des optima locaux ne produit pas l’optimum global. Seules les
améliorations qui affectent la contrainte du système étudié participent aux élévations
de performance globale des organisations.
Les hypothèses de base retenues par le TA sont en cohérence avec la
représentation de l’organisation de la TOC et les objectifs opérationnels
24
d’amélioration continue. Elles conditionnent ainsi les indicateurs de performance
organisationnelle retenus qui ont un rôle déterminant sur les décisions
opérationnelles quotidiennes des managers pour optimiser de manière permanente
le fonctionnement du système analysé. De même elles exercent une influence
déterminante sur les modalités de traitement et d’affectations des coûts.
2.2 Des différences de traitement des coûts…
Traditionnellement, les managers décident sur la base des coûts des produits ou des
services qui sont déterminés par absorption des coûts, produit d’un transfert des
pratiques de comptabilité financière en comptabilité de gestion (Smith, 2000).
Cependant, l’introduction des approches par les coûts variables et le Direct Costing a
favorisé les décisions basées sur la contribution au résultat du produit ou du service.
Avec le Throughput Accounting, les décisions sont basées sur la contribution de
l’élément de l’organisation qui limite sa performance.
Le tableau 2 de Noreen (1995) présente les principales différences de traitement des
coûts indirects pour deux méthodes traditionnelles de comptabilité de gestion, l’ABC
et le Throughput Accounting. Ces disparités ont un impact très important sur la
présentation des résultats de l’entreprise.
25
Coût Complet ABC Direct Costing Throughput
Principes de
valorisation des
stocks
Tous les coûts sont
affectés aux
produits ou aux
services et servent
à valoriser les
stocks au bilan.
Tous les coûts sont
directifiés et
distribués aux
produits ou aux
services et
valorisent les stocks
au bilan.
Seuls les coûts
variables
(incluant les coûts
de main d'œuvre)
servent à la
valorisation des
stocks au bilan.
Seuls les coûts
complètement
variables (CCVs),
telles que les
matières ou les
commissions,
servent à valoriser
les stocks au bilan.
Principe de
répartition des
coûts indirects
Tous les coûts
indirects sont
alloués aux
produits ou aux
services en utilisant
une clé de
répartition basée
sur les unités
d'œuvre.
Tous les coûts
indirects sont
alloués aux produits
ou aux services en
utilisant une clé de
répartition basée
sur les inducteurs
de coûts.
Les coûts
variables sont
alloués aux
produits ou
services.
Seulement les
CCVs sont
immédiatement
alloués aux produits
ou aux services.
Tous les autres
coûts (directs et
indirects) ne sont
pas répartis et
imputés à la
période.
La principale différence entre le Throughput Accounting et la méthode des coûts
complets concerne le traitement des coûts indirects. Le TA impute les charges des
coûts indirects de production à la période, contrairement à la méthode des coûts
complets et l’ABC qui affectent ces mêmes coûts au produit en valorisant le stock
jusqu’à la vente du produit. Enfin, le TA valorise les stocks avec uniquement les
coûts complètement variables, ce qui demande un retraitement pour la valorisation
des stocks et la communication externe.
Avec le Throughput Accounting, la main d’œuvre n’est pas considérée comme un
coût variable, mais comme une dépense de fonctionnement, sauf s’il s’agit de sous-
traitance ou de personnes rémunérées sur la base du niveau de production,
considérées comme des coûts complètement variables.
Pour de nombreux auteurs, le TA apparaît comme une approche de court-terme pour
prendre des décisions. Même si ce constat a été rejeté par Coughlan and Darlington
Tableau 2 – Principales différences de traitement des coûts
26
(1993), certains auteurs comme Waldron (1994) considère que l’intérêt du TA réside
justement dans la priorité au court terme pour faciliter la décision des
opérationnels : « Le TA se concentre ouvertement sur le court terme et
heureusement puisque la comptabilité standard ne s’en préoccupe pas, et une
organisation doit exister à court terme. Le TA est excellent pour le court terme et a
été conçu pour cela. »
2.3 … impactant la construction du résultat opérationnel
La conséquence des hypothèses de la TOC et des modalités de traitement et de
répartition des coûts conduit à des différences de construction du résultat
opérationnel décrit dans le tableau 3 suivant (Noreen, 1995).
Coût Complet et ABC Direct Costing
conventionnel
Throughput Accounting
Chiffre d’Affaire Chiffre d’Affaire Chiffre d’Affaire
- Coûts Directs des
Ventes (COGS)
- Coûts Variables (inclut
les coûts de main
d’œuvre)
- Coûts Complètement
Variables (matières,
commissions
commerciales, transport)
= Marge Brute = Contribution marginale = Throughput
- Charges indirectes - Coûts fixes - Dépenses de
fonctionnement
=Résultat
d’Exploitation
=Résultat d’Exploitation =Résultat d’Exploitation
La méthode du coût complet, ainsi que l’ABC valorisent les stocks de produits finis et
d’encours sur la base des coûts de matières, de main d’œuvre et des coûts indirects
de production. Puisque les produits invendus constituent des stocks, ils supportent
Tableau 3 – Comparaison des approches du résultat opérationnel
27
une partie de ces coûts. Ces coûts, plutôt que d’être répercutés sur le résultat de la
période considérée, sont transférés dans le bilan en tant qu’actifs.
Il y a une différence importante entre le Direct Costing et le TA. Le TA prend en
compte dans son modèle de décision l’impact des changements d’investissements et
de dépenses de fonctionnement, alors que le Direct Costing privilégie l’analyse de la
marge brute.
Le Direct Costing encourage les réductions de coûts variables ou les ventes de
produits aux contributions marginales plus importantes.
La méthode du Throughput insiste sur la maximisation de l’utilisation du poste qui
constitue la contrainte. Cette méthode encourage aussi la réduction des
investissements et l’augmentation du rythme de production. Ainsi, le Throughput est
un indicateur de cash qui peut être rapproché de l’Excédent de Trésorerie
d’Exploitation (ETE), puisqu’il mesure la génération de trésorerie issue du cycle
opérationnel, les ventes et les achats à crédit (créances clients / dettes fournisseurs)
étant considérés comme des stocks de trésorerie. Le Throughput est reconnu
lorsque le cash a été encaissé pour la vente, ce qui diffère des règles de la
comptabilité financière.
2.4 Les interactions entre le Throughput Accounting et les pratiques
managériales.
Un objectif de la comptabilité de gestion est d’influencer les comportements des
acteurs au regard des objectifs de l’organisation (Anthony, 1989 ; Bouquin, 2005).
Goldratt (1990) se place dans cette conception et considère que les décisions et les
actions d’un manager sont en rapport direct avec ses indicateurs de performance :
28
« Tell me how you measure me and I will tell you how I will behave »10
. La TOC se
plaçant dans une perspective d’amélioration continue, les indicateurs qu’elle mobilise
ont pour objectif de relier performance opérationnelle, performance financière, et
amélioration continue. L’articulation entre ces mécanismes passe par le TA.
Le TA influence les comportements des acteurs de l’organisation, le premier sous-
paragraphe s’attache à comparer les différences de priorités accordées aux trois
leviers de la rentabilité (chiffre d’affaires, coûts et investissements).
Les changements de priorités managériales nécessitent les prérequis culturels
exposés dans le deuxième sous-paragraphe.
2.4.1. Priorisation de la prise de décision en fonction des trois leviers
de la détermination de la rentabilité
Les différentes approches de comptabilité de gestion, de par leur conception,
orientent la prise de décision des managers. Les travaux de Noreen analysent cette
priorisation de décision et proposent la synthèse suivante (cf tableau 4). Les
méthodes de comptabilité de gestion traditionnelles de gestion des coûts ainsi que la
méthode ABC se concentrent principalement sur les réductions des coûts et en
particulier des coûts de fonctionnement. Les méthodes Japonaises issues du modèle
TPS (Toyota Production System) s’attachent à diminuer les stocks qui sont
considérés comme des gaspillages définis par Ohno (1988). Le TA et le Direct
Costing se rapprochent en privilégiant l’augmentation d’activité. L’analyse de Noreen
montre que ces trois méthodes exercent une influence non négligeable sur les leviers
des managers par le contexte cognitif qu’elles créent en priorisant l’activation des
trois leviers participant à la définition de la rentabilité ((produit – charges)/capitaux).
10
Goldratt E., The Haystack Syndrome: Sifting information out of the Data Ocean, North River Press,
1990, p. 28
29
Priorités Coût Complet et
ABC
Toyota Production
System (TPS)
Direct Costing et TA
1
Diminuer les
dépenses
Diminuer les
investissements
Augmenter le
Throughput
2
Augmenter le
Throughput
Augmenter le
Throughput
Diminuer les
investissements
3
Diminuer les
investissements
Diminuer les dépenses Diminuer les
dépenses
2.4.2. Comportements des acteurs et contexte culturel
Les approches traditionnelles de comptabilité de gestion reposent sur une
valorisation de la performance individuelle et locale en lien avec le découpage
analytique de l’organisation et les systèmes de motivation et de rémunération des
managers qui poussent aux comportements individualistes. Une entité opérationnelle
est alors considérée efficace lorsqu’elle obtient le maximum de produit ou de service
de chaque individu ou de chaque processus.
En privilégiant l’efficacité globale de l’organisation, la TOC remet en cause ces
approches individualisantes au profit de la performance collective de l’organisation.
Les principaux effets sur les comportements et les paradigmes des managers sont
synthétisés dans le tableau 5 issu des travaux de Westra, Srikanth, et Kane (1996).
Tableau 4 - Tableau comparatif des priorités managériales des méthodes de comptabilité
de gestion
30
Traditionnel TOC
Utilisation des
ressources
Ratio d'utilisation élevé de
toutes les ressources de
l'organisation
Un ratio d'utilisation élevé est
important seulement au niveau
de la contrainte. Les autres
ressources travaillent en
fonction du rythme de la
contrainte.
