Exercice de FLE pour enfants sur les transports et les prépositions
Droit & Salles de consommation à moindre risque
1. 11èmes journées de l’addictologie de Douai
27 septembre 2012
- Loi et addictions -
Droit & Salles de consommation à moindre risque
Bernard BERTRAND,
Expert sur la question des SCMR pour le Réseau Français de Réduction des risques,
Auteur du livre « Salles de shoot ? aux éditions BOD
Coordinateur Association LATREV' (Gard).
Droit international et Salles de consommation à moindre risque1
Établi en 1968, l'Organe Internationale de Contrôle des Stupéfiant (OICS) est un organe de
contrôle indépendant chargé de surveiller l'application des traités internationaux relatif au
contrôle des drogues.
→ L'OICS est une unité administrative du Programme des Nations Unis pour le Contrôle
International des Drogues (PNUCID) qui est composé de 13 membres dont seulement trois sont des
professionnels du soin, et d'autres viennent de pays encore éloignés de la démocratie, dont l'Iran, la
Chine, la Thaïlande et l'Indonésie.
La France est signataire de trois traités internationaux : 1- la Convention unique sur les
stupéfiants de 1961, modifiée par le Protocole de 1972 portant amendement de la Convention
unique sur les stupéfiants de 1961 ; 2- la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et
3- la Convention (de Vienne) contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes
de 1988.
→ Vous trouverez les textes en français de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, de la
Convention sur les substances psychotropes de 1971 sur le site juridique du gouvernement de la
Suisse <http://www.admin.ch/ch/f/rs/0.81.html> ; et celui de la Convention (de Vienne) contre le
trafic illicite des stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 sur le site de l’OICS
<http://www.incb.org/pdf/f/conv/convention_1988_fr.pdf>
1
Droit international & Salles de consommation à moindre risque, document préparé par B. Bertrand, Mars 2009
<http://www.salledeconsommation.fr/contributions/b.-bertrand-2c-salle-de-consommation-et-droit-international.pdf>.
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2. L'OICS s'est souvent montré réticent au regard de la politique de réduction des risques. En 2006
pour exemple, il propose une reclassification de la buprénorphine sur la liste des stupéfiants...
Cette proposition fût rejetée par le comité d'experts sur la dépendance aux drogues de l'OMS en
raison des bénéfices reconnus de celle-ci en termes de prévention du VIH et de réduction de la
mortalité associée aux drogues.2 Un peu plus tôt (en 1999), l’OICS émet un avis interprétant les
conventions internationales comme limitatives à l'établissement de SCMR.
→ Cet avis, multiplie l'emploi du conditionnel et procède par une analogie aussi peu juridique que
scientifique et évoque des motifs tout aussi variés : en 1999, c'est la convention de 88 qui est
évoquée et en 2003, c'est celle de 1961 !
Or aucun des trois traités ne fait mention de SCMR, ni d'autres types particuliers de mesures de
réduction des risques comme les programmes de substitution à la méthadone ou les échanges de
seringues.
L'OICS oublie de citer dans ces rapports, un avis qu'elle a elle-même demandé en 2002 à la
section des affaires légales du PNUCID (Programme des Nations Unis pour le Contrôle
International des Drogues). Cette avis juridique précise qu' « il est difficile d'affirmer qu'établir
des [SCMR] corresponde à l'intention d'inciter, d'induire, d'aider ou de faciliter la
consommation ou même la possession de drogues illégales ». Les auteurs de cet avis précisent
que si ces actions peuvent paraître insuffisantes d'un point de vue de « réduction de la
demande », elles ne constituent pas une intention d'inciter à la commission d'un crime tel que
stipulé dans la Convention de 1988 : « L'intention des gouvernement est de fournir des conditions
plus favorables à la santé pour ceux qui abusent des drogues, de réduire les risques d'infection
par des maladies transmissibles et d'offrir des services d'assistance psychosociale et d'autres
options de traitement », Et cela en accord avec l'article 38, 1° de la Convention de 1961 qui
oblige les États à prendre « toutes les mesures possibles pour prévenir [l'usage] et pour assurer
le prompt dépistage, le traitement, l'éducation, la postcure, la réadaptation et la réintégration
sociale des personnes intéressées »,
C'est dans le même sens que des avis juridiques suisses3, allemands4 concluent que les SCMR ne
violent pas les traités internationaux.
