Le plan cancer 2 a eu pour principal impact au plan chirurgical, la mise en application des « autorisations » de prendre en charge les cancers. Pour les chirurgiens, ces autorisations ont été fondées essentiellement sur la mise en oeuvre de seuils d’activité, marqueur simpliste mais simple à mettre en oeuvre, et somme toute au final et en moyenne relativement pertinent.
Les conséquences de ce plan cancer ont été de diminuer drastiquement le nombre de services et donc d’établissements autorisés, de recentrer l’activité vers des centres dont le volume d’activité des équipes (médicales et paramédicales) permettaient en théorie d’assurer une prise en charge plus qualitative.
Pour autant, il ne faut pas se satisfaire de ce qui existe actuellement, car force est de constater que pour les équipes ayant perdues les autorisations, l’impact a en général été assez négatif.
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LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE, UNE AMELIORATION DE LA PRISE EN CHARGE AVEC NOTAM...
La chirurgie du cancer à l’hôpital public en dehors du territoire, point de salut !
1. 1110 Lettre du SCH N°24 - Juin 2013 S HS H www.scialytique.org
Le plan cancer 2 a eu pour principal
impact au plan chirurgical, la mise en
application des « autorisations » de
prendre en charge les cancers. Pour
les chirurgiens, ces autorisations ont
été fondées essentiellement sur la mise
en œuvre de seuils d’activité, marqueur
simpliste mais simple à mettre en œuvre,
et somme toute au final et en moyenne
relativement pertinent.
Les conséquences de ce plan cancer ont
été de diminuer drastiquement le nombre
de services et donc d’établissements
autorisés, de recentrer l’activité vers des
centres dont le volume d’activité des
équipes (médicales et paramédicales)
permettaient en théorie d’assurer une
prise en charge plus qualitative.
Pour autant, il ne faut pas se satisfaire
de ce qui existe actuellement, car force
est de constater que pour les équipes
ayant perdues les autorisations, l’impact
a en général été assez négatif.
Même si le nombre de patients traités
était « de facto » faible, cette activité
représentait et représente encore un
plus qualitatif pour les chirurgiens, et est
certainement un facteur d’attractivité
pour recruter de jeunes collègues. De
ce fait, les CH non autorisés, souvent
déjà en difficulté pour faire venir des
jeunes chirurgiens voient ces difficultés
renforcées.
La disparition de la chirurgie oncolo-
gique a d’autre part très souvent fait
perdre cette patientèle, et ce dans toute
la dimension de la prise en charge, y
compris oncologique non chirurgicale.
On peut également constater que ces
patients pour une bonne part ne sont
pas « récupérés » dans des CH mais
dans le secteur libéral, mieux organisé
et plus réactif.
Que peut on envisager et proposer pour
promouvoir la chirurgie du cancer dans
les hôpitaux publics, et de fait renforcer
la prise en charge globale des patients
atteints de cancer ?
Plusieurs constats s’imposent :
Les seuils d’activité ne seront pas
revus à la baisse, c’est une évidence
de nombreuses fois confirmée dans
toutes les réunions auxquelles
nous avons assisté. Il n’y aura
pas de « bienveillant » retour en
arrière, c’est une évidence, et c’est
probablement une bonne chose.
L’hôpital public (HP) peut et doit
améliorer son attractivité : En 2012
CHU et CH réalisaient 41 % de la
chirurgie du cancer en hospitali-
sation complète, le secteur libéral
44 %, le reste allant aux ESPIC
incluant les CLCC (centres de lutte
contre le cancer). Ces chiffres va-
rient avec les pathologies, 57 % de
la chirurgie ORL étant faite à l’HP,
mais seulement 33 % de la chirurgie
colique, quand à la part du secteur
libéral dans la chirurgie ambulatoire
(poses de chambres implantables,
sénologie) elle atteindrait 64 %.
