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1 
École des hautes études en sciences de l'information et de la communication 
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) 
MASTER 
2 
PROFESSIONNEL 
Magistère de Communication 
Management de la communication 
« Performer (dans) la ville : significations et représentations de 
l’urbanité dans la culture de marque de Nike » 
préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD 
Nom et prénom : Gasquet Théo 
Promotion : 2013-2014 
Soutenu le : 24 novembre 2014 
Note au mémoire :
Table 
des 
matières 
REMERCIEMENTS 
............................................................................................................................ 
4 
INTRODUCTION 
............................................................................................................................... 
6 
Préambule 
.................................................................................................................................................... 
6 
Le 
sport, 
la 
ville 
et 
Nike 
........................................................................................................................... 
7 
Pourquoi 
parler 
de 
culture 
de 
marque 
? 
........................................................................................... 
9 
1. 
NIKE 
: 
UNE 
CULTURE 
DE 
MARQUE 
BATIE 
SUR 
LA 
CULTURE 
DE 
LA 
RUE 
................ 
13 
1.1 
2 
La 
construction 
d’une 
culture 
de 
marque 
subversive 
et 
revendiquant 
son 
« 
authenticité 
» 
........................................................................................................................................ 
13 
1.2 
Nike 
et 
la 
glorification 
de 
la 
pratique 
sportive 
informelle 
dans 
la 
rue 
(en 
opposition 
à 
Adidas 
et 
le 
sport 
légitime 
des 
stades) 
..................................................................... 
17 
1.3 
La 
jeunesse 
(de 
la 
rue) 
au 
coeur 
de 
la 
communication 
de 
la 
marque 
......................... 
21 
2. 
ESTHÉTIQUES 
URBAINES 
ET 
MÉTAPHORES 
SPORTIVES 
: 
LES 
REPRÉSENTATIONS 
DE 
LA 
VILLE 
MODERNE 
À 
TRAVERS 
LES 
VALEURS 
DE 
NIKE 
........................................... 
26 
2.1 
La 
ville, 
lieu 
de 
confrontation 
entre 
soi 
et 
les 
autres 
: 
entre 
inégalité 
urbaine 
et 
mise 
à 
égalité 
par 
le 
sport 
............................................................................................................... 
26 
2.1.1 
L’individualisme 
urbain 
exacerbé 
par 
le 
sport 
et 
les 
valeurs 
de 
Nike 
.............................................................. 
26 
2.1.2 
Altérité 
urbaine, 
altérité 
sportive, 
entre 
compétition 
et 
« 
co-­‐opétition 
» 
: 
confrontation 
et 
cohabitation 
dans 
un 
espace 
limité 
.............................................................................................................................................. 
30 
2.1.3 
Le 
sport 
comme 
mythe 
d’ascension 
sociale 
: 
de 
l’ombre 
de 
la 
rue 
à 
la 
lumière 
des 
stades 
...................... 
33 
2.2 
La 
ville, 
territoire 
identitaire 
ou 
paysage 
hostile 
à 
dompter 
par 
le 
sport 
............ 
38 
2.2.1 
La 
construction 
d’une 
identité 
territoriale 
et 
collective 
par 
le 
sport 
................................................................. 
38 
2.2.2 
La 
ville 
illimitée 
qu’il 
faut 
s’approprier 
.......................................................................................................................... 
43 
3. 
POUR 
QUE 
LA 
PERFORMANCE 
SOIT 
PERFORMÉE 
: 
COMMENT 
TRANSFORMER 
UN 
DISCOURS 
SUR 
LA 
PERFORMANCE 
SPORTIVE 
URBAINE 
EN 
L’ADOPTION 
DES 
PRODUITS 
DANS 
LA 
RUE 
............................................................................................................. 
49 
3 
.1 
L’exemple 
du 
running 
: 
à 
la 
croisée 
du 
sport 
et 
de 
la 
mode 
...................................... 
49 
3.1.2 
De 
la 
performance 
individuelle 
à 
la 
communauté 
.................................................................................................... 
50 
3.1.2 
Marquer 
la 
performance 
par 
le 
territoire 
urbain, 
et 
le 
territoire 
urbain 
par 
la 
performance 
: 
vers 
une 
cartographie 
de 
la 
performance 
..................................................................................................................................................... 
53 
3.1.3 
Performer 
la 
performance 
par 
le 
vêtement 
: 
de 
la 
valeur 
d’usage 
à 
la 
valeur 
signe 
des 
produits 
Nike 
...................................................................................................................................................................................................................... 
58
3.2 
Promouvoir 
la 
performance 
urbaine 
comme 
mode 
de 
vie 
pour 
gagner 
la 
bataille 
de 
la 
rue 
................................................................................................................................ 
61 
3.2.1 
Performer 
la 
marque 
pour 
performer 
son 
identité 
urbaine 
.................................................................................. 
61 
3.2.2 
Parler 
à 
toute 
la 
rue, 
parler 
de 
toutes 
les 
rues 
............................................................................................................ 
64 
CONCLUSION 
................................................................................................................................... 
72 
SOURCES 
DOCUMENTAIRES 
....................................................................................................... 
75 
Bibliographie 
........................................................................................................................................... 
75 
Études 
......................................................................................................................................................... 
77 
Sitographie 
............................................................................................................................................... 
77 
ANNEXES 
.......................................................................................................................................... 
79 
Annexe 
1 
.................................................................................................................................................... 
79 
Annexe 
2 
.................................................................................................................................................... 
81 
Annexe 
3 
.................................................................................................................................................... 
84 
RÉSUMÉ 
............................................................................................................................................ 
90 
MOTS-­‐CLEFS 
.................................................................................................................................... 
91 
3
4 
REMERCIEMENTS 
Je 
tiens 
tout 
d’abord 
à 
remercier 
le 
CELSA, 
ses 
professeurs 
et 
son 
personnel 
administratif 
pour 
ces 
trois 
belles 
années 
d’apprentissage 
et 
de 
riches 
expériences 
humaines. 
Je 
remercie 
tout 
particulièrement 
Emmanuelle 
Lallement 
pour 
son 
encadrement 
tout 
au 
long 
du 
magistère 
et 
pour 
son 
suivi 
lors 
de 
la 
réalisation 
de 
ce 
mémoire. 
Ses 
conseils, 
sa 
bienveillance 
et 
son 
apport 
pédagogique 
ont 
été 
précieux 
durant 
ces 
années 
d’études. 
Je 
n’oublie 
pas 
Monique 
Beuvin, 
notre 
coordinatrice 
pédagogique, 
pour 
son 
implication 
et 
son 
dévouement 
qui 
ont 
grandement 
contribué 
à 
faire 
du 
magistère 
une 
grande 
et 
belle 
famille. 
Merci 
également 
à 
Philippe 
Gargov, 
mon 
rapporteur 
professionnel, 
pour 
sa 
disponibilité, 
ses 
conseils 
et 
le 
regard 
pertinent 
qu’il 
aura 
jeté 
sur 
mon 
travail. 
Enfin, 
je 
remercie 
mes 
amis 
et 
ma 
famille 
pour 
leur 
soutien 
et 
Faustine 
pour 
la 
relecture 
attentive 
de 
ces 
pages.
« 
Dans 
les 
grandes 
villes 
modernes, 
les 
gens 
courent 
après 
eux-­‐mêmes. 
Ils 
s’atteignent 
rarement. 
» 
Gerhard 
Haptmann 
5
6 
INTRODUCTION 
Préambule 
Le 
5 
octobre 
2014, 
11000 
participants 
s’élançaient 
dans 
les 
rues 
de 
la 
capitale 
pour 
participer 
au 
10km 
Paris 
Centre, 
course 
organisée 
par 
Nike 
au 
coeur 
du 
Marais1. 
La 
star 
d’athlétisme 
Carl 
Lewis 
lançait 
même 
l’ouverture 
symbolique 
de 
ce 
succès 
populaire. 
Au-­‐delà 
de 
cet 
événement 
exceptionnel, 
Nike 
Running, 
l’entité 
spécialisée 
dans 
la 
course 
de 
la 
marque, 
organise 
ainsi 
chaque 
semaine 
des 
« 
runs 
» 
dans 
les 
rues 
de 
Paris, 
courses 
encadrées 
par 
des 
coachs 
Nike, 
suivant 
un 
itinéraire 
défini 
par 
Nike, 
et 
toujours 
à 
partir 
des 
points 
de 
vente 
Nike, 
figurant 
ainsi 
les 
lieux 
de 
repères 
centraux 
pour 
ces 
parcours 
dans 
la 
ville 
(points 
de 
départ 
et 
d’arrivée). 
Ces 
rendez-­‐vous 
réguliers 
accompagnent 
une 
progression 
fulgurante 
de 
la 
pratique 
de 
la 
course 
à 
pied 
en 
France2 
ainsi 
qu’une 
tendance 
plus 
générale 
qui 
consacre 
les 
vêtements 
du 
running, 
et 
les 
chaussures 
notamment, 
comme 
en 
témoignent 
les 
créations 
des 
plus 
grands 
designers 
qui 
les 
mettent 
à 
l’honneur 
depuis 
20123, 
tendance 
reprise 
par 
les 
magazines 
de 
mode4 
au 
point 
qu’une 
journaliste 
mode 
du 
magazine 
Black 
Rainbow 
déclare 
que 
« 
les 
chaussures 
de 
running 
sont 
les 
nouveaux 
talons 
aiguilles 
»5 
Ces 
constats 
actuels 
nous 
donnent 
ainsi 
l’impression 
que 
le 
sport 
et 
les 
signes 
de 
sportivité 
n’ont 
jamais 
été 
aussi 
visibles 
dans 
la 
ville. 
Il 
ne 
s’agit 
pas 
d’une 
nouveauté 
: 
les 
adolescents, 
notamment, 
ont 
depuis 
longtemps 
adopté 
des 
tenues 
vestimentaires 
sportives, 
indépendamment 
de 
la 
pratique, 
comme 
le 
rappellent 
Christian 
Dorvillé 
et 
Claude 
Sobry 
pour 
qui 
« 
les 
tenues 
sportives 
sont 
devenus 
des 
éléments 
importants 
de 
l’identité 
corporelle 
pour 
les 
adolescents 
» 
6 . 
Depuis 
quelques 
années, 
la 
basket, 
1 
http://www.lepape-­‐info.com/courses/les-­‐resultats-­‐des-­‐10km-­‐de-­‐paris-­‐centre-­‐le-­‐5-­‐octobre-­‐2014/ 
(consulté 
le 
19 
octobre 
2014) 
2 
http://www.lsa-­‐conso.fr/la-­‐course-­‐folle-­‐du-­‐running,139646 
(consulté 
le 
17 
octobre 
2014) 
3 
http://www.elle.fr/Loisirs/Special/L-­‐homme-­‐2013-­‐explique-­‐aux-­‐filles/Leurs-­‐tentations-­‐mode/Du-­‐ 
podium-­‐a-­‐la-­‐rue-­‐10-­‐tendances-­‐a-­‐la-­‐loupe/Les-­‐running-­‐shoes 
(consulté 
le 
18 
octobre 
2014) 
4 
http://www.aufeminin.com/accessoires-­‐mode/baskets-­‐tenue-­‐de-­‐ville-­‐le-­‐look-­‐a-­‐adopter-­‐d-­‐urgence-­‐ 
s341581.html 
(consulté 
le 
18 
octobre 
2014) 
5 
http://www.gqmagazine.fr/sport/saga/articles/les-­‐secrets-­‐du-­‐phnomne-­‐running/12723 
(consulté 
le 
18 
octobre 
2014) 
6 
DORVILLÉ 
(Christian) 
et 
SOBRY 
(Claude), 
La 
ville 
revisitée 
par 
les 
sportifs, 
Territoire 
en 
mouvement, 
2006
chaussure 
de 
sport 
destinée 
à 
être 
portée 
en 
ville 
s’est 
également 
démocratisée 
et 
n’est 
plus 
restreinte 
à 
la 
seule 
population 
des 
adolescents 
ou 
des 
pratiquants 
de 
sport.7 
Guillaume 
Erner 
note 
que 
« 
la 
différence 
séparant 
une 
marque 
de 
sport 
d’une 
marque 
de 
mode 
est 
ténue. 
Nike 
et 
ses 
semblables 
ont 
profité 
de 
la 
tendance 
consistant 
à 
détourner 
les 
baskets 
de 
leur 
usage 
initial 
; 
les 
deux 
tiers 
de 
ces 
chaussures 
ne 
serviront 
donc 
jamais 
à 
aucune 
pratique 
sportive 
»8 
Mais 
la 
chaussure 
running 
est 
sans 
aucun 
doute, 
de 
toutes 
les 
baskets 
qui 
sont 
devenues 
à 
la 
mode, 
celle 
qui 
présente 
l’aspect 
et 
les 
caractéristiques 
les 
plus 
techniques, 
et 
leur 
port 
dans 
la 
ville, 
dans 
un 
usage 
déconnecté 
de 
la 
pratique 
sportive, 
peut 
sembler 
incongru. 
La 
hausse 
de 
la 
pratique 
sportive 
en 
ville 
conjuguée 
à 
la 
tendance 
grandissante 
des 
vêtements 
sportifs 
en 
milieu 
urbain, 
nous 
amènent 
à 
interroger 
les 
liens 
entre 
la 
ville 
et 
le 
sport 
et 
plus 
particulièrement 
entre 
la 
ville 
et 
les 
marques 
de 
sport 
à 
la 
lumière 
de 
l’une 
des 
plus 
emblématiques. 
7 
Le 
sport, 
la 
ville 
et 
Nike 
S’il 
ne 
nous 
apparaît 
aujourd’hui 
pas 
incongru 
d’évoquer 
conjointement 
les 
notions 
de 
sport 
et 
de 
ville, 
Christian 
Dorvillé 
et 
Claude 
Sobry 
nous 
rappellent 
que 
ces 
deux 
termes 
« 
étaient 
jusqu’à 
une 
époque 
récente 
deux 
mots 
quasiment 
antinomiques 
», 
le 
sport 
ayant 
« 
ses 
lieux 
d’expression 
précis 
et 
bien 
localisés 
: 
les 
stades, 
les 
gymnases, 
les 
vélodromes 
et 
autres 
arènes 
où 
étaient 
organisés 
des 
rencontres 
sportives 
dans 
des 
cités 
structurées 
», 
à 
l’exception 
des 
courses 
cyclistes, 
précisent-­‐ils9. 
C’est 
ainsi 
à 
partir 
des 
années 
1970 
que 
le 
sport 
va 
progressivement 
sortir 
des 
lieux 
dans 
lesquels 
la 
performance 
physique 
était 
confinée. 
À 
partir 
de 
ce 
moment 
là, 
les 
pratiques 
et 
les 
objectifs 
changent, 
les 
pratiquants 
vont 
rechercher 
autant 
le 
plaisir 
que 
la 
performance 
et 
des 
sports 
de 
rue 
tels 
que 
le 
jogging, 
roller, 
skate, 
street-­‐ball, 
BMX, 
street-­‐hockey 
vont 
se 
développer. 
Le 
cadre 
d’action 
devient 
la 
ville 
: 
on 
passe 
« 
d’un 
espace 
clos 
hérité 
des 
fondements 
de 
l’urbanisme 
moderne 
(séparation 
des 
activités 
et 
des 
usagers) 
à 
un 
espace 
ouvert 
sur 
la 
ville 
(sports 
« 
de 
» 
la 
ville 
et 
plus 
seulement 
« 
dans 
» 
la 
ville) 
où 
les 
pratiquants 
entretiennent 
des 
rapports 
interactifs 
avec 
l’environnement 
urbain 
qui 
7 
MULLER 
(Florence), 
Baskets. 
Une 
histoire 
de 
chaussures 
de 
sport, 
de 
ville, 
Les 
éditions 
du 
regard, 
1997 
8 
ERNER 
(Guillaume), 
Victimes 
de 
la 
mode 
? 
Comment 
on 
la 
crée, 
pourquoi 
on 
la 
suit, 
La 
Découverte, 
2006 
9 
DORVILLÉ 
(Christian) 
et 
SOBRY 
(Claude), 
La 
ville 
revisitée 
par 
les 
sportifs, 
Territoire 
en 
mouvement, 
2006
passent 
par 
une 
réappropriation 
originale 
et 
ludique 
de 
la 
cité 
» 
(Dorvillé 
et 
Sobry). 
Les 
activités 
sportives 
dans 
la 
ville 
deviennent 
des 
activités 
« 
spectacularisables 
» 
auxquelles 
les 
passants, 
les 
piétons 
participent 
comme 
témoins 
et 
spectateurs, 
parfois 
malgré 
eux. 
La 
recherche 
esthétique 
et 
de 
sensations 
menée 
pour 
soi 
est 
à 
même 
de 
basculer 
vers 
une 
pratique 
mise 
en 
scène 
pour 
des 
tiers 
extérieurs10. 
Cette 
irruption 
du 
sport 
dans 
les 
espaces 
publics 
à 
partir 
des 
années 
1970, 
conjuguée 
à 
une 
augmentation 
régulière 
des 
pratiquants 
et 
une 
médiatisation 
accrue 
des 
sports 
dits 
de 
masse 
ont 
conduit 
à 
valoriser 
la 
culture 
sportive11. 
Dès 
lors, 
au-­‐delà 
de 
la 
pratique, 
les 
signes 
de 
la 
sportivité 
ont 
permis 
d’afficher 
une 
« 
identité 
positive 
dans 
les 
lieux 
publics 
», 
notamment 
pour 
les 
adolescents.12 
Une 
des 
marques 
qui 
a 
sans 
doute 
le 
mieux 
compris 
l’importance 
esthétique 
des 
vêtements 
de 
sport 
comme 
outil 
de 
représentation 
et 
d’identité 
est 
Nike. 
Dès 
sa 
création, 
la 
marque 
américaine 
incarne, 
au-­‐delà 
de 
la 
pratique 
du 
sport, 
un 
état 
d’esprit 
qui 
lui 
permettra 
assez 
vite 
de 
vendre 
ses 
produits 
plus 
seulement 
à 
un 
public 
de 
sportifs 
mais 
à 
un 
large 
public. 
À 
tel 
point 
qu’aujourd’hui 
« 
80% 
de 
(leurs) 
produits 
sont 
portés 
dans 
la 
8 
rue 
plutôt 
que 
sur 
un 
terrain 
», 
comme 
le 
rappelle 
le 
président 
de 
son 
entité 
française, 
J-­‐P 
Petit 13 . 
La 
rue 
est 
ainsi 
le 
lieu 
du 
triomphe 
économique 
de 
Nike. 
Ses 
résultats 
commerciaux 
font 
d’elle 
une 
des 
toutes 
premières 
marques 
de 
sportswear 
au 
monde, 
notamment 
dans 
le 
domaine 
des 
baskets 
: 
Nike 
détient 
ainsi 
36,6% 
du 
marché 
de 
la 
chaussure 
de 
sport, 
le 
double 
de 
son 
rival 
Adidas14. 
Récemment, 
Nike 
est 
même 
devenu 
le 
premier 
sponsor 
de 
clubs 
européens, 
devant 
son 
concurrent 
historique 
Adidas 
et 
dont 
le 
football 
était 
le 
territoire 
de 
prédilection15. 
La 
marque 
a 
ainsi 
élargi 
au 
fil 
des 
années 
les 
sports 
sur 
lesquels 
elle 
misait 
: 
d’abord 
spécialisée 
dans 
l’athlétisme, 
elle 
a 
ensuite 
fait 
du 
basketball 
un 
de 
ses 
axes 
de 
développement 
principaux 
avant 
de 
multiplier 
les 
10 
ADAMKIEWICZ 
(Éric), 
Glisse 
urbaine 
et 
redéfinition 
de 
l’espace 
urbain, 
Glisse 
urbaine, 
revue 
Autrement, 
2001, 
p.200-­‐212 
11 
DURET 
(Pascal), 
Sociologie 
du 
sport, 
Que 
sais-­‐je 
?, 
2008 
12 
OHL 
(Fabien), 
Les 
usages 
sociaux 
des 
objets 
: 
paraître 
« 
sportif 
en 
ville 
», 
Loisir 
et 
société, 
vol.24, 
n°1, 
2001 
13 
Le 
Monde, 
11 
novembre 
2000 
14 
http://www.capital.fr/a-­‐la-­‐une/actualites/nike-­‐adidas-­‐qui-­‐est-­‐le-­‐plus-­‐fort-­‐898575/(offset)/2 
(consulté 
le 
20 
octobre 
2014) 
15 
http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/football-­‐nike-­‐equipe-­‐davantage-­‐clubs-­‐qu-­‐adidas-­‐ 
824901.html 
(consulté 
le 
12 
octobre 
2014)
sports 
puis 
de 
venir 
concurrencer 
et 
donc 
dépasser 
son 
principal 
concurrent 
Adidas 
dans 
le 
domaine 
du 
football. 
9 
Pourquoi 
parler 
de 
culture 
de 
marque 
? 
Les 
résultats 
commerciaux 
de 
Nike 
font 
d’elle 
la 
première 
marque 
de 
vêtements 
sportifs 
mondiale. 
Les 
chiffres 
sont 
la 
preuve 
de 
la 
réussite 
commerciale 
de 
la 
marque 
mais 
ce 
qui 
fonde 
l’intérêt 
d’une 
marque 
comme 
Nike 
c’est 
sa 
réussite 
en 
tant 
qu’émetteur 
culturel. 
Daniel 
Bo 
explique 
ainsi 
que 
les 
marquent 
incarnent 
des 
points 
de 
vue 
sur 
le 
monde 
et 
ont 
vocation 
à 
promouvoir 
des 
modèles 
: 
mythes, 
symboles, 
codes 
idéologies16. 
Par 
culture, 
on 
entend 
l’ensemble 
des 
formes 
acquises 
de 
comportements, 
des 
aspects 
collectifs 
d’une 
société, 
des 
expériences 
de 
la 
vie 
quotidienne. 
L’Unesco 
définit 
la 
culture 
comme 
« 
l’ensemble 
des 
traits 
distinctifs, 
spirituels 
et 
matériels, 
intellectuels 
et 
affectifs, 
qui 
caractérisent 
une 
société 
ou 
un 
groupe 
social. 
»17 
En 
s’adossant 
à 
la 
culture, 
les 
marques 
peuvent 
trouver 
le 
moyen 
de 
faire 
résonner 
leurs 
valeurs 
avec 
des 
références 
partagées 
par 
tous, 
elles 
ne 
sont 
plus 
seulement 
« 
des 
repères 
sur 
un 
marché 
de 
produits 
ou 
de 
services, 
mais 
bel 
et 
bien 
des 
univers 
complets 
chargés 
de 
sens, 
des 
pôles 
de 
densité 
symbolique, 
des 
systèmes 
culturels, 
où 
s’articulent 
des 
valeurs 
et 
des 
pratiques, 
des 
comportements, 
des 
contenus 
créatifs 
et 
même 
des 
règles 
de 
vie 
»18. 
Si 
chaussures, 
survêtements 
et 
autres 
accessoires 
font 
partie 
de 
la 
culture 
matérielle, 
la 
marque 
Nike 
fait, 
elle, 
partie 
de 
la 
culture 
immatérielle. 
Elle 
fonctionne 
comme 
une 
entité 
symbolique 
avec 
ses 
codes 
et 
valeurs 
idéologiques. 
Ainsi, 
un 
des 
traits 
reconnus 
de 
la 
culture 
de 
Nike 
est 
la 
mythologie 
sportive. 
Les 
égéries 
de 
Nike 
sont 
assimilées 
à 
des 
héros. 
L'inspiration 
de 
l’héroïsme 
grec 
est 
d’ailleurs 
visible 
avec 
le 
sens 
du 
mot 
Nike 
qui 
est 
une 
déesse 
grecque 
qui 
personnifie 
la 
victoire. 
Le 
logo 
Nike 
lui-­‐même 
est 
une 
stylisation 
de 
l’aile 
de 
la 
Victoire 
(la 
Victoire 
de 
Samothrace) 
ou 
des 
victoires 
en 
général, 
qui, 
dans 
leurs 
représentations 
traditionnelles, 
sont 
toujours 
ailées19. 
La 
dimension 
héroïque 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
est 
largement 
16 
BO 
(Daniel), 
Brand 
culture, 
développer 
le 
potentiel 
culturel 
des 
marques, 
Dunod, 
2013, 
Paris 
17 
http://portal.unesco.org/culture/fr/files/12762/11295422481mexico_fr.pdf/mexico_fr.pdf 
(consulté 
le 
20 
octobre 
2014) 
18 
Bo 
(Daniel), 
op. 
cit. 
19 
http://www.influencia.net/fr/actualites/rub,nike-­‐heroisme-­‐depassement,31,2525.html 
(consulté 
le 
14 
octobre 
2014)
reconnue, 
car 
mise 
en 
perspective 
par 
Georges 
Lewi 
dans 
son 
ouvrage 
« 
Mythologie 
des 
marques 
»20 
et 
un 
mémoire 
au 
CELSA 
est 
même 
consacré 
au 
sujet21. 
Ce 
qui 
nous 
semble 
intéressant 
et 
qui 
fonde 
la 
légitimité 
de 
notre 
travail 
de 
recherche, 
c’est 
que 
la 
culture 
de 
marque 
de 
marque 
est 
envisagée 
comme 
une 
globalité, 
un 
agrégat 
de 
valeurs, 
de 
représentations, 
de 
symboliques. 
Pour 
Daniel 
Bô, 
« 
la 
sonorité 
du 
moteur 
d’une 
Harley, 
l’interface 
des 
écrans 
Apple 
ou 
Sony 
ou 
encore 
le 
papier 
de 
soie 
parfumé 
des 
emballages 
Bonpoint 
font 
intrinsèquement 
partie 
de 
la 
culture 
de 
ces 
marques. 
Cela 
signifie 
que 
la 
culture 
de 
marque 
n’est 
pas 
réductible 
à 
un 
simple 
discours 
: 
elle 
passe 
aussi 
par 
des 
images, 
des 
icônes, 
des 
objets, 
des 
façons 
de 
faire, 
etc. 
» 
Dans 
cette 
perspective, 
les 
manières 
avec 
lesquelles 
la 
ville 
est 
représentée 
dans 
la 
communication 
de 
Nike 
constituent 
un 
signifiant 
à 
part 
entière 
dans 
sa 
culture 
de 
marque 
et 
tendent 
nécessairement 
à 
véhiculer 
ses 
valeurs. 
