EGPS 18/10/14 - Discours Jean-Christophe Cambadélis, La Rochelle le 31/08/2014
La lettre de Luc Willame à Benoit Lutgen
1. Cher Président,
Après la décision de la semaine dernière prise par vous et le Bureau
Politique de refuser une négociation avec l’informateur, j’ai voulu prendre
un peu de temps et de recul avant de vous écrire.
Après quelques jours de réflexion, après avoir entendu les arguments
présentés par vous même et par les membres du bureau, après de
nombreuses lectures sur ce sujet, et après des discussions avec mes amis,
francophones comme néerlandophones, je voudrais ici vous faire part de
mes sentiments.
J’ai adhéré au CdH depuis très longtemps et j’ai toujours voté pour le Cdh
depuis que je suis en âge de voter. Je ne pense pas que cette réflexion,
partagée avec de nombreux amis, est inspirée par un antisocialisme
primaire. Au cours de ma carrière, et par rapport au monde de la FEB par
exemple, j’ai toujours eu la réputation d’être de centre gauche.
Ceci dit, je continue à penser que ce NON est une catastrophe et pour le
pays, et pour le CdH. Je pense vraiment que les deux gagnants ne sont
aujourd’hui que Bart De Wever et Elio di Rupo, et que le CdH est tout à fait
perdant à court et moyen terme.
D’abord Bart De Wever : il est clair pour beaucoup que la note de
l’informateur était destinée à piéger le CdH. Au Nord du pays, beaucoup ont
déclaré que De Wever baissait son pantalon et n’ont pas compris cette
attitude. Je ne connais pas l’homme, mais je connais plusieurs personnes de
son entourage. Il n’a de cesse que de montrer que les deux régions sont de
plus en plus différentes et que ce sont deux nations., dont l’une, la Wallonie,
est rétive à tout changement. Et le NON du CdH lui permet de renforcer ce
message.
Il est vrai que dans son rapport, il y avait un paragraphe qui affirmait que
l’Etat Fédéral était au service des régions. Mais cette phrase, surtout après
2. la dernière réforme de l’Etat où des transferts massifs de compétences ont
été décidées, était suffisamment vague pour permettre à ce stade
préliminaire beaucoup d’interprétations. Il est vrai aussi que les garanties
demandées par le CdH sur l’abandon, pendant la législature, de nouvelles
demandes de confédéralisme n’ont pas été prises en compte. Mais lui-même
a abandonné beaucoup de revendications du programme NVA.
Il est vrai aussi qu’on peut supposer que la NVA au pouvoir allait continuer
en douce à rendre le fonctionnement de l’Etat plus difficile pour prouver
que cela ne marche pas entre nos deux communautés. Mais fallait-il pour
cela dire NON à ce stade et sans entrer dans une négociation entre adultes ?
Plutôt que de tomber dans le piège, ne fallait-il pas choisir le point de chute,
laisser la NVA au gouvernail plus longtemps, pour prouver que c’est elle, et
non le CdH qui est la cause de ce blocage.
La NVA, même si elle a progressé sur les restes d’un parti raciste, est un
parti démocratique et représente pour un tiers des flamands un espoir de
changement du système belge, à tort ou à raison. Vouloir organiser un
cordon sanitaire autour de la NVA ne peut que la renforcer. Pour le
maintien du pays, je suis très choqué que le CdH, qui a toujours été le plus
acharné à défendre une certaine unité du pays, n’ait pas compris cet enjeu.
Je pense vraiment que cette position témoigne d’un repli sur soi, qui est un
mal wallon et démontre une méconnaissance profonde de l’électorat
flamand.
Ensuite, Elio di Rupo. J’ai beaucoup de respect pour l’homme, mais il faut
reconnaître que, en Wallonie, gouverner avec le PS présente un certain
nombre de risques. Ecolo l’a appris à ses dépens, et on ne peut pas vraiment
dire que le CdH en soit sorti vainqueur.
J’ai moi-même bien saisi la force du PS lors de ma présidence de la SDRB à
Bruxelles. Le PS est une machine de guerre pour le maintien de son pouvoir
à Bruxelles et en Wallonie : tant au niveau de l’administration que du
recrutement des cadres, il est nettement plus efficace que le MR ou le CdH.
Il a cependant deux grandes faiblesses : d’abord, les « parvenus » sont
toujours là. Il y a toujours une série d’affaires qui choquent l’opinion
publique et le parti n’a pas suffisamment d’impact sur les régionales pour
imposer une vraie déontologie. Et ensuite, il est difficile après plus de 25
ans au pouvoir, d’être un acteur de changement. Surtout que le PS doit
surfer constamment sur une ligne floue entre la social-démocratie et les
ukases de la FGTB. L’action du dernier gouvernement n’a pas été si
mauvaise, mais il faut reconnaître que les défis n’ont pas encore été
3. abordés : le vieillissement, la perte constante de part de marché à
l’exportation, la dette wallonne…
Je peux à la limite comprendre que, pour la formation des gouvernements
régionaux, le CdH n’ait pas voulu être pris par surprise par une alliance
entre le PS et le MR. Mais ceci n’était pas une raison pour bloquer un
gouvernement fédéral plus à droite. Après tout, la droite au niveau du pays
a gagné les élections. Et le CdH est un parti du CENTRE, il n’est donc pas
gênant qu’il soit avec le PS à la région et avec le CD&V/NVA au niveau
fédéral. Pour moi, il n’y a pas de honte à montrer que le parti est au centre, à
moins de vouloir faire passer le message qu’on sera toujours scotché au
parti le plus puissant en Wallonie. Si le CdH veut se faire respecter, c’est la
seule stratégie possible.
Je pense donc vraiment que pour l’unité du pays, le CdH devait vraiment
montrer qu’il était prêt à négocier avec un parti nationaliste (pas raciste !)
et démocratique, extrêmement dominant en Flandre, pour prouver à la
Flandre que la Wallonie et la Flandre peuvent encore évoluer ensemble. Et
puis, comme le disait Mark Eyskens, n’a-t-on pas intérêt à voir comment De
Wever se comporte au pouvoir, dans un contexte fédéral.
Président, je voulais vous faire part en détail de toutes ces réflexions de la
part d’un électeur qui ne veut que refléter les idées d’un courant d’opinion
peut-être minoritaire dans votre parti, mais qui tient aux valeurs
traditionnelles qui ont fait la force de ce parti. Je pense avec beaucoup
d’autres que ce NON a été une erreur historique.
Je vous envoie mes meilleurs sentiments.
Luc Willame