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Physiologie et physiopathologie
de l’épuration du mucus des voies
aériennes
E Puchelle
H Liote
JM Zahm
R é s u m é. – À l’état normal, l’épithélium respiratoire est recouvert à sa surface d’une
mince couche de mucus sécrété par les cellules sécrétoires, principalement les cellules
glandulaires bronchiques. Ce film de mucus est transporté hors des voies aériennes grâce
aux battements continus des cellules ciliées. Le mucus et l’épuration mucociliaire constituent
une barrière de protection efficace entre l’environnement et la muqueuse respiratoire. En
réponse à une agression, le mucus sécrété est éliminé par la toux qui supplée le déficit de la
clairance mucociliaire. Dans de nombreuses pathologies respiratoires génétiques ou
acquises, l’épuration du mucus par les voies aériennes peut être perturbée en relation avec
des anomalies de l’activité ciliaire ou des propriétés rhéologiques du mucus. Différentes
méthodes d’analyse in vitro et in vivo sont actuellement utilisables pour mieux préciser
l’origine de ces anomalies.
© 1999, Elsevier, Paris.
Introduction
La muqueuse respiratoire est exposée en permanence à de multiples agents
agresseurs (gaz et particules toxiques, bactéries, virus, allergènes...) qui sont
inhalés au cours de la respiration. Les plus grosses particules (diamètre
aérodynamique supérieur à 10 µm) sont arrêtées et éliminées par la cavité
nasale et le nasopharynx, tandis que les particules de plus petite taille
pénètrent au niveau des voies aériennes supérieures et inférieures et se
déposent, principalement par mécanismes d’impaction et de sédimentation,
au niveau de la muqueuse trachéobronchique, avant d’être éliminées par le
jeu de l’épuration mucociliaire. À l’état normal, le mucus respiratoire,
principalement sécrété par les cellules glandulaires, forme un tapis continu à
la surface de l’épithélium respiratoire et constitue ainsi une barrière de
protection efficace entre l’environnement et la muqueuse des voies aériennes.
Le mucus intervient dans la défense de la muqueuse, à la fois par ses
propriétés anti-infectieuses et antiprotéases et par ses propriétés mécaniques
et rhéologiques. Parmi les multiples fonctions « protectrices » du mucus,
intervient, en premier lieu, l’épuration mécanique des voies aériennes qui
implique une étroite interaction entre les cellules épithéliales ciliées et le
mince film de mucus qui les recouvre. Ce mucus respiratoire, produit par les
glandes sous-muqueuses et, en plus faible quantité, par les cellules
caliciformes de l’épithélium, est mobilisé en permanence par le mouvement
ciliaire des cellules ciliées, à une vitesse qui croît depuis les bronchioles
jusqu’à la trachée. À l’état normal, seul le couple mucociliaire intervient dans
l’épuration des voies aériennes. En réponse à une agression des voies
aériennes, qu’elle soit d’origine physique, chimique ou infectieuse, la
Huguette Liote : Pneumologue, médecin des Hôpitaux, service de pneumologie, hôpital
Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
Edith Puchelle : Directeur de recherche INSERM.
Jean-Marie Zahm : Ingénieur de recherche INSERM.
U 514, centre hospitalier universitaire Maison Blanche, 45 rue Cognacq-Jay, 51092 Reims
cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Puchelle E, Liote H et Zahm JM.
Physiologie et physiopathologie de l’épuration du mucus des voies aériennes. Encycl Méd
Chir (Elsevier, Paris), Pneumologie, 6-000-A-67, 1999, 15 p.
première réaction de la muqueuse respiratoire est de protéger les cellules
épithéliales de surface en augmentant la sécrétion de mucus.Afin d’accélérer
le transport de cet excès de mucus, l’organisme met en jeu un second mode
d’épuration des voies aériennes : la toux. La clairance par la toux est un
mécanisme rapide et discontinu d’épuration des voies aériennes qui ne peut
être efficace qu’en présence d’une hypersécrétion bronchique et qui, par
ailleurs, implique une étroite interaction entre le courant aérien et le mucus
respiratoire. Le rôle important joué par le mucus a longtemps été négligé. Il a
trop souvent été associé à la notion d’hypersécrétion et d’expectoration, et a
donc été considéré comme un fluide biologique nocif dont l’hyperviscosité
était facteur d’obstruction bronchique. C’est sur cette base conceptuelle que
les mucolytiques, administrés dans le but de diminuer la viscosité du mucus
et de faciliter son transport, ont été largement prescrits. Ce n’est que
récemment que l’on a mieux compris le rôle important joué par le mucus et
que l’on a admis qu’il était nécessaire de maintenir ou de restaurer un mucus
adapté à la fonction de protection et d’épuration des voies aériennes.
Physiologie de l’épuration des voies aériennes
Structure normale du système mucociliaire
À l’état normal, l’arbre trachéobronchique est recouvert, depuis les voies
aériennes supérieures (parties antérieure et moyenne de la cavité nasale)
jusqu’aux bronchioles terminales (jonctions bronchioloalvéolaires), par un
film de mucus qui se situe à l’extrémité des cils vibratiles des cellules ciliées
et dont l’épaisseur varie entre 0,5 et 10 µm. La muqueuse trachéobronchique
est recouverte d’un épithélium pseudostratifié de type respiratoire, l’ensemble
des cellules étant rattaché à la membrane basale. Parmi ces cellules, on peut
principalement différencier les cellules de l’épithélium de surface et les
cellules de la sous-muqueuse [12, 70].
Cellules de l’épithélium de surface
Les cellules ciliées sont, en nombre relatif, les plus fréquemment identifiées
(cinq cellules ciliées pour une cellule à mucus au niveau de la trachée), mais
leur nombre diminue progressivement depuis les voies aériennes proximales
jusqu’aux bronchioles terminales où l’épithélium pseudostratifié devient
monostratifié. Les cellules ciliées sont des cellules en colonne présentant un
cytoplasme riche en mitochondries qui fournissent l’énergie indispensable au
6-000-A-67
ENCYCLOPÉDIEMÉDICO-CHIRURGICALE6-000-A-67©Elsevier,Paris
transport d’ions comme au mouvement ciliaire. La surface des cellules ciliées
est recouverte de deux types d’extensions membranaires : les cils et les
microvillosités. Chaque cellule ciliée est recouverte de 200 à 300 cils dont le
diamètre est de 0,2 µm pour une longueur de 5 à 7 µm. À l’extrémité des cils,
on trouve une couronne de microgriffes qui permettent l’ancrage ciliaire dans
la couche supérieure géliforme du mucus. Le corps ciliaire, ou axonème, est
formé d’un squelette de neuf paires de microtubules périphériques, disposées
en couronne autour de deux paires de microtubules centraux. La cohésion et
l’assemblage des microtubules sont assurés à la fois par les liens de nexine
qui relient les doublets adjacents, par les ponts radiaires qui relient les
doublets périphériques aux microtubules centraux par l’intermédiaire de la
gaine centrale, et par les bras de dynéine à activitéATPasique qui s’attachent
aux microtubules adjacents au cours du battement ciliaire. Les cils sont ancrés
à la partie apicale de la cellule ciliée par leur corps basal et leur racine ciliaire.
Entre les cils, on observe de nombreuses microvillosités, dont la longueur
varie entre 0,2 et 0,3 µm et qui présentent, en microscopie électronique à
transmission, un glycocalyx très marqué par la ferritine cationisée, marqueur
des charges négatives. Ces microvillosités sont également présentes à la partie
apicale des cellules sécrétoires (fig 1). Le rôle de ces microvillosités est
d’augmenter la surface totale d’échange de l’épithélium.
Les cellules muqueuses (également appelées cellules caliciformes)
contiennent des grains sécrétoires bien individualisés, de forme et de taille
différentes (400 à 2 000 nm). À la partie apicale des cellules muqueuses, on
observe, comme pour les cellules ciliées, la présence de microvillosités. Les
cellules séreuses de surface, identifiées chez le rat et au cours du
développement embryonnaire, sont rarement présentes chez l’homme adulte.
Les cellules en « brosse », très riches en microvillosités, sont essentiellement
identifiées au niveau de l’épithélium nasal. Ces microvillosités joueraient, à
ce niveau, un rôle important dans la régulation et l’homéostasie de la couche
périciliaire.
En fait, il est vraisemblable que les cellules en « brosse », comme les cellules
ciliées, possèdent des fonctions sécrétrices incluant le transport d’ions et
d’eau, et la sécrétion de macromolécules. En effet, les travaux de Varsano et
al [162] suggèrent que les cellules ciliées pourraient sécréter des
glycoconjugués sulfatés. Les cellules muqueuses (caliciformes) de surface
sécrètent, elles, des glycoconjugués à la fois sulfatés et sialylés.
Les cellules basales représentent en moyenne 30 à 35 % des cellules
épithéliales respiratoires. Elles se caractérisent par une forme triangulaire, un
rapport nucléocytoplasmique important, et une localisation caractéristique ;
elles sont en effet attachées à la lame basale où elles sont ancrées par des
complexes jonctionnels de type hémidesmosomes. Ces cellules basales
peuvent jouer le rôle de cellules souches et assurer le renouvellement de
l’épithélium.
Cellules de la sous-muqueuse
Les glandes de la sous-muqueuse sont situées entre la paroi bronchique,
l’épithélium de surface et le cartilage. Les acini muqueux et séreux sont
généralement séparés, les cellules séreuses étant souvent regroupées à la
périphérie des tubules muqueux. Classiquement, les cellules muqueuses se
singularisent par leur taille plus élevée (500 à 1 800 nm) et leur densité aux
électrons très faible, comparativement aux cellules séreuses qui se
caractérisent par une très grande diversité de taille (200 à 2 000 nm) et une
densité aux électrons plus marquée après fixation chimique standard. Chez le
sujet sain, le pourcentage de cellules muqueuses est en moyenne de 40 %,
mais il peut considérablement varier d’un individu à l’autre. Les cellules
sécrétrices de la sous-muqueuse trachéobronchique sont en moyenne 40 fois
plus nombreuses que les cellules muqueuses de l’épithélium de surface. Elles
représentent donc la source la plus importante du mucus respiratoire. Ce
dernier est transporté depuis les cellules sécrétrices de la sous-muqueuse
jusqu’à la lumière bronchique par un canal glandulaire revêtu d’un épithélium
cilié.
Composition biochimique du mucus
Compte tenu de la faible quantité de mucus présente à l’état normal à la
surface de l’épithélium, il est difficile de connaître de façon précise sa
composition biochimique. Elle a été cependant définie à partir de mucus
recueilli chez des sujets sains laryngectomisés. Le mucus normal contient
95 à 97 % d’eau associée à des protéines (1 % de glycoprotéines), des lipides
(1 %) et des ions. Le mucus est donc un gel dont l’état d’hydratation est
conditionné par les mouvements actifs ioniques transépithéliaux. On décrit
généralement le mucus respiratoire comme un système structuré en deux
phases : une phase « sol », très fluide, dans laquelle baignent les cils, et une
phase « gel », superficielle, viscoélastique. Cette structure biphasique est en
fait probablement une simplification. Le mucus présent au niveau de
l’épithélium mucociliaire est vraisemblablement formé d’un gradient continu
de glycoprotéines en faible concentration à la base des cils et en concentration
beaucoup plus forte à leur partie apicale. Parmi les principaux composants du
mucus, figurent les glycoprotéines, ou mucines, de très haut poids moléculaire
(de l’ordre de 106 Da) très riches en sucres, très complexes, et qui sont
formées d’un axe polypeptidique sur lequel viennent se brancher des
centaines de chaînes glycaniques. En microscopie électronique, les mucines
purifiées se présentent comme de longues chaînes flexibles, de longueur très
variable. Une telle hétérogénéité des structures glycaniques pourrait, selon
Roussel et al [138, 139], constituer une mosaïque de sites récepteurs permettant
de piéger les micro-organismes ensuite éliminés par le jeu de l’activité
mucociliaire. Plusieurs protéines du mucus bronchique, soit transsudées, soit
sécrétées localement, interviennent dans la défense de la muqueuse
bronchique, en association avec l’épuration mécanique des voies aériennes
assurée par le système mucociliaire.
Parmi les protéines antibactériennes, figurent les immunoglobulines (Ig)A
sécrétoires, le lysozyme, la peroxydase, la transferrine et l’inhibiteur
bronchique qui est le principal inhibiteur de protéase synthétisé par la
muqueuse bronchique. La localisation de cette antileucoprotéase a jusqu’à
présent été décrite comme limitée aux cellules glandulaires séreuses de la
sous-muqueuse bronchique et à l’épithélium bronchiolaire. Les travaux de
Marchand et al [99] ont mis en évidence la présence de cette antileucoprotéase
dans l’épithélium de surface bronchique, en association avec une hyperplasie
basale et muqueuse. Ceci suggère que l’inhibiteur bronchique peut intervenir
dans la défense biochimique de l’épithélium de surface bronchique. Par
ailleurs, Hiemstra et al [65] ont montré qu’en plus de ses propriétés d’inhibiteur
endogène des sérines protéases, l’inhibiteur bronchique possède des
propriétés bactéricides vis-à-vis de Escherichia coli et de Staphylococcus
aureus.
D’autres molécules à activité enzymatique, des peptides et des
phospholipides présents dans le mucus bronchique, peuvent intervenir
directement dans la fonction antibactérienne et antioxydante du mucus.
Le glutathion (GSH) est un composant antioxydant majeur présent dans le
mucus [48]. Il peut servir de balayeur pour les radicaux oxygènes libres,
produits par les polynucléaires neutrophiles dans l’inflammation. D’autres
enzymes, comme la catalase et la superoxyde-dismutase, interviennent dans
la défense antioxydante de la muqueuse respiratoire. Récemment, des
peptides antimicrobiens de type bêta-défensines (hBD-1), exprimés par les
cellules épithéliales de surface ont été décrits comme les principaux acteurs
de l’activité antibactérienne et seraient, à côté du lysozyme et de la
lactoferrine, les molécules antimicrobiennes les plus importantes dans le
liquide de lavage bronchoalvéolaire [149].
Deux types de défensines, hBD-1 et hBD-2 ont été très récemment identifiés
dans les cellules épithéliales de surface et dans les cellules séreuses
glandulaires bronchiques [11]. Leur activité antibactérienne est très rapide et
s’exerce vis-à-vis de multiples agents pathogènes, mais elle est très sensible à
l’environnement ionique et à la composition en sel du mucus. Une
augmentation de la salinité du mucus entraîne une diminution de l’activité
antibactérienne de ces défensines [55].
1 A. Vue en microscopie électronique à
transmission (G x 10 000) d’un épithé-
lium bronchique de surface. On distin-
gue, sur cet épithélium bronchique hu-
main normal, une cellule ciliée (Cc) et
une cellule muqueuse (cellule calici-
forme) présentant des grains sécrétoires
électron-clairs (Sc).
B. Vue en microscopie électronique à
balayage (G x 20 000) d’un épithélium
mucociliaire. Un mince film tapisse l’épi-
thélium cilié.A B
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67
page 2
Des phospholipides ont également été identifiés dans le mucus bronchique. Il
a été rapporté, par Girod et al [53], que les cellules glandulaires séreuses
contiennent des phospholipides. De même, ces auteurs ont identifié des
phospholipides sur le glycocalyx des cellules épithéliales de surface. Ces
données suggèrent que la muqueuse respiratoire, comme la muqueuse
intestinale, contient des phospholipides qui, en s’associant aux mucines,
peuvent intervenir comme molécules lubrifiantes facilitant le transport du
mucus et peuvent également jouer un rôle protecteur vis-à-vis d’un
environnement péricellulaire délétère [124]. De plus, parmi les protéines du
surfactant (surfactant associated proteins) détectées dans les cellules
épithéliales bronchiques, deux protéines SPA et SPD possèdent des activités
antibactériennes [72].
Contrôle neurohumoral de la sécrétion
Le contrôle neurohumoral de la sécrétion bronchique fait intervenir à la fois
des mécanismes parasympathiques (cholinergiques) et sympathiques
(adrénergiques), mais aussi un mécanisme non adrénergique et non
cholinergique (NANC). Ces trois systèmes de contrôle sont intimement liés.
Innervation des cellules sécrétrices
Les cellules sécrétrices, en particulier les cellules des glandes de la sous-
muqueuse bronchique, sont innervées par un plexus d’axones
postglanglionnaires dérivant des systèmes nerveux sympathique et
parasympathique.
Le système nerveux est formé d’une population de neurones afférents non
myélinisés (fibres C) dont les terminaisons sont identifiées dans l’épithélium
et les glandes bronchiques. Les ganglions contiennent des cellules qui
produisent, en plus des classiques neurotransmetteurs tels que la
norépinéphrine et l’acétylcholine, des neuropeptides comme le neuropeptide
Y qui coexistent avec la norépinéphrine. Des fibres présentant une réactivité
pour le vasoactive intestinal peptide (VIP) se ramifient sous l’épithélium, et
d’autres neuropeptides comme la substance P et le calcitonine gene related
peptide (CGRP) sont identifiés à proximité de l’épithélium trachéal et des
glandes sous-muqueuses bronchiques.
Stimulation de la sécrétion
Comme il existe différentes formes de stimulation, il existe différentes
réponses sécrétoires à la stimulation.Ainsi, la stimulation des récepteurs bêta-
adrénergiques s’accompagne d’une sécrétion faible en volume mais
visqueuse, tandis que la stimulation des récepteurs alpha-adrénergiques se
traduit par une hypersécrétion très fluide. Les cellules de type muqueux sont
facilement stimulables par les agonistes bêta-adrénergiques et cholinergiques,
tandis que les cellules de type séreux sont très stimulables par les agents
alpha-adrénergiques, cholinergiques et la substance P. Différents
neurotransmetteurs, comme les neuropeptides et l’oxyde nitrique (NO),
semblent capables de conduire à une « neuromodulation » de la sécrétion de
mucus par l’intermédiaire des voies cholinergiques et adrénergiques. Il a été
démontré, in vitro, que le NO endogène régule l’importance de la stimulation
sécrétoire d’origine neurogène. Les processus infectieux et allergiques
peuvent stimuler la sécrétion, soit par voie réflexe, soit par effet direct sur
l’épithélium, de substances telles que l’histamine et les métabolites de l’acide
arachidonique, parmi lesquels on distingue les produits de la cyclo-oxygénase
(prostaglandines et intermédiaires) et les produits de la lipo-oxygénase (en
particulier les leucotriènes). Ces médiateurs ont généralement une action
sécrétagogue puissante sur les glandes sous-muqueuses [20], mais leur effet sur
l’activité ciliaire et sur le transport mucociliaire est variable. Ainsi, chez
l’homme, l’histamine en aérosol [107, 108] stimule le transport mucociliaire
trachéal et bronchique, tandis que certains leucotriènes, comme le LTD4 et
LTC4, sont capables d’induire un ralentissement dose-dépendant du transport
mucociliaire, avec diminution de la fréquence ciliaire [19, 141].
Propriétés physiques du mucus
Le mucus respiratoire possède des propriétés rhéologiques et des propriétés
de surface qui jouent un rôle fondamental dans l’épuration des voies
aériennes [124]. Parmi les deux principales propriétés rhéologiques figurent la
viscoélasticité et la filance. Les propriétés de surface sont essentiellement
caractérisées par la tension de surface et le travail d’adhésion.
Viscoélasticité
Le mucus respiratoire est à la fois capable de s’écouler (phénomène
irréversible) comme les liquides et de se déformer (phénomène réversible)
comme les solides. Il peut donc être décrit comme un système
rhéologiquement complexe qui, selon la période de temps pendant laquelle
une force lui est appliquée, peut se comporter comme un corps purement
solide (par exemple, déformation instantanée sous l’influence d’une secousse
de toux), ou comme un liquide (comportement viscoélastique sous l’influence
du battement ciliaire). L’énergie transférée par le cil au mucus est d’autant
plus élevée que le temps de contact entre le cil et le mucus est faible. Une
viscoélasticité intermédiaire voisine de 12 Pa.s et un temps de relaxation de
l’ordre de 40 secondes représentent le profil viscoélastique favorable au
transport du mucus par l’activité ciliaire [130, 132].
Filance
Comme le mucus cervical, le mucus respiratoire possède des propriétés de
filance : sous l’effet d’une pression ou d’une traction, le mucus forme des
filaments dont la longueur maximale avant rupture caractérise la filance.
Selon King [75], la mesure de la filance du mucus à l’aide du filancemètre
présente deux avantages majeurs : la simplicité de la mesure, le faible volume
(20 à 30 µL) requis et, de plus, le paramètre qui semble être particulièrement
sensible aux modifications du poids moléculaire de macromolécules sous
l’influence d’agents mucolytiques comme la désoxyribonucléase et la
gelsoline. L’importance des propriétés de filance du mucus, dans les
mécanismes physiologiques de transport et de défense épithéliaux, a été
établie : une filance élevée (> 30 mm) est généralement associée à une vitesse
de transport du mucus également élevée [129].
Propriétés de surface
Les propriétés physiques du mucus ont généralement été décrites en termes
de propriétés rhéologiques. Les propriétés de surface du mucus sont moins
connues. Elles semblent cependant jouer un rôle déterminant dans le
mécanisme d’épuration du mucus des voies aériennes. Selon Pillai et al [116],
les contraintes appliquées au mucus par le jeu de l’activité ciliaire s’effectuent
dans une dimension latérale et non normale. Ceci signifie que l’interaction
interfaciale mucus-cils joue un rôle critique dans l’épuration mucociliaire.
Cette interaction peut être caractérisée par un paramètre physique, le travail
d’adhésion (work of adhesion Wa), qui correspond au travail par unité de
surface nécessaire à la séparation de deux hases initialement en contact.
Wa = γ (1 + cos θ)
γ correspond à la tension de surface du mucus en contact avec l’air, θ est
l’angle de contact formé par une goutte de mucus sur une surface solide.
Le travail d’adhésion du mucus dépend donc à la fois des propriétés
bioadhésives du mucus, mais aussi des propriétés du substrat avec lequel il
entre en contact. Le contenu en eau, l’osmolalité, ainsi que la composition en
mucines et phospholipides, contribuent également aux propriétés de surface
du mucus. Il a été rapporté par Pillai et al [117] que le travail d’adhésion du
mucus augmente avec l’osmolalité et décroît avec le contenu en eau. Dans la
mucoviscidose, les sécrétions purulentes, peu hydratées, se caractérisent par
des valeurs élevées de tension de surface, associées à une vitesse de transport
mucociliaire basse [38].
