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SOCIÉTÉ
CULTURE
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Dinepa impuissante,
les habitants aux
abois
par Joe A. Jn-Baptiste
CARIFESTA XII, Jour
J - 32e
Par ÉLISÉE DÉCEMBRE
Les partis et les candidats
doivent encore attendrePar Noclès Débréus
HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
LUNDI 20 JUILLET 2015 NUMÉRO 42
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
ACTUALITÉ
Une campagne
déséquilibrée
HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES / FINANCEMENT
E
n plein cœur de la campagne
pour les législatives du 9
août 2015, la question de
financement des élections tient
encore le débat. Plusieurs candidats
à la présidence ou aux législatives se
sont déjà prononcés sur la question.
Judie C. Roy, candidate à la présidence
du parti Reparen, et Turneb Delpé,
candidat au Sénat du Mouvement
patriotique populaire dessalinien
(Mopod) pour le département de
l’Ouest dénoncent une manœuvre
du pouvoir visant à boycotter les
candidats en refusant d’accorder la
subvention promise.
La République
dominicaine redoute
l'arbitrage de l'OEA
Par Jean Michel Cadet
2 | N0
42 LUNDI 20 JUILLET 2015
TRIBUNE
C
’est de l’inconstance que de
se détourner de son but, de
son objectif et de son rêve.
C’est aussi de l’inconstance
que de vivre sans rêves, sans but, sans
aucune forme d’orientation. Encore
de l’inconstance que d’accepter les
choses comme elles arrivent. En cela,
nous nous désaccordons d’Epictète
et même de tout déterminisme his-
torique et social ou du déterminisme
tout court, sans vouloir déplaire
à Montesquieu. Nous traitons de
l’inconstance comme un mal. Un
mal haïtien. En tant qu’elle est cette
facilité à changer d’opinion, de résolu-
tion ; cette facilité à tourner casaque,
à adopter une nouvelle conduite, à
exprimer de nouveaux sentiments.
Dis-je pourtant qu’il ne s’agit pas
d’un mal de la condition humaine,
l’inconstance ? Je n’oserais pas.
J’offusquerais Montaigne : « Quel
inconstant, que l’homme ? » écrit-il.
Mais l’inconstance comme mal
haïtien est mue surtout par les
conditions socioéconomiques dif-
ficiles qui prévalent dans l’Haïti
mal foutue de 2015. Une Haïti mal
foutue, disons-nous. Cette Haïti où
tout est monnayable et monnayé.
Ne vous méprenez pas, nous savons
fort bien que de tels propos sont
le propre du capitalisme, du capi-
talisme à outrance qui déshuman-
ise. Cependant, certaines sociétés
essayent, autant que faire se peut
et tant bien que mal, d’apaiser cette
marche capitaliste qui transforme
toutes les relations humaines en des
rapports économiques étroits. Et
c’est devenu aujourd’hui notre laby-
rinthe, une fausse issue dans nos
entreprises. Nous nous y sommes
pris en véritables amateurs, nous
sommes perdus, nonchalants, indo-
lents, dans des méandres insond-
ables. Inconstance !
Nous mettons en cause
l’inconstance. L’inconstance
comme mal haïtien. En 2015, Haïti
prépare les élections qui doivent
débuter au mois d’août, au-delà
de beaucoup d’incertitudes et
d’inquiétudes. Incertitudes, parce
que quasiment tous les secteurs
de la vie nationale doutent que
des scrutins soient possibles dans
cette Haïti. Mais encore, d’aucuns
remettent en question la capacité
du Conseil électoral provisoire et
surtout sa crédibilité, l’inconstance
même de son président avec une
histoire trouble dans les élections
de 2010. Inquiétudes, parce que les
élections en Haïti charrient toujours
des crises profondes qui laissent
des plaies béantes, difficilement
cicatrisables. Les exemples ne se
comptent pas, mais prenons-en de
récents : les élections de 2000, 2006
et 2010. Qui ne s’en souvient pas ?
Casses, vandalisme, des centaines
de victimes blessées ou tuées par
balles… Pour dire simplement
que les élections chez-nous sont
le prétexte d’un cycle infernal de
violences. Inconstance ! Difficile
pour nous de ne pas en perdre le
nord. Difficile de garder le cap dans
ces conditions de crises devenues
structurelles et institutionnelles.
Les partis politiques pullulent. Et
les candidats aussi, mais encore
plus nombreux. Il est presque
évident que chacun veuille fonder
son propre petit parti. Ils sont
plus de deux cents. Et même que
le compte n’est pas bien juste.
S’agissant du compte des candidats,
il faudrait, dans le cadre de nos
propos, les voir au niveau de tous
les postes électifs. Peut-être dans la
suite de cet entretien, surtout que
nous nous serions exposés à de trop
grandes discussions déjà existant
sur le bon ou le mauvais côté de
cette multiplicité de candidats aux
élections en Haïti. D’autant que,
dans des débats contradictoires
assez savants, sociologues,
politologues et experts ont épilogué
sur la question. Nous pourrions
seulement nous interroger sur la
vertu de nos débats, leur sens, leur
importance. À quoi permettent-ils
d’aboutir ? Dis-je pourtant qu’il ne
faut pas débattre ? Loin de moi une
telle pensée.
Et même à écrire mes textes, je
me demande pourquoi. Pourquoi
devrait-on me lire ? Pourquoi
voudrait-on prendre ce que j’écris au
sérieux ? Pourquoi voudrait-on me
suivre dans ce qu’éventuellement
je pourrais proposer ? Pourquoi
devrais-je dire ce que je pense ?
Qui m’écouterait ? Et même si
j’étais écouté, qui prendrait en
compte mes propos ? En Haïti, qui
sont ceux qui lisent, qui écoutent,
qui participent, qui comprennent
? Personne ! Sinon très peu ou
même trop peu ! Les théories nous
indiffèrent, nous sommes passifs.
Voilà un autre mal ! Pourtant, je
suis d’avis que les grandes théories
façonnent le monde. Albert Camus
aussi est de cet avis. Il écrit même
dans son Mythe de Sisyphe que
les plus grandes œuvres naissent
toujours au détour d’une rue ou
dans le tintamarre d’un restaurant.
Toute grande nation naît d’idées, de
théories. Les États-Unis d’Amérique
sont en majeure partie construits
à partir des idées de Thomas
Woodrow Wilson. Gardons-nous de
mille et un autres exemples.
Mais en Haïti, quelles sont les idées,
les théories qui nous construisent,
qui nous déterminent ? Nous en
connaissons qui nous sont propres,
telles celles de Firmin, de Price-
Mars, de Roumain, de Jacques
Stephen Alexis et de tant d’autres.
Mais en vrai, quelles sont celles qui
nous définissent comme peuple ?
Voyez-là une bonne raison justifiant
que nos gouvernants soient, pour le
plus grand nombre, des hypocrites,
des mercenaires, des médiocres et
des passifs. Des passifs, nous le
sommes bien plus qu’eux. Notre
passivité se traduit dans la quasi-
totalité de nos actes. Elle nous
gouverne aussi en ce qu’elle nous
donne les chefs conçus pour nous
et par nous mais encore taillés sur
mesure, à notre mesure.
Nous sommes passifs et par
conséquent paresseux. Nous
n’avons rien de construit en
matière de doctrine. C’est ici
ma grande préoccupation et
qui me fait me répéter dans ce
même texte. Quelles sont les
doctrines politiques, les doctrines
économiques, sociologiques sur
lesquelles est fondée cette nation ?
Quel modèle façonne notre système
éducatif ? Nous sommes passifs et
paresseux en ce que nous laissons
notre identité de peuple s’effondrer
graduellement. Et comme nous
ne voulons rien construire, nous
sommes devenus un peuple de
parasites, dépendant, pleurnichard,
pitoyable, improductif en tous
points considérés. C’est en cela que
nous sommes mineurs, inaptes à
décider de notre propre destinée. Si
nous pouvons être fiers de l’histoire
qui nous a fait naître, nous devrions
pleurer aujourd’hui d’avoir tout
détruit et d’être à la merci de ceux-
là mêmes qui sont jaloux de ce que
vaut notre passé historique.
Nous sommes tous des passifs et
pour cela nous avons un pays juste
à la dimension des êtres que nous
représentons. Nous ne désirons plus
être nous, nous nous identifions à
d’autres et c’est en cela que nous
perdons notre essence, notre
quintessence même de peuple.
Qui sont ces hommes politiques
haïtiens à avoir lu « Les Théoriciens
au pouvoir » de Demesvar Delorme,
« De l’Égalite des races humaine »
de Firmin, « La Vocation de l’Élite
» de Jean Price-Mars… ? Qui d’eux
connaissent Félix Morisseau-Leroy,
René Depestre, Roumain, Alexis…
? Loin de moi l’idée de prôner une
approche intellectualiste du pouvoir
en Haïti, mais il serait temps que
les hommes qui aspirent au pouvoir
dans le pays aient une certaine
formation académique requise en la
matière et soient capables de nous
représenter valablement.
Nous ne devrions pas non plus
être dupes. Les académiciens, les
intellectuels doivent avoir plus
que leur savoir pour guider le
développement sociopolitique de ce
pays : l’honnêteté, le patriotisme,
le sens de l’honneur, le sens du
devoir et de la responsabilité. Et
voyez le contraire de chacun de ces
termes comme un mal pernicieux
et corrosif à la base de cette
société déchirée, mal-en-point et
désarçonnée. Je ne voudrais pas
m’imposer en donneur de leçons, ou
même croire que je produis un texte
académique qui va révolutionner
la pensée. Il serait trop fat de ma
part de l’imaginer d’autant que je
suis déjà très conscient de toutes
les faiblesses qu’accusent mes
propos par ma manière des les
exprimer ou peut être même mon
incapacité à les illustrer par de
grandes théories déjà élaborées
sur de telles questions. Cependant,
je ne voudrais pas non plus qu’on
m’enlève le droit de traduire ce que
je porte en moi et qui me démange.
Cela me courberait évidemment
dans le cycle de ces autres maux
haïtiens, le manque d’honnêteté,
de patriotisme, du sens de
l’honneur, du sens du devoir et
de la responsabilité dont il faut
nécessairement parler.
Surjection !par Jackson Joseph
LUNDI 20 JUILLET 2015 N0
42 | 3
ACTUALITÉ
Une situation économique
de plus en plus préoccupante
Les prix des produits de première nécessité sont à la hausse dans tous les
marchéspublics.Lesamedi18juillet,LeNationalaconstatéquelamarmitede
rizpassaitenmoyennede25gourdesà28-35gourdes.Lagrossemarmitede
haricotnoirpassaitde260gourdesà350gourdes.Leharicotrougeestpassé
de300à375gourdes.Lesacdefarine25kgsubissaitunehaussede675à960
gourdes.Lagrossemarmitedesucrepassaitde22gourdesà25gourdes.La
petiteboîtedelait,qu’onvendaitàtroispourcinquantegourdes,s’échangeait
à20gourdeslaboîte.Duspaghettiauxboissonsgazeusesenpassantparle
maïsquisubissaitdeshaussesde10à25gourdes,rienn’estépargnédepuis
lachuteaccéléréedelagourde.Lescitoyenssontauxabois.
On entend touteslesthéoriespourexpliquerlachutedelagourde,comme
celle qui prétend que nous vivons au-dessus de nos moyens. Comme quoi,
nous aurions trop de gourdes, ce qui ferait pression sur le dollar. Certains
économistes ont tendance à faire toutes sortes de spéculations, excluant
l’humain de leur calcul, donnant seulement une âme à la monnaie et aux
marchés.Ceseraitbiend’allerexpliquerauxlaissés-pour-comptedecepays,
largementmajoritaires,qu’ilsdépensenttropparcequ’ilsonttropdegourdes
etqu’ilsfontpressionsurledollaraméricain.
Ce qui est certain, c’est que notre production nationale qui bat de l’aile,
les dépenses inutiles de l’État, la corruption, donc les mauvaises politiques
publiques, sont les principales responsables de la situation actuelle qui ne
faitqu’empirer.Danslescausesstructurelles,onnepeutnepasmettrecette
stupide frénésie de jouissances de privilèges que manifestent toujours nos
dirigeantsdansunpaysaussiàlatraîne,aussidémuni.
La Banque delaRépubliqued’HaïtiarappeléauNational,suiteàunarticle
et un éditorial publiés le jeudi 16 juillet 2015, examinant la conférence de
pressedesongouverneur,qu’elledisposaitdetouslesmoyenspourmaîtriser
la situation. L’institution, chargée de la protection de notre monnaie, pour
montrer qu’elle ne partageait pas notre approche, a fait parvenir le même
jeudi soir une note rectificatrice libellée en ces termes : « La Banque de la
Républiqued’Haïtialuavecétonnementl’éditorialduquotidien«LeNational
»#40dujeudi16juillet2015,titré«L’incertitudecontinue»paruenpage3,
etl’articleéconomique,paruenpage10,«Desmesuresquinerassurentpas
»souslaplumedeJean-MichelCadet,oùlesdeuxauteursprêtentdespropos
auGouverneurdelaBanqueCentraled’Haïti,MonsieurCharlesCasteln’ayant
aucun rapport avec ceux tenus lors de la conférence de presse du 15 juillet
2015,notammentsurlesdirigeantshaïtiens.
Lorsdesonintervention,leGouverneuraprésentélesdifférentesmesuresque
laBRHaprisesouqu’ellecompteprendrepouragirsurl’offreetlademande
dedollarsenutilisantsestroisinstrumentsd’intervention(lesréservesobliga-
toires,lesbonsBRHetlaventedesdollars).Ilarappelélesniveauxderéserves
brutesetnettesainsiquelesengagementsprisparl’Etathaïtiendanslecadre
duprogrammeFECavecleFMI.
La BRH aétérassurantesurlesperspectivesdestabilisationdumarchédes
changes.»
LeNational,soucieuxdel’intérêtdelapopulation,vadoncsuivreavecencore
plus d’intérêt l’évolution de la situation économique en espérant que les
mesuresprisesparlaBanquedelaRépubliqued’Haïtiramèneront,dumoins,
le calme sur les marchés et dans les familles en attendant que de bonnes
politiquespubliquespenséespardesdirigeantsresponsablesappuyéespar
une société civile forte, engagée effectivement dans la modernité, puissent
relancernotreéconomie.
Gary VICTOR
Édito
Une campagne
déséquilibréePar Lionel Edouard
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
C
’est peut-être une bataille
perdue d’avance. Non pas
celle des élections, mais
celle pour faire obstacle à
l’utilisation des biens de l’État en
faveur de certains candidats. Le
Président l’a dit. Personne ne peut
l’empêcher de se déplacer dans le
pays. Y compris aux côtés de ses
candidats qu’ils présentent un peu
partout à la population. Pas toujours
avec succès, bien sûr ! L’origine des
fonds pour organiser ces sorties
répétées et coûteuses est questionnée.
André Michel veut savoir si c’est le
Parti haïtien Tèt kale (PHTK) ou la
République qui paie. Une plainte
auprès du parquet de Port-au-Prince
serait, dit-il, en préparation.
La décantation entre le citoyen
Michel Martelly et le président de la
République est toutefois difficile à
faire. Ces accusations constituent
un pernicieux rappel du chemin à
parcourir pour l’établissement d’une
démocratie fonctionnelle et d’un État
de droit véritable. Les garanties que
voulaient apporter le Premier ministre
Évans Paul autour de l’interdiction de
l’utilisation des biens de l’État dans
ces campagnes ne rassurent pas. La
grogne monte de plus en plus de
l’espace politique pour dénoncer ce
que déjà Jean Baptiste Bien-Aimé
appelle une violation. Un refrain à
la sonorité coutumière. C’était déjà
le cas, lors des élections de 2010, en
faveur du candidat du pouvoir, Jude
Célestin.
Certains prétendants aux législatives
auraient reçu depuis plusieurs
mois, selon une source proche du
gouvernement, des Toyota Prado
pour mener campagne. Sans
compter d’autres moyens logistiques
importants qui auraient été mis à
leur disposition. Ils bénéficient aussi
des installations onéreuses mises en
place au cours des passages du chef
de l’État dans leur région respective.
Or, cette campagne se lance sur fond
de récession. Le financement de la
campagne se fait attendre. L’État
n’aurait pas les moyens. Manœuvre
dilatoire. Évans Paul est en quête de
fonds. Faute de mieux, il obtient des
promesses.
Les anciens parlementaires issus
d’autres partis qui profitent encore
de leurs privilèges passés sont aussi
légion. Sadrac Dieudonné nous
raconte qu’aucune demande formelle
n’avait été faite pour que les membres
de la 49e remettent les matériels en
leur possession. Les voitures aux
plaques d’immatriculation officielles
appartenant à des députés et autres
sénateurs courent les rues. Les armes
à feu mises aussi à leur disposition.
Monsieur Dieudonné affirme, lui,
avoir remis les siens et demandé aux
entités responsables de lui fournir une
nouvelle plaque d’immatriculation
qui sied à son nouveau statut.
Par ailleurs, M. Dieudonné explique
qu’il n’était pas en mesure de préciser
si les véhicules appartenant au
Parlement, jadis en possession des
élus du peuple qui siégeaient aux
bureaux des deux chambres, avaient
été remis. Les autres matériels non
plus. Toutefois, l’ancien député de
la cité de l’Indépendance dénonce
l’utilisation de certains véhicules
placés sous le contrôle de la Cour des
Comptes, entreposés à Delmas.
Ils sont quasiment démantelés,
rapporte-t-il, pour être réutilisés
par des proches du pouvoir. Il
serait donc courant, dit-il, de voir
certaines de ces voitures démontées
de leurs pneus et de certaines pièces
importantes, lesquels sont réutilisés
pour l’entretien d’autres véhicules
devant servir durant la période de
campagne.
L’article 204, paragraphe b du
décret électoral, est-il nécessaire de
le rappeler, édicte que : « Faciliter
l’utilisation de matériels, biens ou de
véhicules de l’État pour servir à la
campagne électorale en faveur d’un
ou de plusieurs candidats, d’un ou
de plusieurs partis ou groupements
politiques, est puni de trois (3) à cinq
(5) ans et d’une amende de cinquante
mille (50 000) à cent cinquante mille
(150 000) gourdes. »
Rapport de force. Tous plaident pour un équilibre. En
cette période de campagne électorale, c’est le principal
souci des compétiteurs. Pas de traitement de faveur.
Dans le collimateur des partis politiques, les candidats
proches du pouvoir. Tous les acteurs surveillent
l’apport de l’exécutif dans cette bataille où tous les
protagonistes ne disposeraient pas des mêmes armes.
Les biens de l’État feront sans doute pencher la balance.
Les boucliers sont déjà levés pour éviter toute dérive et
toute concurrence déloyale.
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4 | N0
42 LUNDI 20 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
Les partis et les candidats
doivent encore attendrePar Noclès Débréus
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES/FINANCEMENT
» suite de la première page
De gauche à droite, Pierre Manigat Jr, vice-président du CEP, Pierre Louis Opont, président du CEP, Néhémy Joseph, Marie
Carmel Paul Austin et Jaccéus Joseph. / Photo : J. J. Augustin
À
une dizaine de jours environ
depuis l’ouverture officielle
de la campagne électorale,
la fièvre électorale annoncée
au moment des inscriptions ne se
fait pas sentir encore. Dans certains
recoins de la capitale, on peut
compter sur les doigts d’une seule
main les candidats qui se sont lancés
véritablement dans la lutte électorale,
alors que ces élections battent le
record en termes de nombre de
candidats inscrits. De l’avis de plus
d’un, cette timidité constatée au
niveau de cette campagne électorale
est due aux difficultés économiques
et financières auxquelles fait face
le pays. De plus, la subvention tant
attendue de l’État tarde encore à
venir. Aucun officiel de l’État, ni
du côté du pouvoir exécutif ou du
Conseil électoral provisoire, ne sait
quand cette allocation pourra être
effectivement versée aux candidats.
Depuis bien des jours, une confusion
s’installe dans l’opinion entre le
financement des partis politiques
et le financement des élections. Le
président de la République ainsi
que le Premier ministre renforcent
davantage la confusion lors de
leurs dernières interventions. Le
président de la République dit ne
pas savoir s’il faut tenir compte des
dispositions de la loi sur les partis
politiques ou de celles prévues dans
le décret électoral pour octroyer ce
financement. Le Premier ministre, de
son côté, dit disposer de 10 millions
de dollars pour financer les partis
politiques en référence aux 500
millions de gourdes disponibles dans
le budget destinées à subventionner
les élections.
Pourtant la loi sur les partis politiques
ainsi que le décret électoral sont
sans équivoque à ce sujet. L’article
35 de la loi portant formation,
fonctionnement et financement
des partis politiques précise que
les modalités et procédures de
financement public des dépenses de
campagnes électorales sont réglées
par la loi électorale alors que pour
ce qui concerne le financement des
partis, il est régi par la loi y afférente.
L’article 36 de la loi sur les partis
politiques stipule clairement que
« l’État consacre, chaque année
budgétaire un montant équivalant à 1
% des ressources internes du budget
national en appui au fonctionnement
des partis politiques légalement
reconnus ». Le décret électoral,
en ses articles 125 et 126, précise
qu’à l’occasion des compétitions
électorales, l’État accorde aux
partis politiques, aux groupements
politiques ayant des candidats agréés
aux élections une subvention pour
les aider à mener leur campagne
électorale. Le montant de la
subvention à accorder aux partis
et aux groupements politiques
concernés, en fonction du nombre
de candidats agréés, sera déterminé
par le Conseil électoral provisoire
suivant l’enveloppe allouée à cet effet
par l’État.
Les 500 millions de gourdes
disponibles dans le budget
sont destinées à financer la
campagne électorale et non les
partis politiques au vu de la loi.
Et plusieurs responsables de
l’organisme électoral, notamment le
directeur exécutif, Mosler Georges,
et le secrétaire général, Vijonet
Déméro, ont informé avoir déjà
trouvé les modalités pour attribuer
cette subvention aux différents
concernés. s’il est vrai que le décret
électoral ne définit pas les modalités
de distribution de cette allocation,
certaines considérations sont
prévues aux articles 92 et 92.1 pour
les partis politiques ayant présenté
un certain nombre de candidats avec
un niveau académique sanctionné
par une licence. Cette considération
est aussi valable pour les partis ayant
inscrit 30 % de candidats féminins ou
qui ont présenté 10 % de candidats
ayant un handicap.
Pour barrer la route à l’argent sale
dans le financement des partis
politiques ainsi que des élections,
le décret électoral et la loi sur les
partis politique définissent les
balises. L’article 130 à 135-2 du
décret électoral et l’article 43 à 45
de la loi sur les partis politiques
précisent clairement les modalités
de financement privé des partis
politiques et des campagnes
électorales. Des sanctions sont
également prévues en cas de
non-respect des prescrits légaux
concernant les subventions, dons et
financements reçus.
« Trente (30) jours après la
publication des résultats officiels,
le parti, groupement politique ayant
reçu une subvention de l’État est
tenu de faire parvenir au Conseil
électoral provisoire et au ministère
de l’Économie et des Finances (MEF)
le bilan financier détaillé, signé d’un
comptable agréé, accompagné des
pièces justificatives des dépenses se
rapportant à ladite subvention dans le
cadre des joutes électorales », stipule
l’article 128 du décret électoral. Faute
par le parti ou groupement politique
de se soumettre à cette obligation, il
est interdit de toute activité politique
pendant cinq ans au moins et dix ans
au plus à prononcer par le BCEN sur
convocation du président du CEP.
Après le délai de trente jours prévu à
l’alinéa ci-dessus, le Conseil électoral
provisoire ou l’État haïtien dénonce
le fait, aux fins de poursuites légales
au tribunal correctionnel pour
détournement.
