1. DÉCLARATION D’INDÉPENDANCE DE L’ÉTAT DE PALESTINE
15 novembre 1988
Séance de clôture du 19º Conseil national palestinien
Au nom de Dieu clément et miséricordieux, déclaration d’indépendance
Terre des messages divins révélés à l’humanité, la Palestine est le pays natal du peuple
arabe palestinien C’est là qu’il a grandi, qu’il s’est développé et qu’il s’est épanoui. Son
existence nationale et humaine s’y est affirmée, dans une relation organique ininterrompue et
inaltérée, entre le peuple, sa terre et son histoire.
Continuellement enraciné dans son espace, le peuple arabe palestinien a forgé son
identité nationale, et s’est élevé, par son acharnement à la défendre, jusqu’au niveau de
l’impossible. En dépit de la fascination suscitée par cette terre ancienne et par sa position
cruciale à la charnière des civilisations et des puissances, en dépit des visées, des ambitions et
des invasions qui ont empêché le peuple arabe palestinien de réaliser son indépendance
politique, l’attachement permanent de ce peuple à sa terre a néanmoins imprimé au pays son
identité et au peuple son caractère national.
Inspiré par la multiplicité des civilisations et la diversité des cultures, y puisant ses
traditions spirituelles et temporelles, le peuple arabe palestinien s’est développé dans une
complète unité entre l’homme et son sol. Sur les pas des prophètes qui se sont succédés sur
cette terre bénie, c’est de ses mosquées, de ses églises et de ses synagogues que se sont élevés
les louanges au Créateur et les cantiques de la miséricorde et de la paix.
Le peuple arabe palestinien n’a jamais cessé de défendre sa patrie. De génération en
génération, ses révoltes successives ont concrétisé son aspiration à la liberté et à
l’indépendance nationale.
Pourtant, lorsque le monde contemporain entreprit d’instaurer un nouvel ordre, les
rapports de forces régionaux et internationaux aboutirent à l’exclusion des Palestiniens du
destin commun, et il apparut, une fois encore, que la justice était incapable par elle-même de
faire tourner la roue de l’Histoire.
A la blessure infligée au corps palestinien, privé de son indépendance et soumis à une
occupation d’un type nouveau, vint s’ajouter la tentative d’accréditer la fiction selon laquelle
la Palestine ´tait une «terre sans peuple». Malgré cette falsification historique, la communauté
internationale, par l’article 22 de la Charte de la Société des Nations adoptée en 1919, et par le
traité de Lausanne signé en 1923, reconnaissait implicitement que le peuple arabe palestinien,
à l’instar des autres peuples arabes détachés de l’Empire ottoman, était un peuple libre et
indépendant.
En dépit de l’injustice historique imposée au peuple arabe palestinien, qui a abouti à sa
dispersion et l’a privé de son droit à l’autodétermination au lendemain de la résolution 181
(1947) de l’Assemblée générale des Nations unies, recommandant le partage de la Palestine en
deux États, l’un arabe et l’autre juif, il n’en demeure pas moins que c’est cette résolution qui
assure, aujourd’hui encore, les conditions de légitimité internationale qui garantissent
également le droit du peuple arabe palestinien à la souveraineté et à l’indépendance.
2. L’occupation par étapes des territoires palestiniens et d’autres portions de territoires
arabes, la dépossession et l’expulsion délibérée des habitants de la Palestine par le terrorisme
organisé, la soumission de ceux qui étaient restés dans leur patrie à l’occupation, à
l’oppression et à la destruction des fondements de leur vie nationale constituent autant de
violations flagrantes des principes de la légalité internationale, de la Charte et des résolutions
des Nations Unies, qui reconnaissent les droits nationaux du peuple arabe palestinien, y
compris son droit au retour, à l’autodétermination, à l’indépendance et à la souveraineté sur
son sol national.
Au cœur de la patrie et autour d’elle, dans les exils proches ou lointains, jamais le
peuple arabe palestinien n’a perdu foi en son droit au retour et à l’indépendance. L’occupation,
les massacres et la dispersion n’ont pas réussi à rendre le Palestinien étranger à sa conscience
et à son identité. Il a continué son combat acharné, approfondissant sa personnalité nationale à
travers l’expérience d’une lutte illimitée.
Cette volonté nationale s’est incarnée dans le cadre politique, l’Organisation de
libération de la Palestine, son unique représentant légitime, reconnue par la communauté
internationale représentée par l’Organisation des Nations unies et ses instances, ainsi que par
les organisations régionales et internationales. Se fondant sur les droits inaliénables du peuple
arabe palestinien, sur le consensus arabe, ainsi que sur la légalité internationale, l’OLP a
conduit les combats de son peuple, galvanisé par une unité nationale exemplaire et une
résistance sans failles aux massacres et à l’état de siège, à l’intérieur comme à l’extérieur de sa
patrie. Cette épopée palestinienne s’est imposée à la conscience arabe et internationale comme
l’un des mouvements de libération nationale les plus remarquables de notre temps.
Le grand soulèvement populaire, l’Intifada, en plein essor dans les territoires
palestiniens occupés, comme l’opiniâtre résistance des camps de réfugiés à l’extérieur de la
patrie, ont élevé la conscience universelle de la réalité des droits nationaux palestiniens à un
niveau supérieur de perception et de compréhension. Le rideau est finalement tombé sur toute
une époque de falsification et de sommeil des consciences. L’Intifada a entrepris le siège de la
mentalité israélienne officielle, accoutumée à s’en remettre à la terreur pour nier l’existence
nationale palestinienne.
Avec l’Intifada, et l’expérience révolutionnaire accumulée, le temps palestinien est
parvenu au seuil d’un tournant historique décisif. Le peuple arabe palestinien réaffirme
aujourd’hui ses droits inaliénables et leur exercice sur le sol palestinien.
