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Université Montpellier I




COURS DE DROIT PENAL DU
       TRAVAIL


                                   Notes personnelles




        Année 2008-2009
Droit pénal du travail

      Note sur l’examen final : il s’agira d’un commentaire d’arrêt ou d’une
dissertation en une heure trente.



Bibliographie

      Chez Litec, Droit pénal du travail. Ou encore chez Monchrestien. Sinon
consulter le jurisclasseur. En que sais je, Le risque pénal du travail est intéressant. Le
code du travail 2009 parait indispensable.



      Le cours sera composé de 11 thèmes, avec une introduction générale préalable.
Nous commencerons par un thème pivot à savoir l’inspection du travail. Notons que les
thèmes 5 à 7 sont les plus importants.



                                 Introduction générale

      Le droit social est une notion plus importante que celle de droit pénal du travail,
car aucune règle n’est à part. Le droit pénal est avant tout règlementaire, peu légal.
Dans la fin des années 70 / début des années 80, la réponse des magistrats à cela a
été la création du droit social. Dans les années 1990 le législateur est venu écrire
dans le préambule des réformes que la jurisprudence devait être codifiée dans la
réglementation.



      Pourquoi a-t-on désigné « droit pénal du travail » quelque chose qui n’existe
pas ? La source est le Code du travail, recueil qui s’impose au Juge, on ne peut y
déroger par convention. Il s’agit de mesures impératives. Par parenthèse notons que
l’opposé, les mesures supplétives, s’appliquent dans le silence contractuel.


      L’ordre public a deux dimensions désormais. Une peut être dérogée, au sens
favorable au salarié. Une autre seulement quand les partenaires sociaux le décident.



      Pourtant existe un corps de règles important d’ordre public, basé sur un
postulat celui d’un salarié faible / employeur fort. L’objectif du droit du travail est le
rééquilibrage de cette relation, en imposant un déséquilibre par la création d’un droit
d’ordre public.


                                                                                        2
De plus, les dispositions créent un déséquilibre juridique ; d’où la question de
l’efficacité de la réglementation = l’Etat doit engager la puissance publique, donc
créer des mesures répressives. Le droit du travail nait donc répressif. Dans le code
du travail actuel on trouve pour chaque mesure organisationnelle une qualification
pénale + une sanction pénale.



      Il n’y a donc pas de droit pénal du travail, on fera du droit social, d’un point de
vue particulier.



       Si l’on observe l’ensemble des mesures répressives, on devra en déduire les
originalités, les dérogations par rapport au droit commun. De plus, on observera
l’interprétation jurisprudentielle, distincte le cas échéant. On attend pourtant du
Juge qu’il applique strictement le droit.


       Depuis quand date le droit du travail ? 1810 ou 1804, apparitions des codes
pénal et civil. Dans le premier code pénal on ne trouve rien en termes de droit de
travail à part par rapport aux ouvriers journaliers. Sinon, la qualité de salarié est une
circonstance aggravante dans certaines infractions… Notons le délit de coalition
ouvrière, abrogé en 1843. Dans le premier code civil on trouve le contrat de louage et
le contrat d’ouvrage.



       Au début des années 70, il est nécessaire de réformer le droit social dans le
courant d’où césure conception classique / moderne axée sur la réglementation. Pour
ce faire, une nouvelle vague de codification survient.



      Ainsi la loi du 5 juillet 1972 « Loi portant réforme des pénalités du travail ».



      Après les années 70, chaque réforme comportera un volet répressif. Les
réformes du droit pénal lui-même vont être influentes en droit du travail. De plus,
dans le contexte salarié, les interprétations pénales jurisprudentielles vont être
spécifiques. De plus, des sources spéciales vont avoir des effets normatifs à savoir
les accords et conventions collectives. Chaque mesure civile du Code du travail a sa
protection pénale. Quid de la violation conventionnelle ? Peut on poursuivre au pénal ?
Le principe de légalité en droit pénal existe, donc un texte qualifiant et prévoyant
doit exister. Longtemps la jurisprudence a hésité. La chambre criminelle a interprété
strictement, il n’est pas possible de poursuivre.

                                                                                         3
Mais certains arrêts autorisent les poursuites pénales. L122-63-1 organise
désormais les qualifications pénales. Seul le non respect des dispositions d’un accord
de convention collective étendu donne lieu à infractions pénales.




                          Thème 1. L’inspection du travail


                                                                                    4
Le droit pénal est incarné par le procureur de la république, mais en droit pénal
du travail c’est l’inspecteur du travail qui l’incarne. Cela pour différentes raisons. Il
bénéficie d’une expertise technique évidente. Ses prérogatives lui permettent
d’autoriser les poursuites pénales ou de les éviter. Cependant l’opportunité de
poursuivre demeure le Parquet / le Procureur de la république. Cependant ce dernier
est seul face à un territoire géographique énorme. Il peut être informé par la délation
citoyenne. Il est renseigné par la victime de l’infraction. Mais le procureur de la
république reste surtout informé par la police judiciaire et la gendarmerie. (art 14
CCP). La police est judiciaire car au service de la Justice. De plus, la police défère en
réquisition.



       En matière sociale, la police judiciaire demeure bien entendu compétente. L82-
71-13 du code du travail vise l’OPJ pour les infractions à la réglementation sociale.
D’autres fonctionnaires sont habilités, ceux à la compétence spéciale, sur territoire
limité. Agents DGGCRF.



       En matière sociale, L91-13 et suivants font de l’inspecteur du travail le corps
spécialement limité. Comparé à la plupart des fonctionnaires spécialement habilités,
cet inspecteur du travail dispose de plus de prérogatives, originales. Contrairement à
l’inspecteur des douanes, à l’OPJ… Il a des prérogatives plus larges, plus efficaces.
L’encadrement est assuré par des dispositions exorbitantes de droit commun. Dans ce
contexte nous envisagerons compétence / pouvoir / protection.



      Une loi de 1882 a édicté un premier corps de règles. L’instauration par l’Etat
pourtant régalien. On a une loi de 1884 par rapport à la protection sociale par ailleurs.
On a créé l’administration ex nihilo. Des règles de subsidiarité ont été posées,
aujourd’hui dites hygiène et sécurité.



      Notons que les inspecteurs et contrôleurs du travail sont soumis à une
hiérarchie organique Ministre / Dr national / Dr régional / Dr départemental …



      Sur le plan fonctionnel, chaque agent est indépendant (pour dresser un PV en
particulier). CE 1977 : recours contre PV d’un inspecteur se fait contre le ministre.



        Depuis la réforme, il existe un seul corps interministériel, un seul statut. Même
si 3 filières sont concernées, générale, agricole et transports.


                                                                                       5
Les inspecteurs le sont statutairement par voie de concours. Ils sont environ un
tiers sur le terrain.



                    1. La compétence de l’inspecteur du travail

a. La compétence territoriale

      Signalons qu’elle n’est pas classique. On la nomme commissionnement
administratif. Elle est professionnelle en plus d’être géographique. De plus, ce
commissionnement est déterminé librement par le directeur départemental du travail.



      Cette répartition interne a donc comme limites le département. Aucun minimum.
De plus, le territoire professionnel dépend du secteur, mais le directeur
départemental du travail et l’inspecteur général de la filière concernée vont répartir
la compétence selon la taille des entreprises contrôlées.



       Dans son fonctionnement, la compétence de l’inspecteur a un traitement
original. Hors du commissionnement administratif un inspecteur ne peut traiter faute
de procédure pénale entachée de nullité.



      Dans l’hypothèse d’un PV dressé hors de la section territoriale la nullité
n’entache pas la reprise des poursuites (Crim. 29 octobre 1991).



     L’inspecteur peut dresser des PV sur la base d’informations collectées sur sa
formation territoriale sans les constater personnellement.



       Cependant une réserve = seules les informations sur la base d’éléments situés
sur le territoire de l’inspecteur du travail (Crim. 9 décembre 2003).



b. La compétence matérielle

      L’inspecteur du travail constate les infractions au code du travail et aux lois et
règlements. = réglementation sociale dans son ensemble, avec les textes non codifiés
(par exemple la loi de 1978 par rapport à la mensualisation du salaire). Un arrêté
municipal ou préfectoral peuvent ainsi être de mise, par exemple un arrêté municipal

                                                                                      6
interdisant le travail le     dimanche. L’inspecteur du travail a compétence pour
sanctionner les infractions du code du travail, du code de la sécurité sociale,
n’importe quel corps de règles mentionnant explicitement sa compétence. Exemple
225-2 alinéa 3 du code pénal, par rapport aux discriminations abusives.



      Des règlements communautaires peuvent avoir des effets. Ainsi du règlement
de 1985 sur le transport terrestre par exemple. Ce texte entre dans le champ
matériel (temps de conduite et temps de repos).



                      2. Les pouvoirs de l’inspecteur du travail

      Moyens / Outils / Attributions.

a. Les moyens

      Trois outils.



       1. Le droit d’accès. A tous les établissements et lieux où la réglementation
sociale s’applique (Seules exceptions = certaines entreprises du ministère de la
défense). + locaux affectés uniquement à l’habitation ne sont pas concernés personnel
de maison par exemple. L’inspecteur peut accéder sous condition d’autorisation des
occupants. Crim. 19 mars 1985. Les OPJ sont limités sur 6h-21h au contraire. Crim. 14
décembre 1912.



      2. Le droit d’enquête

       Ce droit organise une suite au droit de visite, dans le prolongement l’inspecteur
peut parcourir et analyser différents moyens. Il peut procéder à tout prélèvement.
44-11-5. Ordonner saisie d’un matériel, … Ce droit d’enquête permet l’audition des
salariés ou de toute personne au sein des locaux où il accède. L’employeur ne peut
s’opposer à cela. Même si le fonctionnement s’en trouve perturbé ; Crim. 22 juillet
1981.



       Cependant au contraire de l’OPJ il ne peut user de moyens contraignants ; on
peut donc garder le silence. Les réponses ne doivent être mensongères sous peine de
délit d’obstacle ; Crim. 22 octobre 1987.




                                                                                      7
3. Le droit de communication

      A l’occasion des visites, l’inspecteur doit avoir accès à tous les documents
exigibles à première demande et prévus par la réglementation sociale. Seuls ces
documents peuvent être exigés par l’inspecteur. Par exemple la comptabilité ne peut
être communiquée. Crim. 17 mars 1992.


(…)


b. Les attributions de l’inspecteur du travail

      Elles sont elles aussi originales, exorbitantes du droit commun. Ce qui est
essentiel dans leur examen, c’est moins l’action pénale que les attributions
alternatives dont il dispose, qui sont à la fois prévues mais encouragées.



                             Paragraphe 1. L’action pénale

       Le procès verbal de l’inspecteur du travail marque l’enclenchement d’un
processus qui peut conduire, dès lors que le procureur de la république déclenche
l’action, à des poursuites pénales. Ceci dit le fonctionnaire de police, l’agent de la DDE
ou celui de la DGGRF dressent aussi le procès verbal, proposant ainsi d’engager
l’action publique. L’inspecteur du travail dispose cependant sur ce terrain de
prérogatives exorbitantes du droit commun ; en effet il dispose d’un pouvoir
d’appréciation quant à la constatation de l’infraction. Classer sans suite ou déclencher
l’action publique est le pouvoir d’opportunité du procureur. L’inspecteur du travail,
quand il constate une infraction, est libre de dresser procès verbal ou de ne pas le
faire. CE 3 octobre 1997. A contrario le CPP impose au fonctionnaire chargé de
constater et traiter les infractions de dresser sans délai PV. L’inspecteur peut
différer le PV, faire une recommandation, un avertissement … L’inspecteur dispose en
somme d’un quasi pouvoir d’opportunité. Si l’inspecteur ne dresse pas, alors c’est
comme s’il classait sans suite. En revanche il n’a pas de pouvoir de poursuite.
L’inspecteur décide arbitrairement de dresser ou non ; a contrario le procureur est
soumis à une hiérarchie fonctionnelle. L’inspecteur n’est donc pas contrôlé dans son
choix, il s’agit bien d’une prérogative exorbitante.



                     Paragraphe 2. Les attributions alternatives

      Ces attributions renforcent l’originalité de l’institution. Par nature, l’inspecteur
du travail peut adresser des recommandations / conseils / avertissements voire des
                                                                                        8
injonctions.   Ces    attributions   sont     déjà    sur     ce   terrain   encouragées    par
l’administration, et ce depuis force années. Une anecdote ; en 1998 par rapport à la
réforme du temps de travail, Martine Aubry a imposé plusieurs circulaires pour
rappeler en substance que le PV n’est pas le strict but de la profession. Elle adoptera
finalement une directive pour étouffer la grogne de l’inspection. Les attributions
alternatives sont très encouragées. On voit ici que le droit pénal est du droit social.
On insiste donc bien sur l’appui à la force de conviction de la réglementation sociale
dans sa dimension organisationnelle.



      Notons 77/165, publiée au JO du 18 juillet 2006, réponse ministérielle
recommandant à l’inspection du travail un usage prépondérant des sanctions
administratives. Ce type de circulaire rappelle que l’inspecteur                   peut faire
recommandations, conseils, injonctions…



      Ces attributions alternatives ne sont pas tous issus de la jurisprudence ; dans
l’arsenal réglementaire à disposition de l’inspecteur, il existe d’autres types
d’attributions encadrés, se distinguant de l’enclenchement de l’action publique. Ainsi,
l’inspecteur peut saisir le juge des référés. Deux domaines spécifiques : d’abord
L47-32-1, ancien L263-1 ; lorsqu’un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un
travailleur ou lorsqu’un danger grave et imminent par rapport à hygiène / sécurité.
Ensuite L32-13 : l’emploi illicite d’un salarié en infraction aux dispositions relatives au
repos hebdomadaire dominical = du dimanche. Dans ces deux domaines le juge des
référés peut être saisi. Quel est le juge compétent ? Le juge du droit commun. Bien
entendu, l’inspecteur du travail sous-traite la décision au magistrat qui prend une
décision. Il s’agit d’une alternative dure.



      Deuxième       attribution   alternative :     les    articles   L47-31-1   et   suivants.
L’inspecteur du travail peut unilatéralement prescrire un arrêt temporaire des
travaux sur un chantier du BTP dès lors qu’il constate un danger grave et imminent
résultant d’une infraction à la réglementation sociale résultant de l’inobservation des
dispositions réglementaires relatives à la protection contre les chutes en hauteur, au
dispositif anti ensevelissement, et au dispositif de retrait de l’amiante. L’inspecteur
peut unilatéralement prescrire un arrêt administratif temporaire des travaux. Cette
procédure commence par un constat écrit. Ce constat est remis au chef d’entreprise.
Cette décision administrative est immédiate. En cas de non application il y a délit
                                                                                              9
d’obstacle. Cette décision administrative peut être contestée par le chef
d’entreprise, auprès du président du TGI qui statuera en référé. Il va appliquer le
code du travail. Le président du TGI peut annuler la décision. Il peut aussi ordonner
une régularisation au chef d’entreprise. Ce dernier peut aussi ne pas contester et
exécuter les demandes de régularisation de la part de l’inspecteur du travail. Aussi,
lorsque l’inspecteur du travail ordonner l’arrêt des travaux, il peut punir
unilatéralement l’entreprise par 2 jours d’arrêt du chantier.



      Voilà des attributions les plus utilisées. Une anecdote ; un inspecteur du travail
dans la branche agricole 912 de l’ancien code rural autorise l’inspecteur à ordonner le
remboursement à la MSA, organisme mutualiste gestionnaire de la sécurité sociale
agricole, des cotisations sociales sur des salaires que l’on estime impayés (heures
supplémentaires par exemple). Ceci prend la forme d’un avis de l’inspecteur qui amène
le MSA à émettre une contrainte et la notifier. Le MSA est donc lié à l’avis de
l’inspecteur. C’est une arme en pratique imparable.



      L’inspecteur peut combiner toutes ces armes.



c. La protection de l’inspecteur du travail

      Le délit d’obstacle existe, mais par ailleurs existent d’autres types
d’infractions qui viennent protéger.



      a. Le délit d’obstacle

      L81-14-1, ancien L631-1 code du travail. Il prévoit une peine d’emprisonnement
d’un an et une amende de 3750 euros. Rappelons par ailleurs que l’amende est
multipliée par le nombre de salariés la plupart du temps en droit social.



                          Paragraphe 1. L’élément matériel


      Quel comportement ? Quiconque met obstacle à l’accomplissement des devoirs
d’un inspecteur du travail. Cette formulation très générale permet de qualifier

                                                                                     10
pénalement des comportements les plus divers, les oppositions aux missions les plus
diverses de l’inspecteur du travail.      La jurisprudence va donc être autorisée à
apprécier de façon large. Le refus de l’audition de témoins, Crim. 22 juillet 1981. Le
refus de communiquer les documents, Crim. 22 septembre 1998. Plus loin encore, le
seul fait de s’être mis dans l’impossibilité de fournir le document. Le registre du
personnel par exemple est donné, mais pas rempli. Crim. 17 septembre 2002.



        La seule réserve qui protégerait l’employeur : celui qui laisse un salarié
commettre un obstacle sans le commander. Crim. 13 mai 1986. Dans l’analyse de
l’élément matériel, on glisse sur l’élément intentionnel.




                            Paragraphe 2. L’élément moral


        Ici la jurisprudence exige systématiquement la présence d’une intention
délibérée. Mais la jurisprudence interprète de façon très libérale, car la seule
conscience d’empêcher ou de rendre plus difficile le travail de l’inspecteur est
constitutif de délit d’obstacle. Crim. 4 aout 1998. La difficulté sur ce point va relever
des éléments probants. L’inspecteur est à la fois la victime et celui qui constate
l’infraction. Sur ce point d’ailleurs la chambre criminelle fait du PV une source de
renseignements, autrement le PV en matière de délit d’obstacle ne fait pas foi. Crim.
6 février 2007.



        b. D’autres infractions pénales

        Si le délit d’obstacle est l’infraction majeure, d’autres infractions existent.
D’abord il existe des contraventions pour la plupart des comportements matériels
constituant le délit d’entrave. R31-73-1 et suivants du code du travail en matière de
non présentation des documents et registres. Mais en outre, au-delà du code du
travail, le délit d’outrage existe. Cet article 403-5 du code pénal est rappelé à
l’article L81-14-2 du code du travail. Autant de protections de l’inspecteur du travail
donc.




                                                                                      11
Thème 2. Procès-verbal

       L81-12-1 prévoit que l’inspecteur du travail peut dresser PV. Bien entendu s’il
constate un délit, comme tout fonctionnaire, dans le cadre de ses fonctions, 40 alinéa
2 CPPP commande la constatation. Ce PV constitue, comme tout PV, un acte
d’instruction et de poursuite. C’est d’ailleurs le premier acte dans la poursuite. Ce PV,
rédigé et clos (= daté), est un acte interrompant la prescription ; crim. 28 juillet
1975.



       Les spécificités du PV de l’inspecteur du travail ? S’agissant du PV en tant
qu’instrument, notons qu’une instruction ministérielle du 28 mars 2002, une circulaire,
est venue redéfinir les règles présidant à l’élaboration des PV de l’inspection du
travail. Cette circulaire vient rappeler des recommandations administratives, vient
redéfinir les conditions d’établissement du PV. Mais l’instruction de mars 2002 n’est
pas qu’esthétique ; la présentation a des répercussions intéressantes pour le juriste
puisqu’affectant la force probante, l’efficacité judiciaire du PV.



1. Les conditions d’établissement


       Un PV est rédigé, clos et transmis au procureur de la république. Cette
circulaire de 2002 est venue indiquer le contenu du PV. Avant d’aborder le contenu,
envisageons la situation préalable au PV.



