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THEME 2 :
LA GUERRE ET LES REGIMES TOTALITAIRES
Quels sont les caractères de la guerre au XXe siècle et quels sont leurs effets sur les sociétés
européennes ?
Question 1 : La Première Guerre mondiale
Introduction :
La Grande Guerre est la première guerre mondiale de l’Histoire. Les combats ont essentiellement lieu en Europe,
sur deux fronts (à l’ouest et à l’est), mais elle mobilise des soldats bien au-delà du continent, essentiellement ceux
des colonies européennes, mais aussi des Etats-Unis qui s’engagent dans le conflit en 1917 ou du Japon.
Aujourd’hui plus aucun historien n’étudie la Grande Guerre dans ses limites chronologiques (1914-1918) et spatiales
(Europe continentale) traditionnelles. Il s’agit désormais d’étudier le conflit en cherchant ses causes lointaines
(montée des nationalismes) ou plus immédiates (crises marocaines entre la France et l’Allemagne en 1905 et 1911,
guerre russo-japonaise en 1905…) et montrer que la violence de guerre ne s’est pas arrêtée en 1918 mais a
perduré dans les années 1920. Les historiens de la Grande Guerre prennent également en compte la dimension
mondiale du conflit (Afrique, Proche-Orient…) et non plus simplement européenne.
La Première Guerre mondiale est une guerre totale, c’est-à-dire qu’elle a mobilisé l’ensemble des ressources
disponibles pour vaincre l’ennemi et que l’expérience combattante n’a pas touché uniquement les soldats au front,
mais toutes les franges des sociétés impliquées, civils, femmes, enfants…
Comment la Grande Guerre bouleverse-t-elle les sociétés européennes ?
I. La Grande Guerre, la première guerre totale
1) Une nouvelle expérience combattante
Après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, le jeu des alliances précipite toute l’Europe dans la
guerre durant l’été 1914. A l’espoir d’une guerre courte de mouvement succède rapidement une guerre de position
caractérisée par un enlisement des troupes dans les tranchées et l’utilisation d’une puissance de feu qui avait été
sous-estimée par tous les états-majors.
Les soldats font l’expérience de la guerre industrielle et de la dégradation de leurs conditions de vie. La Première
Guerre mondiale est l’aboutissement du processus d’industrialisation qui, après avoir transformé les économies et
les sociétés, transforme les conflits et engendre une violence inouïe. La puissance de l’artillerie (3/4 des blessures)
et des mitrailleuses automatiques engendrent des pertes effroyables : entre le 20 et le 23 août 1914 par exemple,
l’armée française compte 40 000 tués, dont 27 000 pour la seule journée du 22… En moyenne, entre 1914 et 1918,
900 Français, 1300 Allemands et près de 1500 Russes meurent chaque jour. Durant la préparation d’artillerie qui
précédé la bataille de la Somme (1916), 1 500 000 obus furent tirés en 7 jours. Le 1er
jour, l’armée britannique
compta près de 20 000 morts. En 4 mois et demi, cette bataille fit plus de 440 000 morts.
La redoutable efficacité de ces armes nouvelles conduit les fantassins à improviser leur défense en creusant des
tranchées pour se protéger des projectiles. Reliés entre elles, les tranchées s’étendent rapidement à la quasi-
totalité du front et s’érigent en système de défense.
Dans les tranchées, les soldats ont des conditions de vie très dures liées au manque d’hygiène, aux maladies, à
l’omniprésence de la mort et à aux longues périodes d’attente dans l’angoisse du prochain assaut. Lorsqu’ils
entendaient le bruit caractéristique des mitrailleuses, arme typique de la guerre industrielle compte tenu de la
débauche de munitions qu’elle occasionne et de la densité de son tir, les soldats savaient qu’ils allaient à la mort.
Faute de « trêve des brancardiers », les soldats blessés agonisaient souvent dans le no man’s land. Le front fut donc
le lieu de la mort de masse, généralement anonyme car on ne sait pas qui vous tue, on ne sait pas qui l’on tue.
