Quel paradigme pour l entrepreneuriat international
1. Quel paradigme pour I’entrepreneuriat
international ?
Claude Marcotte*
Universiti Concordia
Rbsumb Abstract
L’entrepreneuriat international partage avec les uutres International entrepreneurship, like the other subfields
sous-champs de 1‘etrtrepreneuriatla mime hitirogkniitk of entrepreneurship, covers many different topics.
des sujets d’itude et des approches kpistimologiques des Research in this area is based on different epistemologi-
chercheurs. Ces apptvches ne sont que rarement clari- cal assumptions that are rarely clarified or analyzed. Is
pies ou analyskes. Est-il possible Ci 1‘heure actuelle it possible to identify the main epistemologicalpositions
d’identifier clairement les principales positions ipisti- and the paradigmatic trends in international entrepre-
mologiques et les courants paradigmatiques en entrepre- neurship? The first objective of this paper is to analyze
neuriat international? L premier objectif de cette dude
U the epistemological background of the area and to iden-
est d’apporter des iliments de riponse a cette question tify the main paradigmatic trends in the two fields from
en analysant 1’heritage ipistimologique de ce domuine which international entrepreneurship is derived: entre-
d’itude ainsi que les courants paradigmatiques dans les preneurship and international business. A better under-
deux champs dont est issu ce dontaine, l’entrepreneuriat standing of these positions and trends may make the area
et la gestion internationale. Une meilleure connaissance easier to define, even i the topics are varied. The second
f
des positions adoptkes par les chercheurs peut con- objective is to std-v the question of specialization versus
tribuer a mieux definir 1 ’entrepreneuriatinternational, et integration of paradigms in this area. Should researchers
ce malgri la diversite des sujets d’ktude. L.e deuxikme reduce the number and diversiry of topics and methods.
objectif est d’itudier la question de la spicialisation ver- so that a unique paradigm ntay emerge, or should they
sus l’intigration des paradigmes dans la recherche en rather try to integrate differentparadigms?
entrepreneuriat international. Lloit-on, comme le pro-
posent certains chercheurs, riduire le nombre et la
diversiti des sujets d’itude et des mithodes employies
de facon a favoriser l’imergence d’un paradigme
unique, ou au contraire tenter d’intigrer diffirents
paradigmes?
L‘entrepreneuriat est un champ d’Ctude particulikre- quelques accomplissements scientifiquespasds, accom-
ment vaste et difticile ii dCfinir. La multiplicitC et plissements qu’une communautC scientifique reconnait
I’hCtCrogCnCitCdes domaines qui le composent, ainsi que pendant un certain temps comme le fondement de sa pra-
la grande diversid des approches theoriques utiliskes par tique N (Kuhn. 1970. p. 10). Dans leur Ctude sur I’Cvolu-
les chercheurs constituent des facteurs frkquemment tion du champ de I’entrepreneuriat entre 1986 et 1995.
tvoquts pour expliquer 1’Ctat de fragmentation des con- Aldrich et Baker (1997) ont conclu que la recherche dans
naissances en entrepreneuriat (Gartner, 2001; Low & le domaine n’Ctait pas basbe sur un paradigme clair:
MacMillan. 1988). La recherche dans ce champ n’a pas
encore atteint un degrC de cohCsion suffisant pour qu’on Coherence, from the normal science perspective,
puisse parler d’un paradigme de I’entrepreneuriat-ou consists in pursuing research that results in the
cumulation of findings over time, both within and
d’un Ctat de science normale-en ce sens que la across individual scholars’ work. Cumulation is gen-
recherche qui s’y fait n’est pas bas& sur (< un ou erated when a group of scholars comes to accept as a
world-view the discipline of a research paradigm that
defines both what are legitimate and interesting ques-
‘Professeur adjoint. kcole de gestion John Molson. Univenite tions and what are legitimate methods for attempting
Concordia. 1455 de Maisonneuve Ouest. Montdal (Quebec). Canada to answer them. Progress from this perspective has
H3G IM8.Coumel : cmarcotte@jmsb.concordia.ca been limited, in comparison both with past work and
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2. QUEL PARADIGME POUR L‘ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCOTTE
with more general, high quality organizational theoretical and methodological approaches em-
research. (p. 395) ployed by authors. (p. 905)
L‘Ctat pdparadigmatique de ce champ serait A la lecture de ce constat, on peut craindre que
attribuable selon Bygrave (1993) au fait que les I’tmergence de I’entrepreneuriat international contribue
chercheurs en entrepreneuriat ont adopt6 prCmaturC- ii allonger la liste des sous-champsdifflciles A cerner et ir
ment les orientations thkoriques et mCthodologiquesdu dCfinir, parce que reposant sur des paradigmes encore
paradigme plus mature des sciences physiques. II imprkcis. Est-il possible ir I’heure actuelle d’identifier
incombe donc aux chercheurs de dkvelopper un para- clairement les principales positions CpistCmologiques et
digme de I’entrepreneuriat qui tienne compte de la les courants paradigmatiques en entrepreneuriat interna-
nature unique, non continue et non IinCaire des com- tional? Le premier objectif de cette Ctude est d’apporter
portements des entrepreneurs. Ce caracttre plutbt chao- des ClCments de riponse ir cetk question en analysant
tique des comportements entrepreneuriaux oblige le I’hCritage Cpisthologique de ce domaine d’Ctude ainsi
chercheur h s’Cloigner des approches thCoriques diter- que les courants paradigmatiques en entrepreneuriat et
ministes calquCes sur les sciences dites exactes, et h en gestion internationale. Une meilleure connaissance
Cviter I’utilisation de methodes statistiques sophis- des positions adoptkes par les chercheurs peut contribuer
tiqukes. Gartner (2001). quant A lui, soutient que la h mieux dCfinir le domaine de I’entrepreneuriat interna-
crdation d’un paradigme plus mature en entrepreneu- tional. et ce malgd la diversit6 des sujets d’dtude. Le
riat passe par la division plus formelle du champ en deuxitme objectif est d’Ctudier la question de la @cia-
communautCs spCcialisCes dans un domaine spCcifique lisation versus I’intCgration des paradigmes dans la
tel que I’entrepreneuriat ethnique, I’entrepreneuriat recherche en entrepreneuriat international. Doit-on.
international, etc. Cependant Gartner ne prCcise pas comme le proposent certains chercheurs, riduire le nom-
comment les contributions au sein de chacune de ces bre et la diversit6 des sujets d’6tude et des mCthodes
communautCs pourront favoriser davantage le employCes de fason h favoriser I’Cmergence d’un para-
dCveloppement d’un paradigme unique pour tout le digme unique, ou au contraire tenter d’intkgrer les dif-
champ de I’entrepreneuriat. firents paradigmes?
