Le rôle du gouvernement dans le système national de Recherche et d’Innovation
Dr. Emmanuel HASSAN, Expert LT - Gouvernance du Système National d’Innovation, Chercheur associé, iCite, Université Libre de Bruxelles, Belgique
Dynamiser ses voeux et événements protocolaires : décryptage du Grand Prix 20...
12 may 2015 le rôle du gouvernement dans le système national de recherche et d’innovation - emmanuel hassan
1. LE RÔLE DU GOUVERNEMENT DANS LE
SYSTÈME NATIONAL DE RECHERCHE ET
D’INNOVATION
RESULTATS PRÉLIMINAIRES
EMMANUEL HASSAN
LE PAYSAGE DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION EN
TUNISIE: ETAT DES LIEUX
11 ET 12 MAI, HAMMAMET, TUNISIE
2. La présentation d’aujourd’hui
I. La gouvernance de la politique de R-D et d’innovation
II. Le policy-mix pour la R-D et l’innovation
III. Les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
IV. Vers des recommandations
3. I. La gouvernance de la politique de R-D et d’innovation
• L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance jusqu’à la Révolution
• Les grandes orientations stratégiques à la veille de la Révolution
• La structure et les modalités actuelles de gouvernance
5. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
La recherche d’une fusion de la coordination verticale et horizontale
• La question d’une meilleure gouvernance du système tunisien de recherche et
d’innovation s’est posée dès la fin des années 60 avec l’émergence du système de la
recherche publique et n’a cessé d’être au cœur des débats sur la R-D et l’innovation
depuis lors.
• Les pouvoirs publics ont cherché jusqu’au milieu des années 2000 à réduire les
problèmes de coordination verticale et la coordination horizontale au sein du
système en essayant de regrouper les fonctions d’orientation, de programmation, et
d’évaluation au sein d’un nombre réduit d’institutions, voire d’une seule institution.
• Les exemples incluent le projet de création d’un Centre National de la Recherche
Scientifique et Technique en 1969, le Conseil de la Recherche Scientifique et
Technique (CRST) en 1982, la Fondation Nationale de la Recherche Scientifique
(FNRS) en 1989, et le Secrétariat d’État à la Recherche Scientifique et à la
Technologie (SERST) en 1992.
6. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
La recherche d’une fusion de la coordination verticale et horizontale
Institution Orientation Programmation Coordination
horizontale
Tutelle
CRST
(1982)
Oui Oui
En théorie: Recherche finalisée et non
finalisée
En pratique: préférence pour la
recherche finalisée (PNR)
Oui Enseignement Supérieur et
Recherche Scientifique
FNRS
(1989)
Oui Oui
Esssentiellement de la recherche non
finalisée
Oui Enseignement Supérieur et
Recherche Scientifique
SERST
(1992)
Oui Oui
En théorie: Recherche finalisée et non
finalisée
En pratique: Recherche finalisée (p. ex.
PNM) exécutée principalement dans les
centres de recherche sous sa tutelle.
Oui Premier Ministère
7. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
… Qui s’est traduite par des échecs successifs
• Toutes ces institutions soulèvent des problèmes de gouvernance horizontale et/ou
verticale.
• Le rôle de coordination horizontale de ces institutions n’a pas été accepté par
certains ministères sectoriels tels que le ministère en charge de l’Agriculture voire
par le ministère en charge de l’enseignement supérieur.
• La division des responsabilités entre les fonctions d’orientation et de programmation
du système national de recherche et d’innovation n’existe pas.
• La fonction de programmation est divisée entre plusieurs institutions.
• Qui plus est, le système national se développe et devient de plus en plus complexe
avec l’intégration de l’innovation technologique en tant que priorité des pouvoirs
publics à partir des années 1990. Autrement dit, la gouvernance verticale et
horizontale est dorénavant plus difficile.
8. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
Une multiplication des organes de conseil et de coordination à partir des années
1990, à l’instar de la gouvernance des SNRI des pays développés
• L’évolution montre également une tendance plus récente à la multiplication des
organes de conseil et de coordination créés par les pouvoirs publics en vue
d’améliorer la gouvernance du système. Ces organes sont créés au niveau des
ministères et du gouvernement.
• Le Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique est créé en 1996/97 et est présidé
par le Premier ministre, qui a sous sa tutelle le SERST. Le Comité Technique de la
Recherche Scientifique est créé au même moment auprès du SERST pour soutenir les
travaux du Conseil.
