Par une belle soirée de mai, 21h30, le portable vibre : « Allô, ici le standard, je vous passe le médecin urgentiste de l’hôpital de P ».
« Bonsoir, vous êtes le chirurgien vasculaire de garde ? faites-vous des embolisations sélectives des artères rénales ? ».
« oui, euh non, pourquoi ? ».
« M. H. est arrivé il y 30mn avec une douleur brutale+choc en rapport avec la rupture d’un petit anévrysme d’une branche de l’artère rénale visible sur l’angioscanner. Les images sont sur le serveur. Vous le prenez en charge ? Si non, j’envoie le patient par hélico sur le CHU ».
Malgré le soir tombant, l’hélicoptère équipé pour voler de nuit, transférera le patient situé à 40km de l’hôpital de référence, 120km plus loin, au CHU. La rupture sera traitée par une petite endoprothèse couverte, patient et rein sauvé, avec retour 48h après dans son hôpital de proximité.
Cette prouesse technique et organisationnelle n’a été possible que grâce à la numérisation de l’information médicale et celle… du pilotage nocturne des hélicoptères !
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Entre technologie et humanité Partie 2 Neurochirurgie
La grande révolution chirurgicale des dix dernières années est la révolution numérique.
1. 76 Lettre du SCH N°24 - Juin 2013 S HS H www.scialytique.org
Soutenir que la numérisation de l’information médicale révolutionne la prise en
charge des patients est une évidence qui, a première vue, ne justifie pas une réflexion
syndicale. Pourtant, je pense que l’avènement de la numérisation de l’information
médicale est à l’origine du malaise actuel des chirurgiens. La numérisation de
l’information médicale a modifié les rapports du chirurgien avec le patient, ses
confrères et l’administration. La diffusion, l’accessibilité, la démocratisation, la
banalisation de l’information médicale grâce à la numérisation a modifié la nature
de l’acte chirurgical en ne lui laissant que l’aspect de prestation technique. Pourtant,
l’acquisition de la compétence chirurgicale nécessite du temps, beaucoup de temps,
pour un geste jamais banal pour le patient. Cet anachronisme de la pratique
chirurgicale participe aux blues du chirurgien : en être conscient est
indispensable pour faire évoluer sereinement notre métier.
la numérisation de l’imagerie
Elle a transformée la qualité et les performances de l’imagerie
au point de rendre les corps transparents et l’image pathologique
parlante pour tous, même les patients. Le diagnostic est souvent fait
de manière précise, immédiate voir même le diagnostic histologique
fortement suspecté. Et en découle dans la majorité des cas, l’indication
opératoire chirurgicale transmise au chirurgien qui n’a plus qu’à opérer...
La reconstruction 3D des vaisseaux permet de mesurer, sur son
ordinateur portable, avec une exactitude millimétrique la taille
de l’endoprothèse vasculaire. Le choix de la prothèse se fera
en lien avec l’analyse du fabricant… qui viendra assister le
chirurgien : de décideur unique, le chirurgien est devenu
prestataire de service, dans une chaine de prise en charge.
De plus, la numérisation permet le transfert d’images en
instantanée : tous scanners, toutes IRM réalisées dans le
plus petit établissement de l’hexagone peut être transféré
immédiatement à n’importe quel expert afin d’obtenir
un diagnostic précis et une décision thérapeutique
pertinente. Conséquences collatérales : quelquepart,
dans notre pratique s’immisce l’idée que chacun
de nos diagnostics et chacune de nos décisions
thérapeutiques doivent être parfaitement justifiés.
L’ « à peu près » n’est plus acceptable puisque
quelque part, quelqu’un « sur la toile » a la
solution… il suffit de le trouver. Y’a qu’a !
Internet : diffusion et accessibilité de l’information médicale
Contrairement à ce que certains craignaient, la diffusion, la vulgarisation et l’accessibi-
lité de l’information médicale sur les sites du Web, ont simplifié les consultations médi-
cales : les patients consultent avec une certaine information que le chirurgien n’a plus qu’à
classer, nuancer, redresser et mettre en perspective. Pour nous mêmes, cette information
est également plus accessible que par nos livres ou autres encyclopédies chirurgicales.
Plus difficile à intégrer dans nos pratiques sont les sites web des établissements qui
font leur promotion, à la limite de la publicité afin d’attirer des patients qui peuvent
venir de très loin.