Les combats individuels ont pourtant existé, notamment lorsqu’une tranchée était prise. Les « nettoyeurs de
tranchées » utilisaient pour cela des grenades ou des armes blanches, souvent fabriqués par les soldats eux-mêmes.
Pour les soldats l’apparition des gaz de combat, utilisés pour la 1ère
fois en 1915 par les Allemands à Ypres,
incarnent également cet ennemi invisible. Même si les gaz n’ont pas eu l’efficacité escomptée (3 ou 4 % des pertes
totales sur les champs de bataille), leur emploi laissa un souvenir de terreur durable.
Dans le domaine des armes nouvelles, l’aviation connu un essor considérable pendant le conflit. Utilisés d’abord
individuellement, les avions sont ensuite déployés en masse pour conduire de grands raids de bombardement sur le
front et les villes de l’adversaire. Les chars d’assaut, quant à eux, sont utilisés dès 1917.
Cependant, les pertes étaient également très importantes chez les aviateurs, dont la durée de vie ne dépassait pas 3
semaines en moyenne avant d’être abattus ou d’être victime d’un accident, et les chars, s’ils étaient efficaces face
aux mitrailleuses, restaient très vulnérables aux tirs d’artillerie.
Cependant, malgré la dureté des combats et des conditions de vie, les soldats tiennent. Comment l’expliquer ?
Les mutineries, dont les plus importantes éclatent en 1917, les désertions et les fraternisations n’influencent pas
l’issue des combats. Les historiens expliquent cette attitude par le consentement des soldats qui tiennent par
solidarité avec leurs camarades, par un sens patriotique puissant et presque religieux (doc 4 p 99), par hostilité de
l’adversaire et par un fort « sentiment de défense », notamment des siens restés à l’arrière, mais aussi par la
contrainte entretenue par le commandement qui autorise les exécutions sommaires sur le champ de bataille et
condamne à mort ceux qui se sont mutinés, mutilés (pour être rapatrié), ont fraternisé ou déserté.
2) Les civils dans la guerre
L’expérience combattante ne se limite pas aux combats sur le front car les civils subissent aussi la violence de la
guerre lors des invasions, occupations, bombardements… Au total (en prenant en compte tous les belligérants, le
nombre de civils tués est à peine inférieur à celui des militaires. La distinction entre soldat et civil a quasiment
disparu.
Parfois les stratèges militaires ont cherché à affamer les civils adverses par le blocus ou la guerre sous-marine. Tous
les pays belligérants connaissent des pénuries car les circuits commerciaux se ferment et les ouvriers ainsi que les
paysans sont mobilisés.
Dans les territoires occupés (France, Belgique), l’occupant utilise les populations comme une main d’œuvre
gratuite. Dans tous les pays belligérants, les ressortissants des pays ennemis sont internés dans des camps de
concentration. 100 000 Belges et autant de Français sont déportés en Allemagne.
La Guerre totale impose aux civils de « l’arrière » de participer à l’effort de guerre.
Les civils, et notamment les femmes des soldats partis au front, prennent en charge la production agricole et
industrielle. La part des femmes dans l’industrie est d’environ oscille entre 30 et 40 % en 1917. 400 000
« munitionnettes » travaillent dans l’industrie de l’armement.
L’industrie soutien l’effort de guerre en produisant des armes. Citroën produit des obus et Renault des fusils, des
canons et des chars d’assaut. En 1918, la France devient le plus important producteur d’armes des Alliés : par mois
sortent des usines 1000 canons, 260 000 obus, 3000 fusils. 6 millions de munitions d’infanterie sont produites par
jour et 50 000 avions ont été construits durant le conflit (alors que la production était artisanale en 1914).
Pour financer la guerre, les gouvernements font appel à l’épargne privée et réalisent des emprunts. En France, le
4ème
emprunt national a mobilisé 55 milliards de francs en 1918.