Le travail d’adhésion dépend également de la nature plus ou moins
hydrophobe de la phase gel du mucus, en grande partie contrôlée par certains
phospholipides tensioactifs comme le phosphatidylglycérol [54]. La
diminution de la concentration en phosphatidylglycérol dans les sécrétions
bronchiques mucoviscidosiques est associée à une diminution du transport
mucociliaire. À l’opposé, l’addition d’un simulant de la phase sol sous forme
de liposomes de distéaroyl-phosphatidylglycérol diminue le travail
d’adhésion du mucus et facilite son transport par l’activité ciliaire et la
toux [54].
De façon générale, on admet que l’adhésivité du mucus à la muqueuse
respiratoire est un facteur favorable, évitant l’accumulation des sécrétions au
niveau de bronches distales par effet gravitationnel. À l’opposé, une
adhésivité trop élevée est défavorable à l’épuration du mucus hors des voies
aériennes.
Rôle de l’interaction cils-mucus dans l’épuration
des voies aériennes
L’efficacité du battement ciliaire et la vitesse de transport du mucus dépendent
de multiples facteurs, parmi lesquels figurent le nombre de cils actifs, la
vitesse de l’extrémité des cils, la régulation du mouvement ciliaire, la
coordination et la fréquence de battement ciliaire. L’interaction cils-mucus,
dans laquelle les propriétés rhéologiques et les propriétés de surface du mucus
interviennent de façon prépondérante, conditionne l’efficacité de la clairance
mucociliaire.
Battement ciliaire
La fréquence de battement ciliaire, à l’état normal, atteint 10 à 20 cycles par
seconde (10 à 20 Hz). Elle varie selon l’étage bronchique, la fréquence étant
plus rapide dans les bronches comparativement aux bronchioles [34].
Ce battement s’effectue en quatre temps :
– une phase active brève (environ 10 ms), au cours de laquelle le cil se
déploie et son extrémité entre en contact avec la phase supérieure
viscoélastique du mucus ;
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67
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– une phase de récupération (environ 30 ms), pendant laquelle le cil se replie
sur lui-même dans la phase fluide, ou phase sol, qui baigne la quasi-totalité de
la tige ciliaire et dont la très faible viscosité offre une résistance minimale à la
flexion ciliaire ;
– une phase de repos (environ 20 ms) qui sépare la phase de récupération de
la phase active ;
– une phase de propulsion du mucus, correspondant à la phase active pendant
laquelle l’extrémité du cil pénètre à une vitesse élevée (800 µm/s) dans la
phase gel. Au niveau de la trachée, le mucus est transporté à une vitesse de
10 à 15 mm/min [11].
Régulation du battement ciliaire
Un très grand nombre d’agonistes du système nerveux autonome,
cholinergiques et adrénergiques, stimulent de manière dose-dépendante in
vitro et in vivo l’activité ciliaire [147]. Cette stimulation peut être inhibée par
l’interaction ligand-récepteur à la surface de la membrane cellulaire. Les
agents cholinergiques comme l’acétylcholine stimulent l’activité ciliaire via
des protéines G. Cet effet peut être inhibé par l’atropine. Pour les agents
ciliostimulants de type bêta-2-adrénergique, l’augmentation de la fréquence
de battement ciliaire intervient par l’intermédiaire de l’augmentation de la
concentration intracellulaire du taux d’acide adénosine monophosphorique
(AMP) cyclique dépendant d’un mécanisme de phosphorylation [81].
L’activation des récepteurs cholinergiques muscariniques par le carbachol
induit une dépolarisation membranaire et une augmentation de la fréquence
ciliaire par suite d’un influx cellulaire de sodium et de calcium extracellulaire
par l’intermédiaire des canaux correspondants.
L’augmentation de la concentration en Ca2+ intracellulaire est reconnue
comme un facteur responsable de l’augmentation de la fréquence du
battement ciliaire bronchique n’entraînant pas de modification de sa
coordination. Le mécanisme de régulation cellulaire impliqué dans la
modification de la fréquence du battement ciliaire est lié à la propagation
intercellulaire de vagues calciques. Sanderson [147] a décrit cette vague de
propagation calcique associée à une augmentation du battement ciliaire à
travers les cellules ciliées adjacentes après stimulation mécanique d’une
cellule. La stimulation, à la fois calcique et ciliaire, s’effectue très rapidement
(0,5 à 1 s) et atteint 10 à 20 cellules. Dans la mesure où la culture cellulaire
stimulée est dépourvue d’activité nerveuse, il est admis que la propagation
intercellulaire de cette onde calcique s’effectue par l’intermédiaire d’un
second messager de type IP3 qui diffuse à travers les jonctions intermédiaires
(gap junctions) vers les cellules adjacentes. Bien que le mécanisme à l’origine
de l’augmentation de l’IP3, après stimulation mécanique, soit encore mal
connu, il semblerait qu’une phospholipase C ou une protéine de régulation,
telle que la protéine G, puisse être impliquée [60].
Interaction cils-mucus
Les caractéristiques rhéologiques du mucus influencent directement la vitesse
de transport mucociliaire. Une viscosité trop faible ou trop élevée
s’accompagne d’une diminution de la fréquence ciliaire, et parallèlement,
d’une diminution du transport du mucus [130, 132]. L’épaisseur de la couche
périciliaire est également un facteur important dans le mécanisme
d’interaction cils-mucus. Si la phase périciliaire est trop faible par suite d’une
augmentation de la réabsorption d’eau par les cellules, le battement ciliaire
est inefficace, voire interrompu. À l’inverse, si l’épaisseur de la phase
périciliaire s’accroît de façon excessive par suite d’un déséquilibre entre le
phénomène de sécrétion et de réabsorption liquidiennes, le couplage
mécanique cils-mucus est inefficace et le transport mucociliaire très diminué.
Les propriétés rhéologiques du mucus interviennent de façon déterminante
dans le mécanisme d’épuration mucociliaire [20]. Chez le sujet sain, les
variations interindividuelles de la clairance mucociliaire nasale sont, avant
tout, secondaires à des variations des propriétés mécaniques du mucus
recueilli in situ, et non à des variations de l’activité ciliaire mesurée ex
vivo [92]. Nous avons également démontré, à l’aide de stimulants du mucus
respiratoire (gels de polymères de viscosité variable) déposés sur un modèle
d’épithélium cilié respiratoire maintenu en survie, que la fréquence de
battement des cils est directement dépendante de la viscosité du mucus avec
lequel les cils entrent en contact. Pour de très faibles valeurs de viscosité
(inférieures à 10 Pa.s), la fréquence de battement ciliaire est normale (de
l’ordre de 12 Hz), mais la vitesse relative du transport du mucus reste faible.
Cette dernière augmente jusqu’à une valeur maximale, sans modification de
la fréquence ciliaire pour une viscosité optimale de 15 Pa.s, valeur au-delà de
laquelle la fréquence ciliaire, et en parallèle la vitesse de transport
mucociliaire, chutent de façon rapide et sévère. Lorsque la viscosité atteint
50 Pa.s, la fréquence ciliaire et le transport mucociliaire sont totalement
interrompus [132].
Ces résultats montrent donc bien qu’il existe une réelle interdépendance entre
les propriétés rhéologiques du mucus, la fréquence mucociliaire, et la
clairance du mucus au niveau des voies aériennes. Par ailleurs, il semble
exister une interdépendance du transport mucociliaire le long des voies
aériennes. En effet, il a été démontré, in vivo, que la vitesse de transport du
mucus trachéal bronchique et la clairance pulmonaire totale sont intimement
liées [46, 179]. En outre, si le transfert d’énergie des cils au mucus est
essentiellement lié aux propriétés rhéologiques, le mucus peut également
influencer la fréquence de battement ciliaire par ses composants
biochimiques, mais aussi par le pH, l’osmolalité de la phase sol et enfin, la
présence de substances ciliomodulatrices [40]. Chez le sujet sain, la vitesse de
transport mucociliaire augmente depuis les bronchioles terminales
(2,4 mm/min) jusqu’à la trachée (12 mm/min). Le gradient de vitesse du
transport mucociliaire suit la réduction de la circonférence totale des voies
aériennes. En fait, ce gradient de vitesse est insuffisant pour éviter
l’accumulation des sécrétions intrabronchiques, ce qui suggère que
l’épithélium absorbe une partie des sécrétions au niveau de la phase sol au
cours de leur progression vers la trachée. L’augmentation du transport du
mucus fait intervenir une augmentation du pourcentage de cellules ciliées et
de la fréquence de battement ciliaire au niveau des voies aériennes proximales
et également une modification des propriétés rhéologiques du mucus.
Rôle de l’interaction air-mucus dans l’épuration
des voies aériennes
État physiologique
À l’état normal, l’interaction air-mucus contribue peu à l’épuration du mucus
car le débit aérien est faible. Il est au maximum de 10 m/s à l’entrée des fosses
nasales, il atteint 1 m/s dans la trachée, et n’est plus que de 10 mm/s dans les
bronchioles. S’il est classiquement admis que l’épuration du mucus est le
résultat de l’activité ciliaire à l’état normal, il a été également démontré que
lorsque l’épaisseur du mucus devient anormale ou lorsque la nature du
courant aérien se modifie (fréquence de ventilation ou débit aérien élevé
comme celui observé au cours de la toux), l’interaction air-mucus peut alors
intervenir de façon significative sur le transport du mucus.
Effet de la toux
Sans évoquer en détail le mécanisme de la toux, il importe de rappeler que
chez le sujet sain, le débit expiré au cours de la toux peut atteindre 10 L/s, ce
qui implique une vitesse aérienne de l’ordre de 10 m/s. Un tel débit entraîne
un écoulement en deux phases gaz-liquide, dû au cisaillement qui se produit
entre la couche de mucus qui tapisse la paroi bronchique et l’air qui s’écoule
à grande vitesse. Cet écoulement en deux phases gaz-liquide est conditionné
par de multiples facteurs. Selon King et al [77], l’interaction air-mucus ne peut
se produire qu’à partir d’une vitesse aérienne très élevée (12 m/s) et cet
écoulement est d’autant plus efficace que l’élasticité du mucus est faible.
L’épaisseur totale de la couche de mucus est également un facteur
déterminant. D’après les expériences réalisées par Clarke [30], si l’épaisseur
du mucus respiratoire est inférieure à 500 µm (épaisseur largement supérieure
à celle observée chez le sujet sain), l’interaction n’a pas lieu. La phase sol
périciliaire est au moins aussi importante, sinon plus importante, que la phase
gel du mucus dans le mécanisme de transport par le courant aérien. D’après le
modèle de toux développée par Scherer [148], le transport par le courant aérien
est favorisé par la présence d’une couche séreuse fluide. La vitesse de
déplacement de cette couche séreuse serait d’autant plus rapide que
l’épaisseur de cette phase sol serait élevée et sa viscosité faible.
L’hypersécrétion est un prérequis pour que la contrainte appliquée au mucus
au cours de la toux soit capable de mobiliser le mucus. Chez le sujet sain, la
toux n’intervient pas dans l’épuration des voies aériennes. Les expériences
réalisées in vitro à l’aide de simulants de mucus (polymères réticulés
d’origine végétale comme le guar) prédisent qu’une viscosité et un module
d’élasticité élevés sont favorables à la clairance des sécrétions par la toux. Les
travaux de Zahm et al [188] et de King et al [74, 77] ont permis de démontrer le rôle
primordial, non seulement des propriétés rhéologiques, mais aussi des
propriétés tensioactives du mucus dans le mécanisme d’interaction air-mucus
au cours de la toux simulée. En présence d’un mucus très adhérent, le
transport est diminué, aussi bien par le mécanisme de l’activité ciliaire que
par le mécanisme de la toux. Zahm et al [186] ont également souligné que les
propriétés thixotropes du mucus (diminution de la viscosité en fonction du
temps sous l’influence d’une contrainte appliquée continue) favorisent
l’efficacité de clairance de la toux si cette dernière est répétée.
Facteurs physiologiques de variation
de l’épuration du mucus
Environnement
Température et hygrométrie
L’épithélium des voies aériennes est constamment exposé à des variations de
la température et de l’hygrométrie de l’air inhalé, qui théoriquement ne
devraient pas intervenir sur l’épuration mucociliaire, dans la mesure où l’air
est réchauffé et saturé en vapeur d’eau dès qu’il atteint le carrefour
trachéobronchique. Cependant, dans des conditions de température extérieure
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67
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extrêmement basses, ou à l’occasion de variations brutales de la température,
la clairance mucociliaire peut être modifiée [120]. Guillerm et al [59] ont été
parmi les premiers à souligner l’importance de la température sur la fréquence
du battement ciliaire : au voisinage de la température physiologique, ils ont
montré qu’une variation de 1 °C est capable de modifier la fréquence de
battement ciliaire de 6,5 %, ce qui se traduit par une modification de 11,5 %
de la vitesse de transport du mucus. La fréquence ciliaire est très sensible aux
variations de la température. Une diminution de la température de 40 à 20 °C
entraîne une chute très marquée de la fréquence ciliaire qui passe de 17 à
7 Hz.
À l’influence de la température, s’ajoute celle de l’hygrométrie de l’air, qui
peut considérablement modifier la clairance du mucus. Chez l’animal, en
particulier chez le chien, Hirsch et al [66] ont montré que l’inhalation d’air sec
à 20 °C se traduit, après 3 heures, par un arrêt total de l’épuration mucociliaire
qui est complètement réversible lorsque l’air sec est remplacé par de l’air
saturé en vapeur d’eau à 38 °C.
Chez le chien intubé dont la sonde d’intubation est reliée à un nez artificiel
permettant de saturer l’air inhalé en vapeur d’eau, le transport du mucus
recueilli au niveau trachéal est similaire au transport chez le chien non intubé,
alors qu’il est ralenti en l’absence de nez artificiel. En fait, les variations de
l’hygrométrie entraînent une diminution de l’épuration en partie secondaire à
des altérations des propriétés rhéologiques et physiques du mucus. Puchelle
et al [131] ont montré, chez le chien, que la diminution de l’humidité de l’air
inhalé par la sonde d’intubation s’accompagnait d’une diminution
significative des propriétés de filance et d’une augmentation de la viscosité
du mucus susceptibles d’expliquer le ralentissement de la clairance
mucociliaire.
Chez l’homme, Andersen et al [6] ont montré que lorsque la température de
l’air inspiré est de 23 °C, le transport mucociliaire nasal n’est pas
significativement modifié par le degré d’humidité relative. À température plus
faible, l’influence de l’hygrométrie est plus marquée, car la quantité d’eau
nécessaire pour saturer l’air réchauffé devient beaucoup plus importante.
Ainsi, le ralentissement ou l’arrêt de l’épuration mucociliaire par diminution
de la température et de l’hygrométrie peuvent, pour une grande part, être à
l’origine des infections des voies aériennes supérieures en périodes
hivernales, les basses températures ayant par ailleurs pour effet d’augmenter
la vitalité des aérocontaminants viraux.
Osmolarité et transport mucociliaire
L’influence de l’osmolarité du mucus, en particulier du contenu en ions Na et
Cl est capitale dans la régulation du transport mucociliaire. On ne connaît pas
de façon précise les mécanismes contrôlant l’épaisseur et la composition du
mucus à la surface de l’épithélium respiratoire, ni les mécanismes intimes de
régulation du transport mucociliaire. Il a été proposé, par Winters et Yeates
[173, 180], que l’épithélium répond à un stimulus osmotique de façon à maintenir
l’équilibre du contenu du mucus en Na et Cl. Selon ces auteurs, l’épithélium
bronchique est capable de moduler et stabiliser l’osmolarité et le volume de
mucus à la surface des voies aériennes. Ces auteurs suggèrent qu’en l’absence
de toute perturbation, l’épithélium bronchique absorbe de l’eau avec une
entrée de NaCl vers la muqueuse, ce qui se traduit par un transport
mucociliaire à l’état basal qui est relativement bas. Selon le type de
perturbation, la réponse de l’épithélium mucociliaire peut varier.
Plusieurs cas de figures peuvent être envisagés :
– si l’environnement (créé par un aérosol) est hypotonique, l’épithélium
bronchique a la capacité d’augmenter le phénomène d’absorption de l’eau
afin de maintenir un transport mucociliaire efficace ;
– en réponse à un aérosol hypertonique caractérisé par un contenu en NaCl
élevé, les limites de la capacité de l’épithélium à absorber l’eau peuvent être
atteintes. Dans ce cas, la sécrétion de neuromédiateurs induits par
l’hypertonicité peut indirectement stimuler le transport mucociliaire.
L’épithélium respiratoire semble donc pouvoir mettre en jeu des mécanismes
compensatoires transépithéliaux capables de diminuer l’impact d’une
modification marquée de l’osmolarité du mucus apportée par un aérosol. Ces
mécanismes de compensation s’accompagnent généralement d’une
augmentation du transport mucociliaire.
Modifications du pH
Les modifications de la concentration en ions H+, au niveau de la phase sol
et/ou gel du mucus, peuvent également modifier la clairance du mucus, soit
en modifiant l’activité ciliaire, soit en intervenant sur les propriétés
rhéologiques du mucus. Le mucus, dont le pH varie entre 7,4 et 7,6, représente
un milieu tampon idéal pour éviter les changements de fréquence ciliaire. En
effet, l’activité ciliaire est très sensible à tout changement de pH : la fréquence
ciliaire diminue dès que le pH est inférieur à 6, et elle s’annule pour un pH
supérieur à 9. En revanche, on peut noter qu’un pH légèrement alcalin est
cilioaccélérateur [62]. Selon Holma et Hegg [67], les variations
interindividuelles des propriétés rhéologiques du mucus seraient à relier à leur
contenu protéique qui, lui-même, modulerait les propriétés tampons du
mucus. De telles variations pourraient probablement expliquer l’importante
variation interindividuelle de la capacité de transport du mucus et de la
clairance mucociliaire nasale, que Lioté et al [92] ont pu observer chez un
groupe de sujets sains non fumeurs. L’équilibre hydroélectrolytique au niveau
de la phase périciliaire a également un rôle important dans le mécanisme de
contrôle de l’épuration des voies aériennes. Hée [62] a montré qu’en l’absence
de potassium et de calcium, les cellules ciliées continuent à battre, mais à une
fréquence significativement plus faible qu’en milieu enrichi en calcium et en
potassium. Il est possible de maintenir une activité ciliaire normale dans du
sérum physiologique, mais les valeurs sont plus faibles que dans un milieu de
culture contenant des sels minéraux.
Rôle de l’oxyde nitrique
Le rôle du NO comme régulateur de la fonction mucociliaire au niveau des
voies aériennes supérieures a été décrit dans plusieurs études, in vitro et in
vivo.Ainsi, il a été montré sur le sinus maxillaire de lapin que la fréquence de
battement ciliaire est reliée de façon dose-dépendante à la L-arginine qui est
le substrat de l’enzyme NO-synthase nécessaire à la synthèse de NO. Il a
également été démontré chez des sujets sains que la variabilité du transport
mucociliaire nasal est étroitement corrélée au taux de NO : le transport
mucociliaire nasal est d’autant plus bas que le taux de NO est lui-même
faible [90]. Il apparaît donc raisonnable de proposer que la mesure de
concentration en NO soit incluse dans les analyses de la clairance
mucociliaire nasale des voies aériennes supérieures, un taux normal de NO
indiquant que l’épithélium cilié fonctionne correctement.
Âge et sexe
L’efficacité de la clairance mucociliaire est liée à l’âge des sujets [127]. Bien
que l’on n’observe pas de corrélation étroite entre âge et clairance
mucociliaire, il a été montré que, in vivo, la vitesse de transport mucociliaire
ou la clairance de particules radioactives est significativement plus rapide
chez les sujets jeunes (jusqu’à 40 ans) comparativement aux sujets âgés dont
la clairance est plus faible [58]. Cependant, il n’est pas rare d’observer des
valeurs de clairance élevées chez des sujets âgés, fumeurs ou non fumeurs.
Aucune variation de la clairance n’a pu être mise en évidence en fonction du
sexe [111].
Posture
Alors que chez les sujets hypersécrétants, l’influence de la posture intervient
de façon significative sur l’épuration des voies aériennes, chez les sujets sains,
la posture n’a pas d’influence significative sur la clairance mucociliaire.
Plusieurs études ont, en effet, montré que quelle que soit la position du sujet,
allongée ou assise, la clairance mucociliaire n’est pas modifiée [176].
Rythme circadien et sommeil
Chez les sujets volontaires sains éveillés, Pavia et al [111] n’ont pas pu mettre
en évidence d’influence du rythme circadien. En revanche, le sommeil
s’accompagne d’un ralentissement de la clairance mucociliaire.
Exercice
L’effet de l’exercice sur la clairance mucociliaire a été clairement mis en
évidence. Le simple fait de pédaler sur une bicyclette ergométrique pendant
1 heure suffit à entraîner une augmentation significative de la clairance chez
des sujets sains non fumeurs [175]. Cette augmentation a été attribuée soit à
l’effet mécanique des mouvements respiratoires, soit à la stimulation
parasympathique produisant un effet sécrétagogue sur les cellules muqueuses,
soit à l’effet stimulant sur l’activité ciliaire des cathécholamines libérées au
cours de l’exercice.
Techniques de mesure de l’épuration du mucus
Les techniques de mesure de l’épuration du mucus des voies respiratoires
peuvent être divisées en deux principaux groupes :
– les techniques in vivo, qui permettent d’apprécier de façon globale chez
l’homme le transport du mucus et la clairance mucociliaire ;
– les techniques plus spécifiques, ex vivo et in vitro, qui permettent
d’apprécier les différents facteurs - mucus et/ou activité ciliaire- responsables
des modifications de l’épuration du mucus.
Techniques d’analyse globale in vivo
de l’épuration du mucus
Mesure de la vitesse de transport du mucus
Au niveau des voies aériennes supérieures
La vitesse de transport mucociliaire peut être mesurée à l’aide de traceurs
déposés sur la muqueuse nasale. Différents types de traceurs sont utilisés :
particules de métal, saccharine, ou particules radioactives, la plupart étant
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détectées par des sondes externes. Des variations importantes de la vitesse de
transport nasal (0,5 à 24 mm/min) sont observées chez les sujets sains [130].