Activation de
la main
d'œuvre
Activer la main d'œuvre est
crucial pour être profitable
Un ratio d'activation élevé de la
main d'œuvre gêne la
génération de cash du fait des
stocks importants
Partage des
ressources de
l'organisation
Si les managers prêtent des
ressources à d'autres
fonctions, il est fort probable
qu'ils ne pourront plus les
récupérer
Les managers prêteront
volontiers leurs ressources si
les bons indicateurs de
performance sont utilisés
Indicateurs
comptables
traditionnels
Les indicateurs comptables
traditionnels donnent des
indications aux managers de
leurs contributions à la
performance globale de
l'entreprise
Les indicateurs comptables
traditionnels sont subjectifs,
imprécis, et requièrent une
surveillance constante. La TOC
préfère définir des indicateurs
de performance qui favorisent
l'exploitation de la contrainte.
Priorités de
production
Maximiser la production après
chaque réglage et générer
des stocks sont importants
pour être profitable
Réaliser seulement ce que veut
le client est la clé de la
profitabilité, et le délai de
livraison constitue le facteur clé
de succès
Les implémentations des outils de la TOC requièrent des indicateurs cohérents
fournis par le TA et un certain type de management qui demande de la coopération
entre les fonctions et les processus d’une organisation pour exploiter les capacités
de la contrainte. Il s’agit notamment de subordonner l’utilisation des ressources pour
optimiser les performances de la ressource qui limite la production d’unités d’objectif
de l’organisation. Les informations doivent être partagées sur les besoins des clients
et sur la disponibilité des capacités. La norme devient le travail d’équipe et la
synchronisation des fonctions et des processus pour que chacun dispose d’une
Tableau 5 – Comportements traditionnels et comportements issus de la TOC
31
vision globale de l’organisation et contribue à l’amélioration des performances de la
contrainte.
Ainsi, les hypothèses de base de la TOC résultent d’une représentation systémique
de l’organisation en chaînes d’interdépendances dont la performance est
conditionnée par un de ses maillons. Ces hypothèses ont des impacts sur la
définition des indicateurs d’efficacité, les priorités et conditionnent les comportements
des acteurs qui constituent l’organisation.
L’objectif du TA est de réconcilier les indicateurs de rentabilité et de solvabilité par la
traduction en termes financiers des impacts des décisions de gestion opérationnelle.
Le tableau 6 ci-dessous propose une synthèse des différences entre les différentes
méthodes de comptabilité de gestion exposées dans les paragraphes précédents et
revient sur leurs origines et les contextes dans lesquels elles ont été conçues.
32
Coût Complet Direct Costing ABC Throughput Accounting
Origine Du 18
ème
siècle jusqu’à la crise
financière de 1929-1930.
En France, Emile Rimailho forme une
méthode de comptabilité analytique des
"sections homogènes"
11
.
Elaborée et mise au point au milieu des
années 1950 par la National
Association of Accountants.
Début des années 1990.
CAM-I, Kaplan et Johnson.
Fin des années 1980.
Goldratt.
Contexte Vente de produits homogènes fabriqués
en grandes séries.
Procédés de fabrication stables et
homogènes.
Organisation Scientifique du Travail
(OST).
Performance identifiée à la minimisation
du coût du produit.
Augmentation de la part des charges
fixes indirectes dans les entreprises et
les organisations en général.
Un produit est le résultat d’un
assemblage personnalisé de sous-
ensembles standards pour satisfaire des
segments de clientèle de plus en plus
spécifiques.
Ohno, Kaplan et Goldratt : « la
comptabilité de gestion est l’ennemi n°1
de la productivité. »
Evolutions des méthodes
opérationnelles sans contreparties en
comptabilité de gestion.
Organisation
générale de
l’approche
Approche cartésienne, analytique et
verticale.
Concentration sur les centres d’analyse
(centres de profits, directions,
départements, tâches). Mesures
d’efficiences en unités d’œuvre.
Calcul par stades de fabrication et de
vente.
Attachement direct des charges aux
produits sur la base de normes
techniques issues de l’OST.
Les charges indirectes obligent, pour
connaître leur destination, à des calculs
préalables dans les centres d’analyse.
Prise en compte que d’une partie des
frais dans le coût des produits. Les
charges résiduelles sont rassemblées
en une ou plusieurs masses
convenablement choisies.
Identifier les charges variables des
centres.
Les coûts variables obtenus permettent
le calcul d’une marge sur coût variable
par produit.
Chaque produit est jugé sur sa
contribution à la couverture des
charges non réparties – les charges de
structure.
Héritage de l’approche systémique et
qualiticienne.
Analyse des processus.
Identifie les interactions entre les étapes
des processus.
Concentration sur les processus.
Mesures d’efficiences des inducteurs.
Placer entre les centres de travail et les
produits une catégorie intermédiaire :
l’activité.
Calculer le coût des activités fournies par
les différents centres.
Regarder dans quelle proportion tel
produit utilise telle activité.
Approche systémique – incidence des
décisions sur les objectifs du système
étudié, de l’entreprise ou de
l’organisation.
Concentration sur les interactions entre
les centres d’analyse.
5 « Focusing Steps » :
(1) Identification de la contrainte ;
(2) Exploitation de la contrainte ;
(3) Subordination de l’organisation aux
décisions précédentes ;
(4) Elévation de la contrainte ;
(5) Si la contrainte a changé, revenir à
l’étape 1.
Principes
fondateurs
Traçabilité des coûts.
Causalité volume de production et
volume de la ressource consommée.
Les charges indirectes sont regroupées
dans des sections homogènes.
Optimisation de l’utilisation d’une
capacité de production existante, mise
en place antérieurement.
Issue des travaux du CAM-I.
Construire un système de comptabilité
analytique adapté à l’environnement des
industries fortement automatisées et
intégrées.
La performance de tout système est
limitée par une ou quelques
contraintes.
Les indicateurs de rentabilité sont
réconciliés avec ceux de solvabilité par
la traduction en termes financiers des
impacts des décisions de gestion.
11
Rimailho E., Organisation à la française, Delmas, 1936
Tableau 6 : Tableau comparatif de méthodes de comptabilité de gestion
33
Coût Complet Direct Costing ABC Throughput Accounting
Hypothèses
de base
L’optimum global est obtenu par la
somme des optima locaux – lorsque les
économies, les efficacités et les
efficiences de toutes les ressources
sont optimales.
Un tarif est déterminé par le coût de
revient du produit ou du service.
Une organisation est découpée en
fonctions.
Les coûts varient linéairement avec le
volume d’activité.
Les coûts sont additifs.
Refus d’imputer l’intégralité des
charges indirectes aux coûts des
produits.
L’optimum global est obtenu par la
somme des optima locaux.
Un tarif est déterminé par le coût de
revient du produit ou du service.
Une organisation est découpée en
fonctions.
Les coûts varient linéairement avec le
volume d’activité.
Les coûts sont additifs.
Homogénéité des coûts par rapport à une
clé de répartition. Les coûts sont
homogènes s’ils sont en proportion stable
entre eux quel que soit l’événement qui
déclenche la clé de répartition.
L’optimum du système n’est pas obtenu
avec la somme des optima locaux.
Un tarif est déterminé par le marché.
Une organisation n’est pas découpée
en fonction ou en processus.
Les coûts ne varient pas tous
linéairement avec le volume d’activité à
court terme.
Les coûts ne sont pas additifs.
Priorités Réduction des coûts. Augmentation de l’activité. Réduction des coûts. Augmentation du Throughput
34
Le TA propose de redéfinir la mise en œuvre d’outils de comptabilité de gestion
existants pour se conformer à une représentation de l’organisation fondée sur
l’existence d’un élément du système qui limite sa performance. Cette redéfinition a
pour conséquences un refus d’allocation des coûts indirects sur les produits et les
services et une approche du résultat opérationnel qui donne la priorité à la
génération de liquidités par l’augmentation de l’activité. Enfin, l’exploitation optimale
de la ressource contrainte nécessite la mise en place d’un système qui demande aux
autres ressources de se subordonner pour une meilleure performance globale.
35
Conclusion
Il est important pour un manager d’être capable de prévoir les résultats de ses
actions à partir des effets sur la contrainte de l’organisation. Le TA propose des outils
de comptabilité de gestion pour relier les indicateurs opérationnels de la TOC aux
indicateurs financiers intelligibles des fonctions de contrôle de gestion. Cet
instrumentation de gestion est l’objet d’un intérêt voire d’une certaine reconnaissance
au niveau international aussi bien dans le monde académique que dans le monde
des entreprises et des organisation.
Alors pourquoi cette méthode et ces outils de management sont-ils si peu connus,
étudiés et mis en œuvre en France ?
Tout d’abord le nom retenu peut rebuter dans le milieu industriel. En effet, le mot
« contrainte » a une connotation négative et le mot « théorie » paraît très éloigné des
préoccupations pragmatiques des managers et des entrepreneurs. De nombreux
auteurs ont d’ailleurs choisi de parler maintenant de Management par les
Contraintes.
Ensuite, les ouvrages publiés sur la Théorie des Contraintes, adoptent une forme
romancée qui ne permet pas une mise en œuvre immédiate des outils présentés,
mais nécessite de faire appel à un cabinet de conseil ou d’entamer un cycle de
formation long et coûteux.
La TOC peut également se révéler frustrante puisqu’elle oblige à remettre en cause
des concepts et des approches fortement ancrées. Le contexte culturel peut
également expliquer la difficulté de diffusion. La mise en œuvre de la TOC demande
à la majorité des acteurs de l’organisation de subordonner leur performance pour
une exploitation optimale de la contrainte. Cela constitue un obstacle non
36
négligeable dans un environnement qui privilégie la performance individuelle et
locale.
Enfin, les bases théoriques de la TOC ne sont certainement pas encore
suffisamment définies. Ce qui rend la Théorie des Contraintes d’autant plus
intéressante comme champ de recherche prometteur et appelle au développement
de travaux scientifiques.
