Quelles protections pour gérer le patrimoine des concubins en indivision?
1. Cas pratique
actifs
semaine du 21 au 27 octobre 2011 - n°513
www.agefiactifs.com
Quelles protections pour gérer le patrimoine
de concubins en indivision ?
Le concubinage est caractérisé par
une vie commune présentant un
caractère de stabilité et de continuité
entre deux personnes vivant en cou-ple.
En tant qu’union de fait, le concubinage
ne fait l’objet d’aucune réglementation parti-culière.
Par conséquent, les concubins sont
traités, sur le plan civil comme sur le plan
fiscal, comme deux célibataires.
Situation patrimoniale des concubins. Notre
cas pratique s’intéresse à deux concubins
ayant un patrimoine global de 4 millions
d’euros. Ils n’ont pas d’enfant et ne souhai-tent
pas en avoir. Ils ont créé différentes so-ciétés
dans le domaine de la communication,
dont le montant des participations s’élève à
1,6 million d’euros. Ils sont en indivision sur
l’ensemble du patrimoine, tant professionnel
que privé, hormis quelques biens immobiliers
de rapport (voir le tableau 1).
Les clauses bénéficiaires des contrats
d’assurance vie désignent les concubins.Par
ailleurs, le patrimoine est grevé d’un passif
de l’ordre de 720.000 euros.
En termes de flux, les rémunérations sont
importantes, perçues sous forme de salaires et
de dividendes. La pression fiscale est extrême-ment
lourde pour chacun des concubins, en
particulier au niveau de l’impôt sur le revenu.
(voir le tableau 2).
Quant à l’ISF, au regard de la réforme aug-mentant
le seuil d’im-position
à 1,3 million
d’euros, ils ne sont
pas redevables de cet
impôt du fait, notam-ment,
de l’abattement
de 30 % sur la rési-dence
principale et
de l’exonération des
biens professionnels.
Objectifs. Les enjeux
de la stratégie patri-moniale
seront les
suivants :
- La prise de conscien-ce
de la situation
actuelle et des consé-quences
dramatiques
d’un prédécès pour la
gestion des différen-tes
entreprises.
- La protection du
concubin et la dimi-nution
des droits de
succession.
LA PRISE DE CONSCIENCE DE LA SITUATION ACTUELLE
ET DES CONSÉQUENCES D’UN PRÉDÉCÈS
Au niveau successoral, aucune disposi-tion
testamentaire n’a été prise pour le mo-ment.
Pour rappel, les concubins n’héritent
pas l’un de l’autre. Ainsi, lorsqu’un concu-bin
décède sans avoir fait de testament en
faveur de l’autre, celui-ci n’a aucun droit sur
la succession.
Le problème de la succession… Dans notre
cas, Monsieur a encore ses deux parents,
ainsi que deux soeurs. Chacun des père et
mère recueille le quart de la succession, et
la moitié restante est dévolue aux frères et
soeurs par parts égales entre eux. En cas de
prédécès d’un frère ou d’une soeur, la part de
succession se partage par parts égales entre
ses descendants d’un même degré.
Madame a encore sa mère, un frère et
une soeur. Ainsi, le parent survivant recueille
le quart de la succession, et les trois quarts
restants sont dévolus aux frères et soeurs par
parts égales entre eux. Aussi, le concubin ne
sera pas appelé à la succession. La dévolution
successorale sera donc la suivante : voir le
tableau 3.
Ce tableau met en évidence le poids de
la fiscalité à devoir
par les héritiers au
moment du décès.
De plus, on remar-que
que le patrimoi-ne
est peu liquide
et principalement
professionnel.
… et de l’indivision.
Par conséquent, les
parents ou les frères
et soeurs, s’ils n’ont
pas les liquidités né-cessaires,
pourraient
être amenés à vendre
un certain nombre
de biens pour payer
les droits de succes-sions.
Or, la plupart
des biens sont ac-tuellement
détenus
en indivision avec
le concubin, ce qui
soulève un autre pro-blème.
En effet, l’indivision est la situation dans
laquelle plusieurs personnes ont des droits
identiques, tel un droit de propriété, sur un
même bien. Seul le droit est partagé entre les
indivisaires, au contraire du bien qui lui, est
indivis. En cas de décès, ce régime de l’indivi-sion
est très contraignant. En effet, nul n’est
censé rester dans l’indivision. Ainsi, chacun
des héritiers pourra à tout moment demander
de mettre un terme à l’indivision et exiger soit
la vente du bien, soit le versement d’une in-demnité
par le concubin survivant, si celui-ci
souhaite conserver le bien (ce qui sera sûre-ment
le cas pour la résidence principale).