      La mise en demeure : elle est spécifiquement prévue par L47-21 et suivants du
code du travail. La réglementation sociale ajoute pour le PV de l’inspecteur du travail
ajoute un mécanisme supplémentaire de mise en demeure.



      a. La mise en demeure préalable

      L47-1 et suivants prévoient des situations spécifiques dans lesquelles une mise
en demeure préalable est obligatoire. Attention toutefois ; cette mise en demeure est
un acte administratif individuel, engageant donc la responsabilité de l’Etat, car il
ressort non de l’administration mais de l’inspecteur, seul titulaire. C’est un attribut
exclusif de l’autorité publique. Ca n’interrompt donc pas la prescription Crim. 10
décembre 1910 mais c’est une condition de validité du PV dans les conditions visées
par la réglementation sociale. C’est un élément du PV, éventuel, à venir. Dans quel
domaine cette mise en demeure est elle obligatoire ? 3 domaines généraux, un
domaine divers.
                                                                                      12
Premier domaine général : dans les matières nouvellement réglementées. En
1992, le harcèlement sexuel. Deuxième situation : pour des dispositions
réglementaires pouvant donner lieu à des divergences d’appréciation. Par exemple les
dispositions du CNE. Enfin, lorsque les prescriptions réglementaires imposent de la
part du prévenu des modifications structurelles importantes. Par exemple l’amiante
présent dans un bâtiment entier ; on ne peut punir trop rapidement le prévenu. On le
voit ce sont des dispositions surtout axées sur hygiène et sécurité, ou bien des
précautions en vue d’éviter le débat autour de l’erreur de droit. La mise en demeure
est notifiée à l’employeur, dans un délai de 15 jours. En cas de confirmation motivée,
le recours contentieux est ouvert, et tant qu’un jugement définitif n’est pas intervenu
le PV n’est pas possible. Cette mise en demeure est une condition de validité du PV.
Sans mise en demeure définitive, sans mise en demeure régularisée, le PV est entaché
de nullité. Nous le voyons, il s’agit d’hypothèses très spécifiques et limitées.



b. Le contenu du PV

       L’instruction ministérielle de 2002 prévoit mentions obligatoires + mentions
facultatives. Rappelons que le PV est le vecteur entre inspection du travail et
procureur de la république. Rappelons aussi que l’inspecteur du travail dispose, seul, du
pouvoir d’appréciation d’opportunité. L’objet du PV est la description des faits
permettant au procureur de la république de qualifier pénalement, et le cas échéant
de poursuivre. C’est la raison pour laquelle la circulaire de 2002 recommande à
l’inspecteur du travail une description détaillée, précise. Attention ; encore une fois le
PV rapporte au procureur de la république des informations factuelles qui a
exclusivement le pouvoir de qualifier pénalement. Aussi la circulaire rappelle que les
propositions contenues dans le PV de qualification pénale, l’enquête et l’analyse sur les
responsabilités pénales à propos des faits ne sont que des considérations personnelles
de l’inspecteur du travail. L’instruction ministérielle recommande de distinguer
clairement ce qui relève de la description des faits et ce qui relève de l’appréciation
personnelle de l’inspecteur. On comprend que la valeur probante sera liée à la
dimension factuelle, pas à l’analyse juridique relevant du procureur. Certains types
d’infractions conduisent, il est vrai, à identifier de façon moins aisée la frontière
entre les deux aspects. Par exemple une infraction positive, obligation de faire à la
charge de l’employeur est simple. Mais s’agissant d’une omission, par exemple la tenue
de réunions d’entreprises qui ne seraient jamais convoquées, dans la description des
faits, l’analyse juridique de l’intention peut apparaître confondue. En tout état de
cause, il convient de considérer la proposition d’une qualification pénale. L’instruction
de 2002 recommande une standardisation du PV. Cette géographie du PV comporte 3
partie. Préambule, corps, clôture. Le préambule : indications matérielles de date, lieu.
Le corps : c’est là le siège des recommandations. La circulaire de 2002 recommande 2
paragraphes, constat factuel, analyse des propositions. Cela infraction par infraction,
quitte à être redondant. La clôture : la signature de celui qui a autorité, la date qui
                                                                                       13
interrompra la prescription. Le PV peut être rédigé à tout moment. 66 CPPP ne joue
pas ; le PV n’a pas à être rédigé sans délai. Crim. 26 novembre 1991. Le PV doit être
rédigé en 2 exemplaires, l’un doit être envoyé au préfet l’autre au procureur de la
république. Mais il n’existe aucune sanction au défaut de dépôt de PV au préfet.
Notons que le PV n’a pas à être notifié au prévenu ; sauf dans un cas L81-7 ? en
matière d’infraction relative à la durée réglementaire du travail.


2. Les conséquences

a. La transmission du PV

      L’inspecteur transmet le PV au Parquet par l’intermédiaire du directeur
départemental du travail. Mais ce contrôle n’est un contrôle que de la légalité du PV.
L’article L81-13-7 ne prévoit aucune précision quant au contrôle, mais si la voie
hiérarchique doit être respectée c’est que par définition le directeur s’en tient à la
légalité. Quant à l’opportunité, le directeur ne s’y intéresse pas.



b. La force probante du PV

      Combinons les articles du CPPP 537 pour les contraventions, 430 pour les délits.
Les PV font foi pour les contraventions et sont de simples informations pour les
délits. L81-13-7 pourtant pose une autre règle : les PV de l’inspecteur du travail font
foi jusqu’à preuve du contraire, donc y compris pour les délits.



      Deux réserves à cela : 1. Cela concerne uniquement les faits décrits dans le PV
et non pour l’analyse juridique. 2. Uniquement pour les infractions à la réglementation
sociale, l’élément légal visé au PV doit être issu de la réglementation sociale. Crim. 6
février 2007. Cela revient à s’attacher au visa sur lequel on fonde le PV lorsque le
comportement infractionnel est pénalement qualifié en droit social et en droit pénal.




                                                                                     14
Thème 3. Poursuites pénales

       Si le procureur poursuit, le PV constituera presque rétroactivement le 1er acte
de poursuite dans la procédure liée à l’action publique, et cette arme de l’inspecteur
du travail qui n’en est une que parce que l’inspecteur la maîtrise complètement, ceci
car il dispose d’outils alternatifs au PV. Ces derniers outils sont d’ailleurs encouragés.
Ce PV, au-delà de l’outil, c’est le 1er acte dans l’action publique déclenchée par le
procureur de la république.


       L’action publique peut être déclenchée par d’autres que le procureur de la
République ; la victime peut la déclencher. Certains groupements peuvent la
déclencher également, les organisations syndicales, les associations spécialement
habilitées. Mais pour l’essentiel c’est le procureur de la république. Théoriquement
l’action publique peut être déclenchée même quand il n’y a pas de victime, ou bien
lorsque l’action civile est déclenchée devant le juge civil. Si l’action publique est
incontournable, l’action civile demeure facultative. Comme victime on peut se
constituer partie civile au procès pénal. Cette constitution est facultative. La victime
peut par ailleurs solliciter l’indemnisation de son préjudice devant son juge naturel à
savoir l’ordre juridictionnel civil ou administratif. Si l’on prend l’ordre juridictionnel
civil dans le cadre employeur / salarié comme exemple, rien n’empêche le salarié de
saisir le conseil des prud’hommes d’une action indemnitaire imputable à une infraction
pénale commise par l’employeur. Ceci alors même que l’auteur de la faute civile est
poursuivi du fait du caractère pénal de ses agissements devant le tribunal
correctionnel.



       Notons une difficulté : que se passe t il si les juges civil et pénal, par
hypothèse, ne partagent pas la même appréciation des faits ? L’un retient la faute,
l’autre non. Comment assurer la légitimité de l’institution ? Certains mécanismes
juridiques ancestraux régissent ces rapports entre action publique et action civile,
entre le procès pénal et le procès civil parallèle. Que se passe t il si un juge pénal a
décidé de la responsabilité pénale d’un individu ayant causé préjudice à autrui ?
L’influence de la procédure pénale sur la procédure civile tient en des raisonnements
précis, qu’il nous faudra envisager dans le cadre du champ social.



       Précisément, le fait de se situer dans le cadre des relations individuelles ou
collectives de travail va donner à l’étude un aspect original. En effet, le lien de
subordination entraine des caractéristiques particulières exorbitantes du droit
commun contractuel. Il faut pour cela observer ce lien de subordination du côté de
l’employeur. Ceci se traduit par le pouvoir de direction, le pouvoir de contrôler

                                                                                       15
l’exécution des ordres et instructions, et le pouvoir de sanctionner disciplinairement.
Le droit commun des contrats est coutumier de la notion de sanction. L’inexécution
d’une obligation pourrait constituer par le biais d’une clause pénale contractuelle une
mesure d’indemnisation ou une mesure de remise en état antérieur. Au final, la
sanction la plus lourde est la rupture du lien contractuel. Rupture automatique ou
demandée au juge. Le droit commun des contrats a donc toute sa place.



       Cependant ce qui caractérise le contrat salarié consiste bien dans le pouvoir
disciplinaire. La sanction la plus grave tient donc au blâme et aux avertissements,
sanctions morales. L’employeur peut donc avertir son salarié. Le pouvoir de direction
étant un pouvoir absolu, le juge se contentant de disqualifier et d’indemniser l’abus.



       Bref, le droit social contient des mesures coercitives mais les relations
employeur / salarié réservent une part à des prérogatives coercitives de la part de
l’employeur. Le pouvoir disciplinaire de l’employé est coercitif.



       Au-delà de l’influence de la procédure pénale sur la procédure civile, il va aussi
falloir examiner son influence sur la procédure disciplinaire.




1. La procédure pénale

      Examinons-la à l’aune de la réglementation sociale.



a. Les prescriptions

      Avant d’engager l’action, il faut considérer l’article 7 du CPP. La prescription
des contraventions est de 1 an, celle des délits et de 3 ans. Le principe de l’unité des
prescriptions existe par ailleurs, autrement dit on a le choix entre prescription civile.
Toutes les prescriptions civiles ont été ramenées à 5 ans, sauf en matière
immobilière. Si on engage une action devant le juge pénal, l’article 7 du CPPP s’applique.



      Cependant soulignons bien qu’il s’agit de la prescription de l’infraction, la
prescription de la sanction en étant distincte. Le Trésor public a 3 ans pour réclamer.
Sauf mandat de dépôt sur l’audience, le juge d’application des peines … 10 ans ? Le

                                                                                       16
point de départ de l’idée de prescription c’est la commission de l’infraction, ou sa
réitération. Par exception, sur certaines infractions, c’est la révélation de l’infraction
qui fait partir le délai de prescription.



      En droit social, nous pouvons arguer d’une autre situation exceptionnelle. En ce
qui concerne les infractions en matière d’hygiène et de sécurité, infractions non
intentionnelles, la Cour de cassation a rendu une décision tout à fait particulière. Ces
infractions non intentionnelles correspondent à la violation d’une règle de sécurité qui
entraine un préjudice corporel sur la personne d’un salarié, le délai de prescription ne
commence à courir qu’à compter du résultat dommageable car ce n’est que ce jour là
que l’infraction est intégralement consommée. En clair, l’élément matériel n’est
complet qu’à partir de ce moment là. Avant cela l’infraction n’existait pas donc. Ch.
Mixte 26 février 1971. La prescription ne court qu’à compter du résultat
dommageable ; ceci est tout à fait original.



      Autre dérogation : les infractions continues. Le point de départ de la
prescription va être le moment du dernier acte, dernier fait infractionnel. Une
infraction continue est une infraction se prolongeant par la réitération constante de
l’acte infractionnel. Ceci correspond à des réalités précises. Ainsi ne pas s’arrêter à
un feu rouge est une infraction ponctuelle ; rouler sans permis de conduire est une
infraction continue. La réitération est constante. Notons cependant que la
jurisprudence sociale est extensive, nombre de comportements infractionnels sont
qualifiés comme infractions continues. Exemple : délit d’entrave. Le refus de tenir les
réunions, obligatoires, du CE, c’est une infraction continue et non une multiplication
d’infractions ponctuelles. Chambre criminelle 23 avril 1970. Imaginons une absence de
réunion depuis 30 ans : dès lors on va poursuivre sur 30 ans. De plus, imaginons qu’un
nouveau gérant arrive et commence les réunions. Le délai de prescription est parti du
jour du dernier fait infractionnel, donc il y a un risque temporaire de poursuite.




b. L’action publique

      Deux moyens de déclencher l’action publique.



                                                                                       17
Paragraphe 1. L’opportunité des poursuites : la prérogative du procureur de la
                                   République


      L’article 1 du CPPP est à souligner. Le Procureur de la République met en
mouvement l’action publique. Ce principe d’opportunité, liberté du Garde des sceaux,
est rappelé par l’article 40 du CPPP. L’article 1 pose le principe selon que l’action
publique initiée par le Procureur de la République.



      Le déclenchement de l’action publique demeure toutefois dépendant du PV, de
l’information à la disposition du Procureur de la République. Cette information pouvant
ne pas être transmise par l’inspecteur du travail.




        Paragraphe 2. L’action civile peut aussi déclencher l’action publique


      L’article 3 du CPPP est de mise. L’action civile portée devant le juge pénal met
en mouvement l’action publique. Cette action civile peut être engagée devant le juge
pénal par voie d’intervention. L’action civile parasite l’action publique en un sens. Ceci
est intéressant notamment du point de vue probatoire, il n’y a pas de preuve à
rapporter. L’action publique peut être engagée par voie d’action c'est-à-dire que la
victime sur le fondement de l’action civile, dont elle est titulaire, peut mettre en
mouvement l’action publique et ainsi contraindre soit le juge d’instruction (article 85
du CPPP) soit le Procureur de la République lui-même (article 2 et suivants du CPPP).
Par le biais de la citation directe, la partie civile peut en outre contraindre le
Procureur de la République à prendre des réquisitions. Ce peut être pour des sanctions
pénales. La citation directe est extra judiciaire. L’adversaire civil peut ainsi être
amené à comparer devant le juge pénal.



      Ces articles 2 et 85 vont nous intéresser ici, c’est la victime qui met en
mouvement l’action publique, contraignant le Procureur de la République à entrer dans
le procès pénal.




                                                                                       18
Quid de l’originalité du droit pénal du travail en la matière ? En droit pénal du
travail d’autres parties civiles que la victime sont admises. Il s’agit d’une part des
syndicats professionnels. L21-32-3 du nouveau code du travail. Les organisations
salariées représentatives peuvent engager au nom de l’intérêt collectif qu’elles
représentent. Ces organisations syndicales n’ont pas à démontrer l’existence d’un
préjudice personnel subi du fait de l’infraction.

      D’autre part, des associations spécialement agrémentées peuvent aussi engager
l’action civile dans l’intérêt collectif spécial qu’elles représentent. En droit du travail,
ces associations limitativement habilitées vont se rencontrer en matière de
harcèlement, discrimination… L11-42-1 et suivants en matière de discrimination
abusive.




c. Le procès pénal

      La procédure va se dérouler classiquement, aucune distinction entre une
réglementation spécifique et le code pénal, les dispositions de droit commun. Deux
points intéressants : les mesures contraignantes provisoires, pendant le procès pénal,
et les questions liées à la preuve.




           Paragraphe 1. Les mesures contraignantes pendant le procès pénal


      Pendant le procès pénal, pour la préservation de l’ordre public mais aussi des
preuves certaines mesures contraignantes totalement étrangères à la notion de
responsabilité pénale peuvent être prises à l’encontre car une action est déclenchée.
Examinons, en droit pénal du travail, si certaines de ces mesures contraignantes ont
un intérêt pour le juriste social.



      Deux mesures contraignantes peuvent être interprétées de façon spécifique en
raison du champ social de l’infraction : le contrôle judiciaire et la détention
provisoire.




                                                                                         19
Le contrôle judiciaire, qui peut être par exemple une interdiction de sortie du
territoire ou une obligation de pointer à un rythme donné, bref des services
directement liés au Procureur de la République. 138-12 et suivants du CPPP visent ce
dit contrôle. Une contrainte spéciale pour le droit du travail est visée : la possibilité
est prévue d’infliger l’obligation de ne pas se livrer à une activité de nature
professionnelle ou de nature sociale. Cette interdiction peut par exemple viser la
présidence d’un comité d’entreprise, ou encore de participer aux opérations de
recrutement. On peut interdire de présider le comité d’entreprise mais toutefois on
ne peut interdire de participer en qualité de conseiller prud’homme par exemple.



      La détention provisoire d’autre part : elle est classique, pas de spécificité pour
le droit social. Quelles conséquences en droit du travail cependant ? En particulier
pour la détention provisoire du salarié ? La seule détention provisoire n’est pas en soi
un motif de sanction ni de licenciement, notons le bien. Soc. 26 octobre 1999. En
revanche, si l’absence due à la détention provisoire ou le dysfonctionnement causé par
la détention provisoire est suffisamment grave, alors il y aura motif de licenciement
réel et sérieux. Soc. 25 janvier 2000.




                               Paragraphe 2. La preuve


      La preuve judiciaire en droit social fait l’objet d’un régime –prétorien d’ailleurs-
particulier. La preuve est libre, tout moyen est possible donc. La preuve devant le juge
prud’homal ou pénal est libre. Certes, certaines dispositions légales, d’ordre public, du
code du travail ne s’appliquent qu’au procès civil et non au pénal. Mais sur ce point la
réglementation sociale est claire : partage de la charge de la preuve. Par exemple la
preuve de la légitimité du motif de licenciement doit être démontrée de façon
partagée. Cependant il y a quasi renversement de la charge de la preuve. Ceci dans le
cadre exclusif du procès prud’homal. La charge de la preuve en droit pénal demeure
classique, le prévenu est présumé innocent et c’est au juge d’instruction et au
Procureur de la République d’établir la responsabilité pénale du prévenu.



      Ce qui est intéressant : la licéité de la preuve judiciaire dont le droit social est
le centre de débats jurisprudentiels, avec force revirements, un régime prétorien
s’est construit. L’appropriation de documents appartenant à l’entreprise peut elle être

                                                                                       20
loyalement utilisée ? L’enregistrement d’images, notamment à l’insu d’une des parties
au procès pénal est il un moyen de preuve licite ? L’accès à la correspondance d’une
partie au procès pénal est il licite de la même façon ?



      Après de longues hésitations, au cours des années 1990 la jurisprudence de la
Cour de cassation –chambres sociale et criminelle- est homogène. On peut dégager
des principes communs, et donc un régime assez cohérent en matière de licéité de la
preuve en droit social.



      Copie de documents appartenant à l’entreprise : chambre sociale 2 décembre
1998, « L’appréhension, la copie de document de l’entreprise employeur par le salarié à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions produit dans le cadre de sa défense
prud’homale n’est pas un moyen de preuve licite».



      Toutefois, le 11 mai 2004, Crim. Arrêt Paumier, « cet outil est un vol ou un
détournement. ». Revirement de la chambre criminelle le 10 mai 2005 dans l’arrêt
Bossonet : « dès lors que le salarié n’a pas l’intention de dépouiller l’entreprise et que
les documents sont strictement liés à la défense prud’homale, ni vol ni détournement
des recettes ». Le régime prétorien devient donc homogène.



      En ce qui concerne les enregistrements, 226-1 et suivants du code pénal, de
parole ou de son, à l’insu de la victime constitue une infraction pénale, dès lors que
cela concerne la vie privée de l’employeur ou du salarié. Soc ?? Crim. 7 octobre 1997.
Le 8 décembre 1983 la chambre criminelle estime qu’il peut s’agir du bureau
personnel. 14 mars 1984 il peut s’agir d’une salle de pause où les employés passent des
communications personnelles.



      Cependant contrairement à la jurisprudence de la chambre sociale le juge pénal
retient la preuve de la licéité de l’infraction, par un enregistrement clandestin de son
ou d’image. Chambre criminelle 23 juillet 1992.




                                                                                       21
Les correspondances télématiques sont couvertes par le secret pénalement
protégé. L226-15. Il n’en reste pas moins que le juge pénal admet la licéité de la
preuve d’une infraction acquise par le détournement de correspondance. Crim. 20
novembre 1991. Divergence là encore entre les chambres sociale et criminelle. Le juge
pénal ne rejettera pas la preuve déloyale même si en parallèle la violation du secret
peut être poursuivie.



2. Les influences de cette procédure pénale sur la procédure prud’homale et sur
la procédure disciplinaire

a. La procédure prud’homale

      Sur ce terrain, du procès civil, un principe majeur : le criminel tient le civil
en l’état. Cela signifie que le juge civil est contraint de prendre en compte le
jugement pénal. Bien sur, le procès civil est lié au procès pénal à l’issue duquel la
décision est intervenue. Le juge civil doit prendre en compte la décision pénale
intervenue dans l’affaire en cause. Evidemment, quand le juge civil est saisi
postérieurement au juge pénal, cela renvoie au mécanisme de l’autorité de la chose
jugée. La chose jugée au pénal va s’imposer au juge civil.



      Outre cette hypothèse simple, quid de l’hypothèse où le juge civil est saisi en
même temps que le juge pénal ? Un jugement n’est donc pas encore intervenu. Le juge
civil est informé qu’une décision va être prise. L’article 4 du CPP impose au juge pénal
le sursis à statuer.




                          Paragraphe 1. Le sursis à statuer


      L’article 4 du CPP a été modifié par une loi entrée en vigueur en juillet 2007. Il
impose au juge civil de surseoir à sa décision, de suspendre la procédure civile dans
l’attente du jugement pénal qui à ce moment là devra être pris en compte. L’article 4
ne peut trouver application que lorsqu’on constate une identité des parties et des
causes dans les 2 procédures. Le sursis de l’article 4 ne trouve application que dans
l’hypothèse de l’identité des parties et des causes. Et bien entendu dès lors que
l’action publique est déclenchée. Ainsi, le PV de l’inspecteur du travail même transmis
au Procureur de la république n’empêche pas ce dernier de la classer sans suite. Ce

                                                                                     22
n’est que quand la citation est adressée par le Procureur de la République ou par la
partie civile, ou lorsqu’une instruction est ouverte par le Juge d’instruction, ce n’est
que dans ces 3 hypothèses que l’article 4 CPPP trouvera application. Le champ
d’application de l’article 4 est donc assez restreint. Un simple PV de l’administration
du travail ne suffit pas.



      Enfin notons que l’article 4 puisse s’appliquer, et cela depuis la réforme de
2007, il faut que l’action prud’homale soit l’action indemnitaire découlant des
poursuites pénales. En pratique, l’article 4 du CPP était fréquemment soulevé avant la
réforme de 2007 dans le cadre des contentieux prud’homaux relatifs à la sanction ou
au licenciement dont le motif était une infraction pénale commise par le salarié.
Aujourd’hui imaginons qu’un employeur résilie un contrat de travail du fait du vol d’un
salarié. Le salarié engage une action indemnitaire, ce n’est pas l’employeur qui engage
une action indemnitaire liée au vol dont il a été victime. L’article 4 du CPP n’est plus
applicable du coup. Seules les infractions découlant de l’infraction poursuivie trouvent
à jouer.