Conformément aux droits naturels, historiques et légaux du peuple arabe palestinien à
sa patrie, la Palestine, et fort des sacrifices des générations successives de Palestiniens pour la
défense de la liberté et de l’indépendance de leur patrie,
Sur la base des résolutions des sommets arabes,
En vertu de la primauté du droit et de la légalité internationale incarnées par les
résolutions de l’Organisation des Nations unies depuis 1947,
Exerçant le droit du peuple arabe palestinien à l’autodétermination, à l’indépendance
politique et à la souveraineté sur son sol.
3. Le Conseil national palestinien, au nom de Dieu et au nom du peuple arabe palestinien,
proclame l’établissement de l’État de Palestine sur notre terre palestinienne, avec pour capitale
Jérusalem.
L’État de Palestine est l’Etat des Palestiniens où qu’ils soient. C’est dans ce cadre
qu’ils pourront développer leur identité nationale et culturelle, jouir de la pleine égalité des
droits,m pratiquer librement leurs religions et exprimer sans entraves leurs convictions
politiques.
Là sera respectée leur dignité humane dans un régime parlementaire démocratique
fondé sur la liberté de pensée, la liberté de constituer des partis, le respect par la majorité des
droits de la minorité et le respect par la minorité des décision de la majorité.
Ce régime sera fondé sur la justice sociale, l’égalité et l’absence de toute forme de
discrimination fondée sur la race, la religion, la couleur et le sexe, dans le cadre d’une
Constitution garantissant la primauté de la loi et l’indépendance de la justice, en totale fidélité
aux traditions spirituelles palestiniennes, traditions de tolérance et de cohabitation généreuse
entre les communautés religieuse à travers les siècles.
L’État de Palestine est un État arabe, indissociable de la nation arabe, de son héritage,
de sa civilisation et de ses aspirations à la libération, au développement, à la démocratie et à
l’unité. Réaffirmant son engagement à l’égard de la Ligue des États arabes, et sa détermination
à consolider l’action arabe commune, l’État de Palestine en appelle aux fils de la nation arabe
pour qu’ils l’aident à achever son établissement effectif, en mobilisant leur potentiel et en
intensifiant leurs efforts pour mettre fin à l’occupation israélienne.
L’État de Palestine proclame son adhésion aux principes et aux objectifs de
l’Organisation des Nations unies, à la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi
qu’aux principes et à la politique du non-alignement.
L’État de Palestine est un État épris de paix, attaché aux principes de coexistence
pacifique. Il coopérera avec tous les États et les peuples du monde pour instaurer une paix
durable fondée sur la justice et le respect des droits, qui permettra l’épanouissement des
potentialités créatrices de l’humanité et éliminera la peur du lendemain en garantissant un
avenir à ceux qui aspirent à la justice.
Dans la poursuite de sa lutte pour l’avènement de la paix sur la terre d’Amour et de
Paix, l’État de Palestine exhorte les Nations unies, qui portent une responsabilité particulière à
l’égard du peuple arabe palestinien et de sa patrie, ainsi que tous les peuples et les États du
monde à l’aider à réaliser ses objectifs et à mettre un terme à la tragédie de son peuple en lui
garantissant la sécurité et en oeuvrant pour mettre fin à l’occupation israélienne des territoires
palestiniens.
L’État de Palestine affirme également qu’il croit au règlement des conflits régionaux et
internationaux par des moyens pacifiques, conformément à la Charte et aux résolutions des
Nations unies. Il condamne la menace de l’usage de la force, de la violence et du terrorisme,
de même qu’il rejette leur utilisation contre son intégrité territoriale ou celle d’autres États.
Ceci sans contester son droit naturel à défendre son territoire et son indépendance.
4. En ce 15 novembre 1988, jour à nul autre pareil, au seuil d’une ère nouvelle, nous nous
inclinons humblement et respectueusement devant nos martyrs et ceux de la nation arabe qui,
par la pureté de leur sacrifice, ont allumé la flamme de cette aurore résolue. Ils sont tombés
pour que vive la patrie.
Aujourd’hui, nos cœurs sont illuminés par la flamme de l’Intifada, par la grandeur de
ceux qui ont mené la résistance dans le camps, qui ont supporté la dispersion et l’exil, et de
ceux qui lèvent l’étendard de la liberté : nos enfants, nos vieillards, notre jeunesse, nos
prisonniers, nos blessés, tous accrochés à notre terre sacrée, dans chaque camp, dans chaque
village, chaque ville. Nous rendons hommage à la femme palestinienne, héroïque gardienne de
notre pérennité et de notre existence, et du feu qui nous anime.
Devant nos martyrs, devant notre peuple palestinien dans sa totalité, devant notre
nation arabe et devant tous les hommes épris de paix et de dignité dans le monde, nous faisons
le serment de poursuivre la lutte pour mettre fin à l’occupation établir notre souveraineté et
notre indépendance.
Nous appelons notre grand peuple à se rallier autour de son drapeau palestinien, à en
être fier et à le défendre pour qu’il demeure à jamais le symbole de notre liberté et de notre
dignité dans une patrie qui restera à jamais une patrie libre pour un peuple d’hommes et de
femmes libres.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
«Dis : O dieu, Seigneur du Royaume, Tu donnes le Royaume à qui Tu veux, et Tu
prends le Royaume à qui Tu veux. Tu élèves qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien
est entre Tes mains. Tu es plus puissant que tout.»
Traduction de Xavier Baron in Les Palestiniens. Genèse d’une nation. Paris : Éditions
du Seuil :2003, pp. 769-775.