L’intérêt 
d’étudier 
une 
culture 
de 
marque, 
ou 
en 
tout 
cas 
un 
des 
aspects 
d’une 
culture 
de 
marque, 
est 
d’analyser 
de 
quelles 
façons 
la 
marque 
se 
saisit 
d’une 
culture 
préexistante, 
la 
transforme 
(de 
manière 
consciente 
ou 
inconsciente) 
au 
filtre 
de 
ses 
valeurs 
et 
de 
ses 
stratégies 
pour 
la 
restituer 
d’une 
certaine 
manière. 
En 
effet, 
les 
marques 
« 
inscrivent 
leur 
vocation 
dans 
un 
environnement, 
une 
culture 
plus 
large 
qu’elles, 
dont 
elles 
dépendent 
et 
qui 
les 
dépasse 
»22 . 
Bruno 
Remaury 
ajoute 
qu’« 
il 
y’a 
sous 
certaines 
marques, 
de 
vraies 
richesses 
narratives 
en 
termes 
de 
récits 
mais 
surtout 
de 
vrais 
ancrages, 
qu’ils 
soient 
pressentis 
ou 
totalement 
involontaires, 
de 
ces 
récits 
de 
marque 
dans 
différents 
grands 
récits 
culturels 
collectifs 
»23. 
Toute 
culture 
de 
marque 
procède 
ainsi 
d’une 
culture 
commune 
qui 
la 
précède. 
Il 
est 
intéressant 
de 
dévoiler 
alors 
ces 
« 
ancrages 
» 
et 
leur 
restitution. 
C’est 
ce 
mouvement 
entre 
ce 
que 
l’on 
pourrait 
appeler 
« 
une 
culture 
commune 
» 
de 
la 
ville 
et 
du 
sport 
et 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
qui 
sera 
au 
coeur 
de 
notre 
sujet. 
Dans 
quelle 
mesure 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
s’inspire 
de 
ce 
que 
l’on 
pourrait 
qualifier 
de 
réalités 
sociales 
de 
la 
ville 
et 
des 
liens 
entre 
le 
sport 
et 
la 
ville 
? 
Comment 
la 
10 
20 
LEWI 
(Georges), 
Mythologie 
des 
marques, 
quand 
les 
marques 
font 
leur 
storytelling, 
Pearson 
Village 
mondial, 
Paris, 
2009 
21 
DABURON 
(Myrtille).-­‐ 
Immatérialité 
symbolique 
et 
héroïsme 
de 
marque 
: 
le 
duel 
identitaire 
de 
Nike 
et 
Adidas. 
2011 
22 
BO 
(Daniel), 
Brand 
culture, 
développer 
le 
potentiel 
culturel 
des 
marques, 
Dunod, 
2013, 
Paris 
23 
REMAURY 
(Bruno), 
Marques 
et 
récit, 
la 
marque 
face 
à 
l’imaginaire 
culturel 
contemporain, 
Editions 
du 
regard, 
Paris, 
2004
marque 
utilise 
en 
transformant, 
ou 
non, 
ces 
réalités 
sociales, 
pour 
trouver 
un 
écho 
chez 
ses 
consommateurs 
et 
transmettre 
ainsi 
ses 
valeurs 
? 
En 
quoi 
les 
valeurs 
de 
Nike 
sont-­‐ 
elles 
d’ailleurs 
liées 
à 
des 
valeurs 
que 
l’on 
pourrait 
prêter 
à 
la 
ville 
? 
Pour 
résumer 
ces 
questions 
en 
une 
phrase 
qui 
figure 
notre 
problématique 
: 
nous 
nous 
demanderons 
comment 
et 
à 
quelles 
fins 
Nike 
s’approprie 
et 
restitue 
le 
territoire 
symbolique 
de 
la 
ville 
dans 
sa 
culture 
de 
marque. 
Deux 
hypothèses 
viennent 
soutenir 
cette 
réflexion 
: 
Nous 
supposons 
que 
la 
ville 
constitue 
un 
terreau 
de 
valeurs 
dans 
lequel 
l’identité 
de 
Nike 
trouve 
racine 
et 
que 
la 
marque 
va 
réinterpréter 
pour 
restituer 
sa 
vision 
de 
l’individu 
– 
sportif 
-­‐ 
dans 
la 
ville. 
Dans 
un 
deuxième 
temps 
nous 
faisons 
l’hypothèse 
que 
l’importance 
accordée 
à 
la 
ville 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
lui 
a 
permis 
de 
décloisonner 
ses 
produits 
de 
la 
pratique 
sportive 
pour 
réussir 
à 
les 
imposer 
en 
tant 
qu’accessoires 
de 
mode. 
Pour 
mener 
à 
bien 
ces 
réflexions, 
il 
nous 
a 
semblé 
judicieux 
d’étudier 
principalement 
la 
partie 
la 
plus 
explicite 
de 
la 
culture 
d’une 
marque 
: 
la 
publicité, 
en 
nous 
concentrant 
sur 
les 
films 
publicitaires. 
La 
marque 
produisant 
un 
grand 
nombre 
de 
films 
publicitaires, 
dans 
de 
nombreux 
pays, 
nous 
avons 
décidé 
de 
nous 
concentrer 
sur 
les 
films 
publicitaires 
diffusés 
en 
télévision, 
au 
cinéma 
ou 
sur 
internet 
en 
France 
ces 
trois 
dernières 
années. 
Adscope24 
qui 
est 
une 
bibliothèque 
de 
référencement 
de 
toutes 
les 
publicités 
sorties 
en 
France 
et 
utilisé 
notamment 
par 
les 
agences 
de 
publicités 
pour 
faire 
leur 
veille 
nous 
a 
servi 
d’outil 
de 
recueil 
de 
ces 
films. 
Nous 
avons 
utilisé 
les 
codes 
fournis 
par 
l’agence 
de 
publicité 
11 
la 
chose 
dans 
laquelle 
nous 
avons 
réalisé 
un 
stage 
de 
février 
à 
août. 
Certains 
films 
hors 
de 
cette 
période 
de 
trois 
ou 
non 
diffusés 
en 
France, 
mais 
qui 
nous 
ont 
semblé 
particulièrement 
emblématiques, 
ont 
également 
étoffé 
notre 
analyse. 
Il 
nous 
a 
également 
semblé 
intéressant 
d’analyser 
la 
production 
de 
discours 
et 
les 
interactions 
sur 
la 
page 
Facebook 
Nike 
Running 
France. 
Nous 
avons 
effectué 
des 
analyses 
de 
type 
sémiologique 
sur 
ce 
corpus. 
Nous 
nous 
sommes 
également 
appuyés 
sur 
de 
nombreux 
ouvrages 
de 
sciences 
humaines 
et 
sociales, 
traitant 
de 
sociologie 
générale, 
de 
sociologie 
24 
http://www.adscope.fr/
du 
sport, 
de 
sociologie 
urbaine, 
d’ethnologie 
ou 
encore 
d’urbanisme. 
Nous 
avons 
également 
convoqués 
des 
productions 
affiliées 
aux 
sciences 
de 
l’information 
et 
de 
la 
communication 
ou 
inscrites 
plus 
directement 
dans 
le 
champ 
professionnel 
du 
marketing 
ou 
de 
la 
publicité. 
Nous 
avons 
décomposé 
notre 
analyse 
en 
trois 
temps. 
Dans 
une 
première 
partie 
nous 
avons 
tenté 
de 
comprendre 
et 
d’approfondir 
les 
liens 
originels 
qui 
liaient 
la 
marque 
à 
la 
culture 
urbaine. 
Dans 
un 
deuxième 
temps 
nous 
avons 
analysé 
les 
représentations 
de 
la 
culture 
urbaine 
et 
de 
la 
ville 
dans 
la 
culture 
de 
la 
marque 
afin 
d’y 
déceler 
des 
significations 
à 
même 
de 
nous 
renseigner 
sur 
les 
valeurs 
sous-­‐jacentes 
à 
la 
marque. 
Enfin 
nous 
avons 
tenté 
de 
mettre 
en 
évidence 
l’utilisation 
de 
ces 
représentations 
de 
la 
ville 
à 
des 
fins 
stratégiques 
et 
commerciales 
pour 
occuper 
le 
terrain 
de 
la 
mode. 
12
1. 
NIKE 
: 
UNE 
CULTURE 
DE 
MARQUE 
BATIE 
SUR 
LA 
CULTURE 
DE 
LA 
RUE 
Avant 
d’étudier 
et 
comprendre 
les 
significations 
et 
les 
représentations 
de 
la 
ville 
et 
de 
l’urbanité 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike, 
il 
est 
nécessaire 
de 
s’intéresser 
aux 
raisons 
pour 
lesquelles 
l’univers 
urbain 
est 
aussi 
prégnant 
dans 
la 
culture 
de 
la 
marque. 
Il 
faut 
ainsi 
revenir 
sur 
les 
fondements 
de 
la 
marque 
et 
ses 
liens 
originels 
avec 
la 
culture 
urbaine. 
1.1 La 
construction 
d’une 
culture 
de 
marque 
subversive 
et 
revendiquant 
son 
13 
« 
authenticité 
» 
L’histoire 
des 
origines 
et 
des 
débuts 
de 
la 
marque 
nous 
apprend 
beaucoup 
sur 
le 
socle 
de 
ses 
valeurs. 
Daniel 
Bô 
note 
qu’ 
« 
à 
ses 
origines, 
toute 
entreprise 
a 
un 
fondateur-­‐ 
créateur 
qui 
insuffle 
à 
la 
marque, 
de 
manière 
intuitive 
et 
spontanée, 
sa 
culture 
propre, 
sa 
vision 
du 
monde 
»25 . 
À 
cet 
égard, 
les 
débuts 
de 
la 
marque 
sont 
particulièrement 
significatifs 
en 
ce 
qu’ils 
sont 
étroitement 
liés 
à 
l’histoire 
de 
son 
fondateur 
qui 
a 
construit 
son 
aventure 
entrepreneuriale 
en 
opposition 
à 
une 
marque 
préexistante 
: 
Adidas. 
En 
effet, 
Bill 
Bowerman, 
entraineur 
d’athlétisme 
à 
Stanford 
aux 
Etats-­‐Unis 
et 
Philippe 
Knight, 
étudiant 
en 
comptabilité 
et 
champion 
de 
course, 
trouvent, 
en 
1950 
que 
les 
chaussures 
fabriquées 
à 
l’époque 
-­‐ 
dont 
le 
marché 
est 
alors 
dominé 
par 
Adidas 
-­‐ 
sont 
trop 
chères 
et 
trop 
lourdes. 
Knight 
consacre 
même 
un 
mémoire 
de 
maitrise 
au 
groupe 
allemand 
dont 
il 
dénonce 
la 
domination. 
Face 
au 
géant 
Adidas, 
leader 
incontesté 
qui 
a 
la 
mainmise 
sur 
le 
marché 
des 
vêtements 
de 
sport, 
les 
prémices 
de 
l’histoire 
de 
Nike 
s’inscrivent 
dans 
une 
démarche 
de 
réaction 
spontanée 
et 
d’authenticité. 
Ainsi, 
Bill 
Bowerman 
aurait 
créé 
sa 
première 
semelle 
à 
l’aide 
d’un 
moule 
à 
gaufres, 
d’un 
peu 
de 
latex, 
de 
cuir 
et 
de 
colle 
dans 
sa 
cuisine26. 
Avec 
Philippe 
Knight, 
ils 
décident 
alors 
de 
produire 
à 
bas 
prix 
en 
Asie 
des 
chaussures 
haut 
de 
gamme 
et 
de 
les 
vendre 
moins 
chères 
25 
BÔ 
(Daniel), 
Brand 
culture, 
Développer 
le 
potentiel 
culturel 
des 
marques, 
2013 
26 
WATIN-­‐AUGOUARD 
(Jean), 
Marques 
de 
toujours, 
Larousse, 
2003
qu’Adidas, 
7 
dollars 
contre 
9 
dollars27. 
Ils 
fondent 
alors 
Blue 
Ribbon 
Sports, 
une 
entreprise 
sans 
usine 
qui 
sous-­‐traite 
au 
Japon. 
Il 
faudra 
attendre 
les 
années 
1970 
et 
l’explosion 
de 
la 
pratique 
du 
jogging 
aux 
Etats-­‐ 
Unis 
pour 
que 
la 
société 
connaisse 
vraiment 
le 
succès. 
Blue 
Ribbon 
lance 
ainsi 
en 
1972 
une 
nouvelle 
marque 
: 
Nike, 
qui 
deviendra 
le 
nom 
de 
la 
société 
en 
1978. 
En 
1979, 
Nike 
lance 
la 
première 
semelle 
à 
coussin 
d’air 
et 
première 
prouesse 
technique 
pour 
la 
société. 
Le 
slogan 
choisi 
pour 
promouvoir 
la 
marque 
est 
alors 
« 
l’authenticité 
du 
sport 
». 
Nike 
se 
revendique 
comme 
la 
marque 
au 
service 
de 
la 
pureté 
du 
sport, 
proche 
des 
athlètes 
et 
des 
sportifs, 
pour 
les 
aider 
à 
pratiquer 
au 
mieux, 
dans 
un 
souci 
permanent 
d’innovations 
techniques. 
Toute 
son 
évolution 
sera 
ainsi 
marquée 
par 
une 
opposition 
aux 
« 
traditions 
» 
du 
sport, 
dans 
la 
quête 
de 
la 
pureté 
sportive 
et 
de 
la 
performance. 
Dans 
les 
années 
1980, 
le 
marketing 
est 
dominé 
par 
ce 
qu’on 
appelle 
le 
« 
lifestyle 
: 
les 
marques 
présentent 
un 
univers 
idéal, 
dans 
lequel 
le 
consommateur 
se 
projette 
bien 
volontiers 
»28. 
Le 
sport 
fait 
partie 
d’un 
mode 
de 
vie, 
mais 
n’est 
ni 
une 
philosophie 
de 
vie, 
ni 
une 
aspiration 
à 
davantage 
qu’un 
effort 
pour 
être 
bien, 
mincir 
(se 
préparer 
pour 
l’été, 
ce 
que 
ne 
cessent 
de 
véhiculer 
les 
magazines) 
ou 
pour 
les 
plus 
jeunes, 
reproduire 
le 
sport 
des 
vedettes 
de 
la 
télévision 
et 
du 
foot. 
Ce 
sport 
est 
organisé, 
normé 
et 
structuré. 
Il 
est 
dans 
la 
société 
comme 
il 
est 
au 
sein 
des 
écoles 
: 
une 
discipline 
avec 
ses 
règles, 
ses 
principes, 
ses 
cadres 
et 
ses 
organisations. 
L’épreuve 
sportive, 
le 
stade, 
l’organisation 
par 
les 
« 
fédérations 
», 
le 
chronomètre… 
Aux 
antipodes 
de 
ce 
qui 
se 
pratique 
pourtant 
de 
plus 
en 
plus 
aux 
Etats-­‐Unis 
et 
dont 
Nike 
est 
alors 
en 
train 
de 
devenir 
l’une 
des 
marques 
référentes. 
Nike 
évolue 
dans 
ce 
cadre 
pendant 
plusieurs 
années 
proposant 
des 
produits 
performants 
pour 
la 
course 
et 
le 
marathon, 
démontrant 
une 
très 
forte 
culture 
technique 
mais 
qui 
n’était 
pas 
alors 
le 
reflet 
d’une 
assez 
forte 
différence 
de 
marque. 
Au 
milieu 
des 
années 
1980, 
le 
monde 
du 
sport 
explose 
avec 
le 
développement 
des 
clubs, 
de 
l’aérobic. 
La 
forme 
devient 
obsessionnelle 
et 
les 
marques 
investissent 
de 
plus 
en 
plus 
en 
communication, 
en 
évènements, 
en 
actions 
destinées 
à 
gagner 
des 
parts 
de 
linéaire 
dans 
une 
grande 
distribution 
qui 
se 
structure 
et 
se 
concentre. 
En 
comprenant 
que 
la 
différence 
de 
Nike 
devrait 
s’exprimer 
autour 
de 
valeurs 
très 
différentes 
de 
celles 
fixées 
par 
le 
leader, 
en 
particulier 
Adidas 
la 
marque 
fait 
un 
très 
14 
27 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nike 
(consulté 
le 
27 
octobre 
2014) 
28 
http://www.ionisbrandculture.com/nike-­‐just-­‐do-­‐it-­‐-­‐21 
(consulté 
le 
27 
octobre 
2014)
grand 
saut 
en 
avant 
pour 
axer 
sa 
communication 
sur 
des 
valeurs 
fortes 
et 
différenciantes 
: 
liberté, 
spontanéité, 
dépassement, 
individualisme, 
lutte 
volonté 
d’aller 
plus 
loin, 
d’atteindre 
ses 
limites, 
de 
s’extraire 
des 
règles 
et 
du 
côté 
formel 
du 
sport 
qui 
bride 
les 
individus. 
Nike 
transforme 
le 
marché, 
ses 
ambitions 
et 
valeurs, 
sa 
communication, 
en 
« 
sortant 
du 
ghetto 
» 
du 
sport 
codifié, 
pour 
devenir 
le 
symbole 
d’une 
nouvelle 
philosophie, 
qui 
habitait 
déjà 
l’esprit 
de 
ses 
créateurs. 
C’est 
pourquoi 
Nike 
et 
son 
agence 
Wieden 
& 
Kennedy 
décident 
de 
s’orienter 
vers 
une 
nouvelle 
« 
religion 
du 
sport 
», 
de 
briser 
les 
barrières 
publicitaires 
avec 
le 
swoosh 
(la 
célèbre 
virgule) 
et 
lancent 
alors 
la 
signature 
« 
Just 
do 
it 
» 
qui 
permet 
à 
la 
marque 
Nike 
de 
dépasser 
la 
traditionnelle 
image 
du 
vainqueur. 
Cette 
signature 
qui 
perdure 
encore 
aujourd’hui 
incarne 
le 
storytelling 
puissant 
de 
la 
marque 
: 
Nike 
s’adresse 
à 
tous, 
aux 
meilleurs 
d’aujourd’hui 
et 
de 
demain, 
à 
ceux 
qui 
décident 
de 
se 
fixer 
de 
nouveaux 
challenges. 
La 
marque 
transforme 
toute 
la 
culture 
sportive 
en 
vision 
du 
sport, 
en 
culte 
de 
la 
performance 
individuelle, 
indépendante 
des 
stades, 
des 
normes 
et 
des 
règles. 
L’important 
est 
de 
participer 
pour 
gagner 
sur 
soi-­‐même. 
Alors 
qu’Adidas 
s’inscrit 
plus 
dans 
la 
norme, 
le 
passé, 
la 
tradition, 
Nike 
prône 
davantage 
la 
liberté, 
la 
modernité, 
les 
nouvelles 
frontières. 
Cet 
ADN 
qui 
l’inscrit 
en 
opposition 
à 
Adidas, 
en 
subversion 
par 
rapport 
aux 
modèles 
traditionnels 
du 
sport 
l’amène 
à 
prendre 
pour 
porte-­‐paroles 
des 
sportifs 
et 
des 
personnalités 
parmi 
les 
moins 
disciplinées. 
Les 
choix 
de 
ces 
égéries 
n’est 
souvent 
pas 
anodin, 
elles 
« 
ont 
un 
rôle 
particulièrement 
important 
à 
jouer, 
en 
ce 
qu’elles 
incarnent 
la 
culture 
de 
marque 
de 
la 
façon 
qui 
prête 
le 
plus 
à 
l’identification 
»29 
On 
constate 
d’ailleurs 
qu’elles 
ont 
un 
rôle 
de 
plus 
en 
plus 
actif 
: 
elles 
sont 
choisies 
avec 
soin 
pour 
que 
leur 
univers 
propre 
entre 
en 
résonance 
avec 
celui 
de 
la 
marque. 
Bô 
note 
même 
que 
« 
chez 
Nike, 
les 
sportifs 
ne 
sont 
pas 
représentés 
pris 
sur 
le 
vif, 
mais 
entrent 
en 
interaction 
avec 
le 
public 
en 
leur 
adressant 
un 
regard 
direct, 
en 
les 
invitant 
à 
entrer 
dans 
leur 
monde. 
» 
Les 
égéries, 
plus 
que 
des 
représentants 
sont 
de 
réels 
dépositaires 
de 
la 
philosophie 
Nike 
et 
sont 
mis 
en 
scène 
de 
manière 
à 
interpeller 
directement 
le 
public. 
Ils 
sont 
la 
voix 
de 
Nike 
et 
correspondent 
à 
sa 
vision 
relativement 
« 
subversive 
» 
du 
sport. 
La 
campagne 
avec 
Kevin 
Durant 
en 
201330 
illustre 
réellement 
bien 
ce 
rôle 
attribué 
à 
ses 
15 
29 
BÔ 
(Daniel), 
Brand 
culture, 
Développer 
le 
potentiel 
culturel 
des 
marques, 
2013 
30 
« 
Kevin 
Durant 
Investigates 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
1, 
https://www.youtube.com/watch?v=QtkfOE1ObEA
égéries 
: 
il 
est 
utilisé 
pour 
sélectionner 
les 
joueurs 
amateurs 
qui 
méritent 
ou 
non 
de 
recevoir 
les 
nouvelles 
chaussures 
Nike. 
À 
travers 
l’écran, 
il 
les 
interpelle 
: 
plus 
qu’on 
rôle 
de 
représentant, 
il 
a 
une 
mission 
de 
consultant 
et 
de 
coach 
: 
il 
incarne 
réellement 
les 
valeurs 
de 
Nike 
en 
ce 
que 
c’est 
lui 
qui 
décide 
si 
le 
joueur 
mérite 
de 
porter 
ou 
non 
la 
marque 
et 
émerge 
de 
la 
publicité 
de 
manière 
allocutive. 
Pour 
incarner 
ce 
rôle 
et 
ce 
positionnement, 
Nike 
a 
ainsi 
choisi, 
tout 
au 
long 
de 
son 
histoire, 
des 
personnalités 
telles 
que 
John 
Mc 
Enroe 
(teenisman), 
Michael 
Jordan 
(basketteur), 
Eric 
Cantona 
(footballeur) 
ou 
André 
Agassi 
(tennisman), 
tous 
reconnus 
pour 
leur 
comportement 
assez 
atypique. 
Et 
preuve 
de 
la 
pertinence 
du 
choix 
de 
la 
marque 
en 
terme 
d’adéquation 
entre 
ses 
égéries 
et 
sa 
culture 
de 
marque, 
ces 
personnalités 
ont 
toutes 
constituées 
de 
réelles 
réussites 
commerciales 
et 
communicationnelles. 
Avec 
John 
Mc 
Enroe, 
le 
chiffre 
des 
ventes 
de 
chaussure 
de 
tennis 
passe 
d’une 
année 
sur 
l’autre 
de 
10 
000 
à 
1,5 
millions 
de 
dollar.31 
La 
collaboration 
avec 
le 
basketteur 
Michael 
Jordan 
s’étend, 
elle, 
de 
1984 
à 
1999 
et 
débouche 
même 
sur 
une 
marque 
à 
son 
nom, 
qui 
connaît 
jusqu’à 
aujourd’hui 
un 
succès 
populaire 
assez 
incroyable 
– 
comme 
le 
montrent 
les 
émeutes 
dans 
les 
magasins 
à 
l’occasion 
de 
la 
sortie 
de 
la 
Air 
Jordan 
en 
201332. 
En 
France, 
Éric 
Cantona 
apparaît 
en 
1996 
dans 
le 
spot 
16 
Evil, 
puis 
en 
1997 
sous 
les 
traits 
d’un 
légionnaire 
au 
crâne 
rasé, 
et 
un 
an 
plus 
tard 
sur 
des 
affiches 
à 
la 
gloire 
de 
la 
« 
république 
populaire 
du 
football. 
Lorsque 
la 
marque 
deviendra 
l’équipementier 
de 
l’équipe 
de 
France 
en 
2011, 
Eric 
Cantona 
sera 
également 
réutilisé 
pour 
la 
campagne 
d’affichage. 
De 
tels 
choix 
ancrent 
la 
marque 
dans 
une 
autre 
figure, 
celle 
qui 
gagne 
toujours 
la 
bataille 
médiatique 
et 
les 
coeurs 
face 
aux 
« 
bons 
éléments 
», 
celle 
du 
rebelle 
qui 
assume 
à 
sa 
manière 
la 
notion 
de 
dépassement 
et 
de 
performance. 
Ce 
positionnement 
incarne 
aussi 
la 
vision 
américaine 
moderne 
du 
sport, 
sacralisant 
le 
primat 
de 
l’individu, 
qui 
a 
su 
dépasser 
les 
frontières 
nationales 
et 
prouver 
son 
universalité 
en 
séduisant 
les 
consommateurs 
du 
monde 
entier. 
31 
WATIN-­‐AUGOUARD 
(Jean), 
Marques 
de 
toujours, 
Larousse, 
2003 
32 
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/12/25/une-­‐nouvelle-­‐paire-­‐de-­‐baskets-­‐provoque-­‐ 
des-­‐scenes-­‐d-­‐emeutes-­‐aux-­‐etats-­‐unis_1622690_3222.html 
(consulté 
le 
29 
octobre 
2014)
1.2 Nike 
et 
la 
glorification 
de 
la 
pratique 
sportive 
informelle 
dans 
la 
rue 
(en 
17 
opposition 
à 
Adidas 
et 
le 
sport 
légitime 
des 
stades) 
Les 
valeurs 
de 
liberté 
prônées 
par 
Nike 
tendent 
à 
proposer 
et 
à 
valoriser 
l’image 
d’une 
pratique 
sportive 
qui 
sort 
des 
sentiers 
battus. 
Alors 
qu’Adidas 
est 
plus 
certainement 
caractérisée 
par 
le 
sport 
d’équipe, 
la 
compétition, 
le 
sport 
légitime, 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
va 
faire 
son 
nid 
à 
partir 
des 
années 
1980 
sur 
le 
développement 
de 
pratiques 
sportives 
qui 
sortent 
des 
circuits 
traditionnellement 
dédiés 
au 
sport. 
Ici, 
la 
pratique 
sportive 
est 
fortement 
liée 
au 
contexte 
et 
au 
cadre 
urbain 
qui 
conditionnent 
voire 
déterminent 
le 
sport 
pratiqué. 
Ces 
sports 
informels 
apparaissent 
aux 
Etats-­‐Unis 
puis 
en 
France 
dans 
les 
années 
1980 
et 
présentent 
une 
dimension 
auto-­‐organisée. 
Ils 
peuvent 
prendre 
deux 
formes 
différentes 
: 
soit 
ils 
vont 
procéder 
à 
une 
« 
requalification 
d’espaces 
urbains 
(les 
rues, 
les 
places, 
les 
squares, 
les 
parkings…) 
soit 
il 
s’agit 
« 
d’usages 
sportifs 
d’espaces 
spécialisés 
(équipements 
sportifs) 
dans 
la 
ville 
»33. 