      Dernier point sur le sursis à statuer, dans le champ social. La chambre
criminelle a traditionnellement eu une interprétation très extensive du mécanisme
fondé sur l’identité. La jurisprudence, en effet, se contentait, loin d’une identité,
d’une connexité des faits examinés par la juridiction pénale ou civile. La jurisprudence
ainsi imposait le sursis à statuer dès lors que l’action publique était susceptible
d’influer la décision rendue sur l’action civile (Civ. 1ère 11 janvier 1984). Désormais, au
regard de l’article 4, cette jurisprudence extensive a vécu, dans la mesure où l’action
indemnitaire doit découler des faits poursuivis. La connexité devient absurde, seule
l’identité parfaite entre les parties en cause peuvent désormais être appréhendés par
l’article 4 CPPP. Ceci dit le débat reste relatif en raison de l’article 378 du CPC. Il
donne la faculté au juge de surseoir à statuer dans l’attente de la survenance d’un
évènement de nature à influer sur sa décision. Le sursis à statuer dépend alors du
pouvoir    souverain   d’appréciation.   On   revient   sur   le   terrain   antérieur   de
l’interprétation de l’article 4, avant la loi de 2007. S’agissant d’un pouvoir
d’appréciation la décision de surseoir ou non est insusceptible de recours.



                 Paragraphe 2. L’autorité de la chose jugée au pénal


                                                                                         23
Le juge est contraint de la prendre en compte. Evidemment, le salarié est
licencié du fait de coups et blessures volontaires, alors il est condamné. Cependant
même dans une hypothèse aussi simple la jurisprudence sociale a une interprétation
extensive. Cependant avant de l’évoquer il faut préciser le champ de l’autorité de la
chose jugée au pénal.



      Cela s’entend d’une décision, d’un jugement, d’un arrêt définitif et non par une
autorité telle que le Parquet, une juridiction de jugement doit avoir rendu la décision.
Elle doit être irrévocable, sans recours. Le non lieu, le classement sans suite n’est pas
une décision judiciaire en ce sens. Civ. 2ème 12 avril 1997.



      Ensuite l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’à ce qui a été certainement
et nécessairement tranché par la juridiction répressive. Soc. 2 juin 1993. Dans
l’hypothèse où le salarié a été licencié pour avoir volé l’employeur, si le juge pénal
condamne le salarié non pas pour vol mais pour recel de vol, le juge civil reste
souverain quant à l’appréciation du motif de rupture. Enfin, l’autorité de la chose
jugée ne s’attache qu’à la décision pénale concernant la responsabilité du prévenu.
Quid de la décision de relaxe du prévenu ? Dans l’hypothèse où les prévenus sont
relaxés de l’inexistence de fait imputable au salarié, cette décision de non
responsabilité lie le juge. En revanche si la relaxe intervient en raison de l’absence de
qualification pénale ou bien au bénéfice du doute en revanche, alors le juge civil
retrouve son pouvoir souverain d’appréciation. Crim. 10 avril 1991.



      En ce qui concerne les illustrations de cette jurisprudence originale : le juge
répressif relaxe en raison de l’absence de qualification pénale, mais le licenciement
est abusif car le motif inscrit dans la lettre de licenciement est une qualification
pénale. Soc. 19 mars 1997. Autre illustration : relaxe prononcée au bénéfice du
doute permet toutefois de retenir la réalité du motif invoqué ; Soc. 20 mars 1997.



      Enfin, même en cas de condamnation pénale le juge prud’homal peut qualifier
différemment la gravité de la faute. Même en cas de qualification pénale le juge peut
apprécier la gravité de la faute. Soc. 6 juillet 1999.



                                                                                      24
b. La procédure disciplinaire

      Quid de l’influence de la procédure pénale sur la procédure disciplinaire
déclenchée par l’employeur ? En 1er lieu c’est le code du travail qui tisse des liens
entre poursuite pénale et disciplinaire. L13-32-4. Cet article prévoit l’interruption de
la prescription disciplinaire quand les poursuites pénales ont été engagées. Le délai de
2 mois ne peut être écarté. Cette interruption permet à l’employeur d’attendre la
décision pénale définitive pour être sur de sanctionner le salarié. C’est une faculté
laissée à l’employeur, pas une obligation. Soc. 10 Mars 1998 : l’employeur peut
prendre le risque d’une sanction disciplinaire, éventuellement contraire par la suite à
une décision pénale. On va retrouver en matière disciplinaire le même raisonnement
précédemment évoqué : si l’employeur sanctionne disciplinairement sur le fondement
d’une infraction pénale, la décision de relaxe anéantit toute légitimité à la sanction.
Soc. 6 juillet 1999.




                                                                                     25
Thème 4. Action civile

      Ceci va nous permettre de rappeler que l’action civile est une voie de
déclenchement de l’action publique, mais en outre de faire sur le point sur les
conséquences civiles du procès pénal, de l’action publique, des poursuites. Nous avons
vu que la victime directe d’une infraction pouvait déclencher les poursuites pénales
directement ou indirectement, parfois au grand dam du juge, question de la
privatisation. Cette action civile peut en tout cas déclencher l’action pénale. Sa
finalité demeure l’obtention de réparation pour le dommage subi du fait de l’infraction
commise par l’auteur de celle-ci. C’est à ce double titre que nous examinons l’action
civile. Nous avons déjà évoqué les aspects processuels, attachons nous aux autres
aspects maintenant à savoir la réparation du dommage et surtout l’identification du
responsable de celui qui à terme et dans l’hypothèse où sa responsabilité pénale est
reconnue sera en outre condamné à réparer le dommage causé. On pourrait évoquer
cette question de façon très civiliste, mais soyons pragmatiques : en droit du travail
nous avons une relation spécifique encadrée de façon exorbitante. Ce régime entre
employeur et salarié prévoit à 1384 du code civil prévoit des régimes dérogatoires au
principe de 1382 en matière de responsabilité délictuelle. La responsabilité des
choses et la responsabilité du fait d’autrui. En particulier la responsabilité du
commettant du fait des préposés. Or nous nous intéressons bien à la responsabilité de
l’employeur. Ce principe classique issu du code civil, 1384, même s’il est dérogatoire du
mécanisme de principe reste un texte issu du corps de règles établissant le droit
commun, consacrant le droit commun. 1384 existe depuis 1804. Quid de l’intégration
de ce mécanisme dans la réglementation sociale, bien plus contemporaine ? Et de
l’interprétation jurisprudentielle actuelle de ce mécanisme dans le contexte des
relations individuelles et   collectives de travail ? La responsabilité civile du fait
d’autrui doit être considérée. Ceci va nous permettre d’identifier l’originalité de
l’interprétation prétorienne de ce mécanisme. Rappelons que nous avons identifié 2
types de parties civiles. Victimes directes, salariés, et groupements d’autre part qui
sont autant parties civiles mais dont le préjudice est évidemment très différent.



      Rappelons les articles 2 et suivants du CPP. (Rappel : article 1 CPP = le procureur
de la république qui peut ou non poursuivre). Ces articles 2 et suivants nous rappellent
que les victimes causées par un délit ou une contravention peuvent engager l’action
civile … d’un dommage causé par la victime d’un préjudice causé par une infraction
pénale peuvent exercer leur action devant le juge pénal. Au-delà de ce principe

                                                                                      26
général, ce qui est intéressant à noter c’est que le texte dise « les victimes qui ont
personnellement souffert du dommage ». Le dommage doit avoir été une infraction
pénale. Dans l’hypothèse où le juge ne reconnaît pas la responsabilité pénale de
l’auteur, il peut rejeter sur ce moyen, en raison de ce mécanisme, la demande en
réparation du dommage en raison de l’irrecevabilité. Bien entendu, lorsque l’action
civile s’exerce devant le juge pénal les règles spécifiquement pénales s’appliquent.
Chambre criminelle Cour de cassation du 8 avril 1986. C’est donc une action civile,
mais le juge pénal l’appréhende dans l’environnement du droit pénal, selon les règles
processuelles pertinentes. Rappelons les délais de prescription du code pénal. Devant
le juge pénal on ne peut se fonder sur l’article 700 du CPC (en gros fondement de
l’équité) mais sur l’article en gros équivalent du CPP.




                Paragraphe 1. La responsabilité civile de l’employeur


      L’article 1384 alinéa 5 nous intéresse. Rappelons toutefois que, s’il s’agit d’un
mécanisme de droit commun, il s’agit dans le droit commun d’ores et déjà d’une
dérogation au principe de la responsabilité du fait personnel. Avec 1134, 1382 est un
pilier de notre code civil. Ils définissent l’homme dans la philosophie libérale pour ainsi
dire. L’homme peut s’engager 1384, seule son âme 1134 mais il s’engage sur lui-même,
assumera l’ensemble des ses engagements.



      Avant d’examiner 1384 alinéa 5 examinons la responsabilité de l’employeur de
son fait personnel et du fait d’autrui (de ses salariés en clair).



a. La responsabilité du fait personnel de l’employeur

      La responsabilité de droit commun, 1382 ou 1147, est engagée. 1382         du   code
civil trouve application quand l’employeur commet une faute. Toutefois un régime
dérogatoire du droit commun existe y compris en ce qui concerne sa faute
personnelle, sa responsabilité classique. Loi du 9 avril 1898 intégrée depuis 1945 dans
le code de la sécurité sociale organise la garantie d’un risque social fondateur et
spécifique à savoir le risque professionnel. De façon définitive a été instauré par
cette loi un régime de responsabilité civile exorbitant au droit commun en matière de

                                                                                        27
responsabilité de l’employeur. Il s’agit en effet d’instituer un régime qui d’une part
présume irréfragablement la responsabilité, et en contrepartie de cette présomption
automatique une indemnisation forfaitaire, partielle et mutualisée. Ainsi, rappelons le,
le principe indemnitaire n’est pas intégré ; il y a peu en droit français d’indemnité
coercitive.   Les   indemnisations   prononcées   par   le   juge   doivent   compenser
financièrement le dommage ressenti par la victime, ce dommage étant complet c'est-
à-dire que l’intégralité de la perte subie et pas davantage que la dite perte subie. Pour
solliciter la réparation il faut donc démontrer la réalité du préjudice mais aussi son
ampleur.



      Le régime des accidents du travail prévoit indemnisation partielle, ceci parce
que la réparation du préjudice prend la forme d’une rente non viagère proportionnelle
à la rémunération perçue par le salarié victime au moment de l’accident. Tout ce qui
correspond au préjudice corporel, moral, économique, matériel, tout cela est effacé
derrière une rente assise sur la rémunération, le salaire moyen du salarié victime. A
ce salaire moyen on applique un taux, calculé forfaitairement en fonction de l’ampleur
du préjudice corporel, et uniquement corporel. Ainsi un préjudice identique subi par 2
individus aura des conséquences différentes si leurs fonctions professionnelles sont
différentes. Outre le caractère forfaitaire, il y a mutualisation de l’indemnité,
l’employeur cotisant de façon forfaitaire en ce sens. Un curieux régime de
responsabilité civile en somme. L452 ? 422 ? et suivants du code de la sécurité sociale
régissent ces questions liées.



      Quel intérêt d’évoquer ce régime social ? Confrontons-le avec l’article du CPP.
L’action civile s’applique devant le juge pénal. Le juge civil ne peut appliquer que des
textes recevables devant sa propre juridiction. Qui indemnise ? La caisse primaire
d’assurance maladie. Quelqu’un ayant engagé sa responsabilité ne peut condamner. Ce
régime tout à fait particulier de la responsabilité personnelle de l’employeur conduit à
un régime spécifique. Bien entendu le juge pénal peut reconnaître la responsabilité
civile de l’employeur dans le cadre d’une infraction ayant causé la TNP mais la
compétence exclusive du TASS s’appliquera. Seule exception en la matière : la faute
intentionnelle de l’employeur. Ici au-delà de l’indemnisation préjudice matériel, moral,
économique. Ce n’est donc qu’ici que le juge pénal retrouve sa compétence de principe,
sinon compétence du TASS. Aussi y a-t-il ici exception à l’article 2 du CPPP. Ceci
amène à réfléchir sur la privatisation de la justice pénale. Un arrêt du 30 avril 2002
de la chambre criminelle : la victime peut toujours se constituer partie civile pour
                                                                                      28
faire reconnaître la responsabilité pénale de l’employeur et faire sanctionner le
comportement délictueux.



      Deux précisions : le principe est renforcé du fait que l’employeur est obligé de
s’assurer contre les conséquences des maladies professionnelles L113-1 du code des
assurances. D’autre part le salarié victime n’est pas le seul à être ici écarté de la
plénitude de son action civile puisque les ayants droits de la victime visés à l’article
L451-1 du code de la sécurité sociale sont eux aussi envisagés uniquement par le code
de la sécurité sociale, le TASS pour les préjudices subis par ricochet. Epouse,
enfants, descendants…



b. La responsabilité du fait d’autrui de l’employeur

      Examinons avant le régime de responsabilité les fondements juridiques de cette
responsabilité du fait d’autrui. 1384 alinéa 5 du code civil en ce sens.



      Rappelons que 1384 a été conçu pour assurer à la victime la solvabilité de celui
qui sera tenu dans l’obligation d’indemniser la victime. Le commettant est responsable,
civilement, du fait de ses préposés. Aussi le commettant présumé solvable sera tenu
par l’obligation d’indemniser la victime du fait du comportement fautif du commettant
présumé insolvable. Ceci a toutefois évolué avec le temps. Force employeurs sont
moins solvables que leurs salariés. SARL, EURL. Il n’existe aucune obligation
d’assurance pour les employeurs du fait de leurs salariés. Il faut donc aujourd’hui
chercher dans le maintien de ce principe un autre fondement. Il s’agit ici du risque
profit identifié au XIXème siècle, qui se traduit en droit social par le principe du
support des risques d’exploitation par l’entreprise. Ceci y compris quand l’employeur
est victime d’un fait fautif de son salarié. En ce qui concerne la responsabilité on
pense immédiatement à la victime d’une infraction pénale commise par le responsable
de l’entreprise. Quid de la responsabilité de l’employeur dans le cadre d’une infraction
pénale commise par le salarié ? Nous sommes dans un contexte particulier. En effet
ce n’est pas le juge civil qui est saisi de cela mais le juge pénal. De plus dans
l’hypothèse où le salarié est poursuivi devant le juge pénal c’est qu’il a personnellement
commis une infraction. Et l’intention du salarié, nous l’avons vue, peut dans certaines
conditions être exonératoire de la responsabilité de l’employeur. Voyons donc
comment le juge pénal appréhende 1384 alinéa 5. Le principe : l’employeur est

                                                                                       29
responsable du fait d’autrui. Si le salarié commet une infraction, il est pénalement
poursuivi. Mais quid des conséquences civiles ? Interrogeons nous sur l’intention du
salarié, qui peut être exonératoire de responsabilité. La jurisprudence sur ce point a
connu plusieurs hésitations. L’employeur ne peut être exonéré de sa responsabilité sur
1384 alinéa 5 que dans l’hypothèse d’un abus de la fonction de préposé. Assemblée
plénière 19 mai 1998. Fin de la controverse entre la chambre criminelle et les autres
chambres. L’exonération n’est établie que s’il y a eu agissement hors des fonctions
pour lesquelles il est employé ET, deuxième condition, en agissant sans autorisation de
l’employeur, ET troisième condition à des fins étrangères à ses attributions. Ce sont
là 3 conditions cumulatives. Cette solution est favorable aux victimes, donc au salarié.
Le salarié ne sera en aucune manière tenu d’indemniser la victime de sa propre faute.
Cela conduit donc à interdire à l’employeur lui-même ou à son subrogé notamment
l’assureur à exercer une action récursoire contre le salarié. Le salarié est non
responsable. L’employeur n’est pas une caution, il n’est pas subrogé dans les droits de
la victime. Il est responsable. Là est l’originalité du régime, favorable aux victimes,
aux salariés. Ce n’est que quand le salarié a agi en abusant de ses fonctions que
l’employeur sera exonéré de responsabilité. Et dans ce cas seul le salarié sera
responsable. Civ. 2ème 4 mars 1999. L’appréhension par la jurisprudence de ce texte
dérogatoire dans le champ social est intéressante.



      Deuxième fondement juridique : le code du travail. L47-41-7, ancien 260-1.
L47-41-7 ne reproduit pas 1384 alinéa 5. Le contrat de travail est un contrat de droit
commun. 1384 alinéa 5 trouve donc application, sauf si le code du travail en dispose
autrement. Cf. L47-1-7 notamment, qui organise un régime assez particulier de la
responsabilité de l’employeur. Il dispose en effet que l’employeur est civilement
responsable des condamnations civiles prononcées contre leurs subordonnés. Le texte
ne le précise pas, c’est la jurisprudence qui est venue le préciser. Crim. 3 mars 1981.



L47-41-7 doit toutefois être considéré au vu des exceptions. Des cas de quasi
responsabilité pénale du fait d’autrui existent. La jurisprudence pénale a précisé
qu’une infraction pénale même intentionnelle ne constitue pas forcément un abus de
fonction susceptible d’exonérer l’employeur. Crim. 15 mars 1990.



         Paragraphe 2. Le régime de responsabilité civile du fait d’autrui

                                                                                      30
La chambre criminelle, dans les années 1990, a produit une jurisprudence
illisible. Elle distinguait entre les actes liés et les actes contraires aux attributions.
Ainsi la chambre criminelle engage la responsabilité de l’employeur entreprise de
surveillance lorsque le salarié en charge surveiller un salarié a cambriolé ce local.
Crim. 23 mai 1988. En revanche le même salarié, pyromane, qui met le feu au bâtiment
dont il est chargé de surveiller l’accès, est considéré par la jurisprudence comme acte
contraire aux attributions d’où suit l’exonération de l’employeur 16 mars 1990
chambre criminelle. La doctrine a pu s’émouvoir de cette incohérence. Toutefois cette
incohérence est à mesurer en opportunité, s’agissant d’entreprises de sécurité. 16
février 1999 : la chambre criminelle reprend l’énoncé même de l’attendu principal de
l’assemblée plénière. Crim. 25 mars 1998 : l’assassinat –prémédité- d’un chef de
service rappelons le- commis par un salarié venant d’apprendre son licenciement n’est
pas indépendante du rapport de préposition.



      Rappelons toutefois que L121-12 du code des assurances prévoit la possibilité
pour l’employeur de s’assurer même pour la faute intentionnelle du salarié.



2. Parties civiles

a. La victime directe

      Nous appliquons ici les dispositions du CPP notamment l’article 2, et surtout
l’article 3 qui prévoient que l’action civile est recevable pour tout chef de dommage
matériel ou moral, corporel ou incorporel … Tous les préjudices peuvent être invoqués
devant le juge pénal. Cela y compris quand le salarié est victime d’une agression
commise par l’employeur. Cette action civile au-delà de sa fonction indemnisatrice a
une finalité répressive ; il s’agit pour la partie civile de faire reconnaître la
responsabilité pénale et de solliciter une sanction coercitive. Cf. arrêt du 30 avril
2002. La partie civile peut agir en vue de voir reconnaître la culpabilité de la personne
poursuivie. Même si les deux finalités, répressive et indemnitaire, ne sont pas
obligatoirement liées. L’action civile a une finalité répressive pas forcément liée à la
finalité indemnitaire.




                                                                                       31
En ce qui concerne les préjudices indemnisés par le juge pénal, il est nécessaire
de s’établir la réalité et l’ampleur d’un préjudice personnel et direct. Article 2 du CPP
le pose, personnel et direct.

                         Paragraphe 1. Un préjudice personnel


      Le préjudice personnel est celui qui est subi par la victime c'est-à-dire la partie
civile. En clair celui qui est devant le juge, celui qui parle, cette partie civile peut être
une personne physique ou une personne morale. Le comité d’entreprise victime d’un
délit d’entrave parce que l’employeur ne le consulte pas par exemple ; le CE est une
personne morale. C’est toujours un préjudice personnel que celui subi par la personne
qui s’est constituée partie civile, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale.
Justement, en l’occurrence, la constitution de partie civile des membres personnes
physiques du comité d’entreprise victime du délit d’entrave précité est irrecevable.
Seule la constitution de partie civile du CE, personne morale, l’est. Crim. 3 décembre
1996. Paris chambre des appels correctionnels 15 mars 1999 : arrêt très didactique.
L’employeur es qualité de président peut constituer partie civile le CE qui le
représente.



      La jurisprudence en matière sociale a élargi la recevabilité de l’action civile et
ce depuis longtemps. Que prévoit le code de sécurité sociale ? Il prévoit que le salarié
victime peut se constituer civile. Dans ce cadre, les ayant droits du salarié peuvent
aussi se constituer parties civiles. Les ayant droits d’un salarié décédé à la suite d’un
accident du travail peuvent se constituer partie civile, ceci parce que ces ayant droits
sont héritiers. Défunts, … a priori toutefois rien ne peut autoriser les ayant droits au
sens du code de la sécurité sociale à se constituer partie civile dans le contexte de
l’accident de travail de leurs proches non décédés. Ceci en raison de l’absence d’un
préjudice personnel.



      Pour autant la jurisprudence a admis la constitution de parties civiles d’un ayant
droit d’un accidenté du travail non décédé. Même si la jurisprudence limite cette
constitution de partie civile à la voie de l’intervention. Crim. 9 février 1989.




                           Paragraphe 2. Un préjudice direct

                                                                                          32
Il s’agit ici, au-delà de l’intérêt personnel à agir, de pointer le lien de causalité
entre l’infraction et le dommage. C’est bien ce lien de causalité qui est pointé par la
nécessité d’un préjudice direct pour pouvoir engager l’action civile, pour pouvoir se
constituer partie civile. Même si le juge ne vient pas liquider le préjudice. Pour que la
constitution de partie civile soit recevable la victime directe de l’infraction doit
justifier d’un préjudice personnel et direct causé par l’infraction, nonobstant le fait
que la finalité puisse être strictement répressive et que le juge ne soit pas compétent
pour apprécier la valeur du préjudice. En tant que juge pénal il y a une obligation de
vérifier l’existence d’un préjudice tant personnel que direct.



