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PERCEPTION ET ATTITUDES DE LA FRANCE FACE AUX
           GRANDES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

              Cours de Pierre MOSCOVICI, Député du Doubs,
                              ENAP - Avril 2010




A l’heure où les relations entre Etats ne sont plus régies par la logique des blocs
idéologiques et géopolitiques de l’époque de la guerre froide, les crises
potentielles se sont multipliées, et revêtent des aspects nouveaux, transnationaux
pour être plus précis - la lutte contre le changement climatique et le terrorisme
en sont les symboles les plus évidents. L’organisation mondiale – et régionale,
avec l’Union européenne - est donc désormais le lieu d’application privilégiée
de la diplomatie française.


Les objectifs de cette diplomatie hexagonale à l’égard des grandes organisations
internationales, auquel est consacré ce module, correspond –comme l’ensemble
de sa politique étrangère – à l’idée que la France se fait de sa place, de ses
intérêts et de ses devoirs dans le monde.


Depuis le général de Gaulle, la diplomatie française est marquée par le souci de
maintenir le rang de la France au niveau international, souvent tenue pour une
marque d’arrogance par ses partenaires européens ou mondiaux. Sous la Vème
République, la politique étrangère s’articule autour de l’édification d’un
nouveau rôle international pour la France qui cherche à rehausser son pouvoir et
son prestige, aidée en cela par son siège de membre permanent du Conseil de
sécurité de l’ONU, son rôle de fondateur de l’Union et son statut de pays
détenteur de l’arme nucléaire.


Les lignes générales de cette politique s’inscrivent ainsi directement dans
cette   perspective :   indépendance      nationale,   refus    de   l’hégémonie
américaine, dialogue avec l’Est, construction européenne, capacité
d’influence mondiale, renforcée dans l’espace francophone, en Afrique et dans
les pays arabes. Elle s’articule autour de l’idée que la France renforcera sa
puissance par sa participation à une Europe unie et efficace. Le tournant des
années 1980 viendra changer la donne : la France infléchit sa stratégie de
présence dans le monde, ses interventions, pour avoir une légitimité
internationale, doivent être collectives. Il lui faut donc œuvrer dans le cadre
d’institutions internationales – celui du système onusien d’abord, mais pas
seulement.


Une ligne continue se dégage de la politique extérieure de la France : elle
estime avoir un rôle spécial à jouer en raison de son héritage historique,
berceau des droits de l’Homme, elle se doit de soutenir et de promouvoir les
acquis de 1789. Tous les discours prononcés dans les grandes enceintes
internationales comportent une référence forte à ce devoir. Les déclarations de
principe sont souvent plus aisées que leur mise en œuvre, mais ce n’est pas là le
sujet de cette séance. Je vais dans un premier temps brosser un tableau général
des actions de la France au niveau des organisations internationales, tribunes
privilégiées pour faire valoir sa puissance. Puis dans un second temps,
j’étudierai les stratégies d’influence que la France développe pour peser au
mieux dans les institutions multilatérales. Je parlerai peu ici de l’Union
européenne, que je ne considère pas comme une organisation internationale mais
comme un ensemble intégré indissoluble de la totalité de nos politiques,
intérieures et extérieures. Toutefois, j’en dirai un mot dans ma conclusion.


                                                                               2
I.      LES     ORGANISATIONS          INTERNATIONALES,            TRIBUNES

           PRIVILÉGIÉES POUR FAIRE AVANCER SES OBJECTIFS DE

           POLITIQUE ÉTRANGÈRE


        A. Les axes principaux de la politique extérieure de la France vis-à-
        vis des grandes organisations internationales


        Qu’il s’agisse de maintenir la paix dans le monde ou les équilibres
planétaires, la France prône le droit international et la coopération
multilatérale. On sait qu’elle s’est opposée, par la voix de l’ancien Président
Jacques Chirac, à la politique unilatéraliste de l’administration Bush et à la
guerre en Irak. Cette orientation est moins forte chez son successeur Nicolas
Sarkozy, qui a au contraire souhaité le retour de la France dans le
commandement militaire intégré de l’OTAN. Ses relations avec les Etats-Unis
oscillent entre l’alignement et l’hostilité. Il n’en demeure pas moins que notre
politique extérieure, par delà la différence des personnalités et des styles,
conserve une forme de constance : le multilatéralisme en est une, et c’est une
bonne chose. Pour nombre de questions en effet - pauvreté, environnement,
prolifération, terrorisme - la concertation et la coopération multilatérales
entre les acteurs internationaux sont une nécessité et les Nations unies,
seule instance universelle, en sont le lieu privilégié. La France y est donc active
dans tous les domaines.


Dans le domaine des droits de l’Homme, la France a toujours joué un rôle
particulier. Initiatrice dans les années 80 du droit d’ingérence humanitaire lancé
par Bernard Kouchner et Mario Bettati, elle défend aujourd’hui le concept de
« responsabilité de protéger », repris dans le document final du sommet mondial



                                                                                3
de 2005. Elle soutient également la lutte contre l’impunité pour prévenir de
nouvelles exactions, et a contribué à la création de la Cour pénale
internationale dont elle a été l’un des premiers États à ratifier le statut.


Observons toutefois qu’il existe dans ce domaine une différence marquée
entre la théorie et la pratique. Nicolas Sarkozy s’était fait élire sur un discours
très « droits de l’hommiste », il a choisi comme ministre des Affaires étrangères
le père du droit d’ingérence, Bernard Kouchner, il avait promis de dire leur fait
aux grandes puissances peu exemplaires en la matière que sont la Russie et la
Chine. En réalité, il est plutôt coulant, voire complaisant, avec les manquements
aux droits de l’homme commis dans ces deux pays. Son attitude sur le Tibet,
plus confuse que courageuse, l’a certes fâché avec les dirigeants chinois. Mais il
a vite retrouvé le goût traditionnel français pour la « relation spéciale » avec la
Russie – même lorsqu’elle est dirigée par Vladimir Poutine.


La France est très impliquée dans la réforme des Nations unies. Les
dernières crises ont confirmé le caractère central de l’ONU, mais elles ont
également renforcé la nécessité de rendre l’organisation plus efficace, et plus
représentative des équilibres mondiaux actuels. C’est pourquoi la France œuvre
avec détermination pour une réforme du Conseil de sécurité. Comme elle a
soutenu la transformation du G8 en G20, elle défend actuellement
un élargissement du Conseil de sécurité dans le cadre des négociations qui se
sont ouvertes sur ce thème à l’Assemblée générale début 2009. Elle soutient
ainsi l’accession à un siège permanent de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde, et
du Japon, ainsi qu’une présence plus importante des pays africains au Conseil de
sécurité, notamment parmi les membres permanents. Se pose aussi la question
de la présence d’un pays arabe au rang des membres permanents. La France a
engagé au Conseil de sécurité un travail de revue des Opérations de maintien de
la paix (OMP) afin de les rendre plus efficaces et plus à même d’atteindre leurs


                                                                                4
objectifs. Elle a proposé à ses partenaires du Conseil, conjointement avec le
Royaume-Uni, une réflexion sur la question.


Concernant le financement         du   développement,      l’aide publique au
développement (APD) constitue une composante essentielle de la politique
étrangère française. A Monterrey en 2002, la France s’est engagée à
augmenter son APD afin de favoriser la réalisation des objectifs du
millénaire pour le développement (OMD). Ces objectifs ambitieux prévoient
notamment, à l’horizon 2015, la réduction de moitié de la population mondiale
vivant dans l’extrême pauvreté, la scolarisation dans le primaire de tous les
enfants et la réduction des deux tiers de la mortalité infantile. Le gouvernement
français s’est ainsi fixé comme objectif de hisser l’APD à hauteur de 0,7% du
revenu national brut (RNB) en 2015. Nous sommes encore loin du compte, mais
sur ce terrain plutôt en progrès. L’aide française représentait 0,39 % du RNB en
2008 (0,37% en 2007). Elle devrait dépasser 0,40% en 2009 (8,46 Mds d’euros,
faisant de la France le quatrième donateur mondial), et entre 0,44% et 0,48% en
2010. En outre, la France promeut activement la mise en place de financements
innovants pour le développement et notamment pour la réalisation des OMD.
Elle a été notamment, avec d’autres pays, à l’initiative de la taxe sur les billets
d’avion pour financer l’UNITAID - fonds international pour l’achat de
médicaments contre les grandes pandémies, participe à la Facilité internationale
de financement pour la vaccination (IFFIm), et réfléchit à des mécanismes sur
les transactions financières internationales et le développement.


Dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité, la France joue un
rôle important en matière de désarmement. Elle a œuvré pour l’élaboration
de nombreux traités, dernièrement pour la Convention sur l’interdiction des
armes à sous-munitions adoptée en 2008. Elle est très impliquée dans l’action
pour le respect du régime de non-prolifération et a joué un rôle clef dans


                                                                                5
l’adoption des différentes résolutions sur l’Iran et la Corée du Nord. La France
et le Royaume-Uni sont les deux premiers Etats à avoir ratifié le TICE (traité sur
l’interdiction complète des essais nucléaires) en 1998, et la France œuvre pour
son entrée en vigueur. La France est également le premier Etat à avoir décidé et
mis en œuvre le démantèlement de ses installations consacrées à la production
de matières fissiles pour les armes nucléaires. Elle soutient la reprise des travaux
relatifs à la négociation d’un Traité sur l’interdiction de la production de
matières fissiles pour les armes nucléaires. Plus généralement, elle cherche à
promouvoir avec constance un rôle ambitieux et efficace pour les Nations unies
fondé sur le droit international et le consensus. Lors de la crise irakienne en
2003, elle s’est ainsi opposée au recours unilatéral à la force et a prôné un rôle
central pour les Nations unies. Ses forces militaires et de police sont fortement
présentes à l’extérieur de ses frontières : en 2010, elle participe à 10 des 15 OMP des
Nations unies avec plus de 2000 casques bleus déployés sur le terrain, présents
pour l’essentiel au Liban (FINUL). A cette contribution directe s’ajoute un
engagement important au sein des forces autorisées par les Nations unies sans
être des casques bleus, avec plus de 7800 militaires français engagés dans ces
opérations. A ce titre, la France est présente en Côte d’Ivoire depuis 2002
(opération Licorne). Elle contribue également à la force internationale
d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) et aux forces de l’Union
européenne en Bosnie (EUFOR-Althéa) et au Kosovo (EULEX).


      B. Un grand intérêt pour les affaires internationales se traduisant par
      un réseau dense d’ambassades et de représentations permanentes


La France, désireuse de jouer un rôle mondial, a pour principe la présence
la plus étendue dans le monde. Le nombre de ses ambassades et
représentations diplomatiques est très élevé. Ce maintien du réseau
diplomatique français semble être un principe constant pour les gouvernements


                                                                                    6
successifs. Ainsi, bien qu’il tende à se contracter pour des raisons d’économies
budgétaires, notamment du fait de la revue générale des politiques publiques
(RGPP), le réseau français reste dense : la France est dotée du deuxième réseau
diplomatique du monde derrière celui des Etats-Unis et devant celui de la
Russie, du Royaume-Uni et de l’Italie. La comparaison des réseaux consulaires
montre que le réseau français est beaucoup plus dense que les réseaux étrangers,
alors que la population française expatriée n’est pas particulièrement
nombreuse : 116 postes français pour 81 postes américains, 76 postes allemands,
61 postes britanniques. Si l’on intègre les sections consulaires d’ambassades, les
chancelleries détachées, le réseau français comporte 234 implantations. La
France a à ce jour 17 représentations permanentes (RP) auprès des organisations
internationales à vocation mondiale, régionale et spécialisée.