Seule une collaboration forte entre
les CH de tailles différentes et le
CHU permettront de garantir le
maillage des régions et un accès au
soin avec une entrée et un suivi « de
proximité ».
Enfin et pour nous le plus important,
les chirurgiens publics d’une région,
d’une spécialité, doivent s’engager
dans la formation d’équipes ter-
ritoriales permettant une prise en
charge coordonnée et lisible des
patients, et ce du plus petit CH au
CHU en passant par des CH de
grande taille. C’est ce changement
indispensable de mentalité et ses
conséquences que je détaillerai ici.
Le changement doit venir de
nous
Quels intérêts ? Sauf à vouloir défendre
des intérêts particuliers et locaux, on ne
peut que trouver des avantages à fédé-
rer la chirurgie publique du cancer, pour
une spécialité donnée, pour un décou-
page géographique et démographique
donné.
Avantages pour les patients, qui pris
en charge à coté de chez eux devraient
pouvoir garder comme référent et
correspondant le chirurgien local, même
si au cours de leur parcours de soins ils
sont opérés ailleurs.
Avantages pour les chirurgiens qui
d’une part ne voient pas fuir les patients
car lorsqu’on est dirigé sans plus de
façons vers un autre hôpital pour y être
opéré d’un cancer, on a naturellement
tendance à y retourner pour d’autres
interventions banales.
Avantage toujours pour les chirurgiens
des petits CH qui retrouveraient un intérêt
supplémentaire à y travailler, pourraient
avoir du temps de travail dans un CH ou
CHU référent, et pourraient valoriser ce
temps dans leur plan de DPC.
Comment y arriver et est-ce
possible ?
Il faut que les hôpitaux sortent de
leur logique quasi systématiquement
concurrentielle, ce d’autant qu’ils n’en
ont pas les moyens ni en général la
« clientèle » nécessaire. Cela nécessite
de la part des tutelles et des adminis-
trations hospitalières de faire un certain
nombre d’efforts pour ne pas bloquer
administrativement la mise en place de
collaborations efficaces et intéressantes.
Cela peut être le fait de problématiques
liées à la T2A et aux rémunérations
des praticiens par des hôpitaux qui
ne récupéreraient pas le fruit de leurs
investissements, les actes chirurgicaux
se faisant dans un autre établissement.
De tels raisonnements de rentabilité
immédiate doivent être combattus,
la perte de ces patients aboutissant
certainement à terme à un préjudice
financier et de notoriété beaucoup plus
important pour ces établissements.
Cela est également le fait de problèmes
humains, et il est fondamental à l’avenir
de développer les liens entre les équipes
des CHU, des gros CH et des petits CH.
Des exemples existent et on citera
celui des la région Picardie où une très
forte collaboration s’est mise en place
en chirurgie digestive entre le CHU
d’Amiens, le CH de Beauvais qui occupe
une place de CH référent et des CH plus
petits. D’autres exemples peuvent être
cités, en région parisienne, entre le CH
d’Albi et le CHU de Toulouse, loin de
nous l’idée d’un catalogue exhaustif. On
regrettera tout de même le manque de
publicité fait à ces expériences souvent
réussies.
Dans un tel système, des patients vus
dans des CH non autorisés peuvent
être opérés dans le CH référent par le
chirurgien ayant vu le patient initialement,
sous la responsabilité et avec la
collaboration effective des chirurgiens
du CH référent. Le patient bénéficie ainsi
de la présence de « son » chirurgien et
de la prise en charge dans une équipe
autorisée, la suite de la prise en charge
pouvant ultérieurement être faite par le
chirurgien initial, dans le CH de départ.
De même, et en fonction des
compétences préalablement reconnues
et définies par l’équipe régionale, certains
patients nécessitant une chirurgie de
recours seront pris en charge au CHU, où
là encore, les chirurgiens des CH doivent
pouvoir participer s’ils le souhaitent aux
actes chirurgicaux, toujours sous la
responsabilité de l’équipe locale.