Une méthode très simple consiste à déposer sur la muqueuse nasale une faible
quantité de saccharine et à mesurer le temps écoulé entre le dépôt et
l’apparition du goût sucré au niveau de l’oropharynx. Cette technique très
simple fournit des résultats qui sont corrélés à ceux obtenus à partir de traceurs
radioactifs [121]. Cependant, compte tenu de l’importance des facteurs
subjectifs liés à cette méthode, il est nécessaire d’effectuer au minimum trois
mesures avant de conclure à une absence de transport mucociliaire nasal. Un
ralentissement du transport nasal ne permet cependant pas de prédire avec
certitude l’existence d’une telle anomalie au niveau bronchique [122]. Cette
technique permet d’orienter et d’encourager le clinicien à explorer plus avant
l’activité fonctionnelle des cellules ciliées nasales et bronchiques, si le
syndrome clinique évoque une dyskinésie ciliaire primitive.
Au niveau des voies aériennes inférieures
La mesure de la vitesse de transport du mucus peut s’effectuer soit à l’aide de
traceurs radio-opaques ou de microsphères d’albumine marquées, soit à l’aide
d’un aérosol pulsé délivrant un bolus de particules radioactives. La technique
de ciné-broncho-fibroscopie, initialement développée chez l’animal, a été
appliquée à l’homme en utilisant des disques de Téflont radio-opaques qui
sont insufflés dans la trachée par le canal du fibroscope. Une caméra
vidéoscopique, couplée à un amplificateur, permet de mesurer la vitesse de
transport des particules. Cette technique présente l’avantage d’être non
traumatisante et de ne pas nécessiter d’anesthésie générale. La vitesse de
transport du mucus peut également être étudiée par technique radio-
isotopique, en utilisant comme marqueurs des microsphères d’albumine ou
d’oxyde de fer marquées au technétium 99mTc et déposées par inhalation d’un
aérosol au niveau de la muqueuse trachéale [111]. Cette technique de mesure in
vivo de la vitesse de transport mucociliaire a l’avantage d’éviter
l’introduction du fibroscope. Elle élimine donc tout risque de stimulation
secondaire de l’activité ciliaire. En effet, lorsque le dépôt du traceur s’effectue
par fibroscopie, la vitesse de transport est souvent beaucoup plus élevée que
lorsque le traceur est déposé par simple inhalation.
Mesure de la clairance mucociliaire
Généralités
La mesure de la clairance mucociliaire est généralement réalisée après
inhalation d’un aérosol radioactif qui se dépose le long de l’arbre
trachéobronchique. La radioactivité est mesurée à l’aide de détecteurs
externes. L’étude de la décroissance de la radioactivité permet d’évaluer
l’efficacité du système mucociliaire [111] (fig 2).
La clairance mucociliaire est exprimée en pourcentage de radioactivité
résiduelle ou en pourcentage de radioactivité éliminée.
La courbe de clairance pulmonaire totale met en évidence deux phases :
– une phase dite « rapide » (inférieure à 24 heures, demi-vie de 8 à 9 heures),
qui correspond à la clairance par le système mucociliaire des particules
déposées au niveau de l’épithélium cilié ;
– une phase « lente » (demi-vie 60 à 100 jours), qui représente la clairance
alvéolaire. La soustraction de cette fraction alvéolaire est indispensable pour
estimer valablement l’efficacité du système mucociliaire.
Différents facteurs influençant les résultats
Parmi les facteurs susceptibles d’entraîner une dispersion considérable des
résultats, intervient en premier lieu le site de dépôt de l’aérosol. Même si le
dépôt est limité à l’épithélium cilié, la clairance mucociliaire sera différente
selon que le dépôt d’aérosol est proximal ou distal (fig 2). Ceci est
essentiellement lié aux variations de la vitesse de transport du mucus le long
de l’arbre trachéobronchique. Pour interpréter valablement les courbes de
clairance mucociliaire, il est donc indispensable de standardiser et de
contrôler les conditions de dépôt de l’aérosol. Les principaux mécanismes
conditionnant la pénétration et le dépôt des aérosols dans les voies aériennes
sont : l’impaction inertielle (fonction croissante de la taille et de la vitesse des
particules), l’interception (fonction de la longueur des particules), la
sédimentation gravitationnelle (fonction croissante de la taille et décroissante
de la vitesse des particules), et la diffusion brownienne (pour des particules
inférieures à 0,5 µm). La pénétration des aérosols est également fonction de
la géométrie des voies aériennes : l’obstruction bronchique entraîne, par
exemple, un dépôt plus marqué au niveau des voies aériennes proximales, par
augmentation du phénomène d’impaction. La taille et la densité des particules
sont donc deux paramètres essentiels à contrôler lors des mesures de clairance
mucociliaire. L’hygroscopie est également à prendre en compte, mais
uniquement si le traceur utilisé est capable d’absorber de l’eau. Les particules
de faible diamètre et de densité élevée se déposent de la même façon que les
particules de diamètre plus élevé et de densité plus faible. Ceci explique que
la taille des particules est généralement représentée par le diamètre
aérodynamique : diamètre équivalent d’une particule de densité 1 qui
sédimente à la même vitesse que la particule utilisée. En pratique, les
particules de diamètre aérodynamique, compris entre 5 et 10 µm, se déposent
par impaction au niveau des voies aériennes supérieures et des cinq à six
premières générations bronchiques. Des particules de diamètre compris entre
0,5 et 5 µm se déposent au niveau des voies aériennes distales par
sédimentation.
Qualités de l’aérosol et de son inhalation
Pour obtenir un dépôt aussi localisé que possible, l’aérosol doit être
monodispersé. Cette monodispersion peut être facilement obtenue à l’aide
d’aérosoliseurs à disque, à jet rotatif. Les conditions d’inhalation sont souvent
importantes à contrôler. Un volume courant élevé, associé à une apnée
postinspiratoire, favorise le dépôt des particules au niveau des voies aériennes
périphériques [78]. En revanche, pour obtenir un dépôt au niveau des voies
aériennes centrales, le débit d’inhalation doit être élevé (de l’ordre de 1 L/s).
L’inhalation de l’aérosol s’effectue pendant toute la durée de l’inspiration, ou
uniquement en fin d’inspiration. La pénétration initiale de l’aérosol varie d’un
sujet à l’autre, en particulier chez les malades obstructifs.
Le contrôle du degré de pénétration des aérosols représente donc une étape
préliminaire à toute analyse de la clairance mucociliaire. Trois principales
méthodes sont classiquement utilisées.
La détermination du pourcentage de rétention, 24 heures après l’inhalation,
permet de quantifier le pourcentage d’aérosol parvenu au niveau des voies
aériennes périphériques. Ce pourcentage est d’autant plus élevé que la
pénétration des particules est profonde.
Comme l’ont décrit Foster et al [44] et Agnew et al [2], l’« index de pénétra-
tion » permet d’analyser la répartition de l’aérosol au niveau de chaque champ
pulmonaire, droit et gauche, dont le contour est préalablement défini par une
scintigraphie au 133Xe. L’image du champ pulmonaire est découpée en cinq
bandes verticales de largeur identique : les trois bandes les plus internes
correspondent aux régions centrales, et les deux bandes externes aux régions
périphériques.
La méthode d’analyse la plus précise de l’indice de pénétration d’un aérosol
consiste, comme l’ont proposé Gerrard et al [50], à effectuer une analyse
statistique de la répartition, point par point, des activités contenues dans
l’image du champ pulmonaire, et à calculer le troisième moment de la
distribution. Cet index a l’avantage d’être indépendant de la taille du poumon
et de l’activité totale déposée. Le choix du dépôt de l’aérosol varie selon les
auteurs. Certains préfèrent choisir des conditions d’inhalation permettant
d’obtenir un dépôt au niveau proximal ou central. Ceci présente le double
avantage de réduire l’influence de l’obstruction bronchique sur le site du
dépôt et de raccourcir la durée d’analyse sous la caméra, limitant ainsi les
effets de la toux sur la mesure [83]. D’autres auteurs préfèrent utiliser des
conditions d’inhalation favorables à un dépôt plus diffus, permettant d’étudier
la clairance mucociliaire sur l’ensemble des voies aériennes [111].
L’interprétation de ces résultats est cependant plus difficile, la durée de
Cinéfibroscopie Technique radiographique
Ciné
Disques
Téflon ®
Télévision Magnétophone
Disques
radio-opaques
Rayons-X
Amplificateur
Techniques radio-isotopiques
Microsphères
albumine
marquée
γcaméra
γcaméra
Bolus
radioactif
Oscilloscope Ordinateur
2 Représentation schématique des principales techniques de mesure de la vitesse de
transport du mucus. D’après Pavia [111].
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67
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l’examen (supérieure à 6 heures) ne permet pas d’éviter la toux qui doit alors
être prise en compte dans les résultats. En effet, chez les malades
hypersécrétants, une simple secousse de toux peut éliminer un pourcentage
de radioactivité supérieur à celui éliminé pendant plusieurs heures par
l’activité ciliaire. Certains auteurs ont proposé d’introduire un facteur
correctif pour la toux en évaluant la quantité de radioactivité éliminée par la
toux. En fait, ces corrections sont souvent imprécises et il est préférable, pour
les éviter, de limiter l’analyse de la clairance mucociliaire à des périodes de
temps aussi courtes que possible, de l’ordre de 1 heure.
Différents aérosols
Différents types d’aérosols peuvent être utilisés pour analyser la clairance
mucociliaire. Parmi les plus couramment utilisés, on peut citer : le
polystyrène, le Téflont, l’oxyde de fer, l’amberlite, l’albumine. Certains
auteurs utilisent des traceurs biologiques comme les hématies marquées [104].
La plupart des aérosols marqués utilisés pour étudier la clairance mucociliaire
ont un diamètre aérodynamique compris entre 4 et 8 µm, ce qui évite le
marquage des voies aériennes distales non ciliées. L’analyse des courbes de
radioactivité s’effectue après correction de la décroissance naturelle du radio-
isotope. Les résultats peuvent être exprimés en pourcentage de radioactivité
retenue ou, au contraire, éliminée 1 heure, 2 heures et/ou 6 heures après
l’inhalation d’aérosols. Certains auteurs calculent sur la base d’une courbe de
clairance de type exponentiel la demi-vie (T 50). S’il est indispensable
d’éviter au maximum l’interférence de la toux au cours de la mesure de la
clairance mucociliaire, en revanche le contrôle de son efficacité à la fin de
l’analyse est un test intéressant car il permet de renseigner sur la capacité
respective de l’activité ciliaire et de la toux à assurer l’épuration du mucus.
Par ailleurs, il est possible, par traitement informatique des données,
d’effectuer une analyse séparée de la clairance mucociliaire au niveau du
poumon droit ou gauche, ou dans différentes zones pulmonaires (proximale
et périphérique), délimitées après mesure de l’index de pénétration.
Quelle que soit la technique d’analyse de la clairance, il est indispensable,
pour évaluer valablement l’effet d’une thérapeutique, de calculer le nombre
minimal de malades à inclure dans l’étude en se référant à la reproductibilité
de la technique utilisée [36].
Méthodes d’analyse in vitro
Capacité de transport mucociliaire ex vivo et rhéologie du mucus
Un simple test, permettant d’évaluer l’aptitude du mucus à être transporté par
le système ciliaire, consiste à mesurer sa vitesse de transport sur la muqueuse
du palais de grenouille. Le palais de grenouille est, en effet, doté d’un
épithélium de type respiratoire, dont la morphologie à l’échelle
ultrastructurale est très similaire à celle de l’épithélium respiratoire
humain [130].Après excision, le palais de grenouille est placé dans une enceinte
thermostatée (30 °C) et saturée en vapeur d’eau. Dans ces conditions
expérimentales, après environ 24 heures, la phase gel du mucus est éliminée,
mais l’activité ciliaire est maintenue. Il suffit alors de déposer une goutte de
mucus sur la muqueuse ciliée du palais et de mesurer sa vitesse de transport
qui est ensuite rapportée à celle du mucus témoin de grenouille. Cette
technique a largement été décrite comme une méthode permettant de définir
la « transportabilité » du mucus indépendamment de l’activité ciliaire.
Néanmoins, selon King [75], ce test qui ne requiert que quelques microlitres de
mucus, doit être interprété avec prudence, car il est possible que le mucus
analysé contienne des médiateurs cilioactifs qui peuvent moduler l’activité
ciliaire de l’épithélium de la grenouille. King [75] propose d’utiliser le modèle
de l’épithélium frais de grenouille avant déplétion de mucus comme un
système intégré permettant d’analyser l’action de molécules capables de
modifier l’hydratation du mucus telles que l’uridine triphosphate (UTP) ou
de modifier les propriétés de surface du mucus par addition de surfactant. Le
transport mucociliaire peut également être étudié dans des modèles animaux
comme la souris [182]. Wills et al [170] ont récemment proposé le modèle de la
trachée bovine déplétée de son mucus comme modèle plus représentatif du
système mucociliaire que celui observé chez les amphibiens. Selon ces
auteurs, le modèle de la trachée bovine serait sensible à l’ajout de NaCl dans
le mucus, donc à l’augmentation de l’osmolarité qui s’accompagne d’une
augmentation du transport mucociliaire, alors que le palais de grenouille
apparaît insensible aux variations de l’osmolarité. En fait, il semble que ces
deux modèles animaux soient complémentaires. Le modèle du palais de
grenouille est parfaitement adéquat pour analyser l’influence des propriétés
rhéologiques du mucus sur le transport mucociliaire. Il semble que le modèle
de la trachée bovine permet de mieux définir que le palais de grenouille,
l’influence de l’osmolarité sur la capacité de transport du mucus. Un modèle
intégré de muqueuse respiratoire humaine ex vivo représenterait
probablement une alternative intéressante aux deux précédents modèles.
Activité ciliaire
L’étude de la fonction ciliaire et de ses anomalies fait appel à des techniques
spécifiques visant à mesurer in vitro l’activité des cils vibratiles maintenus en
survie ou à mettre en évidence, sur des cellules ciliées préalablement fixées,
des anomalies de l’ultrastructure ciliaire. L’activité fonctionnelle des cils
vibratiles peut être facilement étudiée in vitro à partir des prélèvements de
cellules ciliées obtenus par brossage ou biopsie, bronchique ou nasale.
Brossage
Le brossage nasal, moins traumatisant que le brossage bronchique, est
fréquemment réalisé, en particulier en pneumologie infantile, pour la mise en
évidence d’anomalies ciliaires primitives. Ce brossage doit être effectué dans
la partie postérieure du cornet inférieur ou moyen. Au niveau bronchique, il
est indispensable d’effectuer ce brossage dans les zones macroscopiquement
saines. Une légère anesthésie locale peut être utilisée ; il semble que la
lidocaïne utilisée aux doses habituelles n’entraîne pas d’inhibition de
l’activité ciliaire. Le brossage de la muqueuse respiratoire (bronchique ou
nasale) permet de recueillir des lambeaux d’épithélium contenant plusieurs
centaines de cellules ciliées. Après le brossage, la brosse est immédiatement
introduite dans un milieu de culture cellulaire qui permet de maintenir
l’activité ciliaire à l’état normal pendant plusieurs heures.
Examen en microscopie optique
Après agitation vigoureuse nécessaire à la mise en suspension des cellules
ciliées, une goutte de milieu de culture, préalablement thermostatée à 37 °C,
est observée entre lame et lamelle, à l’aide d’un simple microscope optique.
Un premier test simple permet de quantifier le pourcentage de cellules ciliées
vivantes et mortes, à l’aide d’un colorant vital tel que le bleu Trypan, et
également d’évaluer le pourcentage de cellules ciliées vivantes dont le
battement apparaît macroscopiquement normal. L’examen direct des
prélèvements en microscopie optique est donc un examen simple permettant
d’apprécier la richesse du prélèvement en cellules ciliées et leur mobilité. Ce
simple test effectué en routine peut être complété, s’il apparaît anormal, par
l’étude de la fréquence de battement ciliaire. L’utilisation d’un photomètre,
couplé au microscope, permet d’enregistrer, sous forme de variations
électriques, les variations d’intensité lumineuse transmises et modulées par
le battement ciliaire. Applicable à des cellules ciliées isolées par brossage ou
biopsie bronchique, cette technique est actuellement la plus fréquemment
utilisée pour analyser de façon quantitative la fréquence de battement ciliaire.
Étude ultrastructurale ciliaire
C’est un examen long, difficile, qui ne devrait être effectué que si la
symptomatologie clinique (infection oto-rhino-laryngologique et bronchique,
dilatations bronchiques associées ou situs inversus) est suffisamment
évocatrice d’une anomalie ciliaire et si la mobilité ciliaire nasale et
bronchique, après examen direct, apparaît anormale. Les anomalies
ultrastructurales ciliaires peuvent varier non seulement selon le site de
prélèvement, mais également au sein d’un même groupe de cellules
ciliées [143]. La mise en évidence, au niveau de quelques cils, d’anomalies du
cytosquelette, ne s’accompagne pas nécessairement d’un effondrement de
l’épuration mucociliaire. La quantification en microscopie optique du
pourcentage de cellules ciliées mobiles apparaît donc comme une méthode
beaucoup plus simple et plus fiable pour évaluer en routine les anomalies
fonctionnelles du système ciliaire [71].
Pathologie de l’épuration du mucus
L’épuration du mucus respiratoire est altérée dans de nombreuses affections.
Grâce aux données physiologiques précédemment décrites, il apparaît que
l’inefficacité du transport mucociliaire peut être due, soit à des anomalies
structurales ou fonctionnelles des cils, soit à des anomalies qualitatives ou
quantitatives des sécrétions bronchiques. Dans la plupart des maladies où
l’épuration mucociliaire est altérée, ces facteurs sont généralement intriqués.
Il est cependant possible de dégager, indépendamment des facteurs
étiologiques, un tableau commun des anomalies morphologiques du système
mucociliaire responsables de sa détérioration fonctionnelle. Nous
envisageons successivement :
– les lésions structurales de l’appareil mucociliaire en réponse à une
agression aiguë ou chronique et la réparation de l’épithélium bronchique ;
– les facteurs étiologiques responsables de ces altérations (facteurs
environnementaux, héréditaires, infectieux et divers) ;
– l’état du transport mucociliaire dans les affections respiratoires et dans
certaines maladies extrarespiratoires ;
– la pharmacologie du transport mucociliaire et les thérapeutiques
habituellement disponibles dans le but d’améliorer le transport du mucus.
Lésions structurales du système mucocilaire
Agents agresseurs
L’intégrité de l’épithélium mucociliaire peut être sévèrement perturbée par
divers agents agresseurs tels que l’inhalation de gaz irritants ou de polluants
gazeux comme la fumée de cigarette, le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67
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d’azote (NO2), l’ozone (O3), les aérosols acides ou alcalins, les agents
infectieux, qu’il s’agisse de virus comme le Myxovirus influenzae et les
mycoplasmes. Parmi les autres agents susceptibles de léser l’épithélium
mucociliaire, il faut encore citer la ventilation assistée, l’inhalation de
liquides, et l’action de médiateurs de l’inflammation. L’atteinte lésionnelle
de l’épithélium varie selon la concentration du toxique, sa durée d’exposition,
son niveau d’action, l’épithélium bronchiolaire étant plus sensible aux
toxiques inhalés que l’épithélium des voies aériennes proximales et
centrales [125].
Lésions induites
En réponse à une agression aiguë, qu’elle soit chimique, mécanique ou
infectieuse, on observe une hypersécrétion du mucus, s’accompagnant d’un
phénomène inflammatoire local, d’une déciliation de l’épithélium, d’une
nécrose de cellules épithéliales et d’une desquamation de l’épithélium avec
mise à nu de la membrane basale et des récepteurs nerveux sous-épithéliaux.
Chez l’animal, comme chez l’homme, le virus InfluenzaeAinduit des lésions
sévères du système mucociliaire. Plotkowski et al [118] ont mis en évidence en
microscopie électronique, 2 jours après l’inoculation de virus Influenzae chez
la souris, des signes de souffrance cellulaire s’accompagnant d’une
désorganisation de l’activité ciliaire. Après 4 jours, la desquamation de
l’épithélium est importante. Elle apparaît à cette période très favorable à
l’adhérence bactérienne. Ces auteurs ont également montré que l’élastase
leucocytaire, dont la concentration est très augmentée au cours de
surinfections bronchiques, entraîne une hypersécrétion et une exfoliation de
l’épithélium mucociliaire avec une adhérence très significativement
augmentée des bactéries de type Pseudomonas aeruginosa [117]. Les
mécanismes impliqués dans la perte de l’intégrité de la barrière épithéliale
après infection bactérienne font intervenir des lésions des complexes
jonctionnels qui, sous l’influence de facteurs de virulence, deviennent
perméables [8] et favorisent l’infection bactérienne. Toutes ces études mettent
donc bien en évidence que l’adhérence bactérienne à la muqueuse respiratoire
est favorisée par la diminution de l’épuration mucociliaire et par l’exposition
aux bactéries de récepteurs normalement masqués par le mucus.
Régénération de l’épithélium
Elle s’effectue par un mécanisme de « transdifférenciation ». Les cellules
sécrétoires et les cellules différenciées, ainsi que les cellules basales, se
multiplient puis se différencient en cellules ciliées. De nombreuses études
expérimentales d’inhalation de toxiques gazeux réalisées chez l’animal
suggèrent que l’augmentation des cellules sécrétoires représente un
mécanisme de renouvellement rapide des cellules ciliées qui ont desquamé.
Ces cellules ciliées sont remplacées par des cellules sécrétoires, qui se
différencient ensuite en cellules préciliées puis en cellules ciliées. Cette
transdifférenciation des cellules sécrétoires permet donc de renouveler
rapidement les cellules ciliées qui sont incapables de se diviser.
Après une agression chronique, les lésions de l’épithélium se traduisent
généralement par une stratification (métaplasie malpighienne) et une
hyperplasie des cellules caliciformes et des cellules glandulaires de la sous-
muqueuse.Après interruption de l’agression, l’épithélium est aussi capable à
nouveau de se redifférencier vers un épithélium mucociliaire normal. Il est
important de noter que l’épithélium bronchique est capable de s’adapter à
l’agent agresseur. En effet, il a été démontré chez les primates, après une
exposition prolongée à l’O3, que l’action nécrosante observée sur les cellules
ciliées lors de l’exposition aiguë disparaît. On observe, malgré l’exposition
prolongée à l’agent toxique, un épithélium pratiquement similaire à
l’épithélium normal. Ces résultats suggèrent qu’en réponse à une agression
chronique, le processus de différenciation ou de transdifférenciation
épithéliale ne représente qu’un stade transitoire, donc réversible, permettant
à l’épithélium de se régénérer. Ce processus de régénération explique le délai
nécessaire (plusieurs semaines à plusieurs mois) pour obtenir la normalisation
de la clairance mucociliaire après arrêt de l’agression (virose, consommation
tabagique...). Il a été démontré que le développement de l’épithélium
bronchique au cours de la vie fœtale présente de nombreuses analogies avec
le processus de régénération de l’épithélium après une agression [50]. Ces
résultats suggèrent que les anomalies ultrastructurales ciliaires, observées au
cours des infections bronchiques et considérées comme des anomalies
acquises, pourraient être le témoin de la régénération de l’épithélium
mucociliaire plutôt que le reflet de la lésion initiale.