Les « délégations » ou « représentations » permanentes auprès des
organisations internationales assurent la liaison entre les gouvernements
des États membres et le secrétariat de l’Organisation. Bien qu’il n’y ait
aucune obligation juridique, 180 États membres aujourd’hui ont établi des
délégations permanentes auprès de l’UNESCO. Elles représentent en effet pour
ceux-ci le « moyen privilégié pour la conduite d’une politique extérieure au sein
de l’Organisation » comme le soulignait Marie-Claude Smouts, dans son
ouvrage La France à l’ONU, paru en 1979.




   C. La France est l’un des principaux contributeurs des OI


Le financement de l’Organisation des Nations Unies et des autres organisations
internationales (ONUDI, OTICE...) est assuré par les contributions obligatoires
des Etats membres et par des contributions volontaires.



                                                                               7
1. Les contributions obligatoires


Le budget ordinaire du Secrétariat de l’ONU, établi tous les deux ans, est
financé par des contributions obligatoires basées sur les barèmes établis par
l’Assemblée générale à New York.


Depuis la réforme des barèmes de contribution adoptée en décembre, la France
est le cinquième contributeur aux différents budgets de l’organisation (budget
ordinaire, opérations de maintien de la paix, tribunaux internationaux). Elle a
versé 91 millions d’Euros au titre des contributions obligatoires en 2009. Avec
une quote-part de 6,1 % du budget ordinaire en 2009-2010, elle se situe après les
Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni, et avant l’Italie (5%) et le
Canada (3,2%). En qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, sa
quote-part au budget des opérations de maintien de la paix (OMP) s’élève quant
à elle à 7,6% avec 382 millions d’euros au titre de l’année 2009. La France est
également le 5ème plus gros contributeur au budget de l’AIEA (6,239 % du
budget), derrière les Etats-Unis (25,663 %), le Japon (16,461 %), l’Allemagne
(8,493 %) et le Royaume-Uni (6,577 %).La France s’efforce de régler sa
contribution en totalité en début d’année compte tenu des difficultés de
trésorerie de l’organisation.


      2. Les contributions volontaires

Au-delà des contributions obligatoires versées par la Direction des Nations
Unies et des Organisations Internationales au système des Nations Unies ou de
la participation au capital des Banques ou institutions du développement
(notamment FMI et BM), la France verse également des contributions
volontaires à différentes institutions onusiennes.




                                                                              8
A ce titre, la France fait partie des plus gros contributeurs de l’Association
Internationale de Développement (AID), un des organismes de la Banque
Mondiale. Celui-ci a réuni, en décembre 2007, 28,8 milliards d’euros qu’elle
peut dépenser de juin 2008 à juin 2011 au profit des pays dont le
revenu annuel par habitant est inférieur à 1065 dollars. La France avait fourni
7,1% des dons, soit 1,47 milliard de dollars, pour le précédent cycle triennal
(2005-2008). Cet argent est utilisé notamment à la construction d’infrastructures
(par exemple, 3000 km de 2 routes rurales aménagées au Nicaragua ou le
programme d’électrification au Vietnam). Il permet aussi, entre autres projets,
de développer le micro-crédit en Tanzanie, ou de cofinancer les programmes de
scolarisation des filles dans le secondaire au Bangladesh. Tous les trois ans,
l’AID doit reconstituer son capital, et demander aux pays les plus riches de lui
garantir un certain montant de dons permettant de réaliser un programme arrêté
en commun. Les priorités du programme de 2008 à 2011 (AID 15, le quinzième
cycle triennal) porte sur l’Afrique, les pays fragiles, les pays sortants d’un
conflit ainsi que les ensembles régionaux.

La France met également en place des « fonds fiduciaires » auprès de
certaines banques ou institutions. Les fonds fiduciaires sont un moyen
pratique de travailler avec les organisations internationales et sont largement
utilisés par différents services du Ministère des affaires étrangères.



Il s'agit de fonds, versés sous forme de contributions volontaires à des
organisations multilatérales (onusiennes et banques de développement en
particulier) et permettant de soutenir l'activité de cette organisation dans
un domaine précis ou pour une opération prédéfinie décidée conjointement
et mise en œuvre par l'organisme bénéficiaire. Ces « fonds d'affectation
spéciale » servent principalement à financer de l'expertise (court, moyen ou long
terme) et ils sont gérés selon les règles en vigueur dans l'organisme

                                                                              9
international. Sauf à l'OMC, l'ensemble des fonds fiduciaires français sont des
aides liées : de 90 % à la BERD à 75 % dans les fonds onusiens et auprès des
autres banques. La partie déliée doit être utilisée en faveur de consultants locaux
ou régionaux. Ces fonds sont ré-abondés en fonction du rythme de
consommation constaté et des disponibilités budgétaires.


Deux grandes catégories de bénéficiaires peuvent être distinguées :les
banques multilatérales ou régionales de développement d'une part (environ
le tiers des crédits fonds fiduciaire du MAE) et les organismes onusiens
spécialisés de l’autre. On notera que la direction du Trésor dispose également
de fonds fiduciaires essentiellement auprès des grandes banques de
développement : Banque mondiale et banques régionales. Les objectifs généraux
visés par ces fonds fiduciaires sont de :

   -   favoriser la cohérence des interventions bi et multilatérales et faciliter, le
       plus en amont possible et au niveau de la définition des stratégies ou des
       projets, la coordination opérationnelle au bénéfice des pays en
       développement ou en transition concernés,

   -   promouvoir l'influence (approches, savoir-faire) française dans les
       programmes multilatéraux où les financements bilatéraux sont réduits,

   -   promouvoir l'expertise française publique et privée et lui donner accès,
       par le biais de ces contributions liées, aux financements multilatéraux,

   -   apporter enfin un soutien à certaines organisations en contribuant au
       financement de leurs activités d'expertise.


Ces fonds sont attribués à des organisations en fonction de l'intérêt (politique et
économique) que l'institution représente pour le Ministère et de l'efficacité dont
elle fait preuve.



                                                                                  1
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Voici quelques exemples, loin d’être exhaustifs, d’utilisation de ces fonds
fiduciaires :

   -   Banque mondiale : ce compte permet de co-financer de l'expertise de
       courte ou moyenne durée au bénéfice des pays clients de la Banque. Tous
       les secteurs sont concernés.

   -   PNUD : le fonds fiduciaire permet une utilisation plus souple de
       l'expertise de courte durée, que ce soit en matière d'identification de
       projets, d'évaluation, d'expertise et de conseils, de coordination des aides,
       de formation, d'études... Le fonds s'applique à tous les pays en
       développement et en transition.

   -   OMS : ce fonds permet la prise en charge intégrale d'une expertise à court
       ou moyen terme liée aux épidémies.

   -   UNESCO. Deux fonds ont été créés auprès de l'UNESCO :

       1. un fonds destiné au suivi du Forum Mondial sur l'Éducation
          servant à financer des activités d'expertise de courte ou moyenne
          durée, la mise à disposition d'experts français de longue durée dans le
          domaine de l'éducation de base et l'organisation de séminaires et
          ateliers.

        2. un fonds destiné à la mise en valeur du patrimoine monumental
           urbain et naturel mondial servant à financer des activités
           d'expertise de courte ou moyenne durée, la mise à disposition
           d'experts français de longue durée, l'appui à des études ou actions
           d'assistance technique, l'organisation de sessions de formation de
           courte durée ainsi que des séminaires techniques

   -   FMI : ce fonds permet de co-financer des activités avec l'Institut de
       formation du Fonds monétaire international, essentiellement destinées aux
       pays africains.


                                                                                 1
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-     OMC : ce fonds a été créé afin de contribuer au financement des activités
         d'assistance technique de l'OMC. Les fonds fiduciaires alimentés par le
         MAE ne sont pas exclusifs et de nombreux ministères techniques
         disposent de ce type d'instrument d'intervention (Finances, Agriculture,
         Environnement, Affaires sociales, Education...). Ces fonds peuvent se
         compléter en terme d'outils techniques. Ainsi en ce qui concerne la
         Banque    mondiale     et     très   schématiquement   les   « prestations
         intellectuelles », elles sont couvertes par le MAE, alors que l'ingénierie
         des projets est imputée sur le fonds alimenté par le ministère de
         l'Economie et des Finances.

La France détient un poids non négligeable dans la prise de décision et
d’orientation des priorités proposées par la Banque Mondiale et le Fonds
Monétaire International (FMI). En effet, elle fait partie des huit principaux
pays qui nomment chacun un administrateur, alors que les autres pays membres
(177) sont représentés collectivement par 16 administrateurs. Avec environ 5 %
des quotes-parts, à égalité avec le Royaume-Uni, derrière les États-unis, le Japon
et l’Allemagne, la France se classe au quatrième rang en termes de droits de
vote. En effet, lorsque les votes sont organisés, les résultats demeurent fortement
influencés par le système des « quotes-parts » attribuées en fonction du poids du
pays dans le capital.



   II.      UNE STRATÉGIE D’INFLUENCE MULTIVECTORIELLE


« Ces organisations multilatérales nous appartiennent, au moins en partie. Nous
avons donc un intérêt tout particulier à en suivre, en orienter et si nécessaire en
infléchir ou critiquer les actions et interventions. Pour cela, la connaissance du




                                                                                1
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terrain par les postes et le suivi qu'ils peuvent exercer sur l'action de ces
différents organismes sont irremplaçables. » - Document du MAEE


   A. Le vecteur humain : le placement des « hommes »
   Je ne parlerai pas ici du « sommet » - la direction des grandes
   institutions internationales – si ce n’est pour souligner qu’il existe en la
   matière une « tradition française ». Aujourd’hui encore, deux français,
   deux socialistes d’ailleurs, occupent des postes de premier rang : Pascal
   Lamy a la tête de l’OMC, Dominique Strauss-Kahn à celle du FMI, sans
   évoquer bien sûr les institutions européennes – je pourrais ainsi citer Jean-
   Claude Trichet, Président de la BCE. Ce que je veux évoquer ici est une
   politique plus modeste, plus méthodique, tout aussi essentielle, de
   « placement des hommes » dans les OI.

      1. la Mission des fonctionnaires internationaux : une surveillance
      « active » du nombre de Français et de leur positionnement dans les OI

La MFI est un service de la direction des Nations Unies et des Organisations
internationales (NUOI) du ministère des Affaires étrangères français, qui a
pour mission principale de « promouvoir la présence de personnels français
dans les organisations internationales». Une de ses principales activités est en
effet de soutenir les meilleures candidatures françaises par une forte activité de
lobbying à l’anglo-saxonne.


      À cette fin, la MFI mobilise tout un réseau de « partenaires » plus ou
moins institutionnalisés au premier plan desquels on trouve la
représentation permanente (RP). C’est elle qui détermine en effet, du fait de sa
connaissance de l’organisation, quels sont les postes stratégiques ; c’est elle qui
représente le contact physique avec le secrétariat, c’est-à-dire qui rend les
« visites de courtoisie » comme on les appelle, aussi bien aux fonctionnaires

                                                                                1
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internationaux français qu’aux agents des ressources humaines des organisations
internationales, et qui s’arrange parfois avec ces derniers pour faire accepter des
candidatures hors délai ; c’est la RP également qui passe les coups de téléphone
nécessaires, envoie les lettres de soutien qui prennent la forme d’un télégramme
diplomatique ou d’une note verbale; c’est elle aussi qui va recevoir et briefer les
candidats et qui commence ainsi, dès ce stade, à nouer des « relations suivies »
avec les Français qui ne peuvent être que « reconnaissants » de l’aide apportée.