Alors qu’on est en pleine campagne
électorale et que les candidats ne
cessent de réclamer la subvention
de l’État, les rapports de dépenses
des précédentes élections semblent
n’être pas encore disponibles. À
l’exception d’Yvon Neptune qui
avait présenté son rapport de
dépenses, les rapports des autres
candidats aux dernières élections
sont jusqu’ici introuvables, alors
que certains d’entre eux se portent
encore candidats à ces élections.
Plusieurs responsables de la Cour
des comptes et du CEP ont été
contactés dans le cadre de cet
article, malheureusement seul leurs
répondeurs étaient disponibles.
LUNDI 20 JUILLET 2015 N0
42 | 5
ACTUALITÉ
La République dominicaine redoute l'arbitrage de l'OEA
Par Jean Michel Cadet
MIGRATION/RELATIONSHAÏTIANO-DOMINICAINES
D
ans l’attente du rapport de la
mission technique de l’OEA,
la République dominicaine
verrouille les portes du
dialogueavecHaïti.Uncomportement
qui, pour nombre d’observateurs,
montre que les gouvernants
dominicains présagent déjà une note
assez salée à leur encontre par cet
arbitre qu’ils contestent. Entre-temps,
différentes forces de pression du pays,
affirmant leur pessimisme dans ce
rapport, rallument le flambeau de la
mobilisation.
Au terme de son enquête menée
sur les conditions dans lesquelles
s’effectue le rapatriement des haïtiens
en provenance de la Répu-blique
dominicaine, l’OEA s’apprête au
cours de cette semaine à publier son
rapport d’évaluation sur la situation.
Les spéculations relatives au contenu
dudit rapport vont bon train. Comme
si la République dominicaine flairait
une grande menace à ce propos,
elle s’agite. Rejetant dans la foulée
la réunion multilatérale qui devrait
se tenir au siège de l’OEA. Les
prétextes, dit-t-on, ne manquent
pas. Le chancelier dominicain, Luis
Navarro, exige, d’une part, en guise
de conditions pour la reprise du
dialogue, que le secrétaire général
de l’OEA, M. Luis Alamagro, revienne
sur ses déclarations faisant croire
que l’île devrait être un seul pays.
D’autre part, les autorités haïtiennes
devraient présenter leurs excuses à la
République dominicaine pour l’avoir
accusée d’ordonner la déportation
massive d’Haïtiens.
Se gardant d’interpréter le comporte-
ment des dirigeants dominicains, le
chancelier haïtien, M. Lener Renaud,
estime qu’il y a lieu de questionner les
motivations qui auraient provoqué
cette agressivité des autorités domini-
caines vis-à-vis de l’OEA. Il dit toute-
fois s’en remettre à l’impartialité de
cette dernière qui, souligne-t-il, par
le biais de sa commission technique,
a pu constater lors de son passage
dans l’île, du 10 au 14 juillet dernier,
les conditions dans lesquelles se font
les déportations estimées à 25 mille
personnes, selon les chiffres officiels.
Certains d’entre elles, affirme-t-il,
ont été expulsées de force alors que
d’autres ont choisi de revenir volon-
tairement en Haïti par peur de repré-
sailles des Dominicains.
Les enjeux
Les décisions de l’OEA n’ont, certes,
pas de force contraignante, mais
elles revêtent une grande importance
sur le plan politique, selon Edwin
Paraison, responsable de la fondation
Zile. Si le rapport de l’OEA se révélait
défavorable pour la République
dominicaine, prévoit-il, d’autres
instances internationales pourraient
se saisir de la question pour
condamner les actes de violation de
droits humains du voisin dominicain.
Il rappelle, à cet effet, qu’en tant que
membre de l’ONU, la République
dominicaine est redevable devant
l’Examen périodique universel (EPU).
Il s’agit d’un mécanisme unique du
Conseil des droits de l’homme dont
le but est d’améliorer la situation
des droits de l’homme des 194 États
membres de l’ONU. Edwin Paraison
fait remarquer, à cet effet, que les
résultats du dernier examen subi
par la République dominicaine
suite à l’arrêt 168-13 de la Cour
constitutionnelle dominicaine ont
été catastrophiques. Il dit souhaiter,
toutefois, la reprise du dialogue
entre les deux pays voisins puisque,
soutient-il, même en temps de guerre,
des pourparlers se tiennent entre les
pays en conflit. Cependant, cette
fois, il estime capital que toutes les
forces vives du pays accompagnent
les dirigeants haïtiens en vue de
reconstruire les rapports entre les
deux États.
Le secrétaire exécutif du RNDDH,
M. Pierre Espérance, abonde dans
le même sens. La République
dominicaine, selon lui, n’évolue pas
en vase clos. En tant que membre
de l’OEA et de l’ONU, elle est
assujettie au respect des principes
et conventions internationaux en
matière de droits humains. Le
militant des droits de l’homme
semble, toutefois, ne pas trop
compter sur le rapport de l’OEA
pour résoudre la crise humanitaire
que provoque, depuis le 18 juin
dernier, la déportation de 40 mille
Haïtiens selon les informations dont
il dispose.Tout en reconnaissant son
caractère moral, Pierre Espérance
dit ne pas espérer grand-chose du
rapport de l’OEA. Le plus important,
selon lui, c’est la mobilisation dans
les rues. Dans cette perspective,
certains secteurs organisés de
la société, sous la houlette du
Collectif 4-Décembre, ont lancé une
marche pour la dignité prévue le
mardi 21 juillet prochain. Hormis
cette marche, le coordonnateur de
ce collectif en appelle même au
boycott des produits dominicains
entre autres mesures à court
terme à adopter pour répondre à
la R. D. Enfonçant davantage le
clou, Robert Arguant dit espérer
qu’à l’échelle internationale le
pays voisin soit considéré comme
un État paria qui viole les droits
humains.
Si elle a été révisée sous la complicité
du Venezuela qui jouait les
facilitateurs, la diplomatie au niveau
multilatéral est désormais réactivée.
Cette approche semble faire trembler
la République dominicaine qui joue
sur les subtilités pour rompre le
dialogue en contestant la neutralité
de l’OEA dans ce dossier.
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42 LUNDI 20 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
Une campagne qui mime la normalePar Stephen Ralph Henri
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
L
es affiches imprimées,
moyennes ou géantes, des
candidates et des candidats
deviennent de plus en
plus présentes dans les diverses
circonscriptions électorales de la
capitale haïtienne. Les murs, des
barrières ne sont pas épargnés
des graffitis et des photos de
ces aspirants législateurs. Une
pratique pourtant interdite par le
décret électoral. Même les grosses
poubelles servent aussi de support
pour placer ces images dans
certains quartiers.
Ils sont près d’une quarantaine
de candidats au Sénat pour le
département de l’Ouest, mais le
nombre d’aspirants sénateurs ayant
des affiches exposées ne dépasse
pas une quinzaine. Les candidats
à la députation pour l’Ouest sont
plus que 450, avec une centaine
pour les différentes circonscriptions
électorales de Port-au-Prince, or
dans les rues les publicités de
ces candidats sont très peu. Les
annonces pour les candidats de
certains partis, comme l’Organisation
du peuple en lutte (Opl), la Fusion
des sociaux-démocrates et Fanmi
lavalas, continuent d’être absentes
dans les rues de Port-au-Prince. «
On peut dire que cela avance très
faiblement en apparence. Il n y a
pas de photos, pas d’emblème du
parti. Sur le plan du spectacle, c’est
très faible », reconnaît le secrétaire
général de la Fusion, Rosemond
Pradel. « Mais, je souligne que c’est
une situation générale. La campagne
est très faible et quasi inexistante »,
ajoute le responsable.
Que s’est-il donc passé ? « Il n y a
pas d’argent… Les partis n’ont pas
d’argent », explique Rosemond
Pradel au National. Il critique le
gouvernement qui, selon lui, n’est pas
très pressé de financer les partis et
les institutions politiques. Et si le
gouvernement n’est toujours pas au
rendez-vous du financement de la
campagne des partis, les supporteurs
privés non plus. Ceux de la Fusion
estiment qu’ « il y a des éléments qui
manquent au puzzle », le problème
financier qui s’est glissé, dans la
conjoncture, où il faut au moins
59 gourdes pour se procurer un e
dollar américain. À cela ajouté il faut
ajouter la violence préélectorale qui
commence à gagner du terrain dans
certaines zones du pays. Tout cela
constitue un tableau qui diminue la
foi de la Fusion et de ses pourvoyeurs
de fonds. Le Parti continue de vouloir
les élections pour le 9 août comme
arrêté par le calendrier. « On n’est
pas confiants...
On ne va pas dire qu’il n’y aura pas
d’élections, mais on doit se battre »,
poursuit Rosemond Pradel, pour que
le « premier tour des législatives soit
organisé correctement. »
L’Organisation du peuple en lutte
(OPL), de son côté, ne cache pas
que dans le contexte électoral, qui
« fonctionne à l’image du pays »,
« on a des difficultés… Il n y a pas
vraiment de grandes visibilités avec
la situation économique », énonce
le sénateur Francisco De La Cruz,
actuellement coordonnateur de la
structure politique.« Des promesses
n’ont pas pu être tenues », par
les supporteurs et sympathisants
de l’OPL. Les entrepreneurs sont
envahis par le « scepticisme »
et ils deviennent « réticents à
investir », dans la campagne du
parti pour les législatives. Ailleurs,
« les entrepreneurs n’ont pas cette
culture d’appuyer la législative, mais
surtout la présidence », précise De La
Cruz au National. L’OPL se dit pour
l’organisation des scrutins comme
prédéfinie par le calendrier en dépit
des doutes. « Il faut avoir foi. Ce qui
est clair, c’est qu’on est en Haïti où
les choses ne se passent pas toujours
comme prévu », déclare Francisco
De La Cruz dans un court entretien
avec Le National. Dans l’espoir que
les élections vont quand même se
tenir à la date retenue par le Conseil
électoral, l’Organisation du peuple
en lutte s’attend à « un très faible taux
de participation de la population ».
Une réalité présagée également,
par la Coordination du Conseil des
acteurs non-étatiques, Conhane.
Questionné sur le doute qui gagne
du champ quant à l’organisation
ou non des prochaines élections
législatives le 9 août, Edouard
Paultre, coordonnateur du Conhane
déclare : « Je crois que les élections
auront lieu, mais avec un faible taux
de participation. » Il explique cette
éventuelle réalité en fonction du fait
qu’aucun des partis et plateformes
politiques en présence dans la course
électorale n’a effectivement défini et
communiqué un programme politique
clair. Il fait toutefois exception de PL.
« L’électorat est perdu et égaré »,
il « ne se retrouve pas dans ces
différentes expressions politiques
» et « continue d’attendre une offre
politique », avance Edouard Paultre.
En guise de programme dans les
annonces des candidates et candidats
déjà en scène, on constate des
slogans, comme : « Créole : fwa sa, se
pou nou tout bon vre (Cette fois, c’est
notre tour), maman lavi (mère de la
vie), nou fenk kare travay (le travail
ne fait que commencer) ou encore
lajenès, jwèt pou ou (la jeunesse, fais
ton jeu. »
Comme dans un jeu de hasard,
certains invitent le peuple à choisir
le numéro attribué à leur institution
pour l’actuel processus politique
comme celui de la chance, « créole :
boul pèp la (le numéro du peuple »,
dans d’autres cas, ils se campent
comme le candidat du peuple.
Edouard Paultre constate que la
campagne n’est pas faite avec chaleur,
mais croit qu’ « il ne peut pas y avoir
d’ambiance (de campagne) sans
offre politique ». Sur l’importance
des élections, le coordonnateur du
Conhane souligne qu’il n’« y a pas
d’alternative à l’organisation des
élections (…). Si elles n’ont pas lieu,
affirme-t-il, on aura un éclatement
politique en Haïti, et cela ne fera
que « renforcer l’international »
dans le pays. « Le CEP a déjà
acheminé à l’exécutif les modalités
de financement de la campagne des
partis et regroupements politiques. »
« Pratiquement nous avons déjà fait
la proposition à l’exécutif », déclare
au National, le conseiller Ricardo
Augustin, trésorier du Conseil
électoral. Dans le décret électoral,
il appartient au CEP d’élaborer
les modalités des opérations de
campagne des institutions politiques
qui participent aux prochains scrutins
électoraux.
Au cours du weekend, du 17 au
19 août, les conseillers électoraux
se sont rendus dans huit des dix
départements géographiques du
pays pour superviser « le concours
de recrutement des superviseurs
et des superviseurs adjoints », qui
auront à contrôler le déroulement du
processus électoral, d’après les dires
de Ricardo Augustin.
Cette supervision des conseillers
concerne également le recrutement
de celles et de ceux qui seront dans
les centres d’opérations électorales.
Un total de 2 039 candidats doit
participer aux prochaines législatives
sur tout le territoire. Ils sont 262
aspirants sénateurs, or seulement
20 sièges sont vacants. Pour la
députation, ils sont 1 777 candidats
pour 119 sièges à pourvoir.
Les opérations de propagande des candidates et des candidats aux prochaines législatives paraissent gagner
en rythme. Tandis que des structures politiques continuent de ne pas pouvoir emboîter le pas, en raison de
problèmes financiers, à une vingtaine de jours de la fin de la campagne et du jour prévu pour la tenue des
scrutins. Pour des acteurs politiques et membres d’organismes de la société civile, ces élections ne mobiliseront
pas effectivement l’électorat.
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42 LUNDI 20 JUILLET 2015
MONDE
«
Je pensais que je mourrais
avant que ça n’arrive », confie,
encore incrédule l’octogénaire
américaine Rena Perez, 80
ans, à la veille de la reprise officielle
des relations diplomatiques entre les
Etats-Unis et Cuba après plus d’un
demi-siècle de brouille.
Arrivée voici 56 ans avec son
compagnon cubain, Rena fait
partie des quelques centaines
d’Américains ayant fait le choix de
vivre sur l’île. Aujourd’hui, cette
nouvelle donne diplomatique
la rend à la fois « heureuse... et
inquiète ».
« Il manque 700 000 maisons ici,
quelqu’un va se faire de l’argent
en reconstruisant (...) Les Etats-
Unis veulent faire de l’argent et
en feront », déclare-t-elle, tout en
reconnaissant qu’elle n’y est pas
forcément opposée. Mais Rena
craint que ce qui rend « beau » ce
pays ne puisse disparaître.
Même incertitude pour Pasha
Jackson. Ce Californien vit à
Cuba depuis six ans et bénéficie
d’une bourse à la « Escuela
Latinoamericana de Medicina »,
où étudient une grande partie des
étudiants américains à la Havane.
« Honnêtement, je ne sais pas
ce que va changer l’ouverture de
l’ambassade. Mais j’ai des espoirs
», confie ce futur médecin de 32
ans. Pour lui, les deux pays doivent
apprendre l’un de l’autre.
« Être pauvre à Oakland (Californie),
où je vis, signifie être malade » alors
que « Cuba est un pays pauvre mais
sans la drogue et tous ses aspects ».
Et puis Pasha avoue qu’il adorerait
importer le modèle de couverture «
santé universelle » cubain chez lui.
Notre drapeau au vent, un
symbole
Graham Sowa, autre étudiant en
médecine à la Havane, se dit quant
à lui « ravi que les Etats-Unis
voient enfin Cuba comme un pays
indépendant », avec lequel il est
possible de coopérer, « sur un pied
d’égalité ».
A Cuba depuis cinq ans, il se réjouit
d’avance de « voir son drapeau
flotter au vent, comme un symbole
de nouvelles relations avec notre
voisin ».
« Nous avons bien plus en commun
qu’on ne pense ». Par exemple,
explique-t-il, malgré la difficulté
d’accéder à l’internet, les Cubains
suivent les séries américaines
comme Game of Thrones ou la vie
des célébrités comme le rappeur
new-yorkais Jay-Z.
Des similarités, Pablo Menendez,
guitariste compositeur venu de
Californie et vivant à Cuba depuis
49 ans, en observe aussi dans son
quotidien de musicien de rock
cubain.
« Les hommes politiques sont
toujours très lents. Les artistes
eux s’entendent très bien », assure
l’artiste, boucle à l’oreille et « kufi »
turc sur la tête. Au niveau musical,
par exemple, « les Etats-Unis et
Cuba sont deux pôles essentiels de
la culture afro », souligne-t-il.
Cela ne change rien pour ma famille
Lorsque Pablo a appris la nouvelle
de la réouverture des ambassades
lundi, il était « heureux », mais
pas pour autant certain que cela
l’aidera à obtenir un visa pour sa
femme cubaine.
« J’ai une mère de 88 ans, un
père de 92 ans. J’aimerais qu’elle
puisse les rencontrer mais les Etats-
Unis refusent, sans explication »,
déplore l’artiste, dont la mère, la
chanteuse de blues Barbara Dane,
lui a transmis sa passion pour l’île.
En 1966, celle-ci fut « la première
artiste à défier les Etats-Unis et
à venir à Cuba. On ne savait pas
s’ils allaient la mettre en prison »,
raconte-t-il.
Conner Gorry, qui réside sur
l’île depuis 2002, aimerait aussi
pouvoir voyager plus aisément
mais elle reste dubitative sur les
changements à venir. Cette New-
Yorkaise mariée à un Cubain,
journaliste-blogueuse et fondatrice
du premier café littéraire américain
de Cuba s’agace devant l’euphorie
médiatique actuelle.
« Hisser notre drapeau ne signifie
rien pour moi tant que ma famille ne
peut pas venir ici légalement », dit-
elle, en référence aux seule douze
catégories de citoyens américains
actuellement autorisées à voyager
vers Cuba (artistes, journalistes,
universitaires...).
En outre, « tant qu’il n’existe pas
de vol qui ne me coûte pas 950
dollars pour (...) New York, et tant
que les familles cubaines n’ont pas
la qualité de vie qu’elles méritent à
cause de l’embargo, cela ne signifie
rien », martèle cette figure du petit
monde expatrié havanais.
Pour résumer, « il n’y a pas de
conséquences concrètes », assure
Conner, assise dans son café
paisible et verdoyant de la « calle
23 », une des principales avenues
du centre-ville.
Cuba : les Américains de La Havane heureux
du rapprochement avec Washington
Sources : AFP
Une vieille voiture américaine dans une rue de La Havane, le 19 décembre 2014.
/ Photo: AFP/AFP
Rapprochement entre Cuba et les États-Unis « Les
enjeux sont multi-échelles »
Sources : francetvinfo.fr
Invité du Soir 3, François Durpaire, historien spécialiste des États-Unis, revient sur la diplomatie de Barack Obama
en ce qui concerne Cuba.
A
lors que les États-Unis et
Cuba ont annoncé officiel-
lement le rétablissement
de leurs relations diploma-
tiques, prévu pour lundi 20 juillet,
après près de 50 ans de rupture, Fran-
çois Durpaire revient sur la diploma-
tie du président Barack Obama.
«Un demi-siècle de brouilles, et
l’annonce a été faite en décembre.
Cuba a été retiré des États soutenant
le terrorisme en mai. Lundi 20
juillet, l’étape la plus symbolique
: le rétablissement diplomatique,
les ambassades (…). Il y aura une
étape plus compliquée, ce sera
l’embargo», précise l’historien
spécialiste des États-Unis.
« Laisser une trace dans l’histoire »
«L’élément déclencheur s’appelle
Barack Obama. Le président
américain se dit ‘j’arrive en fin de
mandat, il faut absolument laisser
une trace dans l’Histoire», assure
l’invité du Soir 3. «Il y a aussi une
dimension importante : ce sont
les relations entre les États-Unis
et l’ensemble de l’Amérique latine,
car derrière Cuba, il y a l’Amérique
latine», rappelle l’expert.
Selon François Durpaire, les
enjeux pour les États-Unis derrière
ce rapprochement «sont multi-
échelles». «Il y a l’enjeu pour les
familles cubaines américaines, qui
peuvent repartir dans leur pays
(…). Il y a l’enjeu pour les pays qui
est un enjeu commercial», indique
notamment l’historien.
Rapprochement entre Cuba et les États-Unis « Les enjeux sont multi-échelles . /
Photo : francetvinfo.fr
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ÉCONOMIE
Les femmes entrepreneures,
« le premier marché émergent du monde »
par Claire DERVILLE
D
’ici à 2025, nos économies
devront engendrer 600 mil-
lions d’emplois de manière
à fournir un travail à tous
les actifs de la planète. Et si la meil-
leure manière de relever ce défi était
d’encourager l’entrepreneuriat au
féminin ? C’est en tous cas la convic-
tion d’Elizabeth Gore, entrepreneure
en résidence chez Dell et présidente
du Global Entrepreneurs Council à la
Fondation des Nations unies.
« Les femmes représentent le plus
gros marché émergent au monde !
», s’est exclamée cette Américaine
devant 200 personnes réunies à
Berlin début juin pour la sixième
édition du Dell Women’s Entrepre-
neur Network (DWEN), un réseau de
femmes entrepreneures fondé par le
groupe informatique texan.
Leur potentiel économique, en
effet, est énorme. Si les entrepris-
es qu’elles ont fondées croissaient
au même rythme que celles des
hommes, le nombre net d’emplois
créés se chiffrerait à 15 millions aux
États-Unis, 74 millions en Chine, 2
millions au Ghana ou encore 1,9 mil-
lion en France, selon le Scorecard,
une étude universitaire réalisée à
l’occasion du forum.
Les femmes créent deux fois
plus d’entreprises que les
hommes
Dans de nombreux pays du globe,
l’entrepreneuriat au féminin con-
naît un essor considérable. « De
gros progrès ont été réalisés depuis
l’époque pas si lointaine où les
femmes dépendaient presque
entièrement de leurs maris pour
leur subsistance », se réjouit Trish
Costello, PDG de Portfolia, un fonds
d’investissement dédié aux femmes.
Aujourd’hui, les femmes créent
deux fois plus d’entreprises que les
hommes à l’échelle mondiale, elles
représentent 51 % de la richesse glo-
bale et contrôlent 70 % des dépenses
des ménages.
Elles sont perçues par les ONG
comme le premier levier de dével-
oppement dans les pays émergents
: « Dans les camps de réfugiés que
j’ai visités en Ouganda, vous savez
quelle est la première chose que font
les femmes déracinées, démunies et
manquant de tout ? Elles montent
leur petit commerce », assure Eliza-
beth Gore. Cependant, les hommes
et les femmes sont loin d’être égaux
face à l’entrepreneuriat et de nom-
breuses disparités empêchent ces
dernières de faire prospérer leur
affaire. « J’ai coutume de résumer
les problèmes des entrepreneures
à l’aide de trois C, déclare Cherie
Blair, présidente d’une fondation
dédiée aux femmes entrepreneures
qui porte son nom.
Manque de confiance - encore trop
souvent, elles s’entendent dire que
l’entrepreneuriat n’est pas pour elles
-, manque de capacités - l’éducation
et la formation de base leur font sou-
vent défaut -, et manque de capitaux
- Dieu sait à quel point il est difficile
pour tout entrepreneur de trouver
des fonds, mais pour les femmes,
c’est encore plus dur ! », déplore
la femme de l’ex-premier ministre
britannique et avocate au barreau
de Londres, dont l’intervention sur
scène représentait l’un des temps
forts de la conférence berlinoise.
La France en sixième position
des pays les plus favorables
Pour mieux cerner ces disparités et
tenter d’y remédier, l’étude Score-
card a examiné la situation de
l’entrepreneuriat au féminin dans
31 pays avant d’attribuer une note
à chacun d’entre eux.