37
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Performance in a Throughput World. Management Accounting April: 41-47.
Yang, J.B. (2007). How the critical chain scheduling method is working for
construction. Cost Engineering 49 (4): 25-32.
Ye, T. (2007). Determination of buffer sizes for drum buffer rope (DBR)-controlled
production systems. International Journal Of Production research 46 (10): 2827-44.

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  • 1. 1 Résumé Cet article a pour objectif de présenter la Théorie des Contraintes et sa traduction pour la comptabilité de gestion, le Throughput Accounting. Issue des travaux de Goldratt cette approche a fait l’objet de nombreuses publications internationales et est enseigné dans de nombreux pays, mais demeure très méconnue en France. La première partie de l’article se concentre sur la présentation de la Théorie des Contraintes et de ses applications managériales avec une attention particulière pour le Throughput Accounting (TA). La seconde partie consiste en une étude comparative de qui permet de positionner le TA par rapport aux principaless approches de comptabilité de gestion. Mots clés. – Théorie des Contraintes, Comptabilité de gestion, Production Synchronisée, Thinking Process, Systémique. Introduction La comptabilité de gestion a connu de fortes évolutions lors des dernières décennies pour faire face aux transformations des entreprises et des organisations en intégrant la perspective organisationnelle et stratégique dans les nouvelles approches. Cooper et Kaplan (1988) ont par exemple traduit ces deux tendances en focalisant leur attention sur le concept d’activité et de processus dans le modèle de l’ABC et de l’ABM pour renouveler les approches traditionnelles. Kaplan et Norton (1996) ont diversifié les composantes de la performance pour élargir le périmètre de la comptabilité de gestion en envisageant quatre axes pour le pilotage stratégique. Simon (1995) a proposé une vision élargi du contrôle stratégique intégrant les outils du contrôle de gestion dans un ensemble plus global de leviers visant a garantir la
  • 2. 2 performance stratégique des organisations. Ces approches ont connu un fort retentissement se traduisant par de très nombreuses publications académiques. Durant cette même période, Goldratt (1984) développe la Théorie des Contraintes (TOC), une approche d’amélioration continue des organisations qui intègre également la problématique de la comptabilité de gestion. Depuis ces travaux précurseurs, le nombre d’articles, de livres et d’expériences pratiques dans les organisations, s’est multiplié rapidement au niveau international. Par exemple, l’étude menée par Mabin et Balderstone (1999) a identifié plus de 350 articles académiques et plus de 40 livres sur la TOC dans le monde entre 1986 et 1999. Une étude complémentaire que nous avons réalisée pour la période comprise entre 2000 et 2009 montre que plus de 1500 références traitent de la TOC et que des publications sont parues dans plus d’une centaine de journaux et revues. La recherche documentaire réalisée par Mabin et Balderstone (1999) a également identifié plus d’une centaine d’études de cas contenant des informations sur les résultats obtenus avec la TOC dans des entreprises et des organisations. Les cas d’organisations étudiées sont très diversifiés : ils concernent aussi bien des entreprises multinationales très importantes, telles que Boeing, General Motors ou des organisations militaires telles que l’US Air Force ou des entreprises plus modestes telles que des boulangeries de grandes villes. Malgré ce développement international, visible dans les revues académiques et dans les applications empiriques, la théorie des contraintes (TOC) reste relativement peu diffusée en contexte francophone et plus particulièrement en France. Compte tenu du décalage entre la présence internationale de cette approche et sa confidentialité dans le monde académique français il est apparu nécessaire de présenter cette
  • 3. 3 approche pour éventuellement analyser les causes de cette différence de statut entre la visibilité internationale et l’absence hexagonale. L’objectif de cet article est de présenter cette approche en répondant à trois questions principales visant la TOC. Tout d’abord, qu’est-ce que la Théorie des Contraintes ? En particulier, pourquoi le concept de contrainte est il central et quel lien existe-t-il entre la primauté accordée à l’amélioration continue pour la performance des organisations et les indicateurs de pilotage qui sont privilégiés par cette approche ? Ensuite, quelles sont les applications managériales de la Théorie des Contraintes ? En effet, à partir d’une conception de l’organisation privilégiant l’approche systémique la TOC propose des solutions ingénièriques qui viennent alimenter différentes pratiques managériales au delà de la comptabilité de gestion. Enfin, quel est son positionnement par rapport aux autres méthodes de comptabilité de gestion? En effet, l’approche de la comptabilité de gestion préconisée par la TOC, le Throughput Accounting (TA) possède des caractéristiques qui la différencient des autres approches et méritent d’être explicitées pour une meilleure compréhension de l’apport de cette approche à la comptabilité de gestion. Pour répondre à ces questions, la première partie est consacrée à la présentation de la Théorie des Contraintes et à la centralité du concept de contrainte. Après un rapide rappel historique de la genèse de la TOC, ce paragraphe montre le lien entre la représentation de l’organisation sous-tendant la TOC qui conduit à privilégier l’amélioration continue pour le pilotage de la performance et les outils de management proposés et, en particulier, la déclinaison pour la comptabilité de gestion, le Throughput Accounting.
  • 4. 4 Le deuxième paragraphe met plus particulièrement l’accent sur la comptabilité de gestion pour positionner le Throughput Accounting par rapport aux principales approches de comptabilité de gestion. Cela nécessite, dans un premier temps, de revenir sur les hypothèses sur lesquelles repose le TA pour en déterminer les conséquences en matière de traitements des coûts, de détermination du résultat et de prise de décision pour le pilotage de la performance. Cela conduit enfin à s’interroger sur le contexte comportemental des managers associé à cette approche. En conclusion, une approche abductive, incite à proposer quelques pistes pour tenter d’expliquer la différence de diffusion de la TOC entre le contexte international et le contexte français.
  • 5. 5 1 Présentation de la Théorie des Contraintes Pour appréhender la contribution de la théorie des contraintes aux sciences de gestion en général et plus précisément à la comptabilité de gestion, il est nécessaire, au préalable, de rappeler les différentes évolutions qui ont marqué son développement et de présenter les différents éléments participant à sa définition. Un premier paragraphe permet en premier lieu de revenir rapidement sur les principales étapes qui ont amené E. Goldratt, son initiateur principal, à proposer ce nouveau paradigme. Cette rapide mise en perspective théorique conduit ensuite à expliciter la place centrale du concept de contrainte dans cette approche. Comme toute approche de management repose sur les représentations de l’organisation et sur les postulats qui constituent le cadre cognitif de ses initiateurs, le deuxième paragraphe a pour objectif d’examiner la conception de l’organisation qui sous-tend le paradigme managérial de la TOC c'est-à-dire le paradigme systémique. Cela permet de mieux appréhender les propositions conceptuelles et ingéniériques en termes d’outils de gestion qui sont préconisés. Enfin, la TOC ayant pour vocation de décliner des outils de management pour la prise de décision, un troisième paragraphe recense plusieurs applications qui découlent des concepts de l’approche initiée par E. Goldratt pour faire face à différentes situations de gestion, pour mieux instrumenter l’alignement des indicateurs de gestion issu du Throughput Accounting (TA). 1.1 Emergence et centralité du concept de contrainte dans la TOC La centralité du concept de contrainte est l’aboutissement d’un processus qui a conduit E. Goldratt d’une première posture mécaniste sur le fonctionnement des organisations à une perception systémique dans laquelle ce concept, comme dans
  • 6. 6 de nombreux domaines tels que la recherche opérationnelle, la programmation linéaire, les mathématiques et les sciences physiques occupe une place prépondérante. C’est l’irruption de ce concept dans le domaine de l’organisation et des sciences humaines qui va initier le développement de la théorie des contraintes. 1.1.1 La genèse de la Théorie des Contraintes A ses débuts, le Docteur Eliyahu Moshe Goldratt effectue des recherches sur le processus d’amélioration continue dans les organisations à partir de l’étude des règles, des concepts et des outils, en développant un logiciel de gestion de production, OPT (Optimized Production Technology), dans le cadre de sa thèse de Doctorat à l’université Bar-Ilan (Israël). Il quitte le monde académique et rejoint une entreprise d’édition de logiciel, Creative Output, pour promouvoir cet outil informatique en Israël, aux Etats-Unis et en Europe. OPT était alors vendu comme le premier logiciel de planification ayant la particularité d’intégrer un niveau de capacité finie dans la fabrication. En 1984, Goldratt écrit son premier livre avec Jeff Cox, The Goal: A Process Of On Going Improvement1 , dans lequel il expose la logique de la méthode de gestion de production, base du progiciel OPT. Dans cet ouvrage, Goldratt est très critique vis-à- vis des méthodes et des outils de gestion traditionnels et surtout de la comptabilité de gestion, qu’il considère comme le principal obstacle de la productivité2 . La lecture dans une revue professionnelle au début de l’année 1985 de l’expérience d’une petite entreprise ayant transformé son organisation avec un impact très significatif sur la performance en appliquant les préconisations développées dans l’ouvrage The Goal, a provoqué une prise de conscience radicale chez Goldratt sur le potentiel de l’approche proposée. En 1986, après avoir été renvoyé de la société 1 Goldratt E. M., Cox J., The Goal: A process of ongoing improvement, North River Press, 1984 2 Goldratt E. M., Cost accounting is enemy number one of productivity, International Conference Proceedings, American Production and Inventory Control Society (APICS), October 1983
  • 7. 7 Creative Output, il réalise que ni ses pratiques de consultant, ni le logiciel développé ne constituent une réponse satisfaisante à la problématique de l’amélioration continue. Il donne alors un nom à l’élément qui lui semble manquer le « Thoughtware », c'est-à-dire l’approche qu’il entend développer. C’est ainsi que après quelques mois, en octobre 1986, il crée le AGI (Avraham Y. Goldratt Institute) pour développer le thoughtware. Cette méthode a alors été renommée « Theory Of Constraints » (TOC) pour laquelle nous proposons la définition suivante : approche d’amélioration continue basée sur l’identification et l’exploitation des contraintes d’une organisation pour maximiser les flux de production d’unités de son objectif, diminuer ses investissements et ses dépenses de fonctionnement. La définition à retenir pour « objectif » dans ce cadre rejoint celle de l’approche systémique. Pour de Rosnay (1975), "un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d'un but3 " (p.93). Mélèze (1972) propose la définition suivante : "des finalités et des buts étant exprimés sur un environnement, un système finalisé est un ensemble organisé de moyens, méthodes, règles et procédures qui permet d'obtenir des réponses satisfaisantes de l'environnement4 ". Puisque tous les systèmes ont un objectif ou un but, Goldratt affirme que la TOC s’applique à tous les types d’organisations comme l’ont montré des applications aussi bien dans des entreprises multinationales, telles que Boeing, General Motors, des organisations militaires telles que l’US Air Force, des organisations de santé telles que des hôpitaux, des organisations non gouvernementales (ONG), des établissements d’enseignement ou des boulangeries de grandes villes. 3 Rosnay, J. de, Le macroscope: vers une vision globale, Paris: Seuil, 1975, p. 93 4 Mélèze, J., L'analyse modulaire des systèmes de gestion, A.M.S., Puteaux, France: Editions hommes et techniques, 1972, p. 53
  • 8. 8 1.1.2 La place centrale du concept de contrainte Suivant le dictionnaire Larousse une contrainte est une retenue, une gêne ou une force qui empêche quelqu’un, une organisation, un système d’agir comme il le voudrait. Le terme « contrainte » est ainsi souvent associé à une image négative. En fonction de la définition donnée précédemment de la TOC, une contrainte est ce qui empêche un système de réaliser une quantité supplémentaire de son objectif ou de son but. Une contrainte d’un système peut être repérée de plusieurs façons, mais un principe de base de la Théorie des Contraintes est qu’il n’y en a pas une multitude. Il y en a au moins une et au plus quelques-unes pour un système donné. La contrainte, physique ou organisationnelle, constitue ainsi le centre d’intérêt de la TOC sur lequel il faut se concentrer car les améliorations réalisées sur la contrainte augmentent la production d’unités d’objectif de l’organisation. En conséquence, les ressources ne sont plus considérées équivalentes. Les décisions et les actions des parties non contraintes de l’organisation doivent alors être subordonnées à l’exploitation maximale de la contrainte qui conditionne la performance de l’entité considérée. Une contrainte peut être interne ou externe au système. Une contrainte est interne lorsque l’environnement demande plus au système que ce qu’il peut délivrer. Si c’est le cas, l’organisation doit travailler au repérage de la contrainte et mettre en œuvre les cinq étapes de l’amélioration continue définie par la TOC pour l’analyser et optimiser son utilisation (et éventuellement la déplacer si nécessaire). Une contrainte est externe lorsque le système peut produire plus que ne peut supporter son environnement. Dans ce cas, l’organisation doit se concentrer sur les moyens de créer plus de demande pour ses produits ou services.