      L’importance du « relationnel », du fait qu’il faille « entretenir des
liens avec les compatriotes », revient comme un leitmotiv dans les
documents de la MFI, et sur ce point, l’ambassade, tout comme la RP, joue un
rôle important au travers notamment des réceptions que l’une et l’autre
organisent. L’ambassade est en effet un partenaire naturel de la MFI, qui va
notamment faire part de son point de vue le moment venu quant aux candidats
français à soutenir.


LA MFI va s’appuyer également sur des acteurs non-gouvernementaux.
C’est le cas du réseau constitué par les fonctionnaires internationaux français,
que la MFI alimente notamment dans une newsletter (plus de 1 400 abonnés)
ainsi qu’un forum électronique, mis en place en décembre 2006, sur le modèle
de celui des Français de l’OSCE, animé par la RP de cette organisation et sur
lequel circulent des informations concernant notamment les mouvements de
personnel prévisibles.


      La MFI entretient par ailleurs des relations suivies avec les AFIF, ces
associations de fonctionnaires internationaux français qui sont au nombre
de 14. De par leur vision interne des évolutions prévisibles des emplois et des
organisations, les AFIF constituent en effet un partenaire privilégié de la MFI qui
les « encourage à jouer pleinement leur rôle dans la promotion de la présence


                                                                                1
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française et de la défense de notre langue et de nos intérêts ». En déplacement
dans les différentes capitales, le chef de la MFI (mais il en va de même du
ministre des Affaires étrangères et du président de la République) rend
immanquablement visite aux AFIF. Une réception est organisée et les discours
qui y sont prononcés sont l’occasion de rappeler que « la France a pleinement
conscience de ce qu’elle doit à ses fonctionnaires internationaux », et qu’elle les
remercie « pour leur engagement et leur sens du service » (dixit le ministre des
Affaires étrangères lors de la réception offerte aux fonctionnaires internationaux
français de New York au moment de la 55e Assemblée générale des Nations
Unies).


      2. L’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France


      Les fonctionnaires internationaux constituent en effet une manne
d’informations non négligeable concernant « la vie de l’Organisation ».
Plusieurs rapports, notamment les documents internes à la MFI, mettent en
évidence « l’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France » et
l’importance également de l’échange d’informations au niveau international ».
Jacques Lanxade, dans son rapport intitulé Organiser la politique européenne et
internationale de la France (2002), expliquait ainsi que « L’opinion commune
veut, en France, que le secret soit le signe du pouvoir, la réalité internationale
montre que c’est l’échange d’informations qui crée la puissance ».


      Et une des informations en particulier qui intéresse les États-
membres et la MFI est celle qui concerne les mouvements de personnel.
Lors du Comité des fonctionnaires internationaux de 2004, comité qui regroupe
les différents protagonistes (MFI, RP, AFIF, la première recommandation
générale   était   « une   circulation   plus   fluide   de   l’information   entre
l’administration et nos compatriotes en poste dans les organisations


                                                                                1
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internationales sur les mouvements de personnel prévisibles », selon un
document de la MFI. Il s’agit en effet de préparer la relève, de trouver le
candidat idéal pour le poste qui va se libérer, ou alors d’essayer de « flécher »
littéralement le poste pour un candidat bien précis, ce que permet le système
d’emploi appliqué au sein de la fonction publique internationale. Il s’agit donc
de faire du « lobbying sur la succession », et pour cela, il faut que l’information
remonte le plus rapidement possible, ce qui ne peut se faire que par les
fonctionnaires internationaux en place.


Ce qui rend possible ce lobbying, voire ce « fléchage » des postes, n’est
autre que le mode de recrutement en vigueur au sein de la fonction
publique internationale. Dans le système d’emploi en effet, les emplois de
l’administration sont analysés comme ceux du secteur privé et le fonctionnaire
est recruté pour occuper un emploi précis. La description de poste permet donc
tous les abus imaginables et il n’est pas rare qu’une description de poste soit
modifiée a posteriori, c’est-à-dire une fois publiée, afin de « coller » au plus près
de la personne que l’on souhaite voir nommée. Selon Yves Courrier, ancien
fonctionnaire de l’UNESCO qui a été, entre autres, président du syndicat du
personnel de cette organisation à laquelle il a consacré un ouvrage (L’UNESCO
sans peine, 2005), « dans l’immense majorité des cas, dès qu’un poste est
vacant, et même avant, la personne qui doit être nommée est connue ou
pressentie».


      3. Le financement d’experts : le programme JPO


Depuis de nombreuses années, le Ministère des Affaires étrangères français
poursuit une politique de placement de « jeunes experts associés »
(fréquemment dénommés « cadres associés », « junior professional officers »,
ou JPO) au sein d'organismes multilatéraux essentiellement onusiens mais aussi,


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et plus récemment, auprès des délégations de la Commission Européenne
(jeunes experts en délégations).


Ces organisations internationales proposent à de jeunes diplômés qui
disposent déjà d'une expérience professionnelle, la possibilité de développer
leur expérience internationale pendant deux ans. A l'issue de cette période,
certains peuvent être recrutés par ces organisations. Le MAE assure le
financement de ces postes pendant la durée du contrat. Les postes offerts sont
très variés et comportent des activités à caractère technique ou administratif.
Situés en principe sur le terrain dans les pays en développement, ils peuvent, à
titre exceptionnel, se trouver au siège de certaines organisations. L'expert
associé a souvent à travailler très concrètement dans le cadre de projet(s) ou
programme(s) de l'organisation. Divers profils sont recherchés en fonction de
l'organisation utilisatrice. Il s'agit de juristes, d'économistes, d'agroéconomistes,
d'experts en développement mais aussi d'urbanistes, de nutritionnistes, de
spécialistes en environnement... Le niveau universitaire moyen constaté est de
Bac +5. Un quart des JPO en poste possède un diplôme supérieur étranger. Tous
sont parfaitement bilingues.


Ce programme répond à trois objectifs :

- promouvoir l'expertise française dans les institutions internationales, au-delà
des postes limités par quotas et favoriser l'embauche de personnel français
compétent avec un souci de renouvellement régulier des effectifs ;

- faciliter la coordination opérationnelle des activités bi et multilatérales
réalisées et accroître l'efficacité des interventions au bénéfice des pays en
développement ;




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- favoriser la prise en compte des conceptions et idées françaises sur des
thèmes, des problématiques ou dans des domaines que nous estimons
prioritaires, et à terme, promouvoir le recours aux opérateurs français.


Ainsi, depuis plusieurs années déjà, le programme JPO est devenu l’action
prioritaire de la MFI. Ce programme a sans conteste un effet sur les
« possibilités d’emploi » au sein des organisations internationales. Si certains
pays donateurs tel les Pays-Bas (le plus gros donateur) ont « externalisé » le
recrutement de leurs candidats pour le confier à une agence indépendante (le
Centre pour les JPO) la France, quant à elle, a préféré garder la mainmise sur la
sélection de ces futurs fonctionnaires internationaux. Ces « privilégiés », comme
les considèrent les agents de la MMFI, constituent par la suite des « personnes
ressources » pour la France selon les mêmes personnes, et cela contrairement
aux lauréats des concours organisés par les Nations Unies qui sont eux « perdus
pour la France », en quelque sorte, aux yeux de l’administration française.


Le programme des Jeunes experts associés connaît un réel succès auprès
des États membres, puisque l’on compte aujourd’hui vingt-quatre bailleurs
de fonds participant au programme (pour une grande partie occidentaux, à
l’exception de l’Arabie saoudite, du Japon et de la Corée du sud, un JPO coûtant
environ 10 000 euros/mois au pays donateur). L’avantage de ce dernier pour les
pays occidentaux et la France en particulier qui est, comme plusieurs pays de ce
groupe, surreprésentée au sein des organisations internationales, est de pouvoir
ainsi contourner le principe de répartition géographique. Ce principe qui, avec le
celui de compétence, prévaut au recrutement au sein des organisations
internationales, et auquel sont particulièrement attachés les pays du Sud,
représente pour la France « l’obstacle majeur au recrutement de nos
compatriotes », peut-on lire dans l’enquête annuelle menée par la MFI.



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Selon cette même source, les autres facteurs principaux qui gênent le
développement de la présence française sont, d’une part, le mouvement de
départs à la retraite dans les années à venir des fonctionnaires
internationaux français en position de responsabilité, qui va « faire perdre à
la France » un nombre important de postes de haut niveau, et d’autre part,
la spécialisation des recrutements qui valorise les cursus universitaires
anglo-saxons au détriment des profils français, plus « généralistes », ainsi que
l’exigence d’une connaissance parfaite de l’anglais. Il faut rappeler ici que le
facteur « langue » n’a pas toujours été en défaveur des Français. Bien au
contraire : l’exigence statutaire de bilinguisme qui caractérise les secrétariats
internationaux, de moins en moins appliquée il est vrai, a longtemps privilégié
de manière certaine les francophones bilingues, pour les mêmes raisons qui
conduisent par exemple les fonctionnaires canadiens d’origine québécoise à être
surreprésentés à Ottawa par rapport à ceux des autres provinces.


   B. Le vecteur linguistique : la francophonie


Deuxième langue internationale après l’anglais, dixième langue du monde par le
nombre de locuteurs, le français est aussi l’une des 6 langues de travail de
l’Organisation des Nations unies. Il a le statut de langue officielle dans 28 pays
et occupe, sur le plan de la superficie, 15,2 % du territoire mondial, après
l’anglais (29,6 %) et avant le russe (13,1 %), l’espagnol (8,9 %) et le chinois
(7,2 %). Depuis la création de l’ONU, le français est l’une des 5 langues
officielles avec l’anglais, le chinois, l’espagnol et le russe, auxquels s’est ajouté
l’arabe, en 1973. Seuls l’anglais et le français (et plus tard l’espagnol) avaient
alors le double statut de langues officielles et de travail.




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Les débuts du français à l’Organisation des Nations unies n’ont pas été
faciles pour autant. Sur 51 Etats signataires, seuls 4 étaient alors de langue
française, la Belgique, la France, Haïti et le Luxembourg avec un siège aux
Etats-Unis. C’est l’arrivée massive des Etats africains, dans les années 1960, qui
a redonné au français une place importante. Dans les années 1980, plus de 40
des Etats membres de l’ONU demandaient à recevoir la documentation en
français. Depuis les années 1990, la situation du français est plus fragile,
notamment à New York. Le nombre de réunions sans interprétation est passé de
58 % en 1994 à 77 % en 2003. Dix-huit pays seulement revendiquent l’usage du
français à l’ONU. L’ONU, dont le fondement même est d’assurer la
concertation mondiale dans les meilleures conditions, a pris certaines mesures
(création d’un poste de coordonnateur du multilinguisme, examen biennal de
l’utilisation des langues) qui ont des effets positifs en particulier sur les
documents écrits : renforcement de la place du français sur le site Internet,
résumé en français du point de presse quotidien du Secrétaire général. De plus
sur les avis de vacance de postes la mention « anglais requis » a fait place à «
anglais ou français requis » ou « l’anglais et le français sont les langues de
travail du Secrétariat ».


Selon le dernier rapport du Secrétaire général de la Francophonie sur la
place du français dans les organisations internationales, le rayonnement
qu’a    connu    la   langue   française    comme     langue    d’enseignement,
d’administration et de communication internationale tend à faiblir. Cette
situation est notamment perceptible dans les enceintes internationales, où un
recul du français est observé dans les faits. Sous couvert de restrictions
budgétaires la plupart du temps, certaines organisations n’assurent plus en effet
la traduction simultanée de certaines interventions ou discours ou ne présentent
pas leur site internet dans leur version française (ou trop tardivement pour être


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exploitable). De manière plus systématique, les procédures de recrutement se
font maintenant exclusivement en anglais.