      En revanche le lien de causalité est le lien entre infraction et dommage. Il n’est
pas nécessaire que ce rapport causal, que ce préjudice soit partie intégrante de
l’infraction. Le rapport direct sépare infraction et préjudice. Pourquoi vient-on
préciser cela ? Parce que la réalisation du préjudice est souvent la concrétisation de
l’élément intentionnel de l’infraction. Exemple : poursuivi pour vol du fait d’un vol, la
chose n’est pas la propriété du voleur. M. Dupont est il victime du vol ? Il n’était pas
gardien. L’élément matériel de l’infraction peut dans ce cas là influer de l’appréciation
de l’élément intentionnel. Ici ce que l’on souligne c’est qu’en droit pénal du travail les
infractions, même délictuelles, qui ont pour effet de causer un préjudice non
seulement peuvent être poursuivies mais peuvent permettre à la victime dudit
préjudice de se constituer partie civile. Dès lors qu’une infraction pénale est commise
et qu’elle a comme effet de causer un préjudice, la partie civile peut intervenir au
procès pénal, y compris dans l’hypothèse où le prévenu établit qu’il n’avait pas
l’intention de causer ce préjudice.



      Dès lors qu’une infraction est relevée dans le cas de l’application de la
réglementation sociale, la jurisprudence admet le préjudice direct du salarié. En
revanche dès lors que l’employeur est poursuivi pour des infractions ne relevant pas
de la réglementation sociale le salarié ès qualité peut être irrecevable dans sa
constitution de partie civile en raison du caractère indirect du préjudice subi.
L’automatisme disparaît donc. Exemple : employeur poursuivi pour banqueroute. Abus
de biens sociaux. Licenciement économique d’un salarié. Les salariés sont irrecevables
car les préjudices sociaux n’ont pas de lien direct avec l’effet de banqueroute, de
fraude. Le caractère direct doit être établi. Crim. 5 janvier 1995.



                                                                                        33
b. Les groupements

      L’article 3 reste applicable, mais l’article 2 du CPP ne l’est plus. On l’a déjà
évoqué, c’est là spécificité du droit du travail ; dès lors qu’un groupement est admis à
engager l’action civile non pas pour ses intérêts propres mais dans le cadre des
intérêts collectifs qu’il représente on ne peut plus évoquer la victime d’une infraction
pénale.



      Article 2-1 du CPP est à évoquer. La constitution de parties civiles par des
groupements fait l’objet de dispositions dérogatoires expresses de la part du code de
procédure pénale. Ainsi s’agissant des syndicats professionnels, quels qu’ils soient
d’ailleurs, les organisations représentatives peuvent se constituer parties civiles dans
le cadre des intérêts collectifs qu’ils représentent. L’intérêt collectif est une notion
pas précisée par la loi, elle se situe entre l’intérêt individuel et l’intérêt général. Il
s’agit d’un intérêt catégoriel en vérité. Il coexiste avec l’intérêt individuel de la
victime. La jurisprudence indique que quand les conditions d’emploi, de travail ou de vie
sont mises en cause par l’infraction alors l’intérêt collectif se trouve intéressé. Crim.
23 novembre 1982. Une précision toutefois : seules les infractions à la réglementation
sociale peuvent être invoqués, pas celle de droit commun. Crim 16 décembre 1991.
Rappelons enfin que si les organisations ont un intérêt général à agir, les associations
doivent cependant être spécialement habilitées (2 et suivants du CPPP) pour pouvoir
se constituer parties civiles. Les institutions de représentation syndicale internes
sont exclues toutefois, notons le bien. Crim. 28 mai 1991.



      Loi du 27 mai 2008 en matière de lutte contre les discriminations : l’influence
de la CJCE s’y fait sentir. Certaines modifications ont été apportées au CPPP qui
permettent une élargissement des associations habilitées à agir dans le cadre des
discriminations.




                                                                                       34
Thème 5. Responsabilité pénale (personnes physiques)

      Envisageons l’originalité de la responsabilité pénale dans le cadre du droit
social, ceci dans trois thèmes relatifs à la responsabilité.



      En principe, c’est le chef d’entreprise qui est responsable pénalement des
infractions commises au sein de l’entreprise. Ce responsable désigné peut s’exonérer
de sa responsabilité en confiant une délégation de pouvoir à l’un de ses subordonnés.
Ceci lui substitue un responsable pénal car la délégation du pouvoir accompagne une
délégation de responsabilité pénale. Mais cette énonciation doit être soulignée. Le
délégataire devient responsable substitué le cas échéant. Si l’on prend l’exemple
géographique, on penserait que le responsable local est responsable. Ceci n’existe pas
sauf délégation de pouvoirs, le principe demeure la responsabilité du chef
d’entreprise. Le chef d’entreprise est le responsable pénal présumé. Ce principe est
renforcé par le pouvoir de direction, par l’autorité de l’employeur. C’est parce que le
chef d’entreprise exerce son pouvoir de direction que la délégation de pouvoir ne se
présume pas. C’est parce que le chef d’entreprise, comme employeur, exerce ces dits
pouvoirs de direction, il est présumé responsable pénal.



      Rappelons que certaines personnes physiques autres que le chef d’entreprise
employeur ou son substitut encourent des sanctions expressément prévues par le
code du travail. Les fondements de la réglementation sociale jouent autrement dit.



      Ceci pour l’essentiel sur le terrain de l’hygiène et de la sécurité. Ainsi des
personnes distribuant des boissons alcoolisées dans l’entreprise. Les fournisseurs
d’équipements de travail et de moyens de protection -L43-11-1-. Dans les opérations
de construction, en cas d’accidents de travail, le maître d’ouvrage –L45-32-1-, le
coordonateur de sécurité -L45-32-2-. L47-31-1 impose que pour qu’il y ait poursuite
de ces personnes, leur responsabilité ne se présumant pas contrairement à
l’employeur, il faut une démonstration de leurs fautes personnelles. En revanche, la
jurisprudence rappelle quant à elle que la responsabilité pénale de l’employeur
n’exonère pas de responsabilité ces tiers et inversement. Crim. 11 février 1992.




                                                                                     35
I. La responsabilité de l’employeur


      Dans le code du travail on ne voit pas d’imputation privilégiant le chef
d’entreprise, l’employeur, quelle que soit l’infraction. Mais de fait la plupart des
incriminations concernent tacitement le chef d’entreprise employeur. Sur ce point
d’ailleurs notons que souvent on rappelle qu’entreprises ou chefs d’entreprises, selon
la jurisprudence sociale, cela désigne l’autorité la plus élevée dans l’entreprise mais
aussi l’autorité la plus élevée au sein d’un établissement autonome. Or la plupart des
règlementations vise le territoire de l’établissement autonome y compris quand le
terme « entreprise » est utilisé. Dans l’hypothèse d’une délégation on ne retient que
l’expresse, on ne la présume pas rappelons le. Envisageons bien la responsabilité du
chef d’entreprise stricto sensu.



a. La détermination du responsable

      Quelle est l’autorité la plus haute dans l’entreprise ? Souvent un territoire
déterminé, l’entreprise, nous le permet puisque le droit du travail organise une
structure pyramidale. Mais ceci n’est parfois pas clair. Certains territoires sociaux
voient une pluralité de responsables sociaux possibles.




                        Paragraphe 1. Un responsable unique


      Les statuts, les dispositions légales… vont désigner le responsable de droit.
Mais nous sommes dans le cadre de la recherche d’un responsable à une infraction à la
réglementation sociale. Or la jurisprudence sociale identifie la responsabilité de
l’employeur à partir d’un seul critère qui n’est pas statutaire : c’est l’exercice des
pouvoirs qui prévaut.



1. Un responsable de droit

      En principe au sein de l’entreprise individuelle l’entrepreneur individuel, la
personne physique propriétaire ou gérante de l’entreprise en assurant la direction
effective va être le responsable pénal au sein de l’entreprise individuelle. Au sein de

                                                                                    36
l’entreprise personne morale, l’identification est plus délicate. Bien entendu nous
allons rechercher au sein de la personne morale la personne physique la représentant
et exerçant la plénitude du pouvoir de direction. Cherchons donc dans le droit des
sociétés, dans le statut de la personne morale, dans la loi de 1801 pour les
associations, cherchons la personne physique représentant et exerçant la plénitude
des pouvoirs. Le code du commerce nous donne les solutions. SARL : le gérant assume
la responsabilité pénale de l’entreprise. En cas de cogérance ? La jurisprudence dit
que, à moins que l’un des deux reçoive mandat exclusif d’exercer l’autorité de
l’entreprise sur le personnel salarié les deux sont responsables. SA : pour celles à CA
ce sera le président du CA. Crim. 23 juillet 1993. Pour les SA à directoire de
surveillance, le président du directoire Crim. 20 février 1990. Ceci à moins qu’un
mandat spécial ait été conféré. Pour les associations c’est le président. Pour les
organisations syndicales c’est le directeur. Pour les entreprises en redressement
judiciaire c’est l’administrateur judiciaire. Notons toutefois que dans les illustrations
jurisprudentielles le critère principal, y compris dans le cadre de la jurisprudence
pénal, c’est la réalité de l’exercice du pouvoir de direction.



2. Un responsable de fait

      La jurisprudence est ancienne, constante, et poursuit celui exerçant réellement
les prérogatives de l’employeur. Celui qui est investi du pouvoir de direction. Crim. 11
janvier 1972. Cette appréciation jurisprudentielle va jusqu’à envisager les poursuites
et condamner le gérant de fait d’une structure informelle, au sein duquel il exerce une
autorité assimilée à celle de l’employeur. Crim. 29 octobre 1985.



      Dès lors que le juge identifie un gérant de fait, un employeur de fait, cela
exonère de responsabilité pénale, le cas échéant, le responsable désigné par la loi ou
les statuts. Crim. 10 mars 1998.




                     Paragraphe 2. Une pluralité de responsables


      Le code du travail organise lui-même la distribution des responsabilités pénales
dans les hypothèses de travail en commun, dans les hypothèses où des relations de
travail multipartites apparaissent notamment en matière de travail intérimaire. Ce


                                                                                      37
sont dans ces hypothèses de travail en commun non identifié par la réglementation
sociale que la jurisprudence a développé une solution prétorienne.



1. Le travail en commun

        Ceci renvoie à une situation où plusieurs entreprises distinctes interviennent
ensemble sur un chantier commun –quasi unanimité des cas relatifs-. Une infraction
est commise sur le chantier à l’encontre d’un salarié par un autre salarié. Lequel des
dirigeants, de fait ou de droit, sera poursuivi ? 1er réflexe : toute infraction ayant
causé un préjudice à un salarié engage la responsabilité pénale de l’employeur de ce
salarié.



        Mais certains mécanismes peuvent perturber –pas la neutraliser- le principe.
Lorsque plusieurs entreprises interviennent, l’une d’entre elles peut être en charge de
la sécurité. Sauf stipulations contractuelles expresses « l’employeur chargé de la
sécurité n’est pas responsable » -ce type de clause étant rare-. Crim. 22 octobre
1991.



        Deuxième    perturbation   du   principe :   lorsque   des   salaires   ont   été
temporairement mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, en principe selon R45-
11-7 la responsabilité pénale de l’entreprise utilisatrice et non de l’employeur est
engagée. Toutefois, la jurisprudence le précisant, dans l’hypothèse où l’entreprise
employeur a collaboré à l’infraction elle peut être aussi poursuivie. Crim. 27 mai 1999.



        Bref, un principe, quelques nuances, une jurisprudence transversale : dans
l’hypothèse où une entreprise exerce la réalité du pouvoir de direction c’est le chef
de cette entreprise qui sera, seul, poursuivi pénalement. Crim. 15 novembre 1988.



2. Le travail intérimaire

        L1251-1 et suivants du code du travail. Les entreprises d’intérim ont
exclusivement l’autorisation de louer de la main d’œuvre salariée. L’objet exclusif
d’une entreprise de travail temporaire c’est de mettre à disposition d’entreprises


                                                                                      38
utilisatrices des salariés. La seule activité autorisée est la mise à disposition de la
main d’œuvre. La jurisprudence va s’inspirer de ces dispositions légales.



      L1251-21 prévoit que pendant la durée de la mise à disposition c’est l’utilisateur
qui est responsable des conditions d’exécution du contrat. Etant responsable des
conditions de travail il est de plus responsable pénalement des infractions commises
par le salarié intérimaire et des infractions subies par le salarié intérimaire.



b. Le régime de la responsabilité pénale de l’employeur

      On pourrait avoir le sentiment d’avoir tout dit, mais la responsabilité pénale en
droit social donne lieu à des solutions tout à fait originales. Certains auteurs évoquent
ici une quasi responsabilité pénale du fait d’autrui. La construction est avant tout
prétorienne. Le chef d’entreprise répond aussi des infractions dont une partie de la
matérialité a été commise par autrui. Contrairement au principe de personnalité des
peines, l’employeur peut être poursuivi pour des infractions qu’il n’a pas
matériellement commise en totalité. Une traduction législative existe d’ailleurs :
article 3 bis de l’ordonnance 58 du 23 décembre 1958. Examinons les fondements
juridiques et son champ.




     Paragraphe 1. Le fondement juridique de la responsabilité de l’employeur


      Les infractions dites non intentionnelles, d’infraction et négligence, inaugurées
par le droit social, sont à l’origine. 121-1 du code pénal pose le principe de personnalité
des sanctions et des infractions, voici sa dérogation, en droit social. L’employeur ès
qualités sera condamné en raison de faits commis par ses subordonnés. Il s’agit bien
ici d’une substitution de responsabilité, d’ordre public.



      Quel fondement juridique de cette substitution ? Un manquement à l’obligation
légale de surveillance du personnel. Crim. 30 décembre 1992. Ceci apparaît peu
satisfaisant juridiquement, une coresponsabilité pénale devrait exister, là on a une
substitution donc une exonération de la responsabilité du salarié. Ceci est toutefois à
minorer du champ d’application, cf. infra. Une loi du 6 décembre 1976 a inséré L47-7-
1 et suivants du code du travail en matière d’hygiène et de sécurité. Les lois de 1996
                                                                                    39
et de 2000 sont simplement venues préciser des fondements trentenaires. Les
réformes récentes ont surtout été l’occasion d’exporter dans le droit commun ce
régime expérimenté pendant 20 ans dans le seul champ du social. La loi du 13 mai 1996
et celle du 10 juillet 2000 ont inséré un nouvel article, 121-3 alinéa 3, dans le code
pénal. Ceci visait les élus locaux. La loi du 10 juillet 2000 est venue réviser, car les
élus locaux sont venus témoigner des infractions de négligence, trop dures à assumer,
la loi de 2000 a donc tempéré le régime. Ce tempérament de la responsabilité pénale
en matière d’imprudence et de négligence vise essentiellement des hypothèses où un
tiers a exclusivement contribué à la production de l’infraction, il sera seul responsable
et cette hypothèse vise au premier chef l’employeur. Crim. 27 mai 1999. L’apport du
10 juillet 2000, c’est la notion de conscience du risque d’une particulière gravité que
le prévenu ne pouvait ignorer. L’intention va être présumée dès lors qu’est établi que
le prévenu avait conscience d’un risque d’une particulière gravité.



            Paragraphe 2. Le champ de la responsabilité de l’employeur


      C’est en matière d’hygiène et de sécurité que cette quasi responsabilité du
fait d’autrui retient l’employeur. Cet employeur ne peut d’ailleurs pas être exonéré du
seul fait des règles de sécurité qu’il a imposées à ses salariés. La jurisprudence
prévoit, rappelle, de façon constante, que le chef d’entreprise doit veiller
personnellement à tout moment à la stricte et constante exécution des consignes de
sécurité. Crim. 23 mai 1978.




                            II. La délégation de pouvoirs


      Conditions de validité ? Régime ? Ce dit régime est à éliminer puisqu’on a décrit
déjà les effets. Les conditions de validité importent dans la mesure où elles sont
majeures pour la pratique, dans le cadre d’une recherche d’exonération de
responsabilité.



a. Le régime de la délégation

      Il s’agit d’une délégation de pouvoir classique, mais en revanche déléguer la
responsabilité en particulier pénale, cela contrevient effectivement au principe de

                                                                                      40
personnalité des délits et des peines. Par suite, la licéité même de la délégation de
pouvoir doit être vérifiée. Explorons la jurisprudence puis sa mise en œuvre.




                Paragraphe 1. La licéité de la délégation de pouvoirs


      Cherchons des indices. L441-7 et suivants du code du travail ; en ce qui
concerne la réglementation sociale relative à l’hygiène et à la sécurité : la
responsabilité parait liée à toute une série de subordonnés au chef d’entreprise. Pour
autant il ne faut pas en retenir le chef d’entreprise au sens civiliste classique. C’est
l’autorité suprême, la structure de l’entreprise qui est exclusivement visée. Il n’en
reste pas moins qu’une chaine de subordination est évoquée dans cet article. Ceci nous
conduit pour le moins à présumer que la délégation de responsabilité n’est pas exclue,
pas considérée comme illicite. Aucun texte du code du travail ne régit expressément
la délégation de pouvoir.



      Jurisprudence ancienne et constante : licéité de la délégation de pouvoirs Crim.
28 juin 1922, 29 juin 1950, 10 juin 1980, 14 décembre 1999. Cette licéité s’explique
toutefois en opportunité. Des arguments d’opportunité conduisent de plus en plus le
juge à admettre la licéité de la délégation de pouvoirs. Cette délégation, non
seulement reçue par la jurisprudence, est en outre reçue largement par la
jurisprudence criminelle. Toutes les matières où la responsabilité du chef d’entreprise
ès qualités peut être engagée sont … Crim. 11 mars 1993. Bien entendu cette licéité
n’exclut pas l’exploitation de l’abus de la part du chef d’entreprise ou du délégant. Le
juge retient la nécessité d’une complexité minimale de l’entreprise, exigeant de fait
une répartition des pouvoirs. Le juge va apprécier, le cas échéant, le caractère abusif
de la délégation dès lors que la structure ou le territoire de l’entreprise ne serait pas
suffisamment complexe pour rendre nécessaire, incontournable, une délégation de
pouvoirs. Cette jurisprudence Crim. 3 janvier 1964 a été reprise par l’interprétation
administrative cf. réponse ministérielle du 29 juillet 1985.




                  Paragraphe 2. La mise en œuvre de la délégation


      Comment fonctionne, sur le plan processuel, la délégation de pouvoirs ?
Fondamentalement, le principe c’est la responsabilité présumée du chef d’entreprise.
                                                                                 41
La délégation de pouvoirs c’est l’exception. Aussi par conséquent le chef d’entreprise
n’est exonéré de sa responsabilité pénale que s’il invoque expressément la délégation
affectée à un subordonné. Le juge n’a pas, y compris celui d’instruction, n’a pas à
rechercher lui-même l’existence d’une délégation Crim. 20 novembre 1974. Cette
délégation doit être invoquée par l’employeur lui-même. Crim. 29 mai 1990.



        En revanche lorsque le chef d’entreprise invoque une délégation de pouvoirs
régulière elle lie le juge, exonère de la responsabilité pénale le chef d’entreprise, la
même infraction ne pouvant faire l’objet de poursuites contre le délégataire et contre
le délégant. La responsabilité pénale est ici alternative, non cumulative. Crim. 29 mars
1979.



        Comment prouver cette délégation de pouvoirs, qui ne se présume pas, doit être
expressément invoquée par le chef d’entreprise employeur, et dont les effets
radicaux lient le juge ? La délégation de pouvoirs ne se présume pas, ceci y compris en
cas d’absence chronique et légitime du chef d’entreprise. Crim. 7 juin 2006 –un chef
d’entreprise hospitalisé n’est pas présumé avoir délégué ses pouvoirs à l’un de ses
subordonnés-. La preuve de la délégation est libre. Un écrit n’est pas nécessaire à
l’établissement de la délégation, crim. 27 février 19… , et à l’inverse un écrit ne lie pas
le juge. Crim. 10 juillet 1980. La démonstration de la délégation doit s’appuyer sur des
éléments objectifs et précis. Crim. 2 octobre 1979. Ce peut être des PV de réunion,
des délibérations de CA, … Bien entendu, la démonstration de la délégation devra
concrètement permettre au juge que sont réunies les conditions de validité.



b. Les conditions de validité de la délégation de pouvoirs

        Soulignons bien qu’il s’agit d’un régime prétorien. Des arrêts récents ont
rassemblé, synthétisé ces conditions. Retenons certaines formulations. Crim. 16
janvier 1990 : « la direction ou la surveillance du service a été confiée à un préposé
désigné par le chef d’entreprise pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaire
pour veiller efficacement à l’observation des dispositions en vigueur en matière
sociale ». On le voit, de façon classique, la jurisprudence distingue deux familles de
conditions de validité. Des conditions relatives à la personne délégataire et des
conditions relatives à l’objet de la délégation.


                                                                                        42
Paragraphe 1. Les conditions relatives à la personne du délégataire


      La question de l’investiture du délégataire est une 1ère condition de validité.
Pourvu de compétence, et de l’autorité, deux autres conditions. Enfin la question des
moyens –« efficacement »- est en jeu. Investiture, compétence, autorité, moyens, ce
sont là les 4 conditions relatives à la personne du délégataire.