Même les enfants sont « mobilisés » par la propagande. Beaucoup apparaissent sur des cartes postales ou des
affiches de propagande déguisés en « poilus » et dans des postures héroïques. Il s’agit de montrer que l’ensemble
de la population participe à l’effort de guerre, soutient le combat des soldats au front et contribue à la victoire.
3) La violence génocidaire
Dans l’Empire ottoman, la minorité arménienne subit depuis la fin du XIXème siècle des persécutions de la part du
gouvernement nationaliste des « Jeunes-Turcs ». Celui-ci profite de la guerre pour accuser les Arméniens de
soutenir l’ennemi russe et organise un génocide. Entre 1915 et 1916, 1 300 000 Arméniens (c’est-à-dire les 2/3 des
Arméniens de la région) périssent à l’occasion des « marches de la mort » de la déportation, de la famine et des
massacres.
Les massacres des Arméniens peuvent être qualifié de génocide car il y a eu de la part du pouvoir central ottoman la
volonté d’éliminer, de manière planifiée, un groupe pour des motifs nationaux, ethniques et religieux (les
Arméniens sont chrétiens).
II. Les effets de la Grande Guerre sur les sociétés européennes
1) Des sociétés durablement traumatisées
Le bilan de la guerre est très lourd. Avec 10 millions de morts, la Grande Guerre dépasse tous les conflits
précédents. L’Allemagne compte 2 millions de morts et la Russie 1,8. La France est proportionnellement à sa
population l’un des pays les plus durement touchés avec 1,4 millions de morts dont environ plus de 700 « fusillés
pour l’exemple ». La moitié des jeunes Français nés en 1894, et donc âgés de 20 ans en 1914, ont disparu à l'issue
du conflit. Aux 28 % déjà décédés avant la guerre (la mortalité infantile était encore très importante) s'ajoutent les
24 % de ceux qu'on appelait « la classe 14 » morts au combat. Un véritable traumatisme pour la société française.
Ce sont les classes sociales les plus favorisées qui, proportionnellement, ont été les plus touchées car le taux de
mortalité des officiers était 2 fois plus élevé que celui des soldats. En moyenne, près de 15 % des mobilisés sont
morts. Le pays le plus touché est la Serbie avec 38 % et le moins est les Etats-Unis avec 2,5 %. France et Allemagne :
16 % (28 % des combattants).
La guerre a fait 3 millions de veuves et 6 millions d’orphelins de guerre.
La Grande Guerre a donc été une catastrophe démographique majeure. En 4 ans, la France par exemple a connu
une tragédie comparable à celle causée par la Révolution et l’Empire en 25 ans. 10 % de la population masculine a
disparu, surtout de jeunes hommes de 19 à 40 ans, c’est-à-dire les forces vives du pays. La guerre a engendré un
déséquilibre entre les sexes, un déficit des naissances, un vieillissement de la population.
Il faut attendre 1950 pour retrouver le niveau de population d’août 1914. Il faut aussi ajouter les blessés et les
mutilés de guerre, dont beaucoup meurent après le conflit (peut-être 500 000).
Le conflit a fait 6 millions de blessés et d’invalides. Symboles des ravages de la guerre industrielle, les « gueules
cassées », dont la réinsertion est difficile.
Plus difficile à mesurer, les séquelles psychiatriques (syndrome de stress post-traumatique) et notamment l’obusite
(Shell Shock). On sait depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un homme ne peut pas conserver son équilibre
psychique sur un champ de bataille plus de quelques mois. Or les soldats qui ont eu la chance de survivre ont été
constamment ramenés vers le combat, même après plusieurs blessures, souvent aux mêmes endroits où ils avaient
déjà combattu. Cela a engendré des traumatismes psychiques souvent irrémédiables.