Mais ce qui inquiète peut-être encore plus les autorités françaises et
francophones est le recul du droit français (romano-germanique) au profit
du droit anglo-saxon, « imposé », selon ces dernières, par les « juristes
américains » aussi bien au niveau des institutions de la justice que des
passations de marché. À titre informatif, l’onu, en 2000, représente un marché
de 3,73 milliards de dollars d’achats de biens et de services. C’est un aspect
auquel on ne pense pas toujours quand on parle de l’onu. Face à cette situation,
l’Organisation internationale de la Francophonie en appelle régulièrement à un
renforcement des actions menées par la Francophonie mais aussi par ses pays
membres. Les représentations permanentes de l’OIF auprès des Nations unies à
New York et Genève, auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba et de l’Union
européenne à Bruxelles, appuyées par les groupes des ambassadeurs
francophones, sont un facteur d’influence en faveur de la diversité linguistique
et exercent une veille sur la place réservée au français dans les organisations.
Elles interviennent en cas de manquement aux règlements en matière
d’utilisation des langues.


Sur ce point, la MFI se veut également une cellule de veille francophone
signalant toute organisation qui se montrerait réfractaire au principe de bi-
ou de plurilinguisme en son sein. « L’usage du français dans les
organisations internationales » constitue donc une des priorités du plan
d’action de la MFI.




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C. Le vecteur géographique : une politique d’attractivité du territoire
   national à améliorer


La France est, en plus d’une grande défenseure des organisations
internationales, une grande adepte de la « diplomatie des sommets ». Les
négociations au plus haut niveau, conduites depuis les années 1980 dans les
sommets multilatéraux, prennent une importance croissante. Dans ces enceintes,
seuls sont présents les chefs d’Etat et/ou leurs ministres des Affaires étrangères
et des Finances, voire quelques autres ministres. Les dossiers sont préparés par
des conseillers spéciaux et par les élites de la haute administration.
L’horizontalité est la règle : c’est la situation politique, économique et sociale du
monde entier qui est l’objet des réunions. Les questions posées sont au
croissement des préoccupations les plus aigües du monde moderne :
catastrophes humanitaires, environnement, grande criminalité, désarmement,
énergie, aide au développement, mines antipersonnelles, situation au Proche-
Orient, en Afghanistan, réforme de l’ONU, grands équlibres monétaires et
financiers.


Ces réunions prennent la forme des G7, G8, G10 et maintenant G20. La
France a fortement contribué à la création de cette nouvelle enceinte, chargée en
théorie de réformer la gouvernance internationale en matière économique et
financière, dont les résultats sont, à ce stade, encore décevants, mais qui a le
mérite d’exister. Les sommets bilatéraux, dont les plus anciens et connus sont
les sommets franco-allemands, qui se tiennent à une fréquence au moins bi-
annuelle et sont suivis de très nombreuses rencontres informelles, se sont
multipliés avec divers partenaires importants de l’OCDE. Il existe également
plusieurs types de grandes conférences régionales : sommet Europe-Asie (ou
ASEM), forum méditerranéen, sommets franco-africains, sommet Nord-sud. Les



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grandes organisations internationales sont également le siège de sessions
périodiques importantes (ONU, FMI, OCDE notamment).


Malgré son penchant pour cette forme alternative de diplomatie, la France
se montre peu attractive pour la tenue de sommets internationaux et de
conférences internationales : aujourd’hui, peu de localités hormis Paris,
Strasbourg, Lyon, Marseille et quelques stations balnéaires comme Nice
présentent les qualités requises en termes de centres de congrès et
d’infrastructures hôtelières pour accueillir de telles manifestations, alors que
cela a une portée symbolique forte qui peut se répercuter ensuite, de manière
subtile voire subliminale, sur la stature, et donc l’influence du pays hôte.


Il en va de même pour l’accueil sur son sol d’organisations internationales.
La France en a accueilli beaucoup pendant l’entre-deux guerres, mais
depuis 30 ans, cet effort a beaucoup diminué, alors que la diplomatie
multilatérale a explosé et a vu la création de nombreuses organisations.


Comme l’a fait remarquer le Conseil d’Etat dans une étude sur « L’implantation
des organisations internationales sur le territoire française », deux critiques
peuvent être émises en matière d’influence réciproque entre l’organisation
internationale publique et son pays d’accueil :
- la présence d’une organisation internationale publique ne garantit pas
automatiquement au pays d’accueil de bénéficier d’une influence prédominante.
Bien au contraire, l’expérience montre que les administrations françaises ont
parfois tendance à se reposer sur leur seule présence géographique.
- traditionnellement, la stratégie française a plutôt privilégié l’obtention des
postes de direction par rapport à l’accueil de l’organisme lui même. Or, ce n’est
pas forcément un gage d’influence et sûrement pas une source d’importantes
retombées économiques


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Le Conseil d’Etat incite donc la France à chercher à diversifier les types
d’implantations. Par-delà le soutien au développement des organisations
internationales publiques ayant déjà leur siège en France (comme l’OCDE,
l’UNESCO ou encore INTERPOL), il suggère que soit favorisé l’accueil de
bureaux régionaux ou spécialisés, en plus des nombreuses réunions auxquelles
donne lieu la « diplomatie de conférence ». Il appelle en ce sens à une
harmonisation, au niveau européen, du système des privilèges et immunités afin
d’éviter une concurrence contre performante entre pays d’accueil, qui m’amène
à évoquer avec vous, avant de prendre éventuellement vos questions, l’évolution
selon moi nécessairement européenne de l’attitude de la France vis-à-vis des
organisations internationales.


                                            *       *
                                                *


Conclusion : vers une européanisation de la politique étrangère française ?


La France on l’a vu, considère les organisations internationales comme des
forums lui permettant de faire avancer dans une ère multipolaire ses principaux
axes de politique étrangère – défense des droits de l’Homme, aide au
développement, promotion de la paix et sécurité internationale ainsi que du
multilatéralisme. Je vous ai expliqué, un peu longuement peut-être, les différents
canaux d’influence qu’utilise la France pour faire entendre sa voix dans l’arène
internationale. Cette stratégie porte certes ses fruits, mais ceux-ci pourraient être
décuplés si elle s’inscrivait dans un projet plus grand, celui de l’intégration
européenne. Vous le savez, je suis un européen convaincu, et je vais donc
prêcher ici pour ma paroisse – après des explications académiques, place à
quelques considérations politiques.



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C’est le Conseil européen de Nice (2000) qui a posé les bases d’une relation
entre l’UE et l’ONU qui « permette notamment aux Européens de répondre de
manière plus efficace et cohérente à des demandes d’organisation chef de file
telles que l’ONU et l’OSCE ». Les domaines de coopération ont été ensuite
définis par l’UE au Conseil européen de Göteborg en 2001 : prévention des
conflits, gestion des crises, et questions régionales. A partir de 2003, des
opérations ont été menées en soutien ou en relève de l’ONU dans la gestion
militaire et civile des crises : opération prenant la relève d’une mission de police
de l’ONU (MPUE en Bosnie-Herzégovine), opération de l’UE déployée en
renfort d’une opération de maintien de la paix (opération Artémis et Eufor RD-
Congo). Ces opérations en soutien de l’ONU ont été décisives pour la
structuration du partenariat entre les deux organisations. Aussi ont-elles
formalisé leur coopération par une première déclaration conjointe signée le 24
septembre 2003. Elle identifie quatre principaux domaines de coopération : la
planification, la formation, la communication, et l’échange sur les retours
d’expérience des opérations menées. L’UE est devenue, à partir de ce moment-
là, un partenaire privilégié des Nations unies en matière de gestion des crises et
lui a régulièrement apporté son soutien.

Une nouvelle déclaration commune sur la coopération en matière de gestion des
crises a été signée en juin 2007. Elle vient compléter celle de 2003 et donne une
nouvelle impulsion politique aux différents domaines de coopération identifiés.

Cette coopération croissante entre les Nations unies et l’Union européenne
est facilitée par la conception très proche qu’ont les deux organisations de
l’action de la communauté internationale en matière de gestion des crises
(en particulier, la nécessité de mobiliser l’ensemble des instruments disponibles,
qu’ils soient politiques, civils ou militaires).




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Elle est source de légitimité renforcée pour les deux organisations :
 les opérations de l’UE bénéficient de la légitimité politique conférée par les
mandats    donnés    par   le   Conseil   de      sécurité   des   Nations   unies ;
 les Nations unies, à travers l’appui apporté par les missions PESD, bénéficient
de la crédibilité et des moyens opérationnels apportés par l’UE pour conduire
des opérations complexes sur des terrains difficiles.

Il n’existe pas pour autant à proprement parler de politique étrangère
européenne. En effet, chaque État membre de l’Union européenne (UE)
conserve une entière souveraineté dans la conduite de sa politique étrangère.

Le traité de Maastricht (1992) a institutionnalisé une politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), régie par des procédures intergouvernementales. Elle
se distingue nettement des politiques communautaires dans lesquelles les États
délèguent à l’UE une partie ou la totalité de certaines de leurs compétences.

La PESC consiste avant tout à coordonner les politiques étrangères des États
membres de l’Union européenne : elle prévoit des échanges d’information et des
consultations mutuelles entre Chancelleries, l’harmonisation des points de vue et
des actions diplomatiques concertées.

Elle a pour objectif de susciter l’émergence de principes communs avec,
éventuellement, des dispositions opérationnelles pour leur mise en oeuvre. Mais
la PESC n’est pas une politique étrangère unique menée par l’Union européenne
au nom de ses vingt-cinq États membres.

La récente guerre en Irak (2003) est venue le rappeler, puisqu’on a pu observer
que les États membres adoptaient des positions très divergentes et conduisaient
des politiques étrangères parfois antagonistes.




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Le traité de Lisbonne comporte en la matière d’indéniables avancées.
    la création d’un poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union,
    nommé par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord du
    président de la Commission, devrait contribuer à accroître la visibilité de
    l’Union sur la scène internationale ; il cumule les fonctions de haut représentant
    et de commissaire chargé des relations extérieures ; il conduit la PESC, est l’un
    des vice-présidents de la Commission, il préside également le Conseil des
    Affaires étrangères et dispose d’un droit d’initiative (article I-28) ;

 en revanche, aucun transfert de souveraineté en matière de politique
    étrangère des États aux institutions européennes n’est prévu ;

 les décisions relevant du domaine de la PESC continueront à être prises en
    majorité à l’unanimité.


La potentialité pour l’Europe de faire entendre sa voix dans le monde
réside sans doute aujourd’hui dans son approche multilatérale des relations
internationales, qui lui assure une certaine aura auprès de nombreux pays
du monde développé, mais surtout du Tiers-Monde. Faute d’une puissance
militaire encore à construire, l’UE peut tirer profit de sa culture de négociation,
acquise à travers près de soixante ans de construction européenne, pour faire
émerger à terme une autre vision des relations internationales, non plus fondées
sur la force mais sur le compromis et la discussion. Si la crise irakienne en a
pour l’instant montré les limites, c’est cependant sur cette voie que l’UE doit
poursuivre pour devenir une puissance du XXIe siècle.


Il reste, pour la France, un pas important à franchir : européaniser sa
politique étrangère. La France considère en effet trop souvent l’Europe comme
« une France en grand », elle ne l’aime que si l’Union obéit à ses préceptes, suit
ses orientations. Elle a, en réalité, une forme de méfiance par rapport à
l’intégration européenne, qui limite l’efficacité de son action internationale. Car

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la France seule ne peut plus peser comme hier dans les relations internationales.
Celles-ci, de plus en plus, s’organisent en zones régionales, les puissances
d’importance continentale ou quasi-continentale se multiplient : les Etats-Unis
bien sûr, la Chine évidemment, la Russie, le Brésil, l’Inde… Seule l’Europe unie
peut se faire entendre dans ce nouveau concept international.