La tentation est grande de se défendre en créant son propre site.
Enfin, l’évaluation individuelle des pra-
ticiens par les patients va bien finir
par faire son apparition, remplaçant le
bouche à oreille d’antan.
La numérisation de la cotation
de l’acte chirurgical
La CCAM instituée en 2006, élaborée
avec le concours des sociétés savantes
de chirurgie, a glissé autour du cou des
chirurgiens, un licol dont les rênes sont
bien tenues par l’administration. De la
fonction d’harmonisation, de la cotation
entre spécialités chirurgicales, la CCAM
n’est devenu que l’outil de contrôle de
l’activité chirurgicale. Et pour ma part,
je n’ai rien vu venir : depuis, chaque
matin, le directeur d’un établissement
peut connaître l’activité de ses équipes
chirurgicales. Avant, cette information
restait floue, issu d’un PMSI imprécis,
dont les résultats n’était connu qu’une
fois par an. Désormais, l’activité, cœur
du financement des établissements,
est au milieu du tableau de bord de
la direction. Et ses informations sont
rentrées, chaque jour par les chirurgiens
eux-mêmes. Seul, l’outil informatique
a pu apporter aux directions une telle
précision en temps réel.
Quant au bénéfice pour les chirurgiens,
cela leur permet de prouver que la cota-
tion des actes n’a pas été revalorisée de-
puis 2006. Piètre et stérile consolation !
l’évaluation des pratiques
L’accréditation des chirurgiens effectuée
par la HAS n’est réalisable que grâce à
l’outil informatique. La surveillance, la
traque de chacun n’est possible que
grâce à l’outil informatique. Exigée par la
société, cette évaluation des praticiens
est inéluctable. Cependant, la facilité
de la traque informatique relève parfois
du harcèlement. Et le chirurgien, seul le
soir face aux relances de mails par les
experts de la HAS, ne peut que se plier
aux exigences administratives dont «
la vis sans fin de l’évaluation » n’a, par
définition, pas de limites.
la gestion des blocs opératoires
Entrées/sorties, lavage/sortie… caméra
sur les scialytiques, les codes-barres et
les fameuses douchettes... la numérisa-
tion permet de tout enregistrer, tout sur-
veiller, tout interpréter par les cadres et
administrateurs. L’inaccessible, mysté-
rieuse et mythique salle d’opération est
désormais dévoilée et exploitée comme
n’importe quel outil de production, grâce
à la numérisation de l’analyse de son
fonctionnement. Ce qui se passe sous
la lumière du scialytique a perdu de son
importance car non numérisable !
Ainsi, la numérisation de l’information
médicale a fait perdre aux chirurgiens
le contrôle de cette information : le dia-
gnostic est dans les mains de l’imageur,
l’évaluation quantitative sur le bureau du
directeur, l’évaluation du temps de travail
sur les code-barre du bloc… Que nous
reste-t-il ? le cœur de notre métier : la
prise en charge des patients et sa qualité
et son évaluation en temps réel, grâce…
à la numérisation de l’information médi-
cale. Mais à une seule condition : que les
chirurgiens mutualisent leurs énergies et
leurs passions.
Bernard Lenot
La grande révolution chirurgicale des dix
dernières années est la révolution numérique
Par une belle soirée de mai, 21h30,
le portable vibre : « Allô, ici le
standard, je vous passe le médecin
urgentiste de l’hôpital de P ».
« Bonsoir, vous êtes le chirurgien
vasculaire de garde ? faites-vous
des embolisations sélectives des
artères rénales ? ».
« oui, euh non, pourquoi ? ».
« M. H. est arrivé il y 30mn avec
une douleur brutale+choc en
rapport avec la rupture d’un
petit anévrysme d’une branche
de l’artère rénale visible sur
l’angioscanner. Les images sont
sur le serveur. Vous le prenez en
charge ? Si non, j’envoie le patient
par hélico sur le CHU ».
Malgré le soir tombant,
l’hélicoptère équipé pour voler de
nuit, transférera le patient situé à
40km de l’hôpital de référence,
120km plus loin, au CHU. La
rupture sera traitée par une petite
endoprothèse couverte, patient et
rein sauvé, avec retour 48h après
dans son hôpital de proximité.
Cette prouesse technique et
organisationnelle n’a été possible
que grâce à la numérisation
de l’information médicale et
celle… du pilotage nocturne des
hélicoptères !
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