Ainsi, le concubin survivant devra assu-rer
la gestion des biens au quotidien avec le
concours des héritiers du de cujus. Cette si-tuation
peut conduire à des blocages pouvant
mettre en péril la pérennité des sociétés et en-gendrer
d’importants problèmes de gestion,
en particulier avec les frères, soeurs et parents
du défunt.
… malgré l’assurance vie. A noter que les
concubins optimisent la transmission d’une
partie de leur patrimoine respectif par le biais
de l’assurance vie. Grâce au jeu des clau-ses
bénéficiaires, ils transmettent environ
310.000 euros nets de fiscalité.
LA PROTECTION DU CONCUBIN ET LA DIMINUTION
DES DROITS DE SUCCESSION
Il existe différentes solutions pour pro-téger
le concubin et diminuer les droits de
succession tels que :
Les avantages du Pacs… Cette solution est la
plus simple à réaliser et permet d’atteindre les
objectifs poursuivis. En préambule, il convient
de rappeler qu’un partenaire lié par un Pacs
n’est pas un héritier de son partenaire prédé-cédé
(à l’exclusion d’un droit temporaire sur la
résidence principale pour les personnes liées
par un Pacs). La protection résultera donc uni-quement
de dispositions volontaires, comme
un testament.
Aussi, le Pacs est une union de droit
conclue entre deux personnes majeures, de
sexe différent ou non. Les avantages du Pacs
sont nombreux par rapport au concubinage :
- Il confère une existence légale à l’union.
- Il permet l'attribution préférentielle de cer-tains
biens au partenaire survivant en cas de
décès.
- Il octroie un droit de jouissance d'un an
sur le logement principal pour le partenaire
survivant.
- Il accorde l’attribution du capital décès au
partenaire d'un salarié dans les mêmes condi-tions
qu'à l’époux.
- Il autorise l’imposition commune à l'impôt
sur le revenu et à l’ISF.
- Les donations entre partenaires d'un Pacs
bénéficient du même traitement fiscal que
celles entre époux.
- Les legs entre partenaires d'un Pacs bé-néficient
d'une exonération de droits de
succession.
Depuis le 1er janvier 2007, les personnes
choisissant de se pacser sont unies sous le ré-gime
légal de la séparation des biens.
Ingénierie patrimoniale
u Avec l’évolution des moeurs, de nombreuses personnes
vivent en concubinage pour de multiples raisons : le refus du mariage
ou de l’engagement, l’expérience d’un divorce compliqué...
u Quelles solutions peut-on proposer à des concubins
qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier,
tant sous l’angle du patrimoine privé que du point de vue professionnel ?
Points clés
Les couples vivant en union libre
sont en situation d’insécurité sur les plans
civil et fiscal, en particulier en cas
d’indivision sur un patrimoine professionnel.
Si l’un d’entre eux décède, le survivant
n’a aucun droit sur la succession
et les héritiers pourront, notamment
pour des raisons fiscales, demander de mettre
un terme à l’indivision, ce qui peut engendrer
d’importants problèmes de gestion.
La conclusion d’un pacte civil de solidarité
conférera la plupart des avantages fiscaux
et successoraux accordés au mariage, mais
le Pacs devra être complété par la rédaction
d’un testament afin que le survivant bénéficie
d’une partie du patrimoine du défunt.
Au lieu d’une indivision, les concubins
pourront également recourir à une SCI et
effectuer un démembrement croisé des parts.
La clause bénéficiaire d’un contrat
d’assurance vie permettra de compléter
la protection du survivant.
Tableau 1 - Composition des patrimoines
Biens Montant
Indivision
(50/50)
Résidence principale 700.000 €
Murs professionnels 400.000 €
Robien recentré 280.000 €
SARL 1 1.200.000 €
SARL 2 400.000 €
SARL 3 5.000 €
s/total 2.985.000 €
Monsieur
Immobilier de rapport 220.000 €
Liquidités 75.000 €
Assurance vie 210.550 €
s/total 505.550 €
Madame
Immobilier de rapport 150.000 €
SCI 140.000 €
Liquidités 110.000 €
Assurance vie 110.000 €
s/total 510.000 €
TOTAL 4.000.550 €
L'expert
Fabrice HAEHL,
responsable du bureau d’études
patrimoniales, FIP Patrimoine
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Ainsi, chacun des partenaires est proprié-taire
exclusif des biens qu'il possédait au jour
du pacte et des biens qu'il acquiert individuel-lement
au cours de celui-ci à titre gratuit ou à
titre onéreux. Les gains et salaires demeurent
personnels. Ils peuvent créer volontairement
une masse de biens indivis en réalisant des
acquisitions conjointes. Ces biens appartien-nent
pour moitié à chacun, sauf contribution
ou manifestation de volonté contraire.
S’agissant du passif, chacun est responsa-ble
de ses propres dettes, qu'elles soient nées
avant ou pendant le pacte. Ils sont toutefois
tenus solidairement du paiement des dettes
indivises.