  • 9. 9 Dans le cas d’une organisation ou d’une entreprise, la contrainte peut être une ressource (personnel, matière, équipement, trésorerie, fournisseur, client) ou un principe organisationnel (procédure, instruction de travail, norme, réglementation). 1.2 Une représentation de l’organisation déterminante pour la conduite de l’amélioration continue La représentation de l’organisation est déterminante pour la définition et la mise en œuvre des indicateurs de performance locaux (au niveau de chaque poste de travail) et globaux (au niveau de l’entreprise) qui vont influencer les décisions d’améliorations du fonctionnement de l’organisation considérée. La TOC considère toute organisation comme un système composé d’éléments interdépendants dont la performance est limitée par un facteur physique ou organisationnel désigné par le terme « contrainte ». Le premier paragraphe présente les contributions du concept de contrainte aux travaux sur les approches systémiques des organisations. Le deuxième paragraphe expose comment la TOC utilise la contrainte en tant que point d’appui pour surmonter la complexité d’un système dans une démarche d’amélioration continue. 1.2.1 Contrainte et approche systémique Sur les bases du concept de contrainte décrit plus haut, la TOC a développé une représentation des organisations sous forme de chaîne qui s’inscrit dans une approche systémique. La Théorie des Contraintes caractérise tout système comme une chaîne ou un réseau de chaînes composées de maillons interdépendants. La contrainte d’une chaîne d’interdépendances est le maillon le plus faible de ladite chaîne, celui qui limite la performance du système pour atteindre son objectif global.
  • 10. 10 Goldratt estime que l’étude de la dynamique des systèmes conduit naturellement à se concentrer sur la contrainte du système pour optimiser l’atteinte de l’objectif. L’effet de levier consiste alors en de petites modifications réalisées sur les principales causes à l’origine de la contrainte du système, ce qui concrétise le processus d’amélioration continue préconisé par l’auteur. Comme Argyris (2003) et Senge (2006), Goldratt considère que les interventions à fort effet de levier dans les systèmes se situent dans les boucles de rétroactions, positives ou négatives. Sur cette base, il établit qu’une boucle de rétroaction négative a pour origine un conflit créatif systémique non résolu au sens de Nonaka et Takeuchi (1995) et Senge (2006), qui constitue un foyer d’amélioration des performances de l’organisation. L’approche systémique et la TOC convergent sur les principes systémiques définis par de Rosnay (1975) et Senge (2006) considérant que l’optimum d’un système n’est pas la somme des optima locaux. D’un point de vue statique avec la TOC, la contrainte limite la performance du système quelles que soient les performances des autres parties. De plus, d’un point de vue dynamique, une solution optimale pour le système dégénère dans le temps lorsque l’environnement du système change. Un processus d’amélioration continue est donc nécessaire pour mettre à jour et maintenir l’efficacité d’une solution. L’inertie étant le pire ennemi d’un processus d’amélioration continue, la TOC préconise un processus continu de traitement des contraintes en cinq étapes : identifier la contrainte, exploiter la contrainte, subordonner les autres parties à l’exploitation de la contrainte, élever la capacité de la contrainte, recommencer la première étape et ne pas laisser l’inertie s’installer. Les idées ne suffisant pas à définir des solutions applicables, les auteurs proposent des
  • 11. 11 outils d’implémentation du changement afin de passer du stade du souhaitable au stade de l’opérationnalisable (cf. 1.3). 1.2.2 La contrainte comme levier pour surmonter la complexité Cependant, la TOC diverge de l’approche systémique sur la notion de complexité. La complexité, d'après de Rosnay (1975), est notamment attribuable à la grande variété des composants possédant des fonctions spécialisées. Le degré de complexité d'un système dépend alors du nombre de ses composants ainsi que du nombre et du type de relations qui les lient entre eux. La TOC explore la notion de complexité par les relations entre les différents composants d’un système : le fait qu’une action, à un endroit de l’organisation, sur un élément déterminant, puisse avoir un effet sur un autre emplacement de l’organisation. Combien d’éléments du système faut-il modifier pour affecter les autres éléments du système ? Si la réponse à cette question est un ou quelques éléments peu nombreux, alors le système ne dispose que d’un ou de quelques degrés de liberté. Identifier et exploiter le ou les quelques éléments (peu nombreux) du système qui le gouvernent ou limitent ses performances constituent les fondations principales des méthodes et outils de la Théorie des Contraintes. L’identification du ou des quelques éléments qui limitent la performance du système global permet de déterminer la ou les quelques causes aux origines des limitations. L’émergence du conflit créatif décrit par Nonaka et Takeuchi (1995) est le produit de l’analyse de causes et d’effets dans le système considéré. La résolution du conflit créatif par le questionnement des hypothèses conduit à la mise en œuvre d’un plan d’améliorations mis à jour de manière continue.
  • 12. 12 1.3 Les applications managériales de la Théorie des Contraintes La conception de l’organisation portée par la TOC entraîne plusieurs conséquences. En premier lieu cette représentation de l’organisation conduit les auteurs à définir des principes généraux guidant l’action et la décision dans l’organisation. Ensuite, cela se traduit par une démarche ingéniérique proposant un ensemble d’outils visant à instrumenter la mise en œuvre effective de ces principes. Enfin, les auteurs proposent un paradigme décisionnel centré sur la comptabilité de gestion : le Throughput Accounting (TA). A partir des concepts proposés et de son paradigme décisionnel, la TOC s’adresse à des situations de gestion qui concernent différentes pratiques managériales. Un premier paragraphe synthétise les principaux domaines d’application de la TOC, le management de la production, l’analyse et la résolution de problème centrées sur la conduite du changement et le management de projet, en présentant les principaux outils proposés. A partir de cette présentation ingénierique, un second paragraphe met plus particulièrement l’accent sur la comptabilité de gestion pour exposer le paradigme décisionnel préconisé et les indicateurs de performance qui en découlent. 1.3.1 Quels outils pour quelles pratiques managériales ? La TOC s’est plus particulièrement focalisée sur quatre situations de gestion pour appliquer ses principes concernant le fonctionnement des organisations et ainsi proposer un ensemble d’outils et de méthodes de gestion synthétisé dans le tableau 1 ci-dessous.