Il est probable que l’environnement ionique ou les facteurs paracrines comme
l’epidermal growth factor (EGF) sécrété par les cellules épithéliales peuvent
directement contrôler la différenciation des cellules ciliées [187].
Facteurs environnementaux
Tabac
Il faut d’emblée distinguer les effets d’une inhalation aiguë de fumée de
cigarette et les effets à long terme du tabagisme sur l’épuration du mucus.
Les effets toxiques aigus de la fumée de tabac sont relativement controversés ;
certains auteurs ont démontré une action très nocive du tabac sur l’épuration
mucociliaire, d’autres n’ont observé aucune différence. L’apparente
variabilité des résultats pourrait être rattachée au fait que, comme l’ont montré
Lindberg et al [89], l’action de la fumée de tabac est biphasique. Ces auteurs
ont mis en évidence, après administration intra-artérielle de nicotine, une
accélération brève et transitoire de la fréquence mucociliaire de l’épithélium
sinusien du lapin. Après inhalation chronique de fumée de tabac, toutes les
études s’accordent pour mettre en évidence le rôle délétère du tabac sur
l’épuration mucociliaire trachéobronchique [94, 153, 175]. Une étude très
intéressante, réalisée chez des jumeaux homozygotes fumeurs et non fumeurs,
a permis de démontrer que, alors que la clairance mucociliaire était
strictement identique chez les jumeaux non fumeurs, elle était
significativement plus faible chez le jumeau fumeur par rapport au non
fumeur [24]. Chez les fumeurs asymptomatiques, l’altération de la clairance
mucociliaire est proportionnelle à la consommation tabagique. Cette
altération est cependant moins sévère que chez les bronchitiques chroniques
[2,
3]. Après 3 mois d’arrêt de la consommation tabagique, la clairance
mucociliaire se normalise. Cette réversibilité est peu évidente lorsqu’une
bronchite chronique est associée au tabagisme [25]. Selon Agnew et al [2] et
Vastag et al [162], la diminution de l’épuration mucociliaire secondaire au
tabagisme serait plus marquée dans les voies aériennes centrales que dans les
voies aériennes périphériques. La clairance mucociliaire nasale n’est pas
modifiée par l’inhalation aiguë de fumée de tabac, alors qu’elle est très altérée
chez les fumeurs chroniques [163]. Le mécanisme d’action du tabac sur
l’épuration mucociliaire a été particulièrement bien étudié par Hée [62] qui a
mis en évidence l’activité inhibitrice de la fumée de tabac sur l’activité ciliaire
et en a déterminé les composants ciliotoxiques.
Alcool
L’effet de l’alcool sur la clairance mucociliaire apparaît variable. Si
l’intoxication éthylique chronique semble entraîner une diminution de la
clairance mucociliaire, en revanche l’absorption aiguë d’alcool à doses
modérées semble avoir un effet variable sur la clairance en fonction de la dose
et des individus [164]. In vitro, l’effet ciliomodulateur est variable selon la
concentration. Maurer et Liebman [105] mettent en évidence une cilioactivation
à faibles doses (0,01 à 0,1 %) et une cilio-inhibition à fortes doses (2 %). Ces
données confirment les résultats de Leicht et al [85] qui ont mis en évidence
que la diminution de la clairance consécutive à l’absorption d’alcool est
principalement due à une modification de l’activité ciliaire et non du mucus.
Polluants de l’environnement
Les effets de nombreux polluants habituels de notre environnement, comme
le SO2, l’acide sulfurique (SO4H2), l’O3, le NO2, les particules minérales ou
les gaz d’échappement, ont été largement étudiés. Nous ne rapporterons ici
que leurs effets in vivo sur la clairance mucociliaire chez l’homme et chez
l’animal.
Dioxyde de soufre
Andersen et al [6] font état d’une diminution significative de la clairance
mucociliaire nasale après exposition de 5 à 25 ppm de SO2 pendant 6 heures,
alors que Wolff [174] a mis en évidence une accélération de la clairance
bronchique chez les sujets exposés à 5 ppm de SO2. L’altération de l’épuration
mucociliaire serait essentiellement liée à une augmentation du volume de
sécrétion, à une modification de la qualité du mucus, et à une diminution du
nombre de cellules ciliées en relation avec la transformation de l’épithélium
cilié pseudostratifié en épithélium malpighien [87].
Dioxyde d’azote
Le NO2 est un polluant aérien très courant. Il est principalement produit par
les procédés de combustion et il a été démontré, aussi bien dans des
expérimentations animales que chez l’homme, qu’une seule exposition au
NO2 peut entraîner une inflammation aiguë des voies aériennes. L’exposition
de cultures cellulaires bronchiques humaines à une concentration en NO2 à
0,1 à 2 ppm entraîne, après 1 heure, une diminution de la fréquence ciliaire [38].
Chez le sujet sain, une exposition de NO2 à 1,5 ppm pendant 20 minutes
entraîne une diminution de la fréquence mucociliaire [63]. Ces auteurs
suggèrent que la perturbation de l’activité mucociliaire pourrait être liée à son
effet oxydant dû aux radicaux libres du NO2.
Acide sulfurique
Les études, chez l’animal et chez l’homme, semblent concordantes [86].
L’exposition à de faibles doses de SO4H2 s’accompagne d’une accélération
de la clairance mucociliaire trachéale, alors qu’une exposition à de fortes
doses entraîne un ralentissement de la clairance. Ces variations seraient
également, comme pour le SO2, à rattacher à une stimulation de la sécrétion
du mucus.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67
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Ozone
Chez le sujet sain [45], l’exposition à 0,2 et 0,4 ppm d’O3, comparativement à
une inhalation d’air, entraîne une stimulation de la fonction mucociliaire,
notamment au niveau périphérique. Cette action serait secondaire à une
stimulation du mucus ou à une altération de la perméabilité épithéliale.
Particules inertes
L’inhalation de particules de poussière de charbon entraîne une accélération
de la clairance mucociliaire des voies aériennes proximales [22]. L’effet
délétère de l’inhalation serait beaucoup plus marqué dans les voies aériennes
périphériques que dans les voies aériennes proximales. L’ensemble des
études réalisées chez l’animal et chez l’homme suggère que si les polluants
atmosphériques ont un effet transitoirement stimulant, ils pourraient, à long
terme, être responsables d’un dysfonctionnement mucociliaire à l’origine
d’affections bronchopulmonaires chroniques.
Facteurs infectieux
Infections virales
Chez les adultes infectés par le Myxovirus influenzae A, la clairance
mucociliaire trachéobronchique [23] et la clairance nasale [171] sont très altérées.
La normalisation de la clairance n’intervient qu’après une période de 3 mois
en moyenne. En revanche, pendant la période d’incubation et lorsque
l’infection est symptomatique, la clairance n’est pas modifiée. La diminution
de la clairance au cours des infections virales s’explique en grande partie par
la desquamation de l’épithélium. Cependant, sur les cellules ciliées qui n’ont
pas desquamé, il semble que la fréquence ciliaire soit normale. En revanche,
chez l’enfant porteur d’infections virales identifiées, Carson et al [27] ont mis
en évidence des anomalies ultrastructurales pour deux tiers de biopsies
nasales. Les anomalies ciliaires observées correspondent, dans 5 à 25 % des
cas, à des délétions des microtubules centraux, et dans 4 % des cas, à une
délétion ou un excès de microtubules périphériques. Des prélèvements
contrôles ne mettent en évidence des anomalies que dans 1 à 2 % des cellules
ciliées. En fait, la fréquence de ces anomalies ultrastructurales reste faible en
comparaison du pourcentage élevé d’anomalies ciliaires (plus de 50 %)
observées sur les cellules ciliées examinées chez des sujets atteints de
dyskinésie ciliaire primitive [137].
Infections bactériennes
En dehors de l’infection par virus Influenzae A, l’infection par Mycoplasma
pneumoniae peut également entraîner des lésions de l’épithélium cilié. Ces
lésions s’accompagnent d’une altération de la clairance mucociliaire qui
apparaît en général 10 à 15 jours après le début de la maladie et peut persister
pendant une période prolongée d’environ 1 an [23, 68, 112].
Infections virales et bactériennes
Les infections virales et les infections par Mycoplasma pneumoniae
entraînent une altération de l’épithélium cilié qui, secondairement,
s’accompagne d’une mucostase à l’origine d’infections bactériennes. Par
ailleurs, les infections à Rhinovirus peuvent sérieusement altérer l’intégrité
fonctionnelle de la barrière épithéliale, en association avec une surexpression
d’ICAM-1 [110]. Wilson et al [172] ont été parmi les premiers à mettre en
évidence un facteur cilio-inhibiteur, produit par Haemophilus influenzae et
Pseudomonas aeruginosa, capable d’agir sur les cellules ciliées nasales
humaines in vitro et d’entraîner, en relation avec une sécrétion de facteurs de
virulence, une altération sévère du complexe jonctionnel épithélial [8].
L’association d’une infection virale à une infection bactérienne
s’accompagnant d’une desquamation de l’épithélium cilié et d’une
hypersécrétion bronchique est fréquente. Il peut s’installer un véritable cercle
vicieux conduisant ainsi à une pérennisation de l’infection, voire à une
maladie chronique bronchique, telles les bronchectasies.
Maladies congénitales
Dyskinésie ciliaire primitive
Il s’agit de l’affection la plus démonstrative du rôle de l’épuration
mucociliaire en pathologie. Sa description est la résultante d’une série
d’observations et de découvertes médicales : en 1933, Kartagener décrivait
un syndrome associant une sinusite chronique, des bronchectasies et un situs
inversus avec cas familiaux. En 1976, Afzelius [1] décrit l’immobilité des
flagelles des spermatozoïdes chez ces malades et rattache cette anomalie
fonctionnelle à l’anomalie structurale du flagelle caractérisée par une absence
de bras de dynéine sur les microtubules périphériques. Ainsi naît le
« syndrome des cils immobiles », au sein duquel le syndrome de Kartagener
complet n’est identifié que dans 50 % des cas. Plus récemment, Rossman et
al [137] ont décrit chez certains de ces malades des cils apparemment mobiles
mais dont le battement était désordonné et lent, voire inefficace. Sleigh [152]
propose alors de remplacer le terme de « syndrome des cils immobiles » par
le terme de « dyskinésie ciliaire primitive » qui est actuellement unanimement
accepté.
Chez ces malades, le ralentissement de l’épuration mucociliaire nasale et
trachéobronchique permet de dépister la maladie dont le diagnostic est ensuite
confirmé par la mise en évidence d’une altération de la mobilité ciliaire et
d’anomalies ultrastructurales des cils.Ainsi, Rutland a comparé la mobilité et
l’ultrastructure des cellules ciliées chez des malades atteints de dyskinésie
ciliaire primitive à celles des malades présentant une dyskinésie ciliaire
acquise. La fréquence de battement ciliaire dans la dyskinésie ciliaire
primitive apparaît constamment inférieure à 10 Hz et les anomalies
ultrastructurales atteignent, selon cet auteur, plus de 50 % des cils, alors
qu’elles ne sont identifiées que dans 10 % des cils dans les autres groupes.
Les anomalies ciliaires ultrastructurales identifiées dans la dyskinésie ciliaire
primitive ne se résument pas à la simple absence de bras de dynéine sur les
microtubules périphériques. Sturgess [154] a étudié la structure ciliaire chez des
malades provenant de différentes familles et a noté que les anomalies les plus
fréquemment étudiées sont les suivantes : absence de bras de dynéine interne,
ou externe et interne, absence de bras radiaire, absence de doublet central,
transposition de microtubules périphériques. D’autres auteurs ont constaté
des anomalies différentes, ce qui peut en fait être expliqué par la multiplicité
des structures protéiques composant l’architecture ciliaire. Il est en effet
admis qu’il existe au moins 200 gènes codant pour ces protéines. Des
enquêtes génétiques portant sur la dyskinésie primitive ont montré qu’il n’y
avait pas de prédominance ethnique ni d’anomalie structurale, et que l’âge
des parents et le rang de naissance n’intervenaient pas. En revanche, la
consanguinité était fréquente. La dyskinésie ciliaire primitive est une maladie
autosomique récessive, à pénétrance variable. L’incidence du syndrome de
Kartagener complet est de l’ordre de 1/30 000 naissances.
Mucoviscidose
Dans cette pathologie d’origine génétique qui est la maladie héréditaire létale
la plus fréquente dans les populations européennes et nord-américaines
(1/2 000 naissances), l’atteinte de l’épithélium bronchique, associée à un
stade avancé de la maladie à une inflammation et une infection bronchiques
sévères, est responsable de la morbidité et de la mortalité de la maladie.
Dans cette affection caractérisée par une hypersécrétion bronchique, il est
difficile de définir avec précision dans quelle mesure la clairance mucociliaire
est primitivement normale ou altérée. En fait, la clairance mucociliaire est
souvent étudiée chez de grands enfants ou chez l’adulte présentant déjà des
infections répétées. Des études contrôlées, réalisées chez l’enfant à un stade
précoce, n’ont pu en effet être réalisées pour des raisons éthiques. À un stade
avancé chez l’adulte, Wood et al [177] et Yeates et al [181] ont montré que la
vitesse de transport trachéale était diminuée. Mais cette diminution pourrait
n’être que la conséquence de la maladie à un stade évolué, plutôt qu’un
véritable facteur causal. L’ultrastructure des cils est normale dans la
mucoviscidose. Les anomalies rhéologiques du mucus ne sont pas
systématiquement observées. King [73] et Puchelle et al [126] n’ont pu mettre en
évidence une augmentation significative de la viscosité de l’expectoration
qu’en période de surinfection bronchique. Il est classiquement admis dans la
mucoviscidose que les anomalies du transport ionique consécutives aux
mutations du gène codant pour la protéine cystic fibrosis transmembrane
conductance regulator (CFTR) sont associées à la déshydratation du mucus,
à son adhésivité élevée, et à une diminution du transport mucociliaire
[28, 103, 185]. Cependant, ces anomalies sont souvent observées à un stade avancé
de la maladie. Il a été également suggéré que l’incapacité des granules
sécrétoires des glandes sous-muqueuses à augmenter de volume, au cours du
phénomène d’exocytose, peut être liée à des anomalies de CFTR. Bien qu’il
soit largement admis que la déshydratation du mucus est associée à une
hyperviscosité et à un ralentissement du transport mucociliaire, des résultats
récents montrent que le contenu en eau des sécrétions bronchiques dans la
mucoviscidose n’est pas systématiquement diminué et que la déshydratation
du mucus est associée à une hyperviscosité et à un ralentissement du transport
mucociliaire. Des résultats récents montrent que le contenu en eau des
sécrétions bronchiques dans la mucoviscidose n’est pas systématiquement
diminué et que la déshydratation du mucus est également liée aux
phénomènes d’inflammation et d’infection bactérienne [38]. Chez les patients
atteints de mucoviscidose, la clairance mucociliaire est, selon les auteurs, soit
diminuée, ou l’inverse, voisine de celle observée chez les sujets sains. De
telles différences peuvent être liées au génotype des patients, à leur âge ou à
l’état clinique, et en particulier au degré d’infection bronchique. Afin de
déterminer dans quelle mesure la fonction anormale de CFTR pouvait induire
de façon spécifique, avant toute infection, une diminution de l’épuration
mucociliaire, Zahm et al [182] ont analysé la vitesse de transport du mucus chez
des souris transgéniques mucoviscidosiques élevées dans des conditions
exemptes de germes pathogènes. Les résultats obtenus mettent en évidence
une diminution significative de la fonction de transport mucociliaire et une
inflammation de la sous-muqueuse qui pourraient représenter des anomalies
précoces caractéristiques de la mucoviscidose, avant tout signe d’infection.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67
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Syndrome de Young
Ce syndrome associe une azoospermie obstructive et des surinfections
bronchiques avec bronchectasies. Sa physiopathologie n’est pas connue.
Pavia [113] a mis en évidence une diminution de la clairance mucociliaire chez
ces sujets. Il semblerait que le facteur responsable soit à rattacher plutôt à une
anomalie des sécrétions qu’à une véritable anomalie ciliaire.
Déficits immunitaires congénitaux
Le déficit en Ig, comme le déficit spécifique en IgA, s’accompagne d’une
altération de la clairance mucociliaire qui semble être la conséquence des
infections fréquentes plutôt que le facteur causal.
Maladies acquises
Dans la plupart de ces affections, la diminution de l’épuration du mucus est
secondaire à une agression répétée des voies aériennes qui aboutit
généralement à une inflammation chronique.
Bronchite chronique
Cette maladie est très souvent en rapport avec un tabagisme dont les effets sur
la clairance ont été antérieurement rappelés. Il convient de mentionner que la
diminution de la clairance chez les bronchitiques chroniques est irréversible,
alors qu’elle est réversible chez des fumeurs non bronchitiques chroniques
ou chez des patients présentant des bronchites aiguës. Le degré de tabagisme
semble directement influencer la clairance mucociliaire, alors que l’on
n’observe pas de corrélation étroite entre la diminution de la clairance et les
altérations fonctionnelles respiratoires. En revanche, il existe une corrélation
significative entre la pression artérielle en oxygène (PaO2), la pression
artérielle en gaz carbonique (PCO2) et l’épuration mucociliaire [83] dans la
bronchite chronique simple, alors qu’elle n’est pas mise en évidence dans la
bronchite chronique avec syndrome obstructif. Chez les bronchitiques
chroniques, parallèlement à la diminution de l’épuration mucociliaire, on note
une modification du profil sécrétoire du mucus (augmentation des
sulfomucines et des protéines transsudées). Les modifications biochimiques
du mucus s’accompagnent d’anomalies rhéologiques fréquemment observées
au cours d’infections qui se traduisent par une augmentation de la viscosité et
une diminution de la capacité de transport du mucus [130]. Chez ces malades,
la diminution de l’épuration mucociliaire peut cependant être en grande partie
compensée par l’épuration du mucus par la toux (fig 3, 4).
Asthme
Anomalies de la clairance mucociliaire
L’existence de bouchons muqueux dans les bronches, observée à l’autopsie
de patients asthmatiques, suggère que les anomalies de la clairance
mucociliaire chez ces malades sont principalement liées à des anomalies des
propriétés physiques du mucus. Chez l’asthmatique, le ralentissement de la
clairance mucociliaire est observé dans de multiples situations.Wanner [166] et
Pavia et al [112] observent une diminution de la vitesse de transport trachéale
chez des asthmatiques atopiques, symptomatiques ou asymptomatiques. La
diminution de la clairance mucociliaire au cours de la crise aiguë persiste 2 à
4 mois après la crise, chez des asthmatiques en état stable traités par inhalation
de bronchodilatateurs et de corticoïdes [12], comme chez les asthmatiques en
rémission sans traitement depuis au moins 6 mois [113]. La diminution de la
clairance est également observée chez les asthmatiques hypersécrétants [9].
Différents facteurs responsables
Dans l’asthme, les anomalies de la clairance mucociliaire peuvent être en
grande partie rattachées à l’hypersécrétion. Par ailleurs, la composition en
mucines des sécrétions recueillies chez des asthmatiques est caractérisée par
des chaînes oligosaccharidiques très longues. Selon Bhaskar et Reid [18], les
propriétés rhéologiques particulières des mucus recueillis chez les
asthmatiques seraient dues à une augmentation des fractions lipidiques et à la
formation de complexes lipides-protéines. Les expectorations d’asthmatiques
sont généralement riches en protéines transsudées qui peuvent directement
influencer la viscosité. Ces sécrétions ont un contenu en eau relativement
faible et l’étude biochimique des bouchons de mucus dans l’asthme aigu a
montré que, outre les glycoprotéines de type mucines, des protéoglycanes
sont identifiées en concentration importante. Une modification du profil
sécrétoire de ces glycoconjugués du mucus et une importante déshydratation,
associées à l’existence d’un facteur cilio-inhibiteur [40] identifié dans la phase
sol au cours de l’asthme aigu, seraient donc les principaux responsables de la
diminution de la clairance mucociliaire. Les médiateurs de l’inflammation
pourraient être à l’origine du dysfonctionnement mucociliaire. La
responsabilité de ces médiateurs a été évoquée par Wanner [167] qui a montré
qu’un prétraitement par le cromoglycate de sodium prévenait, chez
l’asthmatique, le ralentissement du transport mucociliaire induit par
l’inhalation de ragweed. À côté des facteurs liés à l’hypersécrétion et à la
libération de médiateurs de l’inflammation, il importe de souligner que la
desquamation de l’épithélium cilié, et donc l’altération de la barrière
épithéliale, constituent une des causes majeures de la diminution de la
clairance mucociliaire dans l’asthme.
Bronchectasies
L’épuration mucociliaire est très ralentie chez la plupart des malades atteints
de bronchectasies [17]. Dans cette maladie, il est difficile de relier le
ralentissement de la clairance à un facteur étiologique à l’origine des
dilatations des bronches, du moins à un stade avancé de la maladie. Il faut
cependant rappeler que Rutland et Cole [142] ont observé une diminution de la
clairance nasale chez les malades porteurs de bronchectasies. De plus, Lauque
et al [83, 84] ont montré qu’à un stade précoce de la maladie, la clairance
mucociliaire est inconstamment diminuée dans les bronchectasies kystiques,
alors qu’elle l’est constamment dans les bronchectasies cylindriques. Ces
différents résultats plaident en faveur d’une anomalie primitive de
l’épithélium dans certaines bronchectasies.
Cancer bronchique primitif
Bien que Matthys et al [104] aient rapporté une anomalie sévère de la clairance
mucociliaire dans cette pathologie, la diminution de la clairance dans le
cancer bronchique primitif pourrait, en fait, être rattachée à l’existence d’une
bronchite chronique associée.
Emphysème primitif
Chez les sujets présentant un emphysème par déficit en alpha-1-antitrypsine,
la clairance mucociliaire est normale [111]. Le déficit de la clairance pourrait
être secondaire à une infection surajoutée.