L'OICS apparaît donc comme uniquement centré sur des approches répressive alors que
l'efficacité des approches intégrant une palette variée de réponse : prévention, soins et réduction
des risques, est désormais prouvée scientifiquement. Il est étonnant et inquiétant de le voir élevé
au rang d'avis absolu par l'Académie de Médecine dans son communiqué du 11 janvier 20115 !
2
ECDD. Buprenorphine (final decision). Geneva, World Heath Organization, 2006.
Bertil, C., Sychold, M. (2000) Use of Narcotic Drugs in public injecting rooms under Public International Law – AVIS 99121c. Swiss Institute of Comparative Law; p.6.
4
Hedrich, D. (2004) European report on drug consumption rooms. Luxembourg, European Monitoring Centre for Drugs and
Drug Addiction. 96p.
5
Académie de médecine, Communiqué « A propos d'un projet de création en France de "salles d'injections pour toxicomanes" »,
11 janvier 2011 <http://www.academie-medecine.fr/detailPublication.cfm?idRub=27&idLigne=2090>.
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3. Droit français et Salles de consommation à moindre risque
Si nous nous référons à la loi du 31 décembre 1970, une SCMR pourrait-elle tomber sous l'article
222-37 alinéas 2 du Code pénal qui punit le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit,
l'usage illicite de stupéfiants ? Toute la question est alors de définir si les interventions de
réduction des risques facilitent l’usage ?
La loi de santé publique de 20046 a donné un cadre légal à la réduction des risques et le décret
n°2005-347 du 14 avril 2005 approuvant le référentiel national des actions de réduction des
risques en direction des usagers de drogue en précise les objectifs, les missions et les modalités
(le référentiel fixe in fine ce qui est permis et ce qui est interdit en matière de RDR).
Ce décret précise également que les équipes de réduction des risques peuvent « participer à
l'expérimentation de nouveaux outils ou stratégies de prévention ».
Que disent les experts du droit ?
Lors des auditions d’experts du séminaire « Salles de consommation contrôlée à moindres
risques pour usagers de drogues » organisé par l’Association nationale des villes pour le
développement de la santé publique en 2010, Francis Caballero, juriste, déclarait :
« […qu’] à titre expérimental, on pouvait concevoir que par dérogation, dans ce type de
centre, on n’appliquerait pas les lois pénales, à condition d’être agréé par le Ministère de
la Santé. […] En conclusion, ce n’est pas légal, mais dans le cadre de la politique de RDR,
avec la loi, le décret et la lettre de la Ministre [du 9 novembre 2006 relative aux hépatites
B et C]7, on peu par dérogation, à titre expérimental, autoriser ce genre de chose. »8
Le projet AERLI (Projet d’accompagnement et d'éducation aux risques liés à l'injection)9 mené
par les associations AIDES et Médecins Du Monde avec l'Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm) et l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites
(ANRS) en est la preuve !
6
Article 12 de la Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. JO du 11 août 2004 (article L.3121-3
à L.3121-5 du code de santé publique) ; Décret n°2005-347 du 14 avril 2005, JO du 15 avril 2005, approuvant le référentiel
national des actions de réductions des risques en direction des usagers de drogue et complétant la code de la santé public
<http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000259240&dateTexte=&categorieLien=id> ;
Décret
2005-1606 du 19 décembre 2005, JO du 22 décembre 2005, relatif aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la
réduction des risques pour usagers de drogues et modifiant le code de la santé publique et circulaire
n°DGS/S6B/DSS/1A/DGAS/5C/2006/01 du 2 janvier 2006 relative à la structuration du dispositif de réduction des risques, à la
mise en place des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et leur financement
par l'assurance maladie <http://www.federationaddiction.fr/les-textes-relatifs-aux-caarud-centres-daccueil-et-daccompagnementa-la-reduction-des-risques-pour-usagers-de-drogues/>.