  • 13. 13 1 Management de la Production Optimisation de la gestion de production Ingénierie Drum – Buffer – Rope (DBR) 2 Analyse et Résolution de Problème Innovation organisationnelle Cognition Le « Thinking Process » : Intermediate Objectives Map, Current Reality Tree, Evaporating Cloud, Future Reality Tree, Pre Requisite Tree, Transition Tree. 3 Management de Projet Optimisation de la gestion de projet Ingénierie La Chaîne Critique 4 Comptabilité de Gestion Alignement des indicateurs financiers de gestion Ingénierie Le « Throughput Accounting » est l’objet du paragraphe 1.3.2. Objectif Niveau prescriptif OutilApplication managériale 1. Management de la production par le « Drum – Buffer – Rope (DBR) » L’objectif du DBR est d’optimiser le débit d’un système de production contraint par une ressource physique. Les détails de la technique de planification et d’exécution de la production ont été présentés dans The Race (Goldratt et Fox, 1986). Le Drum, ou la contrainte, conditionne le rythme du système et est protégé par le Buffer. Le Rope est le mécanisme de communication qui autorise l’approvisionnement du système aux bons moments. A titre d’illustration, dans un atelier, le Drum est la ressource qui dispose de la capacité la moins élevée et qui conditionne donc le flux global de l’organisation ; le Buffer est un stock placé en amont du Drum pour optimiser son utilisation et synchroniser les autres ressources de l’organisation, qui disposent de réserves de capacités, sur le rythme du Drum. Le Rope déclenche les approvisionnements de l’atelier de production en fonction du niveau de Buffer. La détermination des niveaux de buffers appropriés constitue un domaine de recherche déjà largement développé (Radovilsky (1998), Gunn et Nahavandi (2000), Louw et Page (2004), Ye (2007)). Tableau 1 – Les applications managériales de la TOC
  • 14. 14 2. Analyse et résolution de problème par le « Thinking Process » centrées sur la conduite du changement Reconnaissant que dans de nombreux systèmes la contrainte est organisationnelle ou procédurale (Motwani, 1996), la TOC s’est graduellement concentrée sur le développement d’outils plus qualitatifs pour traiter les contraintes organisationnelles et la résistance au changement. Le livre de Goldratt « It’s not luck » (Goldratt, 1994) constitue la base du Thinking Process (TP) pour répondre aux quatre questions des managers lorsqu’ils doivent traiter des contraintes : Quel est l’objectif ? Quoi changer ? Changer pour quoi ? Comment changer ? Six arbres logiques distincts composent le TP pour aider la réflexion logique requise pour répondre aux questions citées plus haut (Dettmer, 2007). Le Intermediate Objectives Map (IO Map) est utilisé pour formaliser les conditions nécessaires et les critères de succès ainsi que l’objectif de l’organisation. Ces éléments sont structurés dans un arbre qui représente la situation cible du système considéré. Le IO Map fournit la référence et la représentation rationnelle des conditions qu’un système doit satisfaire pour atteindre son objectif agréé. Le Current Reality Tree (CRT) est un outil d’analyse d’écart qui facilite l’examen de la logique effet – cause – effet sous-jacente à la situation étudiée pour déterminer pourquoi elle diffère de celle exprimée dans l’IO Map. Le CRT nous indique ce qui doit être modifié pour un effet maximal vers l’objectif. Cet outil permet de répondre à la deuxième question posée (Quoi changer ?). L’Evaporating Cloud (EC), quelques fois appelé Diagramme de Résolution de Conflit, a été conçu pour aider à résoudre des conflits cachés à l’origine d’un problème fondamental. L’EC sert aussi de « générateur de nouvelles idées » de solutions à
  • 15. 15 des problèmes. Il permet de répondre à la première partie de la question « changer pour quoi ? ». Le Future Reality Tree (FRT) sert deux objectifs. Il permet de vérifier que l’action à mettre en œuvre produira les résultats escomptés et d’identifier de nouvelles conséquences indésirables éventuelles pour les éliminer. Cet outil permet de répondre à la deuxième partie de la question « changer pour quoi ? » en validant la nouvelle configuration du système. Le Prerequisite Tree (PRT) est une aide à l’exécution des actions à mettre en œuvre en identifiant les obstacles intermédiaires à surmonter qui constituent autant d’objectifs successifs. Le PRT fournit la première partie de la réponse à la dernière question « comment changer ? ». Le dernier des six outils du TP est le Transition Tree (TT) qui permet d’établir la feuille de route détaillée vers les objectifs détaillés précédemment. Cet outil permet de répondre à la deuxième partie de la question « comment changer ? ». Comme le résume Kim (2008), le TP identifie d’abord les symptômes problématiques, les preuves que le système ne produit pas les performances voulues. Les outils du TP sont alors utilisés pour « déduire les causes de ces symptômes, ce qui doit être fait pour corriger ces causes, et comment ces actions correctrices peuvent être mises en œuvre », en se conformant à des règles strictes de logique et la rigueur de la réflexion de cause et d’effet. 3. Management de projet : le rôle central de la Chaîne Critique La troisième application concerne la gestion de projet. Depuis longtemps, les projets dans tous les domaines (R&D, développements de nouveaux produits, construction, et tous types de mise en œuvre de nouveaux systèmes), ont rencontré des difficultés pour respecter les trois principaux paramètres de tout projet : budget, délai et qualité.
  • 16. 16 La TOC propose deux modifications à la méthode couramment admise du Chemin Critique. En premier lieu, le délai pour terminer un projet n’est pas seulement basé sur la plus longue chaîne de tâches séquentielles, mais sur la chaîne la plus longue de tâches en tenant compte de la rareté des ressources d’une organisation, appelée la Chaîne Critique5 . De plus, la TOC suggère une gestion des incertitudes au niveau global du projet plutôt qu’au niveau local de chacune des tâches. Les marges de manœuvre, matérialisées par des délais supplémentaires, intégrées dans chaque tâche par les contributeurs du projet pour assurer la réussite de leurs objectifs locaux, sont supprimées de chaque tâche et agrégées au niveau du projet pour sécuriser sa réussite. Les applications de la chaîne critique sont nombreuses dans le domaine de la construction (Yang, 2007), de la réparation et de la maintenance (Srinivasan, 2007) et dans le secteur de la santé (Umble, 2006). 5 Goldratt E., Critical Chain, North River Press, 1997 Figure 1 – Chemin Critique et Chaîne Critique
  • 17. 17 1.3.2 L’application de la TOC à la comptabilité de Gestion : Le Throughput Accounting pour l’alignement des indicateurs financiers de gestion Dans le livre « The Haystack Syndrome » (Goldratt, 1990), Goldratt a exprimé les deux conditions pour mettre en œuvre un processus d’amélioration continue, à savoir définir le but de l’organisation et les indicateurs de performance qui lui permettront de l’atteindre efficacement. Il met l’accent sur le fait que l’objectif de tout système doit être déterminé par ses propriétaires. Donc, les actionnaires, en tant que véritables propriétaires des entreprises, définissent l’objectif comme suit : gagner de l’argent maintenant et dans le futur. A partir de ce constat la TOC présente un ensemble d’indicateurs de mesure de la performance opérationnelle (Throughput, Investissement et Dépenses de Fonctionnement) qui permet à l’équipe de management d’évaluer globalement les effets des actions locales au travers des indicateurs de performance constitués par le cash flow, le profit et le retour sur investissement. L’intérêt de la TOC pour la comptabilité de gestion repose sur le même constat de Johnson et Kaplan en (1987) qui considèrent que les pratiques de comptabilité de gestion ont stagné depuis les années 1920 et que la comptabilité de gestion traditionnelle basée sur les calculs des coûts des produits ou des services n’est plus pertinente et doit évoluer. La TOC propose de privilégier trois indicateurs (T, I, DF) pour expliquer le lien entre les bénéfices, le retour sur investissement (ROI), le cash-flow et les indicateurs locaux. Ces trois indicateurs sont purement financiers pour démontrer l’avancement de l’entreprise vers le premier de ses objectifs, survivre grâce à une bonne santé financière. Le Throughput (T) Il s’agit de la capacité du système à générer de la trésorerie par les ventes. Le Throughput est mesuré par le chiffre d’affaires (CA) moins les coûts complètement
  • 18. 18 variables (CCV) qui ne varient que lorsque les ventes varient (coûts des matières premières, commissions commerciales, frais de voyages éventuels, coûts des sous- traitants par exemple)6 . T = CA – CCV Le Throughput est différent du revenu marginal car les coûts d’investissements nécessaires à la réalisation d’une unité supplémentaire de produit ou de service ne sont pas imputés au produit ou au service mais viennent augmenter le niveau d’investissement. L’Investissement (I) L’investissement est mesuré par les moyens financiers que le système investit pour produire. L’investissement peut être divisé en deux catégories, d’une part, les stocks de matières, les encours de production, les produits finis et d’autre part, les autres actifs de l’entreprise tels que les immobilisations. La valeur des stocks d’encours et de produits finis est leur coût complètement variable qui exclut les allocations des coûts des différentes étapes de production. Les Dépenses de Fonctionnement (DF) Ce sont les dépenses du système pour utiliser les investissements et créer du Throughput. La TOC ne classe pas les dépenses en fixes, variables, directes ou indirectes. Les DF sont tous les coûts autres que les coûts complètement variables (CCV). La TOC considère ces trois indicateurs comme suffisants pour gérer une organisation. Les liens avec le bénéfice, le cash flow et le retour sur investissement sont les suivants7 : 6 Noreen, E., Smith, D., and Mackey, T., The Theory of Constraints and its implications for management accounting, North River Press, pp 12, 13, 80, 1995 7 Goldratt, E. M., The haystack syndrome: sifting information out of the data ocean, North River Press, pp 10, 14, 19, 23, 29, 31-35, 1990
  • 19. 19  Le profit est le résultat de la différence entre Throughput et dépenses de fonctionnement, Profit = T - DF.  Le retour sur investissement est le rapport du profit à l’investissement, ROI = (T - DF) / I  La Productivité est le rapport entre Througput et dépenses de Fonctionnement, P = T / DF  Le Cash Flow est le montant du Throughput moins les dépenses de fonctionnement et l’investissement, CF = T – DF - I Pour soutenir la mise en œuvre des outils développés avec la TOC (DBR et Chaîne Critique notamment), le Throughput Accounting est basé sur l’approche économique du coût marginal pour maximiser la contribution unitaire marginale de la ressource contrainte. Ainsi la TOC en partant de problématiques visant principalement la gestion de la production a préconisé une démarche d’amélioration continue. Cela a conduit son auteur à élargir sa perception du fonctionnement des organisations pour préconiser d’autres outils visant la résolution de problèmes afin de faciliter la conduite du changement et à proposer un nouveau paradigme décisionnel. Le Troughput Accounting constitue finalement la traduction en matière de comptabilité de gestion du modèle de prise de décision économique et managériale porté par la TOC.