-Investiture : Qui peut être désigné comme délégataire ? Longtemps la jurisprudence
n’a désigné que le personnel d’encadrement c'est-à-dire le personnel investi de par son
statut de prérogatives de l’employeur. Mais un revirement est intervenu dans les
années 1960. La qualité de préposé susceptible de recevoir une délégation est bien
plus large que les seuls cadres de l’entreprise, même un salarié occupant une position
hiérarchique modeste peut être investi d’une délégation, cela à la condition qu’il
exerce une autorité sur un personnel subordonné. Chambre sociale, 22 avril 1966, 14
septembre 1988.



      Le salarié doit il accepter la délégation ? La jurisprudence, d’une part, impose
l’information du délégataire -Crim. 4 juin 1957-. D’autre part, la jurisprudence rejette
toute délégation à la charge d’un salarié qui l’a refusée expressément. Crim. 28 mai
1981. Pour le reste, évolution jurisprudentielle : depuis 20 ans la jurisprudence
n’oblige pas à montrer l’AR ou l’acceptation expresse du délégataire, une acceptation
tacite est admise, chambre criminelle 10 juin 1986. Pour finir, le préposé délégataire
peut subdéléguer librement ses pouvoirs et sa responsabilité afférente sauf
autorisation formelle de l’employeur Crim. 30 octobre 1996.



-Compétence : Le délégataire doit être pourvu des compétences suffisantes pour
exercer les prérogatives du délégué. Dans l’hypothèse où le délégataire n’est pas par
son poste de travail ou par son statut pourvu de la compétence il doit recevoir une
formation spécifique si elle s’impose. Cf. circulaire ministérielle du 2 mai 1977. Par
compétence, la jurisprudence entend la compétence technique mais aussi des
compétences juridiques –on rejoint ici l’obligation d’information- pour apprécier le
champ de la responsabilité engagé. Crim. 5 janvier 1982.