Ces 
pratiques 
qui 
utilisent 
la 
ville 
comme 
cadre 
déterminant 
appellent 
à 
une 
réappropriation 
de 
l’environnement 
urbain. 
Ce 
caractère 
de 
réappropriation 
urbaine 
semble 
être 
une 
des 
premières 
dimensions 
qui 
transparait 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike. 
Ainsi, 
une 
grande 
partie 
des 
publicités 
Nike 
mettent 
en 
scène 
des 
« 
joueurs 
de 
rue 
», 
des 
parties 
qui 
se 
déroulent 
sur 
des 
terrains 
de 
rue. 
Que 
ce 
soit 
pour 
le 
basketball 
ou 
pour 
le 
football, 
les 
deux 
sports 
d’équipe 
qui 
donnent 
lieu 
au 
plus 
grand 
nombre 
de 
spots 
publicitaires 
de 
la 
marque, 
les 
terrains 
de 
jeux 
sont 
souvent 
dans 
la 
ville 
et 
la 
pratique 
auto-­‐organisée. 
Cette 
omniprésence 
de 
la 
mise 
en 
valeur 
de 
la 
pratique 
sportive 
informelle 
est 
due 
pour 
nous 
à 
trois 
raisons 
symboliques. 
La 
première 
raison, 
comme 
nous 
l’avons 
vu 
dans 
la 
sous-­‐partie 
précédente 
est 
liée 
à 
une 
rhétorique 
de 
la 
subversion 
face 
à 
la 
pratique 
organisée 
et 
à 
la 
dimension 
« 
rigide 
» 
du 
sport. 
La 
rue 
offre 
un 
espace 
de 
liberté, 
émancipée 
des 
contraintes 
d’une 
fédération, 
d’un 
club 
ou 
d’un 
entraineur, 
comme 
l’a 
remarqué 
Travert 
dans 
son 
étude 
ethnographique 
sur 
le 
football 
« 
pied 
d’immeuble 
» 
à 
travers 
les 
représentations 
que 
les 
jeunes 
se 
font 
de 
la 
pratique 
en 
club 
: 
« 
on 
ne 
joue 
jamais 
», 
« 
si 
tu 
manques 
les 
33 
CHANTELAT 
(Pascal), 
FODIMBI 
(Michel), 
CAMY 
(Jean), 
Lieux 
et 
déplacements 
sportifs 
auto-­‐organisés 
dans 
la 
ville, 
Agora 
Débats 
Jeunesses 
n°13, 
1998
entrainements 
tu 
es 
viré 
». 
La 
rue 
est 
ainsi 
le 
lieu 
où 
le 
sportif 
est 
directement 
confronté 
à 
son 
sport 
et 
aux 
autres 
pratiquants, 
sans 
intermédiaire. 
Il 
n’y 
a 
pas 
d’autres 
formes 
de 
réglementation 
et 
d’interventions 
que 
celles 
instaurées 
par 
les 
seuls 
pratiquants, 
créant 
ainsi 
un 
lieu 
où 
seul 
le 
sport 
et 
le 
plaisir 
de 
jouer 
comptent. 
Chantelat, 
Fodimbi 
et 
Camy, 
dans 
leur 
étude 
des 
pratiques 
auto-­‐organisées, 
rappellent 
ainsi 
que 
« 
la 
motivation 
essentielle 
dans 
celles-­‐ci 
est 
le 
jeu, 
non 
pas 
la 
compétition 
et 
l’affrontement, 
mais 
le 
jeu, 
le 
plaisir 
de 
jouer 
; 
plaisir 
de 
jouer 
ensemble 
ou 
plaisir 
de 
jouer 
contre 
des 
inconnus. 
Le 
jeu 
est 
entièrement 
organisé 
et 
conçu 
de 
manière 
à 
permettre 
le 
déroulement 
de 
l’activité 
sans 
discontinuité, 
condition 
indispensable 
au 
plaisir 
de 
jouer 
»34. 
Dans 
cette 
optique, 
la 
rue 
semble 
être 
le 
lieu 
du 
jeu 
pur, 
une 
sorte 
d’ 
« 
Eden 
» 
de 
la 
pratique 
sportive, 
sans 
souci 
de 
résultat 
à 
proprement 
parler, 
hormis 
celui 
de 
se 
mesurer 
à 
d’autres 
et 
où 
tout 
le 
monde 
peut 
jouer 
et 
tenter 
sa 
chance, 
contrairement 
au 
club. 
Tout 
doit 
être 
fait 
pour 
favoriser 
la 
beauté 
du 
jeu, 
le 
plaisir 
du 
sport 
: 
« 
l’excitation 
et 
la 
tension 
du 
jeu 
sont 
recherchées 
en 
permanence. 
Les 
règles 
utilisées, 
la 
gestion 
des 
conflits, 
les 
compositions 
d’équipes 
sont 
également 
au 
service 
de 
cette 
continuité 
du 
jeu. 
». 
Ici, 
l’idée 
de 
compétition 
stricte 
est 
reléguée 
au 
second 
plan, 
derrière 
la 
dimension 
hédoniste, 
l’idée 
du 
plaisir 
et 
la 
beauté 
du 
jeu. 
D’ailleurs, 
les 
joueurs 
sont 
amenés 
à 
rechercher 
un 
certain 
équilibre 
dans 
les 
équipes, 
fondamental 
pour 
le 
plaisir 
du 
jeu 
et 
« 
lorsqu’une 
équipe 
écrase 
l’autre, 
la 
rencontre 
sportive 
perd 
sa 
signification. 
» 
La 
deuxième 
raison 
est 
liée 
à 
la 
symbolique 
de 
l’effort 
et 
du 
travail 
nécessaire 
pour 
arriver 
à 
être 
bon, 
à 
être 
le 
meilleur 
: 
la 
rue 
représente 
la 
dureté 
de 
l’effort 
au 
quotidien 
pour 
progresser 
dans 
son 
sport. 
La 
pratique 
informelle 
dans 
la 
rue 
est 
envisagée 
ici 
comme 
un 
préalable 
à 
la 
réussite 
dans 
les 
stades, 
une 
étape 
obligatoire 
et 
nécessaire 
pour 
devenir 
le 
meilleur 
: 
avant 
d’affronter 
les 
meilleurs 
en 
compétition 
officielle, 
il 
faut 
avant 
tout 
pouvoir 
battre 
le 
meilleur 
de 
la 
rue. 
Pour 
Pascal 
Duret, 
la 
différence 
entre 
la 
compétition 
officielle 
et 
la 
compétition 
dans 
la 
rue 
est 
une 
différence 
temporelle. 
Alors 
que 
la 
compétition 
institutionnalisée, 
avec 
le 
temps 
de 
plusieurs 
saisons, 
va 
permettre 
une 
mise 
en 
présence 
de 
forces 
quasi 
égales, 
de 
rivaux 
assez 
équivalents, 
les 
confrontations 
dans 
la 
rue 
se 
négocient 
en 
l’espace 
d’un 
après-­‐midi 
(ce 
qui 
va 
justifier 
parfois 
des 
adaptations 
en 
cours 
de 
partie 
pour 
rééquilibrer 
les 
forces 
en 
présence). 
La 
logique 
d’affrontement 
sur 
un 
temps 
long 
avec 
un 
championnat 
et 
une 
prévision 
des 
18 
34 
Op. 
cit. 
p.16
matchs 
dans 
les 
compétitions 
institutionnalisées, 
s’oppose 
ainsi 
à 
la 
« 
logique 
de 
la 
surprise 
renouvelée 
dans 
la 
rue 
»35. 
Pour 
autant, 
la 
concentration 
temporelle 
de 
la 
compétition 
exalte 
la 
nécessité 
d’être 
le 
meilleur 
car 
il 
n’y 
aura 
pas 
de 
deuxième 
chance. 
Duret 
note 
ainsi 
que 
dans 
ces 
« 
haut-­‐lieux 
»36, 
les 
matchs 
reposent 
sur 
« 
une 
fiction 
démocratique 
car 
si 
tout 
le 
monde 
accède 
à 
l’aire 
de 
jeu 
en 
prenant 
son 
tour 
pour 
affronter 
les 
gagnants 
du 
match 
précédent, 
seuls 
les 
plus 
forts 
occupent 
le 
terrain 
toute 
la 
journée 
alors 
que 
les 
plus 
faibles 
ne 
le 
foulent, 
parfois 
après 
plusieurs 
heures 
d’attente, 
que 
le 
temps 
de 
se 
faire 
battre 
à 
plate 
couture. 
» 
Ainsi, 
si 
tout 
le 
monde 
peut 
se 
mesurer 
à 
tout 
le 
monde 
sur 
les 
terrains 
de 
rue, 
si 
tout 
le 
monde 
peut 
tenter 
sa 
chance, 
tout 
le 
monde 
ne 
se 
vaut 
évidemment 
pas 
et 
seuls 
les 
meilleurs 
restent, 
peuvent 
jouer 
plus 
longtemps 
et 
donc 
prolonger 
le 
plaisir. 
La 
notion 
de 
compétition 
a 
donc 
entièrement 
sa 
place 
et 
cette 
dernière 
est 
même 
cristallisée 
puisque 
le 
temps 
des 
sessions 
est 
limité 
à 
un 
après-­‐midi 
contrairement 
à 
un 
championnat. 
La 
mesure 
des 
talents 
se 
fait 
instantanément, 
sur 
le 
moment, 
le 
gagnant 
est 
celui 
d’un 
jour 
seulement 
ce 
qui 
oblige 
les 
joueurs 
à 
toujours 
être 
les 
meilleurs 
puisque 
la 
mémoire 
collective 
est 
de 
courte 
durée. 
Ici, 
pas 
de 
trophée 
pour 
graver 
son 
nom 
dans 
l’histoire 
de 
son 
sport, 
la 
compétition 
de 
tous 
contre 
tous 
est 
permanente 
et 
sans 
cesse 
renouvelée. 
La 
campagne 
« 
Possibilities 
»37 
illustre 
bien 
cet 
aspect 
de 
la 
compétition 
permanente 
en 
proposant 
une 
gradation 
dans 
les 
défis 
d’un 
joueur 
(tour 
à 
tour 
coureur, 
pongiste, 
basketballeur…) 
en 
mélangeant 
la 
pratique 
sportive 
institutionnalisée 
et 
la 
pratique 
informelle, 
sans 
mettre 
l’un 
au 
dessus 
l’autre. 
On 
y 
voit 
par 
exemple 
une 
joueuse 
de 
ping-­‐pong 
qui 
est 
la 
meilleure 
en 
club, 
devoir 
affronter 
ensuite 
un 
maitre 
en 
ping-­‐pong 
dans 
une 
arrière-­‐salle 
de 
bar, 
avant 
de 
se 
retrouver 
sur 
un 
court 
de 
tennis 
face 
à 
Serena 
Williams, 
tennis 
woman 
reconnue. 
Ici, 
la 
pratique 
du 
sport 
est 
même 
reléguée 
au 
second 
plan 
(une 
pongiste 
n’est 
pas 
une 
19 
tennis 
woman 
donc 
cet 
confrontation 
n’aurait 
pas 
lieu 
d’être), 
ce 
qui 
importe 
c’est 
la 
remise 
en 
cause 
permanente 
du 
talent 
et 
la 
relativité 
des 
victoires. 
La 
voix-­‐off 
le 
souligne 
d’ailleurs 
: 
« 
tu 
es 
assez 
fort 
pour 
battre 
ton 
adversaire 
en 
club, 
trouve 
son 
maître, 
bats 
le, 
tu 
peux 
faire 
ça 
? 
Bats 
Serena 
! 
». 
La 
rhétorique 
tend 
à 
montrer 
que 
rien 
n’est 
figé 
dans 
le 
sport 
et 
qu’il 
faut 
en 
permanence 
se 
dépasser 
car 
on 
35 
DURET 
(Pascal) 
, 
Sociologie 
du 
sport, 
Armand 
Colin, 
2001 
36 
Chantelat, 
Fodimbi 
et 
Camy 
les 
appellent 
ainsi 
pour 
rendre 
compte 
des 
espaces 
sportifs 
à 
forte 
charge 
symbolique 
37 
« 
Possibilites 
» 
; 
Annexe 
1, 
vidéo 
2, 
https://www.youtube.com/watch?v=RboTJOfRCwI
trouvera 
toujours 
quelqu’un 
de 
meilleur 
que 
soi. 
Cela 
nous 
amène 
à 
la 
troisième 
raison 
pour 
laquelle 
il 
nous 
semble 
que 
la 
pratique 
informelle 
du 
sport 
est 
autant 
mise 
en 
avant 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
et 
sûrement 
la 
raison 
la 
plus 
prégnante, 
si 
ce 
n’est 
la 
plus 
importante 
: 
c’est 
l’idée 
que 
la 
performance 
ne 
se 
cantonne 
pas 
à 
un 
stade 
ou 
un 
gymnase 
mais 
se 
doit 
d’être 
omniprésente. 
Même 
en 
dehors 
du 
sport. 
La 
quête 
de 
la 
performance, 
selon 
la 
philosophie 
de 
Nike 
doit 
être 
constante 
et 
confine 
à 
une 
philosophie 
de 
vie. 
La 
rue 
est 
« 
le 
sine 
qua 
non 
de 
l’urbain, 
elle 
compose 
l’arrière-­‐fond 
du 
théâtre 
urbain 
» 
38 
et 
en 
cela 
est 
la 
toile 
de 
fond 
de 
toutes 
les 
activités 
de 
l’homme 
urbain 
(donc 
de 
la 
majorité 
des 
occidentaux). 
La 
performance 
devient 
une 
quête 
pour 
chacun, 
pour 
n’importe 
quelle 
activité, 
en 
faisant 
ses 
courses, 
en 
allant 
au 
travail, 
en 
sortant 
avec 
ses 
amis. 
Au-­‐delà 
de 
la 
campagne 
« 
Possibilities 
» 
que 
nous 
venons 
d’évoquer, 
Nike 
a 
résumé 
cette 
philosophie 
avec 
deux 
campagnes 
pour 
le 
moins 
éloquentes 
: 
la 
première 
sous 
la 
forme 
d’un 
dispositif 
avec 
une 
application 
et 
un 
bracelet 
est 
intitulée 
« 
Everything 
counts 
». 
La 
marque 
a 
mis 
en 
place 
un 
système 
de 
monnaie, 
le 
FUEL, 
et 
chaque 
effort 
permet 
de 
récolter 
un 
certain 
nombre 
de 
Fuel, 
suivant 
que 
l’on 
court, 
que 
l’on 
marche, 
que 
l’on 
saute 
etc… 
le 
barême 
sera 
différent, 
mais 
comme 
le 
suggère 
la 
signature 
de 
la 
campagne 
: 
« 
tout 
compte 
». 
Tout 
est 
performance, 
tout 
est 
sport. 
La 
deuxième, 
intitulée 
« 
Find 
your 
greatness 
» 
était 
une 
campagne 
pour 
les 
jeux 
olympiques 
de 
Londres 
en 
2012 
et 
mettait 
en 
scène 
autant 
des 
sportifs 
de 
haut 
niveau 
que 
des 
handicapés, 
ou 
des 
gens 
confrontés 
à 
des 
défis 
personnels 
d’apparence 
moindre 
(un 
jeune 
garçon 
obèse 
qui 
court 
sur 
la 
route, 
un 
petit 
garçon 
en 
haut 
d’un 
plongeoir) 
mais 
présenté 
comme 
équivalent 
par 
le 
montage 
qui 
alterne 
ces 
efforts 
d’anonymes 
avec 
les 
records 
des 
champions 
des 
jeux 
olympiques. 
La 
rhétorique 
de 
la 
campagne 
vise 
ainsi 
à 
montrer 
qu’il 
n’y 
a 
pas 
de 
petits 
ou 
de 
grands 
efforts, 
d’insignifiantes 
ou 
de 
réelles 
victoires 
et 
que 
c’est 
à 
chacun 
de 
trouver 
sa 
forme 
de 
« 
grandeur 
» 
: 
chacun 
avec 
ses 
propres 
défis, 
ses 
propres 
objectifs, 
mais 
toujours 
dans 
l’idée 
et 
l’idéal 
de 
la 
performance. 
20 
38 
BRODY 
(Jeanne), 
La 
rue, 
Broché, 
2005
21 
1.3 La 
jeunesse 
(de 
la 
rue) 
au 
coeur 
de 
la 
communication 
de 
la 
marque 
L’une 
des 
réussites 
stratégiques 
de 
la 
marque 
est 
d’avoir 
mis 
la 
jeunesse 
au 
coeur 
de 
sa 
communication. 
Alors 
qu’Adidas, 
historiquement, 
mettait 
en 
valeur 
des 
sportifs 
professionnels 
donc 
déjà 
considérés 
comme 
des 
adultes 
accomplis 
(malgré 
un 
âge 
encore 
jeune), 
Nike 
a 
basé 
sa 
communication 
sur 
la 
cible 
jeune, 
mettant 
en 
scène 
principalement 
des 
jeunes 
sportifs 
amateurs 
(ce 
ne 
sont 
évidemment 
pas 
les 
seuls 
représentés 
dans 
la 
communication 
de 
la 
marque 
mais 
ce 
fut 
un 
élément 
différenciant 
qui 
a 
permis 
à 
la 
marque 
de 
se 
démarquer 
de 
son 
concurrent 
Adidas). 
La 
campagne 
que 
nous 
avons 
déjà 
évoquée, 
au 
moment 
où 
Nike 
devint 
l’équipementier 
officiel 
de 
l’équipe 
de 
France 
est 
symbolique 
de 
ce 
parti-­‐pris 
historique 
de 
la 
marque39. 
Alors 
que 
ce 
coup 
marketing 
fort, 
celui 
de 
déposséder 
Adidas 
d’une 
sélection 
championne 
du 
monde 
dont 
la 
marque 
allemande 
était 
l’équipementière 
historique, 
aurait 
traditionnellement 
donné 
lieu 
à 
une 
campagne 
publicitaire 
mettant 
en 
scène 
les 
joueurs 
de 
l’équipe 
de 
France, 
pour 
la 
plupart 
des 
stars 
internationalement 
reconnues. 
Nike 
a 
fait 
un 
autre 
choix. 
En 
effet, 
même 
si 
quelques 
– 
jeunes 
– 
joueurs 
de 
l’équipe 
de 
France 
sont 
présents 
dans 
ce 
spot 
publicitaire, 
Nike 
a 
préféré 
mettre 
en 
scène 
des 
anonymes, 
des 
jeunes 
joueurs 
amateurs. 
Du 
fait 
du 
caractère 
« 
institutionnel 
» 
de 
l’objet 
de 
la 
campagne 
(l’équipe 
de 
France), 
la 
marque 
ne 
pouvait 
se 
permettre 
d’avoir 
exclusivement 
pour 
sujets 
des 
jeunes 
jouant 
de 
manière 
informelle, 
auto-­‐organisée, 
ce 
qui 
est 
le 
cas 
une 
grande 
partie 
du 
temps 
comme 
nous 
l’avons 
vu 
précédemment. 
Malgré 
cela, 
le 
spot 
publicitaire 
met 
en 
scène 
des 
jeunes 
relevant 
d’une 
pratique 
amateur 
et 
non 
en 
match, 
pas 
avec 
des 
maillots, 
mais 
avec 
des 
dossards 
d’entrainement 
ou 
même 
en 
survêtement. 
La 
dimension 
amateur 
est 
voulue 
comme 
le 
gage 
d’une 
certaine 
authenticité, 
face 
au 
football 
professionnel, 
parfois 
décrié 
pour 
son 
manque 
de 
passion 
et 
pour 
son 
obnubilation 
pour 
l’argent 
en 
dépit 
de 
la 
beauté 
du 
sport. 
Pour 
exploiter 
au 
maximum 
ce 
parti-­‐pris, 
Nike 
a 
même 
lancé 
un 
concours 
vidéo 
à 
destination 
de 
footballeurs 
anonymes 
passionnés, 
avec 
à 
la 
clef 
des 
places 
de 
figurants 
dans 
la 
publicité. 
Le 
parti-­‐pris 
de 
la 
jeunesse 
est 
aussi 
un 
choix 
marketing. 
Effectivement 
comme 
l’a 
mis 
en 
évidence 
Fabien 
Ohl, 
« 
la 
présence 
des 
objets 
sportifs 
est 
particulièrement 
marquée 
dans 
la 
composition 
du 
paraître 
des 
adolescents, 
les 
tenues 
sportives 
constituent 
pour 
eux 
l’un 
des 
éléments 
39 
« 
Vive 
le 
football 
libre 
», 
Annexe 
1, 
vidéo 
3, 
https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
importants 
de 
l’expression 
corporelle 
». 
Il 
s’agit 
pour 
eux 
de 
participer, 
« 
par 
le 
biais 
des 
usages 
des 
objets 
sportifs 
à 
une 
culture 
valorisée 
et 
valorisante 
(…) 
car 
les 
signes 
de 
la 
culture 
sportive 
médiatisée 
permettent 
d’afficher 
une 
identité 
positive 
dans 
des 
lieux 
publics 
». 
40 
À 
cet 
égard 
les 
adolescents 
représentent 
une 
cible 
de 
choix 
pour 
les 
marques 
de 
sport, 
en 
ce 
qu’ils 
sont 
particulièrement 
réceptifs 
et 
sensibles 
aux 
articles 
de 
sport 
notamment. 
Mais 
le 
concept 
de 
jeune 
dérange 
moins 
le 
marketing 
que 
les 
sciences 
sociales, 
et 
il 
convient 
de 
ne 
pas 
tomber 
dans 
l’impasse 
d’une 
généralisation 
hérétique 
pour 
les 
chercheurs 
et 
même 
les 
publicitaires 
les 
plus 
avertis. 
Il 
est 
vrai 
que 
la 
facilité 
d’agréger 
les 
différentes 
catégories 
de 
la 
jeunesse, 
en 
une 
nouvelle 
classe 
sociale, 
comme 
en 
parlait 
Fize41, 
a 
quelque 
chose 
de 
simplificateur. 
Surtout 
lorsque 
l’on 
évoque 
des 
sujets 
qui 
ont 
trait 
au 
sport, 
duquel 
l’idéal 
égalitaire, 
voire 
égalitariste 
colle 
fortement 
à 
la 
peau 
depuis 
des 
années. 
Cette 
vision 
n’est 
pas 
nouvelle, 
et 
comme 
le 
souligne 
Duret, 
« 
la 
volonté 
de 
penser 
le 
sport 
comme 
« 
apolitique 
» 
et 
comme 
une 
passion 
partagée 
par 
l’ensemble 
de 
la 
jeunesse 
ne 
date 
pas 
d’aujourd’hui. 
»42. 
Cette 
posture 
vise 
ainsi 
à 
instaurer 
et 
démontrer 
l’universalisme 
du 
sport 
et 
à 
projeter 
une 
fiction 
d’égalité 
face 
à 
ses 
valeurs 
et 
à 
la 
performance 
alors 
que, 
comme 
l’affirmait 
Bourdieu, 
la 
« 
jeunesse 
n’est 
qu’un 
mot 
» 
qui 
réifie 
des 
représentations 
regroupant 
des 
populations 
aux 
caractéristiques 
fort 
différentes.43 
Il 
s’agit 
ainsi 
d’affiner 
notre 
propos 
: 
Nike 
a 
pris 
la 
jeunesse 
pour 
objet 
principal 
dans 
ses 
campagnes 
de 
publicités 
et 
dans 
sa 
culture 
de 
marque, 
mais 
pas 
n’importe 
quelle 
jeunesse. 
La 
campagne 
Nike 
que 
nous 
venons 
d’évoquer 
nous 
renseigne 
à 
ce 
titre 
sur 
les 
caractéristiques 
de 
la 
jeunesse 
qui 
est 
mise 
à 
l’honneur. 
Si 
les 
terrains 
sur 
lesquels 
se 
déroulent 
le 
spot 
ne 
sont 
pas 
des 
22 
street 
terrains, 
au 
coeur 
de 
la 
ville 
relevant 
d’une 
pratique 
informelle, 
pour 
la 
raison 
que 
nous 
avons 
énoncée 
plus 
tôt, 
le 
caractère 
urbain 
et 
l’esprit 
de 
la 
rue 
sont 
quand 
même 
très 
explicités 
et 
occupent 
une 
part 
prépondérante 
dans 
l’esthétique 
et 
la 
symbolique 
du 
film. 
Les 
barres 
d’immeuble 
sont 
visibles 
à 
l’horizon, 
il 
y’a 
des 
tags 
sur 
les 
murs 
au 
deuxième 
plan, 
les 
survêtements 
sont 
relevés 
à 
la 
moitié 
de 
la 
jambe, 
comme 
le 
veut 
l’usage 
en 
banlieue. 
Il 
s’agit 
ici, 
et 
comme 
souvent 
40 
OHL 
(Fabien), 
Les 
usages 
sociaux 
des 
objets, 
paraître 
sportif 
en 
ville, 
Loisir 
et 
société, 
vol.24, 
n°1, 
2001 
41 
FIZE 
(Michel), 
TOUCHÉ 
(Marc), 
Pratique 
ludique 
d’adolescents 
et 
réactions 
sociales 
à 
ces 
pratiques 
: 
le 
skateboard, 
Vaucresson, 
Centre 
régional 
interdisciplinaire 
de 
Vaucresson, 
1991 
42 
DURET 
(Pascal), 
Sociologie 
du 
sport, 
Armand 
Colin, 
2001 
43 
BOURDIEU 
(Pierre), 
La 
distinction, 
critique 
sociale 
du 
jugement, 
Le 
sens 
commun, 
1979
dans 
les 
publicités 
Nike, 
de 
la 
jeunesse 
des 
quartiers 
populaire, 
de 
banlieue 
notamment 
(en 
France, 
car 
les 
classes 
populaires 
aux 
Etats-­‐Unis 
ne 
sont 
pas 
circonscrites 
en 
banlieue 
mais 
le 
schéma 
spatial 
des 
villes 
est 
inversé 
: 
les 
banlieues 
sont 
aisées, 
les 
centre 
villes 
populaires). 
Nous 
pouvons 
reprendre 
la 
définition 
de 
Gasparini 
et 
Vieille-­‐ 
Marchiset 
qui 
désignent 
par 
le 
terme 
classe 
populaire, 
« 
des 
groupes 
sociaux 
divers, 
caractérisés 
par 
leur 
position 
dominée 
(sur 
les 
plans 
économique, 
culturel, 
politique 
et 
symbolique), 
leurs 
faibles 
chances 
d’améliorer 
leur 
destin 
social 
et 
par 
des 
traits 
communs 
en 
terme 
de 
styles 
de 
vie 
(pratiques 
sportives 
et 
culturelles 
notamment) 
»44. 
