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A chaque flambée électorale du
Front national résonne la même
antienne. La classe politico-médiatique
rivalise de formules chocs pour recom-
poser, réinventer, renouveler, réhabi-
liter ou réenchanter… Loin des mea
culpa factices, versons donc à notre tour
une pièce au dossier. Elle est signée de
l’Allemand Horst Seehofer, leader de la
CSU : « La résolution des problèmes est
la meilleure protection contre l’extré-
mismededroite ».
Condensé de bon sens, cette cita-
tion en dit long sur notre délitement
national. Car sans verser dans un popu-
lisme anti-élites, comment ignorer que
la colère des électeurs du FN se nourrit
d’un sentiment d’abandon, d’un divorce
profondavecuneclassepolitiquedepuis
longtemps déjà moins préoccupée par
les solutions que par les ambitions ? En
France, gouverner, c’est échouer. Sur
le chômage d’abord. Mais aussi sur la
mobilité sociale, la sécurité, les déficits,
la fiscalité, l’identité, la précarité, l’édu-
cation… Dans cet univers clos qu’est
devenue la caste politique, le dogma-
tismeprimesurlacompétence,ladéma-
gogie sur le résultat, le clientélisme sur
la performance. Les gouvernements ?
Trop souvent un cénacle de cyniques,
dans lequel longévité rime avec médio-
crité, déni avec mépris. Les partis ? Des
machines à promouvoir des candidats
obnubilés par la présidentielle, pas des
idées– ousipeuaudacieuses.
Un temps, la dette a financé nos lâ-
chetés. Elle a masqué notre préférence
pour la désinvolture et la manœuvre.
C’est fini. Malgré un programme aussi
simpliste que dangereux, le Front natio-
nalbénéficiedelaprimeàceuxquin’ont
pas échoué pour n’avoir jamais dirigé.
Il prospère sur la faillite de dirigeants
prêts, au soir du second tour, à pro-
mettre, à promettre encore et toujours.
Sans se soucier, une nouvelle fois, de
« résoudrelesproblèmes ».
Rémi Godeau
@remigodeaut
Résoudrelesproblèmes,lameilleureprotectioncontrelesextrêmes
sipa press
Geoffroy
Didier
(LR)invité
dela
matinale
Dominos
Le deuxième tour des élections
régionales se tiendra dimanche. Ar-
rivé en tête dans six régions au soir
du premier tour, le Front national
pourrait l’emporter dans une ou plu-
sieurs régions, une première pour
le parti mais aussi en Europe, où les
formations populistes et d’extrême
droite ne sont jusqu’ici parvenues
aux responsabilités qu’à la faveur
d’alliances avec les partis tradition-
nels. Tout le continent regardera
de près le score du FN, dans un
contexte de rejet de l’Union euro-
péenne accentué par la crise des
réfugiés.
Raphaël Proust
et Isabelle Marchais
le passé, « a conduit notre continent [...]
àlacatastrophe ».
S’il n’a pas explicitement mention-
né le Front national, nul doute que la
nouvelle poussée de l’extrême droite
française au premier tour des élections
régionales illustre ce « danger » qui
guette, selon lui, l’Union européenne.
Si la presse du continent a beaucoup
commenté ce résultat, les responsables
politiques des pays membres n’ont pas
vraiment réagi. Du moins officiellement
car, plus que ces scores électoraux qui
restent à confirmer, c’est bien la pers-
pective d’une victoire de Marine Le Pen
au scrutin présidentiel de 2017 qui fait
frémirlespartisansdel’UE.
« C’est vrai qu’il y a un problème
français », reconnaissait mardi, en pri-
vé, un responsable européen. Si l’essor
des populismes est loin d’être l’apa-
nage de l’Hexagone, « il y a un malaise,
une souffrance et une difficulté bien
française derrière le fait que près de
30 % de l’électorat vote FN », ajoutait-
il tout en soulignant que « ni l’Italie, ni
l’Espagne, ni l’Allemagne ne sont dans
une situation politique comparable ».
Outre-Rhin, l’heure est d’ailleurs à l’in-
quiétude : Berlin ne peut se résoudre à
rompre avec un partenaire politique et
« L’Union européenne est en danger
et personne ne peut dire si elle exis-
tera dans dix ans ». Avec gravité, Martin
Schulz a tiré la sonnette d’alarme dans
une interview accordée lundi au quo-
tidien allemand Die Welt. Pour le pré-
sident du Parlement européen, le péril
prend les traits d’une « Europe du natio-
nalisme, une Europe des frontières et
des murs » qui, à plusieurs reprises dans
L’EuropesuspendueauscoreduFN
Alaveilledusecondtourdesrégionales,lesinstitutionseuropéennessonteffrayéespar
une éventuellevictoireduFN.Lespartisanti-système,eux,espèrentunedynamique
lll Page2
vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015
N° 648 — 1,70 €
Antiterrorisme:
l’échecde
lalogiqueShadok
Un mois après le 13 novembre,
les services de renseignement
tentent de tirer les leçons Page7
Faut-ilavancer
laprimaire
deladroite?
Christian Jacob, Eric Ciotti ou
encore Gérard Longuet y sont
favorables Page4
Legouvernement
versun« JobsAct »
à lafrançaise
La montée du chômage pousse
Matignon à réformer plus vite
le marché du travail Page5
2 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015
Ne pas être isolée en première ligne. L’Alle-
magne s’est fixé cette ligne de conduite depuis
des décennies pour les dossiers européens.
Ses dirigeants sont soucieux de ne pas réveil-
ler – avec plus ou moins de succès en regard de
la crise grecque – les peurs d’une Allemagne
hégémonique sur le continent. Aussi, Berlin
regarde avec circonspection la progression du
Front national depuis des années de l’autre cô-
té du Rhin. Une victoire, encore très hypothé-
tique, de Marine Le Pen en 2017 à la présiden-
tielle priverait la République fédérale de son
principal partenaire au sein de l’UE. La chef de
file du FN défend des idées incompatibles avec
les positions clés allemandes : la sortie de l’eu-
ro ou la remise en question du système Schen-
gen, réglant la libre-circulation des personnes
et des marchandises, pour ne citer que les plus
emblématiques.
L’Allemagne d’Angela Merkel n’a pas de vé-
ritable alternative au tandem avec Paris. Parmi
les poids lourds démographiques, la Grande-
Bretagne de David Cameron s’éloigne plutôt
qu’elle ne se rapproche du continent, l’Italie
est encore plus faible économiquement que la
France. De plus, les liens institutionnels avec
ces deux pays sont bien plus ténus en compa-
raison d’un demi-siècle de rapprochement
volontariste entre les deux ex-ennemis ances-
traux.
Une dérive droitière dans l’Hexagone, sy-
nonyme de repli sur soi, aurait aussi un impact
pour l’économie allemande. Le voisin occiden-
talrestelepremierpartenairecommercialdela
République fédérale avec 167 milliards d’euros
d’échanges en 2014. Le quotidien des affaires
Handelsblatt juge d’ailleurs le programme éco-
nomique du FN « digne de la RDA ».
Le camp conservateur d’Angela Merkel
s’inquiète aussi d’un effet tache d’huile des
succès électoraux frontistes. L’arrivée de qua-
siment un million de demandeurs d’asile de-
puis le début de l’année donne déjà des ailes
à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), au dis-
cours proche du FN. Les derniers sondages lui
donnent entre 8 % et 10 % des intentions de
vote au niveau fédéral, soit le double de son
total aux législatives de 2013. Elle atteint 12-
13 % dans la majorité des Länder d’ex-RDA. La
petite formation devrait entrer dans les trois
parlements régionaux appelés à être renouve-
lés en mars 2016, poursuivant ainsi son enraci-
nement sur la scène politique allemande.
La CSU bavaroise, en particulier, tire le
signal d’alarme. L’allié traditionnel du parti
d’Angela Merkel, aux accents volontiers po-
pulistes, a eu pour raison d’être pendant des
décennies de constituer le parti le plus à droite
de l’échiquier politique allemand. Depuis des
semaines, son patron Horst Seehofer tire à
boulets rouges sur la politique d’asile d’Angela
Merkel. Partisan d’un plafond du nombre de
réfugiés, Horst Seehofer réclame des solutions
pour « régler les problèmes sécuritaires » et
« limiter l’immigration ». « La résolution des
problèmes, je ne peux que le répéter, est la
meilleure protection contre les extrémistes de
droite », a-t-il martelé en début de semaine.
Luc André (à Berlin)
« Grande Marine. La France change, l’Eu-
rope et l’Italie changeront aussi », a exulté
dimanche le chef de la Ligue du Nord, Matteo
Salvini, quelques heures après la percée histo-
rique de Marine Le Pen. Le chef du parti d’ex-
trême droite n’a jamais caché son admiration
pour la présidente du Front national. Avec sa
victoire, Matteo Salvini veut croire en des len-
demains radieux pour son parti en Italie. Le
leader de la Ligue a désormais en ligne de mire
sa rencontre avec Marine Le Pen en janvier, à
Milan, pour défendre leur vision de l’Europe
avec l’ensemble des partis de leur groupe par-
lementaire européen.
« Le Front national est le parti de ceux qui
n’ont jamais eu la parole en France. Nous, nous
voulons être la même chose en Italie : le parti
des petits », a déclaré mardi Matteo Salvini au
Corriere della Sera. Une formule qui n’a rien
d’incantatoire pour un parti qui ne cesse de
gagner des voix. Provocateur, omniprésent
sur le plan médiatique, Matteo Salvini, 42 ans,
a réussi à faire de la Ligue du Nord le principal
parti d’opposition, à droite, de Matteo Renzi.
Un modèle. Même s’il a fait de Marine Le
Pen un modèle pour bâtir sa trajectoire, le
« léghiste » sait toutefois que le modèle de l’ex-
trême droite française n’est pas transposable à
100 % de l’autre côté des Alpes. L’histoire des
deux partis n’est pas la même, les visions poli-
tiques et régionalistes divergent. Longtemps
sécessionniste, la Ligue du Nord a forgé ses
bastions dans le Nord de l’Italie. Contraire-
ment au Front national aujourd’hui implanté
dans la plupart des régions françaises, la Ligue
peine à conforter son assise dans le Sud de l’Ita-
lie, en dépit de ses efforts pour nationaliser son
discours.
À la différence aussi du FN, les « léghistes »
n’ont pu exister jusqu’à présent qu’en faisant
alliance avec d’autres partis de droite, à com-
mencer par celui de Silvio Berlusconi. Une
alliance qui leur a permis d’accéder depuis
longtemps aux responsabilités locales et de
gouverner aujourd’hui deux régions de taille,
la Lombardie et la Vénétie.
L’obstacle du M5S. Mais le principal
obstacle pour Matteo Salvini reste le mouve-
ment contestataire « Cinq étoiles » (le M5S)
de l’ex-humoriste Bepe Grillo, que les son-
dages placent en deuxième position dans les
intentions de vote des Italiens, derrière le Parti
démocrate. Au lendemain des élections fran-
çaises, les parlementaires du M5S se sont posés
en « rempart » contre l’avancée de l’extrême
droite en Italie.
Malgré des nuances d’approche, les deux
mouvements ont pour point commun un dis-
cours anti-immigration et anti-Europe. Tout
comme la Ligue du Nord, Bepe Grillo agite
les peurs et réussit à canaliser les frustrations
populaires, surgies avec la crise économique.
Ses excès verbaux n’ont rien à envier à ceux
de Matteo Salvini. Résultat, si le M5S a rallié
une bonne partie de l’électorat de gauche, son
idéologie « anti-système » est assez souple pour
lui permettre de labourer aussi sur les terres
de droite.
Selon LaRepubblica, le M5S et la Ligue tota-
lisent à eux d’eux 40 % des intentions de votes.
A six mois des élections municipales dans les
villes les plus importantes d’Italie, « l’effet d’en-
traînement du vote français pourrait être irré-
sistible » et affaiblir Matteo Renzi, pouvait-on
lire lundi dans le quotidien romain. Si le pré-
sident du Conseil italien s’inquiète pour l’ave-
nir de l’Europe, il affiche sa sérénité quant au
devenir de l’Italie. « Nous [Le parti démocrate,
NDLR], nous gagnons parce que les réformes
sont en train de porter leurs fruits », a-t-il décla-
ré sur son compte Facebook.
Catherine Dabadie (à Rome)
Berlinatoutàperdre
d’unepercéeduFN
EnItalie,lespartis
contestatairesgalvanisés
Matteo Salvini espère profiter d’un effet FN.
L’Europesuspendue auscore duFN
Sipa Press
économique privilégié, sans parler d’éventuelles
répercussions positives pour les eurosceptiques
de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ce « pro-
blème français », c’est aussi celui d’une perte d’in-
fluence réelle du pays dans les grandes décisions
européennes. « Où est la France, quel est son avis
sur les dossiers ? », s’interroge Jean-Dominique
Giuliani. Le président de la Fondation Robert Schu-
man adresse une critique sévère à la classe poli-
tique française, coupable à ses yeux de « naviguer
au gré des sondages et des manifestations à Paris »
et d’avoir délaissé les enjeux européens. Une ten-
dance que la « poussée populiste du FN » ne fait, au
final, que renforcer. « Il n’y a pas une personnalité
politique dans le paysage français qui rompe avec
cette dérive et qui tienne un discours européen
moderne et attrayant », regrette-t-il. L’une des
conséquences de ce désengagement, c’est que « le
couplefranco-allemandronronne »,dénonceJean-
Dominique Giuliani.
Jusqu’ici discrets, les Européens devraient
néanmoins réagir si le FN parvenait dimanche à en-
leveruneouplusieursrégions.Ils’agiraitd’unepre-
mière pour l’extrême droite et les partis populistes
qui ne sont jusqu’ici parvenus aux responsabilités
qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition-
nels,quecesoitenAutriche,enFinlandeouencore
enItalie.
Pour autant, en quoi les succès du Front natio-
nal sont-ils plus dangereux pour l’UE que ceux des
populistes britanniques ou polonais ? Parce que
« la France n’est pas un pays comme les autres, rap-
pelle Giles Merritt, secrétaire général du think tank
bruxellois “Friends of Europe”. L’idée qu’un pays
fondateurpuissesortirdespolitiqueseuropéennes
et progressistes est un grand choc ». La France
est aussi la deuxième économie de la zone euro,
possède une armée qui compte et une diplomatie
mondiale : « Nos décisions ont des conséquences
sur nos partenaires », résume Jean-Dominique Giu-
liani.
L’influence du FN sur la politique française
ne peut donc que saper la poursuite du projet
européen, tant le parti remet en cause systémati-
quement toutes les valeurs de l’UE, qu’il s’agisse
de l’ouverture sur le monde (économique avec la
mondialisation,humaineaveclacrisedesréfugiés),
du libéralisme, de l’espace Schengen, de l’assainis-
sement budgétaire ou encore de l’euro. Si les résul-
tats du premier tour des régionales se confirment
au second, « cela donnerait une immense bouffée
d’oxygène à d’autres forces populistes et d’extrême
droite qui menacent l’intégrité de l’Europe », s’in-
quiète Giles Merritt. Comme le soulignait lundi le
quotidien britannique The Guardian, « Marine Le
Pen n’est pas seule et c’est un vrai problème pour
l’Europe ».
Tout près de la région Nord-Pas-de-Calais-Pi-
cardie – dont la prochaine présidente pourrait bien
être Marine Le Pen – les Belges de la Nouvelle al-
liance flamande (N-VA) se sont d’ailleurs réjouis de
la voir caracoler en tête. Nationalistes, libéraux et
jugésmoinsinfréquentablesquelesextrémistesdu
Vlaams Belang (qui siègent dans le même groupe
que le FN au Parlement européen), ils n’en sont pas
moins ravis de voir leurs idées progresser dans de
nombreux Etats membres. « Le résultat des élec-
tions [en France, NDLR] est le dernier signe d’une
longue série, l’opposition augmente en Europe de
l’Est, la discussion fait rage en Grande-Bretagne
sur le Brexit, les Danois ont rejeté la politique judi-
ciaire européenne et même la Suède a rétabli les
contrôles à ses frontières », jubilait lundi le pré-
sident de la N-VA, Bart De Wever. Un peu plus au
nord, le Parti pour la liberté du néerlandais Geert
Wilders – qui s’affiche régulièrement avec Marine
Le Pen – est en tête dans les sondages à un an et de-
mi des élections législatives prévues en mars 2017
aux Pays-Bas. Comme en France, c’est sur le rejet
de l’accueil des réfugiés qu’il prospère, tout en
promettant de quitter l’UE s’il était élu Premier mi-
nistre. En Pologne, la récente victoire des conser-
vateurs du parti Droit et Justice (PiS) ont remis le
pays dans le sillage eurosceptique du Hongrois
Viktor Orban, adepte des provocations à l’égard de
l’Union.
Une défiance croissante vis-à-vis de l’existence
même de l’UE qualifiée de « paradoxe » par le com-
missaire européen aux Affaires économiques,
Pierre Moscovici. « L’Europe et le monde font face
àdescrisesd’uneampleursansprécédent[...]dont
les réponses ne peuvent être qu’internationales, à
tout le moins européennes. Pour cela, on se tourne
vers l’Europe, on attend beaucoup d’elle. Et pour-
tant dans le même mouvement, certains la vili-
pendent, d’autres s’en détournent, beaucoup s’en
défient, bien peu la soutiennent et la magnifient »,
a-t-il écrit sur son blog. Un billet dont le titre sonne
comme un plaidoyer : « Ça suffit ! » Sans que l’on
sache vraiment s’il s’agit d’un cri de désespoir ou
d’encouragement…
@raphaelproustt
@IMarchaist
«Pasunepersonnalité
politiquedanslepaysage
françaisnetientun
discourseuropéen
moderneet attrayant »
lll Suitedelapage1
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L’arrivéedequasiment
unmilliondedeman-
deursd’asiledonnedéjà
desailesàl’Alternative
pourl’Allemagne(AfD),
audiscoursprocheduFN
Selonlequotidien
britanniqueTheGuardian,
« MarineLePenn’est
passeuleetc’estunvrai
problèmepourl’Europe »
vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 3
Stratégie
Sentant la ou les victoires possibles mais
pas du tout assurées, les candidats du
Front national jouent plus que jamais la
carte de la dédiabolisation et de la pro-
fessionnalisation.
Béatrice Houchard
Surtout, ne pas faire peur. S’ils sont élus,
il n’y aura pas de « nuées de sauterelles », ni
d’« invasions de crapauds », ni de « barbelés ».
Les candidats du Front national font en sorte
de ne pas affoler des électeurs qui, au dernier
moment, pourraient hésiter à leur confier les
clés de leur région. Même si Marion Maréchal-
Le Pen persiste et signe dans son opposition
à la subvention du Planning familial ou que
Louis Aliot conseille aux musulmans (sans les
citer explicitement) d’« aller vivre leur foi ail-
leurs ».
« On savait que ce serait la semaine de la
peur », lance ainsi Florian Philippot mardi soir,
devant 250 personnes réunies à Cormontreuil
(Marne). « Ils sont même allés chercher Dany
Boon, depuis Londres, ajoute-t-il [rires dans
la salle]. Mais je suis pragmatique. On vous dit
que les investisseurs vont fuir les régions si
nous sommes élus. Evidemment, c’est faux.
Je travaillerai en bonne intelligence avec les
milieux économiques, bien sûr ; avec les asso-
ciations, bien sûr ; avec l’administration terri-
toriale, bien sûr ». Sous-entendu : avec tout le
monde, « bien sûr ».
S’il avait « combattu » la fusion entre les
trois régions Alsace, Lorraine et Champagne-
Ardenne, Florian Philippot affirme ici, à deux
pas de Reims, que ce nouveau découpage
« n’est peut-être pas éternel » et qu’une victoire
de Marine Le Pen à la présidentielle pourrait
le remettre en cause. Mais pas de panique :
« Puisque la fusion est là, je la gérerai dans un
esprit d’équilibre, d’équité, d’économie. »
Sur les économies à venir, justement, il
veut aussi rassurer : « Je ne toucherai pas au
budget de la culture », dit-il, reconnaissant que
ce n’est pas un énorme budget et se risquant à
ajouter, un rien présomptueux : « Le monde de
la culture est largement avec nous. »
Après le meeting, il commente : « Mon pro-
gramme plaît tellement qu’ils le caricaturent.