                                                                                     43
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  • 1. Université Montpellier I COURS DE DROIT PENAL DU TRAVAIL Notes personnelles Année 2008-2009
  • 2. Droit pénal du travail Note sur l’examen final : il s’agira d’un commentaire d’arrêt ou d’une dissertation en une heure trente. Bibliographie Chez Litec, Droit pénal du travail. Ou encore chez Monchrestien. Sinon consulter le jurisclasseur. En que sais je, Le risque pénal du travail est intéressant. Le code du travail 2009 parait indispensable. Le cours sera composé de 11 thèmes, avec une introduction générale préalable. Nous commencerons par un thème pivot à savoir l’inspection du travail. Notons que les thèmes 5 à 7 sont les plus importants. Introduction générale Le droit social est une notion plus importante que celle de droit pénal du travail, car aucune règle n’est à part. Le droit pénal est avant tout règlementaire, peu légal. Dans la fin des années 70 / début des années 80, la réponse des magistrats à cela a été la création du droit social. Dans les années 1990 le législateur est venu écrire dans le préambule des réformes que la jurisprudence devait être codifiée dans la réglementation. Pourquoi a-t-on désigné « droit pénal du travail » quelque chose qui n’existe pas ? La source est le Code du travail, recueil qui s’impose au Juge, on ne peut y déroger par convention. Il s’agit de mesures impératives. Par parenthèse notons que l’opposé, les mesures supplétives, s’appliquent dans le silence contractuel. L’ordre public a deux dimensions désormais. Une peut être dérogée, au sens favorable au salarié. Une autre seulement quand les partenaires sociaux le décident. Pourtant existe un corps de règles important d’ordre public, basé sur un postulat celui d’un salarié faible / employeur fort. L’objectif du droit du travail est le rééquilibrage de cette relation, en imposant un déséquilibre par la création d’un droit d’ordre public. 2
  • 3. De plus, les dispositions créent un déséquilibre juridique ; d’où la question de l’efficacité de la réglementation = l’Etat doit engager la puissance publique, donc créer des mesures répressives. Le droit du travail nait donc répressif. Dans le code du travail actuel on trouve pour chaque mesure organisationnelle une qualification pénale + une sanction pénale. Il n’y a donc pas de droit pénal du travail, on fera du droit social, d’un point de vue particulier. Si l’on observe l’ensemble des mesures répressives, on devra en déduire les originalités, les dérogations par rapport au droit commun. De plus, on observera l’interprétation jurisprudentielle, distincte le cas échéant. On attend pourtant du Juge qu’il applique strictement le droit. Depuis quand date le droit du travail ? 1810 ou 1804, apparitions des codes pénal et civil. Dans le premier code pénal on ne trouve rien en termes de droit de travail à part par rapport aux ouvriers journaliers. Sinon, la qualité de salarié est une circonstance aggravante dans certaines infractions… Notons le délit de coalition ouvrière, abrogé en 1843. Dans le premier code civil on trouve le contrat de louage et le contrat d’ouvrage. Au début des années 70, il est nécessaire de réformer le droit social dans le courant d’où césure conception classique / moderne axée sur la réglementation. Pour ce faire, une nouvelle vague de codification survient. Ainsi la loi du 5 juillet 1972 « Loi portant réforme des pénalités du travail ». Après les années 70, chaque réforme comportera un volet répressif. Les réformes du droit pénal lui-même vont être influentes en droit du travail. De plus, dans le contexte salarié, les interprétations pénales jurisprudentielles vont être spécifiques. De plus, des sources spéciales vont avoir des effets normatifs à savoir les accords et conventions collectives. Chaque mesure civile du Code du travail a sa protection pénale. Quid de la violation conventionnelle ? Peut on poursuivre au pénal ? Le principe de légalité en droit pénal existe, donc un texte qualifiant et prévoyant doit exister. Longtemps la jurisprudence a hésité. La chambre criminelle a interprété strictement, il n’est pas possible de poursuivre. 3
  • 4. Mais certains arrêts autorisent les poursuites pénales. L122-63-1 organise désormais les qualifications pénales. Seul le non respect des dispositions d’un accord de convention collective étendu donne lieu à infractions pénales. Thème 1. L’inspection du travail 4
  • 5. Le droit pénal est incarné par le procureur de la république, mais en droit pénal du travail c’est l’inspecteur du travail qui l’incarne. Cela pour différentes raisons. Il bénéficie d’une expertise technique évidente. Ses prérogatives lui permettent d’autoriser les poursuites pénales ou de les éviter. Cependant l’opportunité de poursuivre demeure le Parquet / le Procureur de la république. Cependant ce dernier est seul face à un territoire géographique énorme. Il peut être informé par la délation citoyenne. Il est renseigné par la victime de l’infraction. Mais le procureur de la république reste surtout informé par la police judiciaire et la gendarmerie. (art 14 CCP). La police est judiciaire car au service de la Justice. De plus, la police défère en réquisition. En matière sociale, la police judiciaire demeure bien entendu compétente. L82- 71-13 du code du travail vise l’OPJ pour les infractions à la réglementation sociale. D’autres fonctionnaires sont habilités, ceux à la compétence spéciale, sur territoire limité. Agents DGGCRF. En matière sociale, L91-13 et suivants font de l’inspecteur du travail le corps spécialement limité. Comparé à la plupart des fonctionnaires spécialement habilités, cet inspecteur du travail dispose de plus de prérogatives, originales. Contrairement à l’inspecteur des douanes, à l’OPJ… Il a des prérogatives plus larges, plus efficaces. L’encadrement est assuré par des dispositions exorbitantes de droit commun. Dans ce contexte nous envisagerons compétence / pouvoir / protection. Une loi de 1882 a édicté un premier corps de règles. L’instauration par l’Etat pourtant régalien. On a une loi de 1884 par rapport à la protection sociale par ailleurs. On a créé l’administration ex nihilo. Des règles de subsidiarité ont été posées, aujourd’hui dites hygiène et sécurité. Notons que les inspecteurs et contrôleurs du travail sont soumis à une hiérarchie organique Ministre / Dr national / Dr régional / Dr départemental … Sur le plan fonctionnel, chaque agent est indépendant (pour dresser un PV en particulier). CE 1977 : recours contre PV d’un inspecteur se fait contre le ministre. Depuis la réforme, il existe un seul corps interministériel, un seul statut. Même si 3 filières sont concernées, générale, agricole et transports. 5
  • 6. Les inspecteurs le sont statutairement par voie de concours. Ils sont environ un tiers sur le terrain. 1. La compétence de l’inspecteur du travail a. La compétence territoriale Signalons qu’elle n’est pas classique. On la nomme commissionnement administratif. Elle est professionnelle en plus d’être géographique. De plus, ce commissionnement est déterminé librement par le directeur départemental du travail. Cette répartition interne a donc comme limites le département. Aucun minimum. De plus, le territoire professionnel dépend du secteur, mais le directeur départemental du travail et l’inspecteur général de la filière concernée vont répartir la compétence selon la taille des entreprises contrôlées. Dans son fonctionnement, la compétence de l’inspecteur a un traitement original. Hors du commissionnement administratif un inspecteur ne peut traiter faute de procédure pénale entachée de nullité. Dans l’hypothèse d’un PV dressé hors de la section territoriale la nullité n’entache pas la reprise des poursuites (Crim. 29 octobre 1991). L’inspecteur peut dresser des PV sur la base d’informations collectées sur sa formation territoriale sans les constater personnellement. Cependant une réserve = seules les informations sur la base d’éléments situés sur le territoire de l’inspecteur du travail (Crim. 9 décembre 2003). b. La compétence matérielle L’inspecteur du travail constate les infractions au code du travail et aux lois et règlements. = réglementation sociale dans son ensemble, avec les textes non codifiés (par exemple la loi de 1978 par rapport à la mensualisation du salaire). Un arrêté municipal ou préfectoral peuvent ainsi être de mise, par exemple un arrêté municipal 6
  • 7. interdisant le travail le dimanche. L’inspecteur du travail a compétence pour sanctionner les infractions du code du travail, du code de la sécurité sociale, n’importe quel corps de règles mentionnant explicitement sa compétence. Exemple 225-2 alinéa 3 du code pénal, par rapport aux discriminations abusives. Des règlements communautaires peuvent avoir des effets. Ainsi du règlement de 1985 sur le transport terrestre par exemple. Ce texte entre dans le champ matériel (temps de conduite et temps de repos). 2. Les pouvoirs de l’inspecteur du travail Moyens / Outils / Attributions. a. Les moyens Trois outils. 1. Le droit d’accès. A tous les établissements et lieux où la réglementation sociale s’applique (Seules exceptions = certaines entreprises du ministère de la défense). + locaux affectés uniquement à l’habitation ne sont pas concernés personnel de maison par exemple. L’inspecteur peut accéder sous condition d’autorisation des occupants. Crim. 19 mars 1985. Les OPJ sont limités sur 6h-21h au contraire. Crim. 14 décembre 1912. 2. Le droit d’enquête Ce droit organise une suite au droit de visite, dans le prolongement l’inspecteur peut parcourir et analyser différents moyens. Il peut procéder à tout prélèvement. 44-11-5. Ordonner saisie d’un matériel, … Ce droit d’enquête permet l’audition des salariés ou de toute personne au sein des locaux où il accède. L’employeur ne peut s’opposer à cela. Même si le fonctionnement s’en trouve perturbé ; Crim. 22 juillet 1981. Cependant au contraire de l’OPJ il ne peut user de moyens contraignants ; on peut donc garder le silence. Les réponses ne doivent être mensongères sous peine de délit d’obstacle ; Crim. 22 octobre 1987. 7
  • 8. 3. Le droit de communication A l’occasion des visites, l’inspecteur doit avoir accès à tous les documents exigibles à première demande et prévus par la réglementation sociale. Seuls ces documents peuvent être exigés par l’inspecteur. Par exemple la comptabilité ne peut être communiquée. Crim. 17 mars 1992. (…) b. Les attributions de l’inspecteur du travail Elles sont elles aussi originales, exorbitantes du droit commun. Ce qui est essentiel dans leur examen, c’est moins l’action pénale que les attributions alternatives dont il dispose, qui sont à la fois prévues mais encouragées. Paragraphe 1. L’action pénale Le procès verbal de l’inspecteur du travail marque l’enclenchement d’un processus qui peut conduire, dès lors que le procureur de la république déclenche l’action, à des poursuites pénales. Ceci dit le fonctionnaire de police, l’agent de la DDE ou celui de la DGGRF dressent aussi le procès verbal, proposant ainsi d’engager l’action publique. L’inspecteur du travail dispose cependant sur ce terrain de prérogatives exorbitantes du droit commun ; en effet il dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la constatation de l’infraction. Classer sans suite ou déclencher l’action publique est le pouvoir d’opportunité du procureur. L’inspecteur du travail, quand il constate une infraction, est libre de dresser procès verbal ou de ne pas le faire. CE 3 octobre 1997. A contrario le CPP impose au fonctionnaire chargé de constater et traiter les infractions de dresser sans délai PV. L’inspecteur peut différer le PV, faire une recommandation, un avertissement … L’inspecteur dispose en somme d’un quasi pouvoir d’opportunité. Si l’inspecteur ne dresse pas, alors c’est comme s’il classait sans suite. En revanche il n’a pas de pouvoir de poursuite. L’inspecteur décide arbitrairement de dresser ou non ; a contrario le procureur est soumis à une hiérarchie fonctionnelle. L’inspecteur n’est donc pas contrôlé dans son choix, il s’agit bien d’une prérogative exorbitante. Paragraphe 2. Les attributions alternatives Ces attributions renforcent l’originalité de l’institution. Par nature, l’inspecteur du travail peut adresser des recommandations / conseils / avertissements voire des 8
  • 9. injonctions. Ces attributions sont déjà sur ce terrain encouragées par l’administration, et ce depuis force années. Une anecdote ; en 1998 par rapport à la réforme du temps de travail, Martine Aubry a imposé plusieurs circulaires pour rappeler en substance que le PV n’est pas le strict but de la profession. Elle adoptera finalement une directive pour étouffer la grogne de l’inspection. Les attributions alternatives sont très encouragées. On voit ici que le droit pénal est du droit social. On insiste donc bien sur l’appui à la force de conviction de la réglementation sociale dans sa dimension organisationnelle. Notons 77/165, publiée au JO du 18 juillet 2006, réponse ministérielle recommandant à l’inspection du travail un usage prépondérant des sanctions administratives. Ce type de circulaire rappelle que l’inspecteur peut faire recommandations, conseils, injonctions… Ces attributions alternatives ne sont pas tous issus de la jurisprudence ; dans l’arsenal réglementaire à disposition de l’inspecteur, il existe d’autres types d’attributions encadrés, se distinguant de l’enclenchement de l’action publique. Ainsi, l’inspecteur peut saisir le juge des référés. Deux domaines spécifiques : d’abord L47-32-1, ancien L263-1 ; lorsqu’un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur ou lorsqu’un danger grave et imminent par rapport à hygiène / sécurité. Ensuite L32-13 : l’emploi illicite d’un salarié en infraction aux dispositions relatives au repos hebdomadaire dominical = du dimanche. Dans ces deux domaines le juge des référés peut être saisi. Quel est le juge compétent ? Le juge du droit commun. Bien entendu, l’inspecteur du travail sous-traite la décision au magistrat qui prend une décision. Il s’agit d’une alternative dure. Deuxième attribution alternative : les articles L47-31-1 et suivants. L’inspecteur du travail peut unilatéralement prescrire un arrêt temporaire des travaux sur un chantier du BTP dès lors qu’il constate un danger grave et imminent résultant d’une infraction à la réglementation sociale résultant de l’inobservation des dispositions réglementaires relatives à la protection contre les chutes en hauteur, au dispositif anti ensevelissement, et au dispositif de retrait de l’amiante. L’inspecteur peut unilatéralement prescrire un arrêt administratif temporaire des travaux. Cette procédure commence par un constat écrit. Ce constat est remis au chef d’entreprise. Cette décision administrative est immédiate. En cas de non application il y a délit 9
  • 10. d’obstacle. Cette décision administrative peut être contestée par le chef d’entreprise, auprès du président du TGI qui statuera en référé. Il va appliquer le code du travail. Le président du TGI peut annuler la décision. Il peut aussi ordonner une régularisation au chef d’entreprise. Ce dernier peut aussi ne pas contester et exécuter les demandes de régularisation de la part de l’inspecteur du travail. Aussi, lorsque l’inspecteur du travail ordonner l’arrêt des travaux, il peut punir unilatéralement l’entreprise par 2 jours d’arrêt du chantier. Voilà des attributions les plus utilisées. Une anecdote ; un inspecteur du travail dans la branche agricole 912 de l’ancien code rural autorise l’inspecteur à ordonner le remboursement à la MSA, organisme mutualiste gestionnaire de la sécurité sociale agricole, des cotisations sociales sur des salaires que l’on estime impayés (heures supplémentaires par exemple). Ceci prend la forme d’un avis de l’inspecteur qui amène le MSA à émettre une contrainte et la notifier. Le MSA est donc lié à l’avis de l’inspecteur. C’est une arme en pratique imparable. L’inspecteur peut combiner toutes ces armes. c. La protection de l’inspecteur du travail Le délit d’obstacle existe, mais par ailleurs existent d’autres types d’infractions qui viennent protéger. a. Le délit d’obstacle L81-14-1, ancien L631-1 code du travail. Il prévoit une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 3750 euros. Rappelons par ailleurs que l’amende est multipliée par le nombre de salariés la plupart du temps en droit social. Paragraphe 1. L’élément matériel Quel comportement ? Quiconque met obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur du travail. Cette formulation très générale permet de qualifier 10
  • 11. pénalement des comportements les plus divers, les oppositions aux missions les plus diverses de l’inspecteur du travail. La jurisprudence va donc être autorisée à apprécier de façon large. Le refus de l’audition de témoins, Crim. 22 juillet 1981. Le refus de communiquer les documents, Crim. 22 septembre 1998. Plus loin encore, le seul fait de s’être mis dans l’impossibilité de fournir le document. Le registre du personnel par exemple est donné, mais pas rempli. Crim. 17 septembre 2002. La seule réserve qui protégerait l’employeur : celui qui laisse un salarié commettre un obstacle sans le commander. Crim. 13 mai 1986. Dans l’analyse de l’élément matériel, on glisse sur l’élément intentionnel. Paragraphe 2. L’élément moral Ici la jurisprudence exige systématiquement la présence d’une intention délibérée. Mais la jurisprudence interprète de façon très libérale, car la seule conscience d’empêcher ou de rendre plus difficile le travail de l’inspecteur est constitutif de délit d’obstacle. Crim. 4 aout 1998. La difficulté sur ce point va relever des éléments probants. L’inspecteur est à la fois la victime et celui qui constate l’infraction. Sur ce point d’ailleurs la chambre criminelle fait du PV une source de renseignements, autrement le PV en matière de délit d’obstacle ne fait pas foi. Crim. 6 février 2007. b. D’autres infractions pénales Si le délit d’obstacle est l’infraction majeure, d’autres infractions existent. D’abord il existe des contraventions pour la plupart des comportements matériels constituant le délit d’entrave. R31-73-1 et suivants du code du travail en matière de non présentation des documents et registres. Mais en outre, au-delà du code du travail, le délit d’outrage existe. Cet article 403-5 du code pénal est rappelé à l’article L81-14-2 du code du travail. Autant de protections de l’inspecteur du travail donc. 11
  • 12. Thème 2. Procès-verbal L81-12-1 prévoit que l’inspecteur du travail peut dresser PV. Bien entendu s’il constate un délit, comme tout fonctionnaire, dans le cadre de ses fonctions, 40 alinéa 2 CPPP commande la constatation. Ce PV constitue, comme tout PV, un acte d’instruction et de poursuite. C’est d’ailleurs le premier acte dans la poursuite. Ce PV, rédigé et clos (= daté), est un acte interrompant la prescription ; crim. 28 juillet 1975. Les spécificités du PV de l’inspecteur du travail ? S’agissant du PV en tant qu’instrument, notons qu’une instruction ministérielle du 28 mars 2002, une circulaire, est venue redéfinir les règles présidant à l’élaboration des PV de l’inspection du travail. Cette circulaire vient rappeler des recommandations administratives, vient redéfinir les conditions d’établissement du PV. Mais l’instruction de mars 2002 n’est pas qu’esthétique ; la présentation a des répercussions intéressantes pour le juriste puisqu’affectant la force probante, l’efficacité judiciaire du PV. 1. Les conditions d’établissement Un PV est rédigé, clos et transmis au procureur de la république. Cette circulaire de 2002 est venue indiquer le contenu du PV. Avant d’aborder le contenu, envisageons la situation préalable au PV. La mise en demeure : elle est spécifiquement prévue par L47-21 et suivants du code du travail. La réglementation sociale ajoute pour le PV de l’inspecteur du travail ajoute un mécanisme supplémentaire de mise en demeure. a. La mise en demeure préalable L47-1 et suivants prévoient des situations spécifiques dans lesquelles une mise en demeure préalable est obligatoire. Attention toutefois ; cette mise en demeure est un acte administratif individuel, engageant donc la responsabilité de l’Etat, car il ressort non de l’administration mais de l’inspecteur, seul titulaire. C’est un attribut exclusif de l’autorité publique. Ca n’interrompt donc pas la prescription Crim. 10 décembre 1910 mais c’est une condition de validité du PV dans les conditions visées par la réglementation sociale. C’est un élément du PV, éventuel, à venir. Dans quel domaine cette mise en demeure est elle obligatoire ? 3 domaines généraux, un domaine divers. 12
  • 13. Premier domaine général : dans les matières nouvellement réglementées. En 1992, le harcèlement sexuel. Deuxième situation : pour des dispositions réglementaires pouvant donner lieu à des divergences d’appréciation. Par exemple les dispositions du CNE. Enfin, lorsque les prescriptions réglementaires imposent de la part du prévenu des modifications structurelles importantes. Par exemple l’amiante présent dans un bâtiment entier ; on ne peut punir trop rapidement le prévenu. On le voit ce sont des dispositions surtout axées sur hygiène et sécurité, ou bien des précautions en vue d’éviter le débat autour de l’erreur de droit. La mise en demeure est notifiée à l’employeur, dans un délai de 15 jours. En cas de confirmation motivée, le recours contentieux est ouvert, et tant qu’un jugement définitif n’est pas intervenu le PV n’est pas possible. Cette mise en demeure est une condition de validité du PV. Sans mise en demeure définitive, sans mise en demeure régularisée, le PV est entaché de nullité. Nous le voyons, il s’agit d’hypothèses très spécifiques et limitées. b. Le contenu du PV L’instruction ministérielle de 2002 prévoit mentions obligatoires + mentions facultatives. Rappelons que le PV est le vecteur entre inspection du travail et procureur de la république. Rappelons aussi que l’inspecteur du travail dispose, seul, du pouvoir d’appréciation d’opportunité. L’objet du PV est la description des faits permettant au procureur de la république de qualifier pénalement, et le cas échéant de poursuivre. C’est la raison pour laquelle la circulaire de 2002 recommande à l’inspecteur du travail une description détaillée, précise. Attention ; encore une fois le PV rapporte au procureur de la république des informations factuelles qui a exclusivement le pouvoir de qualifier pénalement. Aussi la circulaire rappelle que les propositions contenues dans le PV de qualification pénale, l’enquête et l’analyse sur les responsabilités pénales à propos des faits ne sont que des considérations personnelles de l’inspecteur du travail. L’instruction ministérielle recommande de distinguer clairement ce qui relève de la description des faits et ce qui relève de l’appréciation personnelle de l’inspecteur. On comprend que la valeur probante sera liée à la dimension factuelle, pas à l’analyse juridique relevant du procureur. Certains types d’infractions conduisent, il est vrai, à identifier de façon moins aisée la frontière entre les deux aspects. Par exemple une infraction positive, obligation de faire à la charge de l’employeur est simple. Mais s’agissant d’une omission, par exemple la tenue de réunions d’entreprises qui ne seraient jamais convoquées, dans la description des faits, l’analyse juridique de l’intention peut apparaître confondue. En tout état de cause, il convient de considérer la proposition d’une qualification pénale. L’instruction de 2002 recommande une standardisation du PV. Cette géographie du PV comporte 3 partie. Préambule, corps, clôture. Le préambule : indications matérielles de date, lieu. Le corps : c’est là le siège des recommandations. La circulaire de 2002 recommande 2 paragraphes, constat factuel, analyse des propositions. Cela infraction par infraction, quitte à être redondant. La clôture : la signature de celui qui a autorité, la date qui 13
  • 14. interrompra la prescription. Le PV peut être rédigé à tout moment. 66 CPPP ne joue pas ; le PV n’a pas à être rédigé sans délai. Crim. 26 novembre 1991. Le PV doit être rédigé en 2 exemplaires, l’un doit être envoyé au préfet l’autre au procureur de la république. Mais il n’existe aucune sanction au défaut de dépôt de PV au préfet. Notons que le PV n’a pas à être notifié au prévenu ; sauf dans un cas L81-7 ? en matière d’infraction relative à la durée réglementaire du travail. 2. Les conséquences a. La transmission du PV L’inspecteur transmet le PV au Parquet par l’intermédiaire du directeur départemental du travail. Mais ce contrôle n’est un contrôle que de la légalité du PV. L’article L81-13-7 ne prévoit aucune précision quant au contrôle, mais si la voie hiérarchique doit être respectée c’est que par définition le directeur s’en tient à la légalité. Quant à l’opportunité, le directeur ne s’y intéresse pas. b. La force probante du PV Combinons les articles du CPPP 537 pour les contraventions, 430 pour les délits. Les PV font foi pour les contraventions et sont de simples informations pour les délits. L81-13-7 pourtant pose une autre règle : les PV de l’inspecteur du travail font foi jusqu’à preuve du contraire, donc y compris pour les délits. Deux réserves à cela : 1. Cela concerne uniquement les faits décrits dans le PV et non pour l’analyse juridique. 2. Uniquement pour les infractions à la réglementation sociale, l’élément légal visé au PV doit être issu de la réglementation sociale. Crim. 6 février 2007. Cela revient à s’attacher au visa sur lequel on fonde le PV lorsque le comportement infractionnel est pénalement qualifié en droit social et en droit pénal. 14
  • 15. Thème 3. Poursuites pénales Si le procureur poursuit, le PV constituera presque rétroactivement le 1er acte de poursuite dans la procédure liée à l’action publique, et cette arme de l’inspecteur du travail qui n’en est une que parce que l’inspecteur la maîtrise complètement, ceci car il dispose d’outils alternatifs au PV. Ces derniers outils sont d’ailleurs encouragés. Ce PV, au-delà de l’outil, c’est le 1er acte dans l’action publique déclenchée par le procureur de la république. L’action publique peut être déclenchée par d’autres que le procureur de la République ; la victime peut la déclencher. Certains groupements peuvent la déclencher également, les organisations syndicales, les associations spécialement habilitées. Mais pour l’essentiel c’est le procureur de la république. Théoriquement l’action publique peut être déclenchée même quand il n’y a pas de victime, ou bien lorsque l’action civile est déclenchée devant le juge civil. Si l’action publique est incontournable, l’action civile demeure facultative. Comme victime on peut se constituer partie civile au procès pénal. Cette constitution est facultative. La victime peut par ailleurs solliciter l’indemnisation de son préjudice devant son juge naturel à savoir l’ordre juridictionnel civil ou administratif. Si l’on prend l’ordre juridictionnel civil dans le cadre employeur / salarié comme exemple, rien n’empêche le salarié de saisir le conseil des prud’hommes d’une action indemnitaire imputable à une infraction pénale commise par l’employeur. Ceci alors même que l’auteur de la faute civile est poursuivi du fait du caractère pénal de ses agissements devant le tribunal correctionnel. Notons une difficulté : que se passe t il si les juges civil et pénal, par hypothèse, ne partagent pas la même appréciation des faits ? L’un retient la faute, l’autre non. Comment assurer la légitimité de l’institution ? Certains mécanismes juridiques ancestraux régissent ces rapports entre action publique et action civile, entre le procès pénal et le procès civil parallèle. Que se passe t il si un juge pénal a décidé de la responsabilité pénale d’un individu ayant causé préjudice à autrui ? L’influence de la procédure pénale sur la procédure civile tient en des raisonnements précis, qu’il nous faudra envisager dans le cadre du champ social. Précisément, le fait de se situer dans le cadre des relations individuelles ou collectives de travail va donner à l’étude un aspect original. En effet, le lien de subordination entraine des caractéristiques particulières exorbitantes du droit commun contractuel. Il faut pour cela observer ce lien de subordination du côté de l’employeur. Ceci se traduit par le pouvoir de direction, le pouvoir de contrôler 15
  • 16. l’exécution des ordres et instructions, et le pouvoir de sanctionner disciplinairement. Le droit commun des contrats est coutumier de la notion de sanction. L’inexécution d’une obligation pourrait constituer par le biais d’une clause pénale contractuelle une mesure d’indemnisation ou une mesure de remise en état antérieur. Au final, la sanction la plus lourde est la rupture du lien contractuel. Rupture automatique ou demandée au juge. Le droit commun des contrats a donc toute sa place. Cependant ce qui caractérise le contrat salarié consiste bien dans le pouvoir disciplinaire. La sanction la plus grave tient donc au blâme et aux avertissements, sanctions morales. L’employeur peut donc avertir son salarié. Le pouvoir de direction étant un pouvoir absolu, le juge se contentant de disqualifier et d’indemniser l’abus. Bref, le droit social contient des mesures coercitives mais les relations employeur / salarié réservent une part à des prérogatives coercitives de la part de l’employeur. Le pouvoir disciplinaire de l’employé est coercitif. Au-delà de l’influence de la procédure pénale sur la procédure civile, il va aussi falloir examiner son influence sur la procédure disciplinaire. 1. La procédure pénale Examinons-la à l’aune de la réglementation sociale. a. Les prescriptions Avant d’engager l’action, il faut considérer l’article 7 du CPP. La prescription des contraventions est de 1 an, celle des délits et de 3 ans. Le principe de l’unité des prescriptions existe par ailleurs, autrement dit on a le choix entre prescription civile. Toutes les prescriptions civiles ont été ramenées à 5 ans, sauf en matière immobilière. Si on engage une action devant le juge pénal, l’article 7 du CPPP s’applique. Cependant soulignons bien qu’il s’agit de la prescription de l’infraction, la prescription de la sanction en étant distincte. Le Trésor public a 3 ans pour réclamer. Sauf mandat de dépôt sur l’audience, le juge d’application des peines … 10 ans ? Le 16