En revanche, il ne parait pas souhaitable
que des chirurgiens « autorisés » se
déplacent dans des centres qui ne le
La Chirurgie du Cancer à l’hôpital Public :
en dehors du territoire, point de salut !
2. 1312 Lettre du SCH N°24 - Juin 2013 S HS H www.scialytique.org
sont pas pour aider les chirurgiens
locaux, cela irait à l’encontre du fait
que c’est essentiellement l’équipe, son
organisation de soins et la structure qui
portent la qualité et garantit le résultat.
Le maillage et la filière ne peuvent être
qu’ascendants, réintroduisant de facto
une notion de gradation de la prise en
charge.
Des modalités pratiques existent pour
rendre possible ce genre d’exercice :
vacations offertes aux chirurgiens de
centres plus petits dans les centres plus
gros permettant de renforcer les liens
entre les équipes ou postes d’assistants
partagés entre les CHU et les CH
permettant là encore de renforcer les
liens et les relations entre équipes.
Développer la qualité et revisiter
la notion de seuils
Encore une fois, il n’est pas question de
revoir à la baisse les seuils d’activité,
mais plutôt de revisiter cette notion qui
initialement, même si cela n’a jamais été
clair, visait à établir des seuils individuels
pour nous dépourvus de sens et desti-
nés consciemment ou non à favoriser
des exercices personnels. Les seuils
d’activité doivent s’appliquer à des
équipes et à des structures identifiées
dont les leaders sont également identi-
fiés et porteurs de la qualité (formation
initiale, diplômes reconnus, engagement
dans une démarche qualitative).
La mise en place de référentiels
communs, reconnus et validés (ils
existent dans toutes les spécialités), la
normalisation des RCP pour les équipes
concernées devraient permettre la
mise en place de chartes auxquelles
adhéreraient les chirurgiens désirant
participer.
Cela devrait permettre à terme de
délivrer un label qualitatif à une filière
de prise en charge identifiée et à une
équipe incluant tous les chirurgiens
d’une région. Une telle filière se devra
d’être organisée et gouvernée, ce qui
permettra aux tutelles de la reconnaître
et d’en faire la publicité, et aux patients
de savoir qu’ils peuvent être pris en
charge à partir de leur CH.
Il est bien entendu que la prise en charge
chirurgicale ne se conçoit que dans le
cadre d’une prise en charge globale et
intégrée dans une filière oncologique
structurée. La mise en place du
système chirurgical décrit nécessite
donc en parallèle l’implication dès le
départ de l’ensemble des intervenants
en oncologie, qui de façon idéale se
structureraient sur le même mode, entre
CH de tailles différentes et CHU.
Conclusion
Ce n’est qu’au prix d’une réflexion et
de la mise en place d’organisations
allant dans ce sens que nous pouvons
envisager de mettre en place des
solutions permettant de faire que la
chirurgie du cancer à l’hôpital public
trouve la place qu’elle mérite. Certes,
ces solutions ne sont pas parfaites et
nous éloignent de l’époque où nous
faisions tout partout pour le plus grand
bonheur du chirurgien roi, mais pas
toujours pour le plus grand bien de son
patient.
Il est urgent d’accepter ce type
d’organisation, faute de quoi les
patients livrés à eux même se dirigeront
un peu vers les CHU et surtout vers les
structures libérales.
Pour ce qui est des chirurgiens, ils ne
viendront plus dans les hôpitaux où ils
ne pourront jamais faire de chirurgie
valorisante pour eux, ne faisant
qu’aggraver une situation déjà souvent
préoccupante.
Cette réflexion n’est pas figée, elle est
par ailleurs relayée et soutenue par la
FHF qui souhaite dans les années qui
viennent redonner une impulsion à la
chirurgie cancérologique publique de
façon équilibrée et non CHU centrée.
Le temps de la concurrence suicidaire
entre Hôpitaux Publics devrait être
révolu.
Jean-Christophe Paquet