Je suis tout le temps obligé de répondre. Par
Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, les
proches de Marine le Pen savent qui sera vice-
président et de quel secteur, et glissent que
le directeur général des services est trouvé. Il
s’agirait d’un DGS déjà en poste dans une ré-
gion. Pour la grande région Est, Florian Philip-
pot confie avoir « des contacts intéressants ».
Dans le Centre-Val-de-Loire, Philippe
Loiseau affirme avoir sous la main son DGS
(« quelqu’un qui a déjà été en poste ») et son di-
recteur de cabinet. Chargé il y a plus d’un an de
recruter dans la haute administration, Steeve
Briois aurait épluché « une centaine » de CV.
Pour caresser les électeurs dans le sens du poil,
tous annoncent qu’ils réduiront le nombre de
vice-présidences et le train de vie des régions.
Il y a quand même un petit problème : les
compétences des régions permettent difficile-
ment de « changer la vie quotidienne », comme
l’a pourtant promis Marine le Pen mardi sur
TF1. Alors tous jurent de faire « du barouf »,
comme l’a répété la présidente du FN jeudi
sur BFMTV : « Je vais pourrir la vie du gouver-
nement à chaque minute de chaque jour de
chaque semaine ». « Ils vont entendre parler de
moi et des habitants de la région ». Idem pour
Florian Philippot l’autre soir à Reims : « S’il faut
faire un peu de bruit, on fera un peu de bruit. »
Elue présidente de région, Marine Le Pen
harcèlerait le gouvernement sur Calais, et Flo-
rian Philippot organiserait des référendums
d’initiative populaire, par exemple sur le finan-
cement de la mosquée de Strasbourg. « On ira
porter le résultat au ministre de l’Intérieur, au
Premier ministre et au président de la Répu-
blique. On va les remettre au travail », a-t-il lan-
cé à Cormontreuil, recueillant presque autant
de succès que lorsqu’il a promis de « réaffec-
ter aux personnes âgées les 350 000 euros de
l’accueil des migrants ». Succès de la soirée à
l’applaudimètre.
@beache3 t
exemple, je n’ai jamais dit qu’on était contre les
transfrontaliers. Je ferai du bilatéral, ça tombe
bien, j’adore ça. Il faut juste que ce ne soit pas
imposé par Bruxelles. » Il ajoute : « C’est le re-
vers de l’effet-loupe : on nous surveille. Si nous
sommes élus, à chaque fois qu’on dira quelque
chose, ça portera cinquante fois plus que n’im-
porte quel autre président de région lambda. »
Depuis dimanche soir, Marine Le Pen aussi
a sorti la carte du rassemblement : « J’entends
être la présidente de tous les habitants de la ré-
gion, de toutes les villes et de tous les villages,
y compris ceux qui ont été abandonnés ». Et
tous les candidats ont adressé un petit clin
d’œil aux électeurs de Nicolas Dupont-Aignan,
car les victoires peuvent se jouer à quelques
voix près : « Sur les valeurs, sur la souveraine-
té, l’identité, on est très proches », dit Florian
Philippot, pas mécontent de noter que, pour la
première fois, il est arrivé en tête à Colombey-
les-Deux-Eglises.
Pour appuyer leur démonstration et ten-
ter de convaincre qu’ils pourraient faire mieux
que les autres à la tête des régions, les candi-
dats du Front national ont un argument en or :
dans les villes qu’ils dirigent depuis 2014, ils
ont dépassé la majorité absolue dans 7 cas sur
11. Commentaire de Marine le Pen : « Les gens
ne sont pas masos. Les habitants de nos villes
sont heureux, et si c’était aussi le cas dans nos
régions ça tuerait l’argument de la peur brandi
par les autres candidats. » Florian Philippot
reprend le slogan publicitaire : « Dans les villes
du Front, les gens vivent bien. Essayer le FN,
c’est l’adopter. »
Autre argument : les équipes. Marion Ma-
réchal-Le Pen, sur son affiche de second tour,
pose devant son éventuel futur exécutif régio-
nal avec pour slogan : « Nous sommes prêts. »
LescandidatsFrontnationaljouentlacarte
durassemblement
EtreunFrançaisauxEtats-Unisetobserver
simultanémentl’émergencedeDonaldTrump
etlesuccèsduFrontNationalauxélections
régionalesestuneexpérienceintéressante,et
inquiétante.DepuisdesmoisauxÉtats-Unis,
journalistes,experts,adversairespolitiques
prédisentledéclindeTrumpàchaquenouvelle
polémique.L’étrangernaïfvoitletribunpopu-
listesolidementancréentêtedetouslesson-
dages.Onluiexpliquequ’ilnes’agitqued’une
parenthèseclownesque,typiquedespremiers
tempsd’unecampagne,commeHermanCain
en2012contreMittRomney,etquelescandidats
« sérieux »prendrontvitelerelais :toutrentrera
dansl’ordre.Etpourtant.
InsultescontreJohnMcCain,vétérandu
Vietnametcandidatrépublicainen2008,pro-
possexistescontreunejournalistedeFoxNews,
promessesgrotesquesdeconstruireun« grand,
grandmur »àlafrontièreentrelesEtats-Uniset
leMexiqueetd’expulsertouslesclandestinsdu
pays,attaquesxénophobescontrelesimmigrés
mexicainsetdésormais,depuislesattentatsde
ParisetlatueriedeSanBernardino,apparem-
mentinspiréeparDaech,fuiteenavantraciste
avecsapropositiond’interdire« temporaire-
ment »leterritoireaméricainauxmusulmans,y
comprisressortissantsaméricains.Pendantdes
mois,lamontéedeTrumpaétéaccueillieavec
unmélanged’embarrasetd’amusement.Ils
cèdentaujourd’huilaplaceàlacondamnation.
Maisrienn’yfait.Àchaquenouvellecontro-
verse,leconsensusd’observateurspréditson
implosionetTrumpcontinuededominerles
sondages.Pire,chaquemouvementd’indigna-
tionnefaitquerenforcerl’attraitdesonmessage
anti« politiquementcorrect ».Unventdepa-
niquecommenceàsoufflersurlesrépublicains
quipensaientinitialementdisposerdecandidats
solidespourcontrerl’inévitablecandidaturede
Clinton.Lesquestionsquifâchentcommencent
àsemurmurer :quefaires’ilal’investiture ?Les
caciquesduPartirépublicainaccepteront-ils
desouteniruncandidatquiafaitcampagneen
s’attaquantaupartietàsesprincipes ?Mieux
vautnemêmepasysonger.
MarcoRubio,lejeunesénateurdeFloride,
hispanique,articuléetinterventionnistesur
lesquestionsinternationales,restelefavori
del’establishmentrépublicainquipréfèrese
convaincrequeTrumpfinirapars’effondrer.
Eneffet,àdeuxmoisdelapremièreprimaire,
larouteestencorelongue.Lesprovocations
deTrumppeuventfonctionnersurlecourt
termemaisrebuterontclairementlesélecteurs
modérés.S’ilestvucommeunvoteperdantface
àHillaryClinton,lesrépublicainssedéporteront
peut-êtreversunchoixmoinsrisqué.
Lamedefond.Quelquesoitlerésultat,le
populismedeTrumplaisseranécessairement
unetracedurable,quiseraundéfipourle
Partirépublicain.Commentsonsuccèsactuel
a-t-ilpu,àcepoint,déjouerlespronosticsdes
experts ?Commentyrépondre ?LesAméricains
nesontpasseulsàêtredésemparés.EnFrance,
qu’unsuccèsélectoraldeMarineLePensoit
toujoursqualifiéde« choc »alorsqueleFNest
arrivéentêteauxeuropéennesde2014etque
lessondagesledonnaientgagnanteststupé-
fiant.
Naturellementlacomparaisonaseslimites
etlescontextesnationauxsontdifférents :
questiondurôledel’argentdansleprocessus
électoralauxEtats-Unis,enjeuxeuropéensen
France.MaisTrump,commeMarineLePenet
lesautresdirigeantspopulisteseuropéensde
droiteetdegauche,sontlesreprésentantsd’une
lamedefondcroissantecontrelesinstitutions
denosdémocratieslibérales.Ilsexploitentun
videpolitique.Danslesdeuxpays,lessondages
montrentunedéfiancecroissantevis-à-visdes
élites.L’absencederenouvellementrenforce
cedésamour.AuxEtats-Unis,lacampagnese
dirigeaitinitialementversunnouveauduel(Jeb)
Bush-(Hillary)Clinton ;enFranceonprépareun
remakede2012.
AuxEtats-Unis,lapopulationexprimeson
rejetd’unCongrèsbloquéparlesmanœuvres
partisanesetleslobbys,culminantdansle
fameux« shutdown »desinstitutionsd’octobre
2013.EnFrance,combiendegouvernements
successifsontéchouéàréformerlepays,son
marchédutravailrigide,sesuniversitéspeu
compétitives,àpréparerlesystèmeauxdéfisde
lamondialisation ?Quid’ailleursimagineque
legouvernementactuelrépondraàlavagueFN
avecdevraiesréformesstructurelles ?
Lespopulistess’emparentdecette
démissiondupolitiqueetdictentledébat
endestermesdangereux.Ilsdéplacentla
conversationversl’angoisseidentitairejouant
Trump,LePenetladémissiondupolitique
surunsentimentdepertedecontrôle.Faceaux
transformationsquinousentourent,lesmêmes
boucsémissairespourTrumpetLePen :immi-
grésetminorités.Ilsadoptentdesméthodeset
ciblessimilaires,attaquant« l’establishment »
etsespiliersquesontlespartisdesdeuxbords
(« UMPS »)etlesmédias.
QueLePenetTrumpsoientmoinsconserva-
teurssurlesquestionsdemœursounettement
moinslibérauxsurl’économiequeleursconcur-
rentsn’estpaslesujet.Ilsrejettentl’existence
d’unclivagedroite-gauchequiseraitune
supercheried’uneéliteconnivente.Ils’agitde
reprendrelepouvoiràBruxelles,Washington,
au« système ».QueTrumpsoitunmilliardaire
new-yorkais,MarineLePenl’héritièred’unparti
népotiste,impliquédansdesaffairesd’abusde
bienssociauxetd’escroquerie,importepeu.Ils
luttentcontrela« bien-pensance »,le« politique-
mentcorrect »,armesd’uneélitedéconnectée
pournierlaréalitédesproblèmesquotidiens
desélecteurs.Al’heuredesréseauxsociauxet
médiasencontinu,ilsincarnentlarecherche
d’authenticitéfaceauxélémentsdelangage
ternesetprévisibles.
Ledénioul’indignationnefonctionnent
plus.Seconvaincrequ’ilnes’agitqued’un
votedecontestationéphémèreoudufruitde
l’abstentionetdeladispersiondesvoixrelève
dudéni.Mépriserouculpabiliser,aveccondes-
cendance,lesélecteursafaitlongfeu.Notre
impuissanceàprévoiretrépondreauxsuccès
desTrumpetLePenestlerefletdenotrefaillite
àoffrirunealternativepolitiqueàleurmessage.
BenjaminHaddadestchercheurauHudson
InstituteàWashington.Ilaenseignélesquestions
internationalesàSciencesPoParis.
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FLUIDIFIER L’ORGANISATION DE
VOS CONSEILS D’ADMINISTRATION
L’Europesuspendue auscore duFN
« Jevaispourrirla
viedu gouvernement
à chaqueminute
dechaquejourde
chaquesemaine »,
assureMarineLePen
FlorianPhilippot :
« Monprogramme
plaîttellementqu’ils
lecaricaturent.
Jesuistoutletemps
obligéderépondre »
BenjaminHaddad
4 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015
Calendrier
La compétition censée désigner le candidat
de la droite et du centre à l’Elysée est fixée au
20 et 27 novembre 2016. Mais ce calendrier
tardif commence à être contesté au sein des
Républicains. « C’est un débat qui mérite
d’être posé », estime Christian Jacob. Il sera
sur la table dès lundi lors du bureau poli-
tique du parti de Nicolas Sarkozy consa-
cré au second tour des élections régionales.  
Ludovic Vigogne
Quecelui-cisoitunsuccèsouunedéception,
au lendemain du second tour des élections ré-
gionales, ce sera le grand débat qui se posera à
droite : faut-il avancer la primaire et l’organiser
avant l’été ? L’élection dont sortira le champion
de la droite et du centre pour l’élection prési-
dentielle de 2017 est pour l’instant program-
mée les 20 et 27 novembre 2016.
AuseindesRépublicains,ilssontdeplusen
plus nombreux à s’interroger sur ce calendrier
tardif. L’opposition peut-elle vivre encore un
an sans chef ? Peut-elle se déchirer sur la place
publique, avec le degré de violence dont elle a
le secret, pendant douze mois, sans en sortir
très affaiblie ? « Face à Marine Le Pen, la droite
a besoin d’un patron vite. Elle ne peut pas se
permettre un an de débats internes. Ils ne
peuvent pas garder la primaire en novembre »,
avance même un ministre, au Figaro Magazine
qui évoque l’hypothèse.
Jeudi, sur LCP, Christian Jacob a mis les
pieds dans le plat. « S’il y a une possibilité
d’avancer la primaire et que cette position est
consensuelle, je crois que c’est un débat qui
mérite d’être posé. Mais ça ne peut se faire que
de manière consensuelle et si c’est possible
techniquement […]. La force aujourd’hui de la
droite, c’est que nous n’avons pas ce qu’il y a à
gauche, cette fracture idéologique », a jugé le
président des députés LR. A l’Assemblée natio-
nale, il a commencé à sonder ses collègues. «
Les parlementaires sont plutôt pour, confie-t-
il à l’Opinion. Si tu la fais avant l’été, tu fais le
campus des jeunes et les journées parlemen-
taires à la rentrée avec un candidat. Sinon, tu
auras un candidat après les vœux. » Et d’ajou-
ter un dernier argument : « Notre électorat
aime l’ordre. »
Eric Ciotti est aussi partisan de cette solu-
tion. Le député LR des Alpes-Maritimes pré-
pare une initiative afin de la promouvoir pour
la semaine prochaine. « La primaire est une
obligation, déclare-t-il à l’Opinion. Mais on
n’est pas obligé d’en conjuguer tous les incon-
vénients. Sa logique, c’est de pousser chacun
à se distinguer. Je n’imagine pas que l’on vive
dans ce climat pendant un an. Il faut donc au
plus vite purger ce débat et l’organiser avant
l’été. »
Selon nos informations, Gérard Longuet a
aussi prévu d’intervenir lundi lors du bureau
politique des Républicains pour plaider en ce
sens. « Nous avons un problème de leadership,
dit le sénateur LR de la Meuse. Il faut le régler.
Une victoire dans une primaire ripolinera à
neuf le visage de la droite. »
S’il n’en est pas à l’initiative, Nicolas Sar-
kozy, qui a vécu un entre-deux tours difficile,
n’est pas insensible à ce scénario. Son entou-
rage fait savoir que le président des Républi-
cains ne demande rien. Mais
l’ancien chef de l’Etat a com-
mencé à tester l’idée devant
quelques responsables de sa
famille.
Elle comporte néanmoins
un inconvénient. Alors qu’au-
tour de lui, rien n’est prêt pour
la primaire, il devrait quitter
la rue de Vaugirard, très vite,
au plus tard au début du prin-
temps (les statuts exigent que
le président du parti ait aban-
donné ses fonctions plus de
trois mois avant l’élection).
Parmi les adversaires et
candidats déjà déclarés à la pri-
maire, le discours est partagé.
Directeur de campagne d’Alain Juppé, Gilles
Boyer rappelle qu’initialement le maire de
Bordeaux avait proposé de tenir le vote avant
l’été, avant de se rallier à la proposition des
autres camps qui réclamaient un calendrier
plus tardif. Il précise : « Si c’est pour revenir
sur les conditions d’organisation et faire une
primaire avec 300 000 participants dans les
permanences des Républicains, c’est non. Si
c’est en revanche faisable dans les conditions
qui ont été définies, pourquoi pas ? Je préfère
tard mais bien plutôt que tôt et mal. Mais tôt et
bien, ce n’est pas inintéressant. »
François Fillon est lui plutôt réservé. De-
puis quelques semaines, le député de Paris
soupçonne Nicolas Sarkozy de fomenter un
mauvais coup sur la primaire pour l’après ré-
gionales. Le refus est en revanche net du côté
de Bruno Le Maire. « C’est non. Il y a quinze
jours, on nous disait que la primaire serait
impossible à organiser en dix mois selon les
conditions fixées et maintenant on veut l’avan-
cer ! rétorque un des proches du député LR
de l’Eure. C’est une manœuvre des tenants
du vieux système pour tenter de conserver le
pouvoir. Une telle bidouille pour répondre à
la crise politique que nous vivons n’est pas à la
hauteur des enjeux. »
Un des principaux organisateurs de l’élec-
tion est lui catégorique. « C’est n’importe quoi,
dit-il. Il est impossible de l’organiser dans de
bonnes conditions avant l’été. » Cela suffira-t-il
à clore le débat ? Ou celui-ci, succédant à nom-
breux autres sur le nombre et la répartition des
bureaux de vote ou sur les conditions de finan-
cement du scrutin, décidera-t-il un candidat à
sortir du processus de la primaire et à se pré-
senterdirectementaupremiertourdel’Elysée ?
@LVigogne t
Faut-ilavancerlaprimaire
deladroiteetducentre ?
Ceseralagrandequestionaulendemain
desrégionales.ChristianJacob,EricCiotti
ouencoreGérardLonguetysontfavorables
« Jepréfèretardmais
bienplutôtque tôtet
mal.Maistôtetbien,ce
n’estpasinintéressant. »
GillesBoyer,directeurde
campagned’AlainJuppé
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J’attendais Valls, lundi matin, tout en
lisant la presse, quand mon téléphone
s’est mis à vibrer. Ou plutôt, soyons
précis, quand l’un de mes téléphones
s’est mis à vibrer. Celui-là, les journalistes
le connaissent par cœur : 06 32… J’avais
déjà ce numéro lorsque j’étais premier
secrétaire. Je l’ai conservé depuis. Je
n’irais pas jusqu’à dire que c’est ma
ligne privée. C’est en tout cas celle que
je maintiens contre vents et marées avec
tous ceux qui écrivent des horreurs sur
mon compte et m’assurent en même
temps, lorsque je les rencontre, de leur
sollicitude et même, souvent, de leur
amitié. Passons…
Lundi matin, donc, j’ai reçu un texto
qu’il m’a suffi de lire pour en deviner
l’auteur. « L’urgence est là. Tu dois me
voir. » Pas de signature. Encore moins de
formule de politesse. Les convocations de
ce genre, je n’en reçois pas souvent. C’est
d’ailleurs pour cela que j’en ai su aussitôt
l’origine. Edwy, pardi !
Je n’ai pas répondu tout de suite.
D’abord parce que je n’aime pas qu’on
me siffle après m’avoir si longtemps
battu froid. Ensuite, parce que Manuel
venait de s’asseoir face à moi et que je
me voyais mal répondre au procureur
de Mediapart devant un homme qui est,
selon lui, la réincarnation de Guy Mollet.
Enfin et surtout, j’avais besoin de réfléchir
tranquillement à l’objet exact de cette
soudaine mise en demeure.
Edwy, je le connais comme ma poche.
Tellement lisible et pourtant imprévisible.
Un brin radoteur, rarement sympathique,
toujours grandiloquent, même dans les
petites choses. Un jour Péguy, l’autre
Trotski, entre leçon de morale et cours de
stratégie politique. Depuis le temps qu’on
se fréquente… Trente ans déjà ! Quand il
était le premier flic du Monde puis quand
il est devenu, avec Colombani et Minc, le
chef d’orchestre si peu clandestin de notre
brave quotidien du soir, Edwy aimait venir
boire un verre avec moi, au bar du Lutécia.