Cette note évalue le niveau d’égalité
des chances entre hommes et
femmes au regard de critères aussi
divers que la législation, le niveau de
corruption, l’accès à l’éducation, la
parité dans les entreprises ou encore
les possibilités de financement.
Résultat : dans 70 % des pays étudiés,
les femmes ont moins de 50 % de
chances que les hommes de démar-
rer leur entreprise, la faire prospérer
et créer de l’emploi. Avec un score
de 71 sur 100, les États-Unis se his-
sent en tête du classement, essenti-
ellement grâce à un environnement
économique et une législation favo-
rables. Et pourtant, même là-bas, les
femmes entrepreneures rencontrent
de réelles difficultés, en témoigne ce
chiffre édifiant : en 2014, sur toutes
les starts-up ayant reçu des fonds
de capital-risque, seuls 2,7% étaient
dirigées par une femme, révèle une
étude du Diana Project.
Suivent le Canada (69 points),
l’Australie (69), la Suède (68) et
le Royaume-Uni (65) sur l’échelle
des pays les plus favorables à
l’entrepreneuriat féminin. La France,
avec un score de 62 points, arrive en
sixième position et peut se targuer
d’être le seul pays du classement à
inclure 30 % de femmes dans les
conseils d’administration des socié-
tés cotées, du fait de la loi Copé-Zim-
mermann, qui impose des quotas.
À l’autre bout du spectre, du côté des
mauvais élèves, se trouvent le Ban-
gladesh, l’Inde, l’Égypte ou encore
le Pakistan. Dans ce dernier pays,
seulement 3 % des femmes dispo-
sent d’un compte en banque, 19 %
ont reçu une éducation secondaire
et 10 % utilisent Internet. Difficile,
dans ces conditions, de se transform-
er en chef d’entreprise.
Où sont les Bill Gates,
Steve Jobs et autres Mark
Zuckerberg féminins ?
Le bât ne blesse pas partout de la
même manière. En Afrique, par
exemple, les femmes ne craignent
pas de se lancer en affaires : « Au
Nigéria, au Ghana et en Ouganda
notamment, les femmes créent plus
d’entreprises que les hommes.
C’est extrêmement positif, se félic-
ite Ruta Aidis, qui a dirigé, depuis
la George Mason University où
elle est chercheuse, la réalisation
de l’étude Scorecard. Le hic, c’est
que leurs structures ne grandissent
pas. Elles restent bloquées au stade
d’entreprise unipersonnelle de sub-
sistance sans parvenir à créer de
l’emploi ».
Au Brésil et au Japon, en revanche,
peu de femmes se lancent dans
l’aventure entrepreneuriale, faute
d’ambition ou d’éducation. « Chez
nous, les femmes sont formées pour
devenir coiffeuses ou esthétici-
ennes, mais très peu se destinent
à l’entrepreneuriat, témoigne la
Brésilienne Deb Xavier, fondatrice
de Jogo de Damas, une entreprise
de conseil et de formation dédiée à
l’émancipation féminine installée à
Porto Alegre.
La culture populaire et notamment
la télévision ont tendance à mag-
nifier le corps et réduire la femme
au rang de potiche. Or une femme
entrepreneure est un sujet à part
entière : elle est dans l’action, tout
le contraire d’un objet ! »
D’une manière générale, un peu par-
tout dans le monde, les femmes man-
quent de figures entrepreneuriales
dont elles peuvent s’inspirer. Ce pro-
blème touche tout particulièrement
le secteur des technologies, dont les
femmes sont cruellement absentes,
y compris aux États-Unis.
« En 1984, le secteur des tech-
nologies employait plus de femmes
qu’aujourd’hui. Cette situation est
extrêmement préoccupante, car
c’est là où se concentrent de plus
en plus la croissance et le pouvoir
: les femmes ne peuvent pas rester
en dehors ! », alerte la réalisatrice
Robin Hauser Reynolds, auteure du
documentaire « Code Debugging the
Gender »
Des pistes concrètes pour
faire bouger les lignes
Pour faire reculer les inégalités
qui freinent le développement de
l’entrepreneuriat au féminin, Ruta
Aidis et son équipe ont dressé une
liste de recommandations très con-
crètes à destination des différents
acteurs concernés.
Les gouvernements sont ainsi
encouragés à s’inspirer des États-
Unis ou de l’Afrique du Sud pour
mettre en place des politiques de
commandes publiques favorables
aux entreprises dirigées par des
femmes, ou encore de la France qui a
instauré des quotas de femmes dans
les conseils d’administration.
Les entreprises privées, quant à
elles, sont invitées à diversifier
les comités de direction et inclure
davantage d’entreprises dirigées
par des femmes dans leur chaîne
d’approvisionnement.
Des organismes comme le 30 %
Club ou WEConnect peuvent les y
aider. Aux femmes entrepreneures
de jouer la carte de la solidarité et
de l’émulation en s’engageant dans
des programmes de tutorat, en
rejoignant des réseaux d’entraide et
en agissant comme des exemples à
suivre.
« Toutes les filles devraient avoir
une image de ce qu’est une entre-
preneure : une femme qui est en con-
trôle de sa vie et qui a toute sa place
sur la scène sociale et économique »,
estime Ruta Aidis. Pour faire évoluer
les mentalités, les médias ont égale-
ment leur rôle à jouer : à l’échelle
mondiale, seulement 25 % de leur
contenu met des femmes en avant
et dans 46 % des cas, ce contenu ne
fait que renforcer les stéréotypes sur
le genre, estime une étude du Global
Media Monitoring Project.
Enfin, chaque individu peut encour-
ager l’entrepreneuriat féminin en
participant à des programmes de
crowdfunding, de prêts à taux pré-
férentiel et d’investissement ciblés
à l’aide de plates-formes de finance-
ment comme Kiva ou Portfolia.
« Au final, nous avons tous à y gagner
», estime Elizabeth Gore. Plusieurs
études ont en effet prouvé que
les entreprises et les sociétés qui
encourageaient la parité affichaient
plus de croissance, plus de chiffre
d’affaires et plus de profit que les
autres. Un phénomène connu sous le
nom de « facteur féminin » et dont il
serait dommage de se priver.
CRÉATIOND’EMPLOIS
Les femmes pourraient créer des millions d’emplois si les entreprises qu’elles ont fondées croissaient au même
rythme que celles des hommes. Les freins qui entravent leur développement étaient à l’ordre du jour d’une
conférence à Berlin.
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ÉCONOMIE
ENTREPRISE
Le Français Mohed Altrad sacré meilleur
entrepreneur mondial
Sources : France 24 / AFP
Mohed Altrad, patron d’un important groupe industriel et président du club de rugby de Montpellier, a reçu le
prix mondial de l’entrepreneur de l’année 2015 décerné par le cabinet EY. Une première pour un Français.
Le prix des aliments de base chute sur les
marchés internationaux
Sources : fao
SÉCURITÉALIMENTAIRE
Les prix des principaux produits alimentaires de base sur les marchés internationaux sont à leur plus bas niveau
depuis septembre 2009, estime l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ils ont en
fait chuté d’un peu plus de 20 % au cours de la dernière année.
À
« environ 60 ans », Mohed
Altrad est devenu le premier
chef d’entreprise français à
remporter le prix mondial de
l’entrepreneur décerné par le cabinet
international EY (Ernst & Young). Ce
patron d’un important groupe indus-
triel représentait la France parmi les
64 gagnants de 53 pays dans lequel
est organisé ce prix, qui lui a été remis
lors du « EY World entrepreneur of
the year », organisé du 3 au 7 juin à
Monaco.
Né en Syrie, Mohed Altrad a dédié
sa récompense à son pays d’accueil
dans lequel il est arrivé sans le sou
dans les années 70. « Ce n’est pas
Mohed Altrad qui a gagné, mais la
France, ce merveilleux pays que
je respecte tant », a réagi auprès
de l’AFP l’homme d’affaires qui a
fait son entrée en 2014 à la 1,741e
place dans le classement mondial
Forbes des milliardaires en dollars.
Son groupe, Altrad, est l’un des
leaders européens des échafaud-
ages et des services aux indus-
tries du BTP. « Un entrepreneur
ne doit pas se transformer en
robot qui fabrique de l’argent, il
faut ajouter d’autres dimensions
à l’économique [...]. Il faut ren-
voyer l’ascenseur à la société »,
a-t-il ajouté. Le président d’EY
en France, Jean-Pierre Letartre,
a pour sa part salué « le par-
cours exceptionnel » de l’homme
d’affaires « qui a su faire preuve
de courage, de persévérance et
d’audace ».
Né sans état civil dans le
désert syrien
Rien ne prédestinait en effet ce
Montpelliérain d’adoption à deve-
nir un puissant businessman. Né
dans le désert syrien à une date
inconnue, Mohed Altrad grandit
dans une tribu nomade de Bédou-
ins, sans état civil. Orphelin très
jeune, il quitte la Syrie vers l’âge
de 20 ans et part étudier en France.
Grâce à d’excellents résultats et
une bourse de son pays d’origine
qui lui permettent de décrocher
un doctorat en informatique, il
entame à Montpellier des études
scientifiques.
De 1975 à 1980, il est ingénieur
chez Alcatel, puis Thomson,
avant de partir pour une compag-
nie pétrolière à Abou Dhabi. Sa
carrière d’entrepreneur débute
en 1984, quand il crée sa propre
entreprise d’informatique, qu’il
revendra à la société Matra un
an plus tard. La même année, il
fait l’acquisition d’une entreprise
d’échafaudages en faillite, qu’il
entreprend de remettre sur pieds.
La société sera la première pierre
du groupe Altrad. Trente ans plus
tard, le groupe, numéro 1 européen
des échafaudages dont le siège
est resté à Montpellier, compte 7
300 salariés et a réalisé un chiffre
d’affaires de 870 millions d’euros
l’an dernier. Avec le rachat du née-
rlandais Hertel, en mars dernier,
Altrad entend doubler son chiffre
d’affaires à plus de 1,6 milliard
d’euros et voir grossir ses effectifs
à 17 000 salariés.
Un agent secret syrien à la
tête d’un club de rugby
L’homme, que le défunt maire de
Montpellier, George Frêche, avait
qualifié d’ « agent secret syrien »
en son temps, est également un
grand amateur de rugby. En 2011,
désireux de rendre la pareille à la
terre qui l’a accueilli à son arrivée
en France, Mohed Altrad reprend
le club de rugby de la ville alors en
difficulté et y injecte 2,4 millions
d’euros.
Il se fait à cette époque remarquer
par les médias locaux en raison
de sa stratégie financière. Altrad
licencie en effet un tiers des effec-
tifs pour assainir les comptes du
club, une décision jugée quasi
révolutionnaire dans cette institu-
tion provinciale, comme le rappelle
un article des « Echos » en 2013.
Toutefois, les effets de la méthode
Altrad peinent pour l’instant à
porter leur fruit dans le monde de
l’Ovalie : Montpellier n’a encore
jamais remporté le championnat
de France de rugby.
Mohed Altrad est à la tête d’un important groupe industriel et du club de rugby
de Montpellier. / Photo : © Pascal Guyot, AFP
D
epuis mai 2014, la baisse
des prix est en fait impor-
tante pour les cinq princi-
paux groupes de produits
alimentaires - produits laitiers (-29,8
%), sucre (-27 %), céréales (-22,3 %),
huiles végétales (-21,1 %) et viande
(-9,7 %).
L’indice des prix atteint main-
tenant 166,8 points, alors qu’il
s’établissait 210,4 points en mai
2014. C’est beaucoup moins élevé
qu’en 2011, alors que l’indice a
atteint 229,9 points pour l’année,
mais tout de même plus élevé que
le niveau de 127,2 points enregis-
tré en 2006. Le déclin de l’indice
s’explique par l’effet combiné de
plusieurs facteurs, dont la progres-
sion de la production globale, la
force du dollar américain, ainsi
que le repli majeur des coûts du
pétrole. Le prix du baril oscille
aujourd’hui autour de 60 $US,
contre environ 100 $US il y a un
an.L’étude de la FAO ne permet
pas de déterminer si les consom-
mateurs profitent réellement de
cette baisse des prix des aliments
de base constatée sur les marchés
internationaux. Statistique Canada
a par exemple révélé le mois derni-
er que le prix des aliments achetés
en magasin au pays a augmenté de
4 % en un an.
Le prix plus élevé des légumes frais
(+4,3 %), dont l’évolution n’est
pas recensée par la FAO, explique
en partie cette situation, estimait
l’agence fédérale. Mais la hausse
globale du prix des aliments,
ajoutait-elle du même coup, est
surtout due à une hausse de 11,2
% des prix de la viande.
Récolte de blé en Alberta. / Photo : © MIKE STURK / Reuters
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JUSTICE
L'avant-projet de code pénal
attend la 50ème législaturepar Eddy Laguerre
«
Ce code napoléonien est battu
en brèche. C’est toute sa philos-
ophie qu’on doit changer », a
lancé, dans sa verve habituelle,
Me. Jean Vandal, l’un des membres
de la commission qui parlait de la
désuétude du code pénal actuel en
vigueur. Cet ancien ministre de la jus-
ticefaisaituneprésentationsommaire
du nouveau code devant plus d’une
centaine de juristes réunis à l’hôtel
Karibe à l’invitation de la CPRJ. Aux
cotés de Me. Vandal, se trouvaient
aussi maître Jean Joseph Exumé,
président de la commission, maître
Sibylle Théard Mevs, vice-présidente
et maître Edwin Cop, membre.
À réalité nouvelle,
infractions nouvelles
Pour la commission, il était
important d’intégrer dans
la législation haïtienne les
nombreuses conventions
internationales ratifiées par Haïti.
Aussi jugeait-elle nécessaire de
légiférer sur de nouvelles pratiques
qui sont entrées dans la vie des
hommes, notamment à travers
les nouvelles technologies, ce qui
n’existait pas en 1835 quand le
code actuel entrait en vigueur.
Des infractions reconnues dans
des conventions internationales
n’étaient toujours pas détaillées
dans nos lois, comme par exemple
les crimes contre l’humanité et le
génocide.
Beaucoup d’instruments
internationauxsontvenusbienaprès
1835 : la déclaration universelle
des droits de l’Homme (1948), la
convention américaine relative
aux droits de l’Homme (1969), le
pacte des droits civils et politiques,
la convention relative aux droits
de l’enfant et la convention Belem
Do Para (1995) sur la violence
contre la femme. « Il fallait donc
harmoniser les dispositions du
vieux code pénal avec cette vision
nouvelle du monde préconisée par
les nombreuses conventions sur les
droits humains ratifiées par Haïti »,
lit-on dans un document présentant
sommairement l’avant-projet de
code.
L’avant-projet de code pénal
introduitaussidansnotrelégislation
des infractions carrément nouvelles
telles : les délits informatiques,
l’incitationausuicide,l’harcèlement
moral, le vol d’identité, l’atteinte à
l’intégrité physique et psychique,
les infractions en matière
d’environnement, de santé
publique, d’éthique biologique.
Par ailleurs des infractions qui
existaient déjà dans notre législation
ont été l’objet de redéfinition ou
de précision supplémentaire, ce
sont notamment l’interruption
illégale de la grossesse, le viol,
le trafic illicite de stupéfiants, la
contrebande et la corruption.
Des réalités nouvelles telles
: l’insémination artificielle
et beaucoup d’autres ont été
prises en compte, rassure Me.
Exumé. Cependant, réagissant
aux questions des journalistes,
Me. Jean Vandal a dû avouer
que la commission n’a pas pu
tenir compte de la sorcellerie
dans la préparation de l’avant-
projet. Il souligne, sans grand
commentaires, qu’il est difficile
d’établir les éléments constitutifs
d’une infraction qui serait liée à
la sorcellerie.
La prison doit être
l’exception
Le système pénal, sous l’égide du
nouveau code, devrait connaitre
une redéfinition des peines qui per-
mettra notamment, d’enlever les
peines d’emprisonnement dans cer-
tains cas où elles étaient prévues.
Les prisons haïtiennes ne devraient
plus accueillir des gens coupables
de contraventions. Les contraven-
tions ont donc été dépénalisées,
dans un souci d’éviter la surcharge
inutile de nos prisons et de prévenir
ainsi d’éventuels cas de détention
préventive prolongée. La CPRJ qui
a travaillé conjointement avec le
groupe Magloire mené par Maitre
René Magloire, lui aussi ancien
ministre de la justice, propose pour
la première fois dans la législation
pénale haïtienne, les peines alter-
natives à la prison. S’inspirant de
certains régimes modernes, dont le
modèle américain, la commission
introduit dans le code pénal, des
peines qui permettent aux juges de
ne pas recourir systématiquement
à l’emprisonnement dans tous les
cas correctionnels ou criminels. Le
placement sur surveillance électro-
nique, la semi-liberté, le suivi des
peines socio-judiciaires sont autant
de palliatifs à la prison inclus dans
l’avant-projet de code pénal. « La
peine d’emprisonnement n’est pas
la règle. Elle peut être remplacée
par une peine d’amende », ont
souligné tour à tour, en des termes
différents, MMes. Sybille Théard
Mevs, Edwin Coq et Jean Joseph
Exumé.
Le ministre de la Justice, Me.
Pierre-Richard Casimir qui
participait à l’ouverture des ateliers
de réflexions sur le contenu de
nouveau code a rappelé que le
document a été officiellement remis
au président de la République en
mars 2015. Il a réaffirmé la volonté
de son Ministère et de tout le
gouvernement d’appuyer le travail
de la commission et de soumettre
en temps et lieu l’avant-projet
aux parlementaires de la 50ème
législature.
Les ateliers ont été animés par
les réflexions des juges à la Cour
de cassation, dont le président
Maître Jules Cantave, de ceux
de la Cour d’appel de Port-au-
Prince, notamment, Maître Jean
Joseph Lebrun, président de
ladite cour et des magistrats de
tous les tribunaux de première
instance relevant de la juridiction
de la cour d’appel de Port-au-
Prince. Une délégation d’avocats
conduite par maître Bergemanne
Berrette a représenté le barreau
de Port-au-Prince. Notons qu’un
seul prétendant au Sénat de
la République a pris part à ces
débats, il s’agit de Me. Jean Renel
Sénatus, candidat au sénat pour le
département de l’Ouest.
Après l’avant-projet de code pénal,
la commission présidentielle de
réforme de la justice se propose
aussi de préparer un avant-projet
de code de procédure pénale en
remplacement de l’actuel code
d’instruction criminelle. Pour
l’instant la commission essaie
de peaufiner l’avant-projet de
code pénal avec les suggestions
et propositions des hommes et
femmes de la basoche rencontrée
dans les différentes juridictions
de la République. À l’issue de
ces démarches de restitution,
le document final sera remis à
l’exécutif pour être transmis au
Parlement, au moment opportun.
Il appartiendra donc aux élus
de la 50ème législature de se
mettre à la hauteur des débats
et des concepts nouveaux qui
s’imposent aujourd’hui dans toute
démarche visant l’actualisation et
la modernisation de la législation
pénale haïtienne.
Même si peu de candidats aux prochaines législatives semblent se soucier des innovations apportées dans la
législation pénale haïtienne par la Commission présidentielle de réforme de la justice (CPRJ), l’avant-projet de
code pénal fait son chemin. Le document a déjà été soumis aux commentaires et aux suggestions des acteurs
judiciaires des cinq juridictions d’appel de la République (Hinche, Cayes, Gonaïves, Cap-Haitien et Port-au-
Prince). Vendredi dernier, c’était au tour des avocats et magistrats de la juridiction de Port-au-Prince de passer
aux peignes fins les 1008 articles de ce nouveau code qui doivent remplacer les 410 articles de l’ancien, vieux de
180 ans.
L. / Photo :
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SOCIÉTÉ
D
es habitants de plusieurs
quartiers de l’aire
métropolitaine souffrent et
se plaignent de la pénurie
d’eau qui affecte considérablement
leurs quartiers depuis plusieurs mois.
À certains endroits de la capitale,
ils se voient obligés d’acheter une
bouteille d’eau de cinq gallons jusqu’à
35 gourdes. De plus,, ils peuvent
parcourir deux à trois kilomètres
avant de trouver un endroit où se
procurer le précieux liquide. Ceux
qui ont moyens, peuvent s’acheter un
camion d’eau jusqu’à deux mille cinq
cents gourdes. Or, ces gens rencontrés
pendant le week-end écoulé avouent
détenir tous un robinet chez eux. « M
pa konprann sa kap pase la a menm.
Se yon lè konsa dlo a koule. E lè li
resi koule a, li pa rete pou lontan »,
raconte désespérément une dame qui
habite à Pacot.
Dans les quartiers de Fontamara
où ces problèmes n’existaient pas,
une dame raconte qu’aujourd’hui,
c’est monnaie courante. C’est à
petite goute, dit-elle, que coule
l’eau de son robinet. Elle affirme
n’avoir pas le temps de remplir un
grand tonneau bleu (doum) de sa
cuisine. De ce fait, elle se voit en
situation d’acheter de l’eau à trois
gourdes le seau. À la quatrième
avenue Bolosse, près du grand
réservoir qui, selon le directeur de
l’Orepa du département de l’Ouest,
peut contenir approximativement
40 mille mètres cubes d’eau et
qui dessert les communautés
avoisinantes, l’eau se vend au prix
fort. À Décaillette, à fort mercredi,
à savane pistache, la quête de
l’eau devient et reste un véritable
casse-tête pour les riverains.
Depuis plus de trois ans, estiment
les habitants de ces localités,
ils sont déconnectés du réseau
hydraulique de la direction
nationale de l’eau potable et de
l’assainissement Dinepa. Un seau
(bokit) de cinq gallons est passé de
2 à 10 gourdes. Il arrive certaine
fois que les habitants de ces zones
paient la « bokit » à 15 gourdes.
Des particuliers s’arrangent de
manière à apporter l’eau dans ces
communautés. Ils remplissent un
« pick up » de grands récipients et
conduisent l’eau dans ces villages
presque tous les dimanches.
À Carrefour- feuilles, plus
particulièrement dans les environs
du marché Tunel, l’eau se fait
également de plus en plus rare. «
Quand elle coule du robinet, elle
pue », lance quelqu’un qui vend
de l’eau dans le quartier. Aussi il
arrive que les habitants y trouvent
des déchets.
Par rapport à cette problématique,
la direction nationale de l’eau
potable et de l’assainissement
Dinepa parait impuissante.
Trouver les réponses qu’il faut
pour remédier la situation semble
devenir un casse-tête pour les
responsables de cette institution
dont la mission, selon le directeur
de l’Office régionale de l’eau
potable et de l’assainissement du
département de l’ouest, Raphael
Hosty, est de donner de l’eau à
la population. Cette distribution
est faite à travers les quatre
Orepa. Ces structures régionales
et départementales coiffent les
centres techniques qui agissent
directement sur le terrain. Mais,
se désole M. Hosty, ces centres
techniques n’ont pas reçu de
subvention de l’État haïtien. « Ils
sont des organismes autonomes et
ont de grands intérêts à distribuer
l’eau. Dayè, se grès kochon an
ki kwit kochon an », raconte le
directeur.
Le directeur de l’Orepa estime par
ailleurs que la distribution de l’eau
devient de plus en plus difficile à
gérer.Ilévoqueplusieursproblèmes.
Pour distribuer l’eau, raconte-t-il, il
faut avoir la capacité de la produire.
Comment y arriver quand les gens
persistent à construire n’importe où
? Ils n’épargnent pas les sources.