Ces 
classes 
dites 
populaires 
sont 
depuis 
les 
années 
1970 
régulièrement 
assignées 
aux 
banlieues., 
que 
les 
discours 
médiatiques 
et 
politiques 
résument 
aussi 
à 
la 
notion 
de 
« 
quartier 
». 
Gasparin 
et 
Vieille-­‐Marchiset 
relèvent 
qu’il 
« 
suffit 
aujourd’hui 
de 
dire 
« 
les 
quartiers 
» 
pour 
que 
chacun 
comprenne 
: 
à 
savoir, 
ces 
quartiers 
d’habitat 
social 
construits 
dans 
les 
années 
1950 
et 
1960, 
situés 
dans 
la 
périphérie 
des 
grandes 
agglomérations, 
quartiers 
populaires 
où 
vivent 
une 
partie 
importante 
des 
étrangers 
ou, 
plus 
largement, 
des 
populations 
issues 
de 
l’immigration 
postcoloniale 
». 
Nos 
analyses 
des 
publicités 
Nike 
en 
France 
nous 
ont 
fait 
constater, 
une 
récurrence 
du 
cadre 
de 
la 
banlieue 
dans 
la 
mise 
en 
scène 
des 
pratiques 
de 
rue 
organisées 
(avec 
des 
attributs 
caractéristiques 
comme 
les 
hautes 
tours 
HLM 
par 
exemple) 
avec 
également 
une 
présence 
marquée 
des 
populations 
« 
issues 
de 
l’immigration 
postcoloniale 
». 
Cette 
caractéristique 
spatiale 
– 
et 
nécessairement, 
sociale 
– 
est 
loin 
d’être 
anodine. 
Elle 
permet 
d’abord 
de 
renforcer 
le 
mythe 
de 
la 
progression 
sociale 
par 
la 
progression 
sportive 
comme 
nous 
le 
verrons 
dans 
une 
deuxième 
partie, 
mais 
également 
de 
favoriser 
le 
processus 
d’identification 
avec 
une 
population 
(la 
jeunesse 
des 
quartiers 
populaires), 
particulièrement 
friande 
des 
articles 
de 
sport. 
Ohl 
a 
ainsi 
remarqué 
que 
« 
la 
consommation 
de 
biens 
sportifs 
prend 
une 
importance 
remarquable, 
particulièrement 
pour 
les 
jeunes 
des 
milieux 
défavorisés 
qui 
ne 
perçoivent 
pas 
la 
culture 
sportive 
comme 
une 
culture 
au 
rabais 
»45. 
23 
44 
GASPARINI 
(William) 
et 
VIEILLE-­‐MARCHISET 
(Gilles), 
Le 
sport 
dans 
les 
quartiers, 
Pratiques 
sociales 
et 
politiques 
publiques, 
PUF, 
2008 
45 
OHL 
(Fabien), 
Les 
usages 
sociaux 
des 
objets, 
paraître 
sportif 
en 
ville, 
Loisir 
et 
société, 
vol.24, 
n°1, 
2001
24 
Conclusion 
intermédiaire 
D’emblée, 
l’histoire 
de 
Nike 
semble 
donc 
intrinsèquement 
liée 
à 
l’univers 
urbain. 
La 
marque 
est 
née 
puis 
s’est 
construite 
autour 
de 
valeurs 
de 
subversion 
de 
la 
norme 
et 
alternative 
à 
l’ordre 
établi 
qui 
prenait 
alors 
la 
forme 
de 
l’éternel 
concurrent 
allemand 
Adidas. 
Cette 
philosophie 
de 
la 
subversion 
qui 
semble 
habiter 
toute 
la 
culture 
de 
Nike 
peut 
paraître 
artificielle 
aujourd’hui, 
en 
ce 
que 
la 
marque 
est 
devenue 
leader 
dans 
de 
nombreux 
domaines 
et 
ne 
fait 
plus 
du 
tout 
office 
d’ 
« 
outsider 
» 
sur 
le 
marché 
des 
marques 
de 
sport 
-­‐ 
bien 
au 
contraire. 
Cependant, 
le 
fait 
d’être 
né 
et 
d’avoir 
évolué 
« 
en 
réaction 
à 
», 
a 
forgé 
tout 
le 
storytelling 
Nike. 
Face 
au 
leader 
allemand, 
leader 
des 
sports 
collectifs, 
positionné 
sur 
l’excellence, 
et 
alors 
sponsor 
de 
nombreuses 
équipes 
sportives, 
Nike 
a 
su 
trouver 
un 
positionnement 
différenciant 
en 
misant 
sur 
la 
valorisation 
de 
la 
pratique 
amateur, 
notamment 
en 
milieu 
urbain. 
Ce 
choix 
lui 
a 
permis 
de 
défendre, 
tout 
au 
long 
de 
son 
histoire, 
les 
valeurs 
centrales 
de 
sa 
culture 
de 
marque 
qui 
sont 
celles 
du 
dépassement 
de 
soi, 
de 
la 
performance 
et 
d’une 
certaine 
forme 
de 
plaisir 
dans 
la 
pureté 
du 
jeu, 
dans 
la 
pratique 
de 
son 
sport. 
Là 
où 
Adidas 
basait 
sa 
communication 
sur 
la 
volonté 
d’être 
le 
premier, 
le 
numéro 
un, 
Nike 
incitait 
à 
essayer 
d’être 
toujours 
meilleur 
que 
soi-­‐même, 
de 
progresser 
en 
permanence 
en 
ne 
cessant 
de 
s’entrainer, 
pour 
atteindre 
ses 
objectifs, 
en 
passant 
forcément 
aussi 
par 
la 
confrontation 
aux 
autres. 
La 
pratique 
des 
sports 
auto-­‐organisés 
en 
milieu 
urbain 
figurait 
alors 
l’écho 
parfait 
aux 
valeurs 
de 
la 
marque 
: 
plaisir 
du 
jeu, 
de 
la 
recherche 
d’une 
certaine 
pureté 
du 
geste 
pour 
la 
beauté 
du 
spectacle 
; 
confrontation 
éphémère 
où 
la 
vérité 
du 
terrain 
n’est 
qu’une 
vérité 
du 
moment 
; 
effort 
et 
entraînement 
pour 
progresser 
sans 
cesse. 
Nike 
n’eut 
ainsi 
de 
cesse 
de 
reprendre 
dans 
sa 
communication 
les 
codes 
et 
l’esthétique 
de 
ces 
joueurs 
de 
rue, 
jusqu’à 
épouser 
de 
manière 
globale 
les 
cultures 
urbaines 
et 
notamment 
le 
rap, 
considéré 
comme 
l’expression 
première 
des 
cultures 
de 
la 
rue 
(première, 
car 
la 
plus 
médiatisée). 
Il 
n’était 
ainsi 
pas 
étonnant 
d’entendre 
la 
voix 
d’Oxmo 
Puccino, 
l’un 
des 
rappeurs 
français 
les 
plus 
reconnus, 
scander 
les 
vers 
de 
Cyrano 
de 
Bergerac 
dans 
le 
film 
publicitaire 
« 
Vive 
le 
football 
libre 
»46. 
Pas 
étonnant 
non 
plus 
de 
découvrir 
deux 
jeunes 
rappeurs 
du 
groupe 
à 
succès 
1995, 
lors 
de 
la 
vidéo 
de 
présentation 
du 
maillot 
blanc 
de 
46 
« 
Vive 
le 
football 
libre 
», 
Annexe 
1, 
vidéo 
3, 
https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
l’équipe 
de 
France47. 
Les 
tags, 
autre 
pratique 
majeure 
dans 
les 
cultures 
urbaines 
tapissent 
fréquemment 
les 
murs 
visibles 
dans 
un 
grand 
nombre 
de 
publicités 
Nike. 
Ainsi, 
la 
population 
souvent 
mise 
en 
scène 
dans 
la 
communication 
de 
Nike, 
qui 
représente 
aussi 
une 
des 
catégories 
d’acheteurs 
réguliers 
de 
la 
marque, 
est 
la 
jeunesse 
urbaine 
ou 
péri-­‐urbaine, 
qui 
pratique 
les 
sports 
de 
manière 
informelle 
et 
trouve 
dans 
les 
valeurs 
de 
Nike 
– 
subversion 
de 
la 
rigidité 
des 
institutions 
sportives, 
plaisir 
du 
jeu 
et 
dépassement 
de 
soi 
– 
des 
résonnances 
qui 
lui 
parle 
directement. 
25 
47 
http://www.rapghetto.com/video/1995-­‐nekfeu-­‐sneazzy-­‐font-­‐la-­‐promo-­‐du-­‐nouveau-­‐maillot-­‐de-­‐l-­‐ 
equipe-­‐en-­‐france-­‐aux-­‐cotes-­‐de-­‐carl-­‐lewis-­‐steve-­‐nash 
(consulté 
le 
20 
octobre 
2014)
2. 
ESTHÉTIQUES 
URBAINES 
ET 
MÉTAPHORES 
SPORTIVES 
: 
LES 
REPRÉSENTATIONS 
DE 
LA 
VILLE 
MODERNE 
À 
TRAVERS 
LES 
VALEURS 
DE 
NIKE 
Après 
nous 
être 
penché 
sur 
les 
liens 
profonds 
entre 
la 
culture 
urbaine 
et 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike, 
il 
convient 
de 
se 
demander 
plus 
précisément 
comment 
la 
ville 
est 
représentée 
dans 
les 
publicités 
de 
la 
marque, 
quelles 
sont 
les 
valeurs 
qui 
lui 
sont 
associées 
et 
dans 
quelle 
mesure 
cette 
vision 
est 
liée 
à 
une 
certaine 
« 
réalité» 
ou 
du 
moins 
à 
des 
pratiques 
ou 
représentations 
préexistantes. 
2.1 
La 
ville, 
lieu 
de 
confrontation 
entre 
soi 
et 
les 
autres 
: 
entre 
inégalité 
urbaine 
et 
mise 
à 
égalité 
par 
le 
sport 
26 
2.1.1 
L’individualisme 
urbain 
exacerbé 
par 
le 
sport 
et 
les 
valeurs 
de 
Nike 
La 
ville 
est 
envisagée 
par 
de 
nombreux 
chercheurs 
comme 
le 
lieu 
de 
l’individualisme 
moderne 
par 
excellence, 
individualisme 
qui 
entre 
parfaitement 
en 
résonnance 
avec 
les 
valeurs 
sportives 
affichées 
par 
Nike, 
et 
mis 
à 
l’honneur 
dans 
sa 
publicité. 
Le 
cadre 
urbain 
se 
présente 
donc 
comme 
un 
décor 
tout 
à 
fait 
propice 
à 
la 
mise 
en 
scène 
d’un 
individualisme 
qui 
passe 
par 
le 
travail 
(sportif) 
sur 
soi, 
par 
soi 
et 
pour 
soi. 
Durkheim 
à 
la 
fin 
du 
19ème 
siècle 
considère 
la 
ville 
comme 
le 
symbole 
du 
passage 
à 
la 
modernité 
avec 
l’individu 
qui 
deviendrait 
la 
principale 
figure 
de 
sens, 
en 
opposition 
à 
la 
logique 
de 
village.48 
Le 
passage 
à 
la 
ville 
serait 
caractérisé 
par 
la 
fin 
de 
la 
solidarité 
« 
mécanique 
» 
de 
la 
campagne 
où 
tout 
le 
monde 
agit 
avec 
une 
conscience 
collective 
intériorisée. 
Marchal 
et 
Stébé 
rappellent 
que 
c’est 
le 
moment 
où 
« 
l’identité 
socialement 
déterminée 
s’efface 
devant 
l’identité 
individuellement 
construite 
», 
ils 
ajoutent 
que 
« 
les 
individus 
se 
montrent 
alors 
plus 
que 
jamais 
enclins 
à 
faire 
valoir 
leurs 
préférences 
individuelles, 
et 
plus 
encore 
leur 
égoïsme 
et 
leur 
utilitarisme 
»49. 
Cette 
approche 
considère 
donc 
la 
ville 
comme 
un 
terreau 
de 
l’individualisme. 
Si 
cette 
notion 
peut 
être 
et 
a 
été 
largement 
discutée, 
les 
villes 
connaissant 
de 
nombreux 
cercles 
de 
solidarités, 
de 
communautés 
qui 
48 
DURKHEIM 
(Émile), 
De 
la 
division 
du 
travail 
social 
(1895), 
PUF, 
« 
Quadrige 
», 
1996 
49 
MARCHAL 
(Hervé) 
et 
STÉBÉ 
(Jean-­‐Marc), 
Les 
grandes 
questions 
sur 
la 
ville 
et 
l’urbain, 
PUF, 
2011
se 
recréent, 
la 
plupart 
des 
chercheurs 
s’accordent 
à 
dire 
que 
la 
vie 
urbaine 
accentue 
le 
sens 
de 
soi, 
la 
conscience 
de 
soi50. 
En 
effet, 
la 
ville, 
avec 
ses 
possibilités 
infinies, 
ses 
multiples 
mondes 
sociaux, 
ses 
nombreuses 
références 
culturelles, 
offre 
une 
multitude 
de 
choix 
et 
va 
conduire 
à 
accentuer 
la 
singularisation 
: 
la 
conscience 
de 
soi 
va 
s’aiguiser, 
« 
la 
condition 
urbaine 
fait 
du 
Moi 
un 
« 
foyer 
de 
conscience 
» 
(Marchal 
et 
Stébé)51. 
La 
ville 
apparaît 
alors 
comme 
le 
décor 
de 
l’individualisme 
moderne 
dans 
lequel 
Nike 
va 
pouvoir 
déployer 
sa 
rhétorique 
du 
culte 
de 
l’individu. 
Effectivement, 
dans 
le 
corpus 
de 
publicités 
que 
nous 
avons 
étudié, 
il 
nous 
est 
apparu 
que 
le 
discours 
et 
le 
curseur 
principal 
en 
terme 
de 
message 
étaient 
focalisés 
strictement 
sur 
l’individu. 
Si 
cela 
peut 
se 
comprendre 
et 
fait 
sens 
lorsque 
l’on 
évoque 
des 
sports 
individuels, 
même 
dans 
les 
publicités 
Nike 
où 
le 
sport 
à 
l’honneur 
est 
un 
sport 
collectif 
(basket 
ou 
football), 
le 
niveau 
de 
discours 
se 
situe 
à 
l’échelle 
individuelle. 
Paul 
Yonnet 
distingue 
deux 
systèmes 
de 
compétitions, 
un 
système 
de 
compétition 
avec 
les 
autres, 
et 
un 
système 
de 
compétition 
avec 
soi-­‐même. 
Son 
analyse 
souligne 
que 
le 
système 
de 
compétition 
avec 
soi-­‐même 
a 
pour 
objet 
principalement 
les 
sports 
d’endurance 52 . 
Chez 
Nike, 
le 
système 
de 
discours 
de 
compétition 
avec 
soi-­‐même 
est 
nécessairement 
renforcé 
dans 
les 
sports 
d’endurance 
(running 
principalement), 
mais 
il 
est 
omniprésent 
pour 
n’importe 
quel 
autre 
sport. 
Nos 
analyses 
des 
publicités 
des 
sports 
collectifs 
nous 
montrent 
ainsi 
que 
le 
procédé 
« 
filmique 
», 
le 
mécanisme 
des 
films 
de 
publicité 
procédait 
généralement 
de 
la 
même 
manière 
: 
le 
match, 
l’affrontement 
entre 
deux 
équipes 
n’est 
pas 
envisagé 
comme 
l’opposition 
entre 
deux 
groupes 
mais 
comme 
une 
succession 
de 
saynètes 
à 
l’échelle 
individuelle, 
donc 
focalisées 
sur 
des 
joueurs. 
La 
performance 
n’est 
jamais 
envisagée 
comme 
collective 
mais 
comme 
multi-­‐individuelle 
quand 
elle 
n’est 
pas 
strictement 
individuelle 
comme 
l’illustre 
parfaitement 
le 
spot 
« 
Take 
it 
to 
the 
next 
level 
»53 
où 
l’on 
suit 
l’évolution 
d’un 
même 
joueur 
à 
travers 
une 
caméra 
subjective. 
L’échelle 
individuelle 
est 
ici 
poussée 
à 
son 
paroxysme 
puisque 
le 
spectateur 
est 
invité 
à 
se 
mettre 
à 
la 
place 
du 
joueur. 
La 
logique 
est 
la 
même 
dans 
le 
spot 
multi-­‐primé 
« 
Write 
the 
future 
»54 
où 
le 
film 
met 
en 
scène 
la 
succession 
des 
destins 
personnels 
– 
possibles 
– 
en 
fonction 
de 
la 
27 
50 
HANNERZ 
(Ulf), 
Explorer 
la 
ville 
(1980), 
« 
Le 
sens 
commun 
», 
Éditions 
de 
Minuit, 
1983 
51 
MARCHAL 
(Hervé) 
et 
STÉBÉ 
(Jean-­‐Marc), 
Les 
grandes 
questions 
sur 
la 
ville 
et 
l’urbain, 
PUF, 
2011 
52 
YONNET 
(Paul), 
Huit 
leçons 
sur 
le 
sport, 
Éditions 
Gallimard, 
2004 
53 
« 
Take 
it 
to 
the 
next 
level 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
4, 
https://www.youtube.com/watch?v=lZA-­‐57h64kE 
54 
« 
Write 
the 
future 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
5, 
https://www.youtube.com/watch?v=cl0IlD4qLUM
réussite 
ou 
non 
d’une 
action 
individuelle. 
Lorsque 
l’action 
réussit, 
le 
joueur 
en 
question 
est 
adulé 
par 
tout 
un 
pays, 
reçu 
comme 
une 
star 
dans 
les 
émissions 
de 
télévision 
et 
l’on 
érige 
une 
statue 
en 
son 
honneur 
; 
lorsqu’il 
échoue 
il 
en 
est 
réduit 
à 
tondre 
le 
gazon 
des 
terrains 
de 
foot 
et 
à 
vivre 
dans 
une 
caravane. 
La 
réussite 
ou 
l’échec 
sportifs 
ne 
sont 
pas 
envisagés 
comme 
ceux 
d’une 
équipe 
mais 
comme 
le 
fait 
de 
joueurs. 
La 
mise 
en 
scène 
de 
la 
réussite, 
de 
la 
médiatisation 
et 
de 
la 
glorification 
est 
pensée 
uniquement 
à 
un 
niveau 
individuel, 
dans 
l’un 
des 
sports 
où 
le 
collectif 
est 
le 
plus 
important, 
davantage 
par 
exemple 
que 
dans 
le 
basketball 
où 
les 
individualités 
vont 
beaucoup 
plus 
souvent 
faire 
la 
différence. 
Le 
spot 
qui 
met 
à 
l’honneur 
l’équipe 
de 
football 
du 
Brésil 
à 
l’occasion 
de 
la 
coupe 
du 
monde 
201455 
n’échappe 
à 
cette 
logique, 
alors 
que 
la 
coupe 
du 
monde 
est 
censée 
être 
le 
moment 
où 
les 
individualités 
des 
joueurs 
s’effacent 
derrière 
le 
symbole 
de 
l’équipe 
et 
de 
la 
nation, 
plus 
que 
dans 
les 
clubs 
où 
les 
trajectoires 
et 
stratégies 
individuelles 
peuvent 
primer 
sur 
l’intérêt 
collectif, 
avec 
comme 
finalité 
une 
augmentation 
de 
la 
valeur 
marchande 
et 
la 
vente 
à 
un 
meilleur 
club. 
Dans 
ce 
spot, 
le 
système 
est 
toujours 
centré 
sur 
les 
joueurs, 
individuellement, 
avec 
une 
succession 
de 
scènes 
et 
d’univers 
différents, 
qui 
les 
ramènent 
soit 
dans 
la 
rue, 
sur 
la 
plage 
ou 
en 
enfance. 
L’individualisation 
est 
ainsi 
accentuée 
par 
ces 
différents 
univers, 
chaque 
joueur 
étant 
transporté 
dans 
un 
environnement 
qui 
lui 
est 
propre, 
ou 
alors 
vit 
le 
match 
d’une 
manière 
qui 
lui 
est 
propre 
(un 
des 
joueurs 
est 
confronté 
à 
des 
adversaires 
qui 
se 
transforment 
en 
géants). 
Ce 
ne 
sont 
donc 
jamais 
des 
actions 
collectives 
qui 
sont 
mises 
en 
scène, 
ou 
très 
rarement, 
mais 
des 
actions 
individuelles 
où 
la 
beauté, 
la 
réussite 
sportive 
est 
résumée 
à 
un 
geste 
technique 
personnel. 
Le 
joueur 
semble 
n’avoir 
pas 
de 
coéquipiers. 
Dans 
le 
spot 
« 
Vive 
le 
football 
libre 
»56, 
on 
voit 
ainsi 
un 
joueur 
faire 
une 
passe 
puis 
un 
autre 
recevoir 
le 
ballon 
mais 
à 
des 
matchs 
différents, 
à 
des 
moments 
différents, 
sans 
continuité, 
sans 
relation 
de 
cause 
à 
effet 
entre 
les 
deux, 
hormis 
le 
ballon 
qui 
joue 
le 
rôle 
de 
lien 
visuel. 
Dans 
la 
narration 
de 
ce 
geste 
simple 
et 
essentiel 
du 
football, 
ce 
qui 
est 
important 
n’est 
pas 
la 
passe, 
donc 
la 
relation 
entre 
deux 
joueurs 
d’une 
même 
équipe. 
Ce 
qui 
compte 
dans 
la 
rhétorique 
Nike 
est 
la 
manière 
d’émettre 
le 
ballon 
pour 
l’un 
des 
joueurs, 
et 
la 
manière 
pour 
l’autre 
de 
le 
recevoir, 
de 
le 
contrôler. 
La 
passe 
est 
ainsi 
niée 
en 
tant 
que 
ce 
qu’elle 
est 
fondamentalement, 
un 
acte 
de 
communication 
28 
55 
« 
Last 
game 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
6, 
https://www.youtube.com/watch?v=iXsDMF2RpTQ 
56 
« 
Vive 
le 
football 
libre 
», 
Annexe 
1, 
vidéo 
3, 
https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
entre 
deux 
joueurs, 
pour 
être 
présentée 
comme 
deux 
actions 
indépendantes 
: 
celle 
de 
l’émission, 
et 
celle 
de 
la 
réception. 
Ces 
choix 
nous 
montrent 
bien 
comment 
la 
dimension 
collective 
des 
sports 
d’équipe 
est 
niée 
au 
profit 
d’un 
cadrage 
purement 
individuel. 
Cette 
focalisation 
au 
niveau 
individuel 
dans 
les 
sports 
collectifs 
est 
encore 
plus 
mise 
à 
l’honneur 
dans 
les 
publicités 
où 
c’est 
le 
travail 
quotidien, 
le 
labeur, 
qui 
est 
montré. 
Sans 
considération 
d’adversité, 
l’entraînement 
est 
le 
moyen 
de 
devenir 
meilleur, 
de 
progresser 
d’abord 
pour 
soi. 
Toute 
l’activité 
est 
alors 
réduite 
à 
une 
dimension 
personnelle, 
il 
n’y 
a 
plus 
d’adversaires, 
pas 
de 
coéquipier, 
le 
joueur 
est 
montré 
dans 
l’anonymat 
de 
la 
rue, 
seul, 
et 
la 
voix-­‐off 
redouble 
souvent 
cette 
dimension 
individuelle 
en 
usant 
de 
la 
première 
personne 
: 
« 
C’est 
là 
où 
je 
suis 
né, 
c’est 
là 
où 
je 
transpire 
» 
/« 
Je 
joue 
pour… 
» 
(film 
« 
Goutte 
d’or 
»57) 
; 
« 
Je 
ne 
veux 
pas 
être 
une 
superstar, 
je 
veux 
être 
meilleur 
que 
cela, 
je 
veux 
juste 
être 
moi 
»(film 
« 
Ordinary 
people 
»58) 
; 
« 
Je 
crois 
que 
peux 
aller 
encore 
plus 
loin 
» 
(film 
« 
Believe 
in 
the 
run 
»59). 
L’individualisme 
semble 
alors 
lié 
ici 
à 
une 
forme 
de 
solitude, 
les 
joueurs 
étant 
montrés 
seuls 
ou 
presque, 
dans 
un 
environnement 
urbain, 
sur 
un 
terrain 
de 
basket 
ou 
dans 
la 
rue 
en 
train 
de 
courir. 
Le 
décor 
vide 
de 
la 
ville, 
à 
laquelle 
on 
associe 
généralement 
la 
foule, 
contribue 
à 
renforcer 
la 
dimension 
de 
solitude 
et 
la 
focalisation 
sur 
l’individu. 
La 
voix-­‐off 
qui 
nous 
fait 
entrer 
dans 
la 
tête 
des 
joueurs 
et 
nous 
enferme 
dans 
son 
cadre 
mental 
accentue 
le 
centrage 
sur 
le 
joueur, 
ce 
qui 
importe 
finalement 
n’est 
même 
pas 
qu’il 
y 
ait 
d’autres 
joueurs, 
des 
passants 
ou 
non 
: 
l’important 
est 
de 
ne 
considérer 
que 
soi 
en 
faisant 
abstraction 
de 
l’environnement 
et 
des 
autres 
pour 
se 
concentrer 
sur 
son 
effort 
et 
sa 
performance. 
Le 
paysage 
urbain 
vide 
n’est 
qu’une 
métaphore 
de 
l’état 
d’esprit 
du 
joueur. 
Le 
spot 
publicitaire 
mettant 
à 
l’honneur 
Ellie 
Goulding 60 
illustre 
parfaitement 
cette 
orchestration 
de 
la 
solitude 
en 
alternant 
dans 
un 
montage 
très 
rapide 
les 
plans 
où 
la 
chanteuse 
court 
seule 
dans 
les 
rues 
désertes 
de 
Londres, 
New-­‐York 
ou 
Los 
Angeles 
et 
les 
séquences 
où 
elle 
baigne 
dans 
la 
foule, 
dans 
une 
salle 
de 
concert, 
face 
à 
des 
fans 
dans 
la 
rue 
ou 
encerclée 
par 
les 
flashs 
des 
paparazzis. 