Asbestose
Chez des patients dont le diagnostic a été affirmé sur des données cliniques,
radiologiques et fonctionnelles, il n’a pas été constaté d’altération de la
clairance mucociliaire. Ceci est en accord avec l’absence de modifications de
la clairance lors d’inhalation de particules minérales.
Connectivites
Dans la polyarthrite rhumatoïde, certains auteurs ont rapporté une
augmentation de la fréquence des dilatations bronchiques, suggérant une
possible diminution de la clairance dans cette affection. En fait, d’après les
travaux de Sutton et al [156] réalisés chez des malades atteints de polyarthrite
rhumatoïde sans symptomatologie respiratoire, il n’existe pas de
ralentissement de l’épuration mucociliaire avant l’apparition des infections.
Par ailleurs, dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, des valeurs normales de
la clairance sont rapportées [42], alors que Becquemin et al [15] mettent en
Clairance
mucociliaire (%)
100
75
50
25
0
0 1 2 3 4 5 6
Temps après inhalation (heures)
Distal
Proximal
Site de dépôt
de l'aérosol
3 Exemples de courbes de
clairance mucociliaire après in-
halation d’un aérosol radiomar-
qué. La clairance mucociliaire
est significativement plus ra-
pide lorsque le dépôt est proxi-
mal. D’après Pavia [111].
Toux
Clairance
mucociliaire
Clairance
mucociliaire
Sujets sains Bronchitiques chroniques
4 Chez les sujets sains, la clairance du mucus s’effectue principalement grâce à l’activité
ciliaire, tandis que chez les bronchitiques chroniques, la clairance mucociliaire est souvent
diminuée et le principal mode d’épuration du mucus est la toux. D’après Puchelle et al [130]
et Pavia [111].
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67
page 10
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  • 1. Physiologie et physiopathologie de l’épuration du mucus des voies aériennes E Puchelle H Liote JM Zahm R é s u m é. – À l’état normal, l’épithélium respiratoire est recouvert à sa surface d’une mince couche de mucus sécrété par les cellules sécrétoires, principalement les cellules glandulaires bronchiques. Ce film de mucus est transporté hors des voies aériennes grâce aux battements continus des cellules ciliées. Le mucus et l’épuration mucociliaire constituent une barrière de protection efficace entre l’environnement et la muqueuse respiratoire. En réponse à une agression, le mucus sécrété est éliminé par la toux qui supplée le déficit de la clairance mucociliaire. Dans de nombreuses pathologies respiratoires génétiques ou acquises, l’épuration du mucus par les voies aériennes peut être perturbée en relation avec des anomalies de l’activité ciliaire ou des propriétés rhéologiques du mucus. Différentes méthodes d’analyse in vitro et in vivo sont actuellement utilisables pour mieux préciser l’origine de ces anomalies. © 1999, Elsevier, Paris. Introduction La muqueuse respiratoire est exposée en permanence à de multiples agents agresseurs (gaz et particules toxiques, bactéries, virus, allergènes...) qui sont inhalés au cours de la respiration. Les plus grosses particules (diamètre aérodynamique supérieur à 10 µm) sont arrêtées et éliminées par la cavité nasale et le nasopharynx, tandis que les particules de plus petite taille pénètrent au niveau des voies aériennes supérieures et inférieures et se déposent, principalement par mécanismes d’impaction et de sédimentation, au niveau de la muqueuse trachéobronchique, avant d’être éliminées par le jeu de l’épuration mucociliaire. À l’état normal, le mucus respiratoire, principalement sécrété par les cellules glandulaires, forme un tapis continu à la surface de l’épithélium respiratoire et constitue ainsi une barrière de protection efficace entre l’environnement et la muqueuse des voies aériennes. Le mucus intervient dans la défense de la muqueuse, à la fois par ses propriétés anti-infectieuses et antiprotéases et par ses propriétés mécaniques et rhéologiques. Parmi les multiples fonctions « protectrices » du mucus, intervient, en premier lieu, l’épuration mécanique des voies aériennes qui implique une étroite interaction entre les cellules épithéliales ciliées et le mince film de mucus qui les recouvre. Ce mucus respiratoire, produit par les glandes sous-muqueuses et, en plus faible quantité, par les cellules caliciformes de l’épithélium, est mobilisé en permanence par le mouvement ciliaire des cellules ciliées, à une vitesse qui croît depuis les bronchioles jusqu’à la trachée. À l’état normal, seul le couple mucociliaire intervient dans l’épuration des voies aériennes. En réponse à une agression des voies aériennes, qu’elle soit d’origine physique, chimique ou infectieuse, la Huguette Liote : Pneumologue, médecin des Hôpitaux, service de pneumologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Edith Puchelle : Directeur de recherche INSERM. Jean-Marie Zahm : Ingénieur de recherche INSERM. U 514, centre hospitalier universitaire Maison Blanche, 45 rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Puchelle E, Liote H et Zahm JM. Physiologie et physiopathologie de l’épuration du mucus des voies aériennes. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Pneumologie, 6-000-A-67, 1999, 15 p. première réaction de la muqueuse respiratoire est de protéger les cellules épithéliales de surface en augmentant la sécrétion de mucus.Afin d’accélérer le transport de cet excès de mucus, l’organisme met en jeu un second mode d’épuration des voies aériennes : la toux. La clairance par la toux est un mécanisme rapide et discontinu d’épuration des voies aériennes qui ne peut être efficace qu’en présence d’une hypersécrétion bronchique et qui, par ailleurs, implique une étroite interaction entre le courant aérien et le mucus respiratoire. Le rôle important joué par le mucus a longtemps été négligé. Il a trop souvent été associé à la notion d’hypersécrétion et d’expectoration, et a donc été considéré comme un fluide biologique nocif dont l’hyperviscosité était facteur d’obstruction bronchique. C’est sur cette base conceptuelle que les mucolytiques, administrés dans le but de diminuer la viscosité du mucus et de faciliter son transport, ont été largement prescrits. Ce n’est que récemment que l’on a mieux compris le rôle important joué par le mucus et que l’on a admis qu’il était nécessaire de maintenir ou de restaurer un mucus adapté à la fonction de protection et d’épuration des voies aériennes. Physiologie de l’épuration des voies aériennes Structure normale du système mucociliaire À l’état normal, l’arbre trachéobronchique est recouvert, depuis les voies aériennes supérieures (parties antérieure et moyenne de la cavité nasale) jusqu’aux bronchioles terminales (jonctions bronchioloalvéolaires), par un film de mucus qui se situe à l’extrémité des cils vibratiles des cellules ciliées et dont l’épaisseur varie entre 0,5 et 10 µm. La muqueuse trachéobronchique est recouverte d’un épithélium pseudostratifié de type respiratoire, l’ensemble des cellules étant rattaché à la membrane basale. Parmi ces cellules, on peut principalement différencier les cellules de l’épithélium de surface et les cellules de la sous-muqueuse [12, 70]. Cellules de l’épithélium de surface Les cellules ciliées sont, en nombre relatif, les plus fréquemment identifiées (cinq cellules ciliées pour une cellule à mucus au niveau de la trachée), mais leur nombre diminue progressivement depuis les voies aériennes proximales jusqu’aux bronchioles terminales où l’épithélium pseudostratifié devient monostratifié. Les cellules ciliées sont des cellules en colonne présentant un cytoplasme riche en mitochondries qui fournissent l’énergie indispensable au 6-000-A-67 ENCYCLOPÉDIEMÉDICO-CHIRURGICALE6-000-A-67©Elsevier,Paris
  • 2. transport d’ions comme au mouvement ciliaire. La surface des cellules ciliées est recouverte de deux types d’extensions membranaires : les cils et les microvillosités. Chaque cellule ciliée est recouverte de 200 à 300 cils dont le diamètre est de 0,2 µm pour une longueur de 5 à 7 µm. À l’extrémité des cils, on trouve une couronne de microgriffes qui permettent l’ancrage ciliaire dans la couche supérieure géliforme du mucus. Le corps ciliaire, ou axonème, est formé d’un squelette de neuf paires de microtubules périphériques, disposées en couronne autour de deux paires de microtubules centraux. La cohésion et l’assemblage des microtubules sont assurés à la fois par les liens de nexine qui relient les doublets adjacents, par les ponts radiaires qui relient les doublets périphériques aux microtubules centraux par l’intermédiaire de la gaine centrale, et par les bras de dynéine à activitéATPasique qui s’attachent aux microtubules adjacents au cours du battement ciliaire. Les cils sont ancrés à la partie apicale de la cellule ciliée par leur corps basal et leur racine ciliaire. Entre les cils, on observe de nombreuses microvillosités, dont la longueur varie entre 0,2 et 0,3 µm et qui présentent, en microscopie électronique à transmission, un glycocalyx très marqué par la ferritine cationisée, marqueur des charges négatives. Ces microvillosités sont également présentes à la partie apicale des cellules sécrétoires (fig 1). Le rôle de ces microvillosités est d’augmenter la surface totale d’échange de l’épithélium. Les cellules muqueuses (également appelées cellules caliciformes) contiennent des grains sécrétoires bien individualisés, de forme et de taille différentes (400 à 2 000 nm). À la partie apicale des cellules muqueuses, on observe, comme pour les cellules ciliées, la présence de microvillosités. Les cellules séreuses de surface, identifiées chez le rat et au cours du développement embryonnaire, sont rarement présentes chez l’homme adulte. Les cellules en « brosse », très riches en microvillosités, sont essentiellement identifiées au niveau de l’épithélium nasal. Ces microvillosités joueraient, à ce niveau, un rôle important dans la régulation et l’homéostasie de la couche périciliaire. En fait, il est vraisemblable que les cellules en « brosse », comme les cellules ciliées, possèdent des fonctions sécrétrices incluant le transport d’ions et d’eau, et la sécrétion de macromolécules. En effet, les travaux de Varsano et al [162] suggèrent que les cellules ciliées pourraient sécréter des glycoconjugués sulfatés. Les cellules muqueuses (caliciformes) de surface sécrètent, elles, des glycoconjugués à la fois sulfatés et sialylés. Les cellules basales représentent en moyenne 30 à 35 % des cellules épithéliales respiratoires. Elles se caractérisent par une forme triangulaire, un rapport nucléocytoplasmique important, et une localisation caractéristique ; elles sont en effet attachées à la lame basale où elles sont ancrées par des complexes jonctionnels de type hémidesmosomes. Ces cellules basales peuvent jouer le rôle de cellules souches et assurer le renouvellement de l’épithélium. Cellules de la sous-muqueuse Les glandes de la sous-muqueuse sont situées entre la paroi bronchique, l’épithélium de surface et le cartilage. Les acini muqueux et séreux sont généralement séparés, les cellules séreuses étant souvent regroupées à la périphérie des tubules muqueux. Classiquement, les cellules muqueuses se singularisent par leur taille plus élevée (500 à 1 800 nm) et leur densité aux électrons très faible, comparativement aux cellules séreuses qui se caractérisent par une très grande diversité de taille (200 à 2 000 nm) et une densité aux électrons plus marquée après fixation chimique standard. Chez le sujet sain, le pourcentage de cellules muqueuses est en moyenne de 40 %, mais il peut considérablement varier d’un individu à l’autre. Les cellules sécrétrices de la sous-muqueuse trachéobronchique sont en moyenne 40 fois plus nombreuses que les cellules muqueuses de l’épithélium de surface. Elles représentent donc la source la plus importante du mucus respiratoire. Ce dernier est transporté depuis les cellules sécrétrices de la sous-muqueuse jusqu’à la lumière bronchique par un canal glandulaire revêtu d’un épithélium cilié. Composition biochimique du mucus Compte tenu de la faible quantité de mucus présente à l’état normal à la surface de l’épithélium, il est difficile de connaître de façon précise sa composition biochimique. Elle a été cependant définie à partir de mucus recueilli chez des sujets sains laryngectomisés. Le mucus normal contient 95 à 97 % d’eau associée à des protéines (1 % de glycoprotéines), des lipides (1 %) et des ions. Le mucus est donc un gel dont l’état d’hydratation est conditionné par les mouvements actifs ioniques transépithéliaux. On décrit généralement le mucus respiratoire comme un système structuré en deux phases : une phase « sol », très fluide, dans laquelle baignent les cils, et une phase « gel », superficielle, viscoélastique. Cette structure biphasique est en fait probablement une simplification. Le mucus présent au niveau de l’épithélium mucociliaire est vraisemblablement formé d’un gradient continu de glycoprotéines en faible concentration à la base des cils et en concentration beaucoup plus forte à leur partie apicale. Parmi les principaux composants du mucus, figurent les glycoprotéines, ou mucines, de très haut poids moléculaire (de l’ordre de 106 Da) très riches en sucres, très complexes, et qui sont formées d’un axe polypeptidique sur lequel viennent se brancher des centaines de chaînes glycaniques. En microscopie électronique, les mucines purifiées se présentent comme de longues chaînes flexibles, de longueur très variable. Une telle hétérogénéité des structures glycaniques pourrait, selon Roussel et al [138, 139], constituer une mosaïque de sites récepteurs permettant de piéger les micro-organismes ensuite éliminés par le jeu de l’activité mucociliaire. Plusieurs protéines du mucus bronchique, soit transsudées, soit sécrétées localement, interviennent dans la défense de la muqueuse bronchique, en association avec l’épuration mécanique des voies aériennes assurée par le système mucociliaire. Parmi les protéines antibactériennes, figurent les immunoglobulines (Ig)A sécrétoires, le lysozyme, la peroxydase, la transferrine et l’inhibiteur bronchique qui est le principal inhibiteur de protéase synthétisé par la muqueuse bronchique. La localisation de cette antileucoprotéase a jusqu’à présent été décrite comme limitée aux cellules glandulaires séreuses de la sous-muqueuse bronchique et à l’épithélium bronchiolaire. Les travaux de Marchand et al [99] ont mis en évidence la présence de cette antileucoprotéase dans l’épithélium de surface bronchique, en association avec une hyperplasie basale et muqueuse. Ceci suggère que l’inhibiteur bronchique peut intervenir dans la défense biochimique de l’épithélium de surface bronchique. Par ailleurs, Hiemstra et al [65] ont montré qu’en plus de ses propriétés d’inhibiteur endogène des sérines protéases, l’inhibiteur bronchique possède des propriétés bactéricides vis-à-vis de Escherichia coli et de Staphylococcus aureus. D’autres molécules à activité enzymatique, des peptides et des phospholipides présents dans le mucus bronchique, peuvent intervenir directement dans la fonction antibactérienne et antioxydante du mucus. Le glutathion (GSH) est un composant antioxydant majeur présent dans le mucus [48]. Il peut servir de balayeur pour les radicaux oxygènes libres, produits par les polynucléaires neutrophiles dans l’inflammation. D’autres enzymes, comme la catalase et la superoxyde-dismutase, interviennent dans la défense antioxydante de la muqueuse respiratoire. Récemment, des peptides antimicrobiens de type bêta-défensines (hBD-1), exprimés par les cellules épithéliales de surface ont été décrits comme les principaux acteurs de l’activité antibactérienne et seraient, à côté du lysozyme et de la lactoferrine, les molécules antimicrobiennes les plus importantes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire [149]. Deux types de défensines, hBD-1 et hBD-2 ont été très récemment identifiés dans les cellules épithéliales de surface et dans les cellules séreuses glandulaires bronchiques [11]. Leur activité antibactérienne est très rapide et s’exerce vis-à-vis de multiples agents pathogènes, mais elle est très sensible à l’environnement ionique et à la composition en sel du mucus. Une augmentation de la salinité du mucus entraîne une diminution de l’activité antibactérienne de ces défensines [55]. 1 A. Vue en microscopie électronique à transmission (G x 10 000) d’un épithé- lium bronchique de surface. On distin- gue, sur cet épithélium bronchique hu- main normal, une cellule ciliée (Cc) et une cellule muqueuse (cellule calici- forme) présentant des grains sécrétoires électron-clairs (Sc). B. Vue en microscopie électronique à balayage (G x 20 000) d’un épithélium mucociliaire. Un mince film tapisse l’épi- thélium cilié.A B PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67 page 2
  • 3. Des phospholipides ont également été identifiés dans le mucus bronchique. Il a été rapporté, par Girod et al [53], que les cellules glandulaires séreuses contiennent des phospholipides. De même, ces auteurs ont identifié des phospholipides sur le glycocalyx des cellules épithéliales de surface. Ces données suggèrent que la muqueuse respiratoire, comme la muqueuse intestinale, contient des phospholipides qui, en s’associant aux mucines, peuvent intervenir comme molécules lubrifiantes facilitant le transport du mucus et peuvent également jouer un rôle protecteur vis-à-vis d’un environnement péricellulaire délétère [124]. De plus, parmi les protéines du surfactant (surfactant associated proteins) détectées dans les cellules épithéliales bronchiques, deux protéines SPA et SPD possèdent des activités antibactériennes [72]. Contrôle neurohumoral de la sécrétion Le contrôle neurohumoral de la sécrétion bronchique fait intervenir à la fois des mécanismes parasympathiques (cholinergiques) et sympathiques (adrénergiques), mais aussi un mécanisme non adrénergique et non cholinergique (NANC). Ces trois systèmes de contrôle sont intimement liés. Innervation des cellules sécrétrices Les cellules sécrétrices, en particulier les cellules des glandes de la sous- muqueuse bronchique, sont innervées par un plexus d’axones postglanglionnaires dérivant des systèmes nerveux sympathique et parasympathique. Le système nerveux est formé d’une population de neurones afférents non myélinisés (fibres C) dont les terminaisons sont identifiées dans l’épithélium et les glandes bronchiques. Les ganglions contiennent des cellules qui produisent, en plus des classiques neurotransmetteurs tels que la norépinéphrine et l’acétylcholine, des neuropeptides comme le neuropeptide Y qui coexistent avec la norépinéphrine. Des fibres présentant une réactivité pour le vasoactive intestinal peptide (VIP) se ramifient sous l’épithélium, et d’autres neuropeptides comme la substance P et le calcitonine gene related peptide (CGRP) sont identifiés à proximité de l’épithélium trachéal et des glandes sous-muqueuses bronchiques. Stimulation de la sécrétion Comme il existe différentes formes de stimulation, il existe différentes réponses sécrétoires à la stimulation.Ainsi, la stimulation des récepteurs bêta- adrénergiques s’accompagne d’une sécrétion faible en volume mais visqueuse, tandis que la stimulation des récepteurs alpha-adrénergiques se traduit par une hypersécrétion très fluide. Les cellules de type muqueux sont facilement stimulables par les agonistes bêta-adrénergiques et cholinergiques, tandis que les cellules de type séreux sont très stimulables par les agents alpha-adrénergiques, cholinergiques et la substance P. Différents neurotransmetteurs, comme les neuropeptides et l’oxyde nitrique (NO), semblent capables de conduire à une « neuromodulation » de la sécrétion de mucus par l’intermédiaire des voies cholinergiques et adrénergiques. Il a été démontré, in vitro, que le NO endogène régule l’importance de la stimulation sécrétoire d’origine neurogène. Les processus infectieux et allergiques peuvent stimuler la sécrétion, soit par voie réflexe, soit par effet direct sur l’épithélium, de substances telles que l’histamine et les métabolites de l’acide arachidonique, parmi lesquels on distingue les produits de la cyclo-oxygénase (prostaglandines et intermédiaires) et les produits de la lipo-oxygénase (en particulier les leucotriènes). Ces médiateurs ont généralement une action sécrétagogue puissante sur les glandes sous-muqueuses [20], mais leur effet sur l’activité ciliaire et sur le transport mucociliaire est variable. Ainsi, chez l’homme, l’histamine en aérosol [107, 108] stimule le transport mucociliaire trachéal et bronchique, tandis que certains leucotriènes, comme le LTD4 et LTC4, sont capables d’induire un ralentissement dose-dépendant du transport mucociliaire, avec diminution de la fréquence ciliaire [19, 141]. Propriétés physiques du mucus Le mucus respiratoire possède des propriétés rhéologiques et des propriétés de surface qui jouent un rôle fondamental dans l’épuration des voies aériennes [124]. Parmi les deux principales propriétés rhéologiques figurent la viscoélasticité et la filance. Les propriétés de surface sont essentiellement caractérisées par la tension de surface et le travail d’adhésion. Viscoélasticité Le mucus respiratoire est à la fois capable de s’écouler (phénomène irréversible) comme les liquides et de se déformer (phénomène réversible) comme les solides. Il peut donc être décrit comme un système rhéologiquement complexe qui, selon la période de temps pendant laquelle une force lui est appliquée, peut se comporter comme un corps purement solide (par exemple, déformation instantanée sous l’influence d’une secousse de toux), ou comme un liquide (comportement viscoélastique sous l’influence du battement ciliaire). L’énergie transférée par le cil au mucus est d’autant plus élevée que le temps de contact entre le cil et le mucus est faible. Une viscoélasticité intermédiaire voisine de 12 Pa.s et un temps de relaxation de l’ordre de 40 secondes représentent le profil viscoélastique favorable au transport du mucus par l’activité ciliaire [130, 132]. Filance Comme le mucus cervical, le mucus respiratoire possède des propriétés de filance : sous l’effet d’une pression ou d’une traction, le mucus forme des filaments dont la longueur maximale avant rupture caractérise la filance. Selon King [75], la mesure de la filance du mucus à l’aide du filancemètre présente deux avantages majeurs : la simplicité de la mesure, le faible volume (20 à 30 µL) requis et, de plus, le paramètre qui semble être particulièrement sensible aux modifications du poids moléculaire de macromolécules sous l’influence d’agents mucolytiques comme la désoxyribonucléase et la gelsoline. L’importance des propriétés de filance du mucus, dans les mécanismes physiologiques de transport et de défense épithéliaux, a été établie : une filance élevée (> 30 mm) est généralement associée à une vitesse de transport du mucus également élevée [129]. Propriétés de surface Les propriétés physiques du mucus ont généralement été décrites en termes de propriétés rhéologiques. Les propriétés de surface du mucus sont moins connues. Elles semblent cependant jouer un rôle déterminant dans le mécanisme d’épuration du mucus des voies aériennes. Selon Pillai et al [116], les contraintes appliquées au mucus par le jeu de l’activité ciliaire s’effectuent dans une dimension latérale et non normale. Ceci signifie que l’interaction interfaciale mucus-cils joue un rôle critique dans l’épuration mucociliaire. Cette interaction peut être caractérisée par un paramètre physique, le travail d’adhésion (work of adhesion Wa), qui correspond au travail par unité de surface nécessaire à la séparation de deux hases initialement en contact. Wa = γ (1 + cos θ) γ correspond à la tension de surface du mucus en contact avec l’air, θ est l’angle de contact formé par une goutte de mucus sur une surface solide. Le travail d’adhésion du mucus dépend donc à la fois des propriétés bioadhésives du mucus, mais aussi des propriétés du substrat avec lequel il entre en contact. Le contenu en eau, l’osmolalité, ainsi que la composition en mucines et phospholipides, contribuent également aux propriétés de surface du mucus. Il a été rapporté par Pillai et al [117] que le travail d’adhésion du mucus augmente avec l’osmolalité et décroît avec le contenu en eau. Dans la mucoviscidose, les sécrétions purulentes, peu hydratées, se caractérisent par des valeurs élevées de tension de surface, associées à une vitesse de transport mucociliaire basse [38]. Le travail d’adhésion dépend également de la nature plus ou moins hydrophobe de la phase gel du mucus, en grande partie contrôlée par certains phospholipides tensioactifs comme le phosphatidylglycérol [54]. La diminution de la concentration en phosphatidylglycérol dans les sécrétions bronchiques mucoviscidosiques est associée à une diminution du transport mucociliaire. À l’opposé, l’addition d’un simulant de la phase sol sous forme de liposomes de distéaroyl-phosphatidylglycérol diminue le travail d’adhésion du mucus et facilite son transport par l’activité ciliaire et la toux [54]. De façon générale, on admet que l’adhésivité du mucus à la muqueuse respiratoire est un facteur favorable, évitant l’accumulation des sécrétions au niveau de bronches distales par effet gravitationnel. À l’opposé, une adhésivité trop élevée est défavorable à l’épuration du mucus hors des voies aériennes. Rôle de l’interaction cils-mucus dans l’épuration des voies aériennes L’efficacité du battement ciliaire et la vitesse de transport du mucus dépendent de multiples facteurs, parmi lesquels figurent le nombre de cils actifs, la vitesse de l’extrémité des cils, la régulation du mouvement ciliaire, la coordination et la fréquence de battement ciliaire. L’interaction cils-mucus, dans laquelle les propriétés rhéologiques et les propriétés de surface du mucus interviennent de façon prépondérante, conditionne l’efficacité de la clairance mucociliaire. Battement ciliaire La fréquence de battement ciliaire, à l’état normal, atteint 10 à 20 cycles par seconde (10 à 20 Hz). Elle varie selon l’étage bronchique, la fréquence étant plus rapide dans les bronches comparativement aux bronchioles [34]. Ce battement s’effectue en quatre temps : – une phase active brève (environ 10 ms), au cours de laquelle le cil se déploie et son extrémité entre en contact avec la phase supérieure viscoélastique du mucus ; PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67 page 3