Aussi, ils continuent à pratiquer
la coupe des arbres. De plus, a
fait savoir M. Hosty, cette année,
un très faible taux de pluviométrie
est enregistré en Haïti. « La pluie
ne tombe pas », souligne-t-il Pour
s’assurer une bonne distribution de
l’eau à travers les six communes de
Port-au-Prince, estime le directeur
de l’Orepa de l’Ouest, on est obligé
d’ouvrir les robinets pendant un
certain nombre de temps dans
certains quartiers de la Capitale.
« La Dinepa n’est pas en mesure
de produire l’eau. La pluie de
tombe pas. Les sources ne sont
pas en condition de se régénérer.
Les gens construisent n’importe
où s’adonnent régulièrement à la
coupe des arbres. On ne donne
que ce qu’on a », a expliqué
froidement M. Hosty.
Alors que les portes de sortie
paraissent difficilement
envisageables, le directeur Hosty
a laissé comprendre que la Dinepa
n’entend pas baisser les bras. Des
spots sont en rotation sur les
stations de radio de la capitale
pour inviter des individus mal
intentionnés à ne plus perforer
les tuyaux de la Dinepa à des fins
personnelles. « Ces pratiques
engendrent également la pénurie
d’eau constatée à Port-au-Prince
et les calcaires qui s’y trouvent
», explique le directeur. Aussi
des séances de formation et
des journées de sensibilisation
sont programmées et planifiées,
question de porter les habitants à
faire une gestion rationnelle des
réseaux de la Dinepa.
D’ici 2025, nous devons passer
à 400 mille mètres cubes d’eau
par jour. Des objectifs qui exigent
de forts investissements. Mais
pour bien gérer les 120 mille
mètres cubes d’eau disponibles
par jour pour Port-au-Prince, il
nous faut prendre des décisions
concertées avec tous les acteurs.
Oui. Il faut l’admettre, le problème
d’eau constaté à Port- au- Prince
est pour longtemps », a fait
savoir le directeur de l’Orepa du
département l’Ouest.
Dinepa impuissante, les habitants aux abois
par Joe Antoine Jn-Baptiste
L’aire métropolitaine est frappée par une pénurie d’eau. Selon les déclarations du directeur de l’Office régional
de l’eau potable et de l’assainissement du département de l’ouest, Raphael Hosty, la Dinepa, semble-t-il, parait
impuissante à résoudre ce problème. Cette structure a besoin de 350 mille mètres cubes d’eau par jour alors
qu’elle n’en dispose que de 120 mille pour Port-au-Prince.
HAÏTI/DISTRIBUTIOND’EAU
Des habitants de plusieurs quartiers de l’aire métropolitaine souffrent et se plaignent de la pénurie d’eau. / Photo : pseau.org
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SOCIÉTÉ
I
l est 2 h p.m., nous sommes à
la Croix-des-Bossales. Le soleil
est à son zénith. Dans un chaos
de fatras, de fouillis, imprégnés
d’une odeur nauséabonde de choux
en décomposition. Le tintamarre de
bavardage, de bruit, de rires, de cris
ne laisse rien entendre. Mariette, une
commerçante, s’appuie vaguement
contre des sacs de pomme de terre
entassés. Un vieux mouchoir délavé
jeté sur sa tête. Le visage abattu et
ruisselé de sueur, la vieille dame
semble se plonger dans une réflexion
sans dénouement. Jusqu’au moment
où cet acheteur aborde sa marchan-
dise et lui file un mauvais prix. L’air
vexé, elle a dû avaler sa langue.
Comme plusieurs de ses commères,
Mariette s’est initiée au commerce
de Madan Sara dès son plus jeune
âge. Sans retenue, elle déballe son
histoire sous un tour impersonnel :
« Quand on est élevé à la campagne,
si on n’a pas de parents pour
assurer ses besoins, on est obligé
de se lancer toute jeune dans
une activité de commerce ». C’est
dans cette entreprise qu’elle allait
traverser des années jusqu’à vieillir
avant l’âge.
À l’image de cet oiseau migrateur
dont elles tirent leur nom, les
Madan Sara font le va-et-vient
entre la campagne et la capitale
acheter et revendre en gros des
fruits, des vivres et des légumes.
Croix-des-Bossales, l’un des plus
grands centres commerciaux du
pays est le marché potentiel où
elles déversent leurs denrées
agricoles. Ce choix est déterminé,
entre autres, par ce raisonnement:
« Les consommateurs ne peuvent
pas nécessairement se rendre en
province pour s’approvisionner.
Nous sommes donc obligées de
leur transporter les provisions
jusqu’ici ».
Dans l’exercice de leurs activités
commerciales, les “ Madan Sara”
se heurtent à bien de difficultés. Le
trajet épuisant se fait le jour comme
la nuit au haut d’un camion. Tout
comme les sacs marchandises, elles
sont exposées au soleil, au vent, à
la poussière et à la pluie.
Christmène, à environs huit mois
de grossesse, voyageant de Forêt-
des-pins à Port-au-Prince (90 km)
tous les lundis et jeudis, raconte
ses péripéties: « Les camions
tombent parfois en panne pendant
deux à trois jours. Nous passons
alors la nuit dans les bois, sous
la pluie. Récemment, un camion,
dans lequel je me trouvais, a été
renversé. Je suis enceinte, alors,
on peut bien imaginer ce que c’est.
Puisqu’il n’y a pas d’autobus dans
le circuit, nous, les marchandes,
sommes donc obligées de monter
dans le même camion qui transporte
nos marchandises ». Et Jeannita
qui conduit ses activités dans ce
secteur depuis 36 ans se rappelle
avoir connu quatre accidents de
trajet.
Et Croix-des-Bossales, la galère se
poursuit. Elles sont rançonnées,
battues, violées par les assaillants
qui sévissent dans la zone. « Parfois,
on vend toute la marchandise et on
rentre à la maison sans un sou », se
plaint Mariette, « car les malfrats
de la zone nous ont tout piqué »,
ajoute-elle d’un air dépité.
C’est aussi dans cet environnement
malsain où elles se restaurent et
font un brin de toilette. Elles
risquent, sans doute, d’attraper des
maladies infectieuses. D’ailleurs,
elles confirment que quelques unes
d’entre-elles ont été atteintes de
choléra.
Souvent traitées comme des parias,
les Madan Sara sont pourtant
le socle de l’économie nationale
compte tenu de leur apport. Et
Mariette le reconnait bien: « Les
femmes travaillent plus rudement
que les hommes. Nous transportons
des sacs assez lourds. Nous passons
toute la nuit sur le dos d’un camion.
Nous sommes donc utiles au pays,
parce que nous nous nous occupons
de nous-mêmes et nous nous
occupons aussi de nos enfants ».
Comme les siens terminent
aujourd’hui leurs études clas-
siques dans la Capitale, Jean-
nita se donne un satisfecit de
voir murir le fruit de ses efforts.
« Komès Sara se bouske lavi,
detwi lavi », déclarent-elles. Les
Madan Sara sont les symboles des
femmes courageuses d’Haïti.
«
C’est un point de repère pour
quiconque désire entrer dans
la capitale », pense plus d’un.
Même si quelqu’un somnolait
en bus, arrivé dans cette zone, il ne
saurait ne pas ressentir cette odeur de
poisson. On peut avoir l’impression
d’en avoir dans sa poche, dans ses
bagages…et même sous sa veste,
quand en bus, on passe par le bou-
levard Jean-Jacques Dessalines.
C’est le marché de poissons de la
commune. La Rochelle a l’odeur des
poissons, disent-ils.
Tous les jours, notamment les
dimanches, des gens viennent
de partout acheter du poisson à
Larochelle. On n’y vend que cela
d’ailleurs. « lè w vin nan mache sa
a, pwason fè mikalaw », raconte une
jeune fille enthousiaste.
Samedi dernier, elle y était allée
s’acheter du poisson pour le dîner
du dimanche. « Twòp moun vin
achte lè dimanch maten, li pi
fasil pou mwen achte nan samdi
», explique-t-elle. Mais, samedi
est l’un des deux jours pendant
lesquels le marché ne fonctionne
pas comme il se doit. Ce qui donne
à cette fille certaines difficultés à
trouver les poissons qu’elle désire.
Le « mache pwason » de Fontamara
43 est en construction depuis
plusieurs mois. Les activités
commerciales demeurent au
top dans cette poissonnerie
publique qu’on peut compter
parmi les marchés-trottoirs de
l’aire métropolitaine. À chaque
« machann pwason », un vieux
réfrigérateur, une balance, et pour
certains, des cuvettes, des igloos…
Les poissons sont conservés dans
les glacières. Le prix des poissons
est évalué en fonction de leurs
poids dans la balance. Surtout
quand ils sont vendus en gros à des
revendeurs.
Madan Jean est poissonnière à
ce marché de Fontamara. Elle y
vend ses fruits de mer depuis très
longtemps. La dame estime que
Larochelle est le marché ayant le
moins d’insécurité dans la capitale.
« Isi a se pi bon ti mache ki taka
genyen, siw tande yon zak fèk la
a, ou mèt kwè se moun k’ap pase
ki fèl », martèle la commerçante
qui frise la quarantaine et fière de
son commerce. Jusqu’à présent,
avoue-elle aucune contrainte
n’est imposée à une personne qui
voudrait intégrer le commerce de
poissons à Larochelle. « Lè yo fin
fè mache a, yo ka fè moun peye,
men pou kounya a pa gen okenn
frè », nous explique Madan Jean
qui attend ce samedi, le camion
qui doit livrer les poissons au
marché.
Madan Jean n’est pas la seule
à attendre le camion, ils
sont plusieurs dizaines, les
poissonniers et poissonnières
de Larochelle qui attendent
cette livraison. Elle doit se faire
vers les deux heures de l’après-
midi. Les glacières sont presque
vides. « Un scénario qui se répète
chaque mardi et chaque samedi à
Larochelle », nous racontent les
marchands. Les poissons qu’on y
vend proviennent de Jacmel et de
Léogâne. Une chose qui pourrait
étonner plus d’un : « lamè sa a pa
gen pwason ladan », nous raconte
Madan Jean en pointant la baie de
Port-au-Prince.
Comme tout marché-trottoir,
Larochelle n’est pas à l’abri des
accidents de la circulation. Tout
mauvais « coup de volant » dans la
zone peut coûter la vie à ces mar-
chands de poisson qui étalent leurs
produits aux abords des trottoirs où
les véhicules filent toujours à toute
vitesse. Peut-être pour fuir l’odeur
que libèrent les fruits de mer stoc-
kés dans la région. Les marchands
de poisson déclarent avoir beau-
coup de mauvais souvenirs de cet
endroit. « Sa pa gen lontan yon
machin te pèdi fren li antre sou
kèk machann ki t’ap vann la a. Men
se la nou genyen, nou paka al lòt
kote », ajoutent-ils.
En attendant, ils espèrent que la
construction du marché s’achève
réellement. Ils n’encourront plus
de danger et pourront vendre
leurs produits dans de meilleures
conditions et en toute quiétude.
Les « Madan Sara », femmes de courage
par Obed Lamy
Larochelle : on n'y respire que du poisson
par Ritzamarum ZÉTRENNE
Les «Madan Sara» font le va-et-vient entre la campagne et la capitale acheter et
revendre en gros des fruits, des vivres et des légumes. / Photo : cordaid.org
À Fontamara 43, sur les trottoirs du boulevard Jean-Jacques Dessalines, Larochelle accueille chaque jour de
nombreuses personnes. Elles y vont pour acheter du poisson pour leurs repas ou leurs petits commerces de
quartier. Mais l’endroit est surtout réputé pour son odeur de pestilence.
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42 LUNDI 20 JUILLET 2015
CULTURE
CARIFESTA XII, Jour J - 32e
Par ÉLISÉE DÉCEMBRE
D
u 21 au 30 août, Haïti sera
sous les feux des projecteurs
caribéens en accueillant la
douzième édition de Cari-
festa, l’événement culturel le plus
varié et le plus inclusif de l’Amérique
latine. En pleine période électorale, le
public a encore du mal à se concen-
trer sur cette activité. À part l’hymne
du festival, interprété par Mikaben,
Renette Désir, Rutshelle Guillaume et
J. Perry, tourné en boucle sur les sta-
tions de radio, et quelques médias qui
parlent brièvement de l’événement, il
n’y a aucune autre forme de publicité
pour attirer le regard du public cul-
turel haïtien vers ce festival des arts.
Sur les façades des murs et sur les «
billboard », on ne voit que les visages
des candidats. Pour un événement
qui réunit tous les payse la Caricom
(marché commun de la Caraïbe) et
d’autres pays invités, la visibilité
passe presque inaperçue.
À compter d’aujourd’hui, il ne
reste que trente-deux jours pour
la grande ouverture de Carifesta
XII. Certains directeurs artistiques
des pays membres de la Caricom
ont déjà foulé le sol d’Haïti pour
finaliser leur programme et com-
pléter les efforts du comité organ-
isateur.
« Les préparatifs vont bon train,
ils sont à un stade très avancé,
évidemment. C’est du travail de
longue haleine, mais l’équipe s’y
attelle pour délivrer un bon fes-
tival », signale Mme Prophète,
première responsable de la com-
munication de Carifesta XII. Elle
met l’accent sur le « Grand Market
» qui est le pilier de cette mani-
festation culturelle. Le « Grand
Market », espace d’exposition, de
vente, de performance et de créa-
tion, s’étendra sur les rues Capois,
Légitime, Magloire Amboise et
Magny. Chaque pays participant
aura son périmètre d’exposition,
ce qui permettra au grand public
de visiter ces pays et d’identifier
les diversités et les points com-
muns qui existent entre eux.
Carifesta est un package qui
réunit, sur un même plateau, gas-
tronomie, arts visuels, théâtre,
danse, projections, débats, con-
certs. Selon les responsables, ce
sera l’occasion pour le pays de se
vendre et surtout, de présenter
son art, sa culture, son envie de
vivre, sa manière d’habiter le
monde, sa générosité. Carifesta
XII fera le tour de cinq départe-
ments : l’Ouest, le Sud, le Sud-Est,
le Nord, l’Artibonite, et d’environ
sept villes : Port-au-Prince, Car-
refour, Pétion-Ville, Gonaïves,
Jacmel, Cayes, le Cap-Haïtien.
« Pour qu’un artiste participe à
Carifesta, il faut qu’il ait déjà fait
ses preuves. L’artiste qui participe
à l’événement représente le pays ;
c’est comme aux Jeux olympiques
: ce sont les meilleurs athlètes qui
sont choisis. La Direction artis-
tique de Carifesta a donc choisi
parmi les meilleurs.
Les artistes moins expérimen-
tés auront aussi la possibilité de
s’exprimer : Carifesta a un « Youth
Program » auquel ils peuvent
s’inscrire. Il faut que leur propo-
sition soit originale et respecte les
droits d’auteur. La Direction artis-
tique est ouverte à leurs proposi-
tions », explique Philippe Dodard,
directeur artistique de carifesta
XII.
À part des pays membres de la
Caricom, Anguilla, Antigua-et-
Barbuda, la Barbade, la Domi-
nique, Guyana, la Jamaïque, le
Surinam, Trinidad and Tobago,
Saint-Kitts-et-Nevis, les Îles Caï-
mans, les Bahamas, beaucoup
d’autres pays de l’Amérique
latine et de l’Amérique du Nord
qui ont reçu l’invitation ont déjà
confirmé leur présence. C’est le
cas notammement du Mexique,
des États-Unis, du Canada et les
îles françaises de la Caraïbe et de
l’Amérique du Sud, la Martinique,
la Guadeloupe, la Guyane et Cuba.
L’Équateur et le Venezuela, qui
promettent de répondre sous peu,
ont récemment reçu l’invitation
du président de la République,
Michel Joseph Martelly, égale-
ment président d’Honneur de
Carifesta XII.
Carifesta est organisé tous les
deux ans dans un pays membre
de la Caricom. En 2013, le festi-
val a été accueilli par Surinam, et
ce fut le chanteur haïtien Wyclef
Jean qui l’avait clôturé pour
annoncer sa prochaine organisa-
tion en Haïti. En 2017, ce sera
au tour de la Barbade. Aucune
information n’est encore révélée
sur l’artiste barbadien qui aura à
clôturer l’événement cette année.
Le public attend la programma-
tion avec impatience. Pourrait-on
avoir la chanteuse internationale
barbadienne Rihanna pour clore
Carifesta ?
Le comité de la douzième édition de Carifesta (Caribbean Festival of Arts). /
Photo: Élisée Décembre
Ce samedi 18 juillet 2015, le comité de la douzième édition de Carifesta (Caribbean Festival of Arts) a donné une
conférence de presse au BHDA (Bureau haïtien des droits d’auteurs) autour des préparatifs de ce grand festival.
Il a profité de l’occasion pour préciser que Carifesta XII n’est pas une question propre à un groupe de personnes
et que le comité à lui seul ne peut pas tout réaliser. Selon les responsables, tous les secteurs du pays doivent s’y
impliquer à leur niveau. Dans ce même but, ils pensent former un réseau de journalistes qui sera étroitement
connecté au Comité pour informer le public à temps du déroulement des activités.
par Walcam
Konpa Kreyòl est de retour
La bande de David Dupoux et Ti Djo Zenny
est de retour pour une soirée dansante cet
été. Konpa Kreyòl, « djaz lajenès la », sera le
14 août à Tara’s-la-Sapinière pour un grand
bal avec les groupes Carimi et T-Vice comme
invités, selon une programmation que nous
avons lue sur la page des Vice-2-K.
...
Ralph tourne le dos à Zenglen
L’ex-guitariste de Nu Look, Ralph Condé,
qui avait, depuis quelques années, rejoint
le Zenglen, a décidé de tourner le dos à la
bande de Brutus Dérisaint. Selon le maga-
zine en ligne Konpa Magazine, Ralph laisse
tomber Zenglen pour se consacrer essen-
tiellement à son nouveau groupe musical
Kòd. D’ailleurs, il a annoncé sur les réseaux
sociaux la sortie prochaine de son opus qui
est en préparation dans son studio. À rap-
peler que Ralph Condé a joué aussi avec le
Tabou Combo.
Yòk pou pè , d’après T-Vice
Le groupe T-Vice annonce qu’il est en train
de tourner deux clips qui seront distribués
bientôt. Il s’agit de deux compositions sur
son dernier album : « Yòk pou pè » et « NSA
». Le guitariste chanteur du groupe a publié
une photo d’un shoot de la vidéo « Yòk pou
pè », sur sa page de réseau social afin de
mobiliser ses fans.
...
une salle de cinéma à Pétion-Ville
Le rêve d’avoir à nouveau une salle de
cinéma à Pétion-Ville est enfin devenu
réalité. RevHomeCinema, avec plus de soix-
ante sièges, a ouvert ses portes au com-
plexe Quality de la rue Lambert, zone église
Saint-Jean Bosco, avec un prix spécial pour
les enfants. Rev Ciné, qui a une program-
mation qui commence dès midi le weekend,
rêve de devenir l’attraction de la cité. Le
seul problème, ce sont les marchandes aux
abords.
...
Fifty Cent ne peut pas payer
Le rappeur 50 Cent est dans l’impossibilité
de payer cinq millions de dollars d’amende
après avoir diffusé un sexe tape d’une anci-
enne amie de Rick Ross, a révélé le Wall
Street Journal. Fifty Cent a déclaré ne pas
disposer d’une telle somme et qu’il était
en faillite. Le lundi 13 juillet, il a déposé
son bilan aux États-Unis pour demander la
protection du chapitre 11 de la loi sur les
faillites.
Vu et entendu !
LUNDI 20 JUILLET 2015 N0
42 | 19
CULTURE
Rambo ressort du boisSOURCE : LIBERATION
T
rente-trois ans après, que
reste-t-il de John J. Rambo ?
Pas celui qui s’apprête à com-
battre l’Etat islamique dans un
futur Rambo 5 comme annoncé par
Stallone il y a quelques jours, mais
l’autre,celuiquirejointsonpaysaprès
la défaite avec un drapeau américain
cousu sur la poitrine, le héros déchu
du premier opus de la saga qui ressort
cette semaine en (de rares) salles dans
une version restaurée. Pour le savoir,
nous avons… revuRambo.
Un héros bio lo-fi adepte du do-
it-yourself Dans l’imaginaire col-
lectif, Rambo passe sans émotion
d’un charnier à une explosion.
Mais dans ce premier volet, le
personnage ne tue point, se con-
tentant de blesser les rednecks
serviteurs de la loi dans la bonne
ville de Hope. Vêtu d’une toge
goudronnée à la couleur indé-
finissable, il sillonne la forêt sans
armes autres que son couteau, en
précurseur de la décroissance et
du survivalisme, recousant seul
ses plaies, dévorant autour d’un
feu de camp une cuisse de cochon
sauvage tué au pal.
Sans compter que Rambo rend
moche ce qu’il représente : le
temps est merdique, les rapports
humains détestables, la notion
de justice élastique. Au plus près
d’un réalisme prisé des séries B,
qu’on retrouve aussi dans des
scènes minières éclairées aux
allumettes, ou dans la musique
de Jerry Goldsmith, qui fait écho
à celle des Sept Mercenaires, con-
struite autour de basses au piano
squelettiques, laissant l’enflure
des orchestrations musculeuses
pour le thème principal.
«A quoi pensait Dieu en faisant
un mec comme Rambo ?» crie le
film. On penche pour Robinson
+ Thoreau + Clausewitz. Pour
David Morrell, qui a écrit le roman
dont le film est adapté, Rambo est
l’archétype de ses étudiants reve-
nus du Vietnam qui refusaient de
se soumettre à son autorité de prof
et dont il a perçu les symptômes
d’un mal à l’époque méconnu : le
stress post-traumatique.
Un pionnier de la guerre
autoproduite
En étrillant des Viets (Rambo II),
des soviétiques avec l’aide des
talibans(III), et l’armée birmane
(John Rambo), Rambo connecte
sa saga à une vague actualité de
l’état des conflits dans le monde.
Mais son principal fait d’armes
réside dans cette guerre de 1982,
créée ex nihilo sur le sol rea-
ganien, et vue comme une métas-
tase du bourbier vietnamien, une
relecture du chassé-chasseur à
la Zaroff, ou une escalade tenant
de la querelle de gosse où l’on se
déresponsabilise en rejetant sur
l’autre l’origine du premier sang
(titre original : First Blood).
Le réalisateur, Ted Kotcheff,
n’oublie pas de poser dans le
décor les journalistes des pre-
mières chaînes d’info en continu,
venus capter la légende. Par leur
intermédiaire, Kotcheff dissout
la grammaire du film dans celle
du reportage télé, le temps de
quelques plans. La légende de
Rambo, trente ans plus tard, c’est
celle de dialogues taillés au poig-
nard de survie («Ce gars mangerait
des trucs à faire vomir un bouc»),
mais aussi celle d’un bébé cultur-
iste effondré dans les bras de son
supérieur, qui pleure en évoquant
les tripes explosées de son copain
et lâche : «Là-bas, je conduisais
des chars qui valaient des mil-
lions, ici je ne peux même pas être
gardien de parking.» Ted Kotcheff
explique dans la version DVD :«En
1982, le public américain a com-
pris que les vétérans du Vietnam
avaient été traités mesquinement,
qu’ils étaient les boucs émissaires
de leurs sentiments négatifs sur
la guerre.» Le réalisateur raconte
aussi que les salles vibraient corps
et viscères pour ce héros injuste-
ment traité.
Depuis, le cinéma américain s’est
souvent transformé en clinique
pour guerriers vétérans.
Mais, en 1982, Rambo est avant
tout un exutoire à la mauvaise
conscience américaine qui, après
avoir pourri le retour de nombre
de ses semblables, voulait que,
au moins sur l’écran, celui-ci soit
sauvé.