Plut6t que d’envisager une fragmentation encore Dans la premitre section du texte, nous suggkrerons
plus grande du champ de I’entrepreneuriat. nous nous une definition de I’entrepreneuriat international. Dans la
concenttons dans ce texte sur les limites et les potentia- deuxitme section, nous analyserons I’hCritage Cpisti-
lit& thtoriques communes entre I’entrepreneuriat en mologique de ce nouveau sous-champ. Les principales
gCnCral et le domaine Cmergent de I’entrepreneuriat positions CpistCmologiques et les courants paradigma-
international. Nous nous intdressons Cgalement aux par- tiques en entrepreneuriat et en gestion internationale
ticularitis de ce domaine qui se situe au confluent de seront dkrits. II nous semble important d’insister sur le
I’entrepreneuriat et de la gestion internationale. fait qu’il s’agit bien dans ces deux domaines de courants
Malgri son jeune Ige, I’entrepreneuriat international de penske qui ne sont que rarement discutks dans la lit-
partage avec les autres domaines de ce champ la meme tCrature, et non pas de prises de position mitathdoriques
hCtCrog6nCitC des sujets d’Ctude. Quelques-uns de ces claires de la part des chercheurs. Nous adoptons le point
sujets recensCs dans la IittCrature sont: I’entrepreneuriat de vue de Burrell et Morgan (1979). h I’effet que les pos-
organisationnel dans diffkrents pays, les initiatives de tulats CpistCmologiques des chercheurs contribuent h
dCveloppement 6conomique. les caractdristiques et les dCterminer les paradigmes d’une discipline. Ces postu-
motivations des entrepreneurs, les alliances interentre- lats concernent la nature et les formes de connaissance.
prises et le transfert international de technologie, la crCa- Afin d’illustrer I’impact de ces postulats sur les
tion et le financement d’entreprises. les modes d’entde approches thioriques en entrepreneuriat international.
sur les march& internationaux, et les pays en transition nous fournirons des exemples issus du domaine du trans-
d’Europe de I’Est (McDougall & Oviatt. 1997, 2000; fert international de technologie, qui est le domaine de
Oviatt & McDougall, 1994). Comme le soulignent spdcialisation de I’auteur. Dans la troisitme section,
McDougall et Oviatt (2000) dans leur synthtse des arti- nous soultverons la question de la sp6cialisation versus
cles soumis lors du forum de recherche en entrepre- I’intCgration des paradigmes. Nous apporterons des
neuriat international: exemples de sp4cialisation paradigmatique puiks dans
les articles publits dans I’Cdition d’octobre 2000 de la
All of the topics identified above would appear to be revue Academy of Management Journal, dans le cadre du
important theoretically and relevant for practice. but forum de recherche en entrepreneuriat international.
their disparate quality makes it clear that there is no
unifying paradigm present within international entre- Nous proposerons tgalement un exemple d’indgration ir
preneurship. Similarly, there is great variety in the partir d’une Ctude de I’auteur. Finalement, en conclu-
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3. QUEL PARADIGME POUR L‘ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCCYlTE
sion, nous examinerons les impacts thCoriques et pra- trepreneuriat international. McDougall et Oviatt (2000).
tiques de ces considkrations CpistCmologiques. dans leur recension de la documentation, citent des
Ctudes faisant Ctat de deux aspects de I’entrepreneuriat:
les comportementset les attributs qui sont A I’origine de
Wfinition de I’entrepreneuriat international ces comportements, par exemple la cognition, I’appren-
tissage et la stratkgie. Cependant seuls les comporte-
Bien avant que I’entrepreneuriat international ne ments sont int6grC.s dans la dkfinition. En ce sens, cette
soit identitie comme un sous-champCmergent, la dimen- dCfinition est davantage schumpeterienne.
sion internationale Ctait dCjB sous-jacente B quelques- Comparons cette definition avec la conception des
unes des Ccoles de pensbe en entrepreneuriat. Ainsi entreprises internationales propoke p&&emment par
McClelland (1961) dans ses etudes sur les motivations McDougall, Shane, et Oviatt (1994). Les entreprises
des entrepreneurs, a recueilli des donnCes empiriques internationalessont des firmes qui, dts leur creation, ont
dans plusieurs pays afin de dCmontrer que le besoin des activitCs dans plusieurs pays. L‘explication fournie
d’accomplissement, qui expliquerait le comportement par McDougall et al. repose sur la thCorie de Kirzner
entrepreneurial,dimre d’un pays B I’autre et est corrCIC ( 1973). L e s entrepreneursqui mettent sur pied des firmes
avec le dCveloppement Cconomique des nations. De son internationales se distinguent par leur capacid B 2tre
cat6 Hagen (1960). suggdrait que le dCsir de rebellion CveillCs aux informations et connaissances sur les oppor-
contre certaines valeurs de la sociCtC traditionnelle tunitCs potentiellement profitables. Les aspects cognitifs
explique les comportements des entrepreneurs, particu- tels que la vigilance et la capaciti d’apprentissage cons-
litrement dans les rigions en dCveloppement. tituent les variables indipendantes qui dCbouchent sur
L‘entrepreneuriat international se diffdrencie tout des comportementsentrepreneuriaux.