7
Lettre cabinet du 9 novembre 2006 relative à la contamination des usagers de drogues par les virus des hépatites virales B et
C <http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2006/06-12/a0120040.htm>.
8
ESPT, Salles de consommation contrôlée à moindres risques pour usagers de drogues, Analyses et recommandations des élus
locaux, Tome 1 : Auditions d'experts et visites, 2010, p.171-176 <http://www.salledeconsommation.fr/litteraturefranc/2010scmrtome1web.pdf>.
9
Projet
d’accompagnement
et
d'éducation
aux
risques
liés
à
l'injection
(AERLI)
<http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=5&cad=rja&ved=0CEwQFjAE&url=http%3A%2F%2Fsd2.archive-host.com%2Fmembres%2Fup%2F90151644442535184%2FRdR%2FAides%2FAERLI_Droulement.doc&ei=6Z5hUOStDKjX0QWZ44CAAw&usg=AFQjCNHxoSqGkxJYW2aRixroNqy6plByg&sig2=R7CPhMIJloo1xvTALSvoYg>
et
<http://www.aides.org/actu/aerli-nouveau-projetdaccompagnement-linjection-1487>.
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4. Lors de la journée de synthèses du séminaire « Salles de consommation contrôlée à moindres
risques pour usagers de drogues » organisé par l’Association nationale des villes pour le
développement de la santé publique en 2010, Yann Bisiou, Docteur en droit privé et science
criminelle, Maître de conférences et Vice-président de l’Université Paul Valéry à Montpellier,
déclarait :
« On a un cadre suffisamment souple pour pouvoir commencer à travailler à condition
qu’au niveau local au niveau des conventions d’objectifs départementales, il y ait un
accord et un consensus entre Préfets, Procureurs de la République et collectivités
territoriales ».10
Cela à déjà été fait dans le passé avec les programmes d’échange de seringues.
→ Les conventions départementales d’objectifs permettent de prévoir une adaptation ou de choisir
des priorités, des modalités d’interventions qui sont adaptées au contexte local.
Au vu de mon intervention, nous pouvons affirmer que la loi actuelle en matière de stupéfiants,
n’est pas un obstacle à l’expérimentation des SCMR. Nous sommes plus face à une question de
volonté politique, qu’une question de droit. Nous l’avons vu par le passé (politique de RDR), la
loi a évolué avec les pratiques et pas l’inverse.
Je terminerais mon propos sur la déclaration de la nouvelle Présidente de la MILDT,
Danièle Jourdain Menninger, du 12 septembre lors d’un entretien avec le Quotidien du médecin :
Si le gouvernement décidait l’expérimentation des SCMR, la MILDT apporterait toutes ses
capacités d’expertise et d’appui à celle-ci. Un changement total de cap avec l’ancien Président…
Petit rappel
94 SCMR officielles (+ 5 ouvertures prochaines), la majorité en Europe, réparties dans 62 villes :
- 45 SCMR au Pays-Bas dans 30 villes
- 25 SCMR en Allemagne dans 16 villes
- 12 SCMR en Suisse dans 8 villes (avec la 1ere SCMR qui a été ouverte en 1986 à Berne)
- 6 SCMR en Espagne dans 3 villes (dont 1 SCMR mobile)
- 1 SCMR en Australie à Sydney
- 1 SCMR au Canada à Vancouver (et prochainement 4 SCMR à Québec)
- 1 SCMR en Suède à Oslo
- 1 SCMR au Luxembourg à Bonnevoie
- 2 SCMR mobiles au Danemark à Copenhague (et 1 SCMR fixe prochainement)
10
ESPT, Salles de consommation contrôlée à moindres risques pour usagers de drogues, Analyses et
recommandations
des
élus
locaux,
Tome
2:
Journée
de
synthèse,
2010,
p.76-104
<http://www.salledeconsommation.fr/litteraturefranc/2010-scmrtome2-web.pdf>.
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