Internet, levier de renforcement des stratégies de city branding (virginie mahé)
Les marques de territoires
1. ° MONTER EN DEGRÉS / EXPLORATIONS
Ces territoires
prêts à tout
pour se faire
remarquer
Fini le blason comme signe
distinctif, l’heure est à la marque.
C’est le nouveau crédo
qu’après les grandes villes,
les départements et les régions
ont investi pour différencier leurs
espaces, en termes touristiques
mais aussi économiques
et culturels. Ces « marques de
territoire » ont pour mission de
cerner l’identité des collectivités.
Nécessité économique ou simple
lubie de communication ?
Réponses
28°
Condenser en peu de mots l’essence d’un terri-toire,
d’une région, d’une ville. Faire en sorte
que tout le monde puisse saisir immédiate-ment
de quoi il s’agit. Impossible ? Quand en
1887, dans un livre pour décrire la côte entre Marseille
et Gênes, Stéphen Liégeard intitule celui-ci « La Côte
d’Azur », il invente une notion promise à un grand
avenir. Depuis, chacun court derrière le terme, l’image,
qui sera la martingale. Cela peut prendre du temps :
à New York, il a fallu cinq décennies pour qu’une
expression dérivée d’un argot des musiciens noirs-américains
devienne, dans les années 70, un redoutable
slogan touristique, universel : ‘The big Apple’.
En France, la capitale du Languedoc s’est avérée
précurseur avec ‘Montpellier la surdouée’, qui a
marqué les esprits à la fin des années 80. Mais il s’agis-sait
encore de simples slogans, ambitieux et osés certes,
mais sans véritable construction de cohérence et
d’image globale.
‘OnlyLyon’ ouvre la voie
Tirant les leçons des initiatives de Berlin ou d’Ams-terdam,
c’est la communauté urbaine de Lyon qui va
ouvrir dans l’Hexagone la voie du marketing terri-torial
initié un siècle plus tôt, en créant en 2007 une
anagramme internationale : ‘OnlyLyon’. La capitale
des Gaules, réputée jusque-là pour sa bourgeoisie
bonhomme, son équipe de football et sa gastronomie,
tente de redorer radicalement son blason : « il y avait un
décalage énorme entre ses atouts géographiques, économiques,
touristiques et son manque de reconnaissance », expliquait
voilà peu dans ‘La Tribune’ Lionel Flasseur, directeur
d’OnlyLyon. Succès immédiat car le slogan est la
figure de proue d’un vrai travail en profondeur : les
acteurs économiques, politiques, commerciaux, touris-tiques,
universitaires avaient travaillé de concert pour
s’entendre sur les valeurs à véhiculer. « C’est vrai que la
création de la marque ‘OnlyLyon’ a engendré un effet de
mode, qui s’est développé après la création en 2011 de la
marque ‘Bretagne’ notamment. Et cette dernière a marqué un
palier, car elle couvre un territoire très large et a bénéficié, pour
sa création, d’une phase de réflexion très poussée », explique
Virginie Mahé, directrice du marketing de l’agence
parisienne Souple/hop !, spécialisée dans la stratégie et
le conseil pour les collectivités.
Reste à savoir à quoi sert une marque et comment
elle peut faire d’un territoire, un objet de promotion.
À créer des valeurs et une promesse, fixer un repère
durable, porter un positionnement et présenter des
signes de reconnaissance tels qu’un nom, un logo, un
graphisme, explique n’importe quel guide de marke-ting.
« C’est une boîte à outils, adaptée aux besoins de tous
– entreprises, collectivités, associations, particuliers – qui
permet de valoriser et de promouvoir les atouts de notre
région », détaillait le président du conseil régional d’Al-sace
Philippe Richert lors du lancement de la marque
‘Alsace’ en 2012. ➤
2. ° MONTER EN DEGRÉS / EXPLORATIONS
Création : 2005
Création : 2012
Création : 2013
29°
Carte de France
des marques de territoire
Création : 2009
Création : 2013
Création : 2011
Création : 2011
Création : 2012
Création : 2013
Création : 2013
Création : 2011
Création : 2008
Création : 2013
Création : 2010
Création : 2014
Création : 2014
Création : 2009
Création : 2011
Création : 2013
Création : 2013
Création : 2014
Création : 2012
Création : 2011 Création : 2011 Création : 2008
Création : 2004 Création : 2006
D’après cartographie de Virginie Mahé (Souple/Hop!) - mise à jour septembre 2014
3. ° MONTER EN DEGRÉS / EXPLORATIONS
30°
Un symbole de valeurs partagées
Car la marque a ce pouvoir d’évoquer des associations
dans l’inconscient collectif, d’engendrer une valeur
supplémentaire au territoire qui la porte et de susciter
un mouvement chez les décideurs et les élus afi n d’en-dosser
un rôle d’ambassadeur, pour créer un eff et d’en-traînement.
Ce qui suppose que la marque repose sur des
valeurs partagées. « Les habitants sont des cibles importantes,
car il faut qu’il se sentent concernés et ambassadeurs de leur
marque. Le but est de valoriser un territoire et de le ‘vendre’ à
des cibles identifi ées », rappelle Virginie Mahé.