d’abord de ces autres Ccoles de penke en se situant B la II y a dans ces deux faqons de concevoir I’entrepre-
jonction entre I’entrepreneuriat et la gestion interna- neuriat international une dualit6 tpisttmologique qui est
tionale (McDougall& Oviatt, 2000). Ensuite, des efforts symptomatique de la situation actuelle en entrepreneu-
sont maintenant dtployds afin de dCfinir plus clairement riat et en gestion internationale. Cette dualit6 est relike B
le domaine et d’intCgrer la dimension internationale au la conception qu’ont les chercheurs de I’acquisition des
caeur meme des propositions thCoriques issues de cette connaissances, qui est un des aspects importants de
dCfinition, plut6t que de I’introduire comme une exten- I’ipistCmologie. Lorsque les connaissancessont conques
sion d’une autre approche thborique-telle que I’ap- comme des ClCments tangibles et explicites, I’objet de la
proche des traits de personnalitd ou encore celle des fac- recherche est davantage comportemental et directement
teurs culturels. observable. Cependant quand on les conqoit sous leur
La contribution de McDougall et Oviatt (2000) au forme plus intangible et tacite, I’angle de la recherche
chapitre de la ddfinition de I’entrepreneuriat internation- pourra etre davantage interprktativiste et cognitif. II
al s’avtre particulitrement importante. Cette dtfinition. s’agit dans ce dernier cas de tenter de connaitre comment
basie en partie sur trois variables mesuries par Covin et les entrepreneursen viennent B acquCrir puis B utiliser les
Slevin (1989). est la suivante: u International entrepre- connaissances qui sont sources d’opportunitds.
neurship is a combination of innovative, proactive, and Supposons pour le moment qu’on peut dCfinir I’en-
risk-seeking behavior that crosses national borders and is trepreneuriat international de facon ouverte en y intC-
intended to create value in organizations n (cite par grant les aspects cognitifs et comportementaux. Le con-
McDougall et Oviatt, 2000. p. 903). De plus, le domaine cept de changement est B la base de notre dCfinition. II
inclut selon ces auteurs autant les grandes entreprises s’agit d’un concept clef en entrepreneuriat (Venkatara-
que les PME: I’entrepreneuriat organisationnel dans les man, 1997) et il est prisent dans I’approche dynamique
grandes entreprises est donc au programme de la nou- de Schumpeter ( 1961) et Kirzner (1973). Cependant. au
velle discipline. Finalement, les Ctudes dans le domaine lieu de considCrer le changement uniquement comme un
peuvent Etre faites au niveau des individus. des groupes dsultat des comportements entrepreneuriaux comme le
et des organisations. fait Schumpeter, nous le concevons comme un processus
Cette dkfinition a le mCrite d’inclure toutes les actif chez les individus, les groupes ou les organisations.
tailles d’entreprise, contrairementB une difinition prCcC- Nous proposons une dkfinition de I’entrepreneuriatinter-
dente offerte par Wright et Ricks (1994). qui associaient national en deux volets. II s’agit tout d’abord d’un
entrepreneuriat international et PME. I1 faut Cgalement processus de changement dans la capacid des individus,
remarquer I’orientation comportementalede cette dbfini- des groupes. ou des organisationsB percevoir les oppor-
tion: ce sont les comportements entrepreneuriaux tunitCs au plan international et B apprendre comment
mesurables, selon la mCthodologie dCvelop@e par Covin Cvaluer ces opportunids. Cette capacitC n’est donc pas
et Slevin (1989). qui constituent le sujet d’Ctude de I’en- inn& ou fixbe. Elle est plutat en processus de change-
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4. QUEL PARADIGME POUR L'ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCUITE
ment continuel. Le rCsultat Cventuel de ce processus-et These assumptions entail ideas. for example. about
le deuxitme volet de notre dCfinition-st I'augmenta- what forms of knowledge can be obtained, and how
tion des comportements d'innovation, qui peuvent Ztre one might son out what is regarded as 'true' from
what is to be regarded as 'false'. Indeed this dichoto-
par exemple la mise sur pied de nouveaux produits ou my of 'true' and 'false' itself presupposes a certain
services conjointement avec un partenaire d'un autre epistemological stance. It is predicated upon a view
pays. of the nature of knowledge itself: whether. for exam-
En proposant une dkfinition de I'entrepreneuriat ple, it is possible to identify and communicate the
international qui englobe d'une part les aspects de nature of knowledge as being hard, real and capable
of being transmitted in tangible form. or whether
dtcouverte et d'kvaluation des opportunitCs, et d'autre knowledge is of a softer. more subjective, spiritual or
part la dimension comportementale d'innovation, nous even transcendental kind, based on experience and
demeurons ouverts aux deux composantes importantes insight of a unique and essentially personal nature.