Pour 
Nike, 
le 
moment 
sportif 
est 
le 
moment 
où 
l’individu 
peut 
se 
recentrer 
sur 
lui-­‐même 
sans 
envisager 
rien 
d’autre 
que 
sa 
29 
57 
« 
Goutte 
d’or 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
7, 
https://www.youtube.com/watch?v=Y6unfQWT3Zo 
58 
« 
Ordinary 
people 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
8, 
https://www.youtube.com/watch?v=rtWcE3wguKY 
59 
« 
Believe 
in 
the 
run 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
9, 
https://www.youtube.com/watch?v=6DUnOup4tVY 
60 
« 
Music 
runs 
Ellie 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
10, 
https://www.youtube.com/watch?v=kAGuF57hYbM
performance 
; 
le 
moment 
sportif 
est 
le 
moment 
ou 
même 
le 
personnage 
public 
peut 
arpenter 
les 
rues 
comme 
un 
anonyme. 
2.1.2 
Altérité 
urbaine, 
altérité 
sportive, 
entre 
compétition 
et 
« 
co-­‐opétition 
» 
: 
confrontation 
et 
cohabitation 
dans 
un 
espace 
limité 
Alors 
même 
que 
le 
discours 
de 
Nike 
n’est 
pas 
d’être 
meilleur 
que 
l’autre 
mais 
meilleur 
que 
soi 
même, 
il 
y’a 
nécessairement 
un 
moment 
où 
le 
joueur 
va 
être 
confronté 
à 
l’autre. 
Ici, 
l’autre 
n’est 
pas 
toujours 
envisagé 
comme 
un 
adversaire, 
en 
tout 
cas 
pas 
un 
adversaire 
officiel 
mais 
il 
figure 
un 
être 
menaçant, 
souvent 
peu 
bienveillant, 
et 
à 
qui 
il 
faut 
se 
confronter. 
L’autre 
sportif 
apparaît 
comme 
un 
objet 
de 
l’environnement 
et 
du 
contexte 
qu’il 
faut 
prendre 
en 
compte 
dans 
la 
pratique 
de 
son 
sport. 
La 
confrontation 
à 
autrui 
est 
toujours 
une 
menace 
; 
dans 
la 
ville 
comme 
dans 
le 
sport, 
l’altérité 
représente 
un 
obstacle. 
Pour 
Olivier 
Mongin, 
« 
la 
sortie 
de 
soi 
dans 
le 
public 
se 
présente 
paradoxalement 
comme 
une 
menace 
(…) 
l’espace 
public 
est 
incertain 
»61. 
Ainsi, 
l’espace 
public 
s’apparente 
à 
un 
lieu 
menaçant 
et 
le 
sportif 
qui, 
dans 
l’exercice, 
rencontre 
un 
autre 
sportif, 
va 
devoir 
s’y 
confronter. 
Plusieurs 
spots 
publicitaires 
mettent 
en 
scène 
la 
rencontre 
avec 
l’autre 
dans 
la 
ville, 
parfois 
de 
manière 
impromptue 
comme 
dans 
le 
spot 
« 
Enjoy 
the 
weather 
»62 
où 
une 
joggeuse 
se 
fait 
éclabousser 
par 
un 
autre 
joggeur 
alors 
qu’elle 
refait 
ses 
lacets 
près 
d’une 
flaque 
d’eau. 
Le 
joggeur 
s’excuse 
d’un 
geste 
de 
la 
main, 
mais 
la 
coureuse, 
rancunière, 
le 
dépassera 
à 
son 
tour, 
s’excusant 
elle 
aussi 
de 
la 
main, 
par 
provocation 
: 
s’ensuit 
une 
course 
entre 
les 
deux 
et 
une 
« 
escalade 
de 
l’éclaboussure 
» 
avec 
même 
la 
mise 
en 
obstacle 
d’autres 
objets 
comme 
des 
poubelles 
de 
rue 
pour 
ralentir 
l’adversaire. 
Ici, 
l’autre 
n’est 
à 
l’origine 
qu’un 
passant, 
un 
semblable 
qui 
s’adonne 
à 
la 
même 
activité 
mais 
de 
son 
côté, 
mais 
la 
rencontre 
donne 
lieu 
à 
une 
rivalité, 
comme 
s’il 
fallait 
que 
l’un 
ressorte 
gagnant 
de 
ce 
duel, 
alors 
qu’aucun 
cadre, 
aucun 
dispositif 
(terrain, 
match…) 
ne 
les 
disposait 
à 
s’affronter. 
La 
courtoisie, 
usage 
qui 
permet 
aux 
habitants 
et 
usager 
d’un 
même 
territoire 
de 
coexister 
de 
manière 
pacifique, 
n’a 
pas 
suffit 
à 
éviter 
la 
confrontation 
: 
il 
faut 
se 
mesurer 
à 
l’autre, 
répondre 
à 
sa 
provocation 
par 
la 
provocation. 
La 
pratique 
solitaire 
de 
son 
sport 
n’apparaît 
possible 
qu’en 
épuisant 
celle 
30 
61 
MONGIN 
(Olivier), 
La 
condition 
urbaine, 
La 
ville 
à 
l’heure 
de 
la 
mondialisation, 
Points, 
2007 
62 
« 
Enjoy 
the 
weather 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
11
de 
l’autre, 
pour 
avoir 
le 
terrain, 
l’espace 
libre. 
Les 
scènes 
de 
poursuite 
s’éloignent 
d’ailleurs 
du 
parc 
pour 
se 
poursuivre 
dans 
des 
rues 
plus 
étroites, 
dans 
des 
espaces 
réduits 
pour 
renforcer 
l’idée 
qu’il 
n’y 
aura 
de 
place 
que 
pour 
une 
seule 
personne 
et 
les 
deux 
se 
poussent 
mutuellement 
pour 
se 
dégager 
le 
chemin. 
La 
ville, 
la 
rue, 
en 
tant 
que 
territoire 
limité, 
restreint, 
non 
extensible, 
apparaît 
alors 
comme 
un 
lieu 
qu’il 
faut 
s’approprier, 
où 
il 
n’y 
a 
pas 
nécessairement 
de 
possibilité 
de 
cohabitation 
entre 
les 
pratiquants. 
Dès 
lors, 
la 
confrontation 
avec 
l’autre 
devient 
non 
pas 
une 
finalité 
mais 
une 
condition 
nécessaire 
pour 
libérer 
le 
terrain 
et 
pouvoir 
ensuite 
s’exercer 
pleinement 
: 
l’espace 
se 
fait 
terrain 
de 
confrontation. 
Comme 
souvent 
dans 
les 
pratiques 
informelles 
de 
sport, 
l’espace 
utilisé 
pour 
jouer 
présente 
des 
potentialités 
qui 
vont 
permettre 
d’établir 
de 
nouvelles 
règles 
du 
jeu, 
de 
nouveaux 
obstacles 
et 
alimenter 
la 
lucidité 
de 
la 
pratique 
du 
sport63. 
La 
pratique 
sportive 
est 
ainsi 
déterminée 
par 
l’environnement, 
« 
c’est 
la 
gestion 
circonstanciée 
de 
la 
pluralité 
des 
obstacles 
à 
surmonter 
qui 
alimente 
un 
vivier 
de 
possibilités 
»64. 
Ici, 
la 
flaque 
d’eau 
devient 
un 
élément 
à 
part 
entière 
de 
l’opposition 
des 
coureurs 
et 
jalonne 
toute 
leur 
course, 
de 
même 
que 
les 
poubelles 
de 
rue 
qui 
constituent 
des 
obstacles. 
Ils 
se 
font 
finalement 
arroser 
tous 
les 
deux 
de 
la 
même 
manière 
par 
un 
bus 
qui 
roule 
sur 
une 
énorme 
flaque, 
preuve 
qu’à 
la 
fin, 
c’est 
toujours 
la 
ville 
qui 
gagne. 
Les 
sportifs 
semblent 
donc 
en 
conflit 
sur 
un 
terrain 
qui 
est 
limité, 
et 
la 
confrontation 
vise 
d’abord 
à 
s’approprier 
l’espace. 
C’est 
la 
même 
logique 
qui 
est 
en 
jeu 
dans 
le 
spot 
« 
Winner 
stays 
»65 
: 
des 
jeunes 
garçons 
répartis 
en 
deux 
équipes 
se 
font 
face 
sur 
un 
terrain 
de 
football 
d’une 
banlieue 
anglaise 
(bâtiments 
en 
brique 
rouge 
en 
arrière 
plan), 
et 
avant 
le 
coup 
d’envoi, 
un 
joueur 
d’une 
équipe 
lance 
à 
l’autre 
: 
« 
Le 
gagnant 
reste 
? 
», 
l’autre 
se 
retourne 
vers 
son 
équipe 
et 
leur 
demande 
s’ils 
acceptent 
le 
défi, 
avant 
d’acquiescer 
auprès 
de 
son 
adversaire. 
Cette 
logique 
d’affrontement 
pour 
s’approprier 
– 
du 
moins 
provisoirement 
– 
le 
terrain 
correspond 
à 
un 
mode 
courant 
d’affrontement 
dans 
la 
pratique 
informelle 
des 
sports 
collectifs, 
ou 
sports 
auto-­‐organisés 
que 
nous 
avons 
évoqués 
dans 
la 
partie 
1 
et 
Pascal 
Duret 
de 
nous 
rappeler 
que 
dans 
cette 
pratique 
« 
seuls 
les 
plus 
forts 
occupent 
le 
terrain 
toute 
la 
journée 
alors 
que 
les 
plus 
faibles 
ne 
le 
31 
63 
SUDRE 
(David) 
et 
GENTY 
(Mathieu), 
Le 
sport, 
diffusion 
globale 
et 
pratiques 
locales, 
L’Harmattan, 
2014 
64 
TRAVERT 
(Mathieu), 
Le 
football 
de 
pied 
d’immeuble. 
Une 
pratique 
singulière 
au 
coeur 
d’une 
cité 
populaire, 
Ethnologie 
Française, 
n°2, 
1997 
65 
« 
Winner 
stays 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
12, 
https://www.youtube.com/watch?v=3XviR7esUvo
foulent 
parfois 
qu’après 
plusieurs 
heures 
d’attente 
»66. 
Ici 
le 
partage 
de 
l’espace 
se 
fait 
par 
la 
confrontation, 
l’équipe 
gagnante 
ayant 
le 
droit 
de 
rester 
sur 
le 
terrain 
et 
donc 
de 
pratiquer 
le 
sport 
plus 
longtemps, 
autant 
de 
temps 
qu’elle 
gagne 
(les 
équipes 
se 
succédant 
les 
unes 
après 
les 
autres 
pour 
affronter 
le 
gagnant 
du 
match 
précédant). 
Cette 
règle 
de 
partage 
de 
l’espace 
est 
ainsi 
acceptée 
par 
tous 
et 
a 
valeur 
d’affrontement 
pacifique 
et 
régulation 
dans 
ce 
mode 
d’auto-­‐organisation. 
Cette 
saine 
opposition 
structure 
donc 
toute 
la 
pratique 
en 
ce 
qu’elle 
détermine 
le 
temps 
de 
pratique 
pour 
chaque 
acteur 
– 
chaque 
groupe 
d’acteurs. 
Gasparini 
et 
Vieille-­‐Marchiset 
ont 
ainsi 
relevé 
que 
« 
deux 
principes 
de 
justice 
sportive 
ressortent 
de 
l’analyse 
de 
ces 
pratiques 
autorégulées 
: 
le 
droit 
d’occuper 
l’espace 
de 
jeu 
et 
le 
droit 
de 
jouer 
» 
et 
que 
« 
chacun 
doit 
s’approprier 
les 
règles 
d’utilisation 
et 
de 
répartition 
des 
espaces 
sportifs 
dans 
la 
ville 
».67 
Ces 
conditions 
d’occupation 
de 
l’espace 
sont 
ainsi 
admises 
par 
tous 
les 
pratiquants 
à 
la 
fois 
comme 
fin 
et 
comme 
moyen 
: 
on 
joue 
pour 
gagner 
pour 
pouvoir 
jouer. 
Et 
ainsi 
de 
suite. 
Ce 
système 
fait 
dire 
à 
Travers 
que 
« 
dans 
la 
cité, 
on 
ne 
s’oppose 
pas 
pour 
s’imposer 
mais 
on 
se 
pose 
en 
s’opposant 
»68. 
Le 
système 
d’opposition 
fait 
que 
tout 
le 
monde 
peut 
jouer, 
même 
si 
la 
répartition 
du 
temps 
de 
jeu 
est 
inégale, 
tout 
le 
monde 
y 
trouve 
son 
compte 
ce 
qui 
fait 
dire 
à 
Nalebuff 
et 
Brandenburger 
que 
l’on 
n’est 
plus 
dans 
un 
système 
de 
compétition 
mais 
dans 
un 
système 
« 
co-­‐opétition, 
formule 
plus 
souple 
qui 
oppose 
des 
acteurs 
au 
profit 
de 
tous 
».69 
La 
confrontation 
apparaît 
donc 
également 
dans 
la 
rue 
et 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
Nike, 
comme 
un 
moyen 
de 
se 
partager 
l’espace 
et 
de 
cohabiter 
dans 
un 
espace 
limité. 
Mais 
d’autres 
publicités 
de 
la 
marque 
présentent 
la 
cohabitation 
comme 
possible 
sans 
s’opposer, 
car 
la 
confrontation 
n’est 
pas 
nécessairement 
l’opposition. 
Ainsi 
dans 
le 
film 
publicitaire 
« 
Believe 
in 
the 
run 
»70, 
la 
confrontation 
avec 
l’autre, 
avec 
le 
semblable, 
est 
envisagée 
comme 
un 
moyen 
de 
s’évaluer, 
de 
progresser 
et 
d’acquérir 
encore 
plus 
de 
force 
et 
de 
volonté. 
La 
publicité 
suit 
un 
joggeur 
et 
une 
voix-­‐off, 
que 
l’on 
devine 
être 
celle 
du 
coureur 
dit 
qu’ 
« 
il 
croit 
que 
sa 
plus 
grande 
inspiration 
est 
la 
personne 
devant 
lui 
». 
L’adversaire 
devient 
ici 
un 
objectif 
à 
32 
66 
DURET 
(Pascal), 
Sociologie 
du 
sport, 
Armand 
Colin, 
2001 
67 
GASPARINI 
(William) 
et 
VIEILLE-­‐MARCHISET 
(Gilles), 
Le 
sport 
dans 
les 
quartiers, 
Pratiques 
sociales 
et 
politiques 
publiques, 
PUF, 
2008 
68 
TRAVERT 
(Mathieu), 
« 
À 
propos 
de 
la 
diversité 
des 
expériences 
footballistiques 
: 
les 
trois 
états 
d’un 
affrontement 
», 
Sciences 
et 
motricité, 
1999 
69 
NALEBUFF 
(Bary) 
et 
BRANDENBURGER 
(Adam), 
La 
co-­‐opétition, 
une 
révolution 
dans 
la 
manière 
de 
jouer 
concurrence 
et 
compétition, 
Village 
Mondial, 
1996 
70 
« 
Believe 
in 
the 
run 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
9, 
https://www.youtube.com/watch?v=6DUnOup4tVY
atteindre, 
pas 
pour 
être 
meilleur 
nécessairement 
mais 
comme 
un 
idéal, 
un 
but 
qui 
permet 
de 
se 
projeter 
et 
d’être 
encore 
plus 
motivé. 
Tout 
le 
mécanisme 
narratif 
de 
la 
publicité 
Possibilites71 
fonctionne 
sur 
cette 
considération 
: 
le 
joueur 
doit 
toujours 
affronter 
un 
adversaire 
meilleur 
que 
lui 
pour 
mettre 
la 
barre 
encore 
plus 
haut, 
pour 
élever 
son 
niveau 
de 
pratique. 
Nous 
nous 
rendons 
bien 
compte 
ici 
que 
l’adversaire 
n’a 
pas 
d’importance 
en 
tant 
que 
tel 
car 
il 
n’est 
pas 
nécessairement 
semblable 
aux 
protagonistes 
(tour 
à 
tour 
opposés 
à 
un 
bison, 
une 
star 
de 
cinéma 
ou 
des 
loups). 
L’important 
est 
le 
niveau 
de 
difficulté 
que 
va 
proposer 
l’adversaire 
au 
joueur 
pour 
le 
faire 
progresser 
toujours 
plus. 
Nous 
notons 
ainsi 
que 
différentes 
valeurs 
sont 
accordées 
à 
l’ 
« 
autre 
» 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike 
: 
l’autre 
sportif 
figure 
un 
adversaire 
naturel 
à 
qui 
l’on 
peut 
s’opposer 
pour 
s’approprier 
l’espace 
de 
pratique 
; 
il 
figure 
également 
un 
échelon 
de 
mesure 
de 
son 
niveau 
de 
pratique 
et 
source 
de 
motivation 
pour 
améliorer 
toujours 
plus 
sa 
performance. 
Nous 
relevons 
ainsi 
cette 
dualité 
présente 
dans 
le 
discours 
de 
Nike 
et 
inhérente, 
en 
fait, 
à 
la 
pratique 
sportive 
: 
l’individualité 
– 
voire 
l’individualisme 
-­‐ 
est 
au 
coeur 
du 
processus, 
l’effort 
et 
la 
performance 
sont 
d’abord 
réalisés 
pour 
soi 
et 
uniquement 
pour 
soi, 
mais 
l’adversaire 
est 
nécessaire 
pour 
progresser 
et 
souvent 
même 
pour 
donner 
du 
sens 
à 
la 
pratique 
: 
dans 
le 
cadre 
d’une 
pratique 
auto-­‐organisée 
avec 
un 
système 
où 
l’équipe 
gagnante 
reste 
sur 
le 
terrain, 
l’adversité 
structure 
le 
mode 
de 
pratique). 
Ici, 
l’environnement 
urbain 
donne 
un 
sens 
à 
la 
rencontre 
sportive. 
Et 
l’autre 
est 
nécessaire 
au 
plaisir 
du 
je(u). 
Comme 
le 
dit 
la 
voix-­‐off 
du 
spot 
« 
Believe 
in 
the 
run 
» 
: 
« 
Je 
crois 
à 
la 
solitude, 
et 
à 
la 
communauté 
». 
Ces 
deux 
modes 
opposés 
semblent 
indissociables 
dans 
la 
pratique 
sportive 
agréée 
par 
la 
vision 
de 
Nike. 
2.1.3 
Le 
sport 
comme 
mythe 
d’ascension 
sociale 
: 
de 
l’ombre 
de 
la 
rue 
à 
la 
lumière 
des 
stades 
Dans 
les 
publicités 
Nike 
analysées, 
la 
rue 
de 
la 
ville 
en 
tant 
qu’espace 
de 
pratique 
sportive 
est 
souvent 
représentée 
comme 
un 
lieu 
de 
labeur, 
d’entraînement, 
dans 
l’ombre 
des 
projecteurs, 
en 
opposition 
à 
la 
lumière 
et 
la 
gloire 
des 
stades 
qui 
symbolisent 
le 
33 
71 
« 
Possibilites 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
2
triomphe 
populaire 
et 
le 
sommet 
sportif. 
La 
rue, 
dans 
les 
publicités 
Nike 
et 
dans 
les 
représentations 
collectives, 
demeure 
le 
lieu 
où 
l’individu 
n’est 
rien, 
n’est 
pas 
reconnu. 
Emmanuelle 
Lallement 
nous 
rappelle 
à 
ce 
propos 
que 
« 
l’invisibilité 
ou 
l’anonymat 
(…) 
sont 
deux 
critères 
que 
l’on 
considère 
souvent 
comme 
des 
caractéristiques 
de 
la 
vie 
urbaine 
»72. 
Cette 
dimension 
nous 
semble 
exacerbée 
dans 
les 
quartiers 
populaires 
qui 
servent 
de 
décor 
à 
la 
plupart 
des 
publicités 
Nike. 
Ces 
territoires 
symboliques 
(dans 
les 
publicités) 
renvoient 
à 
une 
réalité 
que 
sont 
les 
zones 
péri-­‐urbaines 
où 
sont 
reléguées 
les 
classes 
populaires. 
Si 
Stébé 
et 
Marchal 
insistent 
sur 
la 
nécessité 
de 
ne 
pas 
appréhender 
la 
diversité 
des 
zones 
urbaines 
de 
manière 
caricaturale73, 
ils 
notent 
quand 
même 
la 
disparité 
entre 
« 
d’un 
côté, 
les 
quartiers 
aisés, 
souvent 
situés 
en 
centre 
ville, 
dans 
lesquels 
les 
riches 
urbains 
construisent 
et 
préservent 
leur 
entre-­‐soi, 
et 
de 
l’autre, 
les 
quartiers 
pauvres, 
majoritairement 
périphériques, 
qui 
connaissent 
une 
dégradation 
sociale 
et 
économique 
de 
plus 
en 
plus 
accentuée 
»74. 
Stébé, 
Marchal 
et 
Placiard 
parlent 
ainsi 
de 
« 
ghettos 
» 
pour 
« 
rendre 
compte 
de 
la 
situation 
de 
captivité, 
de 
marginalisation 
et 
de 
précarisations 
des 
habitants 
de 
certaines 
Zones 
urbaines 
sensibles 
situées 
à 
la 
périphérie 
des 
villes 
françaises 
»75. 
La 
réalité 
sociale 
de 
ces 
quartiers 
populaires 
nous 
semble 
donc 
donner 
lieu 
à 
une 
situation 
d’enfermement 
des 
habitants, 
un 
enfermement 
moins 
spatial 
que 
social. 
Ici, 
l’échec 
de 
la 
réussite 
sociale 
par 
la 
méritocratie 
scolaire 
semble 
être 
admis 
par 
tout 
le 
monde 
; 
« 
les 
classes 
populaires 
commencent 
à 
se 
rendre 
compte 
que 
cette 
soi-­‐disant 
égalité 
devant 
l’enseignement 
n’est 
qu’un 
leurre 
» 76. Le 
sport 
semble 
alors 
revêtir 
le 
moyen 
alternatif 
de 
réussir 
socialement 
et 
de 
corriger 
l’inégalité 
fondamentale 
ressentie 
par 
les 
classes 
populaires 
de 
ces 
quartiers. 
Pour 
la 
plupart 
des 
jeunes 
issus 
de 
ces 
classes 
populaires, 
le 
sport 
« 
représente 
un 
moyen, 
plus 
imaginaire 
qu’objectif, 
de 
s’en 
sortir 
ou 
d’effacer 
les 
stigmates 
de 
leurs 
origines 
»77. 
Effectivement, 
en 
terme 
de 
réalité 
quantitative, 
peu 
de 
jeunes 
de 
ces 
quartiers 
réussissent 
à 
faire 
carrière 
dans 
le 
sport 
et 
à 
pouvoir 
en 
vivre. 
Pour 
quelques 
idoles 
et 
« 
success 
story 
» 
de 
célébrités 
sportives 
parties 
de 
rien 
et 
adulées 
par 
tout 
un 
pays, 
34 
72 
LALLEMENT 
(Emmanuelle), 
Barbès, 
ville 
marchande, 
Téraèdre, 
Un 
lointain 
si 
proche, 
2010 
73 
MARCHAL 
(Hervé) 
et 
STÉBÉ 
(Jean-­‐Marc), 
La 
ville, 
territoires, 
logiques, 
défis, 
Ellipses, 
Poitiers, 
2008 
74 
MARCHAL 
(Hervé) 
et 
STÉBÉ 
(Jean-­‐Marc), 
La 
crise 
des 
banlieues, 
PUF, 
Paris, 
2007 
75 
MARCHAL 
(Hervé) 
et 
STÉBÉ 
(Jean-­‐Marc), 
PLACIARD 
(Étienne), 
Ghettos 
à 
la 
française 
: 
concepts 
et 
réalités, 
Urbanisme, 
2007 
76 
A. 
VAN 
ZANTEN, 
L’école 
de 
la 
périphérie. 
Scolarité 
et 
ségrégation 
en 
banlieue, 
Puf 
(Paris), 
2012. 
77 
OHL 
(Fabien), 
Les 
usages 
sociaux 
des 
objets 
: 
paraître 
« 
sportif 
en 
ville, 
Loisir 
et 
société, 
vol.24, 
n°1, 
2001
combien 
de 
prétendants 
ont 
aspiré 
à 
la 
gloire 
sans 
réussite 
? 
Mais 
ce 
mythe 
de 
la 
réussite 
sociale 
par 
le 
sport 
demeure 
un 
rêve 
auquel 
de 
nombreux 
jeunes 
défavorisés 
continuent 
de 
s’accrocher 
car 
ils 
ne 
peuvent 
plus 
croire 
en 
l’institution 
scolaire, 
et 
il 
constitue 
ainsi 
un 
outil 
de 
35 
storytelling 
formidable 
pour 
les 
marques 
de 
sport 
et 
pour 
Nike 
notamment. 
Pour 
Alain 
Ehrenberg, 
le 
sport 
« 
nous 
montre 
comment 
n’importe 
qui 
peut 
devenir 
quelqu’un, 
quels 
que 
soient 
son 
sexe, 
sa 
race, 
sa 
classe 
d’origine 
ou 
son 
handicap 
de 
départ 
dans 
la 
vie. 
Il 
élimine 
ainsi 
le 
poids 
de 
la 
filiation, 
la 
détermination 
de 
la 
place 
sociale 
actuelle 
par 
les 
origines, 
bref 
l’emprise 
du 
destin 
collectif 
au 
profit 
de 
l’histoire 
de 
l’individu 
qui 
se 
fait 
par 
elle-­‐même 
»78. 
Nous 
avons 
vu 
précédemment 
la 
valorisation 
de 
l’individualisme 
dans 
la 
culture 
de 
marque 
de 
Nike, 
et 
l’une 
des 
raisons 
à 
cela 
est 
la 
mise 
en 
scène 
de 
la 
prise 
en 
main 
de 
son 
destin 
par 
l’individu 
pour 
échapper 
à 
un 
déterminisme 
social 
voire 
« 
naturel 
» 
: 
il 
n’y 
a 
même 
pas 
de 
limite 
physique 
dans 
la 
rhétorique 
Nike, 
d’où 
leur 
sponsoring 
de 
l’athlète 
handicapé 
Oscar 
Pistorius 
qui 
a 
combattu 
la 
fatalité 
en 
concourant 
avec 
des 
athlètes 
valides. 
La 
prétendue 
possibilité 
pour 
n’importe 
qui 
de 
s’en 
sortir 
par 
le 
sport 
constitue 
un 
discours 
sous-­‐jacent 
et 
permanent 
dans 
la 
rhétorique 
Nike. 
La 
rue 
constitue 
alors 
un 
territoire 
fini, 
limité, 
enfermant 
duquel 
il 
faut 
s’échapper 
grâce 
au 
sport 
et 
à 
la 
marque. 