  • 17. point de départ de l’idée de prescription c’est la commission de l’infraction, ou sa réitération. Par exception, sur certaines infractions, c’est la révélation de l’infraction qui fait partir le délai de prescription. En droit social, nous pouvons arguer d’une autre situation exceptionnelle. En ce qui concerne les infractions en matière d’hygiène et de sécurité, infractions non intentionnelles, la Cour de cassation a rendu une décision tout à fait particulière. Ces infractions non intentionnelles correspondent à la violation d’une règle de sécurité qui entraine un préjudice corporel sur la personne d’un salarié, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du résultat dommageable car ce n’est que ce jour là que l’infraction est intégralement consommée. En clair, l’élément matériel n’est complet qu’à partir de ce moment là. Avant cela l’infraction n’existait pas donc. Ch. Mixte 26 février 1971. La prescription ne court qu’à compter du résultat dommageable ; ceci est tout à fait original. Autre dérogation : les infractions continues. Le point de départ de la prescription va être le moment du dernier acte, dernier fait infractionnel. Une infraction continue est une infraction se prolongeant par la réitération constante de l’acte infractionnel. Ceci correspond à des réalités précises. Ainsi ne pas s’arrêter à un feu rouge est une infraction ponctuelle ; rouler sans permis de conduire est une infraction continue. La réitération est constante. Notons cependant que la jurisprudence sociale est extensive, nombre de comportements infractionnels sont qualifiés comme infractions continues. Exemple : délit d’entrave. Le refus de tenir les réunions, obligatoires, du CE, c’est une infraction continue et non une multiplication d’infractions ponctuelles. Chambre criminelle 23 avril 1970. Imaginons une absence de réunion depuis 30 ans : dès lors on va poursuivre sur 30 ans. De plus, imaginons qu’un nouveau gérant arrive et commence les réunions. Le délai de prescription est parti du jour du dernier fait infractionnel, donc il y a un risque temporaire de poursuite. b. L’action publique Deux moyens de déclencher l’action publique. 17
  • 18. Paragraphe 1. L’opportunité des poursuites : la prérogative du procureur de la République L’article 1 du CPPP est à souligner. Le Procureur de la République met en mouvement l’action publique. Ce principe d’opportunité, liberté du Garde des sceaux, est rappelé par l’article 40 du CPPP. L’article 1 pose le principe selon que l’action publique initiée par le Procureur de la République. Le déclenchement de l’action publique demeure toutefois dépendant du PV, de l’information à la disposition du Procureur de la République. Cette information pouvant ne pas être transmise par l’inspecteur du travail. Paragraphe 2. L’action civile peut aussi déclencher l’action publique L’article 3 du CPPP est de mise. L’action civile portée devant le juge pénal met en mouvement l’action publique. Cette action civile peut être engagée devant le juge pénal par voie d’intervention. L’action civile parasite l’action publique en un sens. Ceci est intéressant notamment du point de vue probatoire, il n’y a pas de preuve à rapporter. L’action publique peut être engagée par voie d’action c'est-à-dire que la victime sur le fondement de l’action civile, dont elle est titulaire, peut mettre en mouvement l’action publique et ainsi contraindre soit le juge d’instruction (article 85 du CPPP) soit le Procureur de la République lui-même (article 2 et suivants du CPPP). Par le biais de la citation directe, la partie civile peut en outre contraindre le Procureur de la République à prendre des réquisitions. Ce peut être pour des sanctions pénales. La citation directe est extra judiciaire. L’adversaire civil peut ainsi être amené à comparer devant le juge pénal. Ces articles 2 et 85 vont nous intéresser ici, c’est la victime qui met en mouvement l’action publique, contraignant le Procureur de la République à entrer dans le procès pénal. 18
  • 19. Quid de l’originalité du droit pénal du travail en la matière ? En droit pénal du travail d’autres parties civiles que la victime sont admises. Il s’agit d’une part des syndicats professionnels. L21-32-3 du nouveau code du travail. Les organisations salariées représentatives peuvent engager au nom de l’intérêt collectif qu’elles représentent. Ces organisations syndicales n’ont pas à démontrer l’existence d’un préjudice personnel subi du fait de l’infraction. D’autre part, des associations spécialement agrémentées peuvent aussi engager l’action civile dans l’intérêt collectif spécial qu’elles représentent. En droit du travail, ces associations limitativement habilitées vont se rencontrer en matière de harcèlement, discrimination… L11-42-1 et suivants en matière de discrimination abusive. c. Le procès pénal La procédure va se dérouler classiquement, aucune distinction entre une réglementation spécifique et le code pénal, les dispositions de droit commun. Deux points intéressants : les mesures contraignantes provisoires, pendant le procès pénal, et les questions liées à la preuve. Paragraphe 1. Les mesures contraignantes pendant le procès pénal Pendant le procès pénal, pour la préservation de l’ordre public mais aussi des preuves certaines mesures contraignantes totalement étrangères à la notion de responsabilité pénale peuvent être prises à l’encontre car une action est déclenchée. Examinons, en droit pénal du travail, si certaines de ces mesures contraignantes ont un intérêt pour le juriste social. Deux mesures contraignantes peuvent être interprétées de façon spécifique en raison du champ social de l’infraction : le contrôle judiciaire et la détention provisoire. 19
  • 20. Le contrôle judiciaire, qui peut être par exemple une interdiction de sortie du territoire ou une obligation de pointer à un rythme donné, bref des services directement liés au Procureur de la République. 138-12 et suivants du CPPP visent ce dit contrôle. Une contrainte spéciale pour le droit du travail est visée : la possibilité est prévue d’infliger l’obligation de ne pas se livrer à une activité de nature professionnelle ou de nature sociale. Cette interdiction peut par exemple viser la présidence d’un comité d’entreprise, ou encore de participer aux opérations de recrutement. On peut interdire de présider le comité d’entreprise mais toutefois on ne peut interdire de participer en qualité de conseiller prud’homme par exemple. La détention provisoire d’autre part : elle est classique, pas de spécificité pour le droit social. Quelles conséquences en droit du travail cependant ? En particulier pour la détention provisoire du salarié ? La seule détention provisoire n’est pas en soi un motif de sanction ni de licenciement, notons le bien. Soc. 26 octobre 1999. En revanche, si l’absence due à la détention provisoire ou le dysfonctionnement causé par la détention provisoire est suffisamment grave, alors il y aura motif de licenciement réel et sérieux. Soc. 25 janvier 2000. Paragraphe 2. La preuve La preuve judiciaire en droit social fait l’objet d’un régime –prétorien d’ailleurs- particulier. La preuve est libre, tout moyen est possible donc. La preuve devant le juge prud’homal ou pénal est libre. Certes, certaines dispositions légales, d’ordre public, du code du travail ne s’appliquent qu’au procès civil et non au pénal. Mais sur ce point la réglementation sociale est claire : partage de la charge de la preuve. Par exemple la preuve de la légitimité du motif de licenciement doit être démontrée de façon partagée. Cependant il y a quasi renversement de la charge de la preuve. Ceci dans le cadre exclusif du procès prud’homal. La charge de la preuve en droit pénal demeure classique, le prévenu est présumé innocent et c’est au juge d’instruction et au Procureur de la République d’établir la responsabilité pénale du prévenu. Ce qui est intéressant : la licéité de la preuve judiciaire dont le droit social est le centre de débats jurisprudentiels, avec force revirements, un régime prétorien s’est construit. L’appropriation de documents appartenant à l’entreprise peut elle être 20
  • 21. loyalement utilisée ? L’enregistrement d’images, notamment à l’insu d’une des parties au procès pénal est il un moyen de preuve licite ? L’accès à la correspondance d’une partie au procès pénal est il licite de la même façon ? Après de longues hésitations, au cours des années 1990 la jurisprudence de la Cour de cassation –chambres sociale et criminelle- est homogène. On peut dégager des principes communs, et donc un régime assez cohérent en matière de licéité de la preuve en droit social. Copie de documents appartenant à l’entreprise : chambre sociale 2 décembre 1998, « L’appréhension, la copie de document de l’entreprise employeur par le salarié à l’occasion de l’exercice de ses fonctions produit dans le cadre de sa défense prud’homale n’est pas un moyen de preuve licite». Toutefois, le 11 mai 2004, Crim. Arrêt Paumier, « cet outil est un vol ou un détournement. ». Revirement de la chambre criminelle le 10 mai 2005 dans l’arrêt Bossonet : « dès lors que le salarié n’a pas l’intention de dépouiller l’entreprise et que les documents sont strictement liés à la défense prud’homale, ni vol ni détournement des recettes ». Le régime prétorien devient donc homogène. En ce qui concerne les enregistrements, 226-1 et suivants du code pénal, de parole ou de son, à l’insu de la victime constitue une infraction pénale, dès lors que cela concerne la vie privée de l’employeur ou du salarié. Soc ?? Crim. 7 octobre 1997. Le 8 décembre 1983 la chambre criminelle estime qu’il peut s’agir du bureau personnel. 14 mars 1984 il peut s’agir d’une salle de pause où les employés passent des communications personnelles. Cependant contrairement à la jurisprudence de la chambre sociale le juge pénal retient la preuve de la licéité de l’infraction, par un enregistrement clandestin de son ou d’image. Chambre criminelle 23 juillet 1992. 21
  • 22. Les correspondances télématiques sont couvertes par le secret pénalement protégé. L226-15. Il n’en reste pas moins que le juge pénal admet la licéité de la preuve d’une infraction acquise par le détournement de correspondance. Crim. 20 novembre 1991. Divergence là encore entre les chambres sociale et criminelle. Le juge pénal ne rejettera pas la preuve déloyale même si en parallèle la violation du secret peut être poursuivie. 2. Les influences de cette procédure pénale sur la procédure prud’homale et sur la procédure disciplinaire a. La procédure prud’homale Sur ce terrain, du procès civil, un principe majeur : le criminel tient le civil en l’état. Cela signifie que le juge civil est contraint de prendre en compte le jugement pénal. Bien sur, le procès civil est lié au procès pénal à l’issue duquel la décision est intervenue. Le juge civil doit prendre en compte la décision pénale intervenue dans l’affaire en cause. Evidemment, quand le juge civil est saisi postérieurement au juge pénal, cela renvoie au mécanisme de l’autorité de la chose jugée. La chose jugée au pénal va s’imposer au juge civil. Outre cette hypothèse simple, quid de l’hypothèse où le juge civil est saisi en même temps que le juge pénal ? Un jugement n’est donc pas encore intervenu. Le juge civil est informé qu’une décision va être prise. L’article 4 du CPP impose au juge pénal le sursis à statuer. Paragraphe 1. Le sursis à statuer L’article 4 du CPP a été modifié par une loi entrée en vigueur en juillet 2007. Il impose au juge civil de surseoir à sa décision, de suspendre la procédure civile dans l’attente du jugement pénal qui à ce moment là devra être pris en compte. L’article 4 ne peut trouver application que lorsqu’on constate une identité des parties et des causes dans les 2 procédures. Le sursis de l’article 4 ne trouve application que dans l’hypothèse de l’identité des parties et des causes. Et bien entendu dès lors que l’action publique est déclenchée. Ainsi, le PV de l’inspecteur du travail même transmis au Procureur de la république n’empêche pas ce dernier de la classer sans suite. Ce 22
  • 23. n’est que quand la citation est adressée par le Procureur de la République ou par la partie civile, ou lorsqu’une instruction est ouverte par le Juge d’instruction, ce n’est que dans ces 3 hypothèses que l’article 4 CPPP trouvera application. Le champ d’application de l’article 4 est donc assez restreint. Un simple PV de l’administration du travail ne suffit pas. Enfin notons que l’article 4 puisse s’appliquer, et cela depuis la réforme de 2007, il faut que l’action prud’homale soit l’action indemnitaire découlant des poursuites pénales. En pratique, l’article 4 du CPP était fréquemment soulevé avant la réforme de 2007 dans le cadre des contentieux prud’homaux relatifs à la sanction ou au licenciement dont le motif était une infraction pénale commise par le salarié. Aujourd’hui imaginons qu’un employeur résilie un contrat de travail du fait du vol d’un salarié. Le salarié engage une action indemnitaire, ce n’est pas l’employeur qui engage une action indemnitaire liée au vol dont il a été victime. L’article 4 du CPP n’est plus applicable du coup. Seules les infractions découlant de l’infraction poursuivie trouvent à jouer. Dernier point sur le sursis à statuer, dans le champ social. La chambre criminelle a traditionnellement eu une interprétation très extensive du mécanisme fondé sur l’identité. La jurisprudence, en effet, se contentait, loin d’une identité, d’une connexité des faits examinés par la juridiction pénale ou civile. La jurisprudence ainsi imposait le sursis à statuer dès lors que l’action publique était susceptible d’influer la décision rendue sur l’action civile (Civ. 1ère 11 janvier 1984). Désormais, au regard de l’article 4, cette jurisprudence extensive a vécu, dans la mesure où l’action indemnitaire doit découler des faits poursuivis. La connexité devient absurde, seule l’identité parfaite entre les parties en cause peuvent désormais être appréhendés par l’article 4 CPPP. Ceci dit le débat reste relatif en raison de l’article 378 du CPC. Il donne la faculté au juge de surseoir à statuer dans l’attente de la survenance d’un évènement de nature à influer sur sa décision. Le sursis à statuer dépend alors du pouvoir souverain d’appréciation. On revient sur le terrain antérieur de l’interprétation de l’article 4, avant la loi de 2007. S’agissant d’un pouvoir d’appréciation la décision de surseoir ou non est insusceptible de recours. Paragraphe 2. L’autorité de la chose jugée au pénal 23
  • 24. Le juge est contraint de la prendre en compte. Evidemment, le salarié est licencié du fait de coups et blessures volontaires, alors il est condamné. Cependant même dans une hypothèse aussi simple la jurisprudence sociale a une interprétation extensive. Cependant avant de l’évoquer il faut préciser le champ de l’autorité de la chose jugée au pénal. Cela s’entend d’une décision, d’un jugement, d’un arrêt définitif et non par une autorité telle que le Parquet, une juridiction de jugement doit avoir rendu la décision. Elle doit être irrévocable, sans recours. Le non lieu, le classement sans suite n’est pas une décision judiciaire en ce sens. Civ. 2ème 12 avril 1997. Ensuite l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’à ce qui a été certainement et nécessairement tranché par la juridiction répressive. Soc. 2 juin 1993. Dans l’hypothèse où le salarié a été licencié pour avoir volé l’employeur, si le juge pénal condamne le salarié non pas pour vol mais pour recel de vol, le juge civil reste souverain quant à l’appréciation du motif de rupture. Enfin, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à la décision pénale concernant la responsabilité du prévenu. Quid de la décision de relaxe du prévenu ? Dans l’hypothèse où les prévenus sont relaxés de l’inexistence de fait imputable au salarié, cette décision de non responsabilité lie le juge. En revanche si la relaxe intervient en raison de l’absence de qualification pénale ou bien au bénéfice du doute en revanche, alors le juge civil retrouve son pouvoir souverain d’appréciation. Crim. 10 avril 1991. En ce qui concerne les illustrations de cette jurisprudence originale : le juge répressif relaxe en raison de l’absence de qualification pénale, mais le licenciement est abusif car le motif inscrit dans la lettre de licenciement est une qualification pénale. Soc. 19 mars 1997. Autre illustration : relaxe prononcée au bénéfice du doute permet toutefois de retenir la réalité du motif invoqué ; Soc. 20 mars 1997. Enfin, même en cas de condamnation pénale le juge prud’homal peut qualifier différemment la gravité de la faute. Même en cas de qualification pénale le juge peut apprécier la gravité de la faute. Soc. 6 juillet 1999. 24
  • 25. b. La procédure disciplinaire Quid de l’influence de la procédure pénale sur la procédure disciplinaire déclenchée par l’employeur ? En 1er lieu c’est le code du travail qui tisse des liens entre poursuite pénale et disciplinaire. L13-32-4. Cet article prévoit l’interruption de la prescription disciplinaire quand les poursuites pénales ont été engagées. Le délai de 2 mois ne peut être écarté. Cette interruption permet à l’employeur d’attendre la décision pénale définitive pour être sur de sanctionner le salarié. C’est une faculté laissée à l’employeur, pas une obligation. Soc. 10 Mars 1998 : l’employeur peut prendre le risque d’une sanction disciplinaire, éventuellement contraire par la suite à une décision pénale. On va retrouver en matière disciplinaire le même raisonnement précédemment évoqué : si l’employeur sanctionne disciplinairement sur le fondement d’une infraction pénale, la décision de relaxe anéantit toute légitimité à la sanction. Soc. 6 juillet 1999. 25
  • 26. Thème 4. Action civile Ceci va nous permettre de rappeler que l’action civile est une voie de déclenchement de l’action publique, mais en outre de faire sur le point sur les conséquences civiles du procès pénal, de l’action publique, des poursuites. Nous avons vu que la victime directe d’une infraction pouvait déclencher les poursuites pénales directement ou indirectement, parfois au grand dam du juge, question de la privatisation. Cette action civile peut en tout cas déclencher l’action pénale. Sa finalité demeure l’obtention de réparation pour le dommage subi du fait de l’infraction commise par l’auteur de celle-ci. C’est à ce double titre que nous examinons l’action civile. Nous avons déjà évoqué les aspects processuels, attachons nous aux autres aspects maintenant à savoir la réparation du dommage et surtout l’identification du responsable de celui qui à terme et dans l’hypothèse où sa responsabilité pénale est reconnue sera en outre condamné à réparer le dommage causé. On pourrait évoquer cette question de façon très civiliste, mais soyons pragmatiques : en droit du travail nous avons une relation spécifique encadrée de façon exorbitante. Ce régime entre employeur et salarié prévoit à 1384 du code civil prévoit des régimes dérogatoires au principe de 1382 en matière de responsabilité délictuelle. La responsabilité des choses et la responsabilité du fait d’autrui. En particulier la responsabilité du commettant du fait des préposés. Or nous nous intéressons bien à la responsabilité de l’employeur. Ce principe classique issu du code civil, 1384, même s’il est dérogatoire du mécanisme de principe reste un texte issu du corps de règles établissant le droit commun, consacrant le droit commun. 1384 existe depuis 1804. Quid de l’intégration de ce mécanisme dans la réglementation sociale, bien plus contemporaine ? Et de l’interprétation jurisprudentielle actuelle de ce mécanisme dans le contexte des relations individuelles et collectives de travail ? La responsabilité civile du fait d’autrui doit être considérée. Ceci va nous permettre d’identifier l’originalité de l’interprétation prétorienne de ce mécanisme. Rappelons que nous avons identifié 2 types de parties civiles. Victimes directes, salariés, et groupements d’autre part qui sont autant parties civiles mais dont le préjudice est évidemment très différent. Rappelons les articles 2 et suivants du CPP. (Rappel : article 1 CPP = le procureur de la république qui peut ou non poursuivre). Ces articles 2 et suivants nous rappellent que les victimes causées par un délit ou une contravention peuvent engager l’action civile … d’un dommage causé par la victime d’un préjudice causé par une infraction pénale peuvent exercer leur action devant le juge pénal. Au-delà de ce principe 26
  • 27. général, ce qui est intéressant à noter c’est que le texte dise « les victimes qui ont personnellement souffert du dommage ». Le dommage doit avoir été une infraction pénale. Dans l’hypothèse où le juge ne reconnaît pas la responsabilité pénale de l’auteur, il peut rejeter sur ce moyen, en raison de ce mécanisme, la demande en réparation du dommage en raison de l’irrecevabilité. Bien entendu, lorsque l’action civile s’exerce devant le juge pénal les règles spécifiquement pénales s’appliquent. Chambre criminelle Cour de cassation du 8 avril 1986. C’est donc une action civile, mais le juge pénal l’appréhende dans l’environnement du droit pénal, selon les règles processuelles pertinentes. Rappelons les délais de prescription du code pénal. Devant le juge pénal on ne peut se fonder sur l’article 700 du CPC (en gros fondement de l’équité) mais sur l’article en gros équivalent du CPP. Paragraphe 1. La responsabilité civile de l’employeur L’article 1384 alinéa 5 nous intéresse. Rappelons toutefois que, s’il s’agit d’un mécanisme de droit commun, il s’agit dans le droit commun d’ores et déjà d’une dérogation au principe de la responsabilité du fait personnel. Avec 1134, 1382 est un pilier de notre code civil. Ils définissent l’homme dans la philosophie libérale pour ainsi dire. L’homme peut s’engager 1384, seule son âme 1134 mais il s’engage sur lui-même, assumera l’ensemble des ses engagements. Avant d’examiner 1384 alinéa 5 examinons la responsabilité de l’employeur de son fait personnel et du fait d’autrui (de ses salariés en clair). a. La responsabilité du fait personnel de l’employeur La responsabilité de droit commun, 1382 ou 1147, est engagée. 1382 du code civil trouve application quand l’employeur commet une faute. Toutefois un régime dérogatoire du droit commun existe y compris en ce qui concerne sa faute personnelle, sa responsabilité classique. Loi du 9 avril 1898 intégrée depuis 1945 dans le code de la sécurité sociale organise la garantie d’un risque social fondateur et spécifique à savoir le risque professionnel. De façon définitive a été instauré par cette loi un régime de responsabilité civile exorbitant au droit commun en matière de 27
  • 28. responsabilité de l’employeur. Il s’agit en effet d’instituer un régime qui d’une part présume irréfragablement la responsabilité, et en contrepartie de cette présomption automatique une indemnisation forfaitaire, partielle et mutualisée. Ainsi, rappelons le, le principe indemnitaire n’est pas intégré ; il y a peu en droit français d’indemnité coercitive. Les indemnisations prononcées par le juge doivent compenser financièrement le dommage ressenti par la victime, ce dommage étant complet c'est- à-dire que l’intégralité de la perte subie et pas davantage que la dite perte subie. Pour solliciter la réparation il faut donc démontrer la réalité du préjudice mais aussi son ampleur. Le régime des accidents du travail prévoit indemnisation partielle, ceci parce que la réparation du préjudice prend la forme d’une rente non viagère proportionnelle à la rémunération perçue par le salarié victime au moment de l’accident. Tout ce qui correspond au préjudice corporel, moral, économique, matériel, tout cela est effacé derrière une rente assise sur la rémunération, le salaire moyen du salarié victime. A ce salaire moyen on applique un taux, calculé forfaitairement en fonction de l’ampleur du préjudice corporel, et uniquement corporel. Ainsi un préjudice identique subi par 2 individus aura des conséquences différentes si leurs fonctions professionnelles sont différentes. Outre le caractère forfaitaire, il y a mutualisation de l’indemnité, l’employeur cotisant de façon forfaitaire en ce sens. Un curieux régime de responsabilité civile en somme. L452 ? 422 ? et suivants du code de la sécurité sociale régissent ces questions liées. Quel intérêt d’évoquer ce régime social ? Confrontons-le avec l’article du CPP. L’action civile s’applique devant le juge pénal. Le juge civil ne peut appliquer que des textes recevables devant sa propre juridiction. Qui indemnise ? La caisse primaire d’assurance maladie. Quelqu’un ayant engagé sa responsabilité ne peut condamner. Ce régime tout à fait particulier de la responsabilité personnelle de l’employeur conduit à un régime spécifique. Bien entendu le juge pénal peut reconnaître la responsabilité civile de l’employeur dans le cadre d’une infraction ayant causé la TNP mais la compétence exclusive du TASS s’appliquera. Seule exception en la matière : la faute intentionnelle de l’employeur. Ici au-delà de l’indemnisation préjudice matériel, moral, économique. Ce n’est donc qu’ici que le juge pénal retrouve sa compétence de principe, sinon compétence du TASS. Aussi y a-t-il ici exception à l’article 2 du CPPP. Ceci amène à réfléchir sur la privatisation de la justice pénale. Un arrêt du 30 avril 2002 de la chambre criminelle : la victime peut toujours se constituer partie civile pour 28
  • 29. faire reconnaître la responsabilité pénale de l’employeur et faire sanctionner le comportement délictueux. Deux précisions : le principe est renforcé du fait que l’employeur est obligé de s’assurer contre les conséquences des maladies professionnelles L113-1 du code des assurances. D’autre part le salarié victime n’est pas le seul à être ici écarté de la plénitude de son action civile puisque les ayants droits de la victime visés à l’article L451-1 du code de la sécurité sociale sont eux aussi envisagés uniquement par le code de la sécurité sociale, le TASS pour les préjudices subis par ricochet. Epouse, enfants, descendants… b. La responsabilité du fait d’autrui de l’employeur Examinons avant le régime de responsabilité les fondements juridiques de cette responsabilité du fait d’autrui. 1384 alinéa 5 du code civil en ce sens. Rappelons que 1384 a été conçu pour assurer à la victime la solvabilité de celui qui sera tenu dans l’obligation d’indemniser la victime. Le commettant est responsable, civilement, du fait de ses préposés. Aussi le commettant présumé solvable sera tenu par l’obligation d’indemniser la victime du fait du comportement fautif du commettant présumé insolvable. Ceci a toutefois évolué avec le temps. Force employeurs sont moins solvables que leurs salariés. SARL, EURL. Il n’existe aucune obligation d’assurance pour les employeurs du fait de leurs salariés. Il faut donc aujourd’hui chercher dans le maintien de ce principe un autre fondement. Il s’agit ici du risque profit identifié au XIXème siècle, qui se traduit en droit social par le principe du support des risques d’exploitation par l’entreprise. Ceci y compris quand l’employeur est victime d’un fait fautif de son salarié. En ce qui concerne la responsabilité on pense immédiatement à la victime d’une infraction pénale commise par le responsable de l’entreprise. Quid de la responsabilité de l’employeur dans le cadre d’une infraction pénale commise par le salarié ? Nous sommes dans un contexte particulier. En effet ce n’est pas le juge civil qui est saisi de cela mais le juge pénal. De plus dans l’hypothèse où le salarié est poursuivi devant le juge pénal c’est qu’il a personnellement commis une infraction. Et l’intention du salarié, nous l’avons vue, peut dans certaines conditions être exonératoire de la responsabilité de l’employeur. Voyons donc comment le juge pénal appréhende 1384 alinéa 5. Le principe : l’employeur est 29