• En 2002, le Conseil Consultatif National de la Recherche Scientifique et de la
Technologique est créé auprès du ministère chargé de la recherche scientifique et de
la technologie, lequel assure son secrétariat. Ce ministère est l’ancien SERST mais est
toujours sous la tutelle du Premier ministère.
9. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
Une fonction d’orientation de plus en plus complexe
• En 2005, ce ministère devient le ministère de la Recherche Scientifique, de la
Technologie et du Développement des Compétences, mais il n’est plus dorénavant
rattaché au Premier ministère. En 2010, ses attributions relatives à l’innovation
technologique passent au ministère en charge de l’Industrie.
• Le Comité de Haut Niveau pour la Science et la Technologie est créé auprès du
Premier ministère en 2010.
• La même année, Le Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique devient le Conseil
Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique. Il est
toujours rattaché au Premier ministère. Son secrétariat est assuré par le ministère en
charge de l’industrie. Le Comité Technique de la Recherche Scientifique et de la
Technologie est supprimé.
10. L’évolution du cadre institutionnel de la gouvernance
Une fonction d’orientation présentant des défaillances à la veille de la Révolution
• En 2010, trois ministères occupent une position prédominante dans la fonction
d’orientation: le MESRS, le ministère en charge de l’Industrie et de la Technologie, et
le MDCI, sans compter les ministères sectoriels.
• Le Comité Technique de la Recherche Scientifique et de la Technologie est supprimé
alors qu’il assurait un mécanisme de coordination au niveau des ministères.
• Le Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique
n’inclut pas des acteurs clés comme le ministère en charge de la santé publique. Son
secrétariat est assuré par le ministère en charge de l’Industrie.
• Des duplications existent entre le Conseil Consultatif le Conseil Consultatif National
de la Recherche Scientifique et de la Technologique et le Comité de Haut Niveau pour
la Science et la Technologie.
11. Les grandes orientations stratégiques
Des grandes orientations stratégiques principalement horizontales
• La Tunisie ne dispose pas d’une stratégie nationale en matière de R-D et d’innovation
codifiée dans un document stratégique spécifique.
• Toutefois, contrairement à une idée répandue, le système national de recherche et
d’innovation de la Tunisie dispose jusqu’à la Révolution de grandes orientations
stratégiques définies par le MDCI en collaboration avec les parties prenantes dans le
cadre des Plans Quinquénaux de Développement.
• Bien qu’imparfaites, de grandes orientations stratégiques horizontales sont définies
dans le XIe Plan et le XIIe Plan.
• La plupart des pays développés ont également des stratégies basées sur de grandes
orientations horizontales.
• Toutefois, la Tunisie ne dispose pas de grandes orientations verticales sur le plan de
la recherche scientifique et de l’innovation technologique.
13. La structure et les modalités actuelles de gouvernance
Une gouvernance verticale défaillante
• Les deux organes de conseil et de coordination relevant de la Présidence du Gouvernance
(de même que le Conseil Consultatif) ont été mis en sommeil depuis la révolution et n’ont
pas été réactivés.
• Les activités de planification du MDICI ont été suspendues. Le système national de la
recherche et de l’innovation ne dispose plus de grandes orientations horizontales. De
grandes orientations verticales n’existent pas.
• Le MESRS, le MIEM, et les autres ministères sectoriels impliqués dans la R-D ne disposent
plus d’un cadre commun pour développer leurs activités.
• Il existe une confusion entre la fonction d’orientation et la fonction de programmation au
niveau des ministères. Les ministères entreprennent des activités qu’ils ne devraient pas
faire d’une manière prépondérante au lieu de s’occuper de la fonction d’orientation. Ces
activités devraient être prises en charge par les agences.
• Des institutions d’exécution de la R-D et d’interfaçage sont sous des tutelles multiples.
14. La structure et les modalités actuelles de gouvernance
Une gouvernance horizontale défaillante
• Le Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique
n’inclut pas le ministre en charge de la Santé Publique. Le Conseil n’est pas actif.
• Il n’existe pas un mécanisme formel de coordination entre les représentants
(directeurs généraux, directeurs) du MESRS, du MIEM, et des autres ministères
sectoriels investissant dans la R-D depuis la suppression du Comité Technique.
• Bien qu’il existe dans une certaine mesure un budget horizontal pour la recherche, il
n’y a pas de programmation conjointe (joint programming) entre le MESRS et le
MIEM (à défaut des agences).
• Les collaborations intersectorielles entre les principaux exécutants des activités de
R-D et d’innovation sont très peu développées. Les initiatives publiques sont à
certains égards dupliquées ou insuffisamment incitatives.