Toutes les sociétés belligérantes ont été touchées dans leur intégralité. Chacun a un membre de sa famille victime
du conflit. Toutefois le deuil des familles a été long et difficile, notamment en l’absence des corps des victimes. On
estime que 50 % des corps ont totalement disparus du fait de l’intensité des combats. C’est la raison pour laquelle
le culte de la mémoire a dû pallier l’absence des corps :
 On crée des monuments au « soldat inconnu ».
 On érige des monuments aux morts sur lesquels sont inscrits les noms des morts. On compte 33 000
monuments aux morts au Royaume-Uni, 38 000 en France (pour 36 000 communes !). La plupart exaltent la
patrie, le courage des soldats et des civils. Une dizaine portent un message pacifiste et antimilitariste.
Par ailleurs, les destructions sont très importantes. Certaines villes proches du front sont quasiment détruites
comme Reims. Il faut relancer l’économie, la production agricole, le commerce et faire face à la pénurie de main
d’œuvre.
2) Un nouvel ordre mondial
La carte de l’Europe est profondément redessinée par les traités de paix. Les Empires centraux (Allemagne,
Autriche-Hongrie, Empire Ottoman) sont démantelés. En Europe, 7 nouveaux Etats apparaissent ou réapparaissent
(Finlande, pays baltes, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie).
Le traité de Versailles (janvier-juin 1919) dessine une nouvelle Europe fondée sur le principe des nationalités et de
la démocratie libérale défendus par le président américain Wilson. A cette occasion est créée la Société des
nations (SDN) destinée à promouvoir le désarmement et régler les conflits entre Etats par l’arbitrage. L’idée est de
construire un ordre mondial porteur de démocratie et de paix.
Cependant le traité de Versailles accable les vaincus, qui n’ont d’ailleurs pas été conviés, les désigne comme seuls
responsables du conflit et les condamne à des pertes territoriales, au désarmement, au renoncement des colonies
mais surtout au paiement de lourdes réparations. L’Allemagne est condamné à payer la somme très élevée de 132
milliards de marks-or (équivalent de 1500 milliards d’euros) au titre des dommages de guerre (il était prévu que les
paiements soient échelonnés jusqu’en…1988 !).
3) Un climat propice à l’émergence de nouvelles idéologies
Le traumatisme subit par l’ensemble des sociétés belligérantes entraîne un fort mouvement pacifiste dans les
années 20. La guerre doit être la « der des ders ».
La création de la SDN favorise même l’essor d’un pacifisme institutionnel. En 1928, l’accord Briand-Kellog prévoit
que les 63 pays signataires (dont la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne…) « renoncent à la guerre
en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ». C’est une manière de mettre le
guerre hors-la-loi.
Le pacifiste s’exprime également dans l’art, notamment sur les toiles d’Otto Dix (p.102-103), de Fernand Léger ou
de Christopher Nevinson qui dénoncent l’horreur et les traumatismes de la guerre industrielle.
Chez les vaincus pourtant, la dureté des conditions du traité de Versailles, l’humiliation d’être désignés comme
seuls responsables du conflit et l’occupation militaire de leurs territoires par les vainqueurs nourrissent de forts
ressentiments nationalistes. Les Allemands dénonce le « diktat » de Versailles. Il développe en Allemagne les
frustrations et le ressentiment nationaliste qui expliqueront la montée du nazisme.
L’historien George Mosse pense que la Première Guerre mondiale a participé à la « brutalisation » des sociétés,
c’est-à-dire une banalisation de la violence et de comportements violents et agressifs qui se poursuit après-guerre,
notamment dans la vie politique. Selon lui, la brutalisation explique la résurgence des nationalismes et aurait
contribué au développement des idéologies totalitaires (fascisme, nazi, communisme). Cette théorie est
néanmoins contestée aujourd’hui.
Conclusion :
La Première Guerre mondiale est une rupture majeure, par son ampleur, par le nombre d’hommes engagés, le
nombre de victimes. Elle est un évènement traumatique par sa brutalité nouvelle et la déshumanisation qu’elle
entraîne. Elle est une catastrophe pour l’Europe qui perd définitivement son rang. Elle annonce le XXème siècle, sa
violence de masse et ses totalitarismes.