  • 20. 20 2 Différences entre le Throughput Accounting et les autres méthodes Le TA fait partie du mouvement de remise en cause des méthodes traditionnelles de contrôle de gestion, il est par exemple contemporain de l’ABC. E. Goldratt8 rejoint d’ailleurs T. Ohno (concepteur du Toyota Production System) et R. Kaplan9 pour déclarer que la comptabilité de gestion doit être considérée comme « l'ennemi numéro un de la productivité ». Ils convergent avec un grand nombre de chercheurs de la fin du 20ème siècle qui considèrent que les méthodes de gestion par les coûts ont été conçues pour supporter les méthodes de production en masse du 20ème siècle et rencontrent de fortes difficultés pour s’adapter au nouveau contexte des entreprises et doivent évoluer ou être complétées par d’autres approches. Pour appréhender le Throughput Accounting et ses apports à la comptabilité de gestion, nous le comparons dans le cadre d’une démarche analytique aux méthodes traditionnelles, principalement le coût complet et le direct costing, et à l’ABC. Afin de mieux souligner la différence de perspective entre le T.A. et les autres approches nous revenons dans un premier paragraphe sur les hypothèses de base sur lesquelles reposent ces approches. En effet ces hypothèses de base conditionnent la définition du modèle économique sous-jacent et le système de prise de décision managériale induits par ces différentes approches de comptabilité de gestion. Elles sont indispensables pour avoir une compréhension globale de l’apport du TA car elles mettent en lumière les postulats concernant la conception du management de la performance sur lesquels reposent ces outils de gestion. Ensuite, un deuxième paragraphe s’intéresse au modèle même d’affectation des coûts et plus 8 Goldratt E. M., Cost Accounting is enemy number one of productivity, International Conference Proceedings, American Production and Inventory Control Society, October 1983. 9 Kaplan R. S., Cooper R., How cost accounting distorts product costs, Management Accounting, April 1998, pp.20-27
  • 21. 21 particulièrement aux différences de traitement des coûts, notamment des coûts fixes et des coûts indirects. Cette analyse des choix de répartition des coûts conduit, dans le paragraphe suivant, à mettre l’accent sur la phase de calcul du résultat opérationnel pour identifier les différences entre les autres approches et le TA. Enfin, le dernier paragraphe liste les répercussions et les conséquences de ces différences (hypothèses, modalités de répartition des coûts et calcul du résultat opérationnel) sur les pratiques managériales effectives. Deux thématiques principales sont abordées : le périmètre et la priorisation de la prise de décisions issus des indicateurs et le contexte culturel et comportemental associé à cette approche. En conclusion de la deuxième partie, un tableau récapitulatif fait la synthèse comparative des caractéristiques du TA et des principales approches de comptabilité de gestion. 2.1 Différences des hypothèses de base entre le TA et les autres méthodes de comptabilité de gestion En reprenant les travaux de Maskell et Baggaley (2003) quatre hypothèses de base des modèles de la comptabilité de gestion traditionnelle sont remises en cause par le TA. Le TA : Un rôle limité du calcul des coûts pour la tarification afin de privilégier la prise de décision opérationnelle Les méthodes de comptabilité de gestion traditionnelles sont issues d’un contexte où le calcul des coûts joue un rôle fondamental dans la tarification pour déterminer le prix. En se plaçant délibérément dans une optique de Target Costing où le prix est fixé à partir du marché, le TA se libère de la contrainte du calcul du coût complet en simplifiant la problématique de la répartition et de l’affectation des charges. Seules les charges complètement variables se voient effectivement réparties sur les
  • 22. 22 produits, les autres étant imputées aux coûts de la période. La tarification ne constitue donc plus un objectif déterminant pour le TA qui vise principalement la prise de décision opérationnelle par les acteurs de terrain dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue et explique la simplification de la catégorisation des coûts (CCV, DF, I). Un refus de découpage organisationnel pour une maîtrise globale de la contrainte Les méthodes traditionnelles adoptent une démarche analytique qui traite les fonctions d’une organisation de manière indépendante et équivalente notamment dans le cas du traitement des charges indirectes. Comme le TA est basé sur une approche systémique qui privilégie l’exploitation optimale d’une contrainte au niveau global, il refuse le découpage de l’organisation en sous-parties visant à affecter les coûts autres que totalement variables. Ce refus du découpage est également avancé par les tenants du TA par rapport à l’approche transversale de l’ABC. Les défenseurs du TA considèrent que l’ABC se concentre sur l’analyse des processus et les interactions au sein de ceux-ci alors que le TA prend en compte les interactions entre les processus pour avoir une maîtrise globale de la contrainte sur l’ensemble de l’organisation. Un refus de la linéarité des coûts à court terme La méthode du Coût Complet affecte les charges indirectes sur chaque unité de produit ou de service en utilisant des clés de répartition basées sur un coût d’unité d’œuvre (heure de main d’œuvre par exemple). L’Activity Based Costing répartit les charges indirectes sur chaque unité de produit ou de service en utilisant des inducteurs de ressources attribués à des activités, allouées à des inducteurs d’activités et finalement aux produits et services. C’est pourquoi les méthodes de coût complet et ABC considèrent qu’une augmentation du volume d’activité ou de
  • 23. 23 production induit mécaniquement une augmentation des charges indirectes. Les coûts (directs et indirects) varient alors de manière linéaire en fonction du niveau d’activité. Les auteurs qui traitent du TA pensent que seuls les coûts complètement variables varient directement avec le niveau d’activité, alors que les autres coûts ne varient pas à court terme, tant que le volume de production ne dépasse pas un certain seuil. Ce qui explique qu’ils sont imputés globalement aux coûts de la période. Les investissements et les dépenses de fonctionnement ne varient pas linéairement en fonction du niveau d’activité de l’organisation, mais fluctuent par paliers. La priorité de la performance globale pour privilégier l’amélioration continue Une autre hypothèse structurante des méthodes traditionnelles de comptabilité de gestion citée par Maskell et Baggaley considère que les performances des sous- parties d’un système peuvent être additionnées. Cette additivité des coûts et des performances relevant d’une représentation cartésienne des organisations, postule que l’optimum global est obtenu par la somme des optima locaux. Ceci revient à considérer qu’une amélioration réalisée dans une unité de l’organisation quelle qu’elle soit, a un impact positif sur l’ensemble de l’organisation. C’est le cas pour la méthode du coût complet avec une analyse reposant sur les centres d’analyses et de l’ABC avec une analyse reposant sur les processus. Au contraire, la TOC considère que la somme des optima locaux ne produit pas l’optimum global. Seules les améliorations qui affectent la contrainte du système étudié participent aux élévations de performance globale des organisations. Les hypothèses de base retenues par le TA sont en cohérence avec la représentation de l’organisation de la TOC et les objectifs opérationnels
  • 24. 24 d’amélioration continue. Elles conditionnent ainsi les indicateurs de performance organisationnelle retenus qui ont un rôle déterminant sur les décisions opérationnelles quotidiennes des managers pour optimiser de manière permanente le fonctionnement du système analysé. De même elles exercent une influence déterminante sur les modalités de traitement et d’affectations des coûts. 2.2 Des différences de traitement des coûts… Traditionnellement, les managers décident sur la base des coûts des produits ou des services qui sont déterminés par absorption des coûts, produit d’un transfert des pratiques de comptabilité financière en comptabilité de gestion (Smith, 2000). Cependant, l’introduction des approches par les coûts variables et le Direct Costing a favorisé les décisions basées sur la contribution au résultat du produit ou du service. Avec le Throughput Accounting, les décisions sont basées sur la contribution de l’élément de l’organisation qui limite sa performance. Le tableau 2 de Noreen (1995) présente les principales différences de traitement des coûts indirects pour deux méthodes traditionnelles de comptabilité de gestion, l’ABC et le Throughput Accounting. Ces disparités ont un impact très important sur la présentation des résultats de l’entreprise.