Je suis convaincu que mon pays doit considérer davantage l’Europe comme
un multiplicateur d’influence que comme une entrave à sa souveraineté. Il
ne s’agit pas – je le dis ici, au Québec – de renoncer à notre identité, à notre
spécificité : il y a bien une voie et une voix française dans le Monde. Mais nous
devons, pour être mieux entendus, être capables, plus et mieux que nous le
sommes, de fabriquer des compromis, d’agir avec d’autres, et pour cela de
renoncer à ce qui est souvent perçu par nos partenaires de l’Union comme une
« arrogance française ». C’est un des reproches, peut-être le principal, que je fais
à Nicolas Sarkozy. Ce sera, en politique étrangère, un débat de la prochaine
élection présidentielle. Cela peut être aussi un point de départ pour notre
discussion.




                                                                                 2
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Perception et attitudes de la France face aux organisations internationales

  • 1. PERCEPTION ET ATTITUDES DE LA FRANCE FACE AUX GRANDES ORGANISATIONS INTERNATIONALES Cours de Pierre MOSCOVICI, Député du Doubs, ENAP - Avril 2010 A l’heure où les relations entre Etats ne sont plus régies par la logique des blocs idéologiques et géopolitiques de l’époque de la guerre froide, les crises potentielles se sont multipliées, et revêtent des aspects nouveaux, transnationaux pour être plus précis - la lutte contre le changement climatique et le terrorisme en sont les symboles les plus évidents. L’organisation mondiale – et régionale, avec l’Union européenne - est donc désormais le lieu d’application privilégiée de la diplomatie française. Les objectifs de cette diplomatie hexagonale à l’égard des grandes organisations internationales, auquel est consacré ce module, correspond –comme l’ensemble de sa politique étrangère – à l’idée que la France se fait de sa place, de ses intérêts et de ses devoirs dans le monde. Depuis le général de Gaulle, la diplomatie française est marquée par le souci de maintenir le rang de la France au niveau international, souvent tenue pour une marque d’arrogance par ses partenaires européens ou mondiaux. Sous la Vème République, la politique étrangère s’articule autour de l’édification d’un nouveau rôle international pour la France qui cherche à rehausser son pouvoir et son prestige, aidée en cela par son siège de membre permanent du Conseil de
  • 2. sécurité de l’ONU, son rôle de fondateur de l’Union et son statut de pays détenteur de l’arme nucléaire. Les lignes générales de cette politique s’inscrivent ainsi directement dans cette perspective : indépendance nationale, refus de l’hégémonie américaine, dialogue avec l’Est, construction européenne, capacité d’influence mondiale, renforcée dans l’espace francophone, en Afrique et dans les pays arabes. Elle s’articule autour de l’idée que la France renforcera sa puissance par sa participation à une Europe unie et efficace. Le tournant des années 1980 viendra changer la donne : la France infléchit sa stratégie de présence dans le monde, ses interventions, pour avoir une légitimité internationale, doivent être collectives. Il lui faut donc œuvrer dans le cadre d’institutions internationales – celui du système onusien d’abord, mais pas seulement. Une ligne continue se dégage de la politique extérieure de la France : elle estime avoir un rôle spécial à jouer en raison de son héritage historique, berceau des droits de l’Homme, elle se doit de soutenir et de promouvoir les acquis de 1789. Tous les discours prononcés dans les grandes enceintes internationales comportent une référence forte à ce devoir. Les déclarations de principe sont souvent plus aisées que leur mise en œuvre, mais ce n’est pas là le sujet de cette séance. Je vais dans un premier temps brosser un tableau général des actions de la France au niveau des organisations internationales, tribunes privilégiées pour faire valoir sa puissance. Puis dans un second temps, j’étudierai les stratégies d’influence que la France développe pour peser au mieux dans les institutions multilatérales. Je parlerai peu ici de l’Union européenne, que je ne considère pas comme une organisation internationale mais comme un ensemble intégré indissoluble de la totalité de nos politiques, intérieures et extérieures. Toutefois, j’en dirai un mot dans ma conclusion. 2
  • 3. I. LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES, TRIBUNES PRIVILÉGIÉES POUR FAIRE AVANCER SES OBJECTIFS DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE A. Les axes principaux de la politique extérieure de la France vis-à- vis des grandes organisations internationales Qu’il s’agisse de maintenir la paix dans le monde ou les équilibres planétaires, la France prône le droit international et la coopération multilatérale. On sait qu’elle s’est opposée, par la voix de l’ancien Président Jacques Chirac, à la politique unilatéraliste de l’administration Bush et à la guerre en Irak. Cette orientation est moins forte chez son successeur Nicolas Sarkozy, qui a au contraire souhaité le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. Ses relations avec les Etats-Unis oscillent entre l’alignement et l’hostilité. Il n’en demeure pas moins que notre politique extérieure, par delà la différence des personnalités et des styles, conserve une forme de constance : le multilatéralisme en est une, et c’est une bonne chose. Pour nombre de questions en effet - pauvreté, environnement, prolifération, terrorisme - la concertation et la coopération multilatérales entre les acteurs internationaux sont une nécessité et les Nations unies, seule instance universelle, en sont le lieu privilégié. La France y est donc active dans tous les domaines. Dans le domaine des droits de l’Homme, la France a toujours joué un rôle particulier. Initiatrice dans les années 80 du droit d’ingérence humanitaire lancé par Bernard Kouchner et Mario Bettati, elle défend aujourd’hui le concept de « responsabilité de protéger », repris dans le document final du sommet mondial 3
  • 4. de 2005. Elle soutient également la lutte contre l’impunité pour prévenir de nouvelles exactions, et a contribué à la création de la Cour pénale internationale dont elle a été l’un des premiers États à ratifier le statut. Observons toutefois qu’il existe dans ce domaine une différence marquée entre la théorie et la pratique. Nicolas Sarkozy s’était fait élire sur un discours très « droits de l’hommiste », il a choisi comme ministre des Affaires étrangères le père du droit d’ingérence, Bernard Kouchner, il avait promis de dire leur fait aux grandes puissances peu exemplaires en la matière que sont la Russie et la Chine. En réalité, il est plutôt coulant, voire complaisant, avec les manquements aux droits de l’homme commis dans ces deux pays. Son attitude sur le Tibet, plus confuse que courageuse, l’a certes fâché avec les dirigeants chinois. Mais il a vite retrouvé le goût traditionnel français pour la « relation spéciale » avec la Russie – même lorsqu’elle est dirigée par Vladimir Poutine. La France est très impliquée dans la réforme des Nations unies. Les dernières crises ont confirmé le caractère central de l’ONU, mais elles ont également renforcé la nécessité de rendre l’organisation plus efficace, et plus représentative des équilibres mondiaux actuels. C’est pourquoi la France œuvre avec détermination pour une réforme du Conseil de sécurité. Comme elle a soutenu la transformation du G8 en G20, elle défend actuellement un élargissement du Conseil de sécurité dans le cadre des négociations qui se sont ouvertes sur ce thème à l’Assemblée générale début 2009. Elle soutient ainsi l’accession à un siège permanent de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde, et du Japon, ainsi qu’une présence plus importante des pays africains au Conseil de sécurité, notamment parmi les membres permanents. Se pose aussi la question de la présence d’un pays arabe au rang des membres permanents. La France a engagé au Conseil de sécurité un travail de revue des Opérations de maintien de la paix (OMP) afin de les rendre plus efficaces et plus à même d’atteindre leurs 4
  • 5. objectifs. Elle a proposé à ses partenaires du Conseil, conjointement avec le Royaume-Uni, une réflexion sur la question. Concernant le financement du développement, l’aide publique au développement (APD) constitue une composante essentielle de la politique étrangère française. A Monterrey en 2002, la France s’est engagée à augmenter son APD afin de favoriser la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ces objectifs ambitieux prévoient notamment, à l’horizon 2015, la réduction de moitié de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté, la scolarisation dans le primaire de tous les enfants et la réduction des deux tiers de la mortalité infantile. Le gouvernement français s’est ainsi fixé comme objectif de hisser l’APD à hauteur de 0,7% du revenu national brut (RNB) en 2015. Nous sommes encore loin du compte, mais sur ce terrain plutôt en progrès. L’aide française représentait 0,39 % du RNB en 2008 (0,37% en 2007). Elle devrait dépasser 0,40% en 2009 (8,46 Mds d’euros, faisant de la France le quatrième donateur mondial), et entre 0,44% et 0,48% en 2010. En outre, la France promeut activement la mise en place de financements innovants pour le développement et notamment pour la réalisation des OMD. Elle a été notamment, avec d’autres pays, à l’initiative de la taxe sur les billets d’avion pour financer l’UNITAID - fonds international pour l’achat de médicaments contre les grandes pandémies, participe à la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm), et réfléchit à des mécanismes sur les transactions financières internationales et le développement. Dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité, la France joue un rôle important en matière de désarmement. Elle a œuvré pour l’élaboration de nombreux traités, dernièrement pour la Convention sur l’interdiction des armes à sous-munitions adoptée en 2008. Elle est très impliquée dans l’action pour le respect du régime de non-prolifération et a joué un rôle clef dans 5
  • 6. l’adoption des différentes résolutions sur l’Iran et la Corée du Nord. La France et le Royaume-Uni sont les deux premiers Etats à avoir ratifié le TICE (traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires) en 1998, et la France œuvre pour son entrée en vigueur. La France est également le premier Etat à avoir décidé et mis en œuvre le démantèlement de ses installations consacrées à la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Elle soutient la reprise des travaux relatifs à la négociation d’un Traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Plus généralement, elle cherche à promouvoir avec constance un rôle ambitieux et efficace pour les Nations unies fondé sur le droit international et le consensus. Lors de la crise irakienne en 2003, elle s’est ainsi opposée au recours unilatéral à la force et a prôné un rôle central pour les Nations unies. Ses forces militaires et de police sont fortement présentes à l’extérieur de ses frontières : en 2010, elle participe à 10 des 15 OMP des Nations unies avec plus de 2000 casques bleus déployés sur le terrain, présents pour l’essentiel au Liban (FINUL). A cette contribution directe s’ajoute un engagement important au sein des forces autorisées par les Nations unies sans être des casques bleus, avec plus de 7800 militaires français engagés dans ces opérations. A ce titre, la France est présente en Côte d’Ivoire depuis 2002 (opération Licorne). Elle contribue également à la force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) et aux forces de l’Union européenne en Bosnie (EUFOR-Althéa) et au Kosovo (EULEX). B. Un grand intérêt pour les affaires internationales se traduisant par un réseau dense d’ambassades et de représentations permanentes La France, désireuse de jouer un rôle mondial, a pour principe la présence la plus étendue dans le monde. Le nombre de ses ambassades et représentations diplomatiques est très élevé. Ce maintien du réseau diplomatique français semble être un principe constant pour les gouvernements 6
