1. Lettre du conseiller de ville Alex Norris suite à la rencontre de Montréal pour tous du 11 février 2013
Chers amis, voisins et militants deLe Mile End pour tous,
Je vous écris pour donner suite au café citoyen que vous avez tenu sur les taxes municipales au Théâtre Rialto
le 11 février dernier. À la suite de l'évènement, je m'étais engagé à vous revenir avec des propositions et des
pistes de réflexion en vue de trouver des solutions qui pourraient aider à alléger le fardeau fiscal des
contribuables montréalais.
1. La nécessité de diversifier les sources de revenus de la Ville de Montréal :
L'un des principaux constats issus de cette rencontre, selon moi, c'est l'impact néfaste de la dépendance
excessive de la Ville de Montréal des taxes foncières comme source de financement. Cet impact est
particulièrement évident dans des quartiers comme le nôtre où des valeurs immobilières ont grimpé très
rapidement, suscitant la crainte chez de plus en plus de résidants de longue date, surtout ceux à revenus fixes,
qu'ils ne pourront plus rester dans le quartier tellement les taxes municipales sont devenues dispendieuses.
La principale solution à ce problème réside, à mon avis, dans une plus grande diversification des sources de
revenus de la Ville de Montréal qui la rendrait moins dépendante des seules taxes foncières traditionnelles.
Depuis quelque temps, notre parti propose deux importantes sources de financement qui pourraient aider à
limiter le fardeau fiscal lié aux taxes foncières résidentielles et commerciales :
* Des péages sur les ponts autour de l'île de Montréal pourraient générer 200 millions $ annuellement, ainsi
permettant de faire en sorte que les banlieusards qui utilisent notre infrastructure au quotidien mais qui ne
contribuent rien à son entretien paient enfin leur juste part. Avec un système de tarification modulée selon
l'heure de la journée et l'achalandage, un tel système de péage aurait l'avantage additionnel d'atténuer la
congestion routière aux heures de pointe tout en encourageant les déplacements vers Montréal en auto à des
périodes de moins grand achalandage.
* Une taxe modeste sur chaque place de stationnement hors rue et non résidentiel représenterait une autre
source alternative de financement pour la Ville qui pourrait générer une somme équivalente aux péages. Une
telle taxe permettrait à la Ville de récupérer une partie des coûts occasionnés par les nombreux déplacements
motorisés stimulés par la présence de ces terrains de stationnement-- dont les vastes terrains d'asphalte comme
ceux que l'on trouve à la Place Versailles, par exemple, ou au Marché central, qui, en plus de générer des
déplacements qui usent notre infrastructure routière, créent des îlots de chaleur qui nuisent à la qualité de vie
des communautés riveraines. En récupérant ainsi une partie de ces coûts par le biais d'une taxe sur les places
de stationnement non résidentiel, on mettrait fin à une forme de subvention déguisée qui crée une concurrence
déloyale nuisible à nos commerces de proximité dans les quartiers centraux.
2. Le potentiel d'une taxe sur la spéculation immobilière :
La montée en flèche des valeurs immobilières a généré beaucoup de richesse pour des promoteurs et
spéculateurs immobiliers mais très peu de cette richesse est revenue à la communauté pour le bénéfice de tous.
Notre administration d'arrondissement a tenté d'adopter une mesure qui aurait récupéré des «frais de parc»
équivalent à un pourcentage de la valeur de chaque terrain où une division cadastrale a été effectuée afin de
permettre la création de condos en copropriétés divises. Même si cette mesure a été bloquée pour des raisons
politiques par l'administration centrale de la Ville, elle reste un exemple de la manière dont une municipalité peut
chercher des revenus provenant de la spéculation immobilière, non seulement dans le but de la freiner mais
également pour chercher des nouvelles sources de revenus pouvant alléger le fardeau fiscal du contribuable
moyen.
3. Les avantages d'une structure administrative plus légère :
Il y a un cadre pour chaque huit employés à la Ville de Montréal, un taux d'encadrement qui est beaucoup trop
élevé, selon Projet Montréal. Sur le Plateau-Mont-Royal nous avons un taux d'encadrement qui est beaucoup
plus léger, soit un cadre pour chaque 13 employés. En ramenant le taux d'encadrement de la Ville à celui du
2. Plateau-Mont-Royal dans le but de créer une structure administrative moins «top heavy», la Ville pourrait
réaliser des économies annuelles de l'ordre de 60 millions $, selon nos calculs.