  • 25. 25 Coût Complet ABC Direct Costing Throughput Principes de valorisation des stocks Tous les coûts sont affectés aux produits ou aux services et servent à valoriser les stocks au bilan. Tous les coûts sont directifiés et distribués aux produits ou aux services et valorisent les stocks au bilan. Seuls les coûts variables (incluant les coûts de main d'œuvre) servent à la valorisation des stocks au bilan. Seuls les coûts complètement variables (CCVs), telles que les matières ou les commissions, servent à valoriser les stocks au bilan. Principe de répartition des coûts indirects Tous les coûts indirects sont alloués aux produits ou aux services en utilisant une clé de répartition basée sur les unités d'œuvre. Tous les coûts indirects sont alloués aux produits ou aux services en utilisant une clé de répartition basée sur les inducteurs de coûts. Les coûts variables sont alloués aux produits ou services. Seulement les CCVs sont immédiatement alloués aux produits ou aux services. Tous les autres coûts (directs et indirects) ne sont pas répartis et imputés à la période. La principale différence entre le Throughput Accounting et la méthode des coûts complets concerne le traitement des coûts indirects. Le TA impute les charges des coûts indirects de production à la période, contrairement à la méthode des coûts complets et l’ABC qui affectent ces mêmes coûts au produit en valorisant le stock jusqu’à la vente du produit. Enfin, le TA valorise les stocks avec uniquement les coûts complètement variables, ce qui demande un retraitement pour la valorisation des stocks et la communication externe. Avec le Throughput Accounting, la main d’œuvre n’est pas considérée comme un coût variable, mais comme une dépense de fonctionnement, sauf s’il s’agit de sous- traitance ou de personnes rémunérées sur la base du niveau de production, considérées comme des coûts complètement variables. Pour de nombreux auteurs, le TA apparaît comme une approche de court-terme pour prendre des décisions. Même si ce constat a été rejeté par Coughlan and Darlington Tableau 2 – Principales différences de traitement des coûts
  • 26. 26 (1993), certains auteurs comme Waldron (1994) considère que l’intérêt du TA réside justement dans la priorité au court terme pour faciliter la décision des opérationnels : « Le TA se concentre ouvertement sur le court terme et heureusement puisque la comptabilité standard ne s’en préoccupe pas, et une organisation doit exister à court terme. Le TA est excellent pour le court terme et a été conçu pour cela. » 2.3 … impactant la construction du résultat opérationnel La conséquence des hypothèses de la TOC et des modalités de traitement et de répartition des coûts conduit à des différences de construction du résultat opérationnel décrit dans le tableau 3 suivant (Noreen, 1995). Coût Complet et ABC Direct Costing conventionnel Throughput Accounting Chiffre d’Affaire Chiffre d’Affaire Chiffre d’Affaire - Coûts Directs des Ventes (COGS) - Coûts Variables (inclut les coûts de main d’œuvre) - Coûts Complètement Variables (matières, commissions commerciales, transport) = Marge Brute = Contribution marginale = Throughput - Charges indirectes - Coûts fixes - Dépenses de fonctionnement =Résultat d’Exploitation =Résultat d’Exploitation =Résultat d’Exploitation La méthode du coût complet, ainsi que l’ABC valorisent les stocks de produits finis et d’encours sur la base des coûts de matières, de main d’œuvre et des coûts indirects de production. Puisque les produits invendus constituent des stocks, ils supportent Tableau 3 – Comparaison des approches du résultat opérationnel
  • 27. 27 une partie de ces coûts. Ces coûts, plutôt que d’être répercutés sur le résultat de la période considérée, sont transférés dans le bilan en tant qu’actifs. Il y a une différence importante entre le Direct Costing et le TA. Le TA prend en compte dans son modèle de décision l’impact des changements d’investissements et de dépenses de fonctionnement, alors que le Direct Costing privilégie l’analyse de la marge brute. Le Direct Costing encourage les réductions de coûts variables ou les ventes de produits aux contributions marginales plus importantes. La méthode du Throughput insiste sur la maximisation de l’utilisation du poste qui constitue la contrainte. Cette méthode encourage aussi la réduction des investissements et l’augmentation du rythme de production. Ainsi, le Throughput est un indicateur de cash qui peut être rapproché de l’Excédent de Trésorerie d’Exploitation (ETE), puisqu’il mesure la génération de trésorerie issue du cycle opérationnel, les ventes et les achats à crédit (créances clients / dettes fournisseurs) étant considérés comme des stocks de trésorerie. Le Throughput est reconnu lorsque le cash a été encaissé pour la vente, ce qui diffère des règles de la comptabilité financière. 2.4 Les interactions entre le Throughput Accounting et les pratiques managériales. Un objectif de la comptabilité de gestion est d’influencer les comportements des acteurs au regard des objectifs de l’organisation (Anthony, 1989 ; Bouquin, 2005). Goldratt (1990) se place dans cette conception et considère que les décisions et les actions d’un manager sont en rapport direct avec ses indicateurs de performance :
  • 28. 28 « Tell me how you measure me and I will tell you how I will behave »10 . La TOC se plaçant dans une perspective d’amélioration continue, les indicateurs qu’elle mobilise ont pour objectif de relier performance opérationnelle, performance financière, et amélioration continue. L’articulation entre ces mécanismes passe par le TA. Le TA influence les comportements des acteurs de l’organisation, le premier sous- paragraphe s’attache à comparer les différences de priorités accordées aux trois leviers de la rentabilité (chiffre d’affaires, coûts et investissements). Les changements de priorités managériales nécessitent les prérequis culturels exposés dans le deuxième sous-paragraphe. 2.4.1. Priorisation de la prise de décision en fonction des trois leviers de la détermination de la rentabilité Les différentes approches de comptabilité de gestion, de par leur conception, orientent la prise de décision des managers. Les travaux de Noreen analysent cette priorisation de décision et proposent la synthèse suivante (cf tableau 4). Les méthodes de comptabilité de gestion traditionnelles de gestion des coûts ainsi que la méthode ABC se concentrent principalement sur les réductions des coûts et en particulier des coûts de fonctionnement. Les méthodes Japonaises issues du modèle TPS (Toyota Production System) s’attachent à diminuer les stocks qui sont considérés comme des gaspillages définis par Ohno (1988). Le TA et le Direct Costing se rapprochent en privilégiant l’augmentation d’activité. L’analyse de Noreen montre que ces trois méthodes exercent une influence non négligeable sur les leviers des managers par le contexte cognitif qu’elles créent en priorisant l’activation des trois leviers participant à la définition de la rentabilité ((produit – charges)/capitaux). 10 Goldratt E., The Haystack Syndrome: Sifting information out of the Data Ocean, North River Press, 1990, p. 28
  • 29. 29 Priorités Coût Complet et ABC Toyota Production System (TPS) Direct Costing et TA 1 Diminuer les dépenses Diminuer les investissements Augmenter le Throughput 2 Augmenter le Throughput Augmenter le Throughput Diminuer les investissements 3 Diminuer les investissements Diminuer les dépenses Diminuer les dépenses 2.4.2. Comportements des acteurs et contexte culturel Les approches traditionnelles de comptabilité de gestion reposent sur une valorisation de la performance individuelle et locale en lien avec le découpage analytique de l’organisation et les systèmes de motivation et de rémunération des managers qui poussent aux comportements individualistes. Une entité opérationnelle est alors considérée efficace lorsqu’elle obtient le maximum de produit ou de service de chaque individu ou de chaque processus. En privilégiant l’efficacité globale de l’organisation, la TOC remet en cause ces approches individualisantes au profit de la performance collective de l’organisation. Les principaux effets sur les comportements et les paradigmes des managers sont synthétisés dans le tableau 5 issu des travaux de Westra, Srikanth, et Kane (1996). Tableau 4 - Tableau comparatif des priorités managériales des méthodes de comptabilité de gestion
  • 30. 30 Traditionnel TOC Utilisation des ressources Ratio d'utilisation élevé de toutes les ressources de l'organisation Un ratio d'utilisation élevé est important seulement au niveau de la contrainte. Les autres ressources travaillent en fonction du rythme de la contrainte. Activation de la main d'œuvre Activer la main d'œuvre est crucial pour être profitable Un ratio d'activation élevé de la main d'œuvre gêne la génération de cash du fait des stocks importants Partage des ressources de l'organisation Si les managers prêtent des ressources à d'autres fonctions, il est fort probable qu'ils ne pourront plus les récupérer Les managers prêteront volontiers leurs ressources si les bons indicateurs de performance sont utilisés Indicateurs comptables traditionnels Les indicateurs comptables traditionnels donnent des indications aux managers de leurs contributions à la performance globale de l'entreprise Les indicateurs comptables traditionnels sont subjectifs, imprécis, et requièrent une surveillance constante. La TOC préfère définir des indicateurs de performance qui favorisent l'exploitation de la contrainte. Priorités de production Maximiser la production après chaque réglage et générer des stocks sont importants pour être profitable Réaliser seulement ce que veut le client est la clé de la profitabilité, et le délai de livraison constitue le facteur clé de succès Les implémentations des outils de la TOC requièrent des indicateurs cohérents fournis par le TA et un certain type de management qui demande de la coopération entre les fonctions et les processus d’une organisation pour exploiter les capacités de la contrainte. Il s’agit notamment de subordonner l’utilisation des ressources pour optimiser les performances de la ressource qui limite la production d’unités d’objectif de l’organisation. Les informations doivent être partagées sur les besoins des clients et sur la disponibilité des capacités. La norme devient le travail d’équipe et la synchronisation des fonctions et des processus pour que chacun dispose d’une Tableau 5 – Comportements traditionnels et comportements issus de la TOC
  • 31. 31 vision globale de l’organisation et contribue à l’amélioration des performances de la contrainte. Ainsi, les hypothèses de base de la TOC résultent d’une représentation systémique de l’organisation en chaînes d’interdépendances dont la performance est conditionnée par un de ses maillons. Ces hypothèses ont des impacts sur la définition des indicateurs d’efficacité, les priorités et conditionnent les comportements des acteurs qui constituent l’organisation. L’objectif du TA est de réconcilier les indicateurs de rentabilité et de solvabilité par la traduction en termes financiers des impacts des décisions de gestion opérationnelle. Le tableau 6 ci-dessous propose une synthèse des différences entre les différentes méthodes de comptabilité de gestion exposées dans les paragraphes précédents et revient sur leurs origines et les contextes dans lesquels elles ont été conçues.