  • 7. successifs. Ainsi, bien qu’il tende à se contracter pour des raisons d’économies budgétaires, notamment du fait de la revue générale des politiques publiques (RGPP), le réseau français reste dense : la France est dotée du deuxième réseau diplomatique du monde derrière celui des Etats-Unis et devant celui de la Russie, du Royaume-Uni et de l’Italie. La comparaison des réseaux consulaires montre que le réseau français est beaucoup plus dense que les réseaux étrangers, alors que la population française expatriée n’est pas particulièrement nombreuse : 116 postes français pour 81 postes américains, 76 postes allemands, 61 postes britanniques. Si l’on intègre les sections consulaires d’ambassades, les chancelleries détachées, le réseau français comporte 234 implantations. La France a à ce jour 17 représentations permanentes (RP) auprès des organisations internationales à vocation mondiale, régionale et spécialisée. Les « délégations » ou « représentations » permanentes auprès des organisations internationales assurent la liaison entre les gouvernements des États membres et le secrétariat de l’Organisation. Bien qu’il n’y ait aucune obligation juridique, 180 États membres aujourd’hui ont établi des délégations permanentes auprès de l’UNESCO. Elles représentent en effet pour ceux-ci le « moyen privilégié pour la conduite d’une politique extérieure au sein de l’Organisation » comme le soulignait Marie-Claude Smouts, dans son ouvrage La France à l’ONU, paru en 1979. C. La France est l’un des principaux contributeurs des OI Le financement de l’Organisation des Nations Unies et des autres organisations internationales (ONUDI, OTICE...) est assuré par les contributions obligatoires des Etats membres et par des contributions volontaires. 7
  • 8. 1. Les contributions obligatoires Le budget ordinaire du Secrétariat de l’ONU, établi tous les deux ans, est financé par des contributions obligatoires basées sur les barèmes établis par l’Assemblée générale à New York. Depuis la réforme des barèmes de contribution adoptée en décembre, la France est le cinquième contributeur aux différents budgets de l’organisation (budget ordinaire, opérations de maintien de la paix, tribunaux internationaux). Elle a versé 91 millions d’Euros au titre des contributions obligatoires en 2009. Avec une quote-part de 6,1 % du budget ordinaire en 2009-2010, elle se situe après les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni, et avant l’Italie (5%) et le Canada (3,2%). En qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, sa quote-part au budget des opérations de maintien de la paix (OMP) s’élève quant à elle à 7,6% avec 382 millions d’euros au titre de l’année 2009. La France est également le 5ème plus gros contributeur au budget de l’AIEA (6,239 % du budget), derrière les Etats-Unis (25,663 %), le Japon (16,461 %), l’Allemagne (8,493 %) et le Royaume-Uni (6,577 %).La France s’efforce de régler sa contribution en totalité en début d’année compte tenu des difficultés de trésorerie de l’organisation. 2. Les contributions volontaires Au-delà des contributions obligatoires versées par la Direction des Nations Unies et des Organisations Internationales au système des Nations Unies ou de la participation au capital des Banques ou institutions du développement (notamment FMI et BM), la France verse également des contributions volontaires à différentes institutions onusiennes. 8
  • 9. A ce titre, la France fait partie des plus gros contributeurs de l’Association Internationale de Développement (AID), un des organismes de la Banque Mondiale. Celui-ci a réuni, en décembre 2007, 28,8 milliards d’euros qu’elle peut dépenser de juin 2008 à juin 2011 au profit des pays dont le revenu annuel par habitant est inférieur à 1065 dollars. La France avait fourni 7,1% des dons, soit 1,47 milliard de dollars, pour le précédent cycle triennal (2005-2008). Cet argent est utilisé notamment à la construction d’infrastructures (par exemple, 3000 km de 2 routes rurales aménagées au Nicaragua ou le programme d’électrification au Vietnam). Il permet aussi, entre autres projets, de développer le micro-crédit en Tanzanie, ou de cofinancer les programmes de scolarisation des filles dans le secondaire au Bangladesh. Tous les trois ans, l’AID doit reconstituer son capital, et demander aux pays les plus riches de lui garantir un certain montant de dons permettant de réaliser un programme arrêté en commun. Les priorités du programme de 2008 à 2011 (AID 15, le quinzième cycle triennal) porte sur l’Afrique, les pays fragiles, les pays sortants d’un conflit ainsi que les ensembles régionaux. La France met également en place des « fonds fiduciaires » auprès de certaines banques ou institutions. Les fonds fiduciaires sont un moyen pratique de travailler avec les organisations internationales et sont largement utilisés par différents services du Ministère des affaires étrangères. Il s'agit de fonds, versés sous forme de contributions volontaires à des organisations multilatérales (onusiennes et banques de développement en particulier) et permettant de soutenir l'activité de cette organisation dans un domaine précis ou pour une opération prédéfinie décidée conjointement et mise en œuvre par l'organisme bénéficiaire. Ces « fonds d'affectation spéciale » servent principalement à financer de l'expertise (court, moyen ou long terme) et ils sont gérés selon les règles en vigueur dans l'organisme 9
  • 10. international. Sauf à l'OMC, l'ensemble des fonds fiduciaires français sont des aides liées : de 90 % à la BERD à 75 % dans les fonds onusiens et auprès des autres banques. La partie déliée doit être utilisée en faveur de consultants locaux ou régionaux. Ces fonds sont ré-abondés en fonction du rythme de consommation constaté et des disponibilités budgétaires. Deux grandes catégories de bénéficiaires peuvent être distinguées :les banques multilatérales ou régionales de développement d'une part (environ le tiers des crédits fonds fiduciaire du MAE) et les organismes onusiens spécialisés de l’autre. On notera que la direction du Trésor dispose également de fonds fiduciaires essentiellement auprès des grandes banques de développement : Banque mondiale et banques régionales. Les objectifs généraux visés par ces fonds fiduciaires sont de : - favoriser la cohérence des interventions bi et multilatérales et faciliter, le plus en amont possible et au niveau de la définition des stratégies ou des projets, la coordination opérationnelle au bénéfice des pays en développement ou en transition concernés, - promouvoir l'influence (approches, savoir-faire) française dans les programmes multilatéraux où les financements bilatéraux sont réduits, - promouvoir l'expertise française publique et privée et lui donner accès, par le biais de ces contributions liées, aux financements multilatéraux, - apporter enfin un soutien à certaines organisations en contribuant au financement de leurs activités d'expertise. Ces fonds sont attribués à des organisations en fonction de l'intérêt (politique et économique) que l'institution représente pour le Ministère et de l'efficacité dont elle fait preuve. 1 0
  • 11. Voici quelques exemples, loin d’être exhaustifs, d’utilisation de ces fonds fiduciaires : - Banque mondiale : ce compte permet de co-financer de l'expertise de courte ou moyenne durée au bénéfice des pays clients de la Banque. Tous les secteurs sont concernés. - PNUD : le fonds fiduciaire permet une utilisation plus souple de l'expertise de courte durée, que ce soit en matière d'identification de projets, d'évaluation, d'expertise et de conseils, de coordination des aides, de formation, d'études... Le fonds s'applique à tous les pays en développement et en transition. - OMS : ce fonds permet la prise en charge intégrale d'une expertise à court ou moyen terme liée aux épidémies. - UNESCO. Deux fonds ont été créés auprès de l'UNESCO : 1. un fonds destiné au suivi du Forum Mondial sur l'Éducation servant à financer des activités d'expertise de courte ou moyenne durée, la mise à disposition d'experts français de longue durée dans le domaine de l'éducation de base et l'organisation de séminaires et ateliers. 2. un fonds destiné à la mise en valeur du patrimoine monumental urbain et naturel mondial servant à financer des activités d'expertise de courte ou moyenne durée, la mise à disposition d'experts français de longue durée, l'appui à des études ou actions d'assistance technique, l'organisation de sessions de formation de courte durée ainsi que des séminaires techniques - FMI : ce fonds permet de co-financer des activités avec l'Institut de formation du Fonds monétaire international, essentiellement destinées aux pays africains. 1 1
  • 12. - OMC : ce fonds a été créé afin de contribuer au financement des activités d'assistance technique de l'OMC. Les fonds fiduciaires alimentés par le MAE ne sont pas exclusifs et de nombreux ministères techniques disposent de ce type d'instrument d'intervention (Finances, Agriculture, Environnement, Affaires sociales, Education...). Ces fonds peuvent se compléter en terme d'outils techniques. Ainsi en ce qui concerne la Banque mondiale et très schématiquement les « prestations intellectuelles », elles sont couvertes par le MAE, alors que l'ingénierie des projets est imputée sur le fonds alimenté par le ministère de l'Economie et des Finances. La France détient un poids non négligeable dans la prise de décision et d’orientation des priorités proposées par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). En effet, elle fait partie des huit principaux pays qui nomment chacun un administrateur, alors que les autres pays membres (177) sont représentés collectivement par 16 administrateurs. Avec environ 5 % des quotes-parts, à égalité avec le Royaume-Uni, derrière les États-unis, le Japon et l’Allemagne, la France se classe au quatrième rang en termes de droits de vote. En effet, lorsque les votes sont organisés, les résultats demeurent fortement influencés par le système des « quotes-parts » attribuées en fonction du poids du pays dans le capital. II. UNE STRATÉGIE D’INFLUENCE MULTIVECTORIELLE « Ces organisations multilatérales nous appartiennent, au moins en partie. Nous avons donc un intérêt tout particulier à en suivre, en orienter et si nécessaire en infléchir ou critiquer les actions et interventions. Pour cela, la connaissance du 1 2
  • 13. terrain par les postes et le suivi qu'ils peuvent exercer sur l'action de ces différents organismes sont irremplaçables. » - Document du MAEE A. Le vecteur humain : le placement des « hommes » Je ne parlerai pas ici du « sommet » - la direction des grandes institutions internationales – si ce n’est pour souligner qu’il existe en la matière une « tradition française ». Aujourd’hui encore, deux français, deux socialistes d’ailleurs, occupent des postes de premier rang : Pascal Lamy a la tête de l’OMC, Dominique Strauss-Kahn à celle du FMI, sans évoquer bien sûr les institutions européennes – je pourrais ainsi citer Jean- Claude Trichet, Président de la BCE. Ce que je veux évoquer ici est une politique plus modeste, plus méthodique, tout aussi essentielle, de « placement des hommes » dans les OI. 1. la Mission des fonctionnaires internationaux : une surveillance « active » du nombre de Français et de leur positionnement dans les OI La MFI est un service de la direction des Nations Unies et des Organisations internationales (NUOI) du ministère des Affaires étrangères français, qui a pour mission principale de « promouvoir la présence de personnels français dans les organisations internationales». Une de ses principales activités est en effet de soutenir les meilleures candidatures françaises par une forte activité de lobbying à l’anglo-saxonne. À cette fin, la MFI mobilise tout un réseau de « partenaires » plus ou moins institutionnalisés au premier plan desquels on trouve la représentation permanente (RP). C’est elle qui détermine en effet, du fait de sa connaissance de l’organisation, quels sont les postes stratégiques ; c’est elle qui représente le contact physique avec le secrétariat, c’est-à-dire qui rend les « visites de courtoisie » comme on les appelle, aussi bien aux fonctionnaires 1 3
  • 14. internationaux français qu’aux agents des ressources humaines des organisations internationales, et qui s’arrange parfois avec ces derniers pour faire accepter des candidatures hors délai ; c’est la RP également qui passe les coups de téléphone nécessaires, envoie les lettres de soutien qui prennent la forme d’un télégramme diplomatique ou d’une note verbale; c’est elle aussi qui va recevoir et briefer les candidats et qui commence ainsi, dès ce stade, à nouer des « relations suivies » avec les Français qui ne peuvent être que « reconnaissants » de l’aide apportée. L’importance du « relationnel », du fait qu’il faille « entretenir des liens avec les compatriotes », revient comme un leitmotiv dans les documents de la MFI, et sur ce point, l’ambassade, tout comme la RP, joue un rôle important au travers notamment des réceptions que l’une et l’autre organisent. L’ambassade est en effet un partenaire naturel de la MFI, qui va notamment faire part de son point de vue le moment venu quant aux candidats français à soutenir. LA MFI va s’appuyer également sur des acteurs non-gouvernementaux. C’est le cas du réseau constitué par les fonctionnaires internationaux français, que la MFI alimente notamment dans une newsletter (plus de 1 400 abonnés) ainsi qu’un forum électronique, mis en place en décembre 2006, sur le modèle de celui des Français de l’OSCE, animé par la RP de cette organisation et sur lequel circulent des informations concernant notamment les mouvements de personnel prévisibles. La MFI entretient par ailleurs des relations suivies avec les AFIF, ces associations de fonctionnaires internationaux français qui sont au nombre de 14. De par leur vision interne des évolutions prévisibles des emplois et des organisations, les AFIF constituent en effet un partenaire privilégié de la MFI qui les « encourage à jouer pleinement leur rôle dans la promotion de la présence 1 4