Concernant la gestion de la séparation de
biens, les partenaires gèrent et disposent cha-cun
librement de ses biens personnels. S’agis-sant
des biens indivis, le principe est celui de
l’unanimité pour les actes d’administration
et de disposition.
En cas de dissolution, chaque partenaire
conserve la propriété de ses biens personnels.
Il y a lieu à partage des biens indivis. Chaque
fois qu'un partenaire s'est enrichi à partir du
patrimoine de l'autre, le partenaire lésé aura
droit à une indemnité.
… complété par la mise en place d’un testa-ment.
L’un des objectifs premiers des clients
est d’assurer la protection du partenaire sur-vivant.
Pour cela, il sera indispensable de
mettre en place une disposition testamentaire
en complément du Pacs. Ceci permettra au
partenaire survivant d’être appelé à la succes-sion
et de se voir ainsi affecter une partie du
patrimoine du défunt. Au même titre que le
conjoint, le partenaire de Pacs est exonéré des
droits de succession : voir le tableau 4.
Ainsi, le Pacs permet d’établir un système
de réglementation d’une communauté de vie,
tout en bénéficiant de la plupart des avantages
fiscaux et successoraux accordés par le maria-ge.
Ils seront libres d’attribuer par testament
les biens qu’ils souhaitent.
Cette solution sera finalement retenue par
les concubins afin de répondre à l’ensemble
de leurs problématiques.
Mais si le refus de l’engagement est trop
fort, d’autres solutions existent.
SCI et démembrement croisé des parts so-ciales.
Il est nécessaire de se protéger d’un
décès afin de garantir, a minima, le lieu de vie
comme la résidence principale.
Cette technique vise à éviter les règles de
gestion très contraignantes de l'indivision.
Au lieu d'acquérir un bien en indivision, les
concubins vont recourir à une SCI et vont ef-fectuer
un démembrement croisé des parts.
Chacun des concubins apporte à titre
pur et simple ses droits indivis sur le bien à
la SCI, en contrepartie, chacun se voit attri-buer
des parts sociales. Ensuite, ces derniers
s'échangent mutuellement la nue-propriété
ou l'usufruit de leurs propres parts sociales
en fonction de leurs âges respectifs et de la si-tuation
la plus intéressante. Chaque concubin
est nu-propriétaire de ses parts et usufruitier
des parts de l'autre (et inversement).
Ainsi, au décès de l'un des concubins,
l'usufruit que ce dernier détenait sur les parts
du concubin survivant s'éteint. Le concubin
survivant se retrouve plein propriétaire de
ses propres parts et il conserve l'usufruit
qu'il détenait sur les parts de son concubin
prédécédé.
Le concubin survivant ne sera pas rede-vable
des droits de succession au décès de
l'autre, l'usufruit du défunt va s'éteindre et
la pleine propriété va automatiquement être
reconstituée sans droits à payer.
De plus, la société civile est également un
outil intéressant pour organiser la protection
du survivant, avec la rédaction de statuts sur
mesure. Dès lors, on veillera à ce que ceux-ci
soient aménagés dès l'origine afin de désigner
la personne qui gérera les biens de la société
ainsi que l’étendue de ses pouvoirs. On pour-ra
ainsi déterminer à l'avance la cogérance des
concubins et une gérance successive du survi-vant
pour une durée indéterminée, accorder
les pouvoirs les plus étendus en prévoyant
la possibilité pour le gérant de procéder à la
vente de tout ou partie de l'actif social de la
société... De fait, le concubin disposera d'une
grande autonomie de gestion.
Le bénéfice de l’assurance vie grâce aux clau-ses
bénéficiaires. L’assurance vie reste l’outil
indispensable pour protéger des concubins.
En effet, grâce au jeu des clauses bénéfi-ciaires,
ils peuvent désigner librement le
bénéficiaire comme le concubin. Pour les
primes du contrat versées avant 70 ans, cha-que
bénéficiaire a droit à un abattement de
152.500 euros, le capital restant est, quant à
lui, taxé au taux de 20 %. Lorsque le béné-ficiaire
est le partenaire de Pacs survivant,
il perçoit le capital en exonération de droits,
quel que soit le montant du capital, en vertu
de la loi Tepa.
Pour les sommes dues à raison des décès
intervenus à compter de l’entrée en vigueur
de la réforme du patrimoine, le taux du pré-lèvement
est relevé à 25 % pour la fraction
de la part nette taxable de chaque bénéficiaire
supérieure à 902.838 euros.
La clause bénéficiaire d’un contrat d’assu-rance
vie permettra de compléter la protection
du survivant avec la création de la SCI et le
démembrement croisé des parts sociales.