On parlait. On échangeait des infos.
C’est d’ailleurs comme ça qu’on a fini par
écrire un livre ensemble, en 2006. Il me
posait des questions plus longues que mes
réponses. J’avais trouvé le titre : « Devoir
de vérité » – sans rire. Lui avait imposé
l’éditeur : Stock, bien entendu, pour
rester en famille. Il avait surtout tenu à ce
que cette longue interview soit qualifiée
de « dialogue ». En toute modestie
journalistique…
Que me voulait-il, à nouveau ? Me
parler de la TVA pour la presse en ligne
et du redressement fiscal que vient de lui
infliger Bercy ? Difficile à croire, d’autant
qu’il y a belle lurette que son avocat, qui
est aussi le mien, m’a transmis le dossier.
Me signaler à l’avance les turpitudes d’un
de mes ministres, comme du temps de
Cahuzac ? Si c’était le cas, j’avais plutôt
intérêt à ne pas bouger une oreille.
Il fallait donc aller au plus simple.
Si Edwy voulait me voir en urgence,
au lendemain du premier tour des
régionales, c’est que l’urgence était
précisément celle de l’actualité la plus
chaude. « Quand le blé est sous la grêle,
fou qui fait le délicat », comme disait
l’autre. J’ai répondu par texto sur un mode
un peu pète-sec qui me semblait convenir
à la situation : « Mercredi, 21 heures, dans
mon bureau. » J’ai failli ajouter : « Tenue de
camouflage obligatoire. » Je me suis retenu
de justesse et, au fond j’ai bien fait.
Je dis ça parce que la tenue de
camouflage, Edwy l’a enfilée tout seul.
Au jour et à l’heure dite, l’huissier, qui
en a pourtant vu d’autres, l’a introduit
dans mon bureau avec une mine étonnée.
Costume noir, chemise noire, moustache
noire, regard noir : sur le coup, j’ai cru
qu’Edwy s’était barbouillé le visage de
charbon de bois pour qu’on le remarque
moins, en cette soirée de décembre.
– Ça va ?
– Non.
–Tu voulais me voir ?
– Oui.
– Tu avais des choses à me dire
– Nous sommes requis !
Dis comme ça… Avant que j’aie eu
le temps de lui répondre, Edwy avait
déjà plongé le nez dans son cartable.
Il en a sorti un livre qu’il s’est mis à me
lire d’une voix tremblante d’émotion :
« La France est à la merci d’un accident
historique : l’élection à la présidence de
la République, en 2017 de la dirigeante
d’extrême droite, Marine Le Pen. Il ne
s’agit là ni de pronostic, ni de prévision,
encore moins d’un pari. Simplement
d’une analyse froide de l’ampleur sans
précédent de la crise de la représentation
politique et… » Là, je l’ai coupé : « Je sais.
Camba me dit la même chose. » Cette
remarque, je le confesse, n’était pas
charitable vu la détestation que se vouent
ces deux enfants de Léon.
Edwy a pris son air de musaraigne. «
Sauf que ces phrases, à Mediapart, nous
les avons écrites il y a tout juste un an dans
un ouvrage – Qu’ont-ils fait de nos espoirs
–qu’une fois encore, tu n’as pas voulu lire.
» J’allais lui répondre qu’en effet, ça n’était
pas nécessaire puisqu’il répétait toujours
la même chose, quand, à ma grande
stupeur, Edwy s’est levé pour me tendre la
main : « Arrêtons ces querelles stupides.
Soyons à la hauteur. Tu es pragmatique, je
suis radical. Construisons une radicalité
pragmatique. Vire Valls et la République
revivra, à gauche. »
Pardon de rabaisser le débat, mais
dans les yeux embués de mon vieux
camarade, j’ai vu soudain s’esquisser la
formule de ma réélection en 2017. Oh, bien
sûr, je ne l’ai pas dit comme ça. Je n’allais
quand même pas casser l’ambiance !
D’autant qu’Edwy, dans son élan, avait
déjà replongé dans son cartable. « Tu
connais, j’imagine, Hemingway ? ». Et puis
quoi encore… Imperturbable, il a alors
déclamé : « Aucun homme n’est une île,
un tout complet en soi. Tout homme est
une partie de l’ensemble. Aussi n’envoie
jamais demander pour qui sonne le glas.
C’est pour toi qu’il sonne. »
Il était 22 heures. C’était l’heure de
nous quitter. Une pendule s’est mise à
sonner. Les pendules de l’Elysée ne seront
jamais à la hauteur d’Edwy.
@LesCarnetsFH t
Derrière les initiales F.H. se cache un fin
observateur de la gauche française, assez
introduit dans l’entourage présidentiel pour
ne rien ignorer (ou presque) de ce qui se
trame dans le bureau du chef de l’Etat. Et qui,
pour avoir suivi depuis de longues années
François Hollande, est un fin analyste de la
psychologie présidentielle.
Palaisdel’Elysée
F.H.
Pour uneradicalité
pragmatique
Edwy Plenel :
« Arrêtonscesquerelles
stupides.Soyons
àlahauteur.Tues
pragmatique,jesuis
radical.Construisons
uneradicalité
pragmatique.Vire
VallsetlaRépublique
revivra,àgauche »
NicolasSarkozy n’est pas
insensible à un scénario
de primaire avancée.
Reuters
vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 5
Brainstorm
Après un bon deuxième trimestre, l’éco-
nomie a arrêté de créer des emplois au
troisième trimestre dans le secteur mar-
chand, comme le montre l’Insee jeudi (900
emplois nets détruits en trois mois, contre
28 000 créés entre avril et juin).
Fanny Guinochet
Manuel Valls ne décolère pas des mauvais
résultats de la France sur le front du chômage.
Les livraisons de ses derniers jours ont de quoi
mettre le moral à zéro du Premier ministre.
Après les 42 000 inscrits supplémentaires à
Pôle emploi en octobre, puis les statistiques de
l’Insee de la semaine dernière portant le taux
de chômage à 10,6 % - son niveau le plus haut
depuis 1997 -, voici maintenant le coup de frein
sur la création d’emplois marchands au 3e
tri-
mestre…
Aussi, le premier ministre a-t-il demandé
à ses équipes de mettre toutes les pistes sur la
table. Le benchmark avec les voisins bat son
plein. Tout y passe, pour créer une sorte de
« Jobs act » à la française, comme l’a fait Mat-
teo Renzi en Italie : du « CDD intérim » multire-
nouvelable à l’extension de contrats de projets,
en passant par le renforcement des contrats
aidés. L’objectif : mener une guerre frontale
contre le chômage et en particulier le chômage
de longue durée et celui des jeunes.
La future loi Travail de la ministre Myriam
El Khomri, si elle ambitionne de lever quelques
verrous, reste un peu trop théorique au goût
de Manuel Valls. Robert Badinter doit livrer
son rapport préparatoire le 15 janvier mais le
gouvernement a conscience que la réécriture
du Code prendra du temps. Aussi cherche-t-il
à accélérer le mouvement. D’autant que patro-
nat et syndicats le pressent d’agir sur quelques
sujets, comme la relance de l’apprentissage ou
l’exonération des charges pour des emplois à
destination des plus éloignés du marché du
travail.
Laurent Berger, à la CFDT, demande que
« l’emploidesjeunessoitunecausenationale »,
quand Pierre Gattaz réclame « un plan d’ur-
gence contre le chômage de masse ». « C’est un
scandale, un fléau, je demande qu’il y ait une
sorte de plan Marshall, un Grenelle, un élec-
trochoc, tout ce que vous voulez », a martelé le
patron du Medef sur RTL le 8 décembre. Et de
parier sur le fait que « ça peut être fait avec tous
les partis politiques, avec tous les partenaires
sociaux ». À l’image de la loi « zéro chômage »
du député PS, Laurent Grandguillaume, adop-
tée à l’unanimité, dans la nuit de mercredi ?
« Tout le monde a voté pour, du Front de
Gauche aux Républicains, se félicite le député
de Côte d’Or, c’est du jamais vu pour une loi
sociale ! » Les deux députés FN étaient absents
lors du vote de ce texte qui prévoit l’expéri-
mentation dans une dizaine de territoires de la
création de CDI pour des chômeurs de longue
durée dans des emplois dits d’utilité publique.
Bénéficiant de la procédure d’urgence, cette
loi est inscrite au Sénat le 15 janvier, et pour-
rait servir de véhicule législatif pour faire
passer quelques mesures chocs sur lesquelles
planche Matignon. Seule réserve, que les su-
jets ne soient pas trop éloignés de ce texte, sans
quoi le Conseil constitutionnel considérera
que ce sont des cavaliers législatifs.
Surtout, les dispositifs envisagés risquent
d’être moins consensuels. « Car il faut déblo-
quer le marché du travail tout en expliquant
que cela ne se fera pas contre les chômeurs »,
poursuit un proche du dossier. La sécurisa-
tion du contrat de travail devrait y figurer, et
notamment le plafonnement des indemni-
tés prud’homales, si cher au patronat. Pré-
vue dans la loi Macron 1, mais retoquée par
le Conseil constitutionnel, cette disposition
pourrait réapparaître.
Matignon n’exclut aucun scénario, y com-
pris de profiter de cette période si particulière
de l’état d’urgence, et d’en passer par une loi
spécifique dès janvier. L’Élysée semble moins
pressé. Reconnaissant que « la situation de
l’emploi est moins détendue qu’espérée », l’en-
tourage du chef de l’État insiste surtout sur les
deux lois en cours, la loi Travail et la loi Macron
2, dite « Noé ».
@fannyguinochet t
Faceauchômage,legouvernementplanche
surun« JobsAct »àlafrançaise
LamontéeduchômagepousseMatignonàaccélérerlaréformedumarchédutravail.
Ilenvisageraituneloipouracterdesmesureschocsenfaveurdel’emploi
« Ils acceptent une moins grande sécurité
dans le travail. Cette flexibilité leur permet
d’entrer plus facilement dans la vie active. »
Pour Sami Rahal, directeur des ressources
humaines chez Deloitte, les jeunes qui ar-
rivent sur le marché de l’emploi tendent à
plus de réalisme. C’est l’une des tendances
qui ressort du nouveau baromètre  sur l’hu-
meur des jeunes diplômés, présenté ce jeudi.
Une étude menée courant novembre auprès
d’un millier de répondants, oscillant entre
un niveau Bac et Bac +5, sur le marché du tra-
vail depuis moins de trois ans. Une tranche
de la population dont la situation profession-
nelle semble s’améliorer sensiblement : selon
l’étude, 70 % sont en poste contre un sur deux
en 2014.
Pour atteindre ce nouveau taux et intégrer
le marché de l’emploi, ces jeunes ont accepté
de rogner certains « acquis » de leurs aînés.
63 % se prononcent ainsi pour la suppression
des 35 heures. Plus de 50 % sont favorables à
la baisse du montant des allocations chômage
après six mois. « On constate une évolution
assez majeure de la perception du marché du
travail par ces jeunes », a commenté de son
côté Frédéric Micheau, directeur du dépar-
tement opinion chez OpinionWay. La moi-
tié accepterait la mise en place d’un contrat
de travail unique en remplacement du CDD
ou  CDI.  « C’est quelque chose que l’on n’ob-
servait pas il y a trois ans », ajoute-t-il.
Des postulants à la vie active conciliants
donc, et qui se prennent en main : parmi ceux
en poste, 25 % ont trouvé leur emploi via leur
réseau. « Ils ont conscience de l’importance
de cet outil dans la recherche de poste »,
pointe Sami Rahal, soulignant par ailleurs
que 10 % des diplômés ont trouvé leur travail
grâce aux réseaux sociaux professionnels,
tels LinkedIn ou Viadeo.
Les auteurs de l’enquête tiennent éga-
lement à souligner une augmentation cu-
rieuse : celle du nombre de sondés considé-
rant les diplômes inutiles dans la recherche
d’emploi. Ils n’étaient que 13 % à le penser en
janvier 2014, contre 22 % aujourd’hui. Plus
précisément, cet avis est partagé aujourd’hui
par 17 % de ceux qui sortent des grandes
écoles, « une proportion élevée », estime
Sami Rahal, soulignant que les directeurs de
ressources humaines, également question-
nés dans le cadre de l’étude, sont près de 70 %
à affirmer, au contraire, que les diplômes faci-
litent la signature d’un contrat de travail.
Des jeunes bousculés par la crise,
conscients du caractère très mouvant du
monde de l’emploi et qui revoient leurs pers-
pectives professionnelles en conséquence :
près de 20 % de ceux en poste ne savent pas
où ils seront d’ici deux ans, un sur cinq par-
vient à se projeter sur dix ans.
S’ils se contentent d’une vision à plus
court terme, ces nouveaux actifs gardent ce-
pendant un certain traditionalisme dans leur
rapport au travail : « La disparition du pro-
fil salarié au profit d’autres statuts propres
aux freelancers, comme celui d’autoentre-
preneur, ne séduit que 39 % des personnes
interrogées, » a souligné Géraldine Segond,
directrice adjointe des ressources humaines
chez Deloitte. Parallèlement, 6 % des sondés
imaginent se lancer dans l’entrepreneuriat.
« C’est moins que ce que certains pourraient
penser », a insisté Sami Rahal.
Des données à contre-courant donc de
l’image assez largement diffusée d’une géné-
ration Y focalisée sur l’écosystème des jeunes
pousses.
Un univers dont les codes restent cepen-
dant attractifs et tendent à dépeindre sur les
acteurs économiques plus installés. « Les
caractéristiques recherchées au sein des
start-up, telles l’ambiance de travail ou l’équi-
libre entre vies privée et professionnelle, se
retrouvent de plus en plus au sein d’entre-
prises établies qui ont dû s’adapter », conclut
Géraldine Segond.
Claire Bauchart
@clairebauchart t
Lenumérique
déconnecte
croissance
et emploi
Lesjeunesdiplômésacceptentplus
deflexibilitépourtrouverunjob
Durant la première moitié de son quin-
quennat, François Hollande s’est heurté de
plein fouet à la courbe de Laffer : « Trop d’im-
pôt tue l’impôt ». Durant la seconde moitié, il
risque de faire connaissance avec les subtilités
de la courbe de Beveridge. À première vue,
cette dernière est pourtant d’une grande
simplicité : plus il y a d’emplois disponibles sur
le marché, moins il y a de chômeurs. Sauf qu’il
ne suffit pas de se promener le long de cette
courbe pour la comprendre.
La particularité de la courbe de Beveridge
est en effet de se déplacer dans l’espace. De
sorte qu’un jour donné, il peut y avoir autant
d’offres d’emploi disponibles que le jour
précédent mais deux fois plus de chômeurs !
Ceci parce que les nouveaux métiers proposés
ne correspondent plus aux qualifications des
chômeurs. Beveridge est l’économiste qui a
modélisé la notion de chômage structurel…
Les chiffres trimestriels de l’emploi publiés
par l’Insee jeudi rappellent avec acuité com-
bien cette problématique se pose aujourd’hui
à la France. Sur un an (à fin septembre 2015),
l’industrie française a détruit 42 000 emplois
et le bâtiment 45 000. À l’inverse, le tertiaire
en a créé 124 000, parmi lesquels 49 000 dans
l’intérim. Cela représente une hausse de 1,1 %
de l’emploi dans le secteur tertiaire marchand
et de 9,5 % dans l’intérim.
Les optimistes voient souvent dans le
rebond de l’intérim les signes avant-coureurs
d’une reprise de l’emploi durable. Cette fois-
ci, pourtant, l’ampleur du phénomène inter-
pelle. Il est à mettre en lien avec la précarisa-
tion globale du marché de l’emploi, marqué
également par l’envolée des contrats courts,
voire très courts. Plus qu’un attentisme de la
part d’entrepreneurs qui attendent de voir
la reprise se concrétiser avant d’embaucher,
ces phénomènes traduisent une modification
structurelle du marché de l’emploi.
Mutationdouloureuse. « On assiste à
une révolution profonde dans le monde du
travail dont personne, parmi les responsables
politiques, n’a pris conscience, explique un
haut responsable patronal. Quand vous leur
parlez numérisation, ils répondent que cela
va permettre d’améliorer la productivité de
l’administration. Mais ils ne comprennent pas
du tout le choc que cela provoque sur l’écono-
mie réelle ». Le plus dur est probablement à
venir : des secteurs traditionnellement créa-
teurs d’emplois dans les années 1990 et 2000,
comme la distribution ou la banque, ne le sont
plus et pourraient au contraire représenter
des bataillons de nouveaux chômeurs dans les
prochaines années.
Les études prévenant de l’ampleur du
phénomène se sont multipliées au cours des
deux dernières années. La dernière en date – A
Transforming World, publiée en novembre par
Bank of America Merrill Lynch – fait froid dans
le dos. Sur 300 pages, les économistes améri-
cains démontrent qu’avec la robotisation (au
sens large) de l’économie, ce sont un tiers des
emplois actuels en Grande-Bretagne et 47 % de
ceux aux Etats-Unis qui disparaîtront dans les
prochaines années. Ils seront certes remplacés
par de nouveaux métiers mais cela impliquera
une douloureuse mutation pour nombre de
salariés.
La France n’échappera pas à ces pro-
blématiques. Le réflexe traditionnel de nos
responsables politiques, qui consiste à croire
qu’une reprise de la croissance suffira à faire
baisser fortement le chômage, pourrait donc
être battu en brèche. « La bonne réaction
consisterait à admettre la nécessité de passer
par une étape de destruction des emplois
existants avant une reprise saine, poursuit ce
patron proche du Medef. Mais aujourd’hui,
aucun responsable politique n’est capable
de porter un discours aussi courageux et
réaliste ».
 Cyrille Lachèvre
@CyrilleLachevre t
Selonlebaromètre,
63 %desjeunesse
prononcentpour
lasuppressiondes
35 heures.Plusde50 %
sontfavorablesàla
baissedumontantdes
allocationschômage
aprèssixmois
LafutureloiTravailde
MyriamElKhomri,si
elleambitionnedelever
quelquesverrous,reste
unpeutropthéorique
au goûtdeManuelValls
6 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015
Financespubliques
Les députés clôtureront dans la nuit de ven-
dredi à samedi l’examen du projet de loi de
finances (PLF) pour 2016. Les sénateurs en
feront de même avec le projet de loi de fi-
nances rectificatives (PLFR) pour 2015. Sécu-
rité, emploi, guichets sociaux… Les hausses
de dépenses ont entraîné d’importants
transferts de crédits en fin d’année, no-
tamment sur l’écologie ou la recherche.
Raphaël Legendre
Dernière ligne droite pour le marathon bud-
gétaire.Aprèsdeuxmoisd’examen,plusde1 700
amendements déposés à l’Assemblée nationale
et au Sénat et près de deux cents articles au final
contre 64 au départ, les députés vont clôturer
dans la nuit de vendredi à samedi l’examen en
nouvellelectureduprojetdeloidefinancespour
2016. Les sénateurs en feront de même avec le
projet de loi de finances rectificative qui, entre
ledébutetlafindel’examenàl’Assembléenatio-
nale, est passé de 43 à 110 articles, avec près de
1 000amendementsdéposés.
Cette inflation législative aurait pu faire
craindre un dérapage des recettes comme des
dépenses. Les deux textes tiennent pourtant la
trajectoiredudéficitpublic(3,8 %en2015et3,3 %
en 2016) et les principaux agrégats budgétaires.
Le taux de prélèvements obligatoires devrait
ainsi passer de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,6 % en
2015, puis 44,5 % en 2016. Le taux de dépenses
publiques reculera de 56,4 % du PIB en 2014 à
55,8 %en2015puis55,1 %en2016.
Cette apparente stabilité ne signifie pas pour
autant que les lignes n’ont pas bougé. Bien au
contraire. Suite aux attentats de janvier et de
novembre, le gouvernement a dégagé 600 mil-
lions d’euros de moyens supplémentaires pour
la sécurité intérieure en 2015, et 800 millions
en 2016. Les opérations extérieures ont coûté
650 millions d’euros de plus que prévu cette an-
née. Sur le quinquennat, plus de 30 000 postes
seront sauvegardés ou créés dans l’armée,
10 000 seront créés dans la police et la gendar-
merie, 2 500 dans l’administration pénitentiaire
etjudiciaireetplusde1 000postesdedouaniers.