du phCnomtne entrepreneurial. comme le suggtrent (pp. 1-2)
Shane et Venkataraman (2000). Chacune de ces deux
composantes est issue d'une approche CpistCmologique Lorsque les connaissances sont consues par les
diffkrente. Une analyse de I'hCritage CpistCmologique de chercheurs comme des ClCments tangibles et
I'entrepreneuriat international nous permettra de mieux explicites, le paradigme est, selon le modtle de Bur-
situer ces approches. rell et Morgan, de nature positiviste. Le but des
chercheurs est alors d'identifier les relations stables
entre ces Cltments considCrCs de I'extCrieur. L'ap-
Heritage CpistCmologique de I'entrepreneuriat proche est objectiviste et calquCe sur les mtthodes des
international et courants paradigmatiques actuels sciences naturelles. Par contre, lorsque les connais-
sances sont conpes comme Ctant de forme tacite et
L'entrepreneuriat international a cette particularid intangible, le point de vue adopt6 par les chercheurs
de puiser des approches CpistCmologiques issues de deux est davantage subjectiviste. Le but est alors de dicou-
champs diffkrents qui faqonneront son evolution au plan vrir les schCmas de pensee adopt& par les repondants,
paradigmatique. Nous proposons dans cette section une sans chercher B imposer de I'extCrieur certaines stru-
synthtse des courants Cpistkmologiques en entrepre- ctures cognitives. Le paradigme est de ce point de vue
neuriat et en gestion internationale. Afin de mieux com- interpretatif et cognitif. MZme si cette fason
prendre I'impact des postulats CpistCmologiques sur les dichotomique d'analyser les positions CpistC-
approches thioriques des chercheurs, nous fournirons mologiques des chercheurs est contestable-dans la
des exemples issus du transfert international de tech- prochaine section, nous soultverons la question de
nologie, un domaine qui a dCjja CtC analysd sous I'angle I'intCgration des diffCrents points de vue CpistC-
de I'entrepreneuriat (Baumol, 1993). mologiques-elle peut nous servir de point de dipart
Le terme 4pisrPntofogie est utilid ici au sens de la B notre analyse des positions CpistCmologiques en
u connaissance de la connaissance >). c'est-&dire de la entrepreneuriat et en gestion internationale.
conception plus ou moins consciente qu'ont les Notre analyse est prCsentCe au tableau 1. Nous
chercheurs par rapport ii la nature et aux formes de con- avons rCsumC les deux formes de connaissance que
naissance. Dans le cas de la recherche en entrepreneu- Burrell et Morgan disignent par les termes connais-((
riat, la question CpistCmologique que nous soulevons est sances tangibles et a connaissances intangibles ou
))
la suivante : de quelle fason les chercheurs consoivent- personnelles n. Puis nous mentionnons les thCoriciens
ils I'acquisition et I'utilisation des connaissances rela- qui illustrent I'une ou I'autre de ces formes d'une
tives aux opportunitCs de la part des entrepreneurs? fason particulitrement Claire, tout d'abord en entepre-
Comme le soulignent Von Krogh and Roos (1995). les neuriat puis en gestion internationale. II va sans dire
Ctudes en gestion incluent rarement cette question CpistC- que les auteurs qui sont mentionnts ici ne sont pas les
mologique. Les postulats des chercheurs quant B la seuls qui ont contribuC 31 la recherche B I'intCrieur de
nature et aux formes de connaissance sont la plupart du leur cadre CpistCmologique. Cependant leur approche
temps implicites et peu articulCs. B la connaissance Ctait assez explicite pour que nous
Burrell et Morgan (1979) proposent une grille les considCrions comme des reprbsentants d'une posi-
d'analyse qui permet de situer la position Cpistb- tion Cpisthologique. Chacun d'eux a propose une
mologique des chercheurs. Cette grille prisuppose que conception spCcifique des connaissances et reprbsente
les postulats CpistCmologiques sont mutuellement un courant paradigmatique que nous analysons tout
exclusifs; autrement dit il est impossible de concevoir les d'abord dans la sous-section suivante sur I'hCritage
connaissances en mZme temps sous leur aspect tangible de I'entrepreneuriat, puis dans celle de la gestion
et intangible: internationale.
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5. QUEL PARADIGME POUR L'ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCCYlTE
~~
Tableau 1
Positions ~pist~mologigues entrepreneuriat et en gestion internationale
en
Postulats Principaux Conception spCcifique Courant
CpistCmologiques reprksentants des connaissances paradigmatique
Entrepreneuriat Connaissances Schumpeter (1961) Facilement accessibles : Instrumentaliste
tangibles Cgalement distribuees
Baumol(1993) Bien public
Connaissances Kirzner ( 1973, 1985) InCgalement distribuCes : InterprCtatif -
intangibles, sources d'opportunitb et cognitiviste
personnelles d'apprentissage
Shane et InCgalement distribukes : InterprCtatif-
Venkataraman (2000) processus de dCcouvene et cognitiviste
de dalisation d'opportunitCs
Mitchell, Busenitz, In fCrCes et in terprdties InterprCtatif -
Lant, et McDougall selon science cognitive cognitiviste
(2002)
Gestion Connaissances Buckley et Casson Bien public Positiviste
internationale tangibles ( 1976)
Connaissances Dunning ( 1993; 1999) Tacites et codifCes Positiviste
intangibles,
personnelles Kogut et Zander ( 1993) Surtout tacites Evolutionniste
L'hiritage de 1 'entrepreneuriat doing the thing, of which the leader's function con-
sists. (1961. p. 88)
L'influence schunipeterienne. L'approche schum-
peterienne conGoit I'entrepreneuriat comme le rCsultat II en va de meme pour les connaissances dans les
d'une nouvelle combinaison de ressources tangibles. Le organisations. Elles sont largement codifiCes ou facile-
processus cognitif de perception et d'interprktation des ment codifiables. Examinons I'impact de cette Cpistt-
opponunitCs ne figurait pas dans la thCorie de Schum- mologie sur la faqon de concevoir le transfert des con-
peter. Seule comptait I'action: les entrepreneurs sont des naissances d'une entreprise 2 I'autre.