Mais face à la prolifération des marques – « L’origi-nale
Franche-Comté », « Aveyron vivre vrai », « Esprit
de Picardie », « Je vois la vie en Vosges », « Paris Région »
pour ne citer que les plus récentes – n’y-a-t-il pas un
risque de banalisation et de surenchère ? L’existence de la
marque ‘Sud de France ‘, créée en 2006 en Languedoc-
Roussillon, n’est-elle pas parasitée par la marque ‘Sud
Ouest France’ des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées
(voir ci-contre) ? Surtout quand la création et l’anima-tion
d’une marque coûtent entre 250 000 € et plusieurs
millions. « Quand la démarche marketing est bien faite et
même si d’autres territoires proches ont certaines similitudes,
on aura une analyse fi ne de l’identité d’un territoire, avec ses
propres couleurs, son histoire, son état d’esprit, ses mentalités. Si
on ne conçoit qu’un logo je ne sais pas, mais pour une démarche
poussée où on va traduire la synthèse de la démarche marketing
en identité visuelle, ce n’est pas forcément gênant », indique
Virginie Mahé. Pour la charte d’utilisation de la marque
territoriale ‘partagée’ (c’est le terme) ‘Limousin, Osez la
diff érence’, les concepteurs sont allés jusqu’à mettre les
couleurs du logo en adéquation avec la palette chroma-tique
du paysage, pour créer des couleurs ‘identitaires’ ! La
prochaine réforme des collectivités territoriales passera à
l’épreuve des faits les ‘bonnes’ marques des autres l
Le casse-tête de la fusion des régions !
« Sud de France, c’est notre marque. Celle de nos 3 millions
d’habitants », rappelait en mai dernier le journal de la région
Languedoc-Roussillon. Patatras, l’annonce de la fusion de
certaines régions par le gouvernement début juin, remet en
cause les modèles. Outre le problème d’identité de toutes
les collectivités appelées à fusionner, la région, qui a inventé
le concept de marque ombrelle ‘Sud de France’ en 2006
devenue depuis une vraie marque de territoire, va se retrouver
dans une situation atypique et unique en cas de fusion avec
Midi-Pyrénées.
En effet, la capitale occitane a lancé une marque concurrente :
‘Sud Ouest France’, en 2013. Là où ça se complique, c’est
que cette marque est co-gérée avec la région Aquitaine, qui
elle, va vivre sa propre vie. « Pas simple, comme le reconnaît
Vincent Labarthe, vice-président du conseil régional Midi-
Pyrénées et co-président de la marque ‘Sud Ouest France’,
mais l’idéal serait de faire vivre les deux marques. ‘Sud de
France’ a une grande notoriété, des budgets conséquents,
mais ‘Sud Ouest France’, limitée pour l’instant aux produits
agroalimentaires, s’appuie sur une charte de qualité liée aux
produits sous signe de qualité. Il faut vite qu’on se mette
autour d’une table pour envisager quoi faire. Et le partage de
notre marque avec l’Aquitaine ne simplifi e pas les choses,
c’est vrai », reconnait l’élu.
Une marque, ça se travaille
Il a fallu attendre 2013 pour que la capitale se dote d’une
marque de territoire ‘Paris Région, source of inspiration’. Effi -
cace ? « Lors de l’exposition universelle de Shanghai, l’Ile-de-
France était représentée par plus de 17 logos », rappelait en
mai lors d’un débat Xavier Crouan, directeur de la communica-tion
de la région Ile de France. Si ‘OnlyLyon’ fait offi ce de réfé-rence,
toutes les marques n’ont pas la même force. ‘Le Mans
une marque’ créée en 2011 semble avoir fait long feu. Dans
la cité phocéenne, entre ‘Marseille Provence’, ‘Marseille accé-lère’,
‘Marseille, On the move’, les concepts se sont parfois
télescopés. Et une fois créée, la marque doit vivre. « Sud de
France, c’est pour moi la meilleure des marques. Mais si nous
ne la travaillons pas pour créer des boussoles sur notre terri-toire,
nous envoyons nos touristes potentiels en Provence ou
à Nice ! », explique Agnès Jullian, conseillère régionale qui a
chapeauté le tourisme du Languedoc-Roussillon depuis 2010.
Mais la France serait encore en retard dans son marketing
territorial : « Déjà, en Espagne il existe la marque ‘Espana’
que l’on retrouve à chaque fois. Il n’y a pas l’équivalent en
France. Et surtout, que ce soit Valence, Madrid ou Séville pour
l’Espagne ou Rome, Florence ou Venise pour l’Italie, plusieurs
villes attirent plus d’un million de visiteurs. Nous, il n’y a que
Paris et Nice qui atteignent ce nombre de touristes », rappelle
l’élue. Il y a encore à travailler sur nos territoires…
ENG Branding a territory
A brand to reveal the identity of communities? New York
created the “Big Apple” almost 40 years ago, while in
France, Montpellier pioneered “Montpellier, the Gifted” in
1986. But it was just a slogan, with no real construction of
a global image. Today, to create a territory brand is: to create
values and a promise, to defi ne a sustainable reference, to
take a position and to show recognisable signs using a name,
logo etc. “This is a tool kit tailored to everyone’s needs: companies,
communities, associations, and individuals alike - adding value and
promoting the strengths of our region,” said the president of the
Alsace Regional Council at the launch of the brand ‘Alsace’
in 2012.It implies shared values. “People are important and they
must feel involved and that they are ambassadors of their brand. The
goal is to highlight a territory and to ‘sell’ it to specifi c audiences,”
says Virginia Mahé, of the Souple / hop agency! This helps
avoid weak brands and competition between territories. It
remains to be seen if too many brands does not actually kill
the brand... l