Mais ces dépenses régaliennes ne sont pas
les seules à exploser. La politique de l’emploi a
également coûté beaucoup plus cher que prévu
cette année (créations de 478 000 emplois aidés
contre 365 000 prévus originellement, pour un
surcoût de 640 millions d’euros), tout comme
l’hébergement d’urgence (+224 millions par rap-
port à l’enveloppe originale). Aide médicale de
l’Etat,allocationadultehandicapé,aidesauloge-
ment ou RSA Activité : les guichets sociaux sont
euxaussienconstantdérapage.
Pour financer tout cela tout en respectant la
norme de dépense, et alors que les rentrées fis-
cales se heurtent à un plafond de verre et qu’il
est devenu quasiment impossible d’augmenter
lesimpôts,legouvernementadûopérerencette
fin d’année des redéploiements massifs de cré-
dits entre les missions de l’Etat. Des centaines et
des centaines de millions d’euros de crédits ont
été annulés, principalement sur les missions
« Écologie » (–600 millions d’euros), « Recherche
et enseignement supérieur » (–400 millions) ou
« Aide publique au développement » (–110 mil-
lions).
Et encore, le rabot aurait pu être beaucoup
plus violent. Car par chance, le gouvernement a
bénéficié cette année encore d’éléments excep-
tionnels pour boucler son budget : 2 milliards
d’euros d’économies sur les intérêts de la dette
grâce aux taux bas et un milliard sur la partici-
pation du budget européen. Sans ces trois mil-
liards, l’objectif de réduction du déficit n’aurait
pasétérespecté.
Au final, plus de six milliards d’euros de
transferts ont été inscrits dans le schéma de fin
de gestion pour 2015, contre 2 milliards tradi-
tionnellement. Un signe supplémentaire que la
politiquedurabotestarrivéeàboutdesouffle.
Défidelamaîtrisedesdépenses. « Le véri-
table défi auquel nous sommes confrontés est
celui de la maîtrise des dépenses. Le collectif
budgétaire démontre parfaitement [...] cette évi-
dence que nous sommes au bout du bout en ma-
tière de régulation budgétaire et d’utilisation du
rabot »,aainsirappeléilyaquelquesjourslepré-
sident (LR) de la commission des finances Gilles
Carrez au pupitre de l’Assemblée nationale. « Il y
a trente ans, les dépenses de justice, de sécurité
et de défense représentaient en points de PIB le
doubledecequ’ellessontaujourd’hui.Alorsque
nous ne pouvons plus augmenter les 1 250 mil-
liards d’euros de dépenses publiques, le défi va
être de redéployer vers ces missions régaliennes
unepartiedes670 milliardsd’eurosdetransferts
sociaux », a ajouté le président de la commission
desfinances.
Pour cela, il va falloir davantage travailler
sur l’efficacité des politiques publiques. « Le
milliard d’euros dépensés en contrats aidés a-t-il
empêché le chômage de progresser de 42 000
personnes en octobre ? La non-dégressivité des
allocations-chômage (21 milliards de déficit sur
l’Unedic) joue-t-elle en faveur ou au détriment
de l’emploi ? Le filet extrêmement resserré de
l’assistancejoue-t-ilenfaveurdelacroissanceou
ne la pénalise-t-elle pas parfois ? », s’est interrogé
le député. Des questions auxquelles ni le PLF, ni
le PLFR, qui seront définitivement votés jeudi,
nerépondentmalheureusement.
@LEGENRAt
Budget:unegestionaurabot
àboutdesouffle
PLFetPLFRserontdéfinitivementvotés
jeudiprochainauparlement,clôturantdeux
moisdemarathonbudgétaire
Départ
Dimanche soir, alors que les résultats du
premier tour des élections régionales
étaient à peine tombés, Jean-Christophe
Fromantin a décidé de quitter l’UDI, sans
bruit ni fracas. Mais convaincu que son
avenir politique est ailleurs que dans
cette formation centriste. Il met en place
un maillage territorial pour présenter 577
candidats aux élections législatives de
juin 2017.
Caroline Vigoureux
Comme beaucoup de Français dimanche der-
nier, il a suivi le premier tour des élections ré-
gionales devant son poste de télévision. Depuis
son vaste bureau de la mairie de Neuilly-sur-
Seine, le député a vu défiler les responsables
politiques sur les plateaux télé pour tenter
de trouver une explication à la déferlante FN.
La gauche expliquait qu’il fallait voter pour
la droite quand la droite assurait au contraire
qu’il fallait se maintenir quoi qu’il arrive. «
C’était pitoyable, indécent. Ils sont dans un
déni de réalité et ne prennent pas la mesure
du problème », constate Jean-Christophe Fro-
mantin.
L’édile francilien a regardé Jean-Chris-
tophe Lagarde, le président de l’UDI, défendre
le front républicain. « Ces stratégies nationales
n’ont aucun sens. Le front républicain, c’est re-
connaître que toutes les décisions se prennent
d’en haut quel que soit l’intérêt de la région.
Laissons les candidats faire ce qu’ils veulent ! »
Ce désaccord était celui de trop. Dans
les minutes qui ont suivi, il a publié un tweet
renvoyant sur son blog. Un texte de quelques
lignes pour expliquer les raisons de son dé-
part. En pleine soirée électorale, sa décision
est passée presque inaperçue. Tant pis pour le
timing. « Je ne voulais pas faire un coup », jus-
tifie-t-il. Sur Twitter, Jean-Christophe Lagarde,
lui a répondu froidement. « Vous n’y étiez déjà
plus et n’avez payé qu’1 seule fois votre cotisa-
tion, 1 mois avant d’être candidat à la Pdce…
Bon vent ! ».
Il a failli renchérir mais n’a finalement rien
écrit. « Lagarde a prouvé qu’il avait davantage
une vision comptable qu’une vision pour la
France. Ces attaques me passent au-dessus de
la tête. »
Cela faisait déjà plusieurs mois que Jean-
Christophe Fromantin envisageait de rompre
avec le parti dont il avait brigué la présidence
en novembre 2014. « Jean-Christophe voulait
quitter l’UDI depuis belle lurette. Il profite
du moment », estime Hervé Morin, membre
de la formation centriste. Mardi 1er 
décembre,
lors de la réunion hebdomadaire des députés
UDI, le maire de Neuilly s’était accroché avec
le président du groupe, Philippe Vigier, quand
le sujet des élections régionales était venu dans
les discussions.
« J’avais l’intuition que nous assisterions di-
manche à l’écroulement du système politique
en direct. Tout part en vrille, ça n’a plus aucun
sens. Je ne veux pas être avec ceux qui vont se
fracasser sur le mur de cette crise », confie-t-il.
Combat à Neuilly-sur-Seine. A peine parti
Jean-Christophe Fromantin a déjà son projet
en tête : présenter 577 candidats aux élections
législatives de 2017. Ambitieux, celui qui dé-
fend la candidature de la France à l’exposition
universelle de 2025 croit pouvoir organiser
d’ici là un maillage territorial. Le député a mis
en ligne une plate-forme pour
déposer les candidatures et dit
avoir déjà reçu plusieurs pro-
positions de personnes sans
étiquette politique. « Le vrai su-
jet de 2017, c’est les législatives
», affirme l’élu, qui ne croit pas
au principe de la primaire. Il
a rédigé une charte d’éthique
qu’il entend faire signer à ses
futurs candidats. A partir du
mois de février, il entamera un
tour de France, en commen-
çant par Marseille. Pour finan-
cer son projet, il compte sur les
contributions des particuliers.
« Barack Obama a bien réussi à
faire sa campagne sans argent
public. »
Et comme pour mieux
prouver que rien n’est impos-
sible, Jean-Christophe Fro-
mantin ne cesse de citer en
exemple son combat à Neuil-
ly-sur-Seine, ce fief sarkozyste
qu’il a fait tomber en 2007,
avant de devenir cinq ans plus
tard député des Hauts-de-Seine
puis conseiller départemental. Pourquoi ses
victoires ne seraient-elles pas transposables
ailleurs ? « Tout le monde m’a pris pour un
dingue mais il n’empêche que j’ai été élu à
chaque fois », affirme-t-il crânement. Même si,
pour l’instant, il est seul dans son aventure. «
Je pars dans l’arène avec mes petits bras, mes
moyens. Mais je ne dois rien à personne, c’est
ma force ».
Mardi, cet ancien chef d’entreprise a reçu
l’accord du Palais Bourbon pour intégrer la
commission des Finances, celle dont il rêve de-
puis qu’il est devenu député en 2012 (il appar-
tenait jusqu’alors à la commission du dévelop-
pement durable et de l’aménagement du terri-
toire). Cet ancien chef d’entreprise affectionne
particulièrement les questions économiques.
Puisqu’il a quitté le groupe UDI à l’Assemblée
nationale, le député a changé de place dans
l’Hémicycle. Il apprivoise depuis mardi le stra-
pontin numéro 321. « Comme 3-2-1, partez »,
fait-il remarquer. Lui est déjà parti sans vrai-
ment connaître sa prochaine destination.
@CaroVigoureux t
L’ambitieuxFromantin
etses577candidats
Aprèsavoirclaquélaportedel’UDI,le
députédesHauts-de-Seineveutdésormais
présenterdescandidatspartoutenFrance
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« La droite a une attitude
en demi-ton »
Hervé Mariton, député Les Républicains de
la Drôme, était l’invité de Nicolas Beytout. Le
candidat à la primaire de la droite est revenu
sur sa volonté de clarifier la ligne politique des
Républicains : « Nous devons être clairs sur
les questions économiques, sur les questions
de politique étrangère… » Il regrette que la
droite ait « une attitude en demi-ton » et qu’elle
cherche à « se situer par rapport au Front na-
tional ».  Retrouvez l’intégralité de l’interview
surwww.lopinion.fr
L’opinionde... HervéMariton(LR)
Ce vendredi matin, Nicolas Beytout reçoit
Geoffroy Didier (LR)
Lesrendez-vousvidéodelopinion.fr
8 h 45
L’interview de Nicolas Beytout
10heures
Les petites phrases
de la matinée
12h30
Le Décryptage
16heures
Le Top-Flop
17heures
Le Tweet-clash
20heures
Les petites phrases
de la journée
« J’avaisl’intuition
quenousassisterions
dimancheà
l’écroulementdusystème
politiqueendirect.Tout
partenvrille,çan’aplus
aucunsens »
« Tout le monde m’a pris
pour un dingue mais
il n’empêche que j’ai
été élu à chaque fois »,
affirme Jean-Christophe
Fromentin.
DR
vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 7
«Retex»
Quatre semaines après les attentats qui ont
coûté la vie à 130 personnes, les « services »
ont entrepris, dans la plus grande discré-
tion, un « retex » (retour d’expérience) pour
tenter de comprendre ce qui a dysfonction-
né. Si certaines informations doivent
rester secrètes, cette question doit éga-
lement être débattue publiquement,
estiment les experts. 
Jean-Dominique Merchet
C’est une défaite. En 2015, les services
français de renseignement ont subi plusieurs
échecs majeurs, en ne parvenant pas à empê-
cher une série d’attaques terroristes : Charlie
Hebdo, Montrouge, le magasin Hyper Cacher,
Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier, le Thalys et
enfin les attentats du 13 novembre. Le bilan
humain est de 162 morts, dont 10 terroristes,
et de centaines de blessés. Le bouclier qui
protégeait les Français a été percé à plusieurs
reprises.
Or, depuis la vague d’attentats de 1994-
1996, et si l’on excepte le cas spécifique de la
Corse, les services antiterroristes étaient par-
venus à protéger le territoire national, alors
que d’autres pays étaient sévèrement touchés.
Ainsi al-Qaïda n’avait jamais pu pénétrer les
défenses françaises. Les professionnels de la
lutte contre le terrorisme en concevaient une
légitime fierté, mettant en avant la qualité de
leur travail ou de la législation française.
Après cette défaite en rase campagne, le
gouvernement ne peut plus se contenter d’un
« Circulez, il n’y a rien à voir ! », comme le fait
un peu vite le ministre de l’Intérieur Bernard
Cazeneuve. Certes, les services se livrent à un
« retex à bas bruit », un retour d’expérience
couvertparlesecret-défense,assureunproche
du dossier. Mais les pesanteurs administratives
sont telles que ce travail risque de déboucher
une nouvelle fois sur ce qu’Yves Trotignon,
ancien analyste de la DGSE reconverti dans le
privé, qualifie de « syndrome Shadok » : « Plus
ça rate, plus on a de chance que ça marche… »
En mars 2012, l’affaire Merah avait pour-
tant été une première alerte sérieuse. Des dys-
fonctionnements avaient été pointés et une
nouvelle loi antiterroriste adoptée dans l’ur-
gence à l’automne suivant. Une de plus ! « On a
voté 14 lois antiterroristes en moins de quinze
ans », constatait la sénatrice UDI Nathalie Gou-
let au lendemain de Charlie. Depuis lors, il y a
eu une nouvelle loi sur le renseignement, en
juillet dernier, puis les mesures de l’état d’ur-
gence.
A chaque fois, c’est la logique du « toujours
plus » qui s’applique : plus de crédits, plus d’ef-
fectifs, plus de moyens, plus de pouvoirs pour
les services de renseignement et de sécurité.
Une réponse quantitative, soutenue autant par
les chefs que par les syndicats. Cela permet
d’éviter de s’interroger sur les méthodes et l’or-
ganisation qui viennent pourtant de montrer
leurs limites. « Renforcer sans fin des struc-
tures prises en défaut, pour le seul bénéfice de
montrer qu’on le fait, n’offre aucune garantie
de succès ou d’efficacité accrue », assure Yves
Trotignon, dans un récent article pour The
Conversation.
Le renseignement français souffre d’abord
d’un enchevêtrement administratif kafkaïen.
Créée en 2008, la communauté française du
renseignement comprend pas moins de six
services dépendant de trois ministères diffé-
rents (Défense, Intérieur et Finances). Mais
d’autres services impliqués dans la lutte contre
le terrorisme n’en font pas partie, comme
le renseignement territorial (les ex-RG) ou la
gendarmerie. Un exemple, lorsque le ministre
de l’Intérieur réunit ses principaux subordon-
nés directement concernés, ils sont au moins
quatre : le directeur général de la police natio-
nale, le directeur général de la sécurité inté-
rieure, le directeur général de la gendarmerie
nationale et le préfet de police, seul maître à
bord à Paris et dans les trois départements de
la petite couronne.
Car la direction du renseignement de la pré-
fecture de police (DRPP) est une structure indé-
pendante du service central du renseignement
territorial (SCRT), même s’ils font le même job,
mais pas dans les mêmes zones géographiques.
Tout comme la sous-direction de l’anticipation
opérationnelle (SDAO) des gendarmes. Ces der-
niers ont d’ailleurs le plus grand mal à occuper
des postes au sein de la direction générale de la
sécurité intérieure (DGSI), toujours marquée
par son origine policière…
Auseindelapolice,leslogiquesdifférentes
du renseignement et de la police judiciaire sus-
citent également des tensions. Après l’attaque
de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), le ministre
de l’Intérieur a créé une nouvelle structure,
l’état-major opérationnel de prévention du ter-
rorisme (Emopt), qui traite plus de 11 000 per-
sonnes fichées. Mais elle s’ajoute à l’unité de
coordination de la lutte antiterroriste (Uclat)
qui dépend, non pas du ministre, mais du di-
recteur de la police…
Ce chaos administratif renforce une autre
faiblesse de l’antiterrorisme français : son
manque d’ouverture sur le monde intellectuel
et académique. Ce qui pêche, c’est moins le
recueil de l’information que son traitement –
l’« analyse », disent les professionnels. Alain
Bauer, professeur de criminologie appli-
quée, résume la situation : « Après chaque
catastrophe sécuritaire, une commission d’en-
quête, publique ou interne, publie un rapport.
Systématiquement, ce document rappelle
que les services : 1/ savaient tout ou presque,
2/ pour de mystérieuses raisons, n’ont pas
compris ce qu’ils savaient, 3/ espèrent que cela
ne se reproduira pas. » Le criminologue plaide
pour une coopération étroite entre « entre
chercheurs et agents opérationnels, pour tirer
les conséquences des failles et améliorer le sys-
tème », comme la police de New York (NYPD) a
su le faire après le 11-Septembre.
Sébastien-Yves Laurent, l’un des rares uni-
versitaires français spécialistes de ce domaine,
estime que le « paradigme » français du rensei-
gnement « s’appuie sur l’intuition, le flair, le
doigt mouillé, l’expérience du terrain », là où
les Américains font plus appel aux méthodes
des sciences sociales. « Je suis persuadé qu’il
faut y avoir recours pour rendre l’analyse plus
rigoureuse », affirme-t-il. Comme le dit Yves
Trotignon : « La cuirasse doit évoluer constam-
ment pour résister aux coups du glaive et le
moindre retard créé des vulnérabilités parfois
mortelles. » On vient de le constater, le vendre-
di 13 novembre.
@jdomerchet t
Lors de la fusillade au Bataclan à Paris, vendredi 13 novembre. En 2015, le
terrorisme aura fait 162 morts en France.
Antiterrorisme:cettelogique
Shadokquiamenéàl’échec
Unmoisaprèslesattaquesdu13 novembre,lesservicesde
renseignementfrançaisvontdevoirtirerlesconséquences
deleursgraveséchecs
DRPP,SCRT,SDAO,
DGSI,Emopt,Uclat...
Unchaosadministratif
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CONSEILS D’ADMINISTRATION
Mon père a posé sa cuillère et dit,
s’adressant à ma mère : « Ça ne vaudra
jamais la confiture de tomates vertes de
tante Marguerite. »
Je devais avoir neuf ou dix ans,
c’était l’une de ces journées si magni-
fiques de décembre en Béarn. Nous
étions à table, inquiets de sa prochaine
et acerbe remarque, nous tenant bien
droit, « on ne s’appuie pas sur le dossier
de sa chaise », le nez dans nos assiettes,
espérant éviter ainsi qu’il ne fixât son
humeur du moment sur l’un d’entre
nous.
C’est ce jour-là que j’ai, pour la pre-
mière fois, entr’aperçu ce qui distingue
« le goût » de « la sensation ».
Sans doute parce que l’injustice
m’était familière, j’ai immédiatement
intégré que rien jamais ne peut rivaliser
avec le souvenir lumineux d’une
journée parfaite, d’un mets dont le
goût s’est insinué en nous comme un
ruisseau dans les herbes, un mets dont
le goût semblait s’être évanoui mais qui
était juste tapi, enfoui au plus profond
de toi, là où il s’est transformé en
sensation, prête à surgir à tout moment,
renforcée par tout ce temps pendant
lequel tu n’y « pensais » plus.
Ma mère a répondu : « Vous avez rai-
son. C’est très exactement ce que je res-
sens en pensant aux fantastiques gelées
de groseille que nous avions à Saint-Pol.
Et ces groseilles à maquereaux ! » Je me
suis alors senti totalement exclu, défini-
tivement orphelin de ces saveurs que je
ne connaîtrais jamais.
Délicesinégalables. Je n’ai jamais
goûté aux confitures de tomates vertes
des tantes de Peyrehorade ni aux gelées
de groseilles à maquereau de mon
arrière-grand-mère à Saint-Pol mais il
me semble avoir au bout des doigts les
pots de confitures de reine-claude ou
d’abricot, tous ces pots soigneusement
rangés avec leurs feuilles concaves creu-
sées par la goutte d’eau posée à chaud,
tous ces délices concoctés par ma mère
et certainement inégalables.
J’ai en moi ses gelées de groseilles
rouges ou de coing, ces matières qui
prennent si bien la lumière quand on
en prend une cuiller, comme les plus
beaux vitraux.
J’en ai perdu le goût mais je sais,
évidemment, que s’il m’était donné d’y
goûter à nouveau je les reconnaîtrais
entre mille.