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  • 1. THEME 2 : LA GUERRE ET LES REGIMES TOTALITAIRES Quels sont les caractères de la guerre au XXe siècle et quels sont leurs effets sur les sociétés européennes ? Question 1 : La Première Guerre mondiale Introduction : La Grande Guerre est la première guerre mondiale de l’Histoire. Les combats ont essentiellement lieu en Europe, sur deux fronts (à l’ouest et à l’est), mais elle mobilise des soldats bien au-delà du continent, essentiellement ceux des colonies européennes, mais aussi des Etats-Unis qui s’engagent dans le conflit en 1917 ou du Japon. Aujourd’hui plus aucun historien n’étudie la Grande Guerre dans ses limites chronologiques (1914-1918) et spatiales (Europe continentale) traditionnelles. Il s’agit désormais d’étudier le conflit en cherchant ses causes lointaines (montée des nationalismes) ou plus immédiates (crises marocaines entre la France et l’Allemagne en 1905 et 1911, guerre russo-japonaise en 1905…) et montrer que la violence de guerre ne s’est pas arrêtée en 1918 mais a perduré dans les années 1920. Les historiens de la Grande Guerre prennent également en compte la dimension mondiale du conflit (Afrique, Proche-Orient…) et non plus simplement européenne. La Première Guerre mondiale est une guerre totale, c’est-à-dire qu’elle a mobilisé l’ensemble des ressources disponibles pour vaincre l’ennemi et que l’expérience combattante n’a pas touché uniquement les soldats au front, mais toutes les franges des sociétés impliquées, civils, femmes, enfants… Comment la Grande Guerre bouleverse-t-elle les sociétés européennes ? I. La Grande Guerre, la première guerre totale 1) Une nouvelle expérience combattante Après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, le jeu des alliances précipite toute l’Europe dans la guerre durant l’été 1914. A l’espoir d’une guerre courte de mouvement succède rapidement une guerre de position caractérisée par un enlisement des troupes dans les tranchées et l’utilisation d’une puissance de feu qui avait été sous-estimée par tous les états-majors. Les soldats font l’expérience de la guerre industrielle et de la dégradation de leurs conditions de vie. La Première Guerre mondiale est l’aboutissement du processus d’industrialisation qui, après avoir transformé les économies et les sociétés, transforme les conflits et engendre une violence inouïe. La puissance de l’artillerie (3/4 des blessures) et des mitrailleuses automatiques engendrent des pertes effroyables : entre le 20 et le 23 août 1914 par exemple, l’armée française compte 40 000 tués, dont 27 000 pour la seule journée du 22… En moyenne, entre 1914 et 1918, 900 Français, 1300 Allemands et près de 1500 Russes meurent chaque jour. Durant la préparation d’artillerie qui précédé la bataille de la Somme (1916), 1 500 000 obus furent tirés en 7 jours. Le 1er jour, l’armée britannique compta près de 20 000 morts. En 4 mois et demi, cette bataille fit plus de 440 000 morts. La redoutable efficacité de ces armes nouvelles conduit les fantassins à improviser leur défense en creusant des tranchées pour se protéger des projectiles. Reliés entre elles, les tranchées s’étendent rapidement à la quasi- totalité du front et s’érigent en système de défense. Dans les tranchées, les soldats ont des conditions de vie très dures liées au manque d’hygiène, aux maladies, à l’omniprésence de la mort et à aux longues périodes d’attente dans l’angoisse du prochain assaut. Lorsqu’ils entendaient le bruit caractéristique des mitrailleuses, arme typique de la guerre industrielle compte tenu de la débauche de munitions qu’elle occasionne et de la densité de son tir, les soldats savaient qu’ils allaient à la mort.