L’espace 
urbain 
constitue 
d’abord 
dans 
l’esthétique 
de 
Nike 
un 
lieu 
d’entraînement 
dans 
l’ombre 
et 
l’anonymat 
: 
ces 
thèmes 
sont 
régulièrement 
évoqués 
dans 
les 
publicités 
où 
l’on 
voit 
des 
jeunes 
joueurs 
s’entraîner 
tout 
seul. 
Le 
spot 
« 
Ordinary 
people 
»79 
est 
particulièrement 
évocateur, 
on 
y 
voit 
Tidiani 
Sokoba, 
un 
street-­‐basketteur 
reconnu, 
s’entraîner 
sur 
des 
terrains 
de 
basket 
urbains 
au 
milieu 
de 
cités 
françaises 
ou 
courir 
dans 
les 
rues 
de 
Paris. 
Une 
voix-­‐off, 
en 
anglais, 
évoque 
son 
anonymat 
: 
« 
je 
ne 
suis 
pas 
une 
star, 
je 
n’ai 
pas 
un 
nom 
connu, 
les 
médias 
n’ont 
jamais 
entendu 
parler 
de 
moi 
; 
pas 
de 
public, 
pas 
de 
pom-­‐pom 
girls 
» 
ainsi 
que 
son 
abnégation 
: 
« 
je 
ne 
collectionne 
pas 
les 
titres, 
je 
collectionne 
les 
heures, 
les 
heures 
de 
dur 
labeur, 
les 
heures 
de 
souffrance 
». 
Et 
les 
images 
où 
l’on 
voit 
le 
sportif 
courir, 
shooter, 
gravir 
des 
marches 
à 
toute 
vitesse, 
illustrent 
son 
propos. 
L’univers 
urbain 
qui 
l’entoure 
est 
vide 
(nous 
avons 
déjà 
évoqué 
cette 
dimension), 
gris, 
la 
lumière 
est 
sombre 
: 
il 
est 
tout 
seul 
dans 
son 
effort, 
dans 
un 
univers 
dysphorique 
et 
la 
seule 
personne 
qu’il 
croise 
est 
un 
sans 
domicile 
fixe. 
78 
A.EHRENBERG 
(Alain), 
Le 
culte 
de 
la 
performance, 
Hachette 
Littérature, 
Paris, 
2003 
79 
« 
Ordinary 
people 
», 
annexe 
1, 
vidéo 
8
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Performer (dans) la ville : significations et représentations de l'urbanité dans la culture de marque de Nike

  • 1. 1 École des hautes études en sciences de l'information et de la communication Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) MASTER 2 PROFESSIONNEL Magistère de Communication Management de la communication « Performer (dans) la ville : significations et représentations de l’urbanité dans la culture de marque de Nike » préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD Nom et prénom : Gasquet Théo Promotion : 2013-2014 Soutenu le : 24 novembre 2014 Note au mémoire :
  • 2. Table des matières REMERCIEMENTS ............................................................................................................................ 4 INTRODUCTION ............................................................................................................................... 6 Préambule .................................................................................................................................................... 6 Le sport, la ville et Nike ........................................................................................................................... 7 Pourquoi parler de culture de marque ? ........................................................................................... 9 1. NIKE : UNE CULTURE DE MARQUE BATIE SUR LA CULTURE DE LA RUE ................ 13 1.1 2 La construction d’une culture de marque subversive et revendiquant son « authenticité » ........................................................................................................................................ 13 1.2 Nike et la glorification de la pratique sportive informelle dans la rue (en opposition à Adidas et le sport légitime des stades) ..................................................................... 17 1.3 La jeunesse (de la rue) au coeur de la communication de la marque ......................... 21 2. ESTHÉTIQUES URBAINES ET MÉTAPHORES SPORTIVES : LES REPRÉSENTATIONS DE LA VILLE MODERNE À TRAVERS LES VALEURS DE NIKE ........................................... 26 2.1 La ville, lieu de confrontation entre soi et les autres : entre inégalité urbaine et mise à égalité par le sport ............................................................................................................... 26 2.1.1 L’individualisme urbain exacerbé par le sport et les valeurs de Nike .............................................................. 26 2.1.2 Altérité urbaine, altérité sportive, entre compétition et « co-­‐opétition » : confrontation et cohabitation dans un espace limité .............................................................................................................................................. 30 2.1.3 Le sport comme mythe d’ascension sociale : de l’ombre de la rue à la lumière des stades ...................... 33 2.2 La ville, territoire identitaire ou paysage hostile à dompter par le sport ............ 38 2.2.1 La construction d’une identité territoriale et collective par le sport ................................................................. 38 2.2.2 La ville illimitée qu’il faut s’approprier .......................................................................................................................... 43 3. POUR QUE LA PERFORMANCE SOIT PERFORMÉE : COMMENT TRANSFORMER UN DISCOURS SUR LA PERFORMANCE SPORTIVE URBAINE EN L’ADOPTION DES PRODUITS DANS LA RUE ............................................................................................................. 49 3 .1 L’exemple du running : à la croisée du sport et de la mode ...................................... 49 3.1.2 De la performance individuelle à la communauté .................................................................................................... 50 3.1.2 Marquer la performance par le territoire urbain, et le territoire urbain par la performance : vers une cartographie de la performance ..................................................................................................................................................... 53 3.1.3 Performer la performance par le vêtement : de la valeur d’usage à la valeur signe des produits Nike ...................................................................................................................................................................................................................... 58
  • 3. 3.2 Promouvoir la performance urbaine comme mode de vie pour gagner la bataille de la rue ................................................................................................................................ 61 3.2.1 Performer la marque pour performer son identité urbaine .................................................................................. 61 3.2.2 Parler à toute la rue, parler de toutes les rues ............................................................................................................ 64 CONCLUSION ................................................................................................................................... 72 SOURCES DOCUMENTAIRES ....................................................................................................... 75 Bibliographie ........................................................................................................................................... 75 Études ......................................................................................................................................................... 77 Sitographie ............................................................................................................................................... 77 ANNEXES .......................................................................................................................................... 79 Annexe 1 .................................................................................................................................................... 79 Annexe 2 .................................................................................................................................................... 81 Annexe 3 .................................................................................................................................................... 84 RÉSUMÉ ............................................................................................................................................ 90 MOTS-­‐CLEFS .................................................................................................................................... 91 3
  • 4. 4 REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier le CELSA, ses professeurs et son personnel administratif pour ces trois belles années d’apprentissage et de riches expériences humaines. Je remercie tout particulièrement Emmanuelle Lallement pour son encadrement tout au long du magistère et pour son suivi lors de la réalisation de ce mémoire. Ses conseils, sa bienveillance et son apport pédagogique ont été précieux durant ces années d’études. Je n’oublie pas Monique Beuvin, notre coordinatrice pédagogique, pour son implication et son dévouement qui ont grandement contribué à faire du magistère une grande et belle famille. Merci également à Philippe Gargov, mon rapporteur professionnel, pour sa disponibilité, ses conseils et le regard pertinent qu’il aura jeté sur mon travail. Enfin, je remercie mes amis et ma famille pour leur soutien et Faustine pour la relecture attentive de ces pages.
  • 5. « Dans les grandes villes modernes, les gens courent après eux-­‐mêmes. Ils s’atteignent rarement. » Gerhard Haptmann 5
  • 6. 6 INTRODUCTION Préambule Le 5 octobre 2014, 11000 participants s’élançaient dans les rues de la capitale pour participer au 10km Paris Centre, course organisée par Nike au coeur du Marais1. La star d’athlétisme Carl Lewis lançait même l’ouverture symbolique de ce succès populaire. Au-­‐delà de cet événement exceptionnel, Nike Running, l’entité spécialisée dans la course de la marque, organise ainsi chaque semaine des « runs » dans les rues de Paris, courses encadrées par des coachs Nike, suivant un itinéraire défini par Nike, et toujours à partir des points de vente Nike, figurant ainsi les lieux de repères centraux pour ces parcours dans la ville (points de départ et d’arrivée). Ces rendez-­‐vous réguliers accompagnent une progression fulgurante de la pratique de la course à pied en France2 ainsi qu’une tendance plus générale qui consacre les vêtements du running, et les chaussures notamment, comme en témoignent les créations des plus grands designers qui les mettent à l’honneur depuis 20123, tendance reprise par les magazines de mode4 au point qu’une journaliste mode du magazine Black Rainbow déclare que « les chaussures de running sont les nouveaux talons aiguilles »5 Ces constats actuels nous donnent ainsi l’impression que le sport et les signes de sportivité n’ont jamais été aussi visibles dans la ville. Il ne s’agit pas d’une nouveauté : les adolescents, notamment, ont depuis longtemps adopté des tenues vestimentaires sportives, indépendamment de la pratique, comme le rappellent Christian Dorvillé et Claude Sobry pour qui « les tenues sportives sont devenus des éléments importants de l’identité corporelle pour les adolescents » 6 . Depuis quelques années, la basket, 1 http://www.lepape-­‐info.com/courses/les-­‐resultats-­‐des-­‐10km-­‐de-­‐paris-­‐centre-­‐le-­‐5-­‐octobre-­‐2014/ (consulté le 19 octobre 2014) 2 http://www.lsa-­‐conso.fr/la-­‐course-­‐folle-­‐du-­‐running,139646 (consulté le 17 octobre 2014) 3 http://www.elle.fr/Loisirs/Special/L-­‐homme-­‐2013-­‐explique-­‐aux-­‐filles/Leurs-­‐tentations-­‐mode/Du-­‐ podium-­‐a-­‐la-­‐rue-­‐10-­‐tendances-­‐a-­‐la-­‐loupe/Les-­‐running-­‐shoes (consulté le 18 octobre 2014) 4 http://www.aufeminin.com/accessoires-­‐mode/baskets-­‐tenue-­‐de-­‐ville-­‐le-­‐look-­‐a-­‐adopter-­‐d-­‐urgence-­‐ s341581.html (consulté le 18 octobre 2014) 5 http://www.gqmagazine.fr/sport/saga/articles/les-­‐secrets-­‐du-­‐phnomne-­‐running/12723 (consulté le 18 octobre 2014) 6 DORVILLÉ (Christian) et SOBRY (Claude), La ville revisitée par les sportifs, Territoire en mouvement, 2006
  • 7. chaussure de sport destinée à être portée en ville s’est également démocratisée et n’est plus restreinte à la seule population des adolescents ou des pratiquants de sport.7 Guillaume Erner note que « la différence séparant une marque de sport d’une marque de mode est ténue. Nike et ses semblables ont profité de la tendance consistant à détourner les baskets de leur usage initial ; les deux tiers de ces chaussures ne serviront donc jamais à aucune pratique sportive »8 Mais la chaussure running est sans aucun doute, de toutes les baskets qui sont devenues à la mode, celle qui présente l’aspect et les caractéristiques les plus techniques, et leur port dans la ville, dans un usage déconnecté de la pratique sportive, peut sembler incongru. La hausse de la pratique sportive en ville conjuguée à la tendance grandissante des vêtements sportifs en milieu urbain, nous amènent à interroger les liens entre la ville et le sport et plus particulièrement entre la ville et les marques de sport à la lumière de l’une des plus emblématiques. 7 Le sport, la ville et Nike S’il ne nous apparaît aujourd’hui pas incongru d’évoquer conjointement les notions de sport et de ville, Christian Dorvillé et Claude Sobry nous rappellent que ces deux termes « étaient jusqu’à une époque récente deux mots quasiment antinomiques », le sport ayant « ses lieux d’expression précis et bien localisés : les stades, les gymnases, les vélodromes et autres arènes où étaient organisés des rencontres sportives dans des cités structurées », à l’exception des courses cyclistes, précisent-­‐ils9. C’est ainsi à partir des années 1970 que le sport va progressivement sortir des lieux dans lesquels la performance physique était confinée. À partir de ce moment là, les pratiques et les objectifs changent, les pratiquants vont rechercher autant le plaisir que la performance et des sports de rue tels que le jogging, roller, skate, street-­‐ball, BMX, street-­‐hockey vont se développer. Le cadre d’action devient la ville : on passe « d’un espace clos hérité des fondements de l’urbanisme moderne (séparation des activités et des usagers) à un espace ouvert sur la ville (sports « de » la ville et plus seulement « dans » la ville) où les pratiquants entretiennent des rapports interactifs avec l’environnement urbain qui 7 MULLER (Florence), Baskets. Une histoire de chaussures de sport, de ville, Les éditions du regard, 1997 8 ERNER (Guillaume), Victimes de la mode ? Comment on la crée, pourquoi on la suit, La Découverte, 2006 9 DORVILLÉ (Christian) et SOBRY (Claude), La ville revisitée par les sportifs, Territoire en mouvement, 2006
  • 8. passent par une réappropriation originale et ludique de la cité » (Dorvillé et Sobry). Les activités sportives dans la ville deviennent des activités « spectacularisables » auxquelles les passants, les piétons participent comme témoins et spectateurs, parfois malgré eux. La recherche esthétique et de sensations menée pour soi est à même de basculer vers une pratique mise en scène pour des tiers extérieurs10. Cette irruption du sport dans les espaces publics à partir des années 1970, conjuguée à une augmentation régulière des pratiquants et une médiatisation accrue des sports dits de masse ont conduit à valoriser la culture sportive11. Dès lors, au-­‐delà de la pratique, les signes de la sportivité ont permis d’afficher une « identité positive dans les lieux publics », notamment pour les adolescents.12 Une des marques qui a sans doute le mieux compris l’importance esthétique des vêtements de sport comme outil de représentation et d’identité est Nike. Dès sa création, la marque américaine incarne, au-­‐delà de la pratique du sport, un état d’esprit qui lui permettra assez vite de vendre ses produits plus seulement à un public de sportifs mais à un large public. À tel point qu’aujourd’hui « 80% de (leurs) produits sont portés dans la 8 rue plutôt que sur un terrain », comme le rappelle le président de son entité française, J-­‐P Petit 13 . La rue est ainsi le lieu du triomphe économique de Nike. Ses résultats commerciaux font d’elle une des toutes premières marques de sportswear au monde, notamment dans le domaine des baskets : Nike détient ainsi 36,6% du marché de la chaussure de sport, le double de son rival Adidas14. Récemment, Nike est même devenu le premier sponsor de clubs européens, devant son concurrent historique Adidas et dont le football était le territoire de prédilection15. La marque a ainsi élargi au fil des années les sports sur lesquels elle misait : d’abord spécialisée dans l’athlétisme, elle a ensuite fait du basketball un de ses axes de développement principaux avant de multiplier les 10 ADAMKIEWICZ (Éric), Glisse urbaine et redéfinition de l’espace urbain, Glisse urbaine, revue Autrement, 2001, p.200-­‐212 11 DURET (Pascal), Sociologie du sport, Que sais-­‐je ?, 2008 12 OHL (Fabien), Les usages sociaux des objets : paraître « sportif en ville », Loisir et société, vol.24, n°1, 2001 13 Le Monde, 11 novembre 2000 14 http://www.capital.fr/a-­‐la-­‐une/actualites/nike-­‐adidas-­‐qui-­‐est-­‐le-­‐plus-­‐fort-­‐898575/(offset)/2 (consulté le 20 octobre 2014) 15 http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/football-­‐nike-­‐equipe-­‐davantage-­‐clubs-­‐qu-­‐adidas-­‐ 824901.html (consulté le 12 octobre 2014)
  • 9. sports puis de venir concurrencer et donc dépasser son principal concurrent Adidas dans le domaine du football. 9 Pourquoi parler de culture de marque ? Les résultats commerciaux de Nike font d’elle la première marque de vêtements sportifs mondiale. Les chiffres sont la preuve de la réussite commerciale de la marque mais ce qui fonde l’intérêt d’une marque comme Nike c’est sa réussite en tant qu’émetteur culturel. Daniel Bo explique ainsi que les marquent incarnent des points de vue sur le monde et ont vocation à promouvoir des modèles : mythes, symboles, codes idéologies16. Par culture, on entend l’ensemble des formes acquises de comportements, des aspects collectifs d’une société, des expériences de la vie quotidienne. L’Unesco définit la culture comme « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. »17 En s’adossant à la culture, les marques peuvent trouver le moyen de faire résonner leurs valeurs avec des références partagées par tous, elles ne sont plus seulement « des repères sur un marché de produits ou de services, mais bel et bien des univers complets chargés de sens, des pôles de densité symbolique, des systèmes culturels, où s’articulent des valeurs et des pratiques, des comportements, des contenus créatifs et même des règles de vie »18. Si chaussures, survêtements et autres accessoires font partie de la culture matérielle, la marque Nike fait, elle, partie de la culture immatérielle. Elle fonctionne comme une entité symbolique avec ses codes et valeurs idéologiques. Ainsi, un des traits reconnus de la culture de Nike est la mythologie sportive. Les égéries de Nike sont assimilées à des héros. L'inspiration de l’héroïsme grec est d’ailleurs visible avec le sens du mot Nike qui est une déesse grecque qui personnifie la victoire. Le logo Nike lui-­‐même est une stylisation de l’aile de la Victoire (la Victoire de Samothrace) ou des victoires en général, qui, dans leurs représentations traditionnelles, sont toujours ailées19. La dimension héroïque dans la culture de marque de Nike est largement 16 BO (Daniel), Brand culture, développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013, Paris 17 http://portal.unesco.org/culture/fr/files/12762/11295422481mexico_fr.pdf/mexico_fr.pdf (consulté le 20 octobre 2014) 18 Bo (Daniel), op. cit. 19 http://www.influencia.net/fr/actualites/rub,nike-­‐heroisme-­‐depassement,31,2525.html (consulté le 14 octobre 2014)
  • 10. reconnue, car mise en perspective par Georges Lewi dans son ouvrage « Mythologie des marques »20 et un mémoire au CELSA est même consacré au sujet21. Ce qui nous semble intéressant et qui fonde la légitimité de notre travail de recherche, c’est que la culture de marque de marque est envisagée comme une globalité, un agrégat de valeurs, de représentations, de symboliques. Pour Daniel Bô, « la sonorité du moteur d’une Harley, l’interface des écrans Apple ou Sony ou encore le papier de soie parfumé des emballages Bonpoint font intrinsèquement partie de la culture de ces marques. Cela signifie que la culture de marque n’est pas réductible à un simple discours : elle passe aussi par des images, des icônes, des objets, des façons de faire, etc. » Dans cette perspective, les manières avec lesquelles la ville est représentée dans la communication de Nike constituent un signifiant à part entière dans sa culture de marque et tendent nécessairement à véhiculer ses valeurs. L’intérêt d’étudier une culture de marque, ou en tout cas un des aspects d’une culture de marque, est d’analyser de quelles façons la marque se saisit d’une culture préexistante, la transforme (de manière consciente ou inconsciente) au filtre de ses valeurs et de ses stratégies pour la restituer d’une certaine manière. En effet, les marques « inscrivent leur vocation dans un environnement, une culture plus large qu’elles, dont elles dépendent et qui les dépasse »22 . Bruno Remaury ajoute qu’« il y’a sous certaines marques, de vraies richesses narratives en termes de récits mais surtout de vrais ancrages, qu’ils soient pressentis ou totalement involontaires, de ces récits de marque dans différents grands récits culturels collectifs »23. Toute culture de marque procède ainsi d’une culture commune qui la précède. Il est intéressant de dévoiler alors ces « ancrages » et leur restitution. C’est ce mouvement entre ce que l’on pourrait appeler « une culture commune » de la ville et du sport et la culture de marque de Nike qui sera au coeur de notre sujet. Dans quelle mesure la culture de marque de Nike s’inspire de ce que l’on pourrait qualifier de réalités sociales de la ville et des liens entre le sport et la ville ? Comment la 10 20 LEWI (Georges), Mythologie des marques, quand les marques font leur storytelling, Pearson Village mondial, Paris, 2009 21 DABURON (Myrtille).-­‐ Immatérialité symbolique et héroïsme de marque : le duel identitaire de Nike et Adidas. 2011 22 BO (Daniel), Brand culture, développer le potentiel culturel des marques, Dunod, 2013, Paris 23 REMAURY (Bruno), Marques et récit, la marque face à l’imaginaire culturel contemporain, Editions du regard, Paris, 2004
  • 11. marque utilise en transformant, ou non, ces réalités sociales, pour trouver un écho chez ses consommateurs et transmettre ainsi ses valeurs ? En quoi les valeurs de Nike sont-­‐ elles d’ailleurs liées à des valeurs que l’on pourrait prêter à la ville ? Pour résumer ces questions en une phrase qui figure notre problématique : nous nous demanderons comment et à quelles fins Nike s’approprie et restitue le territoire symbolique de la ville dans sa culture de marque. Deux hypothèses viennent soutenir cette réflexion : Nous supposons que la ville constitue un terreau de valeurs dans lequel l’identité de Nike trouve racine et que la marque va réinterpréter pour restituer sa vision de l’individu – sportif -­‐ dans la ville. Dans un deuxième temps nous faisons l’hypothèse que l’importance accordée à la ville dans la culture de marque de Nike lui a permis de décloisonner ses produits de la pratique sportive pour réussir à les imposer en tant qu’accessoires de mode. Pour mener à bien ces réflexions, il nous a semblé judicieux d’étudier principalement la partie la plus explicite de la culture d’une marque : la publicité, en nous concentrant sur les films publicitaires. La marque produisant un grand nombre de films publicitaires, dans de nombreux pays, nous avons décidé de nous concentrer sur les films publicitaires diffusés en télévision, au cinéma ou sur internet en France ces trois dernières années. Adscope24 qui est une bibliothèque de référencement de toutes les publicités sorties en France et utilisé notamment par les agences de publicités pour faire leur veille nous a servi d’outil de recueil de ces films. Nous avons utilisé les codes fournis par l’agence de publicité 11 la chose dans laquelle nous avons réalisé un stage de février à août. Certains films hors de cette période de trois ou non diffusés en France, mais qui nous ont semblé particulièrement emblématiques, ont également étoffé notre analyse. Il nous a également semblé intéressant d’analyser la production de discours et les interactions sur la page Facebook Nike Running France. Nous avons effectué des analyses de type sémiologique sur ce corpus. Nous nous sommes également appuyés sur de nombreux ouvrages de sciences humaines et sociales, traitant de sociologie générale, de sociologie 24 http://www.adscope.fr/
  • 12. du sport, de sociologie urbaine, d’ethnologie ou encore d’urbanisme. Nous avons également convoqués des productions affiliées aux sciences de l’information et de la communication ou inscrites plus directement dans le champ professionnel du marketing ou de la publicité. Nous avons décomposé notre analyse en trois temps. Dans une première partie nous avons tenté de comprendre et d’approfondir les liens originels qui liaient la marque à la culture urbaine. Dans un deuxième temps nous avons analysé les représentations de la culture urbaine et de la ville dans la culture de la marque afin d’y déceler des significations à même de nous renseigner sur les valeurs sous-­‐jacentes à la marque. Enfin nous avons tenté de mettre en évidence l’utilisation de ces représentations de la ville à des fins stratégiques et commerciales pour occuper le terrain de la mode. 12
  • 13. 1. NIKE : UNE CULTURE DE MARQUE BATIE SUR LA CULTURE DE LA RUE Avant d’étudier et comprendre les significations et les représentations de la ville et de l’urbanité dans la culture de marque de Nike, il est nécessaire de s’intéresser aux raisons pour lesquelles l’univers urbain est aussi prégnant dans la culture de la marque. Il faut ainsi revenir sur les fondements de la marque et ses liens originels avec la culture urbaine. 1.1 La construction d’une culture de marque subversive et revendiquant son 13 « authenticité » L’histoire des origines et des débuts de la marque nous apprend beaucoup sur le socle de ses valeurs. Daniel Bô note qu’ « à ses origines, toute entreprise a un fondateur-­‐ créateur qui insuffle à la marque, de manière intuitive et spontanée, sa culture propre, sa vision du monde »25 . À cet égard, les débuts de la marque sont particulièrement significatifs en ce qu’ils sont étroitement liés à l’histoire de son fondateur qui a construit son aventure entrepreneuriale en opposition à une marque préexistante : Adidas. En effet, Bill Bowerman, entraineur d’athlétisme à Stanford aux Etats-­‐Unis et Philippe Knight, étudiant en comptabilité et champion de course, trouvent, en 1950 que les chaussures fabriquées à l’époque -­‐ dont le marché est alors dominé par Adidas -­‐ sont trop chères et trop lourdes. Knight consacre même un mémoire de maitrise au groupe allemand dont il dénonce la domination. Face au géant Adidas, leader incontesté qui a la mainmise sur le marché des vêtements de sport, les prémices de l’histoire de Nike s’inscrivent dans une démarche de réaction spontanée et d’authenticité. Ainsi, Bill Bowerman aurait créé sa première semelle à l’aide d’un moule à gaufres, d’un peu de latex, de cuir et de colle dans sa cuisine26. Avec Philippe Knight, ils décident alors de produire à bas prix en Asie des chaussures haut de gamme et de les vendre moins chères 25 BÔ (Daniel), Brand culture, Développer le potentiel culturel des marques, 2013 26 WATIN-­‐AUGOUARD (Jean), Marques de toujours, Larousse, 2003