J’aime et admire, vous le savez,
celles et ceux qui professent de nous
faire plaisir en nous nourrissant, en
nous abreuvant. Je les plains parfois
de devoir user leur génie, leurs tech-
niques, leurs forces, dans la plus atroce
des batailles, celle qu'ils ne pourront
jamais gagner, celle de la sensation. Tu
sais… quand tu goûtes quelque chose
et que tu dis : « La vache c’est délicieux !
Ça me rappelle celle que me faisait ma
mère. » Tu vois maintenant ce dont je
parle ? C’est là que tu crucifies celle ou
celui qui ne sait pas encore qu’il doit ac-
cepter cela avec humilité pour mieux se
consacrer à mettre en pot, en casserole,
à la poêle ou au four, ses préparations à
lui, assaisonnées de morceaux de son
cœur.
J’en connais quelques-uns qui ont
dépassé tout cela et, pour ce qui est des
confitures et gelées, j’en connais un,
il se nomme Stéphan Perrotte. Il a été
sacré Meilleur Confiturier de France
et couronné champion du monde en
2015. Il fallait bien ça pour éclairer de
douceurs fruitées ce mois de décembre.
Mon cadeau est le sien : en exclusi-
vité mondiale sur le site de l’Opinion,
LA recette de Noël, une confiture de
clémentines. Si facile à faire que c’en
est un vrai bonheur. Et si exquise que je
me demande s’il ne faut pas demander
pardon avant de la savourer. C’est une
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Michel Schifres    mschifres@lopinion.fr L’ambitieux Fromantinet ses577candidats Après avoir claqué la porte de l’UDI, le député des Hauts-de- Seine vise haut Page6 3’:HIKKLB=]UVUU:?l@c@b@b@k; M00118-1211-F:1,70E ET SI LE DIGITAL RÉVOLUTIONNAIT AUSSI VOS CONSEILS D’ADMINISTRATION ? Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr A chaque flambée électorale du Front national résonne la même antienne. La classe politico-médiatique rivalise de formules chocs pour recom- poser, réinventer, renouveler, réhabi- liter ou réenchanter… Loin des mea culpa factices, versons donc à notre tour une pièce au dossier. Elle est signée de l’Allemand Horst Seehofer, leader de la CSU : « La résolution des problèmes est la meilleure protection contre l’extré- mismededroite ». Condensé de bon sens, cette cita- tion en dit long sur notre délitement national. Car sans verser dans un popu- lisme anti-élites, comment ignorer que la colère des électeurs du FN se nourrit d’un sentiment d’abandon, d’un divorce profondavecuneclassepolitiquedepuis longtemps déjà moins préoccupée par les solutions que par les ambitions ? En France, gouverner, c’est échouer. Sur le chômage d’abord. Mais aussi sur la mobilité sociale, la sécurité, les déficits, la fiscalité, l’identité, la précarité, l’édu- cation… Dans cet univers clos qu’est devenue la caste politique, le dogma- tismeprimesurlacompétence,ladéma- gogie sur le résultat, le clientélisme sur la performance. Les gouvernements ? Trop souvent un cénacle de cyniques, dans lequel longévité rime avec médio- crité, déni avec mépris. Les partis ? Des machines à promouvoir des candidats obnubilés par la présidentielle, pas des idées– ousipeuaudacieuses. Un temps, la dette a financé nos lâ- chetés. Elle a masqué notre préférence pour la désinvolture et la manœuvre. C’est fini. Malgré un programme aussi simpliste que dangereux, le Front natio- nalbénéficiedelaprimeàceuxquin’ont pas échoué pour n’avoir jamais dirigé. Il prospère sur la faillite de dirigeants prêts, au soir du second tour, à pro- mettre, à promettre encore et toujours. Sans se soucier, une nouvelle fois, de « résoudrelesproblèmes ». Rémi Godeau @remigodeaut Résoudrelesproblèmes,lameilleureprotectioncontrelesextrêmes sipa press Geoffroy Didier (LR)invité dela matinale Dominos Le deuxième tour des élections régionales se tiendra dimanche. Ar- rivé en tête dans six régions au soir du premier tour, le Front national pourrait l’emporter dans une ou plu- sieurs régions, une première pour le parti mais aussi en Europe, où les formations populistes et d’extrême droite ne sont jusqu’ici parvenues aux responsabilités qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition- nels. Tout le continent regardera de près le score du FN, dans un contexte de rejet de l’Union euro- péenne accentué par la crise des réfugiés. Raphaël Proust et Isabelle Marchais le passé, « a conduit notre continent [...] àlacatastrophe ». S’il n’a pas explicitement mention- né le Front national, nul doute que la nouvelle poussée de l’extrême droite française au premier tour des élections régionales illustre ce « danger » qui guette, selon lui, l’Union européenne. Si la presse du continent a beaucoup commenté ce résultat, les responsables politiques des pays membres n’ont pas vraiment réagi. Du moins officiellement car, plus que ces scores électoraux qui restent à confirmer, c’est bien la pers- pective d’une victoire de Marine Le Pen au scrutin présidentiel de 2017 qui fait frémirlespartisansdel’UE. « C’est vrai qu’il y a un problème français », reconnaissait mardi, en pri- vé, un responsable européen. Si l’essor des populismes est loin d’être l’apa- nage de l’Hexagone, « il y a un malaise, une souffrance et une difficulté bien française derrière le fait que près de 30 % de l’électorat vote FN », ajoutait- il tout en soulignant que « ni l’Italie, ni l’Espagne, ni l’Allemagne ne sont dans une situation politique comparable ». Outre-Rhin, l’heure est d’ailleurs à l’in- quiétude : Berlin ne peut se résoudre à rompre avec un partenaire politique et « L’Union européenne est en danger et personne ne peut dire si elle exis- tera dans dix ans ». Avec gravité, Martin Schulz a tiré la sonnette d’alarme dans une interview accordée lundi au quo- tidien allemand Die Welt. Pour le pré- sident du Parlement européen, le péril prend les traits d’une « Europe du natio- nalisme, une Europe des frontières et des murs » qui, à plusieurs reprises dans L’EuropesuspendueauscoreduFN Alaveilledusecondtourdesrégionales,lesinstitutionseuropéennessonteffrayéespar une éventuellevictoireduFN.Lespartisanti-système,eux,espèrentunedynamique lll Page2 vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 N° 648 — 1,70 € Antiterrorisme: l’échecde lalogiqueShadok Un mois après le 13 novembre, les services de renseignement tentent de tirer les leçons Page7 Faut-ilavancer laprimaire deladroite? Christian Jacob, Eric Ciotti ou encore Gérard Longuet y sont favorables Page4 Legouvernement versun« JobsAct » à lafrançaise La montée du chômage pousse Matignon à réformer plus vite le marché du travail Page5
  • 2. 2 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 Ne pas être isolée en première ligne. L’Alle- magne s’est fixé cette ligne de conduite depuis des décennies pour les dossiers européens. Ses dirigeants sont soucieux de ne pas réveil- ler – avec plus ou moins de succès en regard de la crise grecque – les peurs d’une Allemagne hégémonique sur le continent. Aussi, Berlin regarde avec circonspection la progression du Front national depuis des années de l’autre cô- té du Rhin. Une victoire, encore très hypothé- tique, de Marine Le Pen en 2017 à la présiden- tielle priverait la République fédérale de son principal partenaire au sein de l’UE. La chef de file du FN défend des idées incompatibles avec les positions clés allemandes : la sortie de l’eu- ro ou la remise en question du système Schen- gen, réglant la libre-circulation des personnes et des marchandises, pour ne citer que les plus emblématiques. L’Allemagne d’Angela Merkel n’a pas de vé- ritable alternative au tandem avec Paris. Parmi les poids lourds démographiques, la Grande- Bretagne de David Cameron s’éloigne plutôt qu’elle ne se rapproche du continent, l’Italie est encore plus faible économiquement que la France. De plus, les liens institutionnels avec ces deux pays sont bien plus ténus en compa- raison d’un demi-siècle de rapprochement volontariste entre les deux ex-ennemis ances- traux. Une dérive droitière dans l’Hexagone, sy- nonyme de repli sur soi, aurait aussi un impact pour l’économie allemande. Le voisin occiden- talrestelepremierpartenairecommercialdela République fédérale avec 167 milliards d’euros d’échanges en 2014. Le quotidien des affaires Handelsblatt juge d’ailleurs le programme éco- nomique du FN « digne de la RDA ». Le camp conservateur d’Angela Merkel s’inquiète aussi d’un effet tache d’huile des succès électoraux frontistes. L’arrivée de qua- siment un million de demandeurs d’asile de- puis le début de l’année donne déjà des ailes à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), au dis- cours proche du FN. Les derniers sondages lui donnent entre 8 % et 10 % des intentions de vote au niveau fédéral, soit le double de son total aux législatives de 2013. Elle atteint 12- 13 % dans la majorité des Länder d’ex-RDA. La petite formation devrait entrer dans les trois parlements régionaux appelés à être renouve- lés en mars 2016, poursuivant ainsi son enraci- nement sur la scène politique allemande. La CSU bavaroise, en particulier, tire le signal d’alarme. L’allié traditionnel du parti d’Angela Merkel, aux accents volontiers po- pulistes, a eu pour raison d’être pendant des décennies de constituer le parti le plus à droite de l’échiquier politique allemand. Depuis des semaines, son patron Horst Seehofer tire à boulets rouges sur la politique d’asile d’Angela Merkel. Partisan d’un plafond du nombre de réfugiés, Horst Seehofer réclame des solutions pour « régler les problèmes sécuritaires » et « limiter l’immigration ». « La résolution des problèmes, je ne peux que le répéter, est la meilleure protection contre les extrémistes de droite », a-t-il martelé en début de semaine. Luc André (à Berlin) « Grande Marine. La France change, l’Eu- rope et l’Italie changeront aussi », a exulté dimanche le chef de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, quelques heures après la percée histo- rique de Marine Le Pen. Le chef du parti d’ex- trême droite n’a jamais caché son admiration pour la présidente du Front national. Avec sa victoire, Matteo Salvini veut croire en des len- demains radieux pour son parti en Italie. Le leader de la Ligue a désormais en ligne de mire sa rencontre avec Marine Le Pen en janvier, à Milan, pour défendre leur vision de l’Europe avec l’ensemble des partis de leur groupe par- lementaire européen. « Le Front national est le parti de ceux qui n’ont jamais eu la parole en France. Nous, nous voulons être la même chose en Italie : le parti des petits », a déclaré mardi Matteo Salvini au Corriere della Sera. Une formule qui n’a rien d’incantatoire pour un parti qui ne cesse de gagner des voix. Provocateur, omniprésent sur le plan médiatique, Matteo Salvini, 42 ans, a réussi à faire de la Ligue du Nord le principal parti d’opposition, à droite, de Matteo Renzi. Un modèle. Même s’il a fait de Marine Le Pen un modèle pour bâtir sa trajectoire, le « léghiste » sait toutefois que le modèle de l’ex- trême droite française n’est pas transposable à 100 % de l’autre côté des Alpes. L’histoire des deux partis n’est pas la même, les visions poli- tiques et régionalistes divergent. Longtemps sécessionniste, la Ligue du Nord a forgé ses bastions dans le Nord de l’Italie. Contraire- ment au Front national aujourd’hui implanté dans la plupart des régions françaises, la Ligue peine à conforter son assise dans le Sud de l’Ita- lie, en dépit de ses efforts pour nationaliser son discours. À la différence aussi du FN, les « léghistes » n’ont pu exister jusqu’à présent qu’en faisant alliance avec d’autres partis de droite, à com- mencer par celui de Silvio Berlusconi. Une alliance qui leur a permis d’accéder depuis longtemps aux responsabilités locales et de gouverner aujourd’hui deux régions de taille, la Lombardie et la Vénétie. L’obstacle du M5S. Mais le principal obstacle pour Matteo Salvini reste le mouve- ment contestataire « Cinq étoiles » (le M5S) de l’ex-humoriste Bepe Grillo, que les son- dages placent en deuxième position dans les intentions de vote des Italiens, derrière le Parti démocrate. Au lendemain des élections fran- çaises, les parlementaires du M5S se sont posés en « rempart » contre l’avancée de l’extrême droite en Italie. Malgré des nuances d’approche, les deux mouvements ont pour point commun un dis- cours anti-immigration et anti-Europe. Tout comme la Ligue du Nord, Bepe Grillo agite les peurs et réussit à canaliser les frustrations populaires, surgies avec la crise économique. Ses excès verbaux n’ont rien à envier à ceux de Matteo Salvini. Résultat, si le M5S a rallié une bonne partie de l’électorat de gauche, son idéologie « anti-système » est assez souple pour lui permettre de labourer aussi sur les terres de droite. Selon LaRepubblica, le M5S et la Ligue tota- lisent à eux d’eux 40 % des intentions de votes. A six mois des élections municipales dans les villes les plus importantes d’Italie, « l’effet d’en- traînement du vote français pourrait être irré- sistible » et affaiblir Matteo Renzi, pouvait-on lire lundi dans le quotidien romain. Si le pré- sident du Conseil italien s’inquiète pour l’ave- nir de l’Europe, il affiche sa sérénité quant au devenir de l’Italie. « Nous [Le parti démocrate, NDLR], nous gagnons parce que les réformes sont en train de porter leurs fruits », a-t-il décla- ré sur son compte Facebook. Catherine Dabadie (à Rome) Berlinatoutàperdre d’unepercéeduFN EnItalie,lespartis contestatairesgalvanisés Matteo Salvini espère profiter d’un effet FN. L’Europesuspendue auscore duFN Sipa Press économique privilégié, sans parler d’éventuelles répercussions positives pour les eurosceptiques de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ce « pro- blème français », c’est aussi celui d’une perte d’in- fluence réelle du pays dans les grandes décisions européennes. « Où est la France, quel est son avis sur les dossiers ? », s’interroge Jean-Dominique Giuliani. Le président de la Fondation Robert Schu- man adresse une critique sévère à la classe poli- tique française, coupable à ses yeux de « naviguer au gré des sondages et des manifestations à Paris » et d’avoir délaissé les enjeux européens. Une ten- dance que la « poussée populiste du FN » ne fait, au final, que renforcer. « Il n’y a pas une personnalité politique dans le paysage français qui rompe avec cette dérive et qui tienne un discours européen moderne et attrayant », regrette-t-il. L’une des conséquences de ce désengagement, c’est que « le couplefranco-allemandronronne »,dénonceJean- Dominique Giuliani. Jusqu’ici discrets, les Européens devraient néanmoins réagir si le FN parvenait dimanche à en- leveruneouplusieursrégions.Ils’agiraitd’unepre- mière pour l’extrême droite et les partis populistes qui ne sont jusqu’ici parvenus aux responsabilités qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition- nels,quecesoitenAutriche,enFinlandeouencore enItalie. Pour autant, en quoi les succès du Front natio- nal sont-ils plus dangereux pour l’UE que ceux des populistes britanniques ou polonais ? Parce que « la France n’est pas un pays comme les autres, rap- pelle Giles Merritt, secrétaire général du think tank bruxellois “Friends of Europe”. L’idée qu’un pays fondateurpuissesortirdespolitiqueseuropéennes et progressistes est un grand choc ». La France est aussi la deuxième économie de la zone euro, possède une armée qui compte et une diplomatie mondiale : « Nos décisions ont des conséquences sur nos partenaires », résume Jean-Dominique Giu- liani. L’influence du FN sur la politique française ne peut donc que saper la poursuite du projet européen, tant le parti remet en cause systémati- quement toutes les valeurs de l’UE, qu’il s’agisse de l’ouverture sur le monde (économique avec la mondialisation,humaineaveclacrisedesréfugiés), du libéralisme, de l’espace Schengen, de l’assainis- sement budgétaire ou encore de l’euro. Si les résul- tats du premier tour des régionales se confirment au second, « cela donnerait une immense bouffée d’oxygène à d’autres forces populistes et d’extrême droite qui menacent l’intégrité de l’Europe », s’in- quiète Giles Merritt. Comme le soulignait lundi le quotidien britannique The Guardian, « Marine Le Pen n’est pas seule et c’est un vrai problème pour l’Europe ». Tout près de la région Nord-Pas-de-Calais-Pi- cardie – dont la prochaine présidente pourrait bien être Marine Le Pen – les Belges de la Nouvelle al- liance flamande (N-VA) se sont d’ailleurs réjouis de la voir caracoler en tête. Nationalistes, libéraux et jugésmoinsinfréquentablesquelesextrémistesdu Vlaams Belang (qui siègent dans le même groupe que le FN au Parlement européen), ils n’en sont pas moins ravis de voir leurs idées progresser dans de nombreux Etats membres. « Le résultat des élec- tions [en France, NDLR] est le dernier signe d’une longue série, l’opposition augmente en Europe de l’Est, la discussion fait rage en Grande-Bretagne sur le Brexit, les Danois ont rejeté la politique judi- ciaire européenne et même la Suède a rétabli les contrôles à ses frontières », jubilait lundi le pré- sident de la N-VA, Bart De Wever. Un peu plus au nord, le Parti pour la liberté du néerlandais Geert Wilders – qui s’affiche régulièrement avec Marine Le Pen – est en tête dans les sondages à un an et de- mi des élections législatives prévues en mars 2017 aux Pays-Bas. Comme en France, c’est sur le rejet de l’accueil des réfugiés qu’il prospère, tout en promettant de quitter l’UE s’il était élu Premier mi- nistre. En Pologne, la récente victoire des conser- vateurs du parti Droit et Justice (PiS) ont remis le pays dans le sillage eurosceptique du Hongrois Viktor Orban, adepte des provocations à l’égard de l’Union. Une défiance croissante vis-à-vis de l’existence même de l’UE qualifiée de « paradoxe » par le com- missaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. « L’Europe et le monde font face àdescrisesd’uneampleursansprécédent[...]dont les réponses ne peuvent être qu’internationales, à tout le moins européennes. Pour cela, on se tourne vers l’Europe, on attend beaucoup d’elle. Et pour- tant dans le même mouvement, certains la vili- pendent, d’autres s’en détournent, beaucoup s’en défient, bien peu la soutiennent et la magnifient », a-t-il écrit sur son blog. Un billet dont le titre sonne comme un plaidoyer : « Ça suffit ! » Sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’un cri de désespoir ou d’encouragement… @raphaelproustt @IMarchaist «Pasunepersonnalité politiquedanslepaysage françaisnetientun discourseuropéen moderneet attrayant » lll Suitedelapage1 Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr SÉCURISER LES ÉCHANGES CONFIDENTIELS LIÉS À VOS RÉUNIONS L’arrivéedequasiment unmilliondedeman- deursd’asiledonnedéjà desailesàl’Alternative pourl’Allemagne(AfD), audiscoursprocheduFN Selonlequotidien britanniqueTheGuardian, « MarineLePenn’est passeuleetc’estunvrai problèmepourl’Europe »