  • 2. Faute de « trêve des brancardiers », les soldats blessés agonisaient souvent dans le no man’s land. Le front fut donc le lieu de la mort de masse, généralement anonyme car on ne sait pas qui vous tue, on ne sait pas qui l’on tue. Les combats individuels ont pourtant existé, notamment lorsqu’une tranchée était prise. Les « nettoyeurs de tranchées » utilisaient pour cela des grenades ou des armes blanches, souvent fabriqués par les soldats eux-mêmes. Pour les soldats l’apparition des gaz de combat, utilisés pour la 1ère fois en 1915 par les Allemands à Ypres, incarnent également cet ennemi invisible. Même si les gaz n’ont pas eu l’efficacité escomptée (3 ou 4 % des pertes totales sur les champs de bataille), leur emploi laissa un souvenir de terreur durable. Dans le domaine des armes nouvelles, l’aviation connu un essor considérable pendant le conflit. Utilisés d’abord individuellement, les avions sont ensuite déployés en masse pour conduire de grands raids de bombardement sur le front et les villes de l’adversaire. Les chars d’assaut, quant à eux, sont utilisés dès 1917. Cependant, les pertes étaient également très importantes chez les aviateurs, dont la durée de vie ne dépassait pas 3 semaines en moyenne avant d’être abattus ou d’être victime d’un accident, et les chars, s’ils étaient efficaces face aux mitrailleuses, restaient très vulnérables aux tirs d’artillerie. Cependant, malgré la dureté des combats et des conditions de vie, les soldats tiennent. Comment l’expliquer ? Les mutineries, dont les plus importantes éclatent en 1917, les désertions et les fraternisations n’influencent pas l’issue des combats. Les historiens expliquent cette attitude par le consentement des soldats qui tiennent par solidarité avec leurs camarades, par un sens patriotique puissant et presque religieux (doc 4 p 99), par hostilité de l’adversaire et par un fort « sentiment de défense », notamment des siens restés à l’arrière, mais aussi par la contrainte entretenue par le commandement qui autorise les exécutions sommaires sur le champ de bataille et condamne à mort ceux qui se sont mutinés, mutilés (pour être rapatrié), ont fraternisé ou déserté. 2) Les civils dans la guerre L’expérience combattante ne se limite pas aux combats sur le front car les civils subissent aussi la violence de la guerre lors des invasions, occupations, bombardements… Au total (en prenant en compte tous les belligérants, le nombre de civils tués est à peine inférieur à celui des militaires. La distinction entre soldat et civil a quasiment disparu. Parfois les stratèges militaires ont cherché à affamer les civils adverses par le blocus ou la guerre sous-marine. Tous les pays belligérants connaissent des pénuries car les circuits commerciaux se ferment et les ouvriers ainsi que les paysans sont mobilisés. Dans les territoires occupés (France, Belgique), l’occupant utilise les populations comme une main d’œuvre gratuite. Dans tous les pays belligérants, les ressortissants des pays ennemis sont internés dans des camps de concentration. 100 000 Belges et autant de Français sont déportés en Allemagne. La Guerre totale impose aux civils de « l’arrière » de participer à l’effort de guerre. Les civils, et notamment les femmes des soldats partis au front, prennent en charge la production agricole et industrielle. La part des femmes dans l’industrie est d’environ oscille entre 30 et 40 % en 1917. 400 000 « munitionnettes » travaillent dans l’industrie de l’armement. L’industrie soutien l’effort de guerre en produisant des armes. Citroën produit des obus et Renault des fusils, des canons et des chars d’assaut. En 1918, la France devient le plus important producteur d’armes des Alliés : par mois sortent des usines 1000 canons, 260 000 obus, 3000 fusils. 6 millions de munitions d’infanterie sont produites par jour et 50 000 avions ont été construits durant le conflit (alors que la production était artisanale en 1914). Pour financer la guerre, les gouvernements font appel à l’épargne privée et réalisent des emprunts. En France, le 4ème emprunt national a mobilisé 55 milliards de francs en 1918. Même les enfants sont « mobilisés » par la propagande. Beaucoup apparaissent sur des cartes postales ou des affiches de propagande déguisés en « poilus » et dans des postures héroïques. Il s’agit de montrer que l’ensemble de la population participe à l’effort de guerre, soutient le combat des soldats au front et contribue à la victoire.