Rambo ressort du bois. / Photo: Liberation
Lire « Stella » et partager la passion
de la libertéPar Magdalée Brunache
J
e dois vous avouer, au risque
de paraître prétentieuse, que
ce qui m’a déterminée à lire
« Stella » d’Emeric Bergeaud
fut une notice sur la quatrième de
couverture qui indiquait que très peu
d’intellectuels haïtiens pouvaient se
targuer d’avoir lu ce livre. Et oui ! Pre-
mier roman haïtien, c’est pourtant, en
effet, un texte assez méconnu.
Écrit à une époque où l’auteur,
Emeric Bergeaud, se trouvait en
exil, ce roman dénote néanmoins
un patriotisme fervent, preuve que
l’amour de la patrie avait subsisté
dans le cœur de l’auteur. Le roman
relate sous le couvert de la fiction
les grands moments de la Révolu-
tion de Saint-Domingue jusqu’à la
proclamation de l’Indépendance.
Romulus et Rémus personnifient
les quatre grands meneurs de la
Révolution, à savoir : Rigaud,
Toussaint, Dessalines et Pétion.
Au début du roman, ces deux frères
et leur mère, l’Africaine, sont
soumis à tout ce que l’esclavage
a pu comporter de cruautés. Ils
supportent néanmoins coura-
geusement la morgue du maître
et la dureté de leurs conditions
de vie jusqu’au jour où l’Africaine
succombe sous le fouet du colon,
soucieux à cause des nouvelles
de la Révolution française. Elle
se traînera néanmoins jusqu’à
sa case (faisant un peu penser à
Manuel dans « Gouverneurs de la
rosée ») et indiquera à ses
fils la montagne, symbole de
liberté. Ainsi naquit chez Romulus
et Remus ce sentiment de révolte
que leur rencontre avec Stella va
attiser.
Dans ce récit allégorique, Stella
est la personnification de la
liberté. Elle est l’espoir qui anime
les esclaves révoltés. Quand les
deux frères finissent par s’éloigner
des véritables objectifs de la
révolution, c’est à ses pieds, qu’ils
reviennent implorer le
pardon. Tout au long du par-
cours menant à la proclamation
de l’Indépendance le 1er janvier
1804, elle guidera les insurgés.
Elle est la vierge céleste des
poèmes d’Antoine Dupré, l’étoile
des nations !
Emeric Bergeaud s’est attaché à
rester fidèle à l’histoire, tout en
la mêlant étroitement à la fiction,
une manière de retenir l’attention
de ses lecteurs. Ses personnages
principaux sont plus idéaux que
réels. Ce texte que l’auteur confia
à l’un de nos premiers historiens,
Beaubrun Ardouin, témoigne d’un
grand souci de documentation...
Il faut lire ce roman, ne serait-ce
que pour être traversé par ce souf-
fle de patriotisme, d’engagement,
à une époque où l’on répugne sou-
vent à s’engager pour une cause.
Pour savourer une littérature
haïtienne encore à ses premiers
frémissements. « Stella » est
un élément important de notre
patrimoine littéraire qu’il convient
d’apprécier à sa juste valeur.
Loin du héros ultra-belliqueux des suites passées (et à venir ?), le personnage illustre dans le film originel,
désormais restauré, la conscience crasseuse de l’Amérique de Reagan.
CINEMA
20 | N0
42 LUNDI 20 JUILLET 2015
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  • 1. » P. 16 » P. 18 »   P. 5 SOCIÉTÉ CULTURE » suite page 4 » lire page 3 Dinepa impuissante, les habitants aux abois par Joe A. Jn-Baptiste CARIFESTA XII, Jour J - 32e Par ÉLISÉE DÉCEMBRE Les partis et les candidats doivent encore attendrePar Noclès Débréus HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES LUNDI 20 JUILLET 2015 NUMÉRO 42 WWW.LENATIONAL.HT QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI ACTUALITÉ Une campagne déséquilibrée HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES / FINANCEMENT E n plein cœur de la campagne pour les législatives du 9 août 2015, la question de financement des élections tient encore le débat. Plusieurs candidats à la présidence ou aux législatives se sont déjà prononcés sur la question. Judie C. Roy, candidate à la présidence du parti Reparen, et Turneb Delpé, candidat au Sénat du Mouvement patriotique populaire dessalinien (Mopod) pour le département de l’Ouest dénoncent une manœuvre du pouvoir visant à boycotter les candidats en refusant d’accorder la subvention promise. La République dominicaine redoute l'arbitrage de l'OEA Par Jean Michel Cadet
  • 2. 2 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 TRIBUNE C ’est de l’inconstance que de se détourner de son but, de son objectif et de son rêve. C’est aussi de l’inconstance que de vivre sans rêves, sans but, sans aucune forme d’orientation. Encore de l’inconstance que d’accepter les choses comme elles arrivent. En cela, nous nous désaccordons d’Epictète et même de tout déterminisme his- torique et social ou du déterminisme tout court, sans vouloir déplaire à Montesquieu. Nous traitons de l’inconstance comme un mal. Un mal haïtien. En tant qu’elle est cette facilité à changer d’opinion, de résolu- tion ; cette facilité à tourner casaque, à adopter une nouvelle conduite, à exprimer de nouveaux sentiments. Dis-je pourtant qu’il ne s’agit pas d’un mal de la condition humaine, l’inconstance ? Je n’oserais pas. J’offusquerais Montaigne : « Quel inconstant, que l’homme ? » écrit-il. Mais l’inconstance comme mal haïtien est mue surtout par les conditions socioéconomiques dif- ficiles qui prévalent dans l’Haïti mal foutue de 2015. Une Haïti mal foutue, disons-nous. Cette Haïti où tout est monnayable et monnayé. Ne vous méprenez pas, nous savons fort bien que de tels propos sont le propre du capitalisme, du capi- talisme à outrance qui déshuman- ise. Cependant, certaines sociétés essayent, autant que faire se peut et tant bien que mal, d’apaiser cette marche capitaliste qui transforme toutes les relations humaines en des rapports économiques étroits. Et c’est devenu aujourd’hui notre laby- rinthe, une fausse issue dans nos entreprises. Nous nous y sommes pris en véritables amateurs, nous sommes perdus, nonchalants, indo- lents, dans des méandres insond- ables. Inconstance ! Nous mettons en cause l’inconstance. L’inconstance comme mal haïtien. En 2015, Haïti prépare les élections qui doivent débuter au mois d’août, au-delà de beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes. Incertitudes, parce que quasiment tous les secteurs de la vie nationale doutent que des scrutins soient possibles dans cette Haïti. Mais encore, d’aucuns remettent en question la capacité du Conseil électoral provisoire et surtout sa crédibilité, l’inconstance même de son président avec une histoire trouble dans les élections de 2010. Inquiétudes, parce que les élections en Haïti charrient toujours des crises profondes qui laissent des plaies béantes, difficilement cicatrisables. Les exemples ne se comptent pas, mais prenons-en de récents : les élections de 2000, 2006 et 2010. Qui ne s’en souvient pas ? Casses, vandalisme, des centaines de victimes blessées ou tuées par balles… Pour dire simplement que les élections chez-nous sont le prétexte d’un cycle infernal de violences. Inconstance ! Difficile pour nous de ne pas en perdre le nord. Difficile de garder le cap dans ces conditions de crises devenues structurelles et institutionnelles. Les partis politiques pullulent. Et les candidats aussi, mais encore plus nombreux. Il est presque évident que chacun veuille fonder son propre petit parti. Ils sont plus de deux cents. Et même que le compte n’est pas bien juste. S’agissant du compte des candidats, il faudrait, dans le cadre de nos propos, les voir au niveau de tous les postes électifs. Peut-être dans la suite de cet entretien, surtout que nous nous serions exposés à de trop grandes discussions déjà existant sur le bon ou le mauvais côté de cette multiplicité de candidats aux élections en Haïti. D’autant que, dans des débats contradictoires assez savants, sociologues, politologues et experts ont épilogué sur la question. Nous pourrions seulement nous interroger sur la vertu de nos débats, leur sens, leur importance. À quoi permettent-ils d’aboutir ? Dis-je pourtant qu’il ne faut pas débattre ? Loin de moi une telle pensée. Et même à écrire mes textes, je me demande pourquoi. Pourquoi devrait-on me lire ? Pourquoi voudrait-on prendre ce que j’écris au sérieux ? Pourquoi voudrait-on me suivre dans ce qu’éventuellement je pourrais proposer ? Pourquoi devrais-je dire ce que je pense ? Qui m’écouterait ? Et même si j’étais écouté, qui prendrait en compte mes propos ? En Haïti, qui sont ceux qui lisent, qui écoutent, qui participent, qui comprennent ? Personne ! Sinon très peu ou même trop peu ! Les théories nous indiffèrent, nous sommes passifs. Voilà un autre mal ! Pourtant, je suis d’avis que les grandes théories façonnent le monde. Albert Camus aussi est de cet avis. Il écrit même dans son Mythe de Sisyphe que les plus grandes œuvres naissent toujours au détour d’une rue ou dans le tintamarre d’un restaurant. Toute grande nation naît d’idées, de théories. Les États-Unis d’Amérique sont en majeure partie construits à partir des idées de Thomas Woodrow Wilson. Gardons-nous de mille et un autres exemples. Mais en Haïti, quelles sont les idées, les théories qui nous construisent, qui nous déterminent ? Nous en connaissons qui nous sont propres, telles celles de Firmin, de Price- Mars, de Roumain, de Jacques Stephen Alexis et de tant d’autres. Mais en vrai, quelles sont celles qui nous définissent comme peuple ? Voyez-là une bonne raison justifiant que nos gouvernants soient, pour le plus grand nombre, des hypocrites, des mercenaires, des médiocres et des passifs. Des passifs, nous le sommes bien plus qu’eux. Notre passivité se traduit dans la quasi- totalité de nos actes. Elle nous gouverne aussi en ce qu’elle nous donne les chefs conçus pour nous et par nous mais encore taillés sur mesure, à notre mesure. Nous sommes passifs et par conséquent paresseux. Nous n’avons rien de construit en matière de doctrine. C’est ici ma grande préoccupation et qui me fait me répéter dans ce même texte. Quelles sont les doctrines politiques, les doctrines économiques, sociologiques sur lesquelles est fondée cette nation ? Quel modèle façonne notre système éducatif ? Nous sommes passifs et paresseux en ce que nous laissons notre identité de peuple s’effondrer graduellement. Et comme nous ne voulons rien construire, nous sommes devenus un peuple de parasites, dépendant, pleurnichard, pitoyable, improductif en tous points considérés. C’est en cela que nous sommes mineurs, inaptes à décider de notre propre destinée. Si nous pouvons être fiers de l’histoire qui nous a fait naître, nous devrions pleurer aujourd’hui d’avoir tout détruit et d’être à la merci de ceux- là mêmes qui sont jaloux de ce que vaut notre passé historique. Nous sommes tous des passifs et pour cela nous avons un pays juste à la dimension des êtres que nous représentons. Nous ne désirons plus être nous, nous nous identifions à d’autres et c’est en cela que nous perdons notre essence, notre quintessence même de peuple. Qui sont ces hommes politiques haïtiens à avoir lu « Les Théoriciens au pouvoir » de Demesvar Delorme, « De l’Égalite des races humaine » de Firmin, « La Vocation de l’Élite » de Jean Price-Mars… ? Qui d’eux connaissent Félix Morisseau-Leroy, René Depestre, Roumain, Alexis… ? Loin de moi l’idée de prôner une approche intellectualiste du pouvoir en Haïti, mais il serait temps que les hommes qui aspirent au pouvoir dans le pays aient une certaine formation académique requise en la matière et soient capables de nous représenter valablement. Nous ne devrions pas non plus être dupes. Les académiciens, les intellectuels doivent avoir plus que leur savoir pour guider le développement sociopolitique de ce pays : l’honnêteté, le patriotisme, le sens de l’honneur, le sens du devoir et de la responsabilité. Et voyez le contraire de chacun de ces termes comme un mal pernicieux et corrosif à la base de cette société déchirée, mal-en-point et désarçonnée. Je ne voudrais pas m’imposer en donneur de leçons, ou même croire que je produis un texte académique qui va révolutionner la pensée. Il serait trop fat de ma part de l’imaginer d’autant que je suis déjà très conscient de toutes les faiblesses qu’accusent mes propos par ma manière des les exprimer ou peut être même mon incapacité à les illustrer par de grandes théories déjà élaborées sur de telles questions. Cependant, je ne voudrais pas non plus qu’on m’enlève le droit de traduire ce que je porte en moi et qui me démange. Cela me courberait évidemment dans le cycle de ces autres maux haïtiens, le manque d’honnêteté, de patriotisme, du sens de l’honneur, du sens du devoir et de la responsabilité dont il faut nécessairement parler. Surjection !par Jackson Joseph
  • 3. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 3 ACTUALITÉ Une situation économique de plus en plus préoccupante Les prix des produits de première nécessité sont à la hausse dans tous les marchéspublics.Lesamedi18juillet,LeNationalaconstatéquelamarmitede rizpassaitenmoyennede25gourdesà28-35gourdes.Lagrossemarmitede haricotnoirpassaitde260gourdesà350gourdes.Leharicotrougeestpassé de300à375gourdes.Lesacdefarine25kgsubissaitunehaussede675à960 gourdes.Lagrossemarmitedesucrepassaitde22gourdesà25gourdes.La petiteboîtedelait,qu’onvendaitàtroispourcinquantegourdes,s’échangeait à20gourdeslaboîte.Duspaghettiauxboissonsgazeusesenpassantparle maïsquisubissaitdeshaussesde10à25gourdes,rienn’estépargnédepuis lachuteaccéléréedelagourde.Lescitoyenssontauxabois. On entend touteslesthéoriespourexpliquerlachutedelagourde,comme celle qui prétend que nous vivons au-dessus de nos moyens. Comme quoi, nous aurions trop de gourdes, ce qui ferait pression sur le dollar. Certains économistes ont tendance à faire toutes sortes de spéculations, excluant l’humain de leur calcul, donnant seulement une âme à la monnaie et aux marchés.Ceseraitbiend’allerexpliquerauxlaissés-pour-comptedecepays, largementmajoritaires,qu’ilsdépensenttropparcequ’ilsonttropdegourdes etqu’ilsfontpressionsurledollaraméricain. Ce qui est certain, c’est que notre production nationale qui bat de l’aile, les dépenses inutiles de l’État, la corruption, donc les mauvaises politiques publiques, sont les principales responsables de la situation actuelle qui ne faitqu’empirer.Danslescausesstructurelles,onnepeutnepasmettrecette stupide frénésie de jouissances de privilèges que manifestent toujours nos dirigeantsdansunpaysaussiàlatraîne,aussidémuni. La Banque delaRépubliqued’HaïtiarappeléauNational,suiteàunarticle et un éditorial publiés le jeudi 16 juillet 2015, examinant la conférence de pressedesongouverneur,qu’elledisposaitdetouslesmoyenspourmaîtriser la situation. L’institution, chargée de la protection de notre monnaie, pour montrer qu’elle ne partageait pas notre approche, a fait parvenir le même jeudi soir une note rectificatrice libellée en ces termes : « La Banque de la Républiqued’Haïtialuavecétonnementl’éditorialduquotidien«LeNational »#40dujeudi16juillet2015,titré«L’incertitudecontinue»paruenpage3, etl’articleéconomique,paruenpage10,«Desmesuresquinerassurentpas »souslaplumedeJean-MichelCadet,oùlesdeuxauteursprêtentdespropos auGouverneurdelaBanqueCentraled’Haïti,MonsieurCharlesCasteln’ayant aucun rapport avec ceux tenus lors de la conférence de presse du 15 juillet 2015,notammentsurlesdirigeantshaïtiens. Lorsdesonintervention,leGouverneuraprésentélesdifférentesmesuresque laBRHaprisesouqu’ellecompteprendrepouragirsurl’offreetlademande dedollarsenutilisantsestroisinstrumentsd’intervention(lesréservesobliga- toires,lesbonsBRHetlaventedesdollars).Ilarappelélesniveauxderéserves brutesetnettesainsiquelesengagementsprisparl’Etathaïtiendanslecadre duprogrammeFECavecleFMI. La BRH aétérassurantesurlesperspectivesdestabilisationdumarchédes changes.» LeNational,soucieuxdel’intérêtdelapopulation,vadoncsuivreavecencore plus d’intérêt l’évolution de la situation économique en espérant que les mesuresprisesparlaBanquedelaRépubliqued’Haïtiramèneront,dumoins, le calme sur les marchés et dans les familles en attendant que de bonnes politiquespubliquespenséespardesdirigeantsresponsablesappuyéespar une société civile forte, engagée effectivement dans la modernité, puissent relancernotreéconomie. Gary VICTOR Édito Une campagne déséquilibréePar Lionel Edouard HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES C ’est peut-être une bataille perdue d’avance. Non pas celle des élections, mais celle pour faire obstacle à l’utilisation des biens de l’État en faveur de certains candidats. Le Président l’a dit. Personne ne peut l’empêcher de se déplacer dans le pays. Y compris aux côtés de ses candidats qu’ils présentent un peu partout à la population. Pas toujours avec succès, bien sûr ! L’origine des fonds pour organiser ces sorties répétées et coûteuses est questionnée. André Michel veut savoir si c’est le Parti haïtien Tèt kale (PHTK) ou la République qui paie. Une plainte auprès du parquet de Port-au-Prince serait, dit-il, en préparation. La décantation entre le citoyen Michel Martelly et le président de la République est toutefois difficile à faire. Ces accusations constituent un pernicieux rappel du chemin à parcourir pour l’établissement d’une démocratie fonctionnelle et d’un État de droit véritable. Les garanties que voulaient apporter le Premier ministre Évans Paul autour de l’interdiction de l’utilisation des biens de l’État dans ces campagnes ne rassurent pas. La grogne monte de plus en plus de l’espace politique pour dénoncer ce que déjà Jean Baptiste Bien-Aimé appelle une violation. Un refrain à la sonorité coutumière. C’était déjà le cas, lors des élections de 2010, en faveur du candidat du pouvoir, Jude Célestin. Certains prétendants aux législatives auraient reçu depuis plusieurs mois, selon une source proche du gouvernement, des Toyota Prado pour mener campagne. Sans compter d’autres moyens logistiques importants qui auraient été mis à leur disposition. Ils bénéficient aussi des installations onéreuses mises en place au cours des passages du chef de l’État dans leur région respective. Or, cette campagne se lance sur fond de récession. Le financement de la campagne se fait attendre. L’État n’aurait pas les moyens. Manœuvre dilatoire. Évans Paul est en quête de fonds. Faute de mieux, il obtient des promesses. Les anciens parlementaires issus d’autres partis qui profitent encore de leurs privilèges passés sont aussi légion. Sadrac Dieudonné nous raconte qu’aucune demande formelle n’avait été faite pour que les membres de la 49e remettent les matériels en leur possession. Les voitures aux plaques d’immatriculation officielles appartenant à des députés et autres sénateurs courent les rues. Les armes à feu mises aussi à leur disposition. Monsieur Dieudonné affirme, lui, avoir remis les siens et demandé aux entités responsables de lui fournir une nouvelle plaque d’immatriculation qui sied à son nouveau statut. Par ailleurs, M. Dieudonné explique qu’il n’était pas en mesure de préciser si les véhicules appartenant au Parlement, jadis en possession des élus du peuple qui siégeaient aux bureaux des deux chambres, avaient été remis. Les autres matériels non plus. Toutefois, l’ancien député de la cité de l’Indépendance dénonce l’utilisation de certains véhicules placés sous le contrôle de la Cour des Comptes, entreposés à Delmas. Ils sont quasiment démantelés, rapporte-t-il, pour être réutilisés par des proches du pouvoir. Il serait donc courant, dit-il, de voir certaines de ces voitures démontées de leurs pneus et de certaines pièces importantes, lesquels sont réutilisés pour l’entretien d’autres véhicules devant servir durant la période de campagne. L’article 204, paragraphe b du décret électoral, est-il nécessaire de le rappeler, édicte que : « Faciliter l’utilisation de matériels, biens ou de véhicules de l’État pour servir à la campagne électorale en faveur d’un ou de plusieurs candidats, d’un ou de plusieurs partis ou groupements politiques, est puni de trois (3) à cinq (5) ans et d’une amende de cinquante mille (50 000) à cent cinquante mille (150 000) gourdes. » Rapport de force. Tous plaident pour un équilibre. En cette période de campagne électorale, c’est le principal souci des compétiteurs. Pas de traitement de faveur. Dans le collimateur des partis politiques, les candidats proches du pouvoir. Tous les acteurs surveillent l’apport de l’exécutif dans cette bataille où tous les protagonistes ne disposeraient pas des mêmes armes. Les biens de l’État feront sans doute pencher la balance. Les boucliers sont déjà levés pour éviter toute dérive et toute concurrence déloyale. » suite de la première page
  • 4. WWW.LENATIONAL.HT 10, RUE GABART · PÉTION-VILLE EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT PUBLICITE@LENATIONAL.HT REDACTION@LENATIONAL.HT (509) 4611-1010 / 3214-5554 PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. 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J. Augustin À une dizaine de jours environ depuis l’ouverture officielle de la campagne électorale, la fièvre électorale annoncée au moment des inscriptions ne se fait pas sentir encore. Dans certains recoins de la capitale, on peut compter sur les doigts d’une seule main les candidats qui se sont lancés véritablement dans la lutte électorale, alors que ces élections battent le record en termes de nombre de candidats inscrits. De l’avis de plus d’un, cette timidité constatée au niveau de cette campagne électorale est due aux difficultés économiques et financières auxquelles fait face le pays. De plus, la subvention tant attendue de l’État tarde encore à venir. Aucun officiel de l’État, ni du côté du pouvoir exécutif ou du Conseil électoral provisoire, ne sait quand cette allocation pourra être effectivement versée aux candidats. Depuis bien des jours, une confusion s’installe dans l’opinion entre le financement des partis politiques et le financement des élections. Le président de la République ainsi que le Premier ministre renforcent davantage la confusion lors de leurs dernières interventions. Le président de la République dit ne pas savoir s’il faut tenir compte des dispositions de la loi sur les partis politiques ou de celles prévues dans le décret électoral pour octroyer ce financement. Le Premier ministre, de son côté, dit disposer de 10 millions de dollars pour financer les partis politiques en référence aux 500 millions de gourdes disponibles dans le budget destinées à subventionner les élections. Pourtant la loi sur les partis politiques ainsi que le décret électoral sont sans équivoque à ce sujet. L’article 35 de la loi portant formation, fonctionnement et financement des partis politiques précise que les modalités et procédures de financement public des dépenses de campagnes électorales sont réglées par la loi électorale alors que pour ce qui concerne le financement des partis, il est régi par la loi y afférente. L’article 36 de la loi sur les partis politiques stipule clairement que « l’État consacre, chaque année budgétaire un montant équivalant à 1 % des ressources internes du budget national en appui au fonctionnement des partis politiques légalement reconnus ». Le décret électoral, en ses articles 125 et 126, précise qu’à l’occasion des compétitions électorales, l’État accorde aux partis politiques, aux groupements politiques ayant des candidats agréés aux élections une subvention pour les aider à mener leur campagne électorale. Le montant de la subvention à accorder aux partis et aux groupements politiques concernés, en fonction du nombre de candidats agréés, sera déterminé par le Conseil électoral provisoire suivant l’enveloppe allouée à cet effet par l’État. Les 500 millions de gourdes disponibles dans le budget sont destinées à financer la campagne électorale et non les partis politiques au vu de la loi. Et plusieurs responsables de l’organisme électoral, notamment le directeur exécutif, Mosler Georges, et le secrétaire général, Vijonet Déméro, ont informé avoir déjà trouvé les modalités pour attribuer cette subvention aux différents concernés. s’il est vrai que le décret électoral ne définit pas les modalités de distribution de cette allocation, certaines considérations sont prévues aux articles 92 et 92.1 pour les partis politiques ayant présenté un certain nombre de candidats avec un niveau académique sanctionné par une licence. Cette considération est aussi valable pour les partis ayant inscrit 30 % de candidats féminins ou qui ont présenté 10 % de candidats ayant un handicap. Pour barrer la route à l’argent sale dans le financement des partis politiques ainsi que des élections, le décret électoral et la loi sur les partis politique définissent les balises. L’article 130 à 135-2 du décret électoral et l’article 43 à 45 de la loi sur les partis politiques précisent clairement les modalités de financement privé des partis politiques et des campagnes électorales. Des sanctions sont également prévues en cas de non-respect des prescrits légaux concernant les subventions, dons et financements reçus. « Trente (30) jours après la publication des résultats officiels, le parti, groupement politique ayant reçu une subvention de l’État est tenu de faire parvenir au Conseil électoral provisoire et au ministère de l’Économie et des Finances (MEF) le bilan financier détaillé, signé d’un comptable agréé, accompagné des pièces justificatives des dépenses se rapportant à ladite subvention dans le cadre des joutes électorales », stipule l’article 128 du décret électoral. Faute par le parti ou groupement politique de se soumettre à cette obligation, il est interdit de toute activité politique pendant cinq ans au moins et dix ans au plus à prononcer par le BCEN sur convocation du président du CEP. Après le délai de trente jours prévu à l’alinéa ci-dessus, le Conseil électoral provisoire ou l’État haïtien dénonce le fait, aux fins de poursuites légales au tribunal correctionnel pour détournement. Alors qu’on est en pleine campagne électorale et que les candidats ne cessent de réclamer la subvention de l’État, les rapports de dépenses des précédentes élections semblent n’être pas encore disponibles. À l’exception d’Yvon Neptune qui avait présenté son rapport de dépenses, les rapports des autres candidats aux dernières élections sont jusqu’ici introuvables, alors que certains d’entre eux se portent encore candidats à ces élections. Plusieurs responsables de la Cour des comptes et du CEP ont été contactés dans le cadre de cet article, malheureusement seul leurs répondeurs étaient disponibles.