  • 3. vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 3 Stratégie Sentant la ou les victoires possibles mais pas du tout assurées, les candidats du Front national jouent plus que jamais la carte de la dédiabolisation et de la pro- fessionnalisation. Béatrice Houchard Surtout, ne pas faire peur. S’ils sont élus, il n’y aura pas de « nuées de sauterelles », ni d’« invasions de crapauds », ni de « barbelés ». Les candidats du Front national font en sorte de ne pas affoler des électeurs qui, au dernier moment, pourraient hésiter à leur confier les clés de leur région. Même si Marion Maréchal- Le Pen persiste et signe dans son opposition à la subvention du Planning familial ou que Louis Aliot conseille aux musulmans (sans les citer explicitement) d’« aller vivre leur foi ail- leurs ». « On savait que ce serait la semaine de la peur », lance ainsi Florian Philippot mardi soir, devant 250 personnes réunies à Cormontreuil (Marne). « Ils sont même allés chercher Dany Boon, depuis Londres, ajoute-t-il [rires dans la salle]. Mais je suis pragmatique. On vous dit que les investisseurs vont fuir les régions si nous sommes élus. Evidemment, c’est faux. Je travaillerai en bonne intelligence avec les milieux économiques, bien sûr ; avec les asso- ciations, bien sûr ; avec l’administration terri- toriale, bien sûr ». Sous-entendu : avec tout le monde, « bien sûr ». S’il avait « combattu » la fusion entre les trois régions Alsace, Lorraine et Champagne- Ardenne, Florian Philippot affirme ici, à deux pas de Reims, que ce nouveau découpage « n’est peut-être pas éternel » et qu’une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle pourrait le remettre en cause. Mais pas de panique : « Puisque la fusion est là, je la gérerai dans un esprit d’équilibre, d’équité, d’économie. » Sur les économies à venir, justement, il veut aussi rassurer : « Je ne toucherai pas au budget de la culture », dit-il, reconnaissant que ce n’est pas un énorme budget et se risquant à ajouter, un rien présomptueux : « Le monde de la culture est largement avec nous. » Après le meeting, il commente : « Mon pro- gramme plaît tellement qu’ils le caricaturent. Je suis tout le temps obligé de répondre. Par Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, les proches de Marine le Pen savent qui sera vice- président et de quel secteur, et glissent que le directeur général des services est trouvé. Il s’agirait d’un DGS déjà en poste dans une ré- gion. Pour la grande région Est, Florian Philip- pot confie avoir « des contacts intéressants ». Dans le Centre-Val-de-Loire, Philippe Loiseau affirme avoir sous la main son DGS (« quelqu’un qui a déjà été en poste ») et son di- recteur de cabinet. Chargé il y a plus d’un an de recruter dans la haute administration, Steeve Briois aurait épluché « une centaine » de CV. Pour caresser les électeurs dans le sens du poil, tous annoncent qu’ils réduiront le nombre de vice-présidences et le train de vie des régions. Il y a quand même un petit problème : les compétences des régions permettent difficile- ment de « changer la vie quotidienne », comme l’a pourtant promis Marine le Pen mardi sur TF1. Alors tous jurent de faire « du barouf », comme l’a répété la présidente du FN jeudi sur BFMTV : « Je vais pourrir la vie du gouver- nement à chaque minute de chaque jour de chaque semaine ». « Ils vont entendre parler de moi et des habitants de la région ». Idem pour Florian Philippot l’autre soir à Reims : « S’il faut faire un peu de bruit, on fera un peu de bruit. » Elue présidente de région, Marine Le Pen harcèlerait le gouvernement sur Calais, et Flo- rian Philippot organiserait des référendums d’initiative populaire, par exemple sur le finan- cement de la mosquée de Strasbourg. « On ira porter le résultat au ministre de l’Intérieur, au Premier ministre et au président de la Répu- blique. On va les remettre au travail », a-t-il lan- cé à Cormontreuil, recueillant presque autant de succès que lorsqu’il a promis de « réaffec- ter aux personnes âgées les 350 000 euros de l’accueil des migrants ». Succès de la soirée à l’applaudimètre. @beache3 t exemple, je n’ai jamais dit qu’on était contre les transfrontaliers. Je ferai du bilatéral, ça tombe bien, j’adore ça. Il faut juste que ce ne soit pas imposé par Bruxelles. » Il ajoute : « C’est le re- vers de l’effet-loupe : on nous surveille. Si nous sommes élus, à chaque fois qu’on dira quelque chose, ça portera cinquante fois plus que n’im- porte quel autre président de région lambda. » Depuis dimanche soir, Marine Le Pen aussi a sorti la carte du rassemblement : « J’entends être la présidente de tous les habitants de la ré- gion, de toutes les villes et de tous les villages, y compris ceux qui ont été abandonnés ». Et tous les candidats ont adressé un petit clin d’œil aux électeurs de Nicolas Dupont-Aignan, car les victoires peuvent se jouer à quelques voix près : « Sur les valeurs, sur la souveraine- té, l’identité, on est très proches », dit Florian Philippot, pas mécontent de noter que, pour la première fois, il est arrivé en tête à Colombey- les-Deux-Eglises. Pour appuyer leur démonstration et ten- ter de convaincre qu’ils pourraient faire mieux que les autres à la tête des régions, les candi- dats du Front national ont un argument en or : dans les villes qu’ils dirigent depuis 2014, ils ont dépassé la majorité absolue dans 7 cas sur 11. Commentaire de Marine le Pen : « Les gens ne sont pas masos. Les habitants de nos villes sont heureux, et si c’était aussi le cas dans nos régions ça tuerait l’argument de la peur brandi par les autres candidats. » Florian Philippot reprend le slogan publicitaire : « Dans les villes du Front, les gens vivent bien. Essayer le FN, c’est l’adopter. » Autre argument : les équipes. Marion Ma- réchal-Le Pen, sur son affiche de second tour, pose devant son éventuel futur exécutif régio- nal avec pour slogan : « Nous sommes prêts. » LescandidatsFrontnationaljouentlacarte durassemblement EtreunFrançaisauxEtats-Unisetobserver simultanémentl’émergencedeDonaldTrump etlesuccèsduFrontNationalauxélections régionalesestuneexpérienceintéressante,et inquiétante.DepuisdesmoisauxÉtats-Unis, journalistes,experts,adversairespolitiques prédisentledéclindeTrumpàchaquenouvelle polémique.L’étrangernaïfvoitletribunpopu- listesolidementancréentêtedetouslesson- dages.Onluiexpliquequ’ilnes’agitqued’une parenthèseclownesque,typiquedespremiers tempsd’unecampagne,commeHermanCain en2012contreMittRomney,etquelescandidats « sérieux »prendrontvitelerelais :toutrentrera dansl’ordre.Etpourtant. InsultescontreJohnMcCain,vétérandu Vietnametcandidatrépublicainen2008,pro- possexistescontreunejournalistedeFoxNews, promessesgrotesquesdeconstruireun« grand, grandmur »àlafrontièreentrelesEtats-Uniset leMexiqueetd’expulsertouslesclandestinsdu pays,attaquesxénophobescontrelesimmigrés mexicainsetdésormais,depuislesattentatsde ParisetlatueriedeSanBernardino,apparem- mentinspiréeparDaech,fuiteenavantraciste avecsapropositiond’interdire« temporaire- ment »leterritoireaméricainauxmusulmans,y comprisressortissantsaméricains.Pendantdes mois,lamontéedeTrumpaétéaccueillieavec unmélanged’embarrasetd’amusement.Ils cèdentaujourd’huilaplaceàlacondamnation. Maisrienn’yfait.Àchaquenouvellecontro- verse,leconsensusd’observateurspréditson implosionetTrumpcontinuededominerles sondages.Pire,chaquemouvementd’indigna- tionnefaitquerenforcerl’attraitdesonmessage anti« politiquementcorrect ».Unventdepa- niquecommenceàsoufflersurlesrépublicains quipensaientinitialementdisposerdecandidats solidespourcontrerl’inévitablecandidaturede Clinton.Lesquestionsquifâchentcommencent àsemurmurer :quefaires’ilal’investiture ?Les caciquesduPartirépublicainaccepteront-ils desouteniruncandidatquiafaitcampagneen s’attaquantaupartietàsesprincipes ?Mieux vautnemêmepasysonger. MarcoRubio,lejeunesénateurdeFloride, hispanique,articuléetinterventionnistesur lesquestionsinternationales,restelefavori del’establishmentrépublicainquipréfèrese convaincrequeTrumpfinirapars’effondrer. Eneffet,àdeuxmoisdelapremièreprimaire, larouteestencorelongue.Lesprovocations deTrumppeuventfonctionnersurlecourt termemaisrebuterontclairementlesélecteurs modérés.S’ilestvucommeunvoteperdantface àHillaryClinton,lesrépublicainssedéporteront peut-êtreversunchoixmoinsrisqué. Lamedefond.Quelquesoitlerésultat,le populismedeTrumplaisseranécessairement unetracedurable,quiseraundéfipourle Partirépublicain.Commentsonsuccèsactuel a-t-ilpu,àcepoint,déjouerlespronosticsdes experts ?Commentyrépondre ?LesAméricains nesontpasseulsàêtredésemparés.EnFrance, qu’unsuccèsélectoraldeMarineLePensoit toujoursqualifiéde« choc »alorsqueleFNest arrivéentêteauxeuropéennesde2014etque lessondagesledonnaientgagnanteststupé- fiant. Naturellementlacomparaisonaseslimites etlescontextesnationauxsontdifférents : questiondurôledel’argentdansleprocessus électoralauxEtats-Unis,enjeuxeuropéensen France.MaisTrump,commeMarineLePenet lesautresdirigeantspopulisteseuropéensde droiteetdegauche,sontlesreprésentantsd’une lamedefondcroissantecontrelesinstitutions denosdémocratieslibérales.Ilsexploitentun videpolitique.Danslesdeuxpays,lessondages montrentunedéfiancecroissantevis-à-visdes élites.L’absencederenouvellementrenforce cedésamour.AuxEtats-Unis,lacampagnese dirigeaitinitialementversunnouveauduel(Jeb) Bush-(Hillary)Clinton ;enFranceonprépareun remakede2012. AuxEtats-Unis,lapopulationexprimeson rejetd’unCongrèsbloquéparlesmanœuvres partisanesetleslobbys,culminantdansle fameux« shutdown »desinstitutionsd’octobre 2013.EnFrance,combiendegouvernements successifsontéchouéàréformerlepays,son marchédutravailrigide,sesuniversitéspeu compétitives,àpréparerlesystèmeauxdéfisde lamondialisation ?Quid’ailleursimagineque legouvernementactuelrépondraàlavagueFN avecdevraiesréformesstructurelles ? Lespopulistess’emparentdecette démissiondupolitiqueetdictentledébat endestermesdangereux.Ilsdéplacentla conversationversl’angoisseidentitairejouant Trump,LePenetladémissiondupolitique surunsentimentdepertedecontrôle.Faceaux transformationsquinousentourent,lesmêmes boucsémissairespourTrumpetLePen :immi- grésetminorités.Ilsadoptentdesméthodeset ciblessimilaires,attaquant« l’establishment » etsespiliersquesontlespartisdesdeuxbords (« UMPS »)etlesmédias. QueLePenetTrumpsoientmoinsconserva- teurssurlesquestionsdemœursounettement moinslibérauxsurl’économiequeleursconcur- rentsn’estpaslesujet.Ilsrejettentl’existence d’unclivagedroite-gauchequiseraitune supercheried’uneéliteconnivente.Ils’agitde reprendrelepouvoiràBruxelles,Washington, au« système ».QueTrumpsoitunmilliardaire new-yorkais,MarineLePenl’héritièred’unparti népotiste,impliquédansdesaffairesd’abusde bienssociauxetd’escroquerie,importepeu.Ils luttentcontrela« bien-pensance »,le« politique- mentcorrect »,armesd’uneélitedéconnectée pournierlaréalitédesproblèmesquotidiens desélecteurs.Al’heuredesréseauxsociauxet médiasencontinu,ilsincarnentlarecherche d’authenticitéfaceauxélémentsdelangage ternesetprévisibles. Ledénioul’indignationnefonctionnent plus.Seconvaincrequ’ilnes’agitqued’un votedecontestationéphémèreoudufruitde l’abstentionetdeladispersiondesvoixrelève dudéni.Mépriserouculpabiliser,aveccondes- cendance,lesélecteursafaitlongfeu.Notre impuissanceàprévoiretrépondreauxsuccès desTrumpetLePenestlerefletdenotrefaillite àoffrirunealternativepolitiqueàleurmessage. BenjaminHaddadestchercheurauHudson InstituteàWashington.Ilaenseignélesquestions internationalesàSciencesPoParis. Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr FLUIDIFIER L’ORGANISATION DE VOS CONSEILS D’ADMINISTRATION L’Europesuspendue auscore duFN « Jevaispourrirla viedu gouvernement à chaqueminute dechaquejourde chaquesemaine », assureMarineLePen FlorianPhilippot : « Monprogramme plaîttellementqu’ils lecaricaturent. Jesuistoutletemps obligéderépondre » BenjaminHaddad
  • 4. 4 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 Calendrier La compétition censée désigner le candidat de la droite et du centre à l’Elysée est fixée au 20 et 27 novembre 2016. Mais ce calendrier tardif commence à être contesté au sein des Républicains. « C’est un débat qui mérite d’être posé », estime Christian Jacob. Il sera sur la table dès lundi lors du bureau poli- tique du parti de Nicolas Sarkozy consa- cré au second tour des élections régionales.   Ludovic Vigogne Quecelui-cisoitunsuccèsouunedéception, au lendemain du second tour des élections ré- gionales, ce sera le grand débat qui se posera à droite : faut-il avancer la primaire et l’organiser avant l’été ? L’élection dont sortira le champion de la droite et du centre pour l’élection prési- dentielle de 2017 est pour l’instant program- mée les 20 et 27 novembre 2016. AuseindesRépublicains,ilssontdeplusen plus nombreux à s’interroger sur ce calendrier tardif. L’opposition peut-elle vivre encore un an sans chef ? Peut-elle se déchirer sur la place publique, avec le degré de violence dont elle a le secret, pendant douze mois, sans en sortir très affaiblie ? « Face à Marine Le Pen, la droite a besoin d’un patron vite. Elle ne peut pas se permettre un an de débats internes. Ils ne peuvent pas garder la primaire en novembre », avance même un ministre, au Figaro Magazine qui évoque l’hypothèse. Jeudi, sur LCP, Christian Jacob a mis les pieds dans le plat. « S’il y a une possibilité d’avancer la primaire et que cette position est consensuelle, je crois que c’est un débat qui mérite d’être posé. Mais ça ne peut se faire que de manière consensuelle et si c’est possible techniquement […]. La force aujourd’hui de la droite, c’est que nous n’avons pas ce qu’il y a à gauche, cette fracture idéologique », a jugé le président des députés LR. A l’Assemblée natio- nale, il a commencé à sonder ses collègues. « Les parlementaires sont plutôt pour, confie-t- il à l’Opinion. Si tu la fais avant l’été, tu fais le campus des jeunes et les journées parlemen- taires à la rentrée avec un candidat. Sinon, tu auras un candidat après les vœux. » Et d’ajou- ter un dernier argument : « Notre électorat aime l’ordre. » Eric Ciotti est aussi partisan de cette solu- tion. Le député LR des Alpes-Maritimes pré- pare une initiative afin de la promouvoir pour la semaine prochaine. « La primaire est une obligation, déclare-t-il à l’Opinion. Mais on n’est pas obligé d’en conjuguer tous les incon- vénients. Sa logique, c’est de pousser chacun à se distinguer. Je n’imagine pas que l’on vive dans ce climat pendant un an. Il faut donc au plus vite purger ce débat et l’organiser avant l’été. » Selon nos informations, Gérard Longuet a aussi prévu d’intervenir lundi lors du bureau politique des Républicains pour plaider en ce sens. « Nous avons un problème de leadership, dit le sénateur LR de la Meuse. Il faut le régler. Une victoire dans une primaire ripolinera à neuf le visage de la droite. » S’il n’en est pas à l’initiative, Nicolas Sar- kozy, qui a vécu un entre-deux tours difficile, n’est pas insensible à ce scénario. Son entou- rage fait savoir que le président des Républi- cains ne demande rien. Mais l’ancien chef de l’Etat a com- mencé à tester l’idée devant quelques responsables de sa famille. Elle comporte néanmoins un inconvénient. Alors qu’au- tour de lui, rien n’est prêt pour la primaire, il devrait quitter la rue de Vaugirard, très vite, au plus tard au début du prin- temps (les statuts exigent que le président du parti ait aban- donné ses fonctions plus de trois mois avant l’élection). Parmi les adversaires et candidats déjà déclarés à la pri- maire, le discours est partagé. Directeur de campagne d’Alain Juppé, Gilles Boyer rappelle qu’initialement le maire de Bordeaux avait proposé de tenir le vote avant l’été, avant de se rallier à la proposition des autres camps qui réclamaient un calendrier plus tardif. Il précise : « Si c’est pour revenir sur les conditions d’organisation et faire une primaire avec 300 000 participants dans les permanences des Républicains, c’est non. Si c’est en revanche faisable dans les conditions qui ont été définies, pourquoi pas ? Je préfère tard mais bien plutôt que tôt et mal. Mais tôt et bien, ce n’est pas inintéressant. » François Fillon est lui plutôt réservé. De- puis quelques semaines, le député de Paris soupçonne Nicolas Sarkozy de fomenter un mauvais coup sur la primaire pour l’après ré- gionales. Le refus est en revanche net du côté de Bruno Le Maire. « C’est non. Il y a quinze jours, on nous disait que la primaire serait impossible à organiser en dix mois selon les conditions fixées et maintenant on veut l’avan- cer ! rétorque un des proches du député LR de l’Eure. C’est une manœuvre des tenants du vieux système pour tenter de conserver le pouvoir. Une telle bidouille pour répondre à la crise politique que nous vivons n’est pas à la hauteur des enjeux. » Un des principaux organisateurs de l’élec- tion est lui catégorique. « C’est n’importe quoi, dit-il. Il est impossible de l’organiser dans de bonnes conditions avant l’été. » Cela suffira-t-il à clore le débat ? Ou celui-ci, succédant à nom- breux autres sur le nombre et la répartition des bureaux de vote ou sur les conditions de finan- cement du scrutin, décidera-t-il un candidat à sortir du processus de la primaire et à se pré- senterdirectementaupremiertourdel’Elysée ? @LVigogne t Faut-ilavancerlaprimaire deladroiteetducentre ? Ceseralagrandequestionaulendemain desrégionales.ChristianJacob,EricCiotti ouencoreGérardLonguetysontfavorables « Jepréfèretardmais bienplutôtque tôtet mal.Maistôtetbien,ce n’estpasinintéressant. » GillesBoyer,directeurde campagned’AlainJuppé Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr DIGITALISER VOS RÉUNIONS, 100% DÉMATÉRIALISÉ, 0% PAPIER J’attendais Valls, lundi matin, tout en lisant la presse, quand mon téléphone s’est mis à vibrer. Ou plutôt, soyons précis, quand l’un de mes téléphones s’est mis à vibrer. Celui-là, les journalistes le connaissent par cœur : 06 32… J’avais déjà ce numéro lorsque j’étais premier secrétaire. Je l’ai conservé depuis. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est ma ligne privée. C’est en tout cas celle que je maintiens contre vents et marées avec tous ceux qui écrivent des horreurs sur mon compte et m’assurent en même temps, lorsque je les rencontre, de leur sollicitude et même, souvent, de leur amitié. Passons… Lundi matin, donc, j’ai reçu un texto qu’il m’a suffi de lire pour en deviner l’auteur. « L’urgence est là. Tu dois me voir. » Pas de signature. Encore moins de formule de politesse. Les convocations de ce genre, je n’en reçois pas souvent. C’est d’ailleurs pour cela que j’en ai su aussitôt l’origine. Edwy, pardi ! Je n’ai pas répondu tout de suite. D’abord parce que je n’aime pas qu’on me siffle après m’avoir si longtemps battu froid. Ensuite, parce que Manuel venait de s’asseoir face à moi et que je me voyais mal répondre au procureur de Mediapart devant un homme qui est, selon lui, la réincarnation de Guy Mollet. Enfin et surtout, j’avais besoin de réfléchir tranquillement à l’objet exact de cette soudaine mise en demeure. Edwy, je le connais comme ma poche. Tellement lisible et pourtant imprévisible. Un brin radoteur, rarement sympathique, toujours grandiloquent, même dans les petites choses. Un jour Péguy, l’autre Trotski, entre leçon de morale et cours de stratégie politique. Depuis le temps qu’on se fréquente… Trente ans déjà ! Quand il était le premier flic du Monde puis quand il est devenu, avec Colombani et Minc, le chef d’orchestre si peu clandestin de notre brave quotidien du soir, Edwy aimait venir boire un verre avec moi, au bar du Lutécia. On parlait. On échangeait des infos. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a fini par écrire un livre ensemble, en 2006. Il me posait des questions plus longues que mes réponses. J’avais trouvé le titre : « Devoir de vérité » – sans rire. Lui avait imposé l’éditeur : Stock, bien entendu, pour rester en famille. Il avait surtout tenu à ce que cette longue interview soit qualifiée de « dialogue ». En toute modestie journalistique… Que me voulait-il, à nouveau ? Me parler de la TVA pour la presse en ligne et du redressement fiscal que vient de lui infliger Bercy ? Difficile à croire, d’autant qu’il y a belle lurette que son avocat, qui est aussi le mien, m’a transmis le dossier. Me signaler à l’avance les turpitudes d’un de mes ministres, comme du temps de Cahuzac ? Si c’était le cas, j’avais plutôt intérêt à ne pas bouger une oreille. Il fallait donc aller au plus simple. Si Edwy voulait me voir en urgence, au lendemain du premier tour des régionales, c’est que l’urgence était précisément celle de l’actualité la plus chaude. « Quand le blé est sous la grêle, fou qui fait le délicat », comme disait l’autre. J’ai répondu par texto sur un mode un peu pète-sec qui me semblait convenir à la situation : « Mercredi, 21 heures, dans mon bureau. » J’ai failli ajouter : « Tenue de camouflage obligatoire. » Je me suis retenu de justesse et, au fond j’ai bien fait. Je dis ça parce que la tenue de camouflage, Edwy l’a enfilée tout seul. Au jour et à l’heure dite, l’huissier, qui en a pourtant vu d’autres, l’a introduit dans mon bureau avec une mine étonnée. Costume noir, chemise noire, moustache noire, regard noir : sur le coup, j’ai cru qu’Edwy s’était barbouillé le visage de charbon de bois pour qu’on le remarque moins, en cette soirée de décembre. – Ça va ? – Non. –Tu voulais me voir ? – Oui. – Tu avais des choses à me dire – Nous sommes requis ! Dis comme ça… Avant que j’aie eu le temps de lui répondre, Edwy avait déjà plongé le nez dans son cartable. Il en a sorti un livre qu’il s’est mis à me lire d’une voix tremblante d’émotion : « La France est à la merci d’un accident historique : l’élection à la présidence de la République, en 2017 de la dirigeante d’extrême droite, Marine Le Pen. Il ne s’agit là ni de pronostic, ni de prévision, encore moins d’un pari. Simplement d’une analyse froide de l’ampleur sans précédent de la crise de la représentation politique et… » Là, je l’ai coupé : « Je sais. Camba me dit la même chose. » Cette remarque, je le confesse, n’était pas charitable vu la détestation que se vouent ces deux enfants de Léon. Edwy a pris son air de musaraigne. « Sauf que ces phrases, à Mediapart, nous les avons écrites il y a tout juste un an dans un ouvrage – Qu’ont-ils fait de nos espoirs –qu’une fois encore, tu n’as pas voulu lire. » J’allais lui répondre qu’en effet, ça n’était pas nécessaire puisqu’il répétait toujours la même chose, quand, à ma grande stupeur, Edwy s’est levé pour me tendre la main : « Arrêtons ces querelles stupides. Soyons à la hauteur. Tu es pragmatique, je suis radical. Construisons une radicalité pragmatique. Vire Valls et la République revivra, à gauche. » Pardon de rabaisser le débat, mais dans les yeux embués de mon vieux camarade, j’ai vu soudain s’esquisser la formule de ma réélection en 2017. Oh, bien sûr, je ne l’ai pas dit comme ça. Je n’allais quand même pas casser l’ambiance ! D’autant qu’Edwy, dans son élan, avait déjà replongé dans son cartable. « Tu connais, j’imagine, Hemingway ? ». Et puis quoi encore… Imperturbable, il a alors déclamé : « Aucun homme n’est une île, un tout complet en soi. Tout homme est une partie de l’ensemble. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas. C’est pour toi qu’il sonne. » Il était 22 heures. C’était l’heure de nous quitter. Une pendule s’est mise à sonner. Les pendules de l’Elysée ne seront jamais à la hauteur d’Edwy. @LesCarnetsFH t Derrière les initiales F.H. se cache un fin observateur de la gauche française, assez introduit dans l’entourage présidentiel pour ne rien ignorer (ou presque) de ce qui se trame dans le bureau du chef de l’Etat. Et qui, pour avoir suivi depuis de longues années François Hollande, est un fin analyste de la psychologie présidentielle. Palaisdel’Elysée F.H. Pour uneradicalité pragmatique Edwy Plenel : « Arrêtonscesquerelles stupides.Soyons àlahauteur.Tues pragmatique,jesuis radical.Construisons uneradicalité pragmatique.Vire VallsetlaRépublique revivra,àgauche » NicolasSarkozy n’est pas insensible à un scénario de primaire avancée. Reuters
  • 5. vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 5 Brainstorm Après un bon deuxième trimestre, l’éco- nomie a arrêté de créer des emplois au troisième trimestre dans le secteur mar- chand, comme le montre l’Insee jeudi (900 emplois nets détruits en trois mois, contre 28 000 créés entre avril et juin). Fanny Guinochet Manuel Valls ne décolère pas des mauvais résultats de la France sur le front du chômage. Les livraisons de ses derniers jours ont de quoi mettre le moral à zéro du Premier ministre. Après les 42 000 inscrits supplémentaires à Pôle emploi en octobre, puis les statistiques de l’Insee de la semaine dernière portant le taux de chômage à 10,6 % - son niveau le plus haut depuis 1997 -, voici maintenant le coup de frein sur la création d’emplois marchands au 3e tri- mestre… Aussi, le premier ministre a-t-il demandé à ses équipes de mettre toutes les pistes sur la table. Le benchmark avec les voisins bat son plein. Tout y passe, pour créer une sorte de « Jobs act » à la française, comme l’a fait Mat- teo Renzi en Italie : du « CDD intérim » multire- nouvelable à l’extension de contrats de projets, en passant par le renforcement des contrats aidés. L’objectif : mener une guerre frontale contre le chômage et en particulier le chômage de longue durée et celui des jeunes. La future loi Travail de la ministre Myriam El Khomri, si elle ambitionne de lever quelques verrous, reste un peu trop théorique au goût de Manuel Valls. Robert Badinter doit livrer son rapport préparatoire le 15 janvier mais le gouvernement a conscience que la réécriture du Code prendra du temps. Aussi cherche-t-il à accélérer le mouvement. D’autant que patro- nat et syndicats le pressent d’agir sur quelques sujets, comme la relance de l’apprentissage ou l’exonération des charges pour des emplois à destination des plus éloignés du marché du travail. Laurent Berger, à la CFDT, demande que « l’emploidesjeunessoitunecausenationale », quand Pierre Gattaz réclame « un plan d’ur- gence contre le chômage de masse ». « C’est un scandale, un fléau, je demande qu’il y ait une sorte de plan Marshall, un Grenelle, un élec- trochoc, tout ce que vous voulez », a martelé le patron du Medef sur RTL le 8 décembre. Et de parier sur le fait que « ça peut être fait avec tous les partis politiques, avec tous les partenaires sociaux ». À l’image de la loi « zéro chômage » du député PS, Laurent Grandguillaume, adop- tée à l’unanimité, dans la nuit de mercredi ? « Tout le monde a voté pour, du Front de Gauche aux Républicains, se félicite le député de Côte d’Or, c’est du jamais vu pour une loi sociale ! » Les deux députés FN étaient absents lors du vote de ce texte qui prévoit l’expéri- mentation dans une dizaine de territoires de la création de CDI pour des chômeurs de longue durée dans des emplois dits d’utilité publique. Bénéficiant de la procédure d’urgence, cette loi est inscrite au Sénat le 15 janvier, et pour- rait servir de véhicule législatif pour faire passer quelques mesures chocs sur lesquelles planche Matignon. Seule réserve, que les su- jets ne soient pas trop éloignés de ce texte, sans quoi le Conseil constitutionnel considérera que ce sont des cavaliers législatifs. Surtout, les dispositifs envisagés risquent d’être moins consensuels. « Car il faut déblo- quer le marché du travail tout en expliquant que cela ne se fera pas contre les chômeurs », poursuit un proche du dossier. La sécurisa- tion du contrat de travail devrait y figurer, et notamment le plafonnement des indemni- tés prud’homales, si cher au patronat. Pré- vue dans la loi Macron 1, mais retoquée par le Conseil constitutionnel, cette disposition pourrait réapparaître. Matignon n’exclut aucun scénario, y com- pris de profiter de cette période si particulière de l’état d’urgence, et d’en passer par une loi spécifique dès janvier. L’Élysée semble moins pressé. Reconnaissant que « la situation de l’emploi est moins détendue qu’espérée », l’en- tourage du chef de l’État insiste surtout sur les deux lois en cours, la loi Travail et la loi Macron 2, dite « Noé ». @fannyguinochet t Faceauchômage,legouvernementplanche surun« JobsAct »àlafrançaise LamontéeduchômagepousseMatignonàaccélérerlaréformedumarchédutravail. Ilenvisageraituneloipouracterdesmesureschocsenfaveurdel’emploi « Ils acceptent une moins grande sécurité dans le travail. Cette flexibilité leur permet d’entrer plus facilement dans la vie active. » Pour Sami Rahal, directeur des ressources humaines chez Deloitte, les jeunes qui ar- rivent sur le marché de l’emploi tendent à plus de réalisme. C’est l’une des tendances qui ressort du nouveau baromètre  sur l’hu- meur des jeunes diplômés, présenté ce jeudi. Une étude menée courant novembre auprès d’un millier de répondants, oscillant entre un niveau Bac et Bac +5, sur le marché du tra- vail depuis moins de trois ans. Une tranche de la population dont la situation profession- nelle semble s’améliorer sensiblement : selon l’étude, 70 % sont en poste contre un sur deux en 2014. Pour atteindre ce nouveau taux et intégrer le marché de l’emploi, ces jeunes ont accepté de rogner certains « acquis » de leurs aînés. 63 % se prononcent ainsi pour la suppression des 35 heures. Plus de 50 % sont favorables à la baisse du montant des allocations chômage après six mois. « On constate une évolution assez majeure de la perception du marché du travail par ces jeunes », a commenté de son côté Frédéric Micheau, directeur du dépar- tement opinion chez OpinionWay. La moi- tié accepterait la mise en place d’un contrat de travail unique en remplacement du CDD ou  CDI.  « C’est quelque chose que l’on n’ob- servait pas il y a trois ans », ajoute-t-il. Des postulants à la vie active conciliants donc, et qui se prennent en main : parmi ceux en poste, 25 % ont trouvé leur emploi via leur réseau. « Ils ont conscience de l’importance de cet outil dans la recherche de poste », pointe Sami Rahal, soulignant par ailleurs que 10 % des diplômés ont trouvé leur travail grâce aux réseaux sociaux professionnels, tels LinkedIn ou Viadeo. Les auteurs de l’enquête tiennent éga- lement à souligner une augmentation cu- rieuse : celle du nombre de sondés considé- rant les diplômes inutiles dans la recherche d’emploi. Ils n’étaient que 13 % à le penser en janvier 2014, contre 22 % aujourd’hui. Plus précisément, cet avis est partagé aujourd’hui par 17 % de ceux qui sortent des grandes écoles, « une proportion élevée », estime Sami Rahal, soulignant que les directeurs de ressources humaines, également question- nés dans le cadre de l’étude, sont près de 70 % à affirmer, au contraire, que les diplômes faci- litent la signature d’un contrat de travail. Des jeunes bousculés par la crise, conscients du caractère très mouvant du monde de l’emploi et qui revoient leurs pers- pectives professionnelles en conséquence : près de 20 % de ceux en poste ne savent pas où ils seront d’ici deux ans, un sur cinq par- vient à se projeter sur dix ans. S’ils se contentent d’une vision à plus court terme, ces nouveaux actifs gardent ce- pendant un certain traditionalisme dans leur rapport au travail : « La disparition du pro- fil salarié au profit d’autres statuts propres aux freelancers, comme celui d’autoentre- preneur, ne séduit que 39 % des personnes interrogées, » a souligné Géraldine Segond, directrice adjointe des ressources humaines chez Deloitte. Parallèlement, 6 % des sondés imaginent se lancer dans l’entrepreneuriat. « C’est moins que ce que certains pourraient penser », a insisté Sami Rahal. Des données à contre-courant donc de l’image assez largement diffusée d’une géné- ration Y focalisée sur l’écosystème des jeunes pousses. Un univers dont les codes restent cepen- dant attractifs et tendent à dépeindre sur les acteurs économiques plus installés. « Les caractéristiques recherchées au sein des start-up, telles l’ambiance de travail ou l’équi- libre entre vies privée et professionnelle, se retrouvent de plus en plus au sein d’entre- prises établies qui ont dû s’adapter », conclut Géraldine Segond. Claire Bauchart @clairebauchart t Lenumérique déconnecte croissance et emploi Lesjeunesdiplômésacceptentplus deflexibilitépourtrouverunjob Durant la première moitié de son quin- quennat, François Hollande s’est heurté de plein fouet à la courbe de Laffer : « Trop d’im- pôt tue l’impôt ». Durant la seconde moitié, il risque de faire connaissance avec les subtilités de la courbe de Beveridge. À première vue, cette dernière est pourtant d’une grande simplicité : plus il y a d’emplois disponibles sur le marché, moins il y a de chômeurs. Sauf qu’il ne suffit pas de se promener le long de cette courbe pour la comprendre. La particularité de la courbe de Beveridge est en effet de se déplacer dans l’espace. De sorte qu’un jour donné, il peut y avoir autant d’offres d’emploi disponibles que le jour précédent mais deux fois plus de chômeurs ! Ceci parce que les nouveaux métiers proposés ne correspondent plus aux qualifications des chômeurs. Beveridge est l’économiste qui a modélisé la notion de chômage structurel… Les chiffres trimestriels de l’emploi publiés par l’Insee jeudi rappellent avec acuité com- bien cette problématique se pose aujourd’hui à la France. Sur un an (à fin septembre 2015), l’industrie française a détruit 42 000 emplois et le bâtiment 45 000. À l’inverse, le tertiaire en a créé 124 000, parmi lesquels 49 000 dans l’intérim. Cela représente une hausse de 1,1 % de l’emploi dans le secteur tertiaire marchand et de 9,5 % dans l’intérim. Les optimistes voient souvent dans le rebond de l’intérim les signes avant-coureurs d’une reprise de l’emploi durable. Cette fois- ci, pourtant, l’ampleur du phénomène inter- pelle. Il est à mettre en lien avec la précarisa- tion globale du marché de l’emploi, marqué également par l’envolée des contrats courts, voire très courts. Plus qu’un attentisme de la part d’entrepreneurs qui attendent de voir la reprise se concrétiser avant d’embaucher, ces phénomènes traduisent une modification structurelle du marché de l’emploi. Mutationdouloureuse. « On assiste à une révolution profonde dans le monde du travail dont personne, parmi les responsables politiques, n’a pris conscience, explique un haut responsable patronal. Quand vous leur parlez numérisation, ils répondent que cela va permettre d’améliorer la productivité de l’administration. Mais ils ne comprennent pas du tout le choc que cela provoque sur l’écono- mie réelle ». Le plus dur est probablement à venir : des secteurs traditionnellement créa- teurs d’emplois dans les années 1990 et 2000, comme la distribution ou la banque, ne le sont plus et pourraient au contraire représenter des bataillons de nouveaux chômeurs dans les prochaines années. Les études prévenant de l’ampleur du phénomène se sont multipliées au cours des deux dernières années. La dernière en date – A Transforming World, publiée en novembre par Bank of America Merrill Lynch – fait froid dans le dos. Sur 300 pages, les économistes améri- cains démontrent qu’avec la robotisation (au sens large) de l’économie, ce sont un tiers des emplois actuels en Grande-Bretagne et 47 % de ceux aux Etats-Unis qui disparaîtront dans les prochaines années. Ils seront certes remplacés par de nouveaux métiers mais cela impliquera une douloureuse mutation pour nombre de salariés. La France n’échappera pas à ces pro- blématiques. Le réflexe traditionnel de nos responsables politiques, qui consiste à croire qu’une reprise de la croissance suffira à faire baisser fortement le chômage, pourrait donc être battu en brèche. « La bonne réaction consisterait à admettre la nécessité de passer par une étape de destruction des emplois existants avant une reprise saine, poursuit ce patron proche du Medef. Mais aujourd’hui, aucun responsable politique n’est capable de porter un discours aussi courageux et réaliste ». Cyrille Lachèvre @CyrilleLachevre t Selonlebaromètre, 63 %desjeunesse prononcentpour lasuppressiondes 35 heures.Plusde50 % sontfavorablesàla baissedumontantdes allocationschômage aprèssixmois LafutureloiTravailde MyriamElKhomri,si elleambitionnedelever quelquesverrous,reste unpeutropthéorique au goûtdeManuelValls
  • 6. 6 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 Financespubliques Les députés clôtureront dans la nuit de ven- dredi à samedi l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016. Les sénateurs en feront de même avec le projet de loi de fi- nances rectificatives (PLFR) pour 2015. Sécu- rité, emploi, guichets sociaux… Les hausses de dépenses ont entraîné d’importants transferts de crédits en fin d’année, no- tamment sur l’écologie ou la recherche. Raphaël Legendre Dernière ligne droite pour le marathon bud- gétaire.Aprèsdeuxmoisd’examen,plusde1 700 amendements déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat et près de deux cents articles au final contre 64 au départ, les députés vont clôturer dans la nuit de vendredi à samedi l’examen en nouvellelectureduprojetdeloidefinancespour 2016. Les sénateurs en feront de même avec le projet de loi de finances rectificative qui, entre ledébutetlafindel’examenàl’Assembléenatio- nale, est passé de 43 à 110 articles, avec près de 1 000amendementsdéposés. Cette inflation législative aurait pu faire craindre un dérapage des recettes comme des dépenses. Les deux textes tiennent pourtant la trajectoiredudéficitpublic(3,8 %en2015et3,3 % en 2016) et les principaux agrégats budgétaires. Le taux de prélèvements obligatoires devrait ainsi passer de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,6 % en 2015, puis 44,5 % en 2016. Le taux de dépenses publiques reculera de 56,4 % du PIB en 2014 à 55,8 %en2015puis55,1 %en2016. Cette apparente stabilité ne signifie pas pour autant que les lignes n’ont pas bougé. Bien au contraire. Suite aux attentats de janvier et de novembre, le gouvernement a dégagé 600 mil- lions d’euros de moyens supplémentaires pour la sécurité intérieure en 2015, et 800 millions en 2016. Les opérations extérieures ont coûté 650 millions d’euros de plus que prévu cette an- née. Sur le quinquennat, plus de 30 000 postes seront sauvegardés ou créés dans l’armée, 10 000 seront créés dans la police et la gendar- merie, 2 500 dans l’administration pénitentiaire etjudiciaireetplusde1 000postesdedouaniers. Mais ces dépenses régaliennes ne sont pas les seules à exploser. La politique de l’emploi a également coûté beaucoup plus cher que prévu cette année (créations de 478 000 emplois aidés contre 365 000 prévus originellement, pour un surcoût de 640 millions d’euros), tout comme l’hébergement d’urgence (+224 millions par rap- port à l’enveloppe originale). Aide médicale de l’Etat,allocationadultehandicapé,aidesauloge- ment ou RSA Activité : les guichets sociaux sont euxaussienconstantdérapage. Pour financer tout cela tout en respectant la norme de dépense, et alors que les rentrées fis- cales se heurtent à un plafond de verre et qu’il est devenu quasiment impossible d’augmenter lesimpôts,legouvernementadûopérerencette fin d’année des redéploiements massifs de cré- dits entre les missions de l’Etat. Des centaines et des centaines de millions d’euros de crédits ont été annulés, principalement sur les missions « Écologie » (–600 millions d’euros), « Recherche et enseignement supérieur » (–400 millions) ou « Aide publique au développement » (–110 mil- lions). Et encore, le rabot aurait pu être beaucoup plus violent. Car par chance, le gouvernement a bénéficié cette année encore d’éléments excep- tionnels pour boucler son budget : 2 milliards d’euros d’économies sur les intérêts de la dette grâce aux taux bas et un milliard sur la partici- pation du budget européen. Sans ces trois mil- liards, l’objectif de réduction du déficit n’aurait pasétérespecté. Au final, plus de six milliards d’euros de transferts ont été inscrits dans le schéma de fin de gestion pour 2015, contre 2 milliards tradi- tionnellement. Un signe supplémentaire que la