  • 3. 3) La violence génocidaire Dans l’Empire ottoman, la minorité arménienne subit depuis la fin du XIXème siècle des persécutions de la part du gouvernement nationaliste des « Jeunes-Turcs ». Celui-ci profite de la guerre pour accuser les Arméniens de soutenir l’ennemi russe et organise un génocide. Entre 1915 et 1916, 1 300 000 Arméniens (c’est-à-dire les 2/3 des Arméniens de la région) périssent à l’occasion des « marches de la mort » de la déportation, de la famine et des massacres. Les massacres des Arméniens peuvent être qualifié de génocide car il y a eu de la part du pouvoir central ottoman la volonté d’éliminer, de manière planifiée, un groupe pour des motifs nationaux, ethniques et religieux (les Arméniens sont chrétiens). II. Les effets de la Grande Guerre sur les sociétés européennes 1) Des sociétés durablement traumatisées Le bilan de la guerre est très lourd. Avec 10 millions de morts, la Grande Guerre dépasse tous les conflits précédents. L’Allemagne compte 2 millions de morts et la Russie 1,8. La France est proportionnellement à sa population l’un des pays les plus durement touchés avec 1,4 millions de morts dont environ plus de 700 « fusillés pour l’exemple ». La moitié des jeunes Français nés en 1894, et donc âgés de 20 ans en 1914, ont disparu à l'issue du conflit. Aux 28 % déjà décédés avant la guerre (la mortalité infantile était encore très importante) s'ajoutent les 24 % de ceux qu'on appelait « la classe 14 » morts au combat. Un véritable traumatisme pour la société française. Ce sont les classes sociales les plus favorisées qui, proportionnellement, ont été les plus touchées car le taux de mortalité des officiers était 2 fois plus élevé que celui des soldats. En moyenne, près de 15 % des mobilisés sont morts. Le pays le plus touché est la Serbie avec 38 % et le moins est les Etats-Unis avec 2,5 %. France et Allemagne : 16 % (28 % des combattants). La guerre a fait 3 millions de veuves et 6 millions d’orphelins de guerre. La Grande Guerre a donc été une catastrophe démographique majeure. En 4 ans, la France par exemple a connu une tragédie comparable à celle causée par la Révolution et l’Empire en 25 ans. 10 % de la population masculine a disparu, surtout de jeunes hommes de 19 à 40 ans, c’est-à-dire les forces vives du pays. La guerre a engendré un déséquilibre entre les sexes, un déficit des naissances, un vieillissement de la population. Il faut attendre 1950 pour retrouver le niveau de population d’août 1914. Il faut aussi ajouter les blessés et les mutilés de guerre, dont beaucoup meurent après le conflit (peut-être 500 000). Le conflit a fait 6 millions de blessés et d’invalides. Symboles des ravages de la guerre industrielle, les « gueules cassées », dont la réinsertion est difficile. Plus difficile à mesurer, les séquelles psychiatriques (syndrome de stress post-traumatique) et notamment l’obusite (Shell Shock). On sait depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un homme ne peut pas conserver son équilibre psychique sur un champ de bataille plus de quelques mois. Or les soldats qui ont eu la chance de survivre ont été constamment ramenés vers le combat, même après plusieurs blessures, souvent aux mêmes endroits où ils avaient déjà combattu. Cela a engendré des traumatismes psychiques souvent irrémédiables. Toutes les sociétés belligérantes ont été touchées dans leur intégralité. Chacun a un membre de sa famille victime du conflit. Toutefois le deuil des familles a été long et difficile, notamment en l’absence des corps des victimes. On estime que 50 % des corps ont totalement disparus du fait de l’intensité des combats. C’est la raison pour laquelle le culte de la mémoire a dû pallier l’absence des corps :  On crée des monuments au « soldat inconnu ».  On érige des monuments aux morts sur lesquels sont inscrits les noms des morts. On compte 33 000 monuments aux morts au Royaume-Uni, 38 000 en France (pour 36 000 communes !). La plupart exaltent la patrie, le courage des soldats et des civils. Une dizaine portent un message pacifiste et antimilitariste.