i
gens qui agissent sur la base de possibilitts m-ou de
(( Pour Schumpeter, les connaissances dCtenues par
nouvelles combinaisons des ressources-ui sont per- les entreprises innovatrices sont facilement rep6rables
ceptibles pour un grand nombre de personnes dans la par les concurrents et donc facilement imitables. Le
sociCtC. Mais p2s peu de ces gens passent ii I'action. En monopole temporaire que dCtenaient les innovateurs est
parlant du leader qu'il associe avec I'entrepreneur, alors brisC. Par condquent, pour Schumpeter, les con-
Schumpeter dit naissances ne sont pas des ressources que les entreprises
peuvent exploiter de fason suffisamment durable en les
It is no paq of his function to 'find' or to 'create' new transfkrant ii d'autres entreprises. Ces dernibres, surtout
possibilities. They are always present, abundantly si elles sont dirigks par des entrepreneurs intuitifs, sont
accumulated by all sorts of people. Often they are
known and being discussed by scientific and literary capables par elles-memes de se les approprier et de
writers. In other cases, there is nothing to discover devenir des concunentes. Aussi les comportements des
about, because they are quite obvious... It is the innovateurs se veulent-ils dCfensifs. I1 s'en suit que le
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6. QUEL PARADIGME POUR L‘ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCOWE
transfert de technologie ne peut &re considCrC comme un par I’aeuvre de Schumpeter. II s’agit du paradigme
processus entrepreneurial, ni chez les fournisseurs ni instrumentaliste (tableau I , colonne de droite). Ce para-
chez les receveurs. digme, qui a plusieurs afinitCs avec le paradigme posi-
Baumol, dont I’inspiration est largement schum- tiviste (Keat & Uny, 1975). correspond bien il la fagon
peterienne, parle lui aussi du caracttre de M bien public B de concevoir I’CpistCmologie chez Schumpeter:
des connaissances dans les entreprises et de la grande
rapidit6 avec laquelle elles sont diffusks d’une organi- According to Schumpeter’s instrumentalism. a theo-
ry is an instrument and should be evaluated in light
sation il I’autre (Baumol, 1993, pp. 174-176). Cependant of its effectiveness in dealing with the problems it
il a M amend6 n la thCorie schumpeterienne en ce qui addresses, within whatever perspectives it is con-
concerne le transfert international de technologie; sa ver- structed. The forward looking view of a theory (for
sion met I’accent sur I’attitude offensive de cenaines what it is made) is much more important than the
entreprises lors du transfert de technologie: Ever since backward-looking view (how it is made). The notion
of effectiveness provides an alternative criterion to
the beginnings of the industrial revolution and undoubt- what is ordinarily conceived of as a truth ....
edly earlier, there has been a group of innovative entre- (Shionoya. 1997. p. 69)
preneurs who have found it profitable to allocate their
talent to the innovative dissemination of technology n En demeurant aussi ouvert que possible aux dif-
(Baumol. 1995, p. 26). Baumol dkcrit le caracttre inno- firentes approches thtoriques et mdthodologiques et en
vateur du processus de transfert de technologie autant privilkgiant I’Ctude des faits directement observables
chez les fournisseurs qui adaptent leur technologie au prClevCs dans des domaines d’Ctude disparates. ce para-
contexte du pays hate que chez les receveurs qui digme peut regrouper une majorit6 d’btudes dans le
innovent en amCliorant les praduits et procCdCs des champ de I’entrepreneuriat. Mais cette largeur de vue et
fournisseurs. cette polyvalence emptchent en meme temps la vCritable
Schumpeter et Baumol dCcrivent les comportements mise en aeuvre d’une communautC de chercheurs au sens
factuels des entrepreneurs, sans proposer de thdorie KhunCsien du terme. Cette communautd de chercheurs
dlaborie qui engloberait les facteurs qui dkterminent ces approfondirait un nombre restreint de probltmes il I’aide
comportementset qui expliquent le processus par lequel de dkfinitions prdcises et de rtgles qui leur seraient pro-
les entrepreneurs transforment les connaissances en pres et exclusives.
action. Cette absence de cadre thCorique ClaborC a CtC L’upproche cognirive. Un mouvement issu des sci-
soulevte par Bygrave (1993). qui soutenait que les ences cognitives prend forme depuis quelques annCes en
chercheurs en entrepreneuriat se laissent guider par le entrepreneuriat. Les concepts et les thdories qui sont i
paradigme des sciences physiques. Ce paradigme selon I’Ctude sont relativement bien articules et pourraient per-
Bygrave ne peut tenir compte de la nature des change- mettre I’imergence d’un paradigme interprktatif en
ments en entrepreneuriat,qui sont souvent discontinus et entrepreneuriat. Ce paradigme s’articule autour de la
difticiles 1 prddire et il expliquer en termes de rbgression perception des phinomtnes par les sujets eux-memes,
statistique. Un paradigme propre il I’entrepreneuriat par opposition ii I’approche positiviste oh les phCno-
devra pouvoir expliquer comment Cvolue ce processus mtnes sont CtudiCs de I’extbieur (Burrell & Morgan,
de changement chez les entrepreneurs. A cette fin. 1979). Les mCthodes sont alors plus qualitatives que
Bygrave recommandait I’utilisation d’Ctudes sur le ter- quantitatives, meme si ces dernitres peuvent aussi etre
rain, sous forme d’Ctudes de cas et aussi d’Ctudes longi- intCgrdes dans une approche multimdthode.