  • 4. – une phase de récupération (environ 30 ms), pendant laquelle le cil se replie sur lui-même dans la phase fluide, ou phase sol, qui baigne la quasi-totalité de la tige ciliaire et dont la très faible viscosité offre une résistance minimale à la flexion ciliaire ; – une phase de repos (environ 20 ms) qui sépare la phase de récupération de la phase active ; – une phase de propulsion du mucus, correspondant à la phase active pendant laquelle l’extrémité du cil pénètre à une vitesse élevée (800 µm/s) dans la phase gel. Au niveau de la trachée, le mucus est transporté à une vitesse de 10 à 15 mm/min [11]. Régulation du battement ciliaire Un très grand nombre d’agonistes du système nerveux autonome, cholinergiques et adrénergiques, stimulent de manière dose-dépendante in vitro et in vivo l’activité ciliaire [147]. Cette stimulation peut être inhibée par l’interaction ligand-récepteur à la surface de la membrane cellulaire. Les agents cholinergiques comme l’acétylcholine stimulent l’activité ciliaire via des protéines G. Cet effet peut être inhibé par l’atropine. Pour les agents ciliostimulants de type bêta-2-adrénergique, l’augmentation de la fréquence de battement ciliaire intervient par l’intermédiaire de l’augmentation de la concentration intracellulaire du taux d’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique dépendant d’un mécanisme de phosphorylation [81]. L’activation des récepteurs cholinergiques muscariniques par le carbachol induit une dépolarisation membranaire et une augmentation de la fréquence ciliaire par suite d’un influx cellulaire de sodium et de calcium extracellulaire par l’intermédiaire des canaux correspondants. L’augmentation de la concentration en Ca2+ intracellulaire est reconnue comme un facteur responsable de l’augmentation de la fréquence du battement ciliaire bronchique n’entraînant pas de modification de sa coordination. Le mécanisme de régulation cellulaire impliqué dans la modification de la fréquence du battement ciliaire est lié à la propagation intercellulaire de vagues calciques. Sanderson [147] a décrit cette vague de propagation calcique associée à une augmentation du battement ciliaire à travers les cellules ciliées adjacentes après stimulation mécanique d’une cellule. La stimulation, à la fois calcique et ciliaire, s’effectue très rapidement (0,5 à 1 s) et atteint 10 à 20 cellules. Dans la mesure où la culture cellulaire stimulée est dépourvue d’activité nerveuse, il est admis que la propagation intercellulaire de cette onde calcique s’effectue par l’intermédiaire d’un second messager de type IP3 qui diffuse à travers les jonctions intermédiaires (gap junctions) vers les cellules adjacentes. Bien que le mécanisme à l’origine de l’augmentation de l’IP3, après stimulation mécanique, soit encore mal connu, il semblerait qu’une phospholipase C ou une protéine de régulation, telle que la protéine G, puisse être impliquée [60]. Interaction cils-mucus Les caractéristiques rhéologiques du mucus influencent directement la vitesse de transport mucociliaire. Une viscosité trop faible ou trop élevée s’accompagne d’une diminution de la fréquence ciliaire, et parallèlement, d’une diminution du transport du mucus [130, 132]. L’épaisseur de la couche périciliaire est également un facteur important dans le mécanisme d’interaction cils-mucus. Si la phase périciliaire est trop faible par suite d’une augmentation de la réabsorption d’eau par les cellules, le battement ciliaire est inefficace, voire interrompu. À l’inverse, si l’épaisseur de la phase périciliaire s’accroît de façon excessive par suite d’un déséquilibre entre le phénomène de sécrétion et de réabsorption liquidiennes, le couplage mécanique cils-mucus est inefficace et le transport mucociliaire très diminué. Les propriétés rhéologiques du mucus interviennent de façon déterminante dans le mécanisme d’épuration mucociliaire [20]. Chez le sujet sain, les variations interindividuelles de la clairance mucociliaire nasale sont, avant tout, secondaires à des variations des propriétés mécaniques du mucus recueilli in situ, et non à des variations de l’activité ciliaire mesurée ex vivo [92]. Nous avons également démontré, à l’aide de stimulants du mucus respiratoire (gels de polymères de viscosité variable) déposés sur un modèle d’épithélium cilié respiratoire maintenu en survie, que la fréquence de battement des cils est directement dépendante de la viscosité du mucus avec lequel les cils entrent en contact. Pour de très faibles valeurs de viscosité (inférieures à 10 Pa.s), la fréquence de battement ciliaire est normale (de l’ordre de 12 Hz), mais la vitesse relative du transport du mucus reste faible. Cette dernière augmente jusqu’à une valeur maximale, sans modification de la fréquence ciliaire pour une viscosité optimale de 15 Pa.s, valeur au-delà de laquelle la fréquence ciliaire, et en parallèle la vitesse de transport mucociliaire, chutent de façon rapide et sévère. Lorsque la viscosité atteint 50 Pa.s, la fréquence ciliaire et le transport mucociliaire sont totalement interrompus [132]. Ces résultats montrent donc bien qu’il existe une réelle interdépendance entre les propriétés rhéologiques du mucus, la fréquence mucociliaire, et la clairance du mucus au niveau des voies aériennes. Par ailleurs, il semble exister une interdépendance du transport mucociliaire le long des voies aériennes. En effet, il a été démontré, in vivo, que la vitesse de transport du mucus trachéal bronchique et la clairance pulmonaire totale sont intimement liées [46, 179]. En outre, si le transfert d’énergie des cils au mucus est essentiellement lié aux propriétés rhéologiques, le mucus peut également influencer la fréquence de battement ciliaire par ses composants biochimiques, mais aussi par le pH, l’osmolalité de la phase sol et enfin, la présence de substances ciliomodulatrices [40]. Chez le sujet sain, la vitesse de transport mucociliaire augmente depuis les bronchioles terminales (2,4 mm/min) jusqu’à la trachée (12 mm/min). Le gradient de vitesse du transport mucociliaire suit la réduction de la circonférence totale des voies aériennes. En fait, ce gradient de vitesse est insuffisant pour éviter l’accumulation des sécrétions intrabronchiques, ce qui suggère que l’épithélium absorbe une partie des sécrétions au niveau de la phase sol au cours de leur progression vers la trachée. L’augmentation du transport du mucus fait intervenir une augmentation du pourcentage de cellules ciliées et de la fréquence de battement ciliaire au niveau des voies aériennes proximales et également une modification des propriétés rhéologiques du mucus. Rôle de l’interaction air-mucus dans l’épuration des voies aériennes État physiologique À l’état normal, l’interaction air-mucus contribue peu à l’épuration du mucus car le débit aérien est faible. Il est au maximum de 10 m/s à l’entrée des fosses nasales, il atteint 1 m/s dans la trachée, et n’est plus que de 10 mm/s dans les bronchioles. S’il est classiquement admis que l’épuration du mucus est le résultat de l’activité ciliaire à l’état normal, il a été également démontré que lorsque l’épaisseur du mucus devient anormale ou lorsque la nature du courant aérien se modifie (fréquence de ventilation ou débit aérien élevé comme celui observé au cours de la toux), l’interaction air-mucus peut alors intervenir de façon significative sur le transport du mucus. Effet de la toux Sans évoquer en détail le mécanisme de la toux, il importe de rappeler que chez le sujet sain, le débit expiré au cours de la toux peut atteindre 10 L/s, ce qui implique une vitesse aérienne de l’ordre de 10 m/s. Un tel débit entraîne un écoulement en deux phases gaz-liquide, dû au cisaillement qui se produit entre la couche de mucus qui tapisse la paroi bronchique et l’air qui s’écoule à grande vitesse. Cet écoulement en deux phases gaz-liquide est conditionné par de multiples facteurs. Selon King et al [77], l’interaction air-mucus ne peut se produire qu’à partir d’une vitesse aérienne très élevée (12 m/s) et cet écoulement est d’autant plus efficace que l’élasticité du mucus est faible. L’épaisseur totale de la couche de mucus est également un facteur déterminant. D’après les expériences réalisées par Clarke [30], si l’épaisseur du mucus respiratoire est inférieure à 500 µm (épaisseur largement supérieure à celle observée chez le sujet sain), l’interaction n’a pas lieu. La phase sol périciliaire est au moins aussi importante, sinon plus importante, que la phase gel du mucus dans le mécanisme de transport par le courant aérien. D’après le modèle de toux développée par Scherer [148], le transport par le courant aérien est favorisé par la présence d’une couche séreuse fluide. La vitesse de déplacement de cette couche séreuse serait d’autant plus rapide que l’épaisseur de cette phase sol serait élevée et sa viscosité faible. L’hypersécrétion est un prérequis pour que la contrainte appliquée au mucus au cours de la toux soit capable de mobiliser le mucus. Chez le sujet sain, la toux n’intervient pas dans l’épuration des voies aériennes. Les expériences réalisées in vitro à l’aide de simulants de mucus (polymères réticulés d’origine végétale comme le guar) prédisent qu’une viscosité et un module d’élasticité élevés sont favorables à la clairance des sécrétions par la toux. Les travaux de Zahm et al [188] et de King et al [74, 77] ont permis de démontrer le rôle primordial, non seulement des propriétés rhéologiques, mais aussi des propriétés tensioactives du mucus dans le mécanisme d’interaction air-mucus au cours de la toux simulée. En présence d’un mucus très adhérent, le transport est diminué, aussi bien par le mécanisme de l’activité ciliaire que par le mécanisme de la toux. Zahm et al [186] ont également souligné que les propriétés thixotropes du mucus (diminution de la viscosité en fonction du temps sous l’influence d’une contrainte appliquée continue) favorisent l’efficacité de clairance de la toux si cette dernière est répétée. Facteurs physiologiques de variation de l’épuration du mucus Environnement Température et hygrométrie L’épithélium des voies aériennes est constamment exposé à des variations de la température et de l’hygrométrie de l’air inhalé, qui théoriquement ne devraient pas intervenir sur l’épuration mucociliaire, dans la mesure où l’air est réchauffé et saturé en vapeur d’eau dès qu’il atteint le carrefour trachéobronchique. Cependant, dans des conditions de température extérieure PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67 page 4
  • 5. extrêmement basses, ou à l’occasion de variations brutales de la température, la clairance mucociliaire peut être modifiée [120]. Guillerm et al [59] ont été parmi les premiers à souligner l’importance de la température sur la fréquence du battement ciliaire : au voisinage de la température physiologique, ils ont montré qu’une variation de 1 °C est capable de modifier la fréquence de battement ciliaire de 6,5 %, ce qui se traduit par une modification de 11,5 % de la vitesse de transport du mucus. La fréquence ciliaire est très sensible aux variations de la température. Une diminution de la température de 40 à 20 °C entraîne une chute très marquée de la fréquence ciliaire qui passe de 17 à 7 Hz. À l’influence de la température, s’ajoute celle de l’hygrométrie de l’air, qui peut considérablement modifier la clairance du mucus. Chez l’animal, en particulier chez le chien, Hirsch et al [66] ont montré que l’inhalation d’air sec à 20 °C se traduit, après 3 heures, par un arrêt total de l’épuration mucociliaire qui est complètement réversible lorsque l’air sec est remplacé par de l’air saturé en vapeur d’eau à 38 °C. Chez le chien intubé dont la sonde d’intubation est reliée à un nez artificiel permettant de saturer l’air inhalé en vapeur d’eau, le transport du mucus recueilli au niveau trachéal est similaire au transport chez le chien non intubé, alors qu’il est ralenti en l’absence de nez artificiel. En fait, les variations de l’hygrométrie entraînent une diminution de l’épuration en partie secondaire à des altérations des propriétés rhéologiques et physiques du mucus. Puchelle et al [131] ont montré, chez le chien, que la diminution de l’humidité de l’air inhalé par la sonde d’intubation s’accompagnait d’une diminution significative des propriétés de filance et d’une augmentation de la viscosité du mucus susceptibles d’expliquer le ralentissement de la clairance mucociliaire. Chez l’homme, Andersen et al [6] ont montré que lorsque la température de l’air inspiré est de 23 °C, le transport mucociliaire nasal n’est pas significativement modifié par le degré d’humidité relative. À température plus faible, l’influence de l’hygrométrie est plus marquée, car la quantité d’eau nécessaire pour saturer l’air réchauffé devient beaucoup plus importante. Ainsi, le ralentissement ou l’arrêt de l’épuration mucociliaire par diminution de la température et de l’hygrométrie peuvent, pour une grande part, être à l’origine des infections des voies aériennes supérieures en périodes hivernales, les basses températures ayant par ailleurs pour effet d’augmenter la vitalité des aérocontaminants viraux. Osmolarité et transport mucociliaire L’influence de l’osmolarité du mucus, en particulier du contenu en ions Na et Cl est capitale dans la régulation du transport mucociliaire. On ne connaît pas de façon précise les mécanismes contrôlant l’épaisseur et la composition du mucus à la surface de l’épithélium respiratoire, ni les mécanismes intimes de régulation du transport mucociliaire. Il a été proposé, par Winters et Yeates [173, 180], que l’épithélium répond à un stimulus osmotique de façon à maintenir l’équilibre du contenu du mucus en Na et Cl. Selon ces auteurs, l’épithélium bronchique est capable de moduler et stabiliser l’osmolarité et le volume de mucus à la surface des voies aériennes. Ces auteurs suggèrent qu’en l’absence de toute perturbation, l’épithélium bronchique absorbe de l’eau avec une entrée de NaCl vers la muqueuse, ce qui se traduit par un transport mucociliaire à l’état basal qui est relativement bas. Selon le type de perturbation, la réponse de l’épithélium mucociliaire peut varier. Plusieurs cas de figures peuvent être envisagés : – si l’environnement (créé par un aérosol) est hypotonique, l’épithélium bronchique a la capacité d’augmenter le phénomène d’absorption de l’eau afin de maintenir un transport mucociliaire efficace ; – en réponse à un aérosol hypertonique caractérisé par un contenu en NaCl élevé, les limites de la capacité de l’épithélium à absorber l’eau peuvent être atteintes. Dans ce cas, la sécrétion de neuromédiateurs induits par l’hypertonicité peut indirectement stimuler le transport mucociliaire. L’épithélium respiratoire semble donc pouvoir mettre en jeu des mécanismes compensatoires transépithéliaux capables de diminuer l’impact d’une modification marquée de l’osmolarité du mucus apportée par un aérosol. Ces mécanismes de compensation s’accompagnent généralement d’une augmentation du transport mucociliaire. Modifications du pH Les modifications de la concentration en ions H+, au niveau de la phase sol et/ou gel du mucus, peuvent également modifier la clairance du mucus, soit en modifiant l’activité ciliaire, soit en intervenant sur les propriétés rhéologiques du mucus. Le mucus, dont le pH varie entre 7,4 et 7,6, représente un milieu tampon idéal pour éviter les changements de fréquence ciliaire. En effet, l’activité ciliaire est très sensible à tout changement de pH : la fréquence ciliaire diminue dès que le pH est inférieur à 6, et elle s’annule pour un pH supérieur à 9. En revanche, on peut noter qu’un pH légèrement alcalin est cilioaccélérateur [62]. Selon Holma et Hegg [67], les variations interindividuelles des propriétés rhéologiques du mucus seraient à relier à leur contenu protéique qui, lui-même, modulerait les propriétés tampons du mucus. De telles variations pourraient probablement expliquer l’importante variation interindividuelle de la capacité de transport du mucus et de la clairance mucociliaire nasale, que Lioté et al [92] ont pu observer chez un groupe de sujets sains non fumeurs. L’équilibre hydroélectrolytique au niveau de la phase périciliaire a également un rôle important dans le mécanisme de contrôle de l’épuration des voies aériennes. Hée [62] a montré qu’en l’absence de potassium et de calcium, les cellules ciliées continuent à battre, mais à une fréquence significativement plus faible qu’en milieu enrichi en calcium et en potassium. Il est possible de maintenir une activité ciliaire normale dans du sérum physiologique, mais les valeurs sont plus faibles que dans un milieu de culture contenant des sels minéraux. Rôle de l’oxyde nitrique Le rôle du NO comme régulateur de la fonction mucociliaire au niveau des voies aériennes supérieures a été décrit dans plusieurs études, in vitro et in vivo.Ainsi, il a été montré sur le sinus maxillaire de lapin que la fréquence de battement ciliaire est reliée de façon dose-dépendante à la L-arginine qui est le substrat de l’enzyme NO-synthase nécessaire à la synthèse de NO. Il a également été démontré chez des sujets sains que la variabilité du transport mucociliaire nasal est étroitement corrélée au taux de NO : le transport mucociliaire nasal est d’autant plus bas que le taux de NO est lui-même faible [90]. Il apparaît donc raisonnable de proposer que la mesure de concentration en NO soit incluse dans les analyses de la clairance mucociliaire nasale des voies aériennes supérieures, un taux normal de NO indiquant que l’épithélium cilié fonctionne correctement. Âge et sexe L’efficacité de la clairance mucociliaire est liée à l’âge des sujets [127]. Bien que l’on n’observe pas de corrélation étroite entre âge et clairance mucociliaire, il a été montré que, in vivo, la vitesse de transport mucociliaire ou la clairance de particules radioactives est significativement plus rapide chez les sujets jeunes (jusqu’à 40 ans) comparativement aux sujets âgés dont la clairance est plus faible [58]. Cependant, il n’est pas rare d’observer des valeurs de clairance élevées chez des sujets âgés, fumeurs ou non fumeurs. Aucune variation de la clairance n’a pu être mise en évidence en fonction du sexe [111]. Posture Alors que chez les sujets hypersécrétants, l’influence de la posture intervient de façon significative sur l’épuration des voies aériennes, chez les sujets sains, la posture n’a pas d’influence significative sur la clairance mucociliaire. Plusieurs études ont, en effet, montré que quelle que soit la position du sujet, allongée ou assise, la clairance mucociliaire n’est pas modifiée [176]. Rythme circadien et sommeil Chez les sujets volontaires sains éveillés, Pavia et al [111] n’ont pas pu mettre en évidence d’influence du rythme circadien. En revanche, le sommeil s’accompagne d’un ralentissement de la clairance mucociliaire. Exercice L’effet de l’exercice sur la clairance mucociliaire a été clairement mis en évidence. Le simple fait de pédaler sur une bicyclette ergométrique pendant 1 heure suffit à entraîner une augmentation significative de la clairance chez des sujets sains non fumeurs [175]. Cette augmentation a été attribuée soit à l’effet mécanique des mouvements respiratoires, soit à la stimulation parasympathique produisant un effet sécrétagogue sur les cellules muqueuses, soit à l’effet stimulant sur l’activité ciliaire des cathécholamines libérées au cours de l’exercice. Techniques de mesure de l’épuration du mucus Les techniques de mesure de l’épuration du mucus des voies respiratoires peuvent être divisées en deux principaux groupes : – les techniques in vivo, qui permettent d’apprécier de façon globale chez l’homme le transport du mucus et la clairance mucociliaire ; – les techniques plus spécifiques, ex vivo et in vitro, qui permettent d’apprécier les différents facteurs - mucus et/ou activité ciliaire- responsables des modifications de l’épuration du mucus. Techniques d’analyse globale in vivo de l’épuration du mucus Mesure de la vitesse de transport du mucus Au niveau des voies aériennes supérieures La vitesse de transport mucociliaire peut être mesurée à l’aide de traceurs déposés sur la muqueuse nasale. Différents types de traceurs sont utilisés : particules de métal, saccharine, ou particules radioactives, la plupart étant PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67 page 5