15. La structure et les modalités actuelles de gouvernance
Des activités de prospective, de suivi et d’évaluation de la R-D et de l’innovation
inexistantes
• La prospective technologique (technology foresight) n’est pas utilisée par les acteurs
des fonctions d’orientation et de programmation du système tunisien de la recherche
et d’innovation alors qu’elle permet d’aider à définir des orientations horizontales et
verticales selon des méthodes solides.
• Quasiment aucun suivi de la performance du système tunisien de recherche et
d’innovation et de ses composantes n’est effectué par les pouvoirs publics.
L’Observatoire National des Sciences et de la Technologie joue un rôle marginal. Le
suivi des mesures publiques est également imparfait et peu transparent.
• L’évaluation est inexistante dans le système tunisien de la recherche et d’innovation
limitant l’apprentissage et l’amélioration de celui-ci.
16. II. Le policy-mix pour la R-D et l’innovation
• Les mesures du côté de l’offre et de la demande
• Les autres aspects du policy-mix
• Le policy-mix et les liens avec la politique industrielle
17. Les mesures du côté de l’offre et de la demande
De nombreuses mesures du côté de l’offre à l’exception des mesures fiscales
indirectes
18. Les mesures du côté de l’offre et de la demande
Des instruments financiers insuffisamment utilisés du côté de la demande
19. Les autres aspects du policy-mix
Un policy-mix peu ciblé
• La combinaison des mesures publiques en faveur de la R-D et de l’innovation n’est
pas axée suffisamment sur des populations d’entreprises précises, par exemple les
très petites ou petites entreprises, les entreprises disposant de faibles capacités
d’innovation, les entreprises innovantes et/ou à forte croissance.
• Certaines mesures directes phares implémentées par le ministère en charge de
l’Industrie et du Bureau de Mise à niveau excluent les entreprises nouvelles et/ou les
nouveaux promoteurs (par exemple, PMN, ITP, PIRD) créant ainsi une pénurie de
financement dans les premières du cycle de l’innovation.
• La plupart des mesures financières et des mesures à effet catalyseur à l’exception du
RIITIC demeurent largement génériques. Elles ne ciblent pas de créneaux
stratégiques.
• Certes, des listes de domaines éligibles sont définies pour de nombreuses mesures et
varient parfois sensiblement d’une mesure à l’autre. Toutefois, ces listes sont larges
puisqu’elles couvrent généralement toutes les industries manufacturières et
plusieurs services liés à l’industrie.
20. Le policy-mix et les liens avec la politique industrielle
La politique industrielle ne repose pas assez sur une spécialisation intelligente au
sein de laquelle la R-D et l’innovation jouent un rôle moteur
• La Stratégie Industrielle à Horizon 2016 ne repose pas assez sur une politique de
spécialisation intelligente au sein de laquelle la R-D et l’innovation jouent un rôle
moteur.
• Le principal objectif de la politique de spécialisation intelligente est de concentrer
des ressources sur le développement d’activités pouvant transformer de manière
effective les structures économiques existantes au moyen de la R-D et de l’innovation
à travers différentes logiques: transition, modernisation, diversification.
• Malgré l’arsenal des mesures à caractère financier et non financier en Tunisie, la
combinaison optimale de ces dernières n’est pas suffisamment explicitée afin
d’atteindre les objectifs fixés par la Stratégie à travers différents moyens: attirer
capacités de R-D étrangères, accroître les capacités de R-D et innovation existantes,
créer et développer des PME innovantes, ou encore introduire de la R-D et de
l’innovation dans des secteurs peu intensifs en technologie.
21. III. Les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
• Le cadre réglementaire
• Le système financier
• L’éducation et la formation continue
22. Les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
Un cadre réglementaire favorisant peu l’investissement et la concurrence dans le
secteur privé
• Nombre des défaillances trouvent leurs origines dans le Code d’Incitations aux
Investissements de 1993 et les incitations offertes par ce dernier.
• Le cadre réglementaire tunisien pour l’investissement encadrant les investissements
et définissant les incitations est complexe sur le plan procédural et est caractérisé
par un manque de visibilité quant à l’application des incitations. En outre, il se révèle
particulièrement coûteux pour l’État au regard des résultats obtenus.
• Basé sur la 1972 portant création d’un régime offshore, ce Code introduit une
dichotomie au sein de l’économie tunisienne entre les sociétés offshore et les
sociétés onshore opérant notamment dans le secteur manufacturier. Il crée une
économie à deux vitesses, peu favorable à la R-D et à l’innovation.