4. La nécessité de négocier des conventions collectives qui respectent la capacité de payer du
contribuable :
Tout en croyant fermement que nos employés municipaux méritent des salaires décents et des conditions
d'emploi excellentes, on s'explique mal que nos fonctionnaires municipaux à Montréal gagnent 20 pour cent de
plus, en moyenne, que leurs pairs de la fonction publique québécoise. Notre administration municipale a une
obligation, non pas simplement d'acheter la paix avec les syndicats, mais de négocier de manière ferme afin de
défendre les intérêts de ceux et celles qui financent l'administration municipale. Dans ce sens, nous sommes
heureux que l'administration montréalaise ait réussi à négocier avec le syndicat des cols bleus un partage plus
équitable des contributions à leur régime de retraite; ce sera un modèle à suivre lors des prochaine rondes de
négociations avec les autres syndicats municipaux.
5. La lutte à la corruption doit être au coeur de toute stratégie visant à limiter le fardeau fiscal des
contribuables :
Les témoignages et diverses autres preuves dévoilées devant la Commission Charbonneau ont démontré de
manière convaincante l'ampleur du coût imposé au contribuable montréalais par l'actuel système politique à
Montréal, dans lequel les campagnes électorales des élus et des partis politiques sont trop souvent financées
par des dons provenant d'entrepreneurs de la construction et d'autres fournisseurs de la Ville cherchant un
«retour d'ascenseur » dans la forme de contrats gonflés, de faux «extras»et d'une panoplie d'autres manoeuvres
frauduleuses. Même si le gouvernement québécois a annoncé son intention de réduire le seuil maximal des
dons aux partis municipaux, les conseillers et leurs partis politiques devraient avoir à s'engager -- comme Projet
Montréal l'a déjà fait -- à réduire le rôle de l'argent dans la politique municipale, en plafonnant leurs dépenses
électorales et pré-électorales à des limites beaucoup plus modestes que celles actuellement permises par la loi
et en interdisant des cocktails de financement à 1000 $ la tête auxquels seulement des fournisseurs cherchant à
acheter de l'influence politique ont intérêt à assister.
À ces engagements devraient s'ajouter la mise en place immédiate de mesures de transparence efficaces et
peu coûteuses -- notamment par la publication en ligne (comme le fait déjà le Plateau) des sommaires
décisionnels de chaque instance municipale avant les séances auxquelles les décisions sont prises, par la
webdiffusiondes séances de tous les conseils d'arrondissement de la Ville de Montréal (une autre pratique déjà
mise en place sur le Plateau mais toujours inexistante dans plusieurs autres arrondissements), et par
l'implantation de politiques pour faire respecter la loi québécoise qui oblige les lobbyistes à s'inscrire
publiquement, non seulement en ce qui concerne la gestion contractuelle (comme il est désormais le cas à la
Ville grâce à une initiative de Projet Montréal), mais aussi pour d'autres domaines, comme l'urbanisme, où des
décisions municipales peuvent avoir un impact important sur les profits réalisés par des intervenants privés.
Enfin, il mérite d'être souligné même si c'est une évidence, malgré le rôle clé que des élus des deux autres
partis municipaux sont soupçonnés d'avoir joué dans des stratagèmes de corruption, qu'élire des élus intègres
peut s'avérer une bonne stratégie pour limiter le fardeau fiscal des contribuables.
6. La nécessité d'un rapatriement de l'expertise à l'interne de la fonction publique montréalaise :
Le scandale des compteurs d'eau nous a démontré à quel point il est dangereux pour la Ville de trop dépendre
des expertises fournies par des firmes privées, sans pouvoir compter sur sa propre expertise interne. Trop
souvent, plutôt que de faire ses propres analyses, la Ville a embauché des sous-traitants au privé pour
s'occuper de tâches stratégiques -- telles la définition des besoins, la conception de projets, la rédaction et la
supervision d'appels d'offre, la sélection de soumissionnaires gagnants, la supervision des chantiers. Lorsqu'une
firme d'expertise externe qui joue ce genre de rôle a une relation d'affaires préexistante avec un soumissionnaire
gagnant -- tel qu'il fût le cas dans le scandale des compteurs d'eau -- le risque de conflits d'intérêts menant à
des coûts gonflés augmente considérablement. Les nombreux scandales de l'administration Tremblay et de
l'administration de Vision Montréal qui l'a précédée nous ont démontré à quel point il peut être dangereux pour la
Ville de se priver de sa propre expertise à l'interne et de devenir dépendante des firmes externes. L'intérêt du
contribuable exige que la Ville émette moins de contrats pour ce genre d'expertise et embauche plutôt ses
3. propres spécialistes dans des domaines stratégiques comme la génie, par exemple.