  • 5. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 5 ACTUALITÉ La République dominicaine redoute l'arbitrage de l'OEA Par Jean Michel Cadet MIGRATION/RELATIONSHAÏTIANO-DOMINICAINES D ans l’attente du rapport de la mission technique de l’OEA, la République dominicaine verrouille les portes du dialogueavecHaïti.Uncomportement qui, pour nombre d’observateurs, montre que les gouvernants dominicains présagent déjà une note assez salée à leur encontre par cet arbitre qu’ils contestent. Entre-temps, différentes forces de pression du pays, affirmant leur pessimisme dans ce rapport, rallument le flambeau de la mobilisation. Au terme de son enquête menée sur les conditions dans lesquelles s’effectue le rapatriement des haïtiens en provenance de la Répu-blique dominicaine, l’OEA s’apprête au cours de cette semaine à publier son rapport d’évaluation sur la situation. Les spéculations relatives au contenu dudit rapport vont bon train. Comme si la République dominicaine flairait une grande menace à ce propos, elle s’agite. Rejetant dans la foulée la réunion multilatérale qui devrait se tenir au siège de l’OEA. Les prétextes, dit-t-on, ne manquent pas. Le chancelier dominicain, Luis Navarro, exige, d’une part, en guise de conditions pour la reprise du dialogue, que le secrétaire général de l’OEA, M. Luis Alamagro, revienne sur ses déclarations faisant croire que l’île devrait être un seul pays. D’autre part, les autorités haïtiennes devraient présenter leurs excuses à la République dominicaine pour l’avoir accusée d’ordonner la déportation massive d’Haïtiens. Se gardant d’interpréter le comporte- ment des dirigeants dominicains, le chancelier haïtien, M. Lener Renaud, estime qu’il y a lieu de questionner les motivations qui auraient provoqué cette agressivité des autorités domini- caines vis-à-vis de l’OEA. Il dit toute- fois s’en remettre à l’impartialité de cette dernière qui, souligne-t-il, par le biais de sa commission technique, a pu constater lors de son passage dans l’île, du 10 au 14 juillet dernier, les conditions dans lesquelles se font les déportations estimées à 25 mille personnes, selon les chiffres officiels. Certains d’entre elles, affirme-t-il, ont été expulsées de force alors que d’autres ont choisi de revenir volon- tairement en Haïti par peur de repré- sailles des Dominicains. Les enjeux Les décisions de l’OEA n’ont, certes, pas de force contraignante, mais elles revêtent une grande importance sur le plan politique, selon Edwin Paraison, responsable de la fondation Zile. Si le rapport de l’OEA se révélait défavorable pour la République dominicaine, prévoit-il, d’autres instances internationales pourraient se saisir de la question pour condamner les actes de violation de droits humains du voisin dominicain. Il rappelle, à cet effet, qu’en tant que membre de l’ONU, la République dominicaine est redevable devant l’Examen périodique universel (EPU). Il s’agit d’un mécanisme unique du Conseil des droits de l’homme dont le but est d’améliorer la situation des droits de l’homme des 194 États membres de l’ONU. Edwin Paraison fait remarquer, à cet effet, que les résultats du dernier examen subi par la République dominicaine suite à l’arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle dominicaine ont été catastrophiques. Il dit souhaiter, toutefois, la reprise du dialogue entre les deux pays voisins puisque, soutient-il, même en temps de guerre, des pourparlers se tiennent entre les pays en conflit. Cependant, cette fois, il estime capital que toutes les forces vives du pays accompagnent les dirigeants haïtiens en vue de reconstruire les rapports entre les deux États. Le secrétaire exécutif du RNDDH, M. Pierre Espérance, abonde dans le même sens. La République dominicaine, selon lui, n’évolue pas en vase clos. En tant que membre de l’OEA et de l’ONU, elle est assujettie au respect des principes et conventions internationaux en matière de droits humains. Le militant des droits de l’homme semble, toutefois, ne pas trop compter sur le rapport de l’OEA pour résoudre la crise humanitaire que provoque, depuis le 18 juin dernier, la déportation de 40 mille Haïtiens selon les informations dont il dispose.Tout en reconnaissant son caractère moral, Pierre Espérance dit ne pas espérer grand-chose du rapport de l’OEA. Le plus important, selon lui, c’est la mobilisation dans les rues. Dans cette perspective, certains secteurs organisés de la société, sous la houlette du Collectif 4-Décembre, ont lancé une marche pour la dignité prévue le mardi 21 juillet prochain. Hormis cette marche, le coordonnateur de ce collectif en appelle même au boycott des produits dominicains entre autres mesures à court terme à adopter pour répondre à la R. D. Enfonçant davantage le clou, Robert Arguant dit espérer qu’à l’échelle internationale le pays voisin soit considéré comme un État paria qui viole les droits humains. Si elle a été révisée sous la complicité du Venezuela qui jouait les facilitateurs, la diplomatie au niveau multilatéral est désormais réactivée. Cette approche semble faire trembler la République dominicaine qui joue sur les subtilités pour rompre le dialogue en contestant la neutralité de l’OEA dans ce dossier.
  • 6. 6 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 ACTUALITÉ Une campagne qui mime la normalePar Stephen Ralph Henri HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES L es affiches imprimées, moyennes ou géantes, des candidates et des candidats deviennent de plus en plus présentes dans les diverses circonscriptions électorales de la capitale haïtienne. Les murs, des barrières ne sont pas épargnés des graffitis et des photos de ces aspirants législateurs. Une pratique pourtant interdite par le décret électoral. Même les grosses poubelles servent aussi de support pour placer ces images dans certains quartiers. Ils sont près d’une quarantaine de candidats au Sénat pour le département de l’Ouest, mais le nombre d’aspirants sénateurs ayant des affiches exposées ne dépasse pas une quinzaine. Les candidats à la députation pour l’Ouest sont plus que 450, avec une centaine pour les différentes circonscriptions électorales de Port-au-Prince, or dans les rues les publicités de ces candidats sont très peu. Les annonces pour les candidats de certains partis, comme l’Organisation du peuple en lutte (Opl), la Fusion des sociaux-démocrates et Fanmi lavalas, continuent d’être absentes dans les rues de Port-au-Prince. « On peut dire que cela avance très faiblement en apparence. Il n y a pas de photos, pas d’emblème du parti. Sur le plan du spectacle, c’est très faible », reconnaît le secrétaire général de la Fusion, Rosemond Pradel. « Mais, je souligne que c’est une situation générale. La campagne est très faible et quasi inexistante », ajoute le responsable. Que s’est-il donc passé ? « Il n y a pas d’argent… Les partis n’ont pas d’argent », explique Rosemond Pradel au National. Il critique le gouvernement qui, selon lui, n’est pas très pressé de financer les partis et les institutions politiques. Et si le gouvernement n’est toujours pas au rendez-vous du financement de la campagne des partis, les supporteurs privés non plus. Ceux de la Fusion estiment qu’ « il y a des éléments qui manquent au puzzle », le problème financier qui s’est glissé, dans la conjoncture, où il faut au moins 59 gourdes pour se procurer un e dollar américain. À cela ajouté il faut ajouter la violence préélectorale qui commence à gagner du terrain dans certaines zones du pays. Tout cela constitue un tableau qui diminue la foi de la Fusion et de ses pourvoyeurs de fonds. Le Parti continue de vouloir les élections pour le 9 août comme arrêté par le calendrier. « On n’est pas confiants... On ne va pas dire qu’il n’y aura pas d’élections, mais on doit se battre », poursuit Rosemond Pradel, pour que le « premier tour des législatives soit organisé correctement. » L’Organisation du peuple en lutte (OPL), de son côté, ne cache pas que dans le contexte électoral, qui « fonctionne à l’image du pays », « on a des difficultés… Il n y a pas vraiment de grandes visibilités avec la situation économique », énonce le sénateur Francisco De La Cruz, actuellement coordonnateur de la structure politique.« Des promesses n’ont pas pu être tenues », par les supporteurs et sympathisants de l’OPL. Les entrepreneurs sont envahis par le « scepticisme » et ils deviennent « réticents à investir », dans la campagne du parti pour les législatives. Ailleurs, « les entrepreneurs n’ont pas cette culture d’appuyer la législative, mais surtout la présidence », précise De La Cruz au National. L’OPL se dit pour l’organisation des scrutins comme prédéfinie par le calendrier en dépit des doutes. « Il faut avoir foi. Ce qui est clair, c’est qu’on est en Haïti où les choses ne se passent pas toujours comme prévu », déclare Francisco De La Cruz dans un court entretien avec Le National. Dans l’espoir que les élections vont quand même se tenir à la date retenue par le Conseil électoral, l’Organisation du peuple en lutte s’attend à « un très faible taux de participation de la population ». Une réalité présagée également, par la Coordination du Conseil des acteurs non-étatiques, Conhane. Questionné sur le doute qui gagne du champ quant à l’organisation ou non des prochaines élections législatives le 9 août, Edouard Paultre, coordonnateur du Conhane déclare : « Je crois que les élections auront lieu, mais avec un faible taux de participation. » Il explique cette éventuelle réalité en fonction du fait qu’aucun des partis et plateformes politiques en présence dans la course électorale n’a effectivement défini et communiqué un programme politique clair. Il fait toutefois exception de PL. « L’électorat est perdu et égaré », il « ne se retrouve pas dans ces différentes expressions politiques » et « continue d’attendre une offre politique », avance Edouard Paultre. En guise de programme dans les annonces des candidates et candidats déjà en scène, on constate des slogans, comme : « Créole : fwa sa, se pou nou tout bon vre (Cette fois, c’est notre tour), maman lavi (mère de la vie), nou fenk kare travay (le travail ne fait que commencer) ou encore lajenès, jwèt pou ou (la jeunesse, fais ton jeu. » Comme dans un jeu de hasard, certains invitent le peuple à choisir le numéro attribué à leur institution pour l’actuel processus politique comme celui de la chance, « créole : boul pèp la (le numéro du peuple », dans d’autres cas, ils se campent comme le candidat du peuple. Edouard Paultre constate que la campagne n’est pas faite avec chaleur, mais croit qu’ « il ne peut pas y avoir d’ambiance (de campagne) sans offre politique ». Sur l’importance des élections, le coordonnateur du Conhane souligne qu’il n’« y a pas d’alternative à l’organisation des élections (…). Si elles n’ont pas lieu, affirme-t-il, on aura un éclatement politique en Haïti, et cela ne fera que « renforcer l’international » dans le pays. « Le CEP a déjà acheminé à l’exécutif les modalités de financement de la campagne des partis et regroupements politiques. » « Pratiquement nous avons déjà fait la proposition à l’exécutif », déclare au National, le conseiller Ricardo Augustin, trésorier du Conseil électoral. Dans le décret électoral, il appartient au CEP d’élaborer les modalités des opérations de campagne des institutions politiques qui participent aux prochains scrutins électoraux. Au cours du weekend, du 17 au 19 août, les conseillers électoraux se sont rendus dans huit des dix départements géographiques du pays pour superviser « le concours de recrutement des superviseurs et des superviseurs adjoints », qui auront à contrôler le déroulement du processus électoral, d’après les dires de Ricardo Augustin. Cette supervision des conseillers concerne également le recrutement de celles et de ceux qui seront dans les centres d’opérations électorales. Un total de 2 039 candidats doit participer aux prochaines législatives sur tout le territoire. Ils sont 262 aspirants sénateurs, or seulement 20 sièges sont vacants. Pour la députation, ils sont 1 777 candidats pour 119 sièges à pourvoir. Les opérations de propagande des candidates et des candidats aux prochaines législatives paraissent gagner en rythme. Tandis que des structures politiques continuent de ne pas pouvoir emboîter le pas, en raison de problèmes financiers, à une vingtaine de jours de la fin de la campagne et du jour prévu pour la tenue des scrutins. Pour des acteurs politiques et membres d’organismes de la société civile, ces élections ne mobiliseront pas effectivement l’électorat.
  • 7. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 7
  • 8. 8 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 MONDE « Je pensais que je mourrais avant que ça n’arrive », confie, encore incrédule l’octogénaire américaine Rena Perez, 80 ans, à la veille de la reprise officielle des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba après plus d’un demi-siècle de brouille. Arrivée voici 56 ans avec son compagnon cubain, Rena fait partie des quelques centaines d’Américains ayant fait le choix de vivre sur l’île. Aujourd’hui, cette nouvelle donne diplomatique la rend à la fois « heureuse... et inquiète ». « Il manque 700 000 maisons ici, quelqu’un va se faire de l’argent en reconstruisant (...) Les Etats- Unis veulent faire de l’argent et en feront », déclare-t-elle, tout en reconnaissant qu’elle n’y est pas forcément opposée. Mais Rena craint que ce qui rend « beau » ce pays ne puisse disparaître. Même incertitude pour Pasha Jackson. Ce Californien vit à Cuba depuis six ans et bénéficie d’une bourse à la « Escuela Latinoamericana de Medicina », où étudient une grande partie des étudiants américains à la Havane. « Honnêtement, je ne sais pas ce que va changer l’ouverture de l’ambassade. Mais j’ai des espoirs », confie ce futur médecin de 32 ans. Pour lui, les deux pays doivent apprendre l’un de l’autre. « Être pauvre à Oakland (Californie), où je vis, signifie être malade » alors que « Cuba est un pays pauvre mais sans la drogue et tous ses aspects ». Et puis Pasha avoue qu’il adorerait importer le modèle de couverture « santé universelle » cubain chez lui. Notre drapeau au vent, un symbole Graham Sowa, autre étudiant en médecine à la Havane, se dit quant à lui « ravi que les Etats-Unis voient enfin Cuba comme un pays indépendant », avec lequel il est possible de coopérer, « sur un pied d’égalité ». A Cuba depuis cinq ans, il se réjouit d’avance de « voir son drapeau flotter au vent, comme un symbole de nouvelles relations avec notre voisin ». « Nous avons bien plus en commun qu’on ne pense ». Par exemple, explique-t-il, malgré la difficulté d’accéder à l’internet, les Cubains suivent les séries américaines comme Game of Thrones ou la vie des célébrités comme le rappeur new-yorkais Jay-Z. Des similarités, Pablo Menendez, guitariste compositeur venu de Californie et vivant à Cuba depuis 49 ans, en observe aussi dans son quotidien de musicien de rock cubain. « Les hommes politiques sont toujours très lents. Les artistes eux s’entendent très bien », assure l’artiste, boucle à l’oreille et « kufi » turc sur la tête. Au niveau musical, par exemple, « les Etats-Unis et Cuba sont deux pôles essentiels de la culture afro », souligne-t-il. Cela ne change rien pour ma famille Lorsque Pablo a appris la nouvelle de la réouverture des ambassades lundi, il était « heureux », mais pas pour autant certain que cela l’aidera à obtenir un visa pour sa femme cubaine. « J’ai une mère de 88 ans, un père de 92 ans. J’aimerais qu’elle puisse les rencontrer mais les Etats- Unis refusent, sans explication », déplore l’artiste, dont la mère, la chanteuse de blues Barbara Dane, lui a transmis sa passion pour l’île. En 1966, celle-ci fut « la première artiste à défier les Etats-Unis et à venir à Cuba. On ne savait pas s’ils allaient la mettre en prison », raconte-t-il. Conner Gorry, qui réside sur l’île depuis 2002, aimerait aussi pouvoir voyager plus aisément mais elle reste dubitative sur les changements à venir. Cette New- Yorkaise mariée à un Cubain, journaliste-blogueuse et fondatrice du premier café littéraire américain de Cuba s’agace devant l’euphorie médiatique actuelle. « Hisser notre drapeau ne signifie rien pour moi tant que ma famille ne peut pas venir ici légalement », dit- elle, en référence aux seule douze catégories de citoyens américains actuellement autorisées à voyager vers Cuba (artistes, journalistes, universitaires...). En outre, « tant qu’il n’existe pas de vol qui ne me coûte pas 950 dollars pour (...) New York, et tant que les familles cubaines n’ont pas la qualité de vie qu’elles méritent à cause de l’embargo, cela ne signifie rien », martèle cette figure du petit monde expatrié havanais. Pour résumer, « il n’y a pas de conséquences concrètes », assure Conner, assise dans son café paisible et verdoyant de la « calle 23 », une des principales avenues du centre-ville. Cuba : les Américains de La Havane heureux du rapprochement avec Washington Sources : AFP Une vieille voiture américaine dans une rue de La Havane, le 19 décembre 2014. / Photo: AFP/AFP Rapprochement entre Cuba et les États-Unis « Les enjeux sont multi-échelles » Sources : francetvinfo.fr Invité du Soir 3, François Durpaire, historien spécialiste des États-Unis, revient sur la diplomatie de Barack Obama en ce qui concerne Cuba. A lors que les États-Unis et Cuba ont annoncé officiel- lement le rétablissement de leurs relations diploma- tiques, prévu pour lundi 20 juillet, après près de 50 ans de rupture, Fran- çois Durpaire revient sur la diploma- tie du président Barack Obama. «Un demi-siècle de brouilles, et l’annonce a été faite en décembre. Cuba a été retiré des États soutenant le terrorisme en mai. Lundi 20 juillet, l’étape la plus symbolique : le rétablissement diplomatique, les ambassades (…). Il y aura une étape plus compliquée, ce sera l’embargo», précise l’historien spécialiste des États-Unis. « Laisser une trace dans l’histoire » «L’élément déclencheur s’appelle Barack Obama. Le président américain se dit ‘j’arrive en fin de mandat, il faut absolument laisser une trace dans l’Histoire», assure l’invité du Soir 3. «Il y a aussi une dimension importante : ce sont les relations entre les États-Unis et l’ensemble de l’Amérique latine, car derrière Cuba, il y a l’Amérique latine», rappelle l’expert. Selon François Durpaire, les enjeux pour les États-Unis derrière ce rapprochement «sont multi- échelles». «Il y a l’enjeu pour les familles cubaines américaines, qui peuvent repartir dans leur pays (…). Il y a l’enjeu pour les pays qui est un enjeu commercial», indique notamment l’historien. Rapprochement entre Cuba et les États-Unis « Les enjeux sont multi-échelles . / Photo : francetvinfo.fr
  • 9. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 9 ÉCONOMIE Les femmes entrepreneures, « le premier marché émergent du monde » par Claire DERVILLE D ’ici à 2025, nos économies devront engendrer 600 mil- lions d’emplois de manière à fournir un travail à tous les actifs de la planète. Et si la meil- leure manière de relever ce défi était d’encourager l’entrepreneuriat au féminin ? C’est en tous cas la convic- tion d’Elizabeth Gore, entrepreneure en résidence chez Dell et présidente du Global Entrepreneurs Council à la Fondation des Nations unies. « Les femmes représentent le plus gros marché émergent au monde ! », s’est exclamée cette Américaine devant 200 personnes réunies à Berlin début juin pour la sixième édition du Dell Women’s Entrepre- neur Network (DWEN), un réseau de femmes entrepreneures fondé par le groupe informatique texan. Leur potentiel économique, en effet, est énorme. Si les entrepris- es qu’elles ont fondées croissaient au même rythme que celles des hommes, le nombre net d’emplois créés se chiffrerait à 15 millions aux États-Unis, 74 millions en Chine, 2 millions au Ghana ou encore 1,9 mil- lion en France, selon le Scorecard, une étude universitaire réalisée à l’occasion du forum. Les femmes créent deux fois plus d’entreprises que les hommes Dans de nombreux pays du globe, l’entrepreneuriat au féminin con- naît un essor considérable. « De gros progrès ont été réalisés depuis l’époque pas si lointaine où les femmes dépendaient presque entièrement de leurs maris pour leur subsistance », se réjouit Trish Costello, PDG de Portfolia, un fonds d’investissement dédié aux femmes. Aujourd’hui, les femmes créent deux fois plus d’entreprises que les hommes à l’échelle mondiale, elles représentent 51 % de la richesse glo- bale et contrôlent 70 % des dépenses des ménages. Elles sont perçues par les ONG comme le premier levier de dével- oppement dans les pays émergents : « Dans les camps de réfugiés que j’ai visités en Ouganda, vous savez quelle est la première chose que font les femmes déracinées, démunies et manquant de tout ? Elles montent leur petit commerce », assure Eliza- beth Gore. Cependant, les hommes et les femmes sont loin d’être égaux face à l’entrepreneuriat et de nom- breuses disparités empêchent ces dernières de faire prospérer leur affaire. « J’ai coutume de résumer les problèmes des entrepreneures à l’aide de trois C, déclare Cherie Blair, présidente d’une fondation dédiée aux femmes entrepreneures qui porte son nom. Manque de confiance - encore trop souvent, elles s’entendent dire que l’entrepreneuriat n’est pas pour elles -, manque de capacités - l’éducation et la formation de base leur font sou- vent défaut -, et manque de capitaux - Dieu sait à quel point il est difficile pour tout entrepreneur de trouver des fonds, mais pour les femmes, c’est encore plus dur ! », déplore la femme de l’ex-premier ministre britannique et avocate au barreau de Londres, dont l’intervention sur scène représentait l’un des temps forts de la conférence berlinoise. La France en sixième position des pays les plus favorables Pour mieux cerner ces disparités et tenter d’y remédier, l’étude Score- card a examiné la situation de l’entrepreneuriat au féminin dans 31 pays avant d’attribuer une note à chacun d’entre eux. Cette note évalue le niveau d’égalité des chances entre hommes et femmes au regard de critères aussi divers que la législation, le niveau de corruption, l’accès à l’éducation, la parité dans les entreprises ou encore les possibilités de financement. Résultat : dans 70 % des pays étudiés, les femmes ont moins de 50 % de chances que les hommes de démar- rer leur entreprise, la faire prospérer et créer de l’emploi. Avec un score de 71 sur 100, les États-Unis se his- sent en tête du classement, essenti- ellement grâce à un environnement économique et une législation favo- rables. Et pourtant, même là-bas, les femmes entrepreneures rencontrent de réelles difficultés, en témoigne ce chiffre édifiant : en 2014, sur toutes les starts-up ayant reçu des fonds de capital-risque, seuls 2,7% étaient dirigées par une femme, révèle une étude du Diana Project. Suivent le Canada (69 points), l’Australie (69), la Suède (68) et le Royaume-Uni (65) sur l’échelle des pays les plus favorables à l’entrepreneuriat féminin. La France, avec un score de 62 points, arrive en sixième position et peut se targuer d’être le seul pays du classement à inclure 30 % de femmes dans les conseils d’administration des socié- tés cotées, du fait de la loi Copé-Zim- mermann, qui impose des quotas. À l’autre bout du spectre, du côté des mauvais élèves, se trouvent le Ban- gladesh, l’Inde, l’Égypte ou encore le Pakistan. Dans ce dernier pays, seulement 3 % des femmes dispo- sent d’un compte en banque, 19 % ont reçu une éducation secondaire et 10 % utilisent Internet. Difficile, dans ces conditions, de se transform- er en chef d’entreprise. Où sont les Bill Gates, Steve Jobs et autres Mark Zuckerberg féminins ? Le bât ne blesse pas partout de la même manière. En Afrique, par exemple, les femmes ne craignent pas de se lancer en affaires : « Au Nigéria, au Ghana et en Ouganda notamment, les femmes créent plus d’entreprises que les hommes. C’est extrêmement positif, se félic- ite Ruta Aidis, qui a dirigé, depuis la George Mason University où elle est chercheuse, la réalisation de l’étude Scorecard. Le hic, c’est que leurs structures ne grandissent pas. Elles restent bloquées au stade d’entreprise unipersonnelle de sub- sistance sans parvenir à créer de l’emploi ». Au Brésil et au Japon, en revanche, peu de femmes se lancent dans l’aventure entrepreneuriale, faute d’ambition ou d’éducation. « Chez nous, les femmes sont formées pour devenir coiffeuses ou esthétici- ennes, mais très peu se destinent à l’entrepreneuriat, témoigne la Brésilienne Deb Xavier, fondatrice de Jogo de Damas, une entreprise de conseil et de formation dédiée à l’émancipation féminine installée à Porto Alegre. La culture populaire et notamment la télévision ont tendance à mag- nifier le corps et réduire la femme au rang de potiche. Or une femme entrepreneure est un sujet à part entière : elle est dans l’action, tout le contraire d’un objet ! » D’une manière générale, un peu par- tout dans le monde, les femmes man- quent de figures entrepreneuriales dont elles peuvent s’inspirer. Ce pro- blème touche tout particulièrement le secteur des technologies, dont les femmes sont cruellement absentes, y compris aux États-Unis. « En 1984, le secteur des tech- nologies employait plus de femmes qu’aujourd’hui. Cette situation est extrêmement préoccupante, car c’est là où se concentrent de plus en plus la croissance et le pouvoir : les femmes ne peuvent pas rester en dehors ! », alerte la réalisatrice Robin Hauser Reynolds, auteure du documentaire « Code Debugging the Gender » Des pistes concrètes pour faire bouger les lignes Pour faire reculer les inégalités qui freinent le développement de l’entrepreneuriat au féminin, Ruta Aidis et son équipe ont dressé une liste de recommandations très con- crètes à destination des différents acteurs concernés. Les gouvernements sont ainsi encouragés à s’inspirer des États- Unis ou de l’Afrique du Sud pour mettre en place des politiques de commandes publiques favorables aux entreprises dirigées par des femmes, ou encore de la France qui a instauré des quotas de femmes dans les conseils d’administration. Les entreprises privées, quant à elles, sont invitées à diversifier les comités de direction et inclure davantage d’entreprises dirigées par des femmes dans leur chaîne d’approvisionnement. Des organismes comme le 30 % Club ou WEConnect peuvent les y aider. Aux femmes entrepreneures de jouer la carte de la solidarité et de l’émulation en s’engageant dans des programmes de tutorat, en rejoignant des réseaux d’entraide et en agissant comme des exemples à suivre. « Toutes les filles devraient avoir une image de ce qu’est une entre- preneure : une femme qui est en con- trôle de sa vie et qui a toute sa place sur la scène sociale et économique », estime Ruta Aidis. Pour faire évoluer les mentalités, les médias ont égale- ment leur rôle à jouer : à l’échelle mondiale, seulement 25 % de leur contenu met des femmes en avant et dans 46 % des cas, ce contenu ne fait que renforcer les stéréotypes sur le genre, estime une étude du Global Media Monitoring Project. Enfin, chaque individu peut encour- ager l’entrepreneuriat féminin en participant à des programmes de crowdfunding, de prêts à taux pré- férentiel et d’investissement ciblés à l’aide de plates-formes de finance- ment comme Kiva ou Portfolia. « Au final, nous avons tous à y gagner », estime Elizabeth Gore. Plusieurs études ont en effet prouvé que les entreprises et les sociétés qui encourageaient la parité affichaient plus de croissance, plus de chiffre d’affaires et plus de profit que les autres. Un phénomène connu sous le nom de « facteur féminin » et dont il serait dommage de se priver. CRÉATIOND’EMPLOIS Les femmes pourraient créer des millions d’emplois si les entreprises qu’elles ont fondées croissaient au même rythme que celles des hommes. Les freins qui entravent leur développement étaient à l’ordre du jour d’une conférence à Berlin.