  • 30. responsable du fait d’autrui. Si le salarié commet une infraction, il est pénalement poursuivi. Mais quid des conséquences civiles ? Interrogeons nous sur l’intention du salarié, qui peut être exonératoire de responsabilité. La jurisprudence sur ce point a connu plusieurs hésitations. L’employeur ne peut être exonéré de sa responsabilité sur 1384 alinéa 5 que dans l’hypothèse d’un abus de la fonction de préposé. Assemblée plénière 19 mai 1998. Fin de la controverse entre la chambre criminelle et les autres chambres. L’exonération n’est établie que s’il y a eu agissement hors des fonctions pour lesquelles il est employé ET, deuxième condition, en agissant sans autorisation de l’employeur, ET troisième condition à des fins étrangères à ses attributions. Ce sont là 3 conditions cumulatives. Cette solution est favorable aux victimes, donc au salarié. Le salarié ne sera en aucune manière tenu d’indemniser la victime de sa propre faute. Cela conduit donc à interdire à l’employeur lui-même ou à son subrogé notamment l’assureur à exercer une action récursoire contre le salarié. Le salarié est non responsable. L’employeur n’est pas une caution, il n’est pas subrogé dans les droits de la victime. Il est responsable. Là est l’originalité du régime, favorable aux victimes, aux salariés. Ce n’est que quand le salarié a agi en abusant de ses fonctions que l’employeur sera exonéré de responsabilité. Et dans ce cas seul le salarié sera responsable. Civ. 2ème 4 mars 1999. L’appréhension par la jurisprudence de ce texte dérogatoire dans le champ social est intéressante. Deuxième fondement juridique : le code du travail. L47-41-7, ancien 260-1. L47-41-7 ne reproduit pas 1384 alinéa 5. Le contrat de travail est un contrat de droit commun. 1384 alinéa 5 trouve donc application, sauf si le code du travail en dispose autrement. Cf. L47-1-7 notamment, qui organise un régime assez particulier de la responsabilité de l’employeur. Il dispose en effet que l’employeur est civilement responsable des condamnations civiles prononcées contre leurs subordonnés. Le texte ne le précise pas, c’est la jurisprudence qui est venue le préciser. Crim. 3 mars 1981. L47-41-7 doit toutefois être considéré au vu des exceptions. Des cas de quasi responsabilité pénale du fait d’autrui existent. La jurisprudence pénale a précisé qu’une infraction pénale même intentionnelle ne constitue pas forcément un abus de fonction susceptible d’exonérer l’employeur. Crim. 15 mars 1990. Paragraphe 2. Le régime de responsabilité civile du fait d’autrui 30
  • 31. La chambre criminelle, dans les années 1990, a produit une jurisprudence illisible. Elle distinguait entre les actes liés et les actes contraires aux attributions. Ainsi la chambre criminelle engage la responsabilité de l’employeur entreprise de surveillance lorsque le salarié en charge surveiller un salarié a cambriolé ce local. Crim. 23 mai 1988. En revanche le même salarié, pyromane, qui met le feu au bâtiment dont il est chargé de surveiller l’accès, est considéré par la jurisprudence comme acte contraire aux attributions d’où suit l’exonération de l’employeur 16 mars 1990 chambre criminelle. La doctrine a pu s’émouvoir de cette incohérence. Toutefois cette incohérence est à mesurer en opportunité, s’agissant d’entreprises de sécurité. 16 février 1999 : la chambre criminelle reprend l’énoncé même de l’attendu principal de l’assemblée plénière. Crim. 25 mars 1998 : l’assassinat –prémédité- d’un chef de service rappelons le- commis par un salarié venant d’apprendre son licenciement n’est pas indépendante du rapport de préposition. Rappelons toutefois que L121-12 du code des assurances prévoit la possibilité pour l’employeur de s’assurer même pour la faute intentionnelle du salarié. 2. Parties civiles a. La victime directe Nous appliquons ici les dispositions du CPP notamment l’article 2, et surtout l’article 3 qui prévoient que l’action civile est recevable pour tout chef de dommage matériel ou moral, corporel ou incorporel … Tous les préjudices peuvent être invoqués devant le juge pénal. Cela y compris quand le salarié est victime d’une agression commise par l’employeur. Cette action civile au-delà de sa fonction indemnisatrice a une finalité répressive ; il s’agit pour la partie civile de faire reconnaître la responsabilité pénale et de solliciter une sanction coercitive. Cf. arrêt du 30 avril 2002. La partie civile peut agir en vue de voir reconnaître la culpabilité de la personne poursuivie. Même si les deux finalités, répressive et indemnitaire, ne sont pas obligatoirement liées. L’action civile a une finalité répressive pas forcément liée à la finalité indemnitaire. 31
  • 32. En ce qui concerne les préjudices indemnisés par le juge pénal, il est nécessaire de s’établir la réalité et l’ampleur d’un préjudice personnel et direct. Article 2 du CPP le pose, personnel et direct. Paragraphe 1. Un préjudice personnel Le préjudice personnel est celui qui est subi par la victime c'est-à-dire la partie civile. En clair celui qui est devant le juge, celui qui parle, cette partie civile peut être une personne physique ou une personne morale. Le comité d’entreprise victime d’un délit d’entrave parce que l’employeur ne le consulte pas par exemple ; le CE est une personne morale. C’est toujours un préjudice personnel que celui subi par la personne qui s’est constituée partie civile, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. Justement, en l’occurrence, la constitution de partie civile des membres personnes physiques du comité d’entreprise victime du délit d’entrave précité est irrecevable. Seule la constitution de partie civile du CE, personne morale, l’est. Crim. 3 décembre 1996. Paris chambre des appels correctionnels 15 mars 1999 : arrêt très didactique. L’employeur es qualité de président peut constituer partie civile le CE qui le représente. La jurisprudence en matière sociale a élargi la recevabilité de l’action civile et ce depuis longtemps. Que prévoit le code de sécurité sociale ? Il prévoit que le salarié victime peut se constituer civile. Dans ce cadre, les ayant droits du salarié peuvent aussi se constituer parties civiles. Les ayant droits d’un salarié décédé à la suite d’un accident du travail peuvent se constituer partie civile, ceci parce que ces ayant droits sont héritiers. Défunts, … a priori toutefois rien ne peut autoriser les ayant droits au sens du code de la sécurité sociale à se constituer partie civile dans le contexte de l’accident de travail de leurs proches non décédés. Ceci en raison de l’absence d’un préjudice personnel. Pour autant la jurisprudence a admis la constitution de parties civiles d’un ayant droit d’un accidenté du travail non décédé. Même si la jurisprudence limite cette constitution de partie civile à la voie de l’intervention. Crim. 9 février 1989. Paragraphe 2. Un préjudice direct 32
  • 33. Il s’agit ici, au-delà de l’intérêt personnel à agir, de pointer le lien de causalité entre l’infraction et le dommage. C’est bien ce lien de causalité qui est pointé par la nécessité d’un préjudice direct pour pouvoir engager l’action civile, pour pouvoir se constituer partie civile. Même si le juge ne vient pas liquider le préjudice. Pour que la constitution de partie civile soit recevable la victime directe de l’infraction doit justifier d’un préjudice personnel et direct causé par l’infraction, nonobstant le fait que la finalité puisse être strictement répressive et que le juge ne soit pas compétent pour apprécier la valeur du préjudice. En tant que juge pénal il y a une obligation de vérifier l’existence d’un préjudice tant personnel que direct. En revanche le lien de causalité est le lien entre infraction et dommage. Il n’est pas nécessaire que ce rapport causal, que ce préjudice soit partie intégrante de l’infraction. Le rapport direct sépare infraction et préjudice. Pourquoi vient-on préciser cela ? Parce que la réalisation du préjudice est souvent la concrétisation de l’élément intentionnel de l’infraction. Exemple : poursuivi pour vol du fait d’un vol, la chose n’est pas la propriété du voleur. M. Dupont est il victime du vol ? Il n’était pas gardien. L’élément matériel de l’infraction peut dans ce cas là influer de l’appréciation de l’élément intentionnel. Ici ce que l’on souligne c’est qu’en droit pénal du travail les infractions, même délictuelles, qui ont pour effet de causer un préjudice non seulement peuvent être poursuivies mais peuvent permettre à la victime dudit préjudice de se constituer partie civile. Dès lors qu’une infraction pénale est commise et qu’elle a comme effet de causer un préjudice, la partie civile peut intervenir au procès pénal, y compris dans l’hypothèse où le prévenu établit qu’il n’avait pas l’intention de causer ce préjudice. Dès lors qu’une infraction est relevée dans le cas de l’application de la réglementation sociale, la jurisprudence admet le préjudice direct du salarié. En revanche dès lors que l’employeur est poursuivi pour des infractions ne relevant pas de la réglementation sociale le salarié ès qualité peut être irrecevable dans sa constitution de partie civile en raison du caractère indirect du préjudice subi. L’automatisme disparaît donc. Exemple : employeur poursuivi pour banqueroute. Abus de biens sociaux. Licenciement économique d’un salarié. Les salariés sont irrecevables car les préjudices sociaux n’ont pas de lien direct avec l’effet de banqueroute, de fraude. Le caractère direct doit être établi. Crim. 5 janvier 1995. 33
  • 34. b. Les groupements L’article 3 reste applicable, mais l’article 2 du CPP ne l’est plus. On l’a déjà évoqué, c’est là spécificité du droit du travail ; dès lors qu’un groupement est admis à engager l’action civile non pas pour ses intérêts propres mais dans le cadre des intérêts collectifs qu’il représente on ne peut plus évoquer la victime d’une infraction pénale. Article 2-1 du CPP est à évoquer. La constitution de parties civiles par des groupements fait l’objet de dispositions dérogatoires expresses de la part du code de procédure pénale. Ainsi s’agissant des syndicats professionnels, quels qu’ils soient d’ailleurs, les organisations représentatives peuvent se constituer parties civiles dans le cadre des intérêts collectifs qu’ils représentent. L’intérêt collectif est une notion pas précisée par la loi, elle se situe entre l’intérêt individuel et l’intérêt général. Il s’agit d’un intérêt catégoriel en vérité. Il coexiste avec l’intérêt individuel de la victime. La jurisprudence indique que quand les conditions d’emploi, de travail ou de vie sont mises en cause par l’infraction alors l’intérêt collectif se trouve intéressé. Crim. 23 novembre 1982. Une précision toutefois : seules les infractions à la réglementation sociale peuvent être invoqués, pas celle de droit commun. Crim 16 décembre 1991. Rappelons enfin que si les organisations ont un intérêt général à agir, les associations doivent cependant être spécialement habilitées (2 et suivants du CPPP) pour pouvoir se constituer parties civiles. Les institutions de représentation syndicale internes sont exclues toutefois, notons le bien. Crim. 28 mai 1991. Loi du 27 mai 2008 en matière de lutte contre les discriminations : l’influence de la CJCE s’y fait sentir. Certaines modifications ont été apportées au CPPP qui permettent une élargissement des associations habilitées à agir dans le cadre des discriminations. 34
  • 35. Thème 5. Responsabilité pénale (personnes physiques) Envisageons l’originalité de la responsabilité pénale dans le cadre du droit social, ceci dans trois thèmes relatifs à la responsabilité. En principe, c’est le chef d’entreprise qui est responsable pénalement des infractions commises au sein de l’entreprise. Ce responsable désigné peut s’exonérer de sa responsabilité en confiant une délégation de pouvoir à l’un de ses subordonnés. Ceci lui substitue un responsable pénal car la délégation du pouvoir accompagne une délégation de responsabilité pénale. Mais cette énonciation doit être soulignée. Le délégataire devient responsable substitué le cas échéant. Si l’on prend l’exemple géographique, on penserait que le responsable local est responsable. Ceci n’existe pas sauf délégation de pouvoirs, le principe demeure la responsabilité du chef d’entreprise. Le chef d’entreprise est le responsable pénal présumé. Ce principe est renforcé par le pouvoir de direction, par l’autorité de l’employeur. C’est parce que le chef d’entreprise exerce son pouvoir de direction que la délégation de pouvoir ne se présume pas. C’est parce que le chef d’entreprise, comme employeur, exerce ces dits pouvoirs de direction, il est présumé responsable pénal. Rappelons que certaines personnes physiques autres que le chef d’entreprise employeur ou son substitut encourent des sanctions expressément prévues par le code du travail. Les fondements de la réglementation sociale jouent autrement dit. Ceci pour l’essentiel sur le terrain de l’hygiène et de la sécurité. Ainsi des personnes distribuant des boissons alcoolisées dans l’entreprise. Les fournisseurs d’équipements de travail et de moyens de protection -L43-11-1-. Dans les opérations de construction, en cas d’accidents de travail, le maître d’ouvrage –L45-32-1-, le coordonateur de sécurité -L45-32-2-. L47-31-1 impose que pour qu’il y ait poursuite de ces personnes, leur responsabilité ne se présumant pas contrairement à l’employeur, il faut une démonstration de leurs fautes personnelles. En revanche, la jurisprudence rappelle quant à elle que la responsabilité pénale de l’employeur n’exonère pas de responsabilité ces tiers et inversement. Crim. 11 février 1992. 35
  • 36. I. La responsabilité de l’employeur Dans le code du travail on ne voit pas d’imputation privilégiant le chef d’entreprise, l’employeur, quelle que soit l’infraction. Mais de fait la plupart des incriminations concernent tacitement le chef d’entreprise employeur. Sur ce point d’ailleurs notons que souvent on rappelle qu’entreprises ou chefs d’entreprises, selon la jurisprudence sociale, cela désigne l’autorité la plus élevée dans l’entreprise mais aussi l’autorité la plus élevée au sein d’un établissement autonome. Or la plupart des règlementations vise le territoire de l’établissement autonome y compris quand le terme « entreprise » est utilisé. Dans l’hypothèse d’une délégation on ne retient que l’expresse, on ne la présume pas rappelons le. Envisageons bien la responsabilité du chef d’entreprise stricto sensu. a. La détermination du responsable Quelle est l’autorité la plus haute dans l’entreprise ? Souvent un territoire déterminé, l’entreprise, nous le permet puisque le droit du travail organise une structure pyramidale. Mais ceci n’est parfois pas clair. Certains territoires sociaux voient une pluralité de responsables sociaux possibles. Paragraphe 1. Un responsable unique Les statuts, les dispositions légales… vont désigner le responsable de droit. Mais nous sommes dans le cadre de la recherche d’un responsable à une infraction à la réglementation sociale. Or la jurisprudence sociale identifie la responsabilité de l’employeur à partir d’un seul critère qui n’est pas statutaire : c’est l’exercice des pouvoirs qui prévaut. 1. Un responsable de droit En principe au sein de l’entreprise individuelle l’entrepreneur individuel, la personne physique propriétaire ou gérante de l’entreprise en assurant la direction effective va être le responsable pénal au sein de l’entreprise individuelle. Au sein de 36
  • 37. l’entreprise personne morale, l’identification est plus délicate. Bien entendu nous allons rechercher au sein de la personne morale la personne physique la représentant et exerçant la plénitude du pouvoir de direction. Cherchons donc dans le droit des sociétés, dans le statut de la personne morale, dans la loi de 1801 pour les associations, cherchons la personne physique représentant et exerçant la plénitude des pouvoirs. Le code du commerce nous donne les solutions. SARL : le gérant assume la responsabilité pénale de l’entreprise. En cas de cogérance ? La jurisprudence dit que, à moins que l’un des deux reçoive mandat exclusif d’exercer l’autorité de l’entreprise sur le personnel salarié les deux sont responsables. SA : pour celles à CA ce sera le président du CA. Crim. 23 juillet 1993. Pour les SA à directoire de surveillance, le président du directoire Crim. 20 février 1990. Ceci à moins qu’un mandat spécial ait été conféré. Pour les associations c’est le président. Pour les organisations syndicales c’est le directeur. Pour les entreprises en redressement judiciaire c’est l’administrateur judiciaire. Notons toutefois que dans les illustrations jurisprudentielles le critère principal, y compris dans le cadre de la jurisprudence pénal, c’est la réalité de l’exercice du pouvoir de direction. 2. Un responsable de fait La jurisprudence est ancienne, constante, et poursuit celui exerçant réellement les prérogatives de l’employeur. Celui qui est investi du pouvoir de direction. Crim. 11 janvier 1972. Cette appréciation jurisprudentielle va jusqu’à envisager les poursuites et condamner le gérant de fait d’une structure informelle, au sein duquel il exerce une autorité assimilée à celle de l’employeur. Crim. 29 octobre 1985. Dès lors que le juge identifie un gérant de fait, un employeur de fait, cela exonère de responsabilité pénale, le cas échéant, le responsable désigné par la loi ou les statuts. Crim. 10 mars 1998. Paragraphe 2. Une pluralité de responsables Le code du travail organise lui-même la distribution des responsabilités pénales dans les hypothèses de travail en commun, dans les hypothèses où des relations de travail multipartites apparaissent notamment en matière de travail intérimaire. Ce 37
  • 38. sont dans ces hypothèses de travail en commun non identifié par la réglementation sociale que la jurisprudence a développé une solution prétorienne. 1. Le travail en commun Ceci renvoie à une situation où plusieurs entreprises distinctes interviennent ensemble sur un chantier commun –quasi unanimité des cas relatifs-. Une infraction est commise sur le chantier à l’encontre d’un salarié par un autre salarié. Lequel des dirigeants, de fait ou de droit, sera poursuivi ? 1er réflexe : toute infraction ayant causé un préjudice à un salarié engage la responsabilité pénale de l’employeur de ce salarié. Mais certains mécanismes peuvent perturber –pas la neutraliser- le principe. Lorsque plusieurs entreprises interviennent, l’une d’entre elles peut être en charge de la sécurité. Sauf stipulations contractuelles expresses « l’employeur chargé de la sécurité n’est pas responsable » -ce type de clause étant rare-. Crim. 22 octobre 1991. Deuxième perturbation du principe : lorsque des salaires ont été temporairement mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, en principe selon R45- 11-7 la responsabilité pénale de l’entreprise utilisatrice et non de l’employeur est engagée. Toutefois, la jurisprudence le précisant, dans l’hypothèse où l’entreprise employeur a collaboré à l’infraction elle peut être aussi poursuivie. Crim. 27 mai 1999. Bref, un principe, quelques nuances, une jurisprudence transversale : dans l’hypothèse où une entreprise exerce la réalité du pouvoir de direction c’est le chef de cette entreprise qui sera, seul, poursuivi pénalement. Crim. 15 novembre 1988. 2. Le travail intérimaire L1251-1 et suivants du code du travail. Les entreprises d’intérim ont exclusivement l’autorisation de louer de la main d’œuvre salariée. L’objet exclusif d’une entreprise de travail temporaire c’est de mettre à disposition d’entreprises 38
  • 39. utilisatrices des salariés. La seule activité autorisée est la mise à disposition de la main d’œuvre. La jurisprudence va s’inspirer de ces dispositions légales. L1251-21 prévoit que pendant la durée de la mise à disposition c’est l’utilisateur qui est responsable des conditions d’exécution du contrat. Etant responsable des conditions de travail il est de plus responsable pénalement des infractions commises par le salarié intérimaire et des infractions subies par le salarié intérimaire. b. Le régime de la responsabilité pénale de l’employeur On pourrait avoir le sentiment d’avoir tout dit, mais la responsabilité pénale en droit social donne lieu à des solutions tout à fait originales. Certains auteurs évoquent ici une quasi responsabilité pénale du fait d’autrui. La construction est avant tout prétorienne. Le chef d’entreprise répond aussi des infractions dont une partie de la matérialité a été commise par autrui. Contrairement au principe de personnalité des peines, l’employeur peut être poursuivi pour des infractions qu’il n’a pas matériellement commise en totalité. Une traduction législative existe d’ailleurs : article 3 bis de l’ordonnance 58 du 23 décembre 1958. Examinons les fondements juridiques et son champ. Paragraphe 1. Le fondement juridique de la responsabilité de l’employeur Les infractions dites non intentionnelles, d’infraction et négligence, inaugurées par le droit social, sont à l’origine. 121-1 du code pénal pose le principe de personnalité des sanctions et des infractions, voici sa dérogation, en droit social. L’employeur ès qualités sera condamné en raison de faits commis par ses subordonnés. Il s’agit bien ici d’une substitution de responsabilité, d’ordre public. Quel fondement juridique de cette substitution ? Un manquement à l’obligation légale de surveillance du personnel. Crim. 30 décembre 1992. Ceci apparaît peu satisfaisant juridiquement, une coresponsabilité pénale devrait exister, là on a une substitution donc une exonération de la responsabilité du salarié. Ceci est toutefois à minorer du champ d’application, cf. infra. Une loi du 6 décembre 1976 a inséré L47-7- 1 et suivants du code du travail en matière d’hygiène et de sécurité. Les lois de 1996 39
  • 40. et de 2000 sont simplement venues préciser des fondements trentenaires. Les réformes récentes ont surtout été l’occasion d’exporter dans le droit commun ce régime expérimenté pendant 20 ans dans le seul champ du social. La loi du 13 mai 1996 et celle du 10 juillet 2000 ont inséré un nouvel article, 121-3 alinéa 3, dans le code pénal. Ceci visait les élus locaux. La loi du 10 juillet 2000 est venue réviser, car les élus locaux sont venus témoigner des infractions de négligence, trop dures à assumer, la loi de 2000 a donc tempéré le régime. Ce tempérament de la responsabilité pénale en matière d’imprudence et de négligence vise essentiellement des hypothèses où un tiers a exclusivement contribué à la production de l’infraction, il sera seul responsable et cette hypothèse vise au premier chef l’employeur. Crim. 27 mai 1999. L’apport du 10 juillet 2000, c’est la notion de conscience du risque d’une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer. L’intention va être présumée dès lors qu’est établi que le prévenu avait conscience d’un risque d’une particulière gravité. Paragraphe 2. Le champ de la responsabilité de l’employeur C’est en matière d’hygiène et de sécurité que cette quasi responsabilité du fait d’autrui retient l’employeur. Cet employeur ne peut d’ailleurs pas être exonéré du seul fait des règles de sécurité qu’il a imposées à ses salariés. La jurisprudence prévoit, rappelle, de façon constante, que le chef d’entreprise doit veiller personnellement à tout moment à la stricte et constante exécution des consignes de sécurité. Crim. 23 mai 1978. II. La délégation de pouvoirs Conditions de validité ? Régime ? Ce dit régime est à éliminer puisqu’on a décrit déjà les effets. Les conditions de validité importent dans la mesure où elles sont majeures pour la pratique, dans le cadre d’une recherche d’exonération de responsabilité. a. Le régime de la délégation Il s’agit d’une délégation de pouvoir classique, mais en revanche déléguer la responsabilité en particulier pénale, cela contrevient effectivement au principe de 40
  • 41. personnalité des délits et des peines. Par suite, la licéité même de la délégation de pouvoir doit être vérifiée. Explorons la jurisprudence puis sa mise en œuvre. Paragraphe 1. La licéité de la délégation de pouvoirs Cherchons des indices. L441-7 et suivants du code du travail ; en ce qui concerne la réglementation sociale relative à l’hygiène et à la sécurité : la responsabilité parait liée à toute une série de subordonnés au chef d’entreprise. Pour autant il ne faut pas en retenir le chef d’entreprise au sens civiliste classique. C’est l’autorité suprême, la structure de l’entreprise qui est exclusivement visée. Il n’en reste pas moins qu’une chaine de subordination est évoquée dans cet article. Ceci nous conduit pour le moins à présumer que la délégation de responsabilité n’est pas exclue, pas considérée comme illicite. Aucun texte du code du travail ne régit expressément la délégation de pouvoir. Jurisprudence ancienne et constante : licéité de la délégation de pouvoirs Crim. 28 juin 1922, 29 juin 1950, 10 juin 1980, 14 décembre 1999. Cette licéité s’explique toutefois en opportunité. Des arguments d’opportunité conduisent de plus en plus le juge à admettre la licéité de la délégation de pouvoirs. Cette délégation, non seulement reçue par la jurisprudence, est en outre reçue largement par la jurisprudence criminelle. Toutes les matières où la responsabilité du chef d’entreprise ès qualités peut être engagée sont … Crim. 11 mars 1993. Bien entendu cette licéité n’exclut pas l’exploitation de l’abus de la part du chef d’entreprise ou du délégant. Le juge retient la nécessité d’une complexité minimale de l’entreprise, exigeant de fait une répartition des pouvoirs. Le juge va apprécier, le cas échéant, le caractère abusif de la délégation dès lors que la structure ou le territoire de l’entreprise ne serait pas suffisamment complexe pour rendre nécessaire, incontournable, une délégation de pouvoirs. Cette jurisprudence Crim. 3 janvier 1964 a été reprise par l’interprétation administrative cf. réponse ministérielle du 29 juillet 1985. Paragraphe 2. La mise en œuvre de la délégation Comment fonctionne, sur le plan processuel, la délégation de pouvoirs ? Fondamentalement, le principe c’est la responsabilité présumée du chef d’entreprise. 41
  • 42. La délégation de pouvoirs c’est l’exception. Aussi par conséquent le chef d’entreprise n’est exonéré de sa responsabilité pénale que s’il invoque expressément la délégation affectée à un subordonné. Le juge n’a pas, y compris celui d’instruction, n’a pas à rechercher lui-même l’existence d’une délégation Crim. 20 novembre 1974. Cette délégation doit être invoquée par l’employeur lui-même. Crim. 29 mai 1990. En revanche lorsque le chef d’entreprise invoque une délégation de pouvoirs régulière elle lie le juge, exonère de la responsabilité pénale le chef d’entreprise, la même infraction ne pouvant faire l’objet de poursuites contre le délégataire et contre le délégant. La responsabilité pénale est ici alternative, non cumulative. Crim. 29 mars 1979. Comment prouver cette délégation de pouvoirs, qui ne se présume pas, doit être expressément invoquée par le chef d’entreprise employeur, et dont les effets radicaux lient le juge ? La délégation de pouvoirs ne se présume pas, ceci y compris en cas d’absence chronique et légitime du chef d’entreprise. Crim. 7 juin 2006 –un chef d’entreprise hospitalisé n’est pas présumé avoir délégué ses pouvoirs à l’un de ses subordonnés-. La preuve de la délégation est libre. Un écrit n’est pas nécessaire à l’établissement de la délégation, crim. 27 février 19… , et à l’inverse un écrit ne lie pas le juge. Crim. 10 juillet 1980. La démonstration de la délégation doit s’appuyer sur des éléments objectifs et précis. Crim. 2 octobre 1979. Ce peut être des PV de réunion, des délibérations de CA, … Bien entendu, la démonstration de la délégation devra concrètement permettre au juge que sont réunies les conditions de validité. b. Les conditions de validité de la délégation de pouvoirs Soulignons bien qu’il s’agit d’un régime prétorien. Des arrêts récents ont rassemblé, synthétisé ces conditions. Retenons certaines formulations. Crim. 16 janvier 1990 : « la direction ou la surveillance du service a été confiée à un préposé désigné par le chef d’entreprise pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaire pour veiller efficacement à l’observation des dispositions en vigueur en matière sociale ». On le voit, de façon classique, la jurisprudence distingue deux familles de conditions de validité. Des conditions relatives à la personne délégataire et des conditions relatives à l’objet de la délégation. 42
  • 43. Paragraphe 1. Les conditions relatives à la personne du délégataire La question de l’investiture du délégataire est une 1ère condition de validité. Pourvu de compétence, et de l’autorité, deux autres conditions. Enfin la question des moyens –« efficacement »- est en jeu. Investiture, compétence, autorité, moyens, ce sont là les 4 conditions relatives à la personne du délégataire. -Investiture : Qui peut être désigné comme délégataire ? Longtemps la jurisprudence n’a désigné que le personnel d’encadrement c'est-à-dire le personnel investi de par son statut de prérogatives de l’employeur. Mais un revirement est intervenu dans les années 1960. La qualité de préposé susceptible de recevoir une délégation est bien plus large que les seuls cadres de l’entreprise, même un salarié occupant une position hiérarchique modeste peut être investi d’une délégation, cela à la condition qu’il exerce une autorité sur un personnel subordonné. Chambre sociale, 22 avril 1966, 14 septembre 1988. Le salarié doit il accepter la délégation ? La jurisprudence, d’une part, impose l’information du délégataire -Crim. 4 juin 1957-. D’autre part, la jurisprudence rejette toute délégation à la charge d’un salarié qui l’a refusée expressément. Crim. 28 mai 1981. Pour le reste, évolution jurisprudentielle : depuis 20 ans la jurisprudence n’oblige pas à montrer l’AR ou l’acceptation expresse du délégataire, une acceptation tacite est admise, chambre criminelle 10 juin 1986. Pour finir, le préposé délégataire peut subdéléguer librement ses pouvoirs et sa responsabilité afférente sauf autorisation formelle de l’employeur Crim. 30 octobre 1996. -Compétence : Le délégataire doit être pourvu des compétences suffisantes pour exercer les prérogatives du délégué. Dans l’hypothèse où le délégataire n’est pas par son poste de travail ou par son statut pourvu de la compétence il doit recevoir une formation spécifique si elle s’impose. Cf. circulaire ministérielle du 2 mai 1977. Par compétence, la jurisprudence entend la compétence technique mais aussi des compétences juridiques –on rejoint ici l’obligation d’information- pour apprécier le champ de la responsabilité engagé. Crim. 5 janvier 1982. 43