  • 6. détectées par des sondes externes. Des variations importantes de la vitesse de transport nasal (0,5 à 24 mm/min) sont observées chez les sujets sains [130]. Une méthode très simple consiste à déposer sur la muqueuse nasale une faible quantité de saccharine et à mesurer le temps écoulé entre le dépôt et l’apparition du goût sucré au niveau de l’oropharynx. Cette technique très simple fournit des résultats qui sont corrélés à ceux obtenus à partir de traceurs radioactifs [121]. Cependant, compte tenu de l’importance des facteurs subjectifs liés à cette méthode, il est nécessaire d’effectuer au minimum trois mesures avant de conclure à une absence de transport mucociliaire nasal. Un ralentissement du transport nasal ne permet cependant pas de prédire avec certitude l’existence d’une telle anomalie au niveau bronchique [122]. Cette technique permet d’orienter et d’encourager le clinicien à explorer plus avant l’activité fonctionnelle des cellules ciliées nasales et bronchiques, si le syndrome clinique évoque une dyskinésie ciliaire primitive. Au niveau des voies aériennes inférieures La mesure de la vitesse de transport du mucus peut s’effectuer soit à l’aide de traceurs radio-opaques ou de microsphères d’albumine marquées, soit à l’aide d’un aérosol pulsé délivrant un bolus de particules radioactives. La technique de ciné-broncho-fibroscopie, initialement développée chez l’animal, a été appliquée à l’homme en utilisant des disques de Téflont radio-opaques qui sont insufflés dans la trachée par le canal du fibroscope. Une caméra vidéoscopique, couplée à un amplificateur, permet de mesurer la vitesse de transport des particules. Cette technique présente l’avantage d’être non traumatisante et de ne pas nécessiter d’anesthésie générale. La vitesse de transport du mucus peut également être étudiée par technique radio- isotopique, en utilisant comme marqueurs des microsphères d’albumine ou d’oxyde de fer marquées au technétium 99mTc et déposées par inhalation d’un aérosol au niveau de la muqueuse trachéale [111]. Cette technique de mesure in vivo de la vitesse de transport mucociliaire a l’avantage d’éviter l’introduction du fibroscope. Elle élimine donc tout risque de stimulation secondaire de l’activité ciliaire. En effet, lorsque le dépôt du traceur s’effectue par fibroscopie, la vitesse de transport est souvent beaucoup plus élevée que lorsque le traceur est déposé par simple inhalation. Mesure de la clairance mucociliaire Généralités La mesure de la clairance mucociliaire est généralement réalisée après inhalation d’un aérosol radioactif qui se dépose le long de l’arbre trachéobronchique. La radioactivité est mesurée à l’aide de détecteurs externes. L’étude de la décroissance de la radioactivité permet d’évaluer l’efficacité du système mucociliaire [111] (fig 2). La clairance mucociliaire est exprimée en pourcentage de radioactivité résiduelle ou en pourcentage de radioactivité éliminée. La courbe de clairance pulmonaire totale met en évidence deux phases : – une phase dite « rapide » (inférieure à 24 heures, demi-vie de 8 à 9 heures), qui correspond à la clairance par le système mucociliaire des particules déposées au niveau de l’épithélium cilié ; – une phase « lente » (demi-vie 60 à 100 jours), qui représente la clairance alvéolaire. La soustraction de cette fraction alvéolaire est indispensable pour estimer valablement l’efficacité du système mucociliaire. Différents facteurs influençant les résultats Parmi les facteurs susceptibles d’entraîner une dispersion considérable des résultats, intervient en premier lieu le site de dépôt de l’aérosol. Même si le dépôt est limité à l’épithélium cilié, la clairance mucociliaire sera différente selon que le dépôt d’aérosol est proximal ou distal (fig 2). Ceci est essentiellement lié aux variations de la vitesse de transport du mucus le long de l’arbre trachéobronchique. Pour interpréter valablement les courbes de clairance mucociliaire, il est donc indispensable de standardiser et de contrôler les conditions de dépôt de l’aérosol. Les principaux mécanismes conditionnant la pénétration et le dépôt des aérosols dans les voies aériennes sont : l’impaction inertielle (fonction croissante de la taille et de la vitesse des particules), l’interception (fonction de la longueur des particules), la sédimentation gravitationnelle (fonction croissante de la taille et décroissante de la vitesse des particules), et la diffusion brownienne (pour des particules inférieures à 0,5 µm). La pénétration des aérosols est également fonction de la géométrie des voies aériennes : l’obstruction bronchique entraîne, par exemple, un dépôt plus marqué au niveau des voies aériennes proximales, par augmentation du phénomène d’impaction. La taille et la densité des particules sont donc deux paramètres essentiels à contrôler lors des mesures de clairance mucociliaire. L’hygroscopie est également à prendre en compte, mais uniquement si le traceur utilisé est capable d’absorber de l’eau. Les particules de faible diamètre et de densité élevée se déposent de la même façon que les particules de diamètre plus élevé et de densité plus faible. Ceci explique que la taille des particules est généralement représentée par le diamètre aérodynamique : diamètre équivalent d’une particule de densité 1 qui sédimente à la même vitesse que la particule utilisée. En pratique, les particules de diamètre aérodynamique, compris entre 5 et 10 µm, se déposent par impaction au niveau des voies aériennes supérieures et des cinq à six premières générations bronchiques. Des particules de diamètre compris entre 0,5 et 5 µm se déposent au niveau des voies aériennes distales par sédimentation. Qualités de l’aérosol et de son inhalation Pour obtenir un dépôt aussi localisé que possible, l’aérosol doit être monodispersé. Cette monodispersion peut être facilement obtenue à l’aide d’aérosoliseurs à disque, à jet rotatif. Les conditions d’inhalation sont souvent importantes à contrôler. Un volume courant élevé, associé à une apnée postinspiratoire, favorise le dépôt des particules au niveau des voies aériennes périphériques [78]. En revanche, pour obtenir un dépôt au niveau des voies aériennes centrales, le débit d’inhalation doit être élevé (de l’ordre de 1 L/s). L’inhalation de l’aérosol s’effectue pendant toute la durée de l’inspiration, ou uniquement en fin d’inspiration. La pénétration initiale de l’aérosol varie d’un sujet à l’autre, en particulier chez les malades obstructifs. Le contrôle du degré de pénétration des aérosols représente donc une étape préliminaire à toute analyse de la clairance mucociliaire. Trois principales méthodes sont classiquement utilisées. La détermination du pourcentage de rétention, 24 heures après l’inhalation, permet de quantifier le pourcentage d’aérosol parvenu au niveau des voies aériennes périphériques. Ce pourcentage est d’autant plus élevé que la pénétration des particules est profonde. Comme l’ont décrit Foster et al [44] et Agnew et al [2], l’« index de pénétra- tion » permet d’analyser la répartition de l’aérosol au niveau de chaque champ pulmonaire, droit et gauche, dont le contour est préalablement défini par une scintigraphie au 133Xe. L’image du champ pulmonaire est découpée en cinq bandes verticales de largeur identique : les trois bandes les plus internes correspondent aux régions centrales, et les deux bandes externes aux régions périphériques. La méthode d’analyse la plus précise de l’indice de pénétration d’un aérosol consiste, comme l’ont proposé Gerrard et al [50], à effectuer une analyse statistique de la répartition, point par point, des activités contenues dans l’image du champ pulmonaire, et à calculer le troisième moment de la distribution. Cet index a l’avantage d’être indépendant de la taille du poumon et de l’activité totale déposée. Le choix du dépôt de l’aérosol varie selon les auteurs. Certains préfèrent choisir des conditions d’inhalation permettant d’obtenir un dépôt au niveau proximal ou central. Ceci présente le double avantage de réduire l’influence de l’obstruction bronchique sur le site du dépôt et de raccourcir la durée d’analyse sous la caméra, limitant ainsi les effets de la toux sur la mesure [83]. D’autres auteurs préfèrent utiliser des conditions d’inhalation favorables à un dépôt plus diffus, permettant d’étudier la clairance mucociliaire sur l’ensemble des voies aériennes [111]. L’interprétation de ces résultats est cependant plus difficile, la durée de Cinéfibroscopie Technique radiographique Ciné Disques Téflon ® Télévision Magnétophone Disques radio-opaques Rayons-X Amplificateur Techniques radio-isotopiques Microsphères albumine marquée γcaméra γcaméra Bolus radioactif Oscilloscope Ordinateur 2 Représentation schématique des principales techniques de mesure de la vitesse de transport du mucus. D’après Pavia [111]. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67 page 6
  • 7. l’examen (supérieure à 6 heures) ne permet pas d’éviter la toux qui doit alors être prise en compte dans les résultats. En effet, chez les malades hypersécrétants, une simple secousse de toux peut éliminer un pourcentage de radioactivité supérieur à celui éliminé pendant plusieurs heures par l’activité ciliaire. Certains auteurs ont proposé d’introduire un facteur correctif pour la toux en évaluant la quantité de radioactivité éliminée par la toux. En fait, ces corrections sont souvent imprécises et il est préférable, pour les éviter, de limiter l’analyse de la clairance mucociliaire à des périodes de temps aussi courtes que possible, de l’ordre de 1 heure. Différents aérosols Différents types d’aérosols peuvent être utilisés pour analyser la clairance mucociliaire. Parmi les plus couramment utilisés, on peut citer : le polystyrène, le Téflont, l’oxyde de fer, l’amberlite, l’albumine. Certains auteurs utilisent des traceurs biologiques comme les hématies marquées [104]. La plupart des aérosols marqués utilisés pour étudier la clairance mucociliaire ont un diamètre aérodynamique compris entre 4 et 8 µm, ce qui évite le marquage des voies aériennes distales non ciliées. L’analyse des courbes de radioactivité s’effectue après correction de la décroissance naturelle du radio- isotope. Les résultats peuvent être exprimés en pourcentage de radioactivité retenue ou, au contraire, éliminée 1 heure, 2 heures et/ou 6 heures après l’inhalation d’aérosols. Certains auteurs calculent sur la base d’une courbe de clairance de type exponentiel la demi-vie (T 50). S’il est indispensable d’éviter au maximum l’interférence de la toux au cours de la mesure de la clairance mucociliaire, en revanche le contrôle de son efficacité à la fin de l’analyse est un test intéressant car il permet de renseigner sur la capacité respective de l’activité ciliaire et de la toux à assurer l’épuration du mucus. Par ailleurs, il est possible, par traitement informatique des données, d’effectuer une analyse séparée de la clairance mucociliaire au niveau du poumon droit ou gauche, ou dans différentes zones pulmonaires (proximale et périphérique), délimitées après mesure de l’index de pénétration. Quelle que soit la technique d’analyse de la clairance, il est indispensable, pour évaluer valablement l’effet d’une thérapeutique, de calculer le nombre minimal de malades à inclure dans l’étude en se référant à la reproductibilité de la technique utilisée [36]. Méthodes d’analyse in vitro Capacité de transport mucociliaire ex vivo et rhéologie du mucus Un simple test, permettant d’évaluer l’aptitude du mucus à être transporté par le système ciliaire, consiste à mesurer sa vitesse de transport sur la muqueuse du palais de grenouille. Le palais de grenouille est, en effet, doté d’un épithélium de type respiratoire, dont la morphologie à l’échelle ultrastructurale est très similaire à celle de l’épithélium respiratoire humain [130].Après excision, le palais de grenouille est placé dans une enceinte thermostatée (30 °C) et saturée en vapeur d’eau. Dans ces conditions expérimentales, après environ 24 heures, la phase gel du mucus est éliminée, mais l’activité ciliaire est maintenue. Il suffit alors de déposer une goutte de mucus sur la muqueuse ciliée du palais et de mesurer sa vitesse de transport qui est ensuite rapportée à celle du mucus témoin de grenouille. Cette technique a largement été décrite comme une méthode permettant de définir la « transportabilité » du mucus indépendamment de l’activité ciliaire. Néanmoins, selon King [75], ce test qui ne requiert que quelques microlitres de mucus, doit être interprété avec prudence, car il est possible que le mucus analysé contienne des médiateurs cilioactifs qui peuvent moduler l’activité ciliaire de l’épithélium de la grenouille. King [75] propose d’utiliser le modèle de l’épithélium frais de grenouille avant déplétion de mucus comme un système intégré permettant d’analyser l’action de molécules capables de modifier l’hydratation du mucus telles que l’uridine triphosphate (UTP) ou de modifier les propriétés de surface du mucus par addition de surfactant. Le transport mucociliaire peut également être étudié dans des modèles animaux comme la souris [182]. Wills et al [170] ont récemment proposé le modèle de la trachée bovine déplétée de son mucus comme modèle plus représentatif du système mucociliaire que celui observé chez les amphibiens. Selon ces auteurs, le modèle de la trachée bovine serait sensible à l’ajout de NaCl dans le mucus, donc à l’augmentation de l’osmolarité qui s’accompagne d’une augmentation du transport mucociliaire, alors que le palais de grenouille apparaît insensible aux variations de l’osmolarité. En fait, il semble que ces deux modèles animaux soient complémentaires. Le modèle du palais de grenouille est parfaitement adéquat pour analyser l’influence des propriétés rhéologiques du mucus sur le transport mucociliaire. Il semble que le modèle de la trachée bovine permet de mieux définir que le palais de grenouille, l’influence de l’osmolarité sur la capacité de transport du mucus. Un modèle intégré de muqueuse respiratoire humaine ex vivo représenterait probablement une alternative intéressante aux deux précédents modèles. Activité ciliaire L’étude de la fonction ciliaire et de ses anomalies fait appel à des techniques spécifiques visant à mesurer in vitro l’activité des cils vibratiles maintenus en survie ou à mettre en évidence, sur des cellules ciliées préalablement fixées, des anomalies de l’ultrastructure ciliaire. L’activité fonctionnelle des cils vibratiles peut être facilement étudiée in vitro à partir des prélèvements de cellules ciliées obtenus par brossage ou biopsie, bronchique ou nasale. Brossage Le brossage nasal, moins traumatisant que le brossage bronchique, est fréquemment réalisé, en particulier en pneumologie infantile, pour la mise en évidence d’anomalies ciliaires primitives. Ce brossage doit être effectué dans la partie postérieure du cornet inférieur ou moyen. Au niveau bronchique, il est indispensable d’effectuer ce brossage dans les zones macroscopiquement saines. Une légère anesthésie locale peut être utilisée ; il semble que la lidocaïne utilisée aux doses habituelles n’entraîne pas d’inhibition de l’activité ciliaire. Le brossage de la muqueuse respiratoire (bronchique ou nasale) permet de recueillir des lambeaux d’épithélium contenant plusieurs centaines de cellules ciliées. Après le brossage, la brosse est immédiatement introduite dans un milieu de culture cellulaire qui permet de maintenir l’activité ciliaire à l’état normal pendant plusieurs heures. Examen en microscopie optique Après agitation vigoureuse nécessaire à la mise en suspension des cellules ciliées, une goutte de milieu de culture, préalablement thermostatée à 37 °C, est observée entre lame et lamelle, à l’aide d’un simple microscope optique. Un premier test simple permet de quantifier le pourcentage de cellules ciliées vivantes et mortes, à l’aide d’un colorant vital tel que le bleu Trypan, et également d’évaluer le pourcentage de cellules ciliées vivantes dont le battement apparaît macroscopiquement normal. L’examen direct des prélèvements en microscopie optique est donc un examen simple permettant d’apprécier la richesse du prélèvement en cellules ciliées et leur mobilité. Ce simple test effectué en routine peut être complété, s’il apparaît anormal, par l’étude de la fréquence de battement ciliaire. L’utilisation d’un photomètre, couplé au microscope, permet d’enregistrer, sous forme de variations électriques, les variations d’intensité lumineuse transmises et modulées par le battement ciliaire. Applicable à des cellules ciliées isolées par brossage ou biopsie bronchique, cette technique est actuellement la plus fréquemment utilisée pour analyser de façon quantitative la fréquence de battement ciliaire. Étude ultrastructurale ciliaire C’est un examen long, difficile, qui ne devrait être effectué que si la symptomatologie clinique (infection oto-rhino-laryngologique et bronchique, dilatations bronchiques associées ou situs inversus) est suffisamment évocatrice d’une anomalie ciliaire et si la mobilité ciliaire nasale et bronchique, après examen direct, apparaît anormale. Les anomalies ultrastructurales ciliaires peuvent varier non seulement selon le site de prélèvement, mais également au sein d’un même groupe de cellules ciliées [143]. La mise en évidence, au niveau de quelques cils, d’anomalies du cytosquelette, ne s’accompagne pas nécessairement d’un effondrement de l’épuration mucociliaire. La quantification en microscopie optique du pourcentage de cellules ciliées mobiles apparaît donc comme une méthode beaucoup plus simple et plus fiable pour évaluer en routine les anomalies fonctionnelles du système ciliaire [71]. Pathologie de l’épuration du mucus L’épuration du mucus respiratoire est altérée dans de nombreuses affections. Grâce aux données physiologiques précédemment décrites, il apparaît que l’inefficacité du transport mucociliaire peut être due, soit à des anomalies structurales ou fonctionnelles des cils, soit à des anomalies qualitatives ou quantitatives des sécrétions bronchiques. Dans la plupart des maladies où l’épuration mucociliaire est altérée, ces facteurs sont généralement intriqués. Il est cependant possible de dégager, indépendamment des facteurs étiologiques, un tableau commun des anomalies morphologiques du système mucociliaire responsables de sa détérioration fonctionnelle. Nous envisageons successivement : – les lésions structurales de l’appareil mucociliaire en réponse à une agression aiguë ou chronique et la réparation de l’épithélium bronchique ; – les facteurs étiologiques responsables de ces altérations (facteurs environnementaux, héréditaires, infectieux et divers) ; – l’état du transport mucociliaire dans les affections respiratoires et dans certaines maladies extrarespiratoires ; – la pharmacologie du transport mucociliaire et les thérapeutiques habituellement disponibles dans le but d’améliorer le transport du mucus. Lésions structurales du système mucocilaire Agents agresseurs L’intégrité de l’épithélium mucociliaire peut être sévèrement perturbée par divers agents agresseurs tels que l’inhalation de gaz irritants ou de polluants gazeux comme la fumée de cigarette, le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67 page 7
  • 8. d’azote (NO2), l’ozone (O3), les aérosols acides ou alcalins, les agents infectieux, qu’il s’agisse de virus comme le Myxovirus influenzae et les mycoplasmes. Parmi les autres agents susceptibles de léser l’épithélium mucociliaire, il faut encore citer la ventilation assistée, l’inhalation de liquides, et l’action de médiateurs de l’inflammation. L’atteinte lésionnelle de l’épithélium varie selon la concentration du toxique, sa durée d’exposition, son niveau d’action, l’épithélium bronchiolaire étant plus sensible aux toxiques inhalés que l’épithélium des voies aériennes proximales et centrales [125]. Lésions induites En réponse à une agression aiguë, qu’elle soit chimique, mécanique ou infectieuse, on observe une hypersécrétion du mucus, s’accompagnant d’un phénomène inflammatoire local, d’une déciliation de l’épithélium, d’une nécrose de cellules épithéliales et d’une desquamation de l’épithélium avec mise à nu de la membrane basale et des récepteurs nerveux sous-épithéliaux. Chez l’animal, comme chez l’homme, le virus InfluenzaeAinduit des lésions sévères du système mucociliaire. Plotkowski et al [118] ont mis en évidence en microscopie électronique, 2 jours après l’inoculation de virus Influenzae chez la souris, des signes de souffrance cellulaire s’accompagnant d’une désorganisation de l’activité ciliaire. Après 4 jours, la desquamation de l’épithélium est importante. Elle apparaît à cette période très favorable à l’adhérence bactérienne. Ces auteurs ont également montré que l’élastase leucocytaire, dont la concentration est très augmentée au cours de surinfections bronchiques, entraîne une hypersécrétion et une exfoliation de l’épithélium mucociliaire avec une adhérence très significativement augmentée des bactéries de type Pseudomonas aeruginosa [117]. Les mécanismes impliqués dans la perte de l’intégrité de la barrière épithéliale après infection bactérienne font intervenir des lésions des complexes jonctionnels qui, sous l’influence de facteurs de virulence, deviennent perméables [8] et favorisent l’infection bactérienne. Toutes ces études mettent donc bien en évidence que l’adhérence bactérienne à la muqueuse respiratoire est favorisée par la diminution de l’épuration mucociliaire et par l’exposition aux bactéries de récepteurs normalement masqués par le mucus. Régénération de l’épithélium Elle s’effectue par un mécanisme de « transdifférenciation ». Les cellules sécrétoires et les cellules différenciées, ainsi que les cellules basales, se multiplient puis se différencient en cellules ciliées. De nombreuses études expérimentales d’inhalation de toxiques gazeux réalisées chez l’animal suggèrent que l’augmentation des cellules sécrétoires représente un mécanisme de renouvellement rapide des cellules ciliées qui ont desquamé. Ces cellules ciliées sont remplacées par des cellules sécrétoires, qui se différencient ensuite en cellules préciliées puis en cellules ciliées. Cette transdifférenciation des cellules sécrétoires permet donc de renouveler rapidement les cellules ciliées qui sont incapables de se diviser. Après une agression chronique, les lésions de l’épithélium se traduisent généralement par une stratification (métaplasie malpighienne) et une hyperplasie des cellules caliciformes et des cellules glandulaires de la sous- muqueuse.Après interruption de l’agression, l’épithélium est aussi capable à nouveau de se redifférencier vers un épithélium mucociliaire normal. Il est important de noter que l’épithélium bronchique est capable de s’adapter à l’agent agresseur. En effet, il a été démontré chez les primates, après une exposition prolongée à l’O3, que l’action nécrosante observée sur les cellules ciliées lors de l’exposition aiguë disparaît. On observe, malgré l’exposition prolongée à l’agent toxique, un épithélium pratiquement similaire à l’épithélium normal. Ces résultats suggèrent qu’en réponse à une agression chronique, le processus de différenciation ou de transdifférenciation épithéliale ne représente qu’un stade transitoire, donc réversible, permettant à l’épithélium de se régénérer. Ce processus de régénération explique le délai nécessaire (plusieurs semaines à plusieurs mois) pour obtenir la normalisation de la clairance mucociliaire après arrêt de l’agression (virose, consommation tabagique...). Il a été démontré que le développement de l’épithélium bronchique au cours de la vie fœtale présente de nombreuses analogies avec le processus de régénération de l’épithélium après une agression [50]. Ces résultats suggèrent que les anomalies ultrastructurales ciliaires, observées au cours des infections bronchiques et considérées comme des anomalies acquises, pourraient être le témoin de la régénération de l’épithélium mucociliaire plutôt que le reflet de la lésion initiale. Il est probable que l’environnement ionique ou les facteurs paracrines comme l’epidermal growth factor (EGF) sécrété par les cellules épithéliales peuvent directement contrôler la différenciation des cellules ciliées [187]. Facteurs environnementaux Tabac Il faut d’emblée distinguer les effets d’une inhalation aiguë de fumée de cigarette et les effets à long terme du tabagisme sur l’épuration du mucus. Les effets toxiques aigus