tudinales. Douze annks plus tard, Gartner (2001) con- Venkataraman ( 1997). Shane et Venkataraman
cluait que peu de progrts avait CtC accompli au niveau (2000). et Mitchell, Smith, Seawright, et Morse (2000)
paradigmatiqueen entrepreneuriat. II n’y a selon lui que ont proposC une telle approche qui prkconise une analyse
peu de dCbats entre les chercheurs et aucun question- du processus entrepreneurial plus << micro n que celle des
nement sCrieux sur les postulats qui orientent les choix deux approches prkcddentes. Venkataraman et Shane et
d’approches thioriques et mCthodologiques. Venkataraman ddfinissent le champ de I’entrepreneuriat
Ces observations laissent croire que les propos de comme I’etude des sources d’opportunids, du processus
Kuhn (1970) ne s’appliquent pas au champ de I’entre- de dCcouverte, d’dvaluation et d’exploitation des oppor-
preneuriat. En effet, une discipline qui n’a pas encore tunitCs, et des individus qui dkcouvrent, Cvaluent et
atteint le stade paradigmatique serait caractCrisie selon exploitent les opportunitCs, autant lors de la crkation de
Kuhn par des dCbats et des questionnements constants nouvelles entreprises que lors de changements dans les
sur des aspects fondamentaux de la discipline, que ce entreprises existantes. Ces chercheurs ont intCgrt5 dans
soit au plan thCorique ou mCthadologique. Une explica- leurs travaux les principaux concepts utilids par Hayek
tion possible est qu’il existe dCjh un courant paradigma- (1945) et Kixzner (1973) il savoir: la diffusion inkgale
tique dominant en entrepreneuriat, largement influencC des connaissancesdans I’Cconomie (Hayek), I’apprentis-
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sage et la vigilance ou la capacitC d'Cveil face aux infor- de connaissances un argument pour la thCorie de I'inter-
mations (Kirzner). nalisation:
Pour Mitchell et al., les cognitions entrepreneuri-
ales-ou les fasons dont les entrepreneurs et les firmes There is a special reason for believing that internal-
ization of the knowledge market will generate a high
acquitrent, Cvaluent et utilisent les connaissances-sont degree of multinationality among firms. Because
des variables andckdentes ou indkpendantesqui peuvent knowledge is a public good which is easily transmit-
permettre de pr6dire I'identification des opportunitCs et ted across national boundaries. its exploitation is log-
les comportements entrepreneuriaux chez les individus ically an international operation; thus unless compar-
ou dans les organisations. Leurs travaux sur les cogni- ative advantage or other factors restrict production to
a single country, internalization of knowledge will
tions entrepreneurialesse rapprochent de ceux effectuis require each firm to operate a network of plants on a'
en sciences cognitives (Simon, Egidi, & Marris, 1992 ; worldwide basis. (p. 45)
Simon & Siklossi, 1972). La mCthode qu'ils utilisent est
celle des << scripts >>. qui permet d'infirer les processus Les contributions de Buckley et Casson (1976) et
cognitifs qui guident les entrepreneurslors de la crkation Dunning (1993, 1999) se situent dans un cadre posi-
d'entreprises: N The degree of mastery of scripts appro- tiviste. Chez Dunning, meme si les connaissances tacites
priate for venture creation can only be measured indi- sont importantes. I'approche demeure quand meme axCe
rectly by inference or by observing objects that represent sur I'analyse des faits explicites. La revue de la IittCra-
the attributes under study, since scripts. as internal men- ture faite par Sullivan (1998) confirme que le paradigme
tal operations, are not directly observable n (Mitchell et positiviste, issu surtout de la science Cconomique, est
al., 2000, p. 982). encore dominant, mais qu'un changement de paradigme
Pour les cognitivistes, les connaissances sont semble en voie de s'opkrer en gestion internationale.
largement tacites et difficiles A transformer en Cepemdant il ne rentre pas dans les dCtails du contenu
habiletCs. Dans ce cadre, le transfert de technologie exact de ce paradigme naissant. La domination du para-
apparait comme un processus complexe parce que met- digme positiviste dans un domaine aussi complexe a CtC
tant en jeu les capacitds d'interprktation des humains. critiquke par Hench (1997). L'argument principal Cvo-
Les limites cognitives des dtcideurs font en sorte que quC par ce dernier est que la science Cconomique, et par-
ces derniers sont souvent incapables d'interpriter ticulitrement I'approche classique et nCo-classsique, ne
adiquatement les informations: leur myopie et leur peuvent Etre utilises en gestion internationale pour com-
cadre d'analyse trop Ctroit ralentissent souvent le prendre le processus entrepreneurial dans les organisa-
processus de transfert. En Ctudiant le processus d'ac- tions. La crCativitC et la capacitC de dCcouvrir de nou-
quisition, d'interprdtation et d'utilisation des informa- velles opportunitks sont des sujets rarement abordts en
tions chez les dkcideurs, ces auteurs tentent de mieux science Cconomique.
comprendre comment certaines personnes et certaines Dans les dernitres dkcennies, cette conception des
organisations parviennent B saisir les opportunitCs connaissances s'est progressivement nuancCe et
entrepreneuriales tandis que d'autres ne les voient pas plusieurs chercheurs ont intCgrC les distinctions entre les
ou ne les utilisent pas. connaissances tacites et codifides proposks par Polanyi
Tous ces chercheurs qui partagent I'approche cogni- (1964). Ainsi, Dunning (1993) reconnait que les con-
tive s'interessent davantage au processus sficifique de naissances sont h la base des activitds internationalesdes
traitement de I'information qui prCctde les comporte- entreprises, et qu'elles constituent un capital lors de I'in-
ments entrepreneuriaux. Les dsultats de ces comporte- vestissement direct h 1'Ctranget au meme tiue que les
ments, tels que la crCation d'entreprises ou I'innovation autres types d'actifs ou de ressources. Son M paradigme
dans les entreprises existantes. sont consus comme des Cclectique M de la production internationale inclut les
variables dkpendantes, contrairement A I'approche formes de connaissancestacites et codifiCes, qui permet-
schumpeterienne. tent aux firmes internationales de se donner des avan-
I,
tages uniques et spkifiques.
L'htiritage de la gestion internationale D leur cat&. Kogut et Zander (1993) ont propod
e
une thCorie tvolutionniste des entreprises multina-
II est intCressant de constater que les positions tionales, qui se veut le contrepoids de la thCorie de I'in-
CpistCmologi4ues des chercheurs en gestion interna- ternalisation. Pour les auteurs Cvolutionnistes, les con-
tionale semblent avoir suivi la meme tvolution qu'en naissances codifiks servent seulement de point de
entrepreneuriat. Jusqu'aux annks 1970, la conception dCpart I'apprentissage d'habiletbs nouvelles. Par la
des connaissances dans ce champ Ctait surtout apparen- suite, ce sont les connaissances tacites qui permettent le
tCe A un bien public (Buckley et Casson, 1976 ;Johnson, dCveloppementde ces habiletks. L e s entreprises multina-
1970). Ainsi Buckley et Casson ont vu dans cette forme tionales se sp6cialiseraient donc dans le transfert de
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Revue canadienne des sciences de I'administration
103 a 1 97-106
( ).