  • 4. Par ailleurs, les destructions sont très importantes. Certaines villes proches du front sont quasiment détruites comme Reims. Il faut relancer l’économie, la production agricole, le commerce et faire face à la pénurie de main d’œuvre. 2) Un nouvel ordre mondial La carte de l’Europe est profondément redessinée par les traités de paix. Les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire Ottoman) sont démantelés. En Europe, 7 nouveaux Etats apparaissent ou réapparaissent (Finlande, pays baltes, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie). Le traité de Versailles (janvier-juin 1919) dessine une nouvelle Europe fondée sur le principe des nationalités et de la démocratie libérale défendus par le président américain Wilson. A cette occasion est créée la Société des nations (SDN) destinée à promouvoir le désarmement et régler les conflits entre Etats par l’arbitrage. L’idée est de construire un ordre mondial porteur de démocratie et de paix. Cependant le traité de Versailles accable les vaincus, qui n’ont d’ailleurs pas été conviés, les désigne comme seuls responsables du conflit et les condamne à des pertes territoriales, au désarmement, au renoncement des colonies mais surtout au paiement de lourdes réparations. L’Allemagne est condamné à payer la somme très élevée de 132 milliards de marks-or (équivalent de 1500 milliards d’euros) au titre des dommages de guerre (il était prévu que les paiements soient échelonnés jusqu’en…1988 !). 3) Un climat propice à l’émergence de nouvelles idéologies Le traumatisme subit par l’ensemble des sociétés belligérantes entraîne un fort mouvement pacifiste dans les années 20. La guerre doit être la « der des ders ». La création de la SDN favorise même l’essor d’un pacifisme institutionnel. En 1928, l’accord Briand-Kellog prévoit que les 63 pays signataires (dont la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne…) « renoncent à la guerre en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ». C’est une manière de mettre le guerre hors-la-loi. Le pacifiste s’exprime également dans l’art, notamment sur les toiles d’Otto Dix (p.102-103), de Fernand Léger ou de Christopher Nevinson qui dénoncent l’horreur et les traumatismes de la guerre industrielle. Chez les vaincus pourtant, la dureté des conditions du traité de Versailles, l’humiliation d’être désignés comme seuls responsables du conflit et l’occupation militaire de leurs territoires par les vainqueurs nourrissent de forts ressentiments nationalistes. Les Allemands dénonce le « diktat » de Versailles. Il développe en Allemagne les frustrations et le ressentiment nationaliste qui expliqueront la montée du nazisme. L’historien George Mosse pense que la Première Guerre mondiale a participé à la « brutalisation » des sociétés, c’est-à-dire une banalisation de la violence et de comportements violents et agressifs qui se poursuit après-guerre, notamment dans la vie politique. Selon lui, la brutalisation explique la résurgence des nationalismes et aurait contribué au développement des idéologies totalitaires (fascisme, nazi, communisme). Cette théorie est néanmoins contestée aujourd’hui. Conclusion : La Première Guerre mondiale est une rupture majeure, par son ampleur, par le nombre d’hommes engagés, le nombre de victimes. Elle est un évènement traumatique par sa brutalité nouvelle et la déshumanisation qu’elle entraîne. Elle est une catastrophe pour l’Europe qui perd définitivement son rang. Elle annonce le XXème siècle, sa violence de masse et ses totalitarismes.