  • 15. française et de la défense de notre langue et de nos intérêts ». En déplacement dans les différentes capitales, le chef de la MFI (mais il en va de même du ministre des Affaires étrangères et du président de la République) rend immanquablement visite aux AFIF. Une réception est organisée et les discours qui y sont prononcés sont l’occasion de rappeler que « la France a pleinement conscience de ce qu’elle doit à ses fonctionnaires internationaux », et qu’elle les remercie « pour leur engagement et leur sens du service » (dixit le ministre des Affaires étrangères lors de la réception offerte aux fonctionnaires internationaux français de New York au moment de la 55e Assemblée générale des Nations Unies). 2. L’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France Les fonctionnaires internationaux constituent en effet une manne d’informations non négligeable concernant « la vie de l’Organisation ». Plusieurs rapports, notamment les documents internes à la MFI, mettent en évidence « l’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France » et l’importance également de l’échange d’informations au niveau international ». Jacques Lanxade, dans son rapport intitulé Organiser la politique européenne et internationale de la France (2002), expliquait ainsi que « L’opinion commune veut, en France, que le secret soit le signe du pouvoir, la réalité internationale montre que c’est l’échange d’informations qui crée la puissance ». Et une des informations en particulier qui intéresse les États- membres et la MFI est celle qui concerne les mouvements de personnel. Lors du Comité des fonctionnaires internationaux de 2004, comité qui regroupe les différents protagonistes (MFI, RP, AFIF, la première recommandation générale était « une circulation plus fluide de l’information entre l’administration et nos compatriotes en poste dans les organisations 1 5
  • 16. internationales sur les mouvements de personnel prévisibles », selon un document de la MFI. Il s’agit en effet de préparer la relève, de trouver le candidat idéal pour le poste qui va se libérer, ou alors d’essayer de « flécher » littéralement le poste pour un candidat bien précis, ce que permet le système d’emploi appliqué au sein de la fonction publique internationale. Il s’agit donc de faire du « lobbying sur la succession », et pour cela, il faut que l’information remonte le plus rapidement possible, ce qui ne peut se faire que par les fonctionnaires internationaux en place. Ce qui rend possible ce lobbying, voire ce « fléchage » des postes, n’est autre que le mode de recrutement en vigueur au sein de la fonction publique internationale. Dans le système d’emploi en effet, les emplois de l’administration sont analysés comme ceux du secteur privé et le fonctionnaire est recruté pour occuper un emploi précis. La description de poste permet donc tous les abus imaginables et il n’est pas rare qu’une description de poste soit modifiée a posteriori, c’est-à-dire une fois publiée, afin de « coller » au plus près de la personne que l’on souhaite voir nommée. Selon Yves Courrier, ancien fonctionnaire de l’UNESCO qui a été, entre autres, président du syndicat du personnel de cette organisation à laquelle il a consacré un ouvrage (L’UNESCO sans peine, 2005), « dans l’immense majorité des cas, dès qu’un poste est vacant, et même avant, la personne qui doit être nommée est connue ou pressentie». 3. Le financement d’experts : le programme JPO Depuis de nombreuses années, le Ministère des Affaires étrangères français poursuit une politique de placement de « jeunes experts associés » (fréquemment dénommés « cadres associés », « junior professional officers », ou JPO) au sein d'organismes multilatéraux essentiellement onusiens mais aussi, 1 6
  • 17. et plus récemment, auprès des délégations de la Commission Européenne (jeunes experts en délégations). Ces organisations internationales proposent à de jeunes diplômés qui disposent déjà d'une expérience professionnelle, la possibilité de développer leur expérience internationale pendant deux ans. A l'issue de cette période, certains peuvent être recrutés par ces organisations. Le MAE assure le financement de ces postes pendant la durée du contrat. Les postes offerts sont très variés et comportent des activités à caractère technique ou administratif. Situés en principe sur le terrain dans les pays en développement, ils peuvent, à titre exceptionnel, se trouver au siège de certaines organisations. L'expert associé a souvent à travailler très concrètement dans le cadre de projet(s) ou programme(s) de l'organisation. Divers profils sont recherchés en fonction de l'organisation utilisatrice. Il s'agit de juristes, d'économistes, d'agroéconomistes, d'experts en développement mais aussi d'urbanistes, de nutritionnistes, de spécialistes en environnement... Le niveau universitaire moyen constaté est de Bac +5. Un quart des JPO en poste possède un diplôme supérieur étranger. Tous sont parfaitement bilingues. Ce programme répond à trois objectifs : - promouvoir l'expertise française dans les institutions internationales, au-delà des postes limités par quotas et favoriser l'embauche de personnel français compétent avec un souci de renouvellement régulier des effectifs ; - faciliter la coordination opérationnelle des activités bi et multilatérales réalisées et accroître l'efficacité des interventions au bénéfice des pays en développement ; 1 7
  • 18. - favoriser la prise en compte des conceptions et idées françaises sur des thèmes, des problématiques ou dans des domaines que nous estimons prioritaires, et à terme, promouvoir le recours aux opérateurs français. Ainsi, depuis plusieurs années déjà, le programme JPO est devenu l’action prioritaire de la MFI. Ce programme a sans conteste un effet sur les « possibilités d’emploi » au sein des organisations internationales. Si certains pays donateurs tel les Pays-Bas (le plus gros donateur) ont « externalisé » le recrutement de leurs candidats pour le confier à une agence indépendante (le Centre pour les JPO) la France, quant à elle, a préféré garder la mainmise sur la sélection de ces futurs fonctionnaires internationaux. Ces « privilégiés », comme les considèrent les agents de la MMFI, constituent par la suite des « personnes ressources » pour la France selon les mêmes personnes, et cela contrairement aux lauréats des concours organisés par les Nations Unies qui sont eux « perdus pour la France », en quelque sorte, aux yeux de l’administration française. Le programme des Jeunes experts associés connaît un réel succès auprès des États membres, puisque l’on compte aujourd’hui vingt-quatre bailleurs de fonds participant au programme (pour une grande partie occidentaux, à l’exception de l’Arabie saoudite, du Japon et de la Corée du sud, un JPO coûtant environ 10 000 euros/mois au pays donateur). L’avantage de ce dernier pour les pays occidentaux et la France en particulier qui est, comme plusieurs pays de ce groupe, surreprésentée au sein des organisations internationales, est de pouvoir ainsi contourner le principe de répartition géographique. Ce principe qui, avec le celui de compétence, prévaut au recrutement au sein des organisations internationales, et auquel sont particulièrement attachés les pays du Sud, représente pour la France « l’obstacle majeur au recrutement de nos compatriotes », peut-on lire dans l’enquête annuelle menée par la MFI. 1 8
  • 19. Selon cette même source, les autres facteurs principaux qui gênent le développement de la présence française sont, d’une part, le mouvement de départs à la retraite dans les années à venir des fonctionnaires internationaux français en position de responsabilité, qui va « faire perdre à la France » un nombre important de postes de haut niveau, et d’autre part, la spécialisation des recrutements qui valorise les cursus universitaires anglo-saxons au détriment des profils français, plus « généralistes », ainsi que l’exigence d’une connaissance parfaite de l’anglais. Il faut rappeler ici que le facteur « langue » n’a pas toujours été en défaveur des Français. Bien au contraire : l’exigence statutaire de bilinguisme qui caractérise les secrétariats internationaux, de moins en moins appliquée il est vrai, a longtemps privilégié de manière certaine les francophones bilingues, pour les mêmes raisons qui conduisent par exemple les fonctionnaires canadiens d’origine québécoise à être surreprésentés à Ottawa par rapport à ceux des autres provinces. B. Le vecteur linguistique : la francophonie Deuxième langue internationale après l’anglais, dixième langue du monde par le nombre de locuteurs, le français est aussi l’une des 6 langues de travail de l’Organisation des Nations unies. Il a le statut de langue officielle dans 28 pays et occupe, sur le plan de la superficie, 15,2 % du territoire mondial, après l’anglais (29,6 %) et avant le russe (13,1 %), l’espagnol (8,9 %) et le chinois (7,2 %). Depuis la création de l’ONU, le français est l’une des 5 langues officielles avec l’anglais, le chinois, l’espagnol et le russe, auxquels s’est ajouté l’arabe, en 1973. Seuls l’anglais et le français (et plus tard l’espagnol) avaient alors le double statut de langues officielles et de travail. 1 9
  • 20. Les débuts du français à l’Organisation des Nations unies n’ont pas été faciles pour autant. Sur 51 Etats signataires, seuls 4 étaient alors de langue française, la Belgique, la France, Haïti et le Luxembourg avec un siège aux Etats-Unis. C’est l’arrivée massive des Etats africains, dans les années 1960, qui a redonné au français une place importante. Dans les années 1980, plus de 40 des Etats membres de l’ONU demandaient à recevoir la documentation en français. Depuis les années 1990, la situation du français est plus fragile, notamment à New York. Le nombre de réunions sans interprétation est passé de 58 % en 1994 à 77 % en 2003. Dix-huit pays seulement revendiquent l’usage du français à l’ONU. L’ONU, dont le fondement même est d’assurer la concertation mondiale dans les meilleures conditions, a pris certaines mesures (création d’un poste de coordonnateur du multilinguisme, examen biennal de l’utilisation des langues) qui ont des effets positifs en particulier sur les documents écrits : renforcement de la place du français sur le site Internet, résumé en français du point de presse quotidien du Secrétaire général. De plus sur les avis de vacance de postes la mention « anglais requis » a fait place à « anglais ou français requis » ou « l’anglais et le français sont les langues de travail du Secrétariat ». Selon le dernier rapport du Secrétaire général de la Francophonie sur la place du français dans les organisations internationales, le rayonnement qu’a connu la langue française comme langue d’enseignement, d’administration et de communication internationale tend à faiblir. Cette situation est notamment perceptible dans les enceintes internationales, où un recul du français est observé dans les faits. Sous couvert de restrictions budgétaires la plupart du temps, certaines organisations n’assurent plus en effet la traduction simultanée de certaines interventions ou discours ou ne présentent pas leur site internet dans leur version française (ou trop tardivement pour être 2 0
  • 21. exploitable). De manière plus systématique, les procédures de recrutement se font maintenant exclusivement en anglais. Mais ce qui inquiète peut-être encore plus les autorités françaises et francophones est le recul du droit français (romano-germanique) au profit du droit anglo-saxon, « imposé », selon ces dernières, par les « juristes américains » aussi bien au niveau des institutions de la justice que des passations de marché. À titre informatif, l’onu, en 2000, représente un marché de 3,73 milliards de dollars d’achats de biens et de services. C’est un aspect auquel on ne pense pas toujours quand on parle de l’onu. Face à cette situation, l’Organisation internationale de la Francophonie en appelle régulièrement à un renforcement des actions menées par la Francophonie mais aussi par ses pays membres. Les représentations permanentes de l’OIF auprès des Nations unies à New York et Genève, auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba et de l’Union européenne à Bruxelles, appuyées par les groupes des ambassadeurs francophones, sont un facteur d’influence en faveur de la diversité linguistique et exercent une veille sur la place réservée au français dans les organisations. Elles interviennent en cas de manquement aux règlements en matière d’utilisation des langues. Sur ce point, la MFI se veut également une cellule de veille francophone signalant toute organisation qui se montrerait réfractaire au principe de bi- ou de plurilinguisme en son sein. « L’usage du français dans les organisations internationales » constitue donc une des priorités du plan d’action de la MFI. 2 1