  • 14. qu’Adidas, 7 dollars contre 9 dollars27. Ils fondent alors Blue Ribbon Sports, une entreprise sans usine qui sous-­‐traite au Japon. Il faudra attendre les années 1970 et l’explosion de la pratique du jogging aux Etats-­‐ Unis pour que la société connaisse vraiment le succès. Blue Ribbon lance ainsi en 1972 une nouvelle marque : Nike, qui deviendra le nom de la société en 1978. En 1979, Nike lance la première semelle à coussin d’air et première prouesse technique pour la société. Le slogan choisi pour promouvoir la marque est alors « l’authenticité du sport ». Nike se revendique comme la marque au service de la pureté du sport, proche des athlètes et des sportifs, pour les aider à pratiquer au mieux, dans un souci permanent d’innovations techniques. Toute son évolution sera ainsi marquée par une opposition aux « traditions » du sport, dans la quête de la pureté sportive et de la performance. Dans les années 1980, le marketing est dominé par ce qu’on appelle le « lifestyle : les marques présentent un univers idéal, dans lequel le consommateur se projette bien volontiers »28. Le sport fait partie d’un mode de vie, mais n’est ni une philosophie de vie, ni une aspiration à davantage qu’un effort pour être bien, mincir (se préparer pour l’été, ce que ne cessent de véhiculer les magazines) ou pour les plus jeunes, reproduire le sport des vedettes de la télévision et du foot. Ce sport est organisé, normé et structuré. Il est dans la société comme il est au sein des écoles : une discipline avec ses règles, ses principes, ses cadres et ses organisations. L’épreuve sportive, le stade, l’organisation par les « fédérations », le chronomètre… Aux antipodes de ce qui se pratique pourtant de plus en plus aux Etats-­‐Unis et dont Nike est alors en train de devenir l’une des marques référentes. Nike évolue dans ce cadre pendant plusieurs années proposant des produits performants pour la course et le marathon, démontrant une très forte culture technique mais qui n’était pas alors le reflet d’une assez forte différence de marque. Au milieu des années 1980, le monde du sport explose avec le développement des clubs, de l’aérobic. La forme devient obsessionnelle et les marques investissent de plus en plus en communication, en évènements, en actions destinées à gagner des parts de linéaire dans une grande distribution qui se structure et se concentre. En comprenant que la différence de Nike devrait s’exprimer autour de valeurs très différentes de celles fixées par le leader, en particulier Adidas la marque fait un très 14 27 http://fr.wikipedia.org/wiki/Nike (consulté le 27 octobre 2014) 28 http://www.ionisbrandculture.com/nike-­‐just-­‐do-­‐it-­‐-­‐21 (consulté le 27 octobre 2014)
  • 15. grand saut en avant pour axer sa communication sur des valeurs fortes et différenciantes : liberté, spontanéité, dépassement, individualisme, lutte volonté d’aller plus loin, d’atteindre ses limites, de s’extraire des règles et du côté formel du sport qui bride les individus. Nike transforme le marché, ses ambitions et valeurs, sa communication, en « sortant du ghetto » du sport codifié, pour devenir le symbole d’une nouvelle philosophie, qui habitait déjà l’esprit de ses créateurs. C’est pourquoi Nike et son agence Wieden & Kennedy décident de s’orienter vers une nouvelle « religion du sport », de briser les barrières publicitaires avec le swoosh (la célèbre virgule) et lancent alors la signature « Just do it » qui permet à la marque Nike de dépasser la traditionnelle image du vainqueur. Cette signature qui perdure encore aujourd’hui incarne le storytelling puissant de la marque : Nike s’adresse à tous, aux meilleurs d’aujourd’hui et de demain, à ceux qui décident de se fixer de nouveaux challenges. La marque transforme toute la culture sportive en vision du sport, en culte de la performance individuelle, indépendante des stades, des normes et des règles. L’important est de participer pour gagner sur soi-­‐même. Alors qu’Adidas s’inscrit plus dans la norme, le passé, la tradition, Nike prône davantage la liberté, la modernité, les nouvelles frontières. Cet ADN qui l’inscrit en opposition à Adidas, en subversion par rapport aux modèles traditionnels du sport l’amène à prendre pour porte-­‐paroles des sportifs et des personnalités parmi les moins disciplinées. Les choix de ces égéries n’est souvent pas anodin, elles « ont un rôle particulièrement important à jouer, en ce qu’elles incarnent la culture de marque de la façon qui prête le plus à l’identification »29 On constate d’ailleurs qu’elles ont un rôle de plus en plus actif : elles sont choisies avec soin pour que leur univers propre entre en résonance avec celui de la marque. Bô note même que « chez Nike, les sportifs ne sont pas représentés pris sur le vif, mais entrent en interaction avec le public en leur adressant un regard direct, en les invitant à entrer dans leur monde. » Les égéries, plus que des représentants sont de réels dépositaires de la philosophie Nike et sont mis en scène de manière à interpeller directement le public. Ils sont la voix de Nike et correspondent à sa vision relativement « subversive » du sport. La campagne avec Kevin Durant en 201330 illustre réellement bien ce rôle attribué à ses 15 29 BÔ (Daniel), Brand culture, Développer le potentiel culturel des marques, 2013 30 « Kevin Durant Investigates », annexe 1, vidéo 1, https://www.youtube.com/watch?v=QtkfOE1ObEA
  • 16. égéries : il est utilisé pour sélectionner les joueurs amateurs qui méritent ou non de recevoir les nouvelles chaussures Nike. À travers l’écran, il les interpelle : plus qu’on rôle de représentant, il a une mission de consultant et de coach : il incarne réellement les valeurs de Nike en ce que c’est lui qui décide si le joueur mérite de porter ou non la marque et émerge de la publicité de manière allocutive. Pour incarner ce rôle et ce positionnement, Nike a ainsi choisi, tout au long de son histoire, des personnalités telles que John Mc Enroe (teenisman), Michael Jordan (basketteur), Eric Cantona (footballeur) ou André Agassi (tennisman), tous reconnus pour leur comportement assez atypique. Et preuve de la pertinence du choix de la marque en terme d’adéquation entre ses égéries et sa culture de marque, ces personnalités ont toutes constituées de réelles réussites commerciales et communicationnelles. Avec John Mc Enroe, le chiffre des ventes de chaussure de tennis passe d’une année sur l’autre de 10 000 à 1,5 millions de dollar.31 La collaboration avec le basketteur Michael Jordan s’étend, elle, de 1984 à 1999 et débouche même sur une marque à son nom, qui connaît jusqu’à aujourd’hui un succès populaire assez incroyable – comme le montrent les émeutes dans les magasins à l’occasion de la sortie de la Air Jordan en 201332. En France, Éric Cantona apparaît en 1996 dans le spot 16 Evil, puis en 1997 sous les traits d’un légionnaire au crâne rasé, et un an plus tard sur des affiches à la gloire de la « république populaire du football. Lorsque la marque deviendra l’équipementier de l’équipe de France en 2011, Eric Cantona sera également réutilisé pour la campagne d’affichage. De tels choix ancrent la marque dans une autre figure, celle qui gagne toujours la bataille médiatique et les coeurs face aux « bons éléments », celle du rebelle qui assume à sa manière la notion de dépassement et de performance. Ce positionnement incarne aussi la vision américaine moderne du sport, sacralisant le primat de l’individu, qui a su dépasser les frontières nationales et prouver son universalité en séduisant les consommateurs du monde entier. 31 WATIN-­‐AUGOUARD (Jean), Marques de toujours, Larousse, 2003 32 http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/12/25/une-­‐nouvelle-­‐paire-­‐de-­‐baskets-­‐provoque-­‐ des-­‐scenes-­‐d-­‐emeutes-­‐aux-­‐etats-­‐unis_1622690_3222.html (consulté le 29 octobre 2014)
  • 17. 1.2 Nike et la glorification de la pratique sportive informelle dans la rue (en 17 opposition à Adidas et le sport légitime des stades) Les valeurs de liberté prônées par Nike tendent à proposer et à valoriser l’image d’une pratique sportive qui sort des sentiers battus. Alors qu’Adidas est plus certainement caractérisée par le sport d’équipe, la compétition, le sport légitime, la culture de marque de Nike va faire son nid à partir des années 1980 sur le développement de pratiques sportives qui sortent des circuits traditionnellement dédiés au sport. Ici, la pratique sportive est fortement liée au contexte et au cadre urbain qui conditionnent voire déterminent le sport pratiqué. Ces sports informels apparaissent aux Etats-­‐Unis puis en France dans les années 1980 et présentent une dimension auto-­‐organisée. Ils peuvent prendre deux formes différentes : soit ils vont procéder à une « requalification d’espaces urbains (les rues, les places, les squares, les parkings…) soit il s’agit « d’usages sportifs d’espaces spécialisés (équipements sportifs) dans la ville »33. Ces pratiques qui utilisent la ville comme cadre déterminant appellent à une réappropriation de l’environnement urbain. Ce caractère de réappropriation urbaine semble être une des premières dimensions qui transparait dans la culture de marque de Nike. Ainsi, une grande partie des publicités Nike mettent en scène des « joueurs de rue », des parties qui se déroulent sur des terrains de rue. Que ce soit pour le basketball ou pour le football, les deux sports d’équipe qui donnent lieu au plus grand nombre de spots publicitaires de la marque, les terrains de jeux sont souvent dans la ville et la pratique auto-­‐organisée. Cette omniprésence de la mise en valeur de la pratique sportive informelle est due pour nous à trois raisons symboliques. La première raison, comme nous l’avons vu dans la sous-­‐partie précédente est liée à une rhétorique de la subversion face à la pratique organisée et à la dimension « rigide » du sport. La rue offre un espace de liberté, émancipée des contraintes d’une fédération, d’un club ou d’un entraineur, comme l’a remarqué Travert dans son étude ethnographique sur le football « pied d’immeuble » à travers les représentations que les jeunes se font de la pratique en club : « on ne joue jamais », « si tu manques les 33 CHANTELAT (Pascal), FODIMBI (Michel), CAMY (Jean), Lieux et déplacements sportifs auto-­‐organisés dans la ville, Agora Débats Jeunesses n°13, 1998
  • 18. entrainements tu es viré ». La rue est ainsi le lieu où le sportif est directement confronté à son sport et aux autres pratiquants, sans intermédiaire. Il n’y a pas d’autres formes de réglementation et d’interventions que celles instaurées par les seuls pratiquants, créant ainsi un lieu où seul le sport et le plaisir de jouer comptent. Chantelat, Fodimbi et Camy, dans leur étude des pratiques auto-­‐organisées, rappellent ainsi que « la motivation essentielle dans celles-­‐ci est le jeu, non pas la compétition et l’affrontement, mais le jeu, le plaisir de jouer ; plaisir de jouer ensemble ou plaisir de jouer contre des inconnus. Le jeu est entièrement organisé et conçu de manière à permettre le déroulement de l’activité sans discontinuité, condition indispensable au plaisir de jouer »34. Dans cette optique, la rue semble être le lieu du jeu pur, une sorte d’ « Eden » de la pratique sportive, sans souci de résultat à proprement parler, hormis celui de se mesurer à d’autres et où tout le monde peut jouer et tenter sa chance, contrairement au club. Tout doit être fait pour favoriser la beauté du jeu, le plaisir du sport : « l’excitation et la tension du jeu sont recherchées en permanence. Les règles utilisées, la gestion des conflits, les compositions d’équipes sont également au service de cette continuité du jeu. ». Ici, l’idée de compétition stricte est reléguée au second plan, derrière la dimension hédoniste, l’idée du plaisir et la beauté du jeu. D’ailleurs, les joueurs sont amenés à rechercher un certain équilibre dans les équipes, fondamental pour le plaisir du jeu et « lorsqu’une équipe écrase l’autre, la rencontre sportive perd sa signification. » La deuxième raison est liée à la symbolique de l’effort et du travail nécessaire pour arriver à être bon, à être le meilleur : la rue représente la dureté de l’effort au quotidien pour progresser dans son sport. La pratique informelle dans la rue est envisagée ici comme un préalable à la réussite dans les stades, une étape obligatoire et nécessaire pour devenir le meilleur : avant d’affronter les meilleurs en compétition officielle, il faut avant tout pouvoir battre le meilleur de la rue. Pour Pascal Duret, la différence entre la compétition officielle et la compétition dans la rue est une différence temporelle. Alors que la compétition institutionnalisée, avec le temps de plusieurs saisons, va permettre une mise en présence de forces quasi égales, de rivaux assez équivalents, les confrontations dans la rue se négocient en l’espace d’un après-­‐midi (ce qui va justifier parfois des adaptations en cours de partie pour rééquilibrer les forces en présence). La logique d’affrontement sur un temps long avec un championnat et une prévision des 18 34 Op. cit. p.16
  • 19. matchs dans les compétitions institutionnalisées, s’oppose ainsi à la « logique de la surprise renouvelée dans la rue »35. Pour autant, la concentration temporelle de la compétition exalte la nécessité d’être le meilleur car il n’y aura pas de deuxième chance. Duret note ainsi que dans ces « haut-­‐lieux »36, les matchs reposent sur « une fiction démocratique car si tout le monde accède à l’aire de jeu en prenant son tour pour affronter les gagnants du match précédent, seuls les plus forts occupent le terrain toute la journée alors que les plus faibles ne le foulent, parfois après plusieurs heures d’attente, que le temps de se faire battre à plate couture. » Ainsi, si tout le monde peut se mesurer à tout le monde sur les terrains de rue, si tout le monde peut tenter sa chance, tout le monde ne se vaut évidemment pas et seuls les meilleurs restent, peuvent jouer plus longtemps et donc prolonger le plaisir. La notion de compétition a donc entièrement sa place et cette dernière est même cristallisée puisque le temps des sessions est limité à un après-­‐midi contrairement à un championnat. La mesure des talents se fait instantanément, sur le moment, le gagnant est celui d’un jour seulement ce qui oblige les joueurs à toujours être les meilleurs puisque la mémoire collective est de courte durée. Ici, pas de trophée pour graver son nom dans l’histoire de son sport, la compétition de tous contre tous est permanente et sans cesse renouvelée. La campagne « Possibilities »37 illustre bien cet aspect de la compétition permanente en proposant une gradation dans les défis d’un joueur (tour à tour coureur, pongiste, basketballeur…) en mélangeant la pratique sportive institutionnalisée et la pratique informelle, sans mettre l’un au dessus l’autre. On y voit par exemple une joueuse de ping-­‐pong qui est la meilleure en club, devoir affronter ensuite un maitre en ping-­‐pong dans une arrière-­‐salle de bar, avant de se retrouver sur un court de tennis face à Serena Williams, tennis woman reconnue. Ici, la pratique du sport est même reléguée au second plan (une pongiste n’est pas une 19 tennis woman donc cet confrontation n’aurait pas lieu d’être), ce qui importe c’est la remise en cause permanente du talent et la relativité des victoires. La voix-­‐off le souligne d’ailleurs : « tu es assez fort pour battre ton adversaire en club, trouve son maître, bats le, tu peux faire ça ? Bats Serena ! ». La rhétorique tend à montrer que rien n’est figé dans le sport et qu’il faut en permanence se dépasser car on 35 DURET (Pascal) , Sociologie du sport, Armand Colin, 2001 36 Chantelat, Fodimbi et Camy les appellent ainsi pour rendre compte des espaces sportifs à forte charge symbolique 37 « Possibilites » ; Annexe 1, vidéo 2, https://www.youtube.com/watch?v=RboTJOfRCwI
  • 20. trouvera toujours quelqu’un de meilleur que soi. Cela nous amène à la troisième raison pour laquelle il nous semble que la pratique informelle du sport est autant mise en avant dans la culture de marque de Nike et sûrement la raison la plus prégnante, si ce n’est la plus importante : c’est l’idée que la performance ne se cantonne pas à un stade ou un gymnase mais se doit d’être omniprésente. Même en dehors du sport. La quête de la performance, selon la philosophie de Nike doit être constante et confine à une philosophie de vie. La rue est « le sine qua non de l’urbain, elle compose l’arrière-­‐fond du théâtre urbain » 38 et en cela est la toile de fond de toutes les activités de l’homme urbain (donc de la majorité des occidentaux). La performance devient une quête pour chacun, pour n’importe quelle activité, en faisant ses courses, en allant au travail, en sortant avec ses amis. Au-­‐delà de la campagne « Possibilities » que nous venons d’évoquer, Nike a résumé cette philosophie avec deux campagnes pour le moins éloquentes : la première sous la forme d’un dispositif avec une application et un bracelet est intitulée « Everything counts ». La marque a mis en place un système de monnaie, le FUEL, et chaque effort permet de récolter un certain nombre de Fuel, suivant que l’on court, que l’on marche, que l’on saute etc… le barême sera différent, mais comme le suggère la signature de la campagne : « tout compte ». Tout est performance, tout est sport. La deuxième, intitulée « Find your greatness » était une campagne pour les jeux olympiques de Londres en 2012 et mettait en scène autant des sportifs de haut niveau que des handicapés, ou des gens confrontés à des défis personnels d’apparence moindre (un jeune garçon obèse qui court sur la route, un petit garçon en haut d’un plongeoir) mais présenté comme équivalent par le montage qui alterne ces efforts d’anonymes avec les records des champions des jeux olympiques. La rhétorique de la campagne vise ainsi à montrer qu’il n’y a pas de petits ou de grands efforts, d’insignifiantes ou de réelles victoires et que c’est à chacun de trouver sa forme de « grandeur » : chacun avec ses propres défis, ses propres objectifs, mais toujours dans l’idée et l’idéal de la performance. 20 38 BRODY (Jeanne), La rue, Broché, 2005
  • 21. 21 1.3 La jeunesse (de la rue) au coeur de la communication de la marque L’une des réussites stratégiques de la marque est d’avoir mis la jeunesse au coeur de sa communication. Alors qu’Adidas, historiquement, mettait en valeur des sportifs professionnels donc déjà considérés comme des adultes accomplis (malgré un âge encore jeune), Nike a basé sa communication sur la cible jeune, mettant en scène principalement des jeunes sportifs amateurs (ce ne sont évidemment pas les seuls représentés dans la communication de la marque mais ce fut un élément différenciant qui a permis à la marque de se démarquer de son concurrent Adidas). La campagne que nous avons déjà évoquée, au moment où Nike devint l’équipementier officiel de l’équipe de France est symbolique de ce parti-­‐pris historique de la marque39. Alors que ce coup marketing fort, celui de déposséder Adidas d’une sélection championne du monde dont la marque allemande était l’équipementière historique, aurait traditionnellement donné lieu à une campagne publicitaire mettant en scène les joueurs de l’équipe de France, pour la plupart des stars internationalement reconnues. Nike a fait un autre choix. En effet, même si quelques – jeunes – joueurs de l’équipe de France sont présents dans ce spot publicitaire, Nike a préféré mettre en scène des anonymes, des jeunes joueurs amateurs. Du fait du caractère « institutionnel » de l’objet de la campagne (l’équipe de France), la marque ne pouvait se permettre d’avoir exclusivement pour sujets des jeunes jouant de manière informelle, auto-­‐organisée, ce qui est le cas une grande partie du temps comme nous l’avons vu précédemment. Malgré cela, le spot publicitaire met en scène des jeunes relevant d’une pratique amateur et non en match, pas avec des maillots, mais avec des dossards d’entrainement ou même en survêtement. La dimension amateur est voulue comme le gage d’une certaine authenticité, face au football professionnel, parfois décrié pour son manque de passion et pour son obnubilation pour l’argent en dépit de la beauté du sport. Pour exploiter au maximum ce parti-­‐pris, Nike a même lancé un concours vidéo à destination de footballeurs anonymes passionnés, avec à la clef des places de figurants dans la publicité. Le parti-­‐pris de la jeunesse est aussi un choix marketing. Effectivement comme l’a mis en évidence Fabien Ohl, « la présence des objets sportifs est particulièrement marquée dans la composition du paraître des adolescents, les tenues sportives constituent pour eux l’un des éléments 39 « Vive le football libre », Annexe 1, vidéo 3, https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
  • 22. importants de l’expression corporelle ». Il s’agit pour eux de participer, « par le biais des usages des objets sportifs à une culture valorisée et valorisante (…) car les signes de la culture sportive médiatisée permettent d’afficher une identité positive dans des lieux publics ». 40 À cet égard les adolescents représentent une cible de choix pour les marques de sport, en ce qu’ils sont particulièrement réceptifs et sensibles aux articles de sport notamment. Mais le concept de jeune dérange moins le marketing que les sciences sociales, et il convient de ne pas tomber dans l’impasse d’une généralisation hérétique pour les chercheurs et même les publicitaires les plus avertis. Il est vrai que la facilité d’agréger les différentes catégories de la jeunesse, en une nouvelle classe sociale, comme en parlait Fize41, a quelque chose de simplificateur. Surtout lorsque l’on évoque des sujets qui ont trait au sport, duquel l’idéal égalitaire, voire égalitariste colle fortement à la peau depuis des années. Cette vision n’est pas nouvelle, et comme le souligne Duret, « la volonté de penser le sport comme « apolitique » et comme une passion partagée par l’ensemble de la jeunesse ne date pas d’aujourd’hui. »42. Cette posture vise ainsi à instaurer et démontrer l’universalisme du sport et à projeter une fiction d’égalité face à ses valeurs et à la performance alors que, comme l’affirmait Bourdieu, la « jeunesse n’est qu’un mot » qui réifie des représentations regroupant des populations aux caractéristiques fort différentes.43 Il s’agit ainsi d’affiner notre propos : Nike a pris la jeunesse pour objet principal dans ses campagnes de publicités et dans sa culture de marque, mais pas n’importe quelle jeunesse. La campagne Nike que nous venons d’évoquer nous renseigne à ce titre sur les caractéristiques de la jeunesse qui est mise à l’honneur. Si les terrains sur lesquels se déroulent le spot ne sont pas des 22 street terrains, au coeur de la ville relevant d’une pratique informelle, pour la raison que nous avons énoncée plus tôt, le caractère urbain et l’esprit de la rue sont quand même très explicités et occupent une part prépondérante dans l’esthétique et la symbolique du film. Les barres d’immeuble sont visibles à l’horizon, il y’a des tags sur les murs au deuxième plan, les survêtements sont relevés à la moitié de la jambe, comme le veut l’usage en banlieue. Il s’agit ici, et comme souvent 40 OHL (Fabien), Les usages sociaux des objets, paraître sportif en ville, Loisir et société, vol.24, n°1, 2001 41 FIZE (Michel), TOUCHÉ (Marc), Pratique ludique d’adolescents et réactions sociales à ces pratiques : le skateboard, Vaucresson, Centre régional interdisciplinaire de Vaucresson, 1991 42 DURET (Pascal), Sociologie du sport, Armand Colin, 2001 43 BOURDIEU (Pierre), La distinction, critique sociale du jugement, Le sens commun, 1979
  • 23. dans les publicités Nike, de la jeunesse des quartiers populaire, de banlieue notamment (en France, car les classes populaires aux Etats-­‐Unis ne sont pas circonscrites en banlieue mais le schéma spatial des villes est inversé : les banlieues sont aisées, les centre villes populaires). Nous pouvons reprendre la définition de Gasparini et Vieille-­‐ Marchiset qui désignent par le terme classe populaire, « des groupes sociaux divers, caractérisés par leur position dominée (sur les plans économique, culturel, politique et symbolique), leurs faibles chances d’améliorer leur destin social et par des traits communs en terme de styles de vie (pratiques sportives et culturelles notamment) »44. Ces classes dites populaires sont depuis les années 1970 régulièrement assignées aux banlieues., que les discours médiatiques et politiques résument aussi à la notion de « quartier ». Gasparin et Vieille-­‐Marchiset relèvent qu’il « suffit aujourd’hui de dire « les quartiers » pour que chacun comprenne : à savoir, ces quartiers d’habitat social construits dans les années 1950 et 1960, situés dans la périphérie des grandes agglomérations, quartiers populaires où vivent une partie importante des étrangers ou, plus largement, des populations issues de l’immigration postcoloniale ». Nos analyses des publicités Nike en France nous ont fait constater, une récurrence du cadre de la banlieue dans la mise en scène des pratiques de rue organisées (avec des attributs caractéristiques comme les hautes tours HLM par exemple) avec également une présence marquée des populations « issues de l’immigration postcoloniale ». Cette caractéristique spatiale – et nécessairement, sociale – est loin d’être anodine. Elle permet d’abord de renforcer le mythe de la progression sociale par la progression sportive comme nous le verrons dans une deuxième partie, mais également de favoriser le processus d’identification avec une population (la jeunesse des quartiers populaires), particulièrement friande des articles de sport. Ohl a ainsi remarqué que « la consommation de biens sportifs prend une importance remarquable, particulièrement pour les jeunes des milieux défavorisés qui ne perçoivent pas la culture sportive comme une culture au rabais »45. 23 44 GASPARINI (William) et VIEILLE-­‐MARCHISET (Gilles), Le sport dans les quartiers, Pratiques sociales et politiques publiques, PUF, 2008 45 OHL (Fabien), Les usages sociaux des objets, paraître sportif en ville, Loisir et société, vol.24, n°1, 2001
  • 24. 24 Conclusion intermédiaire D’emblée, l’histoire de Nike semble donc intrinsèquement liée à l’univers urbain. La marque est née puis s’est construite autour de valeurs de subversion de la norme et alternative à l’ordre établi qui prenait alors la forme de l’éternel concurrent allemand Adidas. Cette philosophie de la subversion qui semble habiter toute la culture de Nike peut paraître artificielle aujourd’hui, en ce que la marque est devenue leader dans de nombreux domaines et ne fait plus du tout office d’ « outsider » sur le marché des marques de sport -­‐ bien au contraire. Cependant, le fait d’être né et d’avoir évolué « en réaction à », a forgé tout le storytelling Nike. Face au leader allemand, leader des sports collectifs, positionné sur l’excellence, et alors sponsor de nombreuses équipes sportives, Nike a su trouver un positionnement différenciant en misant sur la valorisation de la pratique amateur, notamment en milieu urbain. Ce choix lui a permis de défendre, tout au long de son histoire, les valeurs centrales de sa culture de marque qui sont celles du dépassement de soi, de la performance et d’une certaine forme de plaisir dans la pureté du jeu, dans la pratique de son sport. Là où Adidas basait sa communication sur la volonté d’être le premier, le numéro un, Nike incitait à essayer d’être toujours meilleur que soi-­‐même, de progresser en permanence en ne cessant de s’entrainer, pour atteindre ses objectifs, en passant forcément aussi par la confrontation aux autres. La pratique des sports auto-­‐organisés en milieu urbain figurait alors l’écho parfait aux valeurs de la marque : plaisir du jeu, de la recherche d’une certaine pureté du geste pour la beauté du spectacle ; confrontation éphémère où la vérité du terrain n’est qu’une vérité du moment ; effort et entraînement pour progresser sans cesse. Nike n’eut ainsi de cesse de reprendre dans sa communication les codes et l’esthétique de ces joueurs de rue, jusqu’à épouser de manière globale les cultures urbaines et notamment le rap, considéré comme l’expression première des cultures de la rue (première, car la plus médiatisée). Il n’était ainsi pas étonnant d’entendre la voix d’Oxmo Puccino, l’un des rappeurs français les plus reconnus, scander les vers de Cyrano de Bergerac dans le film publicitaire « Vive le football libre »46. Pas étonnant non plus de découvrir deux jeunes rappeurs du groupe à succès 1995, lors de la vidéo de présentation du maillot blanc de 46 « Vive le football libre », Annexe 1, vidéo 3, https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