• En outre, de nombreuses distorsions de marché existent dans les autres secteurs de
l’économie, notamment les services, limitant le processus de destruction créatrice.
23. Les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
Un système financier peu performant et développé
• Le système bancaire est encore dominé par des banques de petite taille et des
banques publiques peu performantes, limitant les possibilités pour les firmes
d’accéder à la finance externe pour financer leurs activités de R-D et d’innovation.
• Le système non bancaire (microfinance, crédit-bail, capital-investissement, secteur
de l’assurance, marchés de capitaux) occupe une place minoritaire en Tunisie.
• Le faible développement des marches de capitaux en Tunisie limite les options de
désinvestissement et les stratégies de sortie pour le capital-investissement et le
capital-risque, alors que les introductions en bourse sont généralement une option
privilégiée par les investisseurs.
• Ce faible développement limite également les sources alternatives de financement
pour les entreprises.
24. Les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
Un système d’enseignement supérieur en pleine expansion mais dont la qualité
montre des signes de faiblesse
• Alors que la population âgée de plus de 15 ans en Tunisie a une moyenne de 0,9
année de scolarisation en 1960, celle-ci s’élève à 7,5 années en 2010.
• Malgré cette hausse, La Tunisie se situe encore loin derrière le leader régional en
termes d’années moyennes de scolarisation, à savoir Israël (12,3), et des économies
avancées telles que les États-Unis (13,2) et la France (10,7) , et ce malgré l’effort
national conséquent consacré à l’éducation.
• La Tunisie produit un nombre important de diplômés, notamment dans les sciences,
l’ingénierie, et les domaines apparentés, mais qui ne trouvent pas facilement des
emplois de qualité en Tunisie.
• Par ailleurs, l’enseignement supérieur montre des signes de faiblesse au cours de ces
dernières années: entrées d’étudiants sans des compétences suffisantes, taux
d’encadrement, qualité de l’encadrement, etc.
25. IV. Vers des recommandations
• Investir plus et mieux dans la R-D et l’innovation
• Améliorer l’organisation et la gouvernance de la recherche publique
• Améliorer l’interfaçage entre la recherche publique et l’industrie
• Rendre la gouvernance institutionnelle du système national de recherche et
d’innovation plus efficace
• Améliorer les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
26. Investir plus et mieux dans la R-D et l’innovation
• Accroître et consolider le soutien public financier direct pour la R-D privée et
l’innovation industrielle
• Mieux concevoir et implémenter le soutien public financier direct pour la R-D privée
et l’innovation industrielle
• Améliorer la conception et l’implémentation des mesures financières à effet
catalyseur en faveur des entreprises
• Développer un meilleur policy-mix en faveur de la R-D privée et de l’innovation
industrielle et le mettre au cœur d’une politique industrielle ‘intelligente’
• Accroître et consolider le soutien public financier direct à la recherche publique
• Encourager le financement public de la recherche publique au moyen du
financement récurrent et du financement sur projet
27. Améliorer l’organisation et la gouvernance de la recherche
publique
• Mieux définir les rôles des principaux exécutants de la R-D publique
• Mieux doter les centres de recherche en corps A
• Améliorer la gouvernance interne des institutions publiques de recherche,
notamment des universités
• Rationaliser l’utilisation des équipements scientifiques lourds
• Alléger et clarifier le processus du financement récurrent et de suivi des structures
de recherche
• Modifier le statut du CNEARS et revoir ses missions
28. Améliorer l’interfaçage entre la recherche publique et l’industrie
• Mettre à jour les missions des centres techniques industriels
• Revoir le cadre juridique et le positionnement stratégique des technopoles/pôles de
compétitivité
• Créer des bureaux de liaison industrielle communs à plusieurs institutions publiques
de recherche
• Renforcer la recherche publique-privée et la mobilité intersectorielle des chercheurs
publics
• Alléger et clarifier le processus du financement récurrent et de suivi des structures
de recherche
• Modifier le statut du CNEARS et revoir ses missions
29. Rendre la gouvernance institutionnelle du système national de
recherche et d’innovation plus efficace
• Créer une Haute Autorité de la Science, de Technologie, et de l’Innovation
• Mieux définir les grandes orientations et les priorités
• Améliorer la coordination verticale et horizontale au niveau des ministères
• Renforcer les activités de suivi et d’évaluation
30. Améliorer les conditions-cadres pour la R-D et l’innovation
• Reformer la cadre réglementaire sur l’investissement privé et lever certaines
restrictions à la concurrence
• Rendre le secteur financier plus efficace
• Renforcer les ressources humaines pour la R-D et l’innovation