  • 10. 10 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 ÉCONOMIE ENTREPRISE Le Français Mohed Altrad sacré meilleur entrepreneur mondial Sources : France 24 / AFP Mohed Altrad, patron d’un important groupe industriel et président du club de rugby de Montpellier, a reçu le prix mondial de l’entrepreneur de l’année 2015 décerné par le cabinet EY. Une première pour un Français. Le prix des aliments de base chute sur les marchés internationaux Sources : fao SÉCURITÉALIMENTAIRE Les prix des principaux produits alimentaires de base sur les marchés internationaux sont à leur plus bas niveau depuis septembre 2009, estime l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ils ont en fait chuté d’un peu plus de 20 % au cours de la dernière année. À « environ 60 ans », Mohed Altrad est devenu le premier chef d’entreprise français à remporter le prix mondial de l’entrepreneur décerné par le cabinet international EY (Ernst & Young). Ce patron d’un important groupe indus- triel représentait la France parmi les 64 gagnants de 53 pays dans lequel est organisé ce prix, qui lui a été remis lors du « EY World entrepreneur of the year », organisé du 3 au 7 juin à Monaco. Né en Syrie, Mohed Altrad a dédié sa récompense à son pays d’accueil dans lequel il est arrivé sans le sou dans les années 70. « Ce n’est pas Mohed Altrad qui a gagné, mais la France, ce merveilleux pays que je respecte tant », a réagi auprès de l’AFP l’homme d’affaires qui a fait son entrée en 2014 à la 1,741e place dans le classement mondial Forbes des milliardaires en dollars. Son groupe, Altrad, est l’un des leaders européens des échafaud- ages et des services aux indus- tries du BTP. « Un entrepreneur ne doit pas se transformer en robot qui fabrique de l’argent, il faut ajouter d’autres dimensions à l’économique [...]. Il faut ren- voyer l’ascenseur à la société », a-t-il ajouté. Le président d’EY en France, Jean-Pierre Letartre, a pour sa part salué « le par- cours exceptionnel » de l’homme d’affaires « qui a su faire preuve de courage, de persévérance et d’audace ». Né sans état civil dans le désert syrien Rien ne prédestinait en effet ce Montpelliérain d’adoption à deve- nir un puissant businessman. Né dans le désert syrien à une date inconnue, Mohed Altrad grandit dans une tribu nomade de Bédou- ins, sans état civil. Orphelin très jeune, il quitte la Syrie vers l’âge de 20 ans et part étudier en France. Grâce à d’excellents résultats et une bourse de son pays d’origine qui lui permettent de décrocher un doctorat en informatique, il entame à Montpellier des études scientifiques. De 1975 à 1980, il est ingénieur chez Alcatel, puis Thomson, avant de partir pour une compag- nie pétrolière à Abou Dhabi. Sa carrière d’entrepreneur débute en 1984, quand il crée sa propre entreprise d’informatique, qu’il revendra à la société Matra un an plus tard. La même année, il fait l’acquisition d’une entreprise d’échafaudages en faillite, qu’il entreprend de remettre sur pieds. La société sera la première pierre du groupe Altrad. Trente ans plus tard, le groupe, numéro 1 européen des échafaudages dont le siège est resté à Montpellier, compte 7 300 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 870 millions d’euros l’an dernier. Avec le rachat du née- rlandais Hertel, en mars dernier, Altrad entend doubler son chiffre d’affaires à plus de 1,6 milliard d’euros et voir grossir ses effectifs à 17 000 salariés. Un agent secret syrien à la tête d’un club de rugby L’homme, que le défunt maire de Montpellier, George Frêche, avait qualifié d’ « agent secret syrien » en son temps, est également un grand amateur de rugby. En 2011, désireux de rendre la pareille à la terre qui l’a accueilli à son arrivée en France, Mohed Altrad reprend le club de rugby de la ville alors en difficulté et y injecte 2,4 millions d’euros. Il se fait à cette époque remarquer par les médias locaux en raison de sa stratégie financière. Altrad licencie en effet un tiers des effec- tifs pour assainir les comptes du club, une décision jugée quasi révolutionnaire dans cette institu- tion provinciale, comme le rappelle un article des « Echos » en 2013. Toutefois, les effets de la méthode Altrad peinent pour l’instant à porter leur fruit dans le monde de l’Ovalie : Montpellier n’a encore jamais remporté le championnat de France de rugby. Mohed Altrad est à la tête d’un important groupe industriel et du club de rugby de Montpellier. / Photo : © Pascal Guyot, AFP D epuis mai 2014, la baisse des prix est en fait impor- tante pour les cinq princi- paux groupes de produits alimentaires - produits laitiers (-29,8 %), sucre (-27 %), céréales (-22,3 %), huiles végétales (-21,1 %) et viande (-9,7 %). L’indice des prix atteint main- tenant 166,8 points, alors qu’il s’établissait 210,4 points en mai 2014. C’est beaucoup moins élevé qu’en 2011, alors que l’indice a atteint 229,9 points pour l’année, mais tout de même plus élevé que le niveau de 127,2 points enregis- tré en 2006. Le déclin de l’indice s’explique par l’effet combiné de plusieurs facteurs, dont la progres- sion de la production globale, la force du dollar américain, ainsi que le repli majeur des coûts du pétrole. Le prix du baril oscille aujourd’hui autour de 60 $US, contre environ 100 $US il y a un an.L’étude de la FAO ne permet pas de déterminer si les consom- mateurs profitent réellement de cette baisse des prix des aliments de base constatée sur les marchés internationaux. Statistique Canada a par exemple révélé le mois derni- er que le prix des aliments achetés en magasin au pays a augmenté de 4 % en un an. Le prix plus élevé des légumes frais (+4,3 %), dont l’évolution n’est pas recensée par la FAO, explique en partie cette situation, estimait l’agence fédérale. Mais la hausse globale du prix des aliments, ajoutait-elle du même coup, est surtout due à une hausse de 11,2 % des prix de la viande. Récolte de blé en Alberta. / Photo : © MIKE STURK / Reuters
  • 11. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 11 INSERTION DEMANDÉE
  • 12. 12 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 INSERTION DEMANDÉE
  • 13. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 13 INSERTION DEMANDÉE
  • 14. 14 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 INSERTION DEMANDÉE
  • 15. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 15 JUSTICE L'avant-projet de code pénal attend la 50ème législaturepar Eddy Laguerre « Ce code napoléonien est battu en brèche. C’est toute sa philos- ophie qu’on doit changer », a lancé, dans sa verve habituelle, Me. Jean Vandal, l’un des membres de la commission qui parlait de la désuétude du code pénal actuel en vigueur. Cet ancien ministre de la jus- ticefaisaituneprésentationsommaire du nouveau code devant plus d’une centaine de juristes réunis à l’hôtel Karibe à l’invitation de la CPRJ. Aux cotés de Me. Vandal, se trouvaient aussi maître Jean Joseph Exumé, président de la commission, maître Sibylle Théard Mevs, vice-présidente et maître Edwin Cop, membre. À réalité nouvelle, infractions nouvelles Pour la commission, il était important d’intégrer dans la législation haïtienne les nombreuses conventions internationales ratifiées par Haïti. Aussi jugeait-elle nécessaire de légiférer sur de nouvelles pratiques qui sont entrées dans la vie des hommes, notamment à travers les nouvelles technologies, ce qui n’existait pas en 1835 quand le code actuel entrait en vigueur. Des infractions reconnues dans des conventions internationales n’étaient toujours pas détaillées dans nos lois, comme par exemple les crimes contre l’humanité et le génocide. Beaucoup d’instruments internationauxsontvenusbienaprès 1835 : la déclaration universelle des droits de l’Homme (1948), la convention américaine relative aux droits de l’Homme (1969), le pacte des droits civils et politiques, la convention relative aux droits de l’enfant et la convention Belem Do Para (1995) sur la violence contre la femme. « Il fallait donc harmoniser les dispositions du vieux code pénal avec cette vision nouvelle du monde préconisée par les nombreuses conventions sur les droits humains ratifiées par Haïti », lit-on dans un document présentant sommairement l’avant-projet de code. L’avant-projet de code pénal introduitaussidansnotrelégislation des infractions carrément nouvelles telles : les délits informatiques, l’incitationausuicide,l’harcèlement moral, le vol d’identité, l’atteinte à l’intégrité physique et psychique, les infractions en matière d’environnement, de santé publique, d’éthique biologique. Par ailleurs des infractions qui existaient déjà dans notre législation ont été l’objet de redéfinition ou de précision supplémentaire, ce sont notamment l’interruption illégale de la grossesse, le viol, le trafic illicite de stupéfiants, la contrebande et la corruption. Des réalités nouvelles telles : l’insémination artificielle et beaucoup d’autres ont été prises en compte, rassure Me. Exumé. Cependant, réagissant aux questions des journalistes, Me. Jean Vandal a dû avouer que la commission n’a pas pu tenir compte de la sorcellerie dans la préparation de l’avant- projet. Il souligne, sans grand commentaires, qu’il est difficile d’établir les éléments constitutifs d’une infraction qui serait liée à la sorcellerie. La prison doit être l’exception Le système pénal, sous l’égide du nouveau code, devrait connaitre une redéfinition des peines qui per- mettra notamment, d’enlever les peines d’emprisonnement dans cer- tains cas où elles étaient prévues. Les prisons haïtiennes ne devraient plus accueillir des gens coupables de contraventions. Les contraven- tions ont donc été dépénalisées, dans un souci d’éviter la surcharge inutile de nos prisons et de prévenir ainsi d’éventuels cas de détention préventive prolongée. La CPRJ qui a travaillé conjointement avec le groupe Magloire mené par Maitre René Magloire, lui aussi ancien ministre de la justice, propose pour la première fois dans la législation pénale haïtienne, les peines alter- natives à la prison. S’inspirant de certains régimes modernes, dont le modèle américain, la commission introduit dans le code pénal, des peines qui permettent aux juges de ne pas recourir systématiquement à l’emprisonnement dans tous les cas correctionnels ou criminels. Le placement sur surveillance électro- nique, la semi-liberté, le suivi des peines socio-judiciaires sont autant de palliatifs à la prison inclus dans l’avant-projet de code pénal. « La peine d’emprisonnement n’est pas la règle. Elle peut être remplacée par une peine d’amende », ont souligné tour à tour, en des termes différents, MMes. Sybille Théard Mevs, Edwin Coq et Jean Joseph Exumé. Le ministre de la Justice, Me. Pierre-Richard Casimir qui participait à l’ouverture des ateliers de réflexions sur le contenu de nouveau code a rappelé que le document a été officiellement remis au président de la République en mars 2015. Il a réaffirmé la volonté de son Ministère et de tout le gouvernement d’appuyer le travail de la commission et de soumettre en temps et lieu l’avant-projet aux parlementaires de la 50ème législature. Les ateliers ont été animés par les réflexions des juges à la Cour de cassation, dont le président Maître Jules Cantave, de ceux de la Cour d’appel de Port-au- Prince, notamment, Maître Jean Joseph Lebrun, président de ladite cour et des magistrats de tous les tribunaux de première instance relevant de la juridiction de la cour d’appel de Port-au- Prince. Une délégation d’avocats conduite par maître Bergemanne Berrette a représenté le barreau de Port-au-Prince. Notons qu’un seul prétendant au Sénat de la République a pris part à ces débats, il s’agit de Me. Jean Renel Sénatus, candidat au sénat pour le département de l’Ouest. Après l’avant-projet de code pénal, la commission présidentielle de réforme de la justice se propose aussi de préparer un avant-projet de code de procédure pénale en remplacement de l’actuel code d’instruction criminelle. Pour l’instant la commission essaie de peaufiner l’avant-projet de code pénal avec les suggestions et propositions des hommes et femmes de la basoche rencontrée dans les différentes juridictions de la République. À l’issue de ces démarches de restitution, le document final sera remis à l’exécutif pour être transmis au Parlement, au moment opportun. Il appartiendra donc aux élus de la 50ème législature de se mettre à la hauteur des débats et des concepts nouveaux qui s’imposent aujourd’hui dans toute démarche visant l’actualisation et la modernisation de la législation pénale haïtienne. Même si peu de candidats aux prochaines législatives semblent se soucier des innovations apportées dans la législation pénale haïtienne par la Commission présidentielle de réforme de la justice (CPRJ), l’avant-projet de code pénal fait son chemin. Le document a déjà été soumis aux commentaires et aux suggestions des acteurs judiciaires des cinq juridictions d’appel de la République (Hinche, Cayes, Gonaïves, Cap-Haitien et Port-au- Prince). Vendredi dernier, c’était au tour des avocats et magistrats de la juridiction de Port-au-Prince de passer aux peignes fins les 1008 articles de ce nouveau code qui doivent remplacer les 410 articles de l’ancien, vieux de 180 ans. L. / Photo :
  • 16. 16 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 SOCIÉTÉ D es habitants de plusieurs quartiers de l’aire métropolitaine souffrent et se plaignent de la pénurie d’eau qui affecte considérablement leurs quartiers depuis plusieurs mois. À certains endroits de la capitale, ils se voient obligés d’acheter une bouteille d’eau de cinq gallons jusqu’à 35 gourdes. De plus,, ils peuvent parcourir deux à trois kilomètres avant de trouver un endroit où se procurer le précieux liquide. Ceux qui ont moyens, peuvent s’acheter un camion d’eau jusqu’à deux mille cinq cents gourdes. Or, ces gens rencontrés pendant le week-end écoulé avouent détenir tous un robinet chez eux. « M pa konprann sa kap pase la a menm. Se yon lè konsa dlo a koule. E lè li resi koule a, li pa rete pou lontan », raconte désespérément une dame qui habite à Pacot. Dans les quartiers de Fontamara où ces problèmes n’existaient pas, une dame raconte qu’aujourd’hui, c’est monnaie courante. C’est à petite goute, dit-elle, que coule l’eau de son robinet. Elle affirme n’avoir pas le temps de remplir un grand tonneau bleu (doum) de sa cuisine. De ce fait, elle se voit en situation d’acheter de l’eau à trois gourdes le seau. À la quatrième avenue Bolosse, près du grand réservoir qui, selon le directeur de l’Orepa du département de l’Ouest, peut contenir approximativement 40 mille mètres cubes d’eau et qui dessert les communautés avoisinantes, l’eau se vend au prix fort. À Décaillette, à fort mercredi, à savane pistache, la quête de l’eau devient et reste un véritable casse-tête pour les riverains. Depuis plus de trois ans, estiment les habitants de ces localités, ils sont déconnectés du réseau hydraulique de la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement Dinepa. Un seau (bokit) de cinq gallons est passé de 2 à 10 gourdes. Il arrive certaine fois que les habitants de ces zones paient la « bokit » à 15 gourdes. Des particuliers s’arrangent de manière à apporter l’eau dans ces communautés. Ils remplissent un « pick up » de grands récipients et conduisent l’eau dans ces villages presque tous les dimanches. À Carrefour- feuilles, plus particulièrement dans les environs du marché Tunel, l’eau se fait également de plus en plus rare. « Quand elle coule du robinet, elle pue », lance quelqu’un qui vend de l’eau dans le quartier. Aussi il arrive que les habitants y trouvent des déchets. Par rapport à cette problématique, la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement Dinepa parait impuissante. Trouver les réponses qu’il faut pour remédier la situation semble devenir un casse-tête pour les responsables de cette institution dont la mission, selon le directeur de l’Office régionale de l’eau potable et de l’assainissement du département de l’ouest, Raphael Hosty, est de donner de l’eau à la population. Cette distribution est faite à travers les quatre Orepa. Ces structures régionales et départementales coiffent les centres techniques qui agissent directement sur le terrain. Mais, se désole M. Hosty, ces centres techniques n’ont pas reçu de subvention de l’État haïtien. « Ils sont des organismes autonomes et ont de grands intérêts à distribuer l’eau. Dayè, se grès kochon an ki kwit kochon an », raconte le directeur. Le directeur de l’Orepa estime par ailleurs que la distribution de l’eau devient de plus en plus difficile à gérer.Ilévoqueplusieursproblèmes. Pour distribuer l’eau, raconte-t-il, il faut avoir la capacité de la produire. Comment y arriver quand les gens persistent à construire n’importe où ? Ils n’épargnent pas les sources. Aussi, ils continuent à pratiquer la coupe des arbres. De plus, a fait savoir M. Hosty, cette année, un très faible taux de pluviométrie est enregistré en Haïti. « La pluie ne tombe pas », souligne-t-il Pour s’assurer une bonne distribution de l’eau à travers les six communes de Port-au-Prince, estime le directeur de l’Orepa de l’Ouest, on est obligé d’ouvrir les robinets pendant un certain nombre de temps dans certains quartiers de la Capitale. « La Dinepa n’est pas en mesure de produire l’eau. La pluie de tombe pas. Les sources ne sont pas en condition de se régénérer. Les gens construisent n’importe où s’adonnent régulièrement à la coupe des arbres. On ne donne que ce qu’on a », a expliqué froidement M. Hosty. Alors que les portes de sortie paraissent difficilement envisageables, le directeur Hosty a laissé comprendre que la Dinepa n’entend pas baisser les bras. Des spots sont en rotation sur les stations de radio de la capitale pour inviter des individus mal intentionnés à ne plus perforer les tuyaux de la Dinepa à des fins personnelles. « Ces pratiques engendrent également la pénurie d’eau constatée à Port-au-Prince et les calcaires qui s’y trouvent », explique le directeur. Aussi des séances de formation et des journées de sensibilisation sont programmées et planifiées, question de porter les habitants à faire une gestion rationnelle des réseaux de la Dinepa. D’ici 2025, nous devons passer à 400 mille mètres cubes d’eau par jour. Des objectifs qui exigent de forts investissements. Mais pour bien gérer les 120 mille mètres cubes d’eau disponibles par jour pour Port-au-Prince, il nous faut prendre des décisions concertées avec tous les acteurs. Oui. Il faut l’admettre, le problème d’eau constaté à Port- au- Prince est pour longtemps », a fait savoir le directeur de l’Orepa du département l’Ouest. Dinepa impuissante, les habitants aux abois par Joe Antoine Jn-Baptiste L’aire métropolitaine est frappée par une pénurie d’eau. Selon les déclarations du directeur de l’Office régional de l’eau potable et de l’assainissement du département de l’ouest, Raphael Hosty, la Dinepa, semble-t-il, parait impuissante à résoudre ce problème. Cette structure a besoin de 350 mille mètres cubes d’eau par jour alors qu’elle n’en dispose que de 120 mille pour Port-au-Prince. HAÏTI/DISTRIBUTIOND’EAU Des habitants de plusieurs quartiers de l’aire métropolitaine souffrent et se plaignent de la pénurie d’eau. / Photo : pseau.org