  • 32. 32 Coût Complet Direct Costing ABC Throughput Accounting Origine Du 18 ème siècle jusqu’à la crise financière de 1929-1930. En France, Emile Rimailho forme une méthode de comptabilité analytique des "sections homogènes" 11 . Elaborée et mise au point au milieu des années 1950 par la National Association of Accountants. Début des années 1990. CAM-I, Kaplan et Johnson. Fin des années 1980. Goldratt. Contexte Vente de produits homogènes fabriqués en grandes séries. Procédés de fabrication stables et homogènes. Organisation Scientifique du Travail (OST). Performance identifiée à la minimisation du coût du produit. Augmentation de la part des charges fixes indirectes dans les entreprises et les organisations en général. Un produit est le résultat d’un assemblage personnalisé de sous- ensembles standards pour satisfaire des segments de clientèle de plus en plus spécifiques. Ohno, Kaplan et Goldratt : « la comptabilité de gestion est l’ennemi n°1 de la productivité. » Evolutions des méthodes opérationnelles sans contreparties en comptabilité de gestion. Organisation générale de l’approche Approche cartésienne, analytique et verticale. Concentration sur les centres d’analyse (centres de profits, directions, départements, tâches). Mesures d’efficiences en unités d’œuvre. Calcul par stades de fabrication et de vente. Attachement direct des charges aux produits sur la base de normes techniques issues de l’OST. Les charges indirectes obligent, pour connaître leur destination, à des calculs préalables dans les centres d’analyse. Prise en compte que d’une partie des frais dans le coût des produits. Les charges résiduelles sont rassemblées en une ou plusieurs masses convenablement choisies. Identifier les charges variables des centres. Les coûts variables obtenus permettent le calcul d’une marge sur coût variable par produit. Chaque produit est jugé sur sa contribution à la couverture des charges non réparties – les charges de structure. Héritage de l’approche systémique et qualiticienne. Analyse des processus. Identifie les interactions entre les étapes des processus. Concentration sur les processus. Mesures d’efficiences des inducteurs. Placer entre les centres de travail et les produits une catégorie intermédiaire : l’activité. Calculer le coût des activités fournies par les différents centres. Regarder dans quelle proportion tel produit utilise telle activité. Approche systémique – incidence des décisions sur les objectifs du système étudié, de l’entreprise ou de l’organisation. Concentration sur les interactions entre les centres d’analyse. 5 « Focusing Steps » : (1) Identification de la contrainte ; (2) Exploitation de la contrainte ; (3) Subordination de l’organisation aux décisions précédentes ; (4) Elévation de la contrainte ; (5) Si la contrainte a changé, revenir à l’étape 1. Principes fondateurs Traçabilité des coûts. Causalité volume de production et volume de la ressource consommée. Les charges indirectes sont regroupées dans des sections homogènes. Optimisation de l’utilisation d’une capacité de production existante, mise en place antérieurement. Issue des travaux du CAM-I. Construire un système de comptabilité analytique adapté à l’environnement des industries fortement automatisées et intégrées. La performance de tout système est limitée par une ou quelques contraintes. Les indicateurs de rentabilité sont réconciliés avec ceux de solvabilité par la traduction en termes financiers des impacts des décisions de gestion. 11 Rimailho E., Organisation à la française, Delmas, 1936 Tableau 6 : Tableau comparatif de méthodes de comptabilité de gestion
  • 33. 33 Coût Complet Direct Costing ABC Throughput Accounting Hypothèses de base L’optimum global est obtenu par la somme des optima locaux – lorsque les économies, les efficacités et les efficiences de toutes les ressources sont optimales. Un tarif est déterminé par le coût de revient du produit ou du service. Une organisation est découpée en fonctions. Les coûts varient linéairement avec le volume d’activité. Les coûts sont additifs. Refus d’imputer l’intégralité des charges indirectes aux coûts des produits. L’optimum global est obtenu par la somme des optima locaux. Un tarif est déterminé par le coût de revient du produit ou du service. Une organisation est découpée en fonctions. Les coûts varient linéairement avec le volume d’activité. Les coûts sont additifs. Homogénéité des coûts par rapport à une clé de répartition. Les coûts sont homogènes s’ils sont en proportion stable entre eux quel que soit l’événement qui déclenche la clé de répartition. L’optimum du système n’est pas obtenu avec la somme des optima locaux. Un tarif est déterminé par le marché. Une organisation n’est pas découpée en fonction ou en processus. Les coûts ne varient pas tous linéairement avec le volume d’activité à court terme. Les coûts ne sont pas additifs. Priorités Réduction des coûts. Augmentation de l’activité. Réduction des coûts. Augmentation du Throughput
  • 34. 34 Le TA propose de redéfinir la mise en œuvre d’outils de comptabilité de gestion existants pour se conformer à une représentation de l’organisation fondée sur l’existence d’un élément du système qui limite sa performance. Cette redéfinition a pour conséquences un refus d’allocation des coûts indirects sur les produits et les services et une approche du résultat opérationnel qui donne la priorité à la génération de liquidités par l’augmentation de l’activité. Enfin, l’exploitation optimale de la ressource contrainte nécessite la mise en place d’un système qui demande aux autres ressources de se subordonner pour une meilleure performance globale.
  • 35. 35 Conclusion Il est important pour un manager d’être capable de prévoir les résultats de ses actions à partir des effets sur la contrainte de l’organisation. Le TA propose des outils de comptabilité de gestion pour relier les indicateurs opérationnels de la TOC aux indicateurs financiers intelligibles des fonctions de contrôle de gestion. Cet instrumentation de gestion est l’objet d’un intérêt voire d’une certaine reconnaissance au niveau international aussi bien dans le monde académique que dans le monde des entreprises et des organisation. Alors pourquoi cette méthode et ces outils de management sont-ils si peu connus, étudiés et mis en œuvre en France ? Tout d’abord le nom retenu peut rebuter dans le milieu industriel. En effet, le mot « contrainte » a une connotation négative et le mot « théorie » paraît très éloigné des préoccupations pragmatiques des managers et des entrepreneurs. De nombreux auteurs ont d’ailleurs choisi de parler maintenant de Management par les Contraintes. Ensuite, les ouvrages publiés sur la Théorie des Contraintes, adoptent une forme romancée qui ne permet pas une mise en œuvre immédiate des outils présentés, mais nécessite de faire appel à un cabinet de conseil ou d’entamer un cycle de formation long et coûteux. La TOC peut également se révéler frustrante puisqu’elle oblige à remettre en cause des concepts et des approches fortement ancrées. Le contexte culturel peut également expliquer la difficulté de diffusion. La mise en œuvre de la TOC demande à la majorité des acteurs de l’organisation de subordonner leur performance pour une exploitation optimale de la contrainte. Cela constitue un obstacle non
  • 36. 36 négligeable dans un environnement qui privilégie la performance individuelle et locale. Enfin, les bases théoriques de la TOC ne sont certainement pas encore suffisamment définies. Ce qui rend la Théorie des Contraintes d’autant plus intéressante comme champ de recherche prometteur et appelle au développement de travaux scientifiques.
  • 37. 37 Bibliographie Anthony, R. (1989). Reminiscences about management accounting. Journal of Management Accounting Research. 1 (1) : 1-20. Argyris, C. (2003). Savoir pour agir. Paris : Dunod. Bouquin, H. (2005). Les fondements du contrôle de gestion. Paris :Presses Universitaires de France. Cooper, R. Kaplan, B., (1988). Measure costs right: make the right decisions. Harvard Business Review 66 (5): p. 96-103. Dettmer, H. W. (2007). The Logical Thinking Process: A Systems Approach to Complex Problem Solving. Amer Society for Quality. Goldratt, E. M. (1983). Cost accounting is enemy number one of productivity. International Conference Proceedings, American Production and Inventory Control Society (APICS), October. Goldratt, E. M., Cox J. (1984). The Goal: A process of ongoing improvement, North River Press. Goldratt, E. M. (1990). The haystack syndrome: sifting information out of the data ocean. North River Press. Goldratt, E. M. (1994). It’s not Luck. North River Press. Goldratt, E. M. (1997). Critical Chain. North River Press. Goldratt, E. M. (2008). The Choice. North River Press. Gun, B., and Nahavandi, S. (2000). Determining the optimal level of work in progress using constraint analysis and computer simulation. Assembly Automation 20 (4): 305- 12.
  • 38. 38 Johnson, T. H., and Kaplan, R. S. (1991). Relevance Lost, the Rise and Fall of Management Accounting. Harvard Business School Press. Kaplan, R.S., Norton, D. (1996), The Balanced Scorecard, Boston: Harvard Business School Press. Kim, S., Mabin, V. J. and Davies, J. (2008). The Theory Of Constraints Thinking Processes: Retrospect and Prospect. International Journal of Operations and Production Management 28 (2): 155. Louw, L. and Page, D. C. (2004). Queuing network analysis approach for estimating the sizes of time buffers in Theory Of Constraints-controlled production systems. International Journal of Production Research 42 (6): 1207-26. Maskell, B. H., Baggaley, B. (2003). Practical Lean Accounting: A Proven System for Measuring and Managing the Lean Enterprise. Productivity Press. Mélèze, J. (1972). L'analyse modulaire des systèmes de gestion, A.M.S., Puteaux : Editions hommes et techniques. Motwani, J., Klein, D., Harowitz, H. (1996). The Theory Of Constraints in Services: part 2 – examples from healthcare. Managing Service Quality, Vol. 6 (2) PAGES Noreen, E., Smith, D., and Mackey, T. (1995). The Theory of Constraints and its implications for management accounting, North River Press. Nonaka, I. & Takeuchi, H. (1995). The Knowledge Creating Company, Oxford University Press. Ohno, T. (1988). Toyota Production System: Beyond Large Scale Production, Productivity Press. Radovilsky, Z. D. (1998). A quantitative Approach to estimate the size of the time buffer in the Theory Of Constraints. International Journal of Production Economics 55 (2): 113-9.
  • 39. 39 Rosnay, J. de (1975). Le macroscope: vers une vision globale. Paris: Seuil. Senge, P. M. (2006). The Fifth Discipline: The Art and Practice of The Learning Organization. Currency Doubleday. Simon, R., (1995). Levers of control: how managers use innovative control systems to drive strategic renewal, Boston: Harvard Business School Press. Smith, D. (2000). The measurement nightmare: how the theory of constraints can resolve conflicting strategies, policies, and measures. St. Lucie Press. Srinivasan, M. M., Best, W. D. and Chandrasekaran, S. (2007). Warner Robins air logistics center streamlines aircraft repair and overhaul. Interfaces 37 (1): 7. Umble, M., and Umble E. (2006). Utilizing Buffer Management to improve performance in a healthcare environment. European Journal of Operational Research 174 (2): 1060-75. Waldron, D. (1988). Accounting for CIM: the new yardsticks. EMAP Business and Computing Supplement, February. Westra, D., Srikanth, M. L., and Kane, M. (1996). Measuring Operational Performance in a Throughput World. Management Accounting April: 41-47. Yang, J.B. (2007). How the critical chain scheduling method is working for construction. Cost Engineering 49 (4): 25-32. Ye, T. (2007). Determination of buffer sizes for drum buffer rope (DBR)-controlled production systems. International Journal Of Production research 46 (10): 2827-44.