7. L'importance de mettre en place des structures municipales plus transparentes et imputables avec un
système plus clair de reddition de comptes
Pendant la dernière décennie, Montréal a vu une prolifération d'entités paramunicipales ou à but non lucratif --
dont Bixi, la Société du Havre et la SHDM -- qui ont été mandatées pour s'occuper de questions ou de secteurs
névralgiques pour la Ville mais qui ne relèvent pas directement de la Ville et pour lesquels les redditions de
compte au public et au conseil municipal étaient plus difficiles. En rapatriant ces entités à la Ville de Montréal, on
clarifierait les processus de reddition de comptes et rendrait ces organismes moins vulnérables à des dérives
éthiques ou financières.
8. Récupération des sommes payées en trop à cause de la corruption et la collusion
La Ville a déjà déposé des griefs pour récupérer 1,1 millions de dollars versés en pots-de-vin à trois de ces
anciens employés, mais cette somme ne représente qu'une petite fraction des sommes perdues à la corruption
au cours de la dernière décennie. Dans la mesure du possible, là où les prescriptions légales ne sont pas
encore atteintes, le service des affaires judiciaires de la Ville devrait intenter des poursuites afin de récupérer les
sommes volées.
Il y a, bien sûr, d'autres pistes à explorer -- une remise en question des budgets de la police qui augmentent
toujours, malgré la baisse du taux de criminalité, par exemple, ou une plus grande utilisation par la Ville des
logiciels libres afin de la rendre moins vulnérable aux grandes entreprises de logiciel et d'autres fournisseurs
privés. Cette liste est loin d'être exhaustive et je vous l'offre dans l'unique but de stimuler la discussion afin que
la grogne populaire concernant les taxes puisse se traduire à la recherche de véritables solutions.
Je tiens également à souligner que, l'évaluation foncière et la gestion des taxes municipales étant des
responsabilités de l'administration centrale de la Ville, notre administration d'arrondissement dispose de peu de
marge de manoeuvre dans le domaine des taxes municipales. Nous avons néanmoins fait tout en notre pouvoir
pour éviter d'avoir à imposer, comme la majorité des arrondissements montréalais l'ont déjà fait, une taxe locale
d'arrondissement pour les services, en plus de celle imposée par la Ville-centre, qui augmenterait encore plus le
fardeau fiscal de nos contribuables. C'est dans le but d'éviter l'imposition d'une telle taxe (comme le font
désormais de nombreux arrondissements montréalais dont des quartiers centraux comme Hochelaga-
Maisonneuve et le Sud-Ouest) que nous avons entre autres privilégié certaines mesures d'économie (en matière
du chargement de la neige, par exemple) et une tarification de l'utilisation du domaine public (pour le
stationnement, par exemple, ou les cafés terrasse sur le trottoir ou dans la rue) sur la base du principe de
l'utilisateur-payeur.
Quant à votre demande pour un gel de taxes municipales, je serais favorable à cette idée à condition qu'un tel
gel tienne compte de l'inflation, c'est-à-dire que l'on garantisse que les taxes n'augmenteraient pas plus
rapidement que le taux d'inflation. Un gel qui ne tiendrait pas compte de ce facteur serait irresponsable, à mon
avis, car il priverait la Ville d'importantes ressources au moment même où elle en a particulièrement besoin. À la
lumière des révélations de la Commission Charbonneau, il est urgent pour la Ville de renforcer ses systèmes de
contrôle et de supervision et son expertise à l'interne et qu'elle dispose des ressources nécessaires afin de
pouvoir effectuer d'avantage d'enquêtes et lancer des poursuites judiciaires dans le but de récupérer les
sommes volées aux contribuables. Ces activités essentielles coûtent malheureusement très cher et il serait
irresponsable en ce moment de priver la Ville des ressources nécessaires pour effectuer ces enquêtes, lancer
ces poursuites et implanter ces réformes.
À plus long terme, cependant, je crois avoir dressé une liste de mesuresqui aideraient certainement la Ville à
devenir moins dépendante des contribuables résidentiels et commerciaux pour financer ses activités. Les
membres de notre parti évalueront ces pistes de solution dans les prochains mois, dans le cadre de notre
révision de programme.
En terminant, je tiens à vous féliciter d'avoir mobilisé les citoyens autour de cet enjeu et plus particulièrement
d'avoir organisé l'événement du 11 février; ce fut un échange nuancé et intelligent et on a eu droit à une bonne
diversité de points de vue.
4. J'espère avoir offert de la matière à réflexion et que votre mobilisation en faveur d'un allègement du fardeau
fiscal des montréalais se poursuivra, tout en tenant compte des contraintes réelles auxquelles fait face
l'administration municipale.
En toute collaboration,
Alex Norris
Conseiller de la Ville -- District du Mile End
Arrondissement du Plateau-Mont-Royal
(514) 868-5191