politiquedurabotestarrivéeàboutdesouffle. Défidelamaîtrisedesdépenses. « Le véri- table défi auquel nous sommes confrontés est celui de la maîtrise des dépenses. Le collectif budgétaire démontre parfaitement [...] cette évi- dence que nous sommes au bout du bout en ma- tière de régulation budgétaire et d’utilisation du rabot »,aainsirappeléilyaquelquesjourslepré- sident (LR) de la commission des finances Gilles Carrez au pupitre de l’Assemblée nationale. « Il y a trente ans, les dépenses de justice, de sécurité et de défense représentaient en points de PIB le doubledecequ’ellessontaujourd’hui.Alorsque nous ne pouvons plus augmenter les 1 250 mil- liards d’euros de dépenses publiques, le défi va être de redéployer vers ces missions régaliennes unepartiedes670 milliardsd’eurosdetransferts sociaux », a ajouté le président de la commission desfinances. Pour cela, il va falloir davantage travailler sur l’efficacité des politiques publiques. « Le milliard d’euros dépensés en contrats aidés a-t-il empêché le chômage de progresser de 42 000 personnes en octobre ? La non-dégressivité des allocations-chômage (21 milliards de déficit sur l’Unedic) joue-t-elle en faveur ou au détriment de l’emploi ? Le filet extrêmement resserré de l’assistancejoue-t-ilenfaveurdelacroissanceou ne la pénalise-t-elle pas parfois ? », s’est interrogé le député. Des questions auxquelles ni le PLF, ni le PLFR, qui seront définitivement votés jeudi, nerépondentmalheureusement. @LEGENRAt Budget:unegestionaurabot àboutdesouffle PLFetPLFRserontdéfinitivementvotés jeudiprochainauparlement,clôturantdeux moisdemarathonbudgétaire Départ Dimanche soir, alors que les résultats du premier tour des élections régionales étaient à peine tombés, Jean-Christophe Fromantin a décidé de quitter l’UDI, sans bruit ni fracas. Mais convaincu que son avenir politique est ailleurs que dans cette formation centriste. Il met en place un maillage territorial pour présenter 577 candidats aux élections législatives de juin 2017. Caroline Vigoureux Comme beaucoup de Français dimanche der- nier, il a suivi le premier tour des élections ré- gionales devant son poste de télévision. Depuis son vaste bureau de la mairie de Neuilly-sur- Seine, le député a vu défiler les responsables politiques sur les plateaux télé pour tenter de trouver une explication à la déferlante FN. La gauche expliquait qu’il fallait voter pour la droite quand la droite assurait au contraire qu’il fallait se maintenir quoi qu’il arrive. « C’était pitoyable, indécent. Ils sont dans un déni de réalité et ne prennent pas la mesure du problème », constate Jean-Christophe Fro- mantin. L’édile francilien a regardé Jean-Chris- tophe Lagarde, le président de l’UDI, défendre le front républicain. « Ces stratégies nationales n’ont aucun sens. Le front républicain, c’est re- connaître que toutes les décisions se prennent d’en haut quel que soit l’intérêt de la région. Laissons les candidats faire ce qu’ils veulent ! » Ce désaccord était celui de trop. Dans les minutes qui ont suivi, il a publié un tweet renvoyant sur son blog. Un texte de quelques lignes pour expliquer les raisons de son dé- part. En pleine soirée électorale, sa décision est passée presque inaperçue. Tant pis pour le timing. « Je ne voulais pas faire un coup », jus- tifie-t-il. Sur Twitter, Jean-Christophe Lagarde, lui a répondu froidement. « Vous n’y étiez déjà plus et n’avez payé qu’1 seule fois votre cotisa- tion, 1 mois avant d’être candidat à la Pdce… Bon vent ! ». Il a failli renchérir mais n’a finalement rien écrit. « Lagarde a prouvé qu’il avait davantage une vision comptable qu’une vision pour la France. Ces attaques me passent au-dessus de la tête. » Cela faisait déjà plusieurs mois que Jean- Christophe Fromantin envisageait de rompre avec le parti dont il avait brigué la présidence en novembre 2014. « Jean-Christophe voulait quitter l’UDI depuis belle lurette. Il profite du moment », estime Hervé Morin, membre de la formation centriste. Mardi 1er  décembre, lors de la réunion hebdomadaire des députés UDI, le maire de Neuilly s’était accroché avec le président du groupe, Philippe Vigier, quand le sujet des élections régionales était venu dans les discussions. « J’avais l’intuition que nous assisterions di- manche à l’écroulement du système politique en direct. Tout part en vrille, ça n’a plus aucun sens. Je ne veux pas être avec ceux qui vont se fracasser sur le mur de cette crise », confie-t-il. Combat à Neuilly-sur-Seine. A peine parti Jean-Christophe Fromantin a déjà son projet en tête : présenter 577 candidats aux élections législatives de 2017. Ambitieux, celui qui dé- fend la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025 croit pouvoir organiser d’ici là un maillage territorial. Le député a mis en ligne une plate-forme pour déposer les candidatures et dit avoir déjà reçu plusieurs pro- positions de personnes sans étiquette politique. « Le vrai su- jet de 2017, c’est les législatives », affirme l’élu, qui ne croit pas au principe de la primaire. Il a rédigé une charte d’éthique qu’il entend faire signer à ses futurs candidats. A partir du mois de février, il entamera un tour de France, en commen- çant par Marseille. Pour finan- cer son projet, il compte sur les contributions des particuliers. « Barack Obama a bien réussi à faire sa campagne sans argent public. » Et comme pour mieux prouver que rien n’est impos- sible, Jean-Christophe Fro- mantin ne cesse de citer en exemple son combat à Neuil- ly-sur-Seine, ce fief sarkozyste qu’il a fait tomber en 2007, avant de devenir cinq ans plus tard député des Hauts-de-Seine puis conseiller départemental. Pourquoi ses victoires ne seraient-elles pas transposables ailleurs ? « Tout le monde m’a pris pour un dingue mais il n’empêche que j’ai été élu à chaque fois », affirme-t-il crânement. Même si, pour l’instant, il est seul dans son aventure. « Je pars dans l’arène avec mes petits bras, mes moyens. Mais je ne dois rien à personne, c’est ma force ». Mardi, cet ancien chef d’entreprise a reçu l’accord du Palais Bourbon pour intégrer la commission des Finances, celle dont il rêve de- puis qu’il est devenu député en 2012 (il appar- tenait jusqu’alors à la commission du dévelop- pement durable et de l’aménagement du terri- toire). Cet ancien chef d’entreprise affectionne particulièrement les questions économiques. Puisqu’il a quitté le groupe UDI à l’Assemblée nationale, le député a changé de place dans l’Hémicycle. Il apprivoise depuis mardi le stra- pontin numéro 321. « Comme 3-2-1, partez », fait-il remarquer. Lui est déjà parti sans vrai- ment connaître sa prochaine destination. @CaroVigoureux t L’ambitieuxFromantin etses577candidats Aprèsavoirclaquélaportedel’UDI,le députédesHauts-de-Seineveutdésormais présenterdescandidatspartoutenFrance abrosse Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr UTILISER UNE MESSAGERIE INSTANTANÉE SÉCURISÉE ENTRE ADMINISTRATEURS « La droite a une attitude en demi-ton » Hervé Mariton, député Les Républicains de la Drôme, était l’invité de Nicolas Beytout. Le candidat à la primaire de la droite est revenu sur sa volonté de clarifier la ligne politique des Républicains : « Nous devons être clairs sur les questions économiques, sur les questions de politique étrangère… » Il regrette que la droite ait « une attitude en demi-ton » et qu’elle cherche à « se situer par rapport au Front na- tional ». Retrouvez l’intégralité de l’interview surwww.lopinion.fr L’opinionde... HervéMariton(LR) Ce vendredi matin, Nicolas Beytout reçoit Geoffroy Didier (LR) Lesrendez-vousvidéodelopinion.fr 8 h 45 L’interview de Nicolas Beytout 10heures Les petites phrases de la matinée 12h30 Le Décryptage 16heures Le Top-Flop 17heures Le Tweet-clash 20heures Les petites phrases de la journée « J’avaisl’intuition quenousassisterions dimancheà l’écroulementdusystème politiqueendirect.Tout partenvrille,çan’aplus aucunsens » « Tout le monde m’a pris pour un dingue mais il n’empêche que j’ai été élu à chaque fois », affirme Jean-Christophe Fromentin. DR
  • 7. vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 7 «Retex» Quatre semaines après les attentats qui ont coûté la vie à 130 personnes, les « services » ont entrepris, dans la plus grande discré- tion, un « retex » (retour d’expérience) pour tenter de comprendre ce qui a dysfonction- né. Si certaines informations doivent rester secrètes, cette question doit éga- lement être débattue publiquement, estiment les experts.  Jean-Dominique Merchet C’est une défaite. En 2015, les services français de renseignement ont subi plusieurs échecs majeurs, en ne parvenant pas à empê- cher une série d’attaques terroristes : Charlie Hebdo, Montrouge, le magasin Hyper Cacher, Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier, le Thalys et enfin les attentats du 13 novembre. Le bilan humain est de 162 morts, dont 10 terroristes, et de centaines de blessés. Le bouclier qui protégeait les Français a été percé à plusieurs reprises. Or, depuis la vague d’attentats de 1994- 1996, et si l’on excepte le cas spécifique de la Corse, les services antiterroristes étaient par- venus à protéger le territoire national, alors que d’autres pays étaient sévèrement touchés. Ainsi al-Qaïda n’avait jamais pu pénétrer les défenses françaises. Les professionnels de la lutte contre le terrorisme en concevaient une légitime fierté, mettant en avant la qualité de leur travail ou de la législation française. Après cette défaite en rase campagne, le gouvernement ne peut plus se contenter d’un « Circulez, il n’y a rien à voir ! », comme le fait un peu vite le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Certes, les services se livrent à un « retex à bas bruit », un retour d’expérience couvertparlesecret-défense,assureunproche du dossier. Mais les pesanteurs administratives sont telles que ce travail risque de déboucher une nouvelle fois sur ce qu’Yves Trotignon, ancien analyste de la DGSE reconverti dans le privé, qualifie de « syndrome Shadok » : « Plus ça rate, plus on a de chance que ça marche… » En mars 2012, l’affaire Merah avait pour- tant été une première alerte sérieuse. Des dys- fonctionnements avaient été pointés et une nouvelle loi antiterroriste adoptée dans l’ur- gence à l’automne suivant. Une de plus ! « On a voté 14 lois antiterroristes en moins de quinze ans », constatait la sénatrice UDI Nathalie Gou- let au lendemain de Charlie. Depuis lors, il y a eu une nouvelle loi sur le renseignement, en juillet dernier, puis les mesures de l’état d’ur- gence. A chaque fois, c’est la logique du « toujours plus » qui s’applique : plus de crédits, plus d’ef- fectifs, plus de moyens, plus de pouvoirs pour les services de renseignement et de sécurité. Une réponse quantitative, soutenue autant par les chefs que par les syndicats. Cela permet d’éviter de s’interroger sur les méthodes et l’or- ganisation qui viennent pourtant de montrer leurs limites. « Renforcer sans fin des struc- tures prises en défaut, pour le seul bénéfice de montrer qu’on le fait, n’offre aucune garantie de succès ou d’efficacité accrue », assure Yves Trotignon, dans un récent article pour The Conversation. Le renseignement français souffre d’abord d’un enchevêtrement administratif kafkaïen. Créée en 2008, la communauté française du renseignement comprend pas moins de six services dépendant de trois ministères diffé- rents (Défense, Intérieur et Finances). Mais d’autres services impliqués dans la lutte contre le terrorisme n’en font pas partie, comme le renseignement territorial (les ex-RG) ou la gendarmerie. Un exemple, lorsque le ministre de l’Intérieur réunit ses principaux subordon- nés directement concernés, ils sont au moins quatre : le directeur général de la police natio- nale, le directeur général de la sécurité inté- rieure, le directeur général de la gendarmerie nationale et le préfet de police, seul maître à bord à Paris et dans les trois départements de la petite couronne. Car la direction du renseignement de la pré- fecture de police (DRPP) est une structure indé- pendante du service central du renseignement territorial (SCRT), même s’ils font le même job, mais pas dans les mêmes zones géographiques. Tout comme la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) des gendarmes. Ces der- niers ont d’ailleurs le plus grand mal à occuper des postes au sein de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), toujours marquée par son origine policière… Auseindelapolice,leslogiquesdifférentes du renseignement et de la police judiciaire sus- citent également des tensions. Après l’attaque de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), le ministre de l’Intérieur a créé une nouvelle structure, l’état-major opérationnel de prévention du ter- rorisme (Emopt), qui traite plus de 11 000 per- sonnes fichées. Mais elle s’ajoute à l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) qui dépend, non pas du ministre, mais du di- recteur de la police… Ce chaos administratif renforce une autre faiblesse de l’antiterrorisme français : son manque d’ouverture sur le monde intellectuel et académique. Ce qui pêche, c’est moins le recueil de l’information que son traitement – l’« analyse », disent les professionnels. Alain Bauer, professeur de criminologie appli- quée, résume la situation : « Après chaque catastrophe sécuritaire, une commission d’en- quête, publique ou interne, publie un rapport. Systématiquement, ce document rappelle que les services : 1/ savaient tout ou presque, 2/ pour de mystérieuses raisons, n’ont pas compris ce qu’ils savaient, 3/ espèrent que cela ne se reproduira pas. » Le criminologue plaide pour une coopération étroite entre « entre chercheurs et agents opérationnels, pour tirer les conséquences des failles et améliorer le sys- tème », comme la police de New York (NYPD) a su le faire après le 11-Septembre. Sébastien-Yves Laurent, l’un des rares uni- versitaires français spécialistes de ce domaine, estime que le « paradigme » français du rensei- gnement « s’appuie sur l’intuition, le flair, le doigt mouillé, l’expérience du terrain », là où les Américains font plus appel aux méthodes des sciences sociales. « Je suis persuadé qu’il faut y avoir recours pour rendre l’analyse plus rigoureuse », affirme-t-il. Comme le dit Yves Trotignon : « La cuirasse doit évoluer constam- ment pour résister aux coups du glaive et le moindre retard créé des vulnérabilités parfois mortelles. » On vient de le constater, le vendre- di 13 novembre. @jdomerchet t Lors de la fusillade au Bataclan à Paris, vendredi 13 novembre. En 2015, le terrorisme aura fait 162 morts en France. Antiterrorisme:cettelogique Shadokquiamenéàl’échec Unmoisaprèslesattaquesdu13 novembre,lesservicesde renseignementfrançaisvontdevoirtirerlesconséquences deleursgraveséchecs DRPP,SCRT,SDAO, DGSI,Emopt,Uclat... Unchaosadministratif Sipa Press Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr REGROUPER ET ARCHIVER LES DOCUMENTS DE VOS CONSEILS D’ADMINISTRATION Mon père a posé sa cuillère et dit, s’adressant à ma mère : « Ça ne vaudra jamais la confiture de tomates vertes de tante Marguerite. » Je devais avoir neuf ou dix ans, c’était l’une de ces journées si magni- fiques de décembre en Béarn. Nous étions à table, inquiets de sa prochaine et acerbe remarque, nous tenant bien droit, « on ne s’appuie pas sur le dossier de sa chaise », le nez dans nos assiettes, espérant éviter ainsi qu’il ne fixât son humeur du moment sur l’un d’entre nous. C’est ce jour-là que j’ai, pour la pre- mière fois, entr’aperçu ce qui distingue « le goût » de « la sensation ». Sans doute parce que l’injustice m’était familière, j’ai immédiatement intégré que rien jamais ne peut rivaliser avec le souvenir lumineux d’une journée parfaite, d’un mets dont le goût s’est insinué en nous comme un ruisseau dans les herbes, un mets dont le goût semblait s’être évanoui mais qui était juste tapi, enfoui au plus profond de toi, là où il s’est transformé en sensation, prête à surgir à tout moment, renforcée par tout ce temps pendant lequel tu n’y « pensais » plus. Ma mère a répondu : « Vous avez rai- son. C’est très exactement ce que je res- sens en pensant aux fantastiques gelées de groseille que nous avions à Saint-Pol. Et ces groseilles à maquereaux ! » Je me suis alors senti totalement exclu, défini- tivement orphelin de ces saveurs que je ne connaîtrais jamais. Délicesinégalables. Je n’ai jamais goûté aux confitures de tomates vertes des tantes de Peyrehorade ni aux gelées de groseilles à maquereau de mon arrière-grand-mère à Saint-Pol mais il me semble avoir au bout des doigts les pots de confitures de reine-claude ou d’abricot, tous ces pots soigneusement rangés avec leurs feuilles concaves creu- sées par la goutte d’eau posée à chaud, tous ces délices concoctés par ma mère et certainement inégalables. J’ai en moi ses gelées de groseilles rouges ou de coing, ces matières qui prennent si bien la lumière quand on en prend une cuiller, comme les plus beaux vitraux. J’en ai perdu le goût mais je sais, évidemment, que s’il m’était donné d’y goûter à nouveau je les reconnaîtrais entre mille. J’aime et admire, vous le savez, celles et ceux qui professent de nous faire plaisir en nous nourrissant, en nous abreuvant. Je les plains parfois de devoir user leur génie, leurs tech- niques, leurs forces, dans la plus atroce des batailles, celle qu'ils ne pourront jamais gagner, celle de la sensation. Tu sais… quand tu goûtes quelque chose et que tu dis : « La vache c’est délicieux ! Ça me rappelle celle que me faisait ma mère. » Tu vois maintenant ce dont je parle ? C’est là que tu crucifies celle ou celui qui ne sait pas encore qu’il doit ac- cepter cela avec humilité pour mieux se consacrer à mettre en pot, en casserole, à la poêle ou au four, ses préparations à lui, assaisonnées de morceaux de son cœur. J’en connais quelques-uns qui ont dépassé tout cela et, pour ce qui est des confitures et gelées, j’en connais un, il se nomme Stéphan Perrotte. Il a été sacré Meilleur Confiturier de France et couronné champion du monde en 2015. Il fallait bien ça pour éclairer de douceurs fruitées ce mois de décembre. Mon cadeau est le sien : en exclusi- vité mondiale sur le site de l’Opinion, LA recette de Noël, une confiture de clémentines. Si facile à faire que c’en est un vrai bonheur. Et si exquise que je me demande s’il ne faut pas demander pardon avant de la savourer. C’est une question. MilleSaveurs Jean-BernardMagescas Merveilleet malédiction,la sensationetlegoût desconfitures Plusdecrédits,plus d’effectifs,plusde moyens,plusde pouvoirs...Celapermet d’éviterdes’interroger surlesméthodeset l’organisation
  • 8. CONSEILS D’ADMINISTRATION NOUVELLE GÉNÉRATION 100% EFFICACITÉ 100% SÉCURITÉ 0% PAPIER Et si l’Expert Français du Cloud sécurisé transformait vos comités avec une solution digitale ? Vos Conseils d’Administration, Codir, Comex s’organisent dorénavant en toute simplicité et en toute sécurité avec BoardNox. Bénéficiez d’outils intuitifs et performants pour diffuser vos documents et échanger de manière confidentielle : préparation de la séance, annotations sur tablette, chat sécurisé, outil de vote… BoardNox vous permet de dématérialiser les réunions stratégiques et de gagner en efficacité. Oodrive continue de digitaliser toute votre entreprise pour simplifier vos usages et sécuriser vos échanges de documents. www.oodrive.fr Découvrez toutes nos solutions PARTAGE COLLABORATION EN LIGNE SAUVEGARDE ARCHIVAGE CONFIANCE NUMÉRIQUE BOARDNOX FRANCE - BELGIQUE - ALLEMAGNE - HONG-KONG - ESPAGNE - SUISSE - BRÉSIL Créditphotos:©Thinkstock.aressy.com-12/15-10089