  • 25. l’équipe de France47. Les tags, autre pratique majeure dans les cultures urbaines tapissent fréquemment les murs visibles dans un grand nombre de publicités Nike. Ainsi, la population souvent mise en scène dans la communication de Nike, qui représente aussi une des catégories d’acheteurs réguliers de la marque, est la jeunesse urbaine ou péri-­‐urbaine, qui pratique les sports de manière informelle et trouve dans les valeurs de Nike – subversion de la rigidité des institutions sportives, plaisir du jeu et dépassement de soi – des résonnances qui lui parle directement. 25 47 http://www.rapghetto.com/video/1995-­‐nekfeu-­‐sneazzy-­‐font-­‐la-­‐promo-­‐du-­‐nouveau-­‐maillot-­‐de-­‐l-­‐ equipe-­‐en-­‐france-­‐aux-­‐cotes-­‐de-­‐carl-­‐lewis-­‐steve-­‐nash (consulté le 20 octobre 2014)
  • 26. 2. ESTHÉTIQUES URBAINES ET MÉTAPHORES SPORTIVES : LES REPRÉSENTATIONS DE LA VILLE MODERNE À TRAVERS LES VALEURS DE NIKE Après nous être penché sur les liens profonds entre la culture urbaine et la culture de marque de Nike, il convient de se demander plus précisément comment la ville est représentée dans les publicités de la marque, quelles sont les valeurs qui lui sont associées et dans quelle mesure cette vision est liée à une certaine « réalité» ou du moins à des pratiques ou représentations préexistantes. 2.1 La ville, lieu de confrontation entre soi et les autres : entre inégalité urbaine et mise à égalité par le sport 26 2.1.1 L’individualisme urbain exacerbé par le sport et les valeurs de Nike La ville est envisagée par de nombreux chercheurs comme le lieu de l’individualisme moderne par excellence, individualisme qui entre parfaitement en résonnance avec les valeurs sportives affichées par Nike, et mis à l’honneur dans sa publicité. Le cadre urbain se présente donc comme un décor tout à fait propice à la mise en scène d’un individualisme qui passe par le travail (sportif) sur soi, par soi et pour soi. Durkheim à la fin du 19ème siècle considère la ville comme le symbole du passage à la modernité avec l’individu qui deviendrait la principale figure de sens, en opposition à la logique de village.48 Le passage à la ville serait caractérisé par la fin de la solidarité « mécanique » de la campagne où tout le monde agit avec une conscience collective intériorisée. Marchal et Stébé rappellent que c’est le moment où « l’identité socialement déterminée s’efface devant l’identité individuellement construite », ils ajoutent que « les individus se montrent alors plus que jamais enclins à faire valoir leurs préférences individuelles, et plus encore leur égoïsme et leur utilitarisme »49. Cette approche considère donc la ville comme un terreau de l’individualisme. Si cette notion peut être et a été largement discutée, les villes connaissant de nombreux cercles de solidarités, de communautés qui 48 DURKHEIM (Émile), De la division du travail social (1895), PUF, « Quadrige », 1996 49 MARCHAL (Hervé) et STÉBÉ (Jean-­‐Marc), Les grandes questions sur la ville et l’urbain, PUF, 2011
  • 27. se recréent, la plupart des chercheurs s’accordent à dire que la vie urbaine accentue le sens de soi, la conscience de soi50. En effet, la ville, avec ses possibilités infinies, ses multiples mondes sociaux, ses nombreuses références culturelles, offre une multitude de choix et va conduire à accentuer la singularisation : la conscience de soi va s’aiguiser, « la condition urbaine fait du Moi un « foyer de conscience » (Marchal et Stébé)51. La ville apparaît alors comme le décor de l’individualisme moderne dans lequel Nike va pouvoir déployer sa rhétorique du culte de l’individu. Effectivement, dans le corpus de publicités que nous avons étudié, il nous est apparu que le discours et le curseur principal en terme de message étaient focalisés strictement sur l’individu. Si cela peut se comprendre et fait sens lorsque l’on évoque des sports individuels, même dans les publicités Nike où le sport à l’honneur est un sport collectif (basket ou football), le niveau de discours se situe à l’échelle individuelle. Paul Yonnet distingue deux systèmes de compétitions, un système de compétition avec les autres, et un système de compétition avec soi-­‐même. Son analyse souligne que le système de compétition avec soi-­‐même a pour objet principalement les sports d’endurance 52 . Chez Nike, le système de discours de compétition avec soi-­‐même est nécessairement renforcé dans les sports d’endurance (running principalement), mais il est omniprésent pour n’importe quel autre sport. Nos analyses des publicités des sports collectifs nous montrent ainsi que le procédé « filmique », le mécanisme des films de publicité procédait généralement de la même manière : le match, l’affrontement entre deux équipes n’est pas envisagé comme l’opposition entre deux groupes mais comme une succession de saynètes à l’échelle individuelle, donc focalisées sur des joueurs. La performance n’est jamais envisagée comme collective mais comme multi-­‐individuelle quand elle n’est pas strictement individuelle comme l’illustre parfaitement le spot « Take it to the next level »53 où l’on suit l’évolution d’un même joueur à travers une caméra subjective. L’échelle individuelle est ici poussée à son paroxysme puisque le spectateur est invité à se mettre à la place du joueur. La logique est la même dans le spot multi-­‐primé « Write the future »54 où le film met en scène la succession des destins personnels – possibles – en fonction de la 27 50 HANNERZ (Ulf), Explorer la ville (1980), « Le sens commun », Éditions de Minuit, 1983 51 MARCHAL (Hervé) et STÉBÉ (Jean-­‐Marc), Les grandes questions sur la ville et l’urbain, PUF, 2011 52 YONNET (Paul), Huit leçons sur le sport, Éditions Gallimard, 2004 53 « Take it to the next level », annexe 1, vidéo 4, https://www.youtube.com/watch?v=lZA-­‐57h64kE 54 « Write the future », annexe 1, vidéo 5, https://www.youtube.com/watch?v=cl0IlD4qLUM
  • 28. réussite ou non d’une action individuelle. Lorsque l’action réussit, le joueur en question est adulé par tout un pays, reçu comme une star dans les émissions de télévision et l’on érige une statue en son honneur ; lorsqu’il échoue il en est réduit à tondre le gazon des terrains de foot et à vivre dans une caravane. La réussite ou l’échec sportifs ne sont pas envisagés comme ceux d’une équipe mais comme le fait de joueurs. La mise en scène de la réussite, de la médiatisation et de la glorification est pensée uniquement à un niveau individuel, dans l’un des sports où le collectif est le plus important, davantage par exemple que dans le basketball où les individualités vont beaucoup plus souvent faire la différence. Le spot qui met à l’honneur l’équipe de football du Brésil à l’occasion de la coupe du monde 201455 n’échappe à cette logique, alors que la coupe du monde est censée être le moment où les individualités des joueurs s’effacent derrière le symbole de l’équipe et de la nation, plus que dans les clubs où les trajectoires et stratégies individuelles peuvent primer sur l’intérêt collectif, avec comme finalité une augmentation de la valeur marchande et la vente à un meilleur club. Dans ce spot, le système est toujours centré sur les joueurs, individuellement, avec une succession de scènes et d’univers différents, qui les ramènent soit dans la rue, sur la plage ou en enfance. L’individualisation est ainsi accentuée par ces différents univers, chaque joueur étant transporté dans un environnement qui lui est propre, ou alors vit le match d’une manière qui lui est propre (un des joueurs est confronté à des adversaires qui se transforment en géants). Ce ne sont donc jamais des actions collectives qui sont mises en scène, ou très rarement, mais des actions individuelles où la beauté, la réussite sportive est résumée à un geste technique personnel. Le joueur semble n’avoir pas de coéquipiers. Dans le spot « Vive le football libre »56, on voit ainsi un joueur faire une passe puis un autre recevoir le ballon mais à des matchs différents, à des moments différents, sans continuité, sans relation de cause à effet entre les deux, hormis le ballon qui joue le rôle de lien visuel. Dans la narration de ce geste simple et essentiel du football, ce qui est important n’est pas la passe, donc la relation entre deux joueurs d’une même équipe. Ce qui compte dans la rhétorique Nike est la manière d’émettre le ballon pour l’un des joueurs, et la manière pour l’autre de le recevoir, de le contrôler. La passe est ainsi niée en tant que ce qu’elle est fondamentalement, un acte de communication 28 55 « Last game », annexe 1, vidéo 6, https://www.youtube.com/watch?v=iXsDMF2RpTQ 56 « Vive le football libre », Annexe 1, vidéo 3, https://www.youtube.com/watch?v=JoFnlnDVCig
  • 29. entre deux joueurs, pour être présentée comme deux actions indépendantes : celle de l’émission, et celle de la réception. Ces choix nous montrent bien comment la dimension collective des sports d’équipe est niée au profit d’un cadrage purement individuel. Cette focalisation au niveau individuel dans les sports collectifs est encore plus mise à l’honneur dans les publicités où c’est le travail quotidien, le labeur, qui est montré. Sans considération d’adversité, l’entraînement est le moyen de devenir meilleur, de progresser d’abord pour soi. Toute l’activité est alors réduite à une dimension personnelle, il n’y a plus d’adversaires, pas de coéquipier, le joueur est montré dans l’anonymat de la rue, seul, et la voix-­‐off redouble souvent cette dimension individuelle en usant de la première personne : « C’est là où je suis né, c’est là où je transpire » /« Je joue pour… » (film « Goutte d’or »57) ; « Je ne veux pas être une superstar, je veux être meilleur que cela, je veux juste être moi »(film « Ordinary people »58) ; « Je crois que peux aller encore plus loin » (film « Believe in the run »59). L’individualisme semble alors lié ici à une forme de solitude, les joueurs étant montrés seuls ou presque, dans un environnement urbain, sur un terrain de basket ou dans la rue en train de courir. Le décor vide de la ville, à laquelle on associe généralement la foule, contribue à renforcer la dimension de solitude et la focalisation sur l’individu. La voix-­‐off qui nous fait entrer dans la tête des joueurs et nous enferme dans son cadre mental accentue le centrage sur le joueur, ce qui importe finalement n’est même pas qu’il y ait d’autres joueurs, des passants ou non : l’important est de ne considérer que soi en faisant abstraction de l’environnement et des autres pour se concentrer sur son effort et sa performance. Le paysage urbain vide n’est qu’une métaphore de l’état d’esprit du joueur. Le spot publicitaire mettant à l’honneur Ellie Goulding 60 illustre parfaitement cette orchestration de la solitude en alternant dans un montage très rapide les plans où la chanteuse court seule dans les rues désertes de Londres, New-­‐York ou Los Angeles et les séquences où elle baigne dans la foule, dans une salle de concert, face à des fans dans la rue ou encerclée par les flashs des paparazzis. Pour Nike, le moment sportif est le moment où l’individu peut se recentrer sur lui-­‐même sans envisager rien d’autre que sa 29 57 « Goutte d’or », annexe 1, vidéo 7, https://www.youtube.com/watch?v=Y6unfQWT3Zo 58 « Ordinary people », annexe 1, vidéo 8, https://www.youtube.com/watch?v=rtWcE3wguKY 59 « Believe in the run », annexe 1, vidéo 9, https://www.youtube.com/watch?v=6DUnOup4tVY 60 « Music runs Ellie », annexe 1, vidéo 10, https://www.youtube.com/watch?v=kAGuF57hYbM
  • 30. performance ; le moment sportif est le moment ou même le personnage public peut arpenter les rues comme un anonyme. 2.1.2 Altérité urbaine, altérité sportive, entre compétition et « co-­‐opétition » : confrontation et cohabitation dans un espace limité Alors même que le discours de Nike n’est pas d’être meilleur que l’autre mais meilleur que soi même, il y’a nécessairement un moment où le joueur va être confronté à l’autre. Ici, l’autre n’est pas toujours envisagé comme un adversaire, en tout cas pas un adversaire officiel mais il figure un être menaçant, souvent peu bienveillant, et à qui il faut se confronter. L’autre sportif apparaît comme un objet de l’environnement et du contexte qu’il faut prendre en compte dans la pratique de son sport. La confrontation à autrui est toujours une menace ; dans la ville comme dans le sport, l’altérité représente un obstacle. Pour Olivier Mongin, « la sortie de soi dans le public se présente paradoxalement comme une menace (…) l’espace public est incertain »61. Ainsi, l’espace public s’apparente à un lieu menaçant et le sportif qui, dans l’exercice, rencontre un autre sportif, va devoir s’y confronter. Plusieurs spots publicitaires mettent en scène la rencontre avec l’autre dans la ville, parfois de manière impromptue comme dans le spot « Enjoy the weather »62 où une joggeuse se fait éclabousser par un autre joggeur alors qu’elle refait ses lacets près d’une flaque d’eau. Le joggeur s’excuse d’un geste de la main, mais la coureuse, rancunière, le dépassera à son tour, s’excusant elle aussi de la main, par provocation : s’ensuit une course entre les deux et une « escalade de l’éclaboussure » avec même la mise en obstacle d’autres objets comme des poubelles de rue pour ralentir l’adversaire. Ici, l’autre n’est à l’origine qu’un passant, un semblable qui s’adonne à la même activité mais de son côté, mais la rencontre donne lieu à une rivalité, comme s’il fallait que l’un ressorte gagnant de ce duel, alors qu’aucun cadre, aucun dispositif (terrain, match…) ne les disposait à s’affronter. La courtoisie, usage qui permet aux habitants et usager d’un même territoire de coexister de manière pacifique, n’a pas suffit à éviter la confrontation : il faut se mesurer à l’autre, répondre à sa provocation par la provocation. La pratique solitaire de son sport n’apparaît possible qu’en épuisant celle 30 61 MONGIN (Olivier), La condition urbaine, La ville à l’heure de la mondialisation, Points, 2007 62 « Enjoy the weather », annexe 1, vidéo 11
  • 31. de l’autre, pour avoir le terrain, l’espace libre. Les scènes de poursuite s’éloignent d’ailleurs du parc pour se poursuivre dans des rues plus étroites, dans des espaces réduits pour renforcer l’idée qu’il n’y aura de place que pour une seule personne et les deux se poussent mutuellement pour se dégager le chemin. La ville, la rue, en tant que territoire limité, restreint, non extensible, apparaît alors comme un lieu qu’il faut s’approprier, où il n’y a pas nécessairement de possibilité de cohabitation entre les pratiquants. Dès lors, la confrontation avec l’autre devient non pas une finalité mais une condition nécessaire pour libérer le terrain et pouvoir ensuite s’exercer pleinement : l’espace se fait terrain de confrontation. Comme souvent dans les pratiques informelles de sport, l’espace utilisé pour jouer présente des potentialités qui vont permettre d’établir de nouvelles règles du jeu, de nouveaux obstacles et alimenter la lucidité de la pratique du sport63. La pratique sportive est ainsi déterminée par l’environnement, « c’est la gestion circonstanciée de la pluralité des obstacles à surmonter qui alimente un vivier de possibilités »64. Ici, la flaque d’eau devient un élément à part entière de l’opposition des coureurs et jalonne toute leur course, de même que les poubelles de rue qui constituent des obstacles. Ils se font finalement arroser tous les deux de la même manière par un bus qui roule sur une énorme flaque, preuve qu’à la fin, c’est toujours la ville qui gagne. Les sportifs semblent donc en conflit sur un terrain qui est limité, et la confrontation vise d’abord à s’approprier l’espace. C’est la même logique qui est en jeu dans le spot « Winner stays »65 : des jeunes garçons répartis en deux équipes se font face sur un terrain de football d’une banlieue anglaise (bâtiments en brique rouge en arrière plan), et avant le coup d’envoi, un joueur d’une équipe lance à l’autre : « Le gagnant reste ? », l’autre se retourne vers son équipe et leur demande s’ils acceptent le défi, avant d’acquiescer auprès de son adversaire. Cette logique d’affrontement pour s’approprier – du moins provisoirement – le terrain correspond à un mode courant d’affrontement dans la pratique informelle des sports collectifs, ou sports auto-­‐organisés que nous avons évoqués dans la partie 1 et Pascal Duret de nous rappeler que dans cette pratique « seuls les plus forts occupent le terrain toute la journée alors que les plus faibles ne le 31 63 SUDRE (David) et GENTY (Mathieu), Le sport, diffusion globale et pratiques locales, L’Harmattan, 2014 64 TRAVERT (Mathieu), Le football de pied d’immeuble. Une pratique singulière au coeur d’une cité populaire, Ethnologie Française, n°2, 1997 65 « Winner stays », annexe 1, vidéo 12, https://www.youtube.com/watch?v=3XviR7esUvo
  • 32. foulent parfois qu’après plusieurs heures d’attente »66. Ici le partage de l’espace se fait par la confrontation, l’équipe gagnante ayant le droit de rester sur le terrain et donc de pratiquer le sport plus longtemps, autant de temps qu’elle gagne (les équipes se succédant les unes après les autres pour affronter le gagnant du match précédant). Cette règle de partage de l’espace est ainsi acceptée par tous et a valeur d’affrontement pacifique et régulation dans ce mode d’auto-­‐organisation. Cette saine opposition structure donc toute la pratique en ce qu’elle détermine le temps de pratique pour chaque acteur – chaque groupe d’acteurs. Gasparini et Vieille-­‐Marchiset ont ainsi relevé que « deux principes de justice sportive ressortent de l’analyse de ces pratiques autorégulées : le droit d’occuper l’espace de jeu et le droit de jouer » et que « chacun doit s’approprier les règles d’utilisation et de répartition des espaces sportifs dans la ville ».67 Ces conditions d’occupation de l’espace sont ainsi admises par tous les pratiquants à la fois comme fin et comme moyen : on joue pour gagner pour pouvoir jouer. Et ainsi de suite. Ce système fait dire à Travers que « dans la cité, on ne s’oppose pas pour s’imposer mais on se pose en s’opposant »68. Le système d’opposition fait que tout le monde peut jouer, même si la répartition du temps de jeu est inégale, tout le monde y trouve son compte ce qui fait dire à Nalebuff et Brandenburger que l’on n’est plus dans un système de compétition mais dans un système « co-­‐opétition, formule plus souple qui oppose des acteurs au profit de tous ».69 La confrontation apparaît donc également dans la rue et dans la culture de marque Nike, comme un moyen de se partager l’espace et de cohabiter dans un espace limité. Mais d’autres publicités de la marque présentent la cohabitation comme possible sans s’opposer, car la confrontation n’est pas nécessairement l’opposition. Ainsi dans le film publicitaire « Believe in the run »70, la confrontation avec l’autre, avec le semblable, est envisagée comme un moyen de s’évaluer, de progresser et d’acquérir encore plus de force et de volonté. La publicité suit un joggeur et une voix-­‐off, que l’on devine être celle du coureur dit qu’ « il croit que sa plus grande inspiration est la personne devant lui ». L’adversaire devient ici un objectif à 32 66 DURET (Pascal), Sociologie du sport, Armand Colin, 2001 67 GASPARINI (William) et VIEILLE-­‐MARCHISET (Gilles), Le sport dans les quartiers, Pratiques sociales et politiques publiques, PUF, 2008 68 TRAVERT (Mathieu), « À propos de la diversité des expériences footballistiques : les trois états d’un affrontement », Sciences et motricité, 1999 69 NALEBUFF (Bary) et BRANDENBURGER (Adam), La co-­‐opétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et compétition, Village Mondial, 1996 70 « Believe in the run », annexe 1, vidéo 9, https://www.youtube.com/watch?v=6DUnOup4tVY
  • 33. atteindre, pas pour être meilleur nécessairement mais comme un idéal, un but qui permet de se projeter et d’être encore plus motivé. Tout le mécanisme narratif de la publicité Possibilites71 fonctionne sur cette considération : le joueur doit toujours affronter un adversaire meilleur que lui pour mettre la barre encore plus haut, pour élever son niveau de pratique. Nous nous rendons bien compte ici que l’adversaire n’a pas d’importance en tant que tel car il n’est pas nécessairement semblable aux protagonistes (tour à tour opposés à un bison, une star de cinéma ou des loups). L’important est le niveau de difficulté que va proposer l’adversaire au joueur pour le faire progresser toujours plus. Nous notons ainsi que différentes valeurs sont accordées à l’ « autre » dans la culture de marque de Nike : l’autre sportif figure un adversaire naturel à qui l’on peut s’opposer pour s’approprier l’espace de pratique ; il figure également un échelon de mesure de son niveau de pratique et source de motivation pour améliorer toujours plus sa performance. Nous relevons ainsi cette dualité présente dans le discours de Nike et inhérente, en fait, à la pratique sportive : l’individualité – voire l’individualisme -­‐ est au coeur du processus, l’effort et la performance sont d’abord réalisés pour soi et uniquement pour soi, mais l’adversaire est nécessaire pour progresser et souvent même pour donner du sens à la pratique : dans le cadre d’une pratique auto-­‐organisée avec un système où l’équipe gagnante reste sur le terrain, l’adversité structure le mode de pratique). Ici, l’environnement urbain donne un sens à la rencontre sportive. Et l’autre est nécessaire au plaisir du je(u). Comme le dit la voix-­‐off du spot « Believe in the run » : « Je crois à la solitude, et à la communauté ». Ces deux modes opposés semblent indissociables dans la pratique sportive agréée par la vision de Nike. 2.1.3 Le sport comme mythe d’ascension sociale : de l’ombre de la rue à la lumière des stades Dans les publicités Nike analysées, la rue de la ville en tant qu’espace de pratique sportive est souvent représentée comme un lieu de labeur, d’entraînement, dans l’ombre des projecteurs, en opposition à la lumière et la gloire des stades qui symbolisent le 33 71 « Possibilites », annexe 1, vidéo 2
  • 34. triomphe populaire et le sommet sportif. La rue, dans les publicités Nike et dans les représentations collectives, demeure le lieu où l’individu n’est rien, n’est pas reconnu. Emmanuelle Lallement nous rappelle à ce propos que « l’invisibilité ou l’anonymat (…) sont deux critères que l’on considère souvent comme des caractéristiques de la vie urbaine »72. Cette dimension nous semble exacerbée dans les quartiers populaires qui servent de décor à la plupart des publicités Nike. Ces territoires symboliques (dans les publicités) renvoient à une réalité que sont les zones péri-­‐urbaines où sont reléguées les classes populaires. Si Stébé et Marchal insistent sur la nécessité de ne pas appréhender la diversité des zones urbaines de manière caricaturale73, ils notent quand même la disparité entre « d’un côté, les quartiers aisés, souvent situés en centre ville, dans lesquels les riches urbains construisent et préservent leur entre-­‐soi, et de l’autre, les quartiers pauvres, majoritairement périphériques, qui connaissent une dégradation sociale et économique de plus en plus accentuée »74. Stébé, Marchal et Placiard parlent ainsi de « ghettos » pour « rendre compte de la situation de captivité, de marginalisation et de précarisations des habitants de certaines Zones urbaines sensibles situées à la périphérie des villes françaises »75. La réalité sociale de ces quartiers populaires nous semble donc donner lieu à une situation d’enfermement des habitants, un enfermement moins spatial que social. Ici, l’échec de la réussite sociale par la méritocratie scolaire semble être admis par tout le monde ; « les classes populaires commencent à se rendre compte que cette soi-­‐disant égalité devant l’enseignement n’est qu’un leurre » 76. Le sport semble alors revêtir le moyen alternatif de réussir socialement et de corriger l’inégalité fondamentale ressentie par les classes populaires de ces quartiers. Pour la plupart des jeunes issus de ces classes populaires, le sport « représente un moyen, plus imaginaire qu’objectif, de s’en sortir ou d’effacer les stigmates de leurs origines »77. Effectivement, en terme de réalité quantitative, peu de jeunes de ces quartiers réussissent à faire carrière dans le sport et à pouvoir en vivre. Pour quelques idoles et « success story » de célébrités sportives parties de rien et adulées par tout un pays, 34 72 LALLEMENT (Emmanuelle), Barbès, ville marchande, Téraèdre, Un lointain si proche, 2010 73 MARCHAL (Hervé) et STÉBÉ (Jean-­‐Marc), La ville, territoires, logiques, défis, Ellipses, Poitiers, 2008 74 MARCHAL (Hervé) et STÉBÉ (Jean-­‐Marc), La crise des banlieues, PUF, Paris, 2007 75 MARCHAL (Hervé) et STÉBÉ (Jean-­‐Marc), PLACIARD (Étienne), Ghettos à la française : concepts et réalités, Urbanisme, 2007 76 A. VAN ZANTEN, L’école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, Puf (Paris), 2012. 77 OHL (Fabien), Les usages sociaux des objets : paraître « sportif en ville, Loisir et société, vol.24, n°1, 2001
  • 35. combien de prétendants ont aspiré à la gloire sans réussite ? Mais ce mythe de la réussite sociale par le sport demeure un rêve auquel de nombreux jeunes défavorisés continuent de s’accrocher car ils ne peuvent plus croire en l’institution scolaire, et il constitue ainsi un outil de 35 storytelling formidable pour les marques de sport et pour Nike notamment. Pour Alain Ehrenberg, le sport « nous montre comment n’importe qui peut devenir quelqu’un, quels que soient son sexe, sa race, sa classe d’origine ou son handicap de départ dans la vie. Il élimine ainsi le poids de la filiation, la détermination de la place sociale actuelle par les origines, bref l’emprise du destin collectif au profit de l’histoire de l’individu qui se fait par elle-­‐même »78. Nous avons vu précédemment la valorisation de l’individualisme dans la culture de marque de Nike, et l’une des raisons à cela est la mise en scène de la prise en main de son destin par l’individu pour échapper à un déterminisme social voire « naturel » : il n’y a même pas de limite physique dans la rhétorique Nike, d’où leur sponsoring de l’athlète handicapé Oscar Pistorius qui a combattu la fatalité en concourant avec des athlètes valides. La prétendue possibilité pour n’importe qui de s’en sortir par le sport constitue un discours sous-­‐jacent et permanent dans la rhétorique Nike. La rue constitue alors un territoire fini, limité, enfermant duquel il faut s’échapper grâce au sport et à la marque. L’espace urbain constitue d’abord dans l’esthétique de Nike un lieu d’entraînement dans l’ombre et l’anonymat : ces thèmes sont régulièrement évoqués dans les publicités où l’on voit des jeunes joueurs s’entraîner tout seul. Le spot « Ordinary people »79 est particulièrement évocateur, on y voit Tidiani Sokoba, un street-­‐basketteur reconnu, s’entraîner sur des terrains de basket urbains au milieu de cités françaises ou courir dans les rues de Paris. Une voix-­‐off, en anglais, évoque son anonymat : « je ne suis pas une star, je n’ai pas un nom connu, les médias n’ont jamais entendu parler de moi ; pas de public, pas de pom-­‐pom girls » ainsi que son abnégation : « je ne collectionne pas les titres, je collectionne les heures, les heures de dur labeur, les heures de souffrance ». Et les images où l’on voit le sportif courir, shooter, gravir des marches à toute vitesse, illustrent son propos. L’univers urbain qui l’entoure est vide (nous avons déjà évoqué cette dimension), gris, la lumière est sombre : il est tout seul dans son effort, dans un univers dysphorique et la seule personne qu’il croise est un sans domicile fixe. 78 A.EHRENBERG (Alain), Le culte de la performance, Hachette Littérature, Paris, 2003 79 « Ordinary people », annexe 1, vidéo 8