  • 17. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 17 SOCIÉTÉ I l est 2 h p.m., nous sommes à la Croix-des-Bossales. Le soleil est à son zénith. Dans un chaos de fatras, de fouillis, imprégnés d’une odeur nauséabonde de choux en décomposition. Le tintamarre de bavardage, de bruit, de rires, de cris ne laisse rien entendre. Mariette, une commerçante, s’appuie vaguement contre des sacs de pomme de terre entassés. Un vieux mouchoir délavé jeté sur sa tête. Le visage abattu et ruisselé de sueur, la vieille dame semble se plonger dans une réflexion sans dénouement. Jusqu’au moment où cet acheteur aborde sa marchan- dise et lui file un mauvais prix. L’air vexé, elle a dû avaler sa langue. Comme plusieurs de ses commères, Mariette s’est initiée au commerce de Madan Sara dès son plus jeune âge. Sans retenue, elle déballe son histoire sous un tour impersonnel : « Quand on est élevé à la campagne, si on n’a pas de parents pour assurer ses besoins, on est obligé de se lancer toute jeune dans une activité de commerce ». C’est dans cette entreprise qu’elle allait traverser des années jusqu’à vieillir avant l’âge. À l’image de cet oiseau migrateur dont elles tirent leur nom, les Madan Sara font le va-et-vient entre la campagne et la capitale acheter et revendre en gros des fruits, des vivres et des légumes. Croix-des-Bossales, l’un des plus grands centres commerciaux du pays est le marché potentiel où elles déversent leurs denrées agricoles. Ce choix est déterminé, entre autres, par ce raisonnement: « Les consommateurs ne peuvent pas nécessairement se rendre en province pour s’approvisionner. Nous sommes donc obligées de leur transporter les provisions jusqu’ici ». Dans l’exercice de leurs activités commerciales, les “ Madan Sara” se heurtent à bien de difficultés. Le trajet épuisant se fait le jour comme la nuit au haut d’un camion. Tout comme les sacs marchandises, elles sont exposées au soleil, au vent, à la poussière et à la pluie. Christmène, à environs huit mois de grossesse, voyageant de Forêt- des-pins à Port-au-Prince (90 km) tous les lundis et jeudis, raconte ses péripéties: « Les camions tombent parfois en panne pendant deux à trois jours. Nous passons alors la nuit dans les bois, sous la pluie. Récemment, un camion, dans lequel je me trouvais, a été renversé. Je suis enceinte, alors, on peut bien imaginer ce que c’est. Puisqu’il n’y a pas d’autobus dans le circuit, nous, les marchandes, sommes donc obligées de monter dans le même camion qui transporte nos marchandises ». Et Jeannita qui conduit ses activités dans ce secteur depuis 36 ans se rappelle avoir connu quatre accidents de trajet. Et Croix-des-Bossales, la galère se poursuit. Elles sont rançonnées, battues, violées par les assaillants qui sévissent dans la zone. « Parfois, on vend toute la marchandise et on rentre à la maison sans un sou », se plaint Mariette, « car les malfrats de la zone nous ont tout piqué », ajoute-elle d’un air dépité. C’est aussi dans cet environnement malsain où elles se restaurent et font un brin de toilette. Elles risquent, sans doute, d’attraper des maladies infectieuses. D’ailleurs, elles confirment que quelques unes d’entre-elles ont été atteintes de choléra. Souvent traitées comme des parias, les Madan Sara sont pourtant le socle de l’économie nationale compte tenu de leur apport. Et Mariette le reconnait bien: « Les femmes travaillent plus rudement que les hommes. Nous transportons des sacs assez lourds. Nous passons toute la nuit sur le dos d’un camion. Nous sommes donc utiles au pays, parce que nous nous nous occupons de nous-mêmes et nous nous occupons aussi de nos enfants ». Comme les siens terminent aujourd’hui leurs études clas- siques dans la Capitale, Jean- nita se donne un satisfecit de voir murir le fruit de ses efforts. « Komès Sara se bouske lavi, detwi lavi », déclarent-elles. Les Madan Sara sont les symboles des femmes courageuses d’Haïti. « C’est un point de repère pour quiconque désire entrer dans la capitale », pense plus d’un. Même si quelqu’un somnolait en bus, arrivé dans cette zone, il ne saurait ne pas ressentir cette odeur de poisson. On peut avoir l’impression d’en avoir dans sa poche, dans ses bagages…et même sous sa veste, quand en bus, on passe par le bou- levard Jean-Jacques Dessalines. C’est le marché de poissons de la commune. La Rochelle a l’odeur des poissons, disent-ils. Tous les jours, notamment les dimanches, des gens viennent de partout acheter du poisson à Larochelle. On n’y vend que cela d’ailleurs. « lè w vin nan mache sa a, pwason fè mikalaw », raconte une jeune fille enthousiaste. Samedi dernier, elle y était allée s’acheter du poisson pour le dîner du dimanche. « Twòp moun vin achte lè dimanch maten, li pi fasil pou mwen achte nan samdi », explique-t-elle. Mais, samedi est l’un des deux jours pendant lesquels le marché ne fonctionne pas comme il se doit. Ce qui donne à cette fille certaines difficultés à trouver les poissons qu’elle désire. Le « mache pwason » de Fontamara 43 est en construction depuis plusieurs mois. Les activités commerciales demeurent au top dans cette poissonnerie publique qu’on peut compter parmi les marchés-trottoirs de l’aire métropolitaine. À chaque « machann pwason », un vieux réfrigérateur, une balance, et pour certains, des cuvettes, des igloos… Les poissons sont conservés dans les glacières. Le prix des poissons est évalué en fonction de leurs poids dans la balance. Surtout quand ils sont vendus en gros à des revendeurs. Madan Jean est poissonnière à ce marché de Fontamara. Elle y vend ses fruits de mer depuis très longtemps. La dame estime que Larochelle est le marché ayant le moins d’insécurité dans la capitale. « Isi a se pi bon ti mache ki taka genyen, siw tande yon zak fèk la a, ou mèt kwè se moun k’ap pase ki fèl », martèle la commerçante qui frise la quarantaine et fière de son commerce. Jusqu’à présent, avoue-elle aucune contrainte n’est imposée à une personne qui voudrait intégrer le commerce de poissons à Larochelle. « Lè yo fin fè mache a, yo ka fè moun peye, men pou kounya a pa gen okenn frè », nous explique Madan Jean qui attend ce samedi, le camion qui doit livrer les poissons au marché. Madan Jean n’est pas la seule à attendre le camion, ils sont plusieurs dizaines, les poissonniers et poissonnières de Larochelle qui attendent cette livraison. Elle doit se faire vers les deux heures de l’après- midi. Les glacières sont presque vides. « Un scénario qui se répète chaque mardi et chaque samedi à Larochelle », nous racontent les marchands. Les poissons qu’on y vend proviennent de Jacmel et de Léogâne. Une chose qui pourrait étonner plus d’un : « lamè sa a pa gen pwason ladan », nous raconte Madan Jean en pointant la baie de Port-au-Prince. Comme tout marché-trottoir, Larochelle n’est pas à l’abri des accidents de la circulation. Tout mauvais « coup de volant » dans la zone peut coûter la vie à ces mar- chands de poisson qui étalent leurs produits aux abords des trottoirs où les véhicules filent toujours à toute vitesse. Peut-être pour fuir l’odeur que libèrent les fruits de mer stoc- kés dans la région. Les marchands de poisson déclarent avoir beau- coup de mauvais souvenirs de cet endroit. « Sa pa gen lontan yon machin te pèdi fren li antre sou kèk machann ki t’ap vann la a. Men se la nou genyen, nou paka al lòt kote », ajoutent-ils. En attendant, ils espèrent que la construction du marché s’achève réellement. Ils n’encourront plus de danger et pourront vendre leurs produits dans de meilleures conditions et en toute quiétude. Les « Madan Sara », femmes de courage par Obed Lamy Larochelle : on n'y respire que du poisson par Ritzamarum ZÉTRENNE Les «Madan Sara» font le va-et-vient entre la campagne et la capitale acheter et revendre en gros des fruits, des vivres et des légumes. / Photo : cordaid.org À Fontamara 43, sur les trottoirs du boulevard Jean-Jacques Dessalines, Larochelle accueille chaque jour de nombreuses personnes. Elles y vont pour acheter du poisson pour leurs repas ou leurs petits commerces de quartier. Mais l’endroit est surtout réputé pour son odeur de pestilence.
  • 18. 18 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015 CULTURE CARIFESTA XII, Jour J - 32e Par ÉLISÉE DÉCEMBRE D u 21 au 30 août, Haïti sera sous les feux des projecteurs caribéens en accueillant la douzième édition de Cari- festa, l’événement culturel le plus varié et le plus inclusif de l’Amérique latine. En pleine période électorale, le public a encore du mal à se concen- trer sur cette activité. À part l’hymne du festival, interprété par Mikaben, Renette Désir, Rutshelle Guillaume et J. Perry, tourné en boucle sur les sta- tions de radio, et quelques médias qui parlent brièvement de l’événement, il n’y a aucune autre forme de publicité pour attirer le regard du public cul- turel haïtien vers ce festival des arts. Sur les façades des murs et sur les « billboard », on ne voit que les visages des candidats. Pour un événement qui réunit tous les payse la Caricom (marché commun de la Caraïbe) et d’autres pays invités, la visibilité passe presque inaperçue. À compter d’aujourd’hui, il ne reste que trente-deux jours pour la grande ouverture de Carifesta XII. Certains directeurs artistiques des pays membres de la Caricom ont déjà foulé le sol d’Haïti pour finaliser leur programme et com- pléter les efforts du comité organ- isateur. « Les préparatifs vont bon train, ils sont à un stade très avancé, évidemment. C’est du travail de longue haleine, mais l’équipe s’y attelle pour délivrer un bon fes- tival », signale Mme Prophète, première responsable de la com- munication de Carifesta XII. Elle met l’accent sur le « Grand Market » qui est le pilier de cette mani- festation culturelle. Le « Grand Market », espace d’exposition, de vente, de performance et de créa- tion, s’étendra sur les rues Capois, Légitime, Magloire Amboise et Magny. Chaque pays participant aura son périmètre d’exposition, ce qui permettra au grand public de visiter ces pays et d’identifier les diversités et les points com- muns qui existent entre eux. Carifesta est un package qui réunit, sur un même plateau, gas- tronomie, arts visuels, théâtre, danse, projections, débats, con- certs. Selon les responsables, ce sera l’occasion pour le pays de se vendre et surtout, de présenter son art, sa culture, son envie de vivre, sa manière d’habiter le monde, sa générosité. Carifesta XII fera le tour de cinq départe- ments : l’Ouest, le Sud, le Sud-Est, le Nord, l’Artibonite, et d’environ sept villes : Port-au-Prince, Car- refour, Pétion-Ville, Gonaïves, Jacmel, Cayes, le Cap-Haïtien. « Pour qu’un artiste participe à Carifesta, il faut qu’il ait déjà fait ses preuves. L’artiste qui participe à l’événement représente le pays ; c’est comme aux Jeux olympiques : ce sont les meilleurs athlètes qui sont choisis. La Direction artis- tique de Carifesta a donc choisi parmi les meilleurs. Les artistes moins expérimen- tés auront aussi la possibilité de s’exprimer : Carifesta a un « Youth Program » auquel ils peuvent s’inscrire. Il faut que leur propo- sition soit originale et respecte les droits d’auteur. La Direction artis- tique est ouverte à leurs proposi- tions », explique Philippe Dodard, directeur artistique de carifesta XII. À part des pays membres de la Caricom, Anguilla, Antigua-et- Barbuda, la Barbade, la Domi- nique, Guyana, la Jamaïque, le Surinam, Trinidad and Tobago, Saint-Kitts-et-Nevis, les Îles Caï- mans, les Bahamas, beaucoup d’autres pays de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord qui ont reçu l’invitation ont déjà confirmé leur présence. C’est le cas notammement du Mexique, des États-Unis, du Canada et les îles françaises de la Caraïbe et de l’Amérique du Sud, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Cuba. L’Équateur et le Venezuela, qui promettent de répondre sous peu, ont récemment reçu l’invitation du président de la République, Michel Joseph Martelly, égale- ment président d’Honneur de Carifesta XII. Carifesta est organisé tous les deux ans dans un pays membre de la Caricom. En 2013, le festi- val a été accueilli par Surinam, et ce fut le chanteur haïtien Wyclef Jean qui l’avait clôturé pour annoncer sa prochaine organisa- tion en Haïti. En 2017, ce sera au tour de la Barbade. Aucune information n’est encore révélée sur l’artiste barbadien qui aura à clôturer l’événement cette année. Le public attend la programma- tion avec impatience. Pourrait-on avoir la chanteuse internationale barbadienne Rihanna pour clore Carifesta ? Le comité de la douzième édition de Carifesta (Caribbean Festival of Arts). / Photo: Élisée Décembre Ce samedi 18 juillet 2015, le comité de la douzième édition de Carifesta (Caribbean Festival of Arts) a donné une conférence de presse au BHDA (Bureau haïtien des droits d’auteurs) autour des préparatifs de ce grand festival. Il a profité de l’occasion pour préciser que Carifesta XII n’est pas une question propre à un groupe de personnes et que le comité à lui seul ne peut pas tout réaliser. Selon les responsables, tous les secteurs du pays doivent s’y impliquer à leur niveau. Dans ce même but, ils pensent former un réseau de journalistes qui sera étroitement connecté au Comité pour informer le public à temps du déroulement des activités. par Walcam Konpa Kreyòl est de retour La bande de David Dupoux et Ti Djo Zenny est de retour pour une soirée dansante cet été. Konpa Kreyòl, « djaz lajenès la », sera le 14 août à Tara’s-la-Sapinière pour un grand bal avec les groupes Carimi et T-Vice comme invités, selon une programmation que nous avons lue sur la page des Vice-2-K. ... Ralph tourne le dos à Zenglen L’ex-guitariste de Nu Look, Ralph Condé, qui avait, depuis quelques années, rejoint le Zenglen, a décidé de tourner le dos à la bande de Brutus Dérisaint. Selon le maga- zine en ligne Konpa Magazine, Ralph laisse tomber Zenglen pour se consacrer essen- tiellement à son nouveau groupe musical Kòd. D’ailleurs, il a annoncé sur les réseaux sociaux la sortie prochaine de son opus qui est en préparation dans son studio. À rap- peler que Ralph Condé a joué aussi avec le Tabou Combo. Yòk pou pè , d’après T-Vice Le groupe T-Vice annonce qu’il est en train de tourner deux clips qui seront distribués bientôt. Il s’agit de deux compositions sur son dernier album : « Yòk pou pè » et « NSA ». Le guitariste chanteur du groupe a publié une photo d’un shoot de la vidéo « Yòk pou pè », sur sa page de réseau social afin de mobiliser ses fans. ... une salle de cinéma à Pétion-Ville Le rêve d’avoir à nouveau une salle de cinéma à Pétion-Ville est enfin devenu réalité. RevHomeCinema, avec plus de soix- ante sièges, a ouvert ses portes au com- plexe Quality de la rue Lambert, zone église Saint-Jean Bosco, avec un prix spécial pour les enfants. Rev Ciné, qui a une program- mation qui commence dès midi le weekend, rêve de devenir l’attraction de la cité. Le seul problème, ce sont les marchandes aux abords. ... Fifty Cent ne peut pas payer Le rappeur 50 Cent est dans l’impossibilité de payer cinq millions de dollars d’amende après avoir diffusé un sexe tape d’une anci- enne amie de Rick Ross, a révélé le Wall Street Journal. Fifty Cent a déclaré ne pas disposer d’une telle somme et qu’il était en faillite. Le lundi 13 juillet, il a déposé son bilan aux États-Unis pour demander la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites. Vu et entendu !
  • 19. LUNDI 20 JUILLET 2015 N0 42 | 19 CULTURE Rambo ressort du boisSOURCE : LIBERATION T rente-trois ans après, que reste-t-il de John J. Rambo ? Pas celui qui s’apprête à com- battre l’Etat islamique dans un futur Rambo 5 comme annoncé par Stallone il y a quelques jours, mais l’autre,celuiquirejointsonpaysaprès la défaite avec un drapeau américain cousu sur la poitrine, le héros déchu du premier opus de la saga qui ressort cette semaine en (de rares) salles dans une version restaurée. Pour le savoir, nous avons… revuRambo. Un héros bio lo-fi adepte du do- it-yourself Dans l’imaginaire col- lectif, Rambo passe sans émotion d’un charnier à une explosion. Mais dans ce premier volet, le personnage ne tue point, se con- tentant de blesser les rednecks serviteurs de la loi dans la bonne ville de Hope. Vêtu d’une toge goudronnée à la couleur indé- finissable, il sillonne la forêt sans armes autres que son couteau, en précurseur de la décroissance et du survivalisme, recousant seul ses plaies, dévorant autour d’un feu de camp une cuisse de cochon sauvage tué au pal. Sans compter que Rambo rend moche ce qu’il représente : le temps est merdique, les rapports humains détestables, la notion de justice élastique. Au plus près d’un réalisme prisé des séries B, qu’on retrouve aussi dans des scènes minières éclairées aux allumettes, ou dans la musique de Jerry Goldsmith, qui fait écho à celle des Sept Mercenaires, con- struite autour de basses au piano squelettiques, laissant l’enflure des orchestrations musculeuses pour le thème principal. «A quoi pensait Dieu en faisant un mec comme Rambo ?» crie le film. On penche pour Robinson + Thoreau + Clausewitz. Pour David Morrell, qui a écrit le roman dont le film est adapté, Rambo est l’archétype de ses étudiants reve- nus du Vietnam qui refusaient de se soumettre à son autorité de prof et dont il a perçu les symptômes d’un mal à l’époque méconnu : le stress post-traumatique. Un pionnier de la guerre autoproduite En étrillant des Viets (Rambo II), des soviétiques avec l’aide des talibans(III), et l’armée birmane (John Rambo), Rambo connecte sa saga à une vague actualité de l’état des conflits dans le monde. Mais son principal fait d’armes réside dans cette guerre de 1982, créée ex nihilo sur le sol rea- ganien, et vue comme une métas- tase du bourbier vietnamien, une relecture du chassé-chasseur à la Zaroff, ou une escalade tenant de la querelle de gosse où l’on se déresponsabilise en rejetant sur l’autre l’origine du premier sang (titre original : First Blood). Le réalisateur, Ted Kotcheff, n’oublie pas de poser dans le décor les journalistes des pre- mières chaînes d’info en continu, venus capter la légende. Par leur intermédiaire, Kotcheff dissout la grammaire du film dans celle du reportage télé, le temps de quelques plans. La légende de Rambo, trente ans plus tard, c’est celle de dialogues taillés au poig- nard de survie («Ce gars mangerait des trucs à faire vomir un bouc»), mais aussi celle d’un bébé cultur- iste effondré dans les bras de son supérieur, qui pleure en évoquant les tripes explosées de son copain et lâche : «Là-bas, je conduisais des chars qui valaient des mil- lions, ici je ne peux même pas être gardien de parking.» Ted Kotcheff explique dans la version DVD :«En 1982, le public américain a com- pris que les vétérans du Vietnam avaient été traités mesquinement, qu’ils étaient les boucs émissaires de leurs sentiments négatifs sur la guerre.» Le réalisateur raconte aussi que les salles vibraient corps et viscères pour ce héros injuste- ment traité. Depuis, le cinéma américain s’est souvent transformé en clinique pour guerriers vétérans. Mais, en 1982, Rambo est avant tout un exutoire à la mauvaise conscience américaine qui, après avoir pourri le retour de nombre de ses semblables, voulait que, au moins sur l’écran, celui-ci soit sauvé. Rambo ressort du bois. / Photo: Liberation Lire « Stella » et partager la passion de la libertéPar Magdalée Brunache J e dois vous avouer, au risque de paraître prétentieuse, que ce qui m’a déterminée à lire « Stella » d’Emeric Bergeaud fut une notice sur la quatrième de couverture qui indiquait que très peu d’intellectuels haïtiens pouvaient se targuer d’avoir lu ce livre. Et oui ! Pre- mier roman haïtien, c’est pourtant, en effet, un texte assez méconnu. Écrit à une époque où l’auteur, Emeric Bergeaud, se trouvait en exil, ce roman dénote néanmoins un patriotisme fervent, preuve que l’amour de la patrie avait subsisté dans le cœur de l’auteur. Le roman relate sous le couvert de la fiction les grands moments de la Révolu- tion de Saint-Domingue jusqu’à la proclamation de l’Indépendance. Romulus et Rémus personnifient les quatre grands meneurs de la Révolution, à savoir : Rigaud, Toussaint, Dessalines et Pétion. Au début du roman, ces deux frères et leur mère, l’Africaine, sont soumis à tout ce que l’esclavage a pu comporter de cruautés. Ils supportent néanmoins coura- geusement la morgue du maître et la dureté de leurs conditions de vie jusqu’au jour où l’Africaine succombe sous le fouet du colon, soucieux à cause des nouvelles de la Révolution française. Elle se traînera néanmoins jusqu’à sa case (faisant un peu penser à Manuel dans « Gouverneurs de la rosée ») et indiquera à ses fils la montagne, symbole de liberté. Ainsi naquit chez Romulus et Remus ce sentiment de révolte que leur rencontre avec Stella va attiser. Dans ce récit allégorique, Stella est la personnification de la liberté. Elle est l’espoir qui anime les esclaves révoltés. Quand les deux frères finissent par s’éloigner des véritables objectifs de la révolution, c’est à ses pieds, qu’ils reviennent implorer le pardon. Tout au long du par- cours menant à la proclamation de l’Indépendance le 1er janvier 1804, elle guidera les insurgés. Elle est la vierge céleste des poèmes d’Antoine Dupré, l’étoile des nations ! Emeric Bergeaud s’est attaché à rester fidèle à l’histoire, tout en la mêlant étroitement à la fiction, une manière de retenir l’attention de ses lecteurs. Ses personnages principaux sont plus idéaux que réels. Ce texte que l’auteur confia à l’un de nos premiers historiens, Beaubrun Ardouin, témoigne d’un grand souci de documentation... Il faut lire ce roman, ne serait-ce que pour être traversé par ce souf- fle de patriotisme, d’engagement, à une époque où l’on répugne sou- vent à s’engager pour une cause. Pour savourer une littérature haïtienne encore à ses premiers frémissements. « Stella » est un élément important de notre patrimoine littéraire qu’il convient d’apprécier à sa juste valeur. Loin du héros ultra-belliqueux des suites passées (et à venir ?), le personnage illustre dans le film originel, désormais restauré, la conscience crasseuse de l’Amérique de Reagan. CINEMA
  • 20. 20 | N0 42 LUNDI 20 JUILLET 2015