de la fumée de tabac sont relativement controversés ; certains auteurs ont démontré une action très nocive du tabac sur l’épuration mucociliaire, d’autres n’ont observé aucune différence. L’apparente variabilité des résultats pourrait être rattachée au fait que, comme l’ont montré Lindberg et al [89], l’action de la fumée de tabac est biphasique. Ces auteurs ont mis en évidence, après administration intra-artérielle de nicotine, une accélération brève et transitoire de la fréquence mucociliaire de l’épithélium sinusien du lapin. Après inhalation chronique de fumée de tabac, toutes les études s’accordent pour mettre en évidence le rôle délétère du tabac sur l’épuration mucociliaire trachéobronchique [94, 153, 175]. Une étude très intéressante, réalisée chez des jumeaux homozygotes fumeurs et non fumeurs, a permis de démontrer que, alors que la clairance mucociliaire était strictement identique chez les jumeaux non fumeurs, elle était significativement plus faible chez le jumeau fumeur par rapport au non fumeur [24]. Chez les fumeurs asymptomatiques, l’altération de la clairance mucociliaire est proportionnelle à la consommation tabagique. Cette altération est cependant moins sévère que chez les bronchitiques chroniques [2, 3]. Après 3 mois d’arrêt de la consommation tabagique, la clairance mucociliaire se normalise. Cette réversibilité est peu évidente lorsqu’une bronchite chronique est associée au tabagisme [25]. Selon Agnew et al [2] et Vastag et al [162], la diminution de l’épuration mucociliaire secondaire au tabagisme serait plus marquée dans les voies aériennes centrales que dans les voies aériennes périphériques. La clairance mucociliaire nasale n’est pas modifiée par l’inhalation aiguë de fumée de tabac, alors qu’elle est très altérée chez les fumeurs chroniques [163]. Le mécanisme d’action du tabac sur l’épuration mucociliaire a été particulièrement bien étudié par Hée [62] qui a mis en évidence l’activité inhibitrice de la fumée de tabac sur l’activité ciliaire et en a déterminé les composants ciliotoxiques. Alcool L’effet de l’alcool sur la clairance mucociliaire apparaît variable. Si l’intoxication éthylique chronique semble entraîner une diminution de la clairance mucociliaire, en revanche l’absorption aiguë d’alcool à doses modérées semble avoir un effet variable sur la clairance en fonction de la dose et des individus [164]. In vitro, l’effet ciliomodulateur est variable selon la concentration. Maurer et Liebman [105] mettent en évidence une cilioactivation à faibles doses (0,01 à 0,1 %) et une cilio-inhibition à fortes doses (2 %). Ces données confirment les résultats de Leicht et al [85] qui ont mis en évidence que la diminution de la clairance consécutive à l’absorption d’alcool est principalement due à une modification de l’activité ciliaire et non du mucus. Polluants de l’environnement Les effets de nombreux polluants habituels de notre environnement, comme le SO2, l’acide sulfurique (SO4H2), l’O3, le NO2, les particules minérales ou les gaz d’échappement, ont été largement étudiés. Nous ne rapporterons ici que leurs effets in vivo sur la clairance mucociliaire chez l’homme et chez l’animal. Dioxyde de soufre Andersen et al [6] font état d’une diminution significative de la clairance mucociliaire nasale après exposition de 5 à 25 ppm de SO2 pendant 6 heures, alors que Wolff [174] a mis en évidence une accélération de la clairance bronchique chez les sujets exposés à 5 ppm de SO2. L’altération de l’épuration mucociliaire serait essentiellement liée à une augmentation du volume de sécrétion, à une modification de la qualité du mucus, et à une diminution du nombre de cellules ciliées en relation avec la transformation de l’épithélium cilié pseudostratifié en épithélium malpighien [87]. Dioxyde d’azote Le NO2 est un polluant aérien très courant. Il est principalement produit par les procédés de combustion et il a été démontré, aussi bien dans des expérimentations animales que chez l’homme, qu’une seule exposition au NO2 peut entraîner une inflammation aiguë des voies aériennes. L’exposition de cultures cellulaires bronchiques humaines à une concentration en NO2 à 0,1 à 2 ppm entraîne, après 1 heure, une diminution de la fréquence ciliaire [38]. Chez le sujet sain, une exposition de NO2 à 1,5 ppm pendant 20 minutes entraîne une diminution de la fréquence mucociliaire [63]. Ces auteurs suggèrent que la perturbation de l’activité mucociliaire pourrait être liée à son effet oxydant dû aux radicaux libres du NO2. Acide sulfurique Les études, chez l’animal et chez l’homme, semblent concordantes [86]. L’exposition à de faibles doses de SO4H2 s’accompagne d’une accélération de la clairance mucociliaire trachéale, alors qu’une exposition à de fortes doses entraîne un ralentissement de la clairance. Ces variations seraient également, comme pour le SO2, à rattacher à une stimulation de la sécrétion du mucus. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67 page 8
  • 9. Ozone Chez le sujet sain [45], l’exposition à 0,2 et 0,4 ppm d’O3, comparativement à une inhalation d’air, entraîne une stimulation de la fonction mucociliaire, notamment au niveau périphérique. Cette action serait secondaire à une stimulation du mucus ou à une altération de la perméabilité épithéliale. Particules inertes L’inhalation de particules de poussière de charbon entraîne une accélération de la clairance mucociliaire des voies aériennes proximales [22]. L’effet délétère de l’inhalation serait beaucoup plus marqué dans les voies aériennes périphériques que dans les voies aériennes proximales. L’ensemble des études réalisées chez l’animal et chez l’homme suggère que si les polluants atmosphériques ont un effet transitoirement stimulant, ils pourraient, à long terme, être responsables d’un dysfonctionnement mucociliaire à l’origine d’affections bronchopulmonaires chroniques. Facteurs infectieux Infections virales Chez les adultes infectés par le Myxovirus influenzae A, la clairance mucociliaire trachéobronchique [23] et la clairance nasale [171] sont très altérées. La normalisation de la clairance n’intervient qu’après une période de 3 mois en moyenne. En revanche, pendant la période d’incubation et lorsque l’infection est symptomatique, la clairance n’est pas modifiée. La diminution de la clairance au cours des infections virales s’explique en grande partie par la desquamation de l’épithélium. Cependant, sur les cellules ciliées qui n’ont pas desquamé, il semble que la fréquence ciliaire soit normale. En revanche, chez l’enfant porteur d’infections virales identifiées, Carson et al [27] ont mis en évidence des anomalies ultrastructurales pour deux tiers de biopsies nasales. Les anomalies ciliaires observées correspondent, dans 5 à 25 % des cas, à des délétions des microtubules centraux, et dans 4 % des cas, à une délétion ou un excès de microtubules périphériques. Des prélèvements contrôles ne mettent en évidence des anomalies que dans 1 à 2 % des cellules ciliées. En fait, la fréquence de ces anomalies ultrastructurales reste faible en comparaison du pourcentage élevé d’anomalies ciliaires (plus de 50 %) observées sur les cellules ciliées examinées chez des sujets atteints de dyskinésie ciliaire primitive [137]. Infections bactériennes En dehors de l’infection par virus Influenzae A, l’infection par Mycoplasma pneumoniae peut également entraîner des lésions de l’épithélium cilié. Ces lésions s’accompagnent d’une altération de la clairance mucociliaire qui apparaît en général 10 à 15 jours après le début de la maladie et peut persister pendant une période prolongée d’environ 1 an [23, 68, 112]. Infections virales et bactériennes Les infections virales et les infections par Mycoplasma pneumoniae entraînent une altération de l’épithélium cilié qui, secondairement, s’accompagne d’une mucostase à l’origine d’infections bactériennes. Par ailleurs, les infections à Rhinovirus peuvent sérieusement altérer l’intégrité fonctionnelle de la barrière épithéliale, en association avec une surexpression d’ICAM-1 [110]. Wilson et al [172] ont été parmi les premiers à mettre en évidence un facteur cilio-inhibiteur, produit par Haemophilus influenzae et Pseudomonas aeruginosa, capable d’agir sur les cellules ciliées nasales humaines in vitro et d’entraîner, en relation avec une sécrétion de facteurs de virulence, une altération sévère du complexe jonctionnel épithélial [8]. L’association d’une infection virale à une infection bactérienne s’accompagnant d’une desquamation de l’épithélium cilié et d’une hypersécrétion bronchique est fréquente. Il peut s’installer un véritable cercle vicieux conduisant ainsi à une pérennisation de l’infection, voire à une maladie chronique bronchique, telles les bronchectasies. Maladies congénitales Dyskinésie ciliaire primitive Il s’agit de l’affection la plus démonstrative du rôle de l’épuration mucociliaire en pathologie. Sa description est la résultante d’une série d’observations et de découvertes médicales : en 1933, Kartagener décrivait un syndrome associant une sinusite chronique, des bronchectasies et un situs inversus avec cas familiaux. En 1976, Afzelius [1] décrit l’immobilité des flagelles des spermatozoïdes chez ces malades et rattache cette anomalie fonctionnelle à l’anomalie structurale du flagelle caractérisée par une absence de bras de dynéine sur les microtubules périphériques. Ainsi naît le « syndrome des cils immobiles », au sein duquel le syndrome de Kartagener complet n’est identifié que dans 50 % des cas. Plus récemment, Rossman et al [137] ont décrit chez certains de ces malades des cils apparemment mobiles mais dont le battement était désordonné et lent, voire inefficace. Sleigh [152] propose alors de remplacer le terme de « syndrome des cils immobiles » par le terme de « dyskinésie ciliaire primitive » qui est actuellement unanimement accepté. Chez ces malades, le ralentissement de l’épuration mucociliaire nasale et trachéobronchique permet de dépister la maladie dont le diagnostic est ensuite confirmé par la mise en évidence d’une altération de la mobilité ciliaire et d’anomalies ultrastructurales des cils.Ainsi, Rutland a comparé la mobilité et l’ultrastructure des cellules ciliées chez des malades atteints de dyskinésie ciliaire primitive à celles des malades présentant une dyskinésie ciliaire acquise. La fréquence de battement ciliaire dans la dyskinésie ciliaire primitive apparaît constamment inférieure à 10 Hz et les anomalies ultrastructurales atteignent, selon cet auteur, plus de 50 % des cils, alors qu’elles ne sont identifiées que dans 10 % des cils dans les autres groupes. Les anomalies ciliaires ultrastructurales identifiées dans la dyskinésie ciliaire primitive ne se résument pas à la simple absence de bras de dynéine sur les microtubules périphériques. Sturgess [154] a étudié la structure ciliaire chez des malades provenant de différentes familles et a noté que les anomalies les plus fréquemment étudiées sont les suivantes : absence de bras de dynéine interne, ou externe et interne, absence de bras radiaire, absence de doublet central, transposition de microtubules périphériques. D’autres auteurs ont constaté des anomalies différentes, ce qui peut en fait être expliqué par la multiplicité des structures protéiques composant l’architecture ciliaire. Il est en effet admis qu’il existe au moins 200 gènes codant pour ces protéines. Des enquêtes génétiques portant sur la dyskinésie primitive ont montré qu’il n’y avait pas de prédominance ethnique ni d’anomalie structurale, et que l’âge des parents et le rang de naissance n’intervenaient pas. En revanche, la consanguinité était fréquente. La dyskinésie ciliaire primitive est une maladie autosomique récessive, à pénétrance variable. L’incidence du syndrome de Kartagener complet est de l’ordre de 1/30 000 naissances. Mucoviscidose Dans cette pathologie d’origine génétique qui est la maladie héréditaire létale la plus fréquente dans les populations européennes et nord-américaines (1/2 000 naissances), l’atteinte de l’épithélium bronchique, associée à un stade avancé de la maladie à une inflammation et une infection bronchiques sévères, est responsable de la morbidité et de la mortalité de la maladie. Dans cette affection caractérisée par une hypersécrétion bronchique, il est difficile de définir avec précision dans quelle mesure la clairance mucociliaire est primitivement normale ou altérée. En fait, la clairance mucociliaire est souvent étudiée chez de grands enfants ou chez l’adulte présentant déjà des infections répétées. Des études contrôlées, réalisées chez l’enfant à un stade précoce, n’ont pu en effet être réalisées pour des raisons éthiques. À un stade avancé chez l’adulte, Wood et al [177] et Yeates et al [181] ont montré que la vitesse de transport trachéale était diminuée. Mais cette diminution pourrait n’être que la conséquence de la maladie à un stade évolué, plutôt qu’un véritable facteur causal. L’ultrastructure des cils est normale dans la mucoviscidose. Les anomalies rhéologiques du mucus ne sont pas systématiquement observées. King [73] et Puchelle et al [126] n’ont pu mettre en évidence une augmentation significative de la viscosité de l’expectoration qu’en période de surinfection bronchique. Il est classiquement admis dans la mucoviscidose que les anomalies du transport ionique consécutives aux mutations du gène codant pour la protéine cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR) sont associées à la déshydratation du mucus, à son adhésivité élevée, et à une diminution du transport mucociliaire [28, 103, 185]. Cependant, ces anomalies sont souvent observées à un stade avancé de la maladie. Il a été également suggéré que l’incapacité des granules sécrétoires des glandes sous-muqueuses à augmenter de volume, au cours du phénomène d’exocytose, peut être liée à des anomalies de CFTR. Bien qu’il soit largement admis que la déshydratation du mucus est associée à une hyperviscosité et à un ralentissement du transport mucociliaire, des résultats récents montrent que le contenu en eau des sécrétions bronchiques dans la mucoviscidose n’est pas systématiquement diminué et que la déshydratation du mucus est associée à une hyperviscosité et à un ralentissement du transport mucociliaire. Des résultats récents montrent que le contenu en eau des sécrétions bronchiques dans la mucoviscidose n’est pas systématiquement diminué et que la déshydratation du mucus est également liée aux phénomènes d’inflammation et d’infection bactérienne [38]. Chez les patients atteints de mucoviscidose, la clairance mucociliaire est, selon les auteurs, soit diminuée, ou l’inverse, voisine de celle observée chez les sujets sains. De telles différences peuvent être liées au génotype des patients, à leur âge ou à l’état clinique, et en particulier au degré d’infection bronchique. Afin de déterminer dans quelle mesure la fonction anormale de CFTR pouvait induire de façon spécifique, avant toute infection, une diminution de l’épuration mucociliaire, Zahm et al [182] ont analysé la vitesse de transport du mucus chez des souris transgéniques mucoviscidosiques élevées dans des conditions exemptes de germes pathogènes. Les résultats obtenus mettent en évidence une diminution significative de la fonction de transport mucociliaire et une inflammation de la sous-muqueuse qui pourraient représenter des anomalies précoces caractéristiques de la mucoviscidose, avant tout signe d’infection. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNESPneumologie 6-000-A-67 page 9
  • 10. Syndrome de Young Ce syndrome associe une azoospermie obstructive et des surinfections bronchiques avec bronchectasies. Sa physiopathologie n’est pas connue. Pavia [113] a mis en évidence une diminution de la clairance mucociliaire chez ces sujets. Il semblerait que le facteur responsable soit à rattacher plutôt à une anomalie des sécrétions qu’à une véritable anomalie ciliaire. Déficits immunitaires congénitaux Le déficit en Ig, comme le déficit spécifique en IgA, s’accompagne d’une altération de la clairance mucociliaire qui semble être la conséquence des infections fréquentes plutôt que le facteur causal. Maladies acquises Dans la plupart de ces affections, la diminution de l’épuration du mucus est secondaire à une agression répétée des voies aériennes qui aboutit généralement à une inflammation chronique. Bronchite chronique Cette maladie est très souvent en rapport avec un tabagisme dont les effets sur la clairance ont été antérieurement rappelés. Il convient de mentionner que la diminution de la clairance chez les bronchitiques chroniques est irréversible, alors qu’elle est réversible chez des fumeurs non bronchitiques chroniques ou chez des patients présentant des bronchites aiguës. Le degré de tabagisme semble directement influencer la clairance mucociliaire, alors que l’on n’observe pas de corrélation étroite entre la diminution de la clairance et les altérations fonctionnelles respiratoires. En revanche, il existe une corrélation significative entre la pression artérielle en oxygène (PaO2), la pression artérielle en gaz carbonique (PCO2) et l’épuration mucociliaire [83] dans la bronchite chronique simple, alors qu’elle n’est pas mise en évidence dans la bronchite chronique avec syndrome obstructif. Chez les bronchitiques chroniques, parallèlement à la diminution de l’épuration mucociliaire, on note une modification du profil sécrétoire du mucus (augmentation des sulfomucines et des protéines transsudées). Les modifications biochimiques du mucus s’accompagnent d’anomalies rhéologiques fréquemment observées au cours d’infections qui se traduisent par une augmentation de la viscosité et une diminution de la capacité de transport du mucus [130]. Chez ces malades, la diminution de l’épuration mucociliaire peut cependant être en grande partie compensée par l’épuration du mucus par la toux (fig 3, 4). Asthme Anomalies de la clairance mucociliaire L’existence de bouchons muqueux dans les bronches, observée à l’autopsie de patients asthmatiques, suggère que les anomalies de la clairance mucociliaire chez ces malades sont principalement liées à des anomalies des propriétés physiques du mucus. Chez l’asthmatique, le ralentissement de la clairance mucociliaire est observé dans de multiples situations.Wanner [166] et Pavia et al [112] observent une diminution de la vitesse de transport trachéale chez des asthmatiques atopiques, symptomatiques ou asymptomatiques. La diminution de la clairance mucociliaire au cours de la crise aiguë persiste 2 à 4 mois après la crise, chez des asthmatiques en état stable traités par inhalation de bronchodilatateurs et de corticoïdes [12], comme chez les asthmatiques en rémission sans traitement depuis au moins 6 mois [113]. La diminution de la clairance est également observée chez les asthmatiques hypersécrétants [9]. Différents facteurs responsables Dans l’asthme, les anomalies de la clairance mucociliaire peuvent être en grande partie rattachées à l’hypersécrétion. Par ailleurs, la composition en mucines des sécrétions recueillies chez des asthmatiques est caractérisée par des chaînes oligosaccharidiques très longues. Selon Bhaskar et Reid [18], les propriétés rhéologiques particulières des mucus recueillis chez les asthmatiques seraient dues à une augmentation des fractions lipidiques et à la formation de complexes lipides-protéines. Les expectorations d’asthmatiques sont généralement riches en protéines transsudées qui peuvent directement influencer la viscosité. Ces sécrétions ont un contenu en eau relativement faible et l’étude biochimique des bouchons de mucus dans l’asthme aigu a montré que, outre les glycoprotéines de type mucines, des protéoglycanes sont identifiées en concentration importante. Une modification du profil sécrétoire de ces glycoconjugués du mucus et une importante déshydratation, associées à l’existence d’un facteur cilio-inhibiteur [40] identifié dans la phase sol au cours de l’asthme aigu, seraient donc les principaux responsables de la diminution de la clairance mucociliaire. Les médiateurs de l’inflammation pourraient être à l’origine du dysfonctionnement mucociliaire. La responsabilité de ces médiateurs a été évoquée par Wanner [167] qui a montré qu’un prétraitement par le cromoglycate de sodium prévenait, chez l’asthmatique, le ralentissement du transport mucociliaire induit par l’inhalation de ragweed. À côté des facteurs liés à l’hypersécrétion et à la libération de médiateurs de l’inflammation, il importe de souligner que la desquamation de l’épithélium cilié, et donc l’altération de la barrière épithéliale, constituent une des causes majeures de la diminution de la clairance mucociliaire dans l’asthme. Bronchectasies L’épuration mucociliaire est très ralentie chez la plupart des malades atteints de bronchectasies [17]. Dans cette maladie, il est difficile de relier le ralentissement de la clairance à un facteur étiologique à l’origine des dilatations des bronches, du moins à un stade avancé de la maladie. Il faut cependant rappeler que Rutland et Cole [142] ont observé une diminution de la clairance nasale chez les malades porteurs de bronchectasies. De plus, Lauque et al [83, 84] ont montré qu’à un stade précoce de la maladie, la clairance mucociliaire est inconstamment diminuée dans les bronchectasies kystiques, alors qu’elle l’est constamment dans les bronchectasies cylindriques. Ces différents résultats plaident en faveur d’une anomalie primitive de l’épithélium dans certaines bronchectasies. Cancer bronchique primitif Bien que Matthys et al [104] aient rapporté une anomalie sévère de la clairance mucociliaire dans cette pathologie, la diminution de la clairance dans le cancer bronchique primitif pourrait, en fait, être rattachée à l’existence d’une bronchite chronique associée. Emphysème primitif Chez les sujets présentant un emphysème par déficit en alpha-1-antitrypsine, la clairance mucociliaire est normale [111]. Le déficit de la clairance pourrait être secondaire à une infection surajoutée. Asbestose Chez des patients dont le diagnostic a été affirmé sur des données cliniques, radiologiques et fonctionnelles, il n’a pas été constaté d’altération de la clairance mucociliaire. Ceci est en accord avec l’absence de modifications de la clairance lors d’inhalation de particules minérales. Connectivites Dans la polyarthrite rhumatoïde, certains auteurs ont rapporté une augmentation de la fréquence des dilatations bronchiques, suggérant une possible diminution de la clairance dans cette affection. En fait, d’après les travaux de Sutton et al [156] réalisés chez des malades atteints de polyarthrite rhumatoïde sans symptomatologie respiratoire, il n’existe pas de ralentissement de l’épuration mucociliaire avant l’apparition des infections. Par ailleurs, dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, des valeurs normales de la clairance sont rapportées [42], alors que Becquemin et al [15] mettent en Clairance mucociliaire (%) 100 75 50 25 0 0 1 2 3 4 5 6 Temps après inhalation (heures) Distal Proximal Site de dépôt de l'aérosol 3 Exemples de courbes de clairance mucociliaire après in- halation d’un aérosol radiomar- qué. La clairance mucociliaire est significativement plus ra- pide lorsque le dépôt est proxi- mal. D’après Pavia [111]. Toux Clairance mucociliaire Clairance mucociliaire Sujets sains Bronchitiques chroniques 4 Chez les sujets sains, la clairance du mucus s’effectue principalement grâce à l’activité ciliaire, tandis que chez les bronchitiques chroniques, la clairance mucociliaire est souvent diminuée et le principal mode d’épuration du mucus est la toux. D’après Puchelle et al [130] et Pavia [111]. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉPURATION DU MUCUS DES VOIES AÉRIENNES Pneumologie6-000-A-67 page 10