  • 22. C. Le vecteur géographique : une politique d’attractivité du territoire national à améliorer La France est, en plus d’une grande défenseure des organisations internationales, une grande adepte de la « diplomatie des sommets ». Les négociations au plus haut niveau, conduites depuis les années 1980 dans les sommets multilatéraux, prennent une importance croissante. Dans ces enceintes, seuls sont présents les chefs d’Etat et/ou leurs ministres des Affaires étrangères et des Finances, voire quelques autres ministres. Les dossiers sont préparés par des conseillers spéciaux et par les élites de la haute administration. L’horizontalité est la règle : c’est la situation politique, économique et sociale du monde entier qui est l’objet des réunions. Les questions posées sont au croissement des préoccupations les plus aigües du monde moderne : catastrophes humanitaires, environnement, grande criminalité, désarmement, énergie, aide au développement, mines antipersonnelles, situation au Proche- Orient, en Afghanistan, réforme de l’ONU, grands équlibres monétaires et financiers. Ces réunions prennent la forme des G7, G8, G10 et maintenant G20. La France a fortement contribué à la création de cette nouvelle enceinte, chargée en théorie de réformer la gouvernance internationale en matière économique et financière, dont les résultats sont, à ce stade, encore décevants, mais qui a le mérite d’exister. Les sommets bilatéraux, dont les plus anciens et connus sont les sommets franco-allemands, qui se tiennent à une fréquence au moins bi- annuelle et sont suivis de très nombreuses rencontres informelles, se sont multipliés avec divers partenaires importants de l’OCDE. Il existe également plusieurs types de grandes conférences régionales : sommet Europe-Asie (ou ASEM), forum méditerranéen, sommets franco-africains, sommet Nord-sud. Les 2 2
  • 23. grandes organisations internationales sont également le siège de sessions périodiques importantes (ONU, FMI, OCDE notamment). Malgré son penchant pour cette forme alternative de diplomatie, la France se montre peu attractive pour la tenue de sommets internationaux et de conférences internationales : aujourd’hui, peu de localités hormis Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille et quelques stations balnéaires comme Nice présentent les qualités requises en termes de centres de congrès et d’infrastructures hôtelières pour accueillir de telles manifestations, alors que cela a une portée symbolique forte qui peut se répercuter ensuite, de manière subtile voire subliminale, sur la stature, et donc l’influence du pays hôte. Il en va de même pour l’accueil sur son sol d’organisations internationales. La France en a accueilli beaucoup pendant l’entre-deux guerres, mais depuis 30 ans, cet effort a beaucoup diminué, alors que la diplomatie multilatérale a explosé et a vu la création de nombreuses organisations. Comme l’a fait remarquer le Conseil d’Etat dans une étude sur « L’implantation des organisations internationales sur le territoire française », deux critiques peuvent être émises en matière d’influence réciproque entre l’organisation internationale publique et son pays d’accueil : - la présence d’une organisation internationale publique ne garantit pas automatiquement au pays d’accueil de bénéficier d’une influence prédominante. Bien au contraire, l’expérience montre que les administrations françaises ont parfois tendance à se reposer sur leur seule présence géographique. - traditionnellement, la stratégie française a plutôt privilégié l’obtention des postes de direction par rapport à l’accueil de l’organisme lui même. Or, ce n’est pas forcément un gage d’influence et sûrement pas une source d’importantes retombées économiques 2 3
  • 24. Le Conseil d’Etat incite donc la France à chercher à diversifier les types d’implantations. Par-delà le soutien au développement des organisations internationales publiques ayant déjà leur siège en France (comme l’OCDE, l’UNESCO ou encore INTERPOL), il suggère que soit favorisé l’accueil de bureaux régionaux ou spécialisés, en plus des nombreuses réunions auxquelles donne lieu la « diplomatie de conférence ». Il appelle en ce sens à une harmonisation, au niveau européen, du système des privilèges et immunités afin d’éviter une concurrence contre performante entre pays d’accueil, qui m’amène à évoquer avec vous, avant de prendre éventuellement vos questions, l’évolution selon moi nécessairement européenne de l’attitude de la France vis-à-vis des organisations internationales. * * * Conclusion : vers une européanisation de la politique étrangère française ? La France on l’a vu, considère les organisations internationales comme des forums lui permettant de faire avancer dans une ère multipolaire ses principaux axes de politique étrangère – défense des droits de l’Homme, aide au développement, promotion de la paix et sécurité internationale ainsi que du multilatéralisme. Je vous ai expliqué, un peu longuement peut-être, les différents canaux d’influence qu’utilise la France pour faire entendre sa voix dans l’arène internationale. Cette stratégie porte certes ses fruits, mais ceux-ci pourraient être décuplés si elle s’inscrivait dans un projet plus grand, celui de l’intégration européenne. Vous le savez, je suis un européen convaincu, et je vais donc prêcher ici pour ma paroisse – après des explications académiques, place à quelques considérations politiques. 2 4
  • 25. C’est le Conseil européen de Nice (2000) qui a posé les bases d’une relation entre l’UE et l’ONU qui « permette notamment aux Européens de répondre de manière plus efficace et cohérente à des demandes d’organisation chef de file telles que l’ONU et l’OSCE ». Les domaines de coopération ont été ensuite définis par l’UE au Conseil européen de Göteborg en 2001 : prévention des conflits, gestion des crises, et questions régionales. A partir de 2003, des opérations ont été menées en soutien ou en relève de l’ONU dans la gestion militaire et civile des crises : opération prenant la relève d’une mission de police de l’ONU (MPUE en Bosnie-Herzégovine), opération de l’UE déployée en renfort d’une opération de maintien de la paix (opération Artémis et Eufor RD- Congo). Ces opérations en soutien de l’ONU ont été décisives pour la structuration du partenariat entre les deux organisations. Aussi ont-elles formalisé leur coopération par une première déclaration conjointe signée le 24 septembre 2003. Elle identifie quatre principaux domaines de coopération : la planification, la formation, la communication, et l’échange sur les retours d’expérience des opérations menées. L’UE est devenue, à partir de ce moment- là, un partenaire privilégié des Nations unies en matière de gestion des crises et lui a régulièrement apporté son soutien. Une nouvelle déclaration commune sur la coopération en matière de gestion des crises a été signée en juin 2007. Elle vient compléter celle de 2003 et donne une nouvelle impulsion politique aux différents domaines de coopération identifiés. Cette coopération croissante entre les Nations unies et l’Union européenne est facilitée par la conception très proche qu’ont les deux organisations de l’action de la communauté internationale en matière de gestion des crises (en particulier, la nécessité de mobiliser l’ensemble des instruments disponibles, qu’ils soient politiques, civils ou militaires). 2 5
  • 26. Elle est source de légitimité renforcée pour les deux organisations : les opérations de l’UE bénéficient de la légitimité politique conférée par les mandats donnés par le Conseil de sécurité des Nations unies ; les Nations unies, à travers l’appui apporté par les missions PESD, bénéficient de la crédibilité et des moyens opérationnels apportés par l’UE pour conduire des opérations complexes sur des terrains difficiles. Il n’existe pas pour autant à proprement parler de politique étrangère européenne. En effet, chaque État membre de l’Union européenne (UE) conserve une entière souveraineté dans la conduite de sa politique étrangère. Le traité de Maastricht (1992) a institutionnalisé une politique étrangère et de sécurité commune (PESC), régie par des procédures intergouvernementales. Elle se distingue nettement des politiques communautaires dans lesquelles les États délèguent à l’UE une partie ou la totalité de certaines de leurs compétences. La PESC consiste avant tout à coordonner les politiques étrangères des États membres de l’Union européenne : elle prévoit des échanges d’information et des consultations mutuelles entre Chancelleries, l’harmonisation des points de vue et des actions diplomatiques concertées. Elle a pour objectif de susciter l’émergence de principes communs avec, éventuellement, des dispositions opérationnelles pour leur mise en oeuvre. Mais la PESC n’est pas une politique étrangère unique menée par l’Union européenne au nom de ses vingt-cinq États membres. La récente guerre en Irak (2003) est venue le rappeler, puisqu’on a pu observer que les États membres adoptaient des positions très divergentes et conduisaient des politiques étrangères parfois antagonistes. 2 6
  • 27. Le traité de Lisbonne comporte en la matière d’indéniables avancées.  la création d’un poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union, nommé par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord du président de la Commission, devrait contribuer à accroître la visibilité de l’Union sur la scène internationale ; il cumule les fonctions de haut représentant et de commissaire chargé des relations extérieures ; il conduit la PESC, est l’un des vice-présidents de la Commission, il préside également le Conseil des Affaires étrangères et dispose d’un droit d’initiative (article I-28) ;  en revanche, aucun transfert de souveraineté en matière de politique étrangère des États aux institutions européennes n’est prévu ;  les décisions relevant du domaine de la PESC continueront à être prises en majorité à l’unanimité. La potentialité pour l’Europe de faire entendre sa voix dans le monde réside sans doute aujourd’hui dans son approche multilatérale des relations internationales, qui lui assure une certaine aura auprès de nombreux pays du monde développé, mais surtout du Tiers-Monde. Faute d’une puissance militaire encore à construire, l’UE peut tirer profit de sa culture de négociation, acquise à travers près de soixante ans de construction européenne, pour faire émerger à terme une autre vision des relations internationales, non plus fondées sur la force mais sur le compromis et la discussion. Si la crise irakienne en a pour l’instant montré les limites, c’est cependant sur cette voie que l’UE doit poursuivre pour devenir une puissance du XXIe siècle. Il reste, pour la France, un pas important à franchir : européaniser sa politique étrangère. La France considère en effet trop souvent l’Europe comme « une France en grand », elle ne l’aime que si l’Union obéit à ses préceptes, suit ses orientations. Elle a, en réalité, une forme de méfiance par rapport à l’intégration européenne, qui limite l’efficacité de son action internationale. Car 2 7
  • 28. la France seule ne peut plus peser comme hier dans les relations internationales. Celles-ci, de plus en plus, s’organisent en zones régionales, les puissances d’importance continentale ou quasi-continentale se multiplient : les Etats-Unis bien sûr, la Chine évidemment, la Russie, le Brésil, l’Inde… Seule l’Europe unie peut se faire entendre dans ce nouveau concept international. Je suis convaincu que mon pays doit considérer davantage l’Europe comme un multiplicateur d’influence que comme une entrave à sa souveraineté. Il ne s’agit pas – je le dis ici, au Québec – de renoncer à notre identité, à notre spécificité : il y a bien une voie et une voix française dans le Monde. Mais nous devons, pour être mieux entendus, être capables, plus et mieux que nous le sommes, de fabriquer des compromis, d’agir avec d’autres, et pour cela de renoncer à ce qui est souvent perçu par nos partenaires de l’Union comme une « arrogance française ». C’est un des reproches, peut-être le principal, que je fais à Nicolas Sarkozy. Ce sera, en politique étrangère, un débat de la prochaine élection présidentielle. Cela peut être aussi un point de départ pour notre discussion. 2 8