8. QUEL PARADIGME POUR L'ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARCUITE
connaissances tacites et uniques. La nature sp6cifique de comme le soulignait Bygrave ( 1993). la complexitk et la
leur savoir-faire prottge les firmes innovatrices contre nature dynamique des phCnomtnes entrepreneuriaux.
I'imitation de la part de leurs concurrents. Meme si ces La possibilit6, voire meme I'avantage de I'intCgration
derniers obtiennent des informations sur les innovations paradigmatique a CtC soulevie par Denzin (1978). Brewer
en cours dans I'entreprise, ils ne peuvent ni les utiliser et Hunter (1989). et Hassard (1993). La recherche bas&
rapidement ni les utiliser adiquatement parce qu'elles sur plus d'un paradigme est possible et souhaitable selon
sont insuffisantes. II leur manque les connaissances spC- eux. La triangulation et I'approche multimCthode rendent
cifiques et tacites, ainsi que les habiletCs qui sont le possible I'intCgration des paradigmes. Un exemple d'intC-
rdsultat d'un apprentissage localid et propre B chaque gration paradigmatique et de triangulation des mdthodes
firme. d'Ctude dans le domaine du transfert international de tech-
Le paradigme Cvolutionniste auquel adhtrent Kogut nologie est fourni par Marcotte et Niosi (2000). Lors
et Zander (1993) vise a dCpasser les limites du para- d'une Ctude sur le transfert de technologie en Chine, ces
digme positiviste. Le transfert et I'exploitation des con- auteurs ont utilid I'enquCte par questionnaireet les Ctudes
naissances tacites par les entreprises sont au caeur de ce de cas afin de mieux connaitre les aspects de connais-
paradigme. Les ivolutionnistes tels que Nelson et Win- sances et d'apprentissage lors du transfert. Une partie de
ter (1982) proposent une dCmarche qui tient compte des ces aspects se pretait 21 une approche objectiviste,mais une
capacitCs entrepreneuriales des individus et des entre- autre partie de I'itude, notamment sur le processus d'ap
prises. Ce paradigme difere aussi du paradigme posi- prentissage, nkessitait I'utilisation de mCthodes interpri-
tiviste et instrumentaliste par I'emphase mis sur I'ap- tatives telles que les Ctudes de cas. Celles-ci Ctaient nkes-
prentissage et les habiletCs nicessaires pour reconnaitre saires B cause du manque de donnks disponibles dans la
les opportunitCs (Witt, 2002). litdrature: le caracttre relativement nouveau, complexe et
dynamique du processus d'apprentissage lors du transfert
international de technologie ne permettait pas la construc-
Sptkialisation ou intdgration des paradigmes en tion et I'utilisation de mCthodes quantitatives.La synergie
entrepreneuriat international? entre I'approche objectiviste et interpktativiste a permis
aux auteurs de mieux cerner les differentes facettes de
Deux thtses s'affrontent sur la question de la com- I'apprentissage.
patibilitC possible entre les paradigmes. D'un c6tC. Kuhn La nature complexe, dynamique et encore ma1 con-
(1970) et Burrell et Morgan (1979) soutiennent que les nue des phCnomtnes entrepreneuriaux fait en sorte que
chercheurs ne peuvent travailler qu'a I'intCrieur d'un les chercheurs se doivent de demeurer ouverts aux dif-
paradigme unique. Toute intkgration paradigmatique est fkrents points de vue CpistCmologiques. I1 peut paraitre
impossible puisque les postulats de chaque paradigme prematurd d'ignorer I'un ou I'autre de ces points de vue.
sont incompatibles entre eux. Les chercheurs en entre- que ce soit le point de vue objectiviste ou subjectiviste.
preneuriat international semblent avoir adopt6 ce point II serait Cgalement inopportun de considCrer I'un des
de vue de la spicialisation paradigmatique. Ainsi. les paradigmes comme << supdrieur B B I'autre. et de
articles publids dans I'Cdition d'octobre 2000 de la revue souhaiter I'Cmergence d'un paradigme unique en entre-
Academy o Management Journal, dans le cadre du
f preneuriat. L'intCgration paradigmatique doit Ctre con-
forum de recherche en entrepreneuriatinternational, sont sidCrCe comme un objectif dalisable.
tous issus du paradigme positiviste, B I'exception de I'ar-
ticle de Mitchell et al. dCcrit plus haut. Par exemple,
Autio, Sapienza, et Almeida (2000) ont CtudiC les effets Conclusion
de I'Lge des entreprises, des connaissances acquises et
de I'imitation sur la croissance internationale des entre- Nous avons proposC au debut de ce texte une dCfini-
prises. De mCme, Zahra, Ireland. et Hitt (2000) ont tion de l'entrepreneuriat en deux volets. L'entrepreneu-
CtudiC la relation entre la diversit6 au plan international, riat est d'abord I'Ctude des changementsdans la capacitd
le mode d'entrbe sur les marches internationaux, I'ap- des individus, des groupes ou des organisations a
prentissage technologique et la performance. Aucune percevoir les opportunitis au plan international et B
allusion n'est faite dans ces travaux A la possibilitk que apprendre comment Cvaluer ces opportunitis. Le second
les phCnomtnes en prksence puissent Ctre mieux compris volet est I'Ctude des comportements d'innovation chez
grLce a I'inclusion des points de vue subjectifs des les individus. les groupes ou les organisations. Chacune
acteurs. MCme si ces travaux sont importants et con- des composantes de notre dkfinition est issue d'une
tribuent B I'augmentation des connaissancesen entrepre- approche CpistCmologique diffdrente.
neuriat international, ils auraient une portCe encore plus L'une de ces approches voit dans la rbpartition
grande si leurs auteurs avaient pris en considCration, inkgale des connaissances entre les individus ou les
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Revue canadienne des sciences de I'administration
104 a( 97- 106
I).