Eviter l’insécurité de l’union libre. En conclu-sion,
il est indispensable de faire prendre
conscience à des couples vivant en union libre
de l’insécurité de leur situation sur les plans
civil et fiscal, en particulier en cas d’indivision
sur un patrimoine professionnel. Cela met en
péril la bonne gestion des sociétés en créant
une instabilité dans la détention du capital.
La solution la plus simple à mettre en oeuvre
reste le Pacs, mais il existe de nombreuses
alternatives, comme nous l’avons vu tout au
long de ce cas pratique.
Notons que pour un couple ayant des en-fants,
les solutions évoquées ci-dessus restent
les mêmes. Les seules limites à la volonté des
concubins seront :
- de respecter la quotité disponible lors de la
rédaction du testament ;
- d’éviter la notion de primes manifestement
exagérées lors de la souscription et de la ré-daction
des clauses bénéficiaires des contrats
d’assurance vie. n
Le testament permettra
au partenaire survivant
d'être appelé à la succession
et de se voir ainsi affecter
une partie du patrimoine
du défunt
Tableau 2 - Flux de trésorerie
Revenus Monsieur Revenus Madame
Revenus professionnels 45.500 € Revenus professionnels 50.350 €
Dividendes soumis au PFL 165.500 € Dividendes soumis au PFL 101.000 €
Revenus fonciers 7.000 € Revenus fonciers 1.000 €
Total 218.000 € Total 152.350 €
Charges Monsieur Charges Madame
Emprunts 48.800 € Emprunts 43.700 €
Impôt sur le revenu + PS 59.102 € Impôt sur le revenu + PS 39.713 €
Taxes foncières 1.550 € Taxes foncières 1.500 €
Total 109.452 € Total 84.913 €
Solde de trésorerie de Monsieur 108.548 € Solde de trésorerie de Madame 67.437 €
Tableau 3 - Fiscalité successorale des concubins
Succession de Monsieur
Père Mère Soeur 1 Soeur 2 Concubin Total
Part de succession 466.735 € 466.735 € 466.735 € 466.735 € - € 1.866.940 €
Part soumise aux droits 307.410 € 307.410 € 450.803 € 450.803 € - € 1.516.426 €
Droits de succession 59.676 € 59.676 € 200.418 € 200.418 € - € 520.188 €
Part nette 407.059 € 407.059 € 266.317 € 266.317 € - € 1.346.752 €
Assurance vie - € - € - € - € 210.550 € 210.550 €
Part soumise aux droits - € - € - € - € 58.050 € 58.050 €
Taxation sui generis - € - € - € - € 11.610 € 11.610 €
Capitaux nets - € - € - € - € 198.940 € 198.940 €
Succession de Madame
Mère Soeur Frère Concubin Total
Part de succession 453.625 € 680.438 € 680.438 € - € 1.814.501 €
Part soumise aux droits 294.300 € 664.506 € 664.506 € 1.623.312 €
Droits de succession 57.054 € 296.584 € 296.584 € 650.222 €
Part nette 396.571 € 383.854 € 383.854 € - € 1.164.279 €
Assurance vie - € - € - € 110.000 € 110.000 €
Part soumise aux droits - € - € - € - € - €
Taxation sui generis - € - € - € - € - €
Capitaux nets - € - € - € 110.000 € 110.000 €
Tableau 4 - Synthèse et comparatif chiffré entre la situation de concubinage et le pacs
Concubinage Pacs
Impôt sur le revenu
2 déclarations 1 seule déclaration
Monsieur 59.102 € 2 parts (absence d'enfant à charge)
Madame 39.713 € IRPP + PS 98.815 €
La mise en place du Pacs n’impacte pas l'imposition puisque les concubins se trouvent
dans la même tranche marginale d’imposition (41 %)
ISF
Aucune déclaration
Patrimoines inférieurs à 1.300.000 € Patrimoine inférieur à 1.300.000 €
Monsieur Patrimoine de
627.550 € (*)
"Réunion" des deux patrimoines = 1.276.550 €
Madame Patrimoine de
649.000 € (*)
Le mobilier est évalué forfaitairement à 10.000 €
(*) Le chiffrage tiens compte des divers abattements, notamment ceux de 30 % sur la résidence principale,
de 20 % sur l'immobilier de rapport ainsi que de l'exonération des biens professionnels
Succession
Quote-part de l'actif transmis
Monsieur Madame Monsieur Madame
- € - € 1.815.000 € 1.867.000 €
Droits de mutation à titre gratuit
Monsieur Madame Monsieur Madame
- € - € - € - €
Hypothèse de transmission de la totalité du patrimoine au partenaire de Pacs par testament
Assurance vie
Taxation sui generis sur contrat d'assurance vie à devoir par
Monsieur - € Monsieur - €
Madame 11.610 € Madame - €