9. QUEL PARADIGME POUR L'ENTREPRENEURIAT INTERNATIONAL ? MARC07TE
organisationsdes opportunitCsd'apprentissage. Les con- ton & R. Smilor (Eds.). Enrrepreneurship 2000 (pp. 377-
naissances sont intangibles et tacites. Cette approche est 400). Chicago: Upstan Publishing.
A la base du paradigme interprktatif et cognitiviste qui Autio. E.. Sapienza. H.. & Almeida. J. (2000). Effects of age of
semble Cmerger en entrepreneuriat. L'autre approche entry, knowledge intensity, and imitability on internation-
al growth. Academy of Managemenr Journal, 43.909-924.
consid2re les connaissances comme Ctant explicites et
Baumol. W. (1993). Enrrepreneurship, managemen1 and the
facilement accessibles. Cette conception est A la base du
s/ruc/ureo payoffs. Cambridge, MA: MIT Press.
f
paradigme instrumentaliste. Baumol. W.J. (1995). Formal entrepreneurship theory in eco-
Nous avons not6 en gestion internationale une rCori- nomics: Existence and bounds. Dans 1. Bull, H. Thomas,
entation vers des positions CpistCmologiques diffdrentes. & G . Willard (Eds.). Entrepreneurship: Perspecrives in
La prkdominance des connaissances tacites et les possi- theory building. Oxford: Elsevier Science.
bilitds d'apprentissage et de concurrence par I'acquisi- Brewer, J. & Hunter, A. (1989). Mulrimerhod research: A syn-
tion et le transfert de ces connaissances est caractdris- thesis of sryles. Newbury Park, CA: Sage Publications.
tique du paradigme Cvolutionniste. Buckley. P.J. & Casson, M.C. (1976). The future of the multi-
Est-ce que les approches CpistCmologiques et les national enterprise. London: Homes & Meier.
courants paradigmatiques en entrepreneuriat internation- Burrell. G.& Morgan. G. ( 1979). Socio/ogicalparadigms and
organisarional analysis. London: Heinemann.
al peuvent Ctre intCgrCs, ou est-ce qu'une seule approche
Bygrave. W. (1993). Theory building in the entrepreneurship
et un seul paradigme doivent dominer pour que ce paradigm. Journal o Business Venruring,8. 255-280.
f
domaine accUe vraiment au stade paradigmatique tel Covin, J.G. & Slevin, D. (1989). Strategic management of
que le prCtend Kuhn (1970)? Ce dernier parle de I'in- small firms in hostile and benign environments. Strategic
commensurabilitCdes paradigmes qui renvoie A I'incom- Managemenr Journal, 10.75-81.
patibilitC entre les facons de voir des chercheurs, leur Denzin. N.K. (1978). The research a d . New York: McGraw-
incapacitk A s'entendre sur ce qu'est << la vraie science >>. Hill.
Or, il n'est pas impossible qu'avec davantage de recul et Dunning. J.H. ( 1993). Mu/rinationaI enterprises and the glob-
de perspectives, certains chercheurs et surtout des al economy. Reading MA: Addison-Wesley.
Cquipes de chercheurs puissent en arriver A une intCgra- Dunning. J.H. (1999). Trade, location of economic activity and
tion des paradigmes qui rendrait possible la mise sur the multinational enterprise: a search for an eclectic para-
pied de schCmas de recherche plus complets. L'approche digm. Dans RJ. Buckley & EN. Ghaury (Eds.). The h e r -
nationalizarion of thejnn (2nd ed.) (pp. 61-80). London:
multimkthode permet alors la triangulation non seule- International Thomson Business Press.
ment au plan mkthodologique mais aussi au plan Canner. W (2001). Is there an elephant in entrepreneurship'?
.
thCorique et paradigmatique. Les dimensions moins tan- Blind assumptions in theory development. Enrrepreneur-
gibles, plus complexes et moins Maires du champ de ship Theory and Pracrice, 25.27-39.
I'entrepreneuriat pourraient alors Ctre davantage prises Hagen. E. ( 1960). The entrepreneur as rebel against traditional
en considkration. La nature complexe, changeante et society. Human Organizarion. 19 (4). 185- 187.
encore ma1 connue des phCnom2nes entrepreneuriaux Hassard. J. ( 1993). Sociology and organizarion theory: Posi-
fait en sorte que les chercheurs ne peuvent ignorer les rivism. paradigms and postmoderniry. Cambridge: Cam-
diffirentes points de vue Cpisthologiques, que ce soit le bridge University Press.
point de vue objectivisteou subjectiviste. II serait Cgale- Hayek. F (1945). The use of knowledge in society. American
.
Economic Review, 35 (4). 5 19-530.
ment prhaturk de considkrer I'un des paradigmes
Hench, T. (1997). The domain of international business: Para-
comme << supirieur >> I'autre, et de souhaiter I'Crner-
digms in collision. Dans B. Toyne & D. Nigh (Eds.),
gence d'un paradigme unique en entrepreneuriat. International business: An emerging vision (pp. 90-
Les considirationsm6tathCoriques contenues dans ce 100). Columbia, SC: University of South Carolina
texte peuvent avoir un impact sur la perception qu'ont les Press.
entrepreneurs. les gestionnaires et les dkideurs de la Johnson. H. (1970). The efficiency and welfare implications of
recherche en entrepreneuriat. En prenant le plus possible the multinational corporation. Dans C. Kindleberger
en considdration le point de vue des acteurs, les chercheurs (Ed.), The in/erna/ional corporation. Cambridge. MA:
peuvent augmenter non seulement la port& scientifique de MIT Press.
leurs travaux, mais aussi susciter davantage I'intkrCt des Keat. R. & Uny. J. (1975). Social rheoty as science. London:
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