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Pour le Tribunal Administratif d’Amiens, la décision de ne pas
soumettre à étude d’impact un projet relevant de la procédure de cas
par cas n’est pas susceptible de recours de la part des tiers.
Voilà une jurisprudence qui devrait intéresser promoteurs, aménageurs et
constructeurs.
Le tribunal administratif d'Amiens a jugé que les tiers ne sont pas recevables à
attaquer la décision par laquelle le préfet décide de dispenser d'étude d'impact un
projet relevant d'un examen au cas par cas qui a le caractère d'une mesure
préparatoire (TA Amiens 8 juillet 2014, Association R.O.S.O et Association Le
Petit Rapporteur Mesnilois, req; n° 1302660).
1. Les faits de l’espèce. L'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet à
étude d'impact ou à un examen au cas par cas, les travaux, ouvrages ou
aménagements qui sont énumérés dans un tableau qui lui est annexé.
L'article R. 122.3 du même code prévoit que l'autorité administrative définie à
l'article R. 122-6, décide, au regard des informations fournies par le demandeur, si
le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact.
Dans l'affaire examinée par le tribunal, le pétitionnaire avait déposé une demande
de permis d'aménager. Saisi sur le fondement de l'article R. 122-3, le préfet de la
région Picardie avait, par un arrêté du 17 avril 2013, décidé de dispenser le projet
d'étude d'impact.
Saisi par deux associations, le tribunal administratif a jugé "qu'une décision de
dispense d'étude d'impact, qui intervient au cours de la procédure d'instruction du
dossier de permis, a le caractère d'une mesure préparatoire qui ne fait grief qu'au
seul pétitionnaire, sans préjudice du droit des tiers à contester la décision d'octroi
ou de refus dudit permis; que les conclusions de l'association Le petit rapporteur
Mesnilois et de l'association ROSO, qui ont la qualité de tiers par rapport à
l'arrêté attaqué, dirigées contre la décision du 17 avril 2013, sont donc
irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées".
2. Une décision à caractère préparatoire est une décision qui, à elle seule, est
dépourvue d'effets juridiques. Elle s'insère dans un processus qui permet d'aboutir à
une décision.
Tel est ainsi le cas de la délibération d'un conseil municipal qui sollicite du préfet
une déclaration d'utilité publique (CE 5 décembre 2014, req. n° 369522). Dans le
même sens, la lettre par laquelle le préfet informe le demandeur que le délai
d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles est
porté de quatre à six mois en application des dispositions de l'article R. 331-6 du
code rural et de la pêche maritime (CRPM) revêt le caractère d'une mesure
préparatoire et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de
pouvoir (CE 31 mars 2014, rem. n° 361332).
A l'inverse, la décision du ministre de l'éducation nationale qui n'appelle aucune
autre mesure ultérieure et qui contient des dispositions impératives à caractère
général, ne présente pas le caractère d'une mesure préparatoire (CE 15 octobre
2014, req. n° 369965).
Une décision à caractère préparatoire n'est toutefois pas insusceptible de recours
puisque sa légalité pourra être examinée à l'occasion du recours formé contre la
décision dont elle aura permis l'édiction.
Ainsi, si les propositions de comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut
national des appellations présentent le caractère d'acte préparatoire, il peut être
excipé de leur illégalité à l'appui d'une demande d'annulation du décret les
approuvant (CE 6 mars 2002, req. n° 226248).
3. Une solution cohérente qui devra être confirmée. Dans l'affaire examinée par
le tribunal administratif, plusieurs éléments peuvent plaider en faveur de la décision
rendue.
En premier lieu, la décision de dispense d'étude d'impact constitue un élément de la
procédure de délivrance du permis d'aménager.
L'article R. 441-5 du code de l'urbanisme prévoit en effet que le dossier de
demande de permis d'aménager comprend, selon les cas, l'étude d'impact ou la
décision de l'autorité administrative dispensant le demandeur de réaliser une étude
d'impact.
La décision de dispense s'inscrit dans la procédure d'élaboration de délivrance du
permis d'aménager.
Elle pourra donc être critiquée, par voie d'exception, dans le cadre d'un recours
contre le permis d'aménager.
En second lieu, il résulte de l'article R. 122-2 I du code de l'environnement, que ce
sont les travaux, ouvrages ou aménagements qui peuvent être soumis ou dispensés
d'étude d'impact.
Sans eux, la décision de dispense d'étude d'impact est sans effets. La décision de
dispense n'est donc rien sans son corollaire qui est, le cas échéant, le permis de
construire ou le permis d'aménager ou toute autre décision permettant l'exécution
de travaux, ouvrages ou aménagements.
Ainsi, dépourvue à elle seule d'effets juridiques et s'inscrivant dans le processus
d'élaboration d'une décision administrative, la décision de dispense d'impact
présente donc bien les caractères d'une mesure à caractère préparatoire qui ne fait
pas grief aux tiers.
En troisième et dernier lieu, l'argument selon lequel si l'article R.122-3 du code de
l'environnement ouvre la possibilité d'un recours contre la décision imposant la
réalisation d'une étude d'impact, il devrait en être de même contre la décision de
dispense, est critiquable.
La décision imposant la réalisation d'une étude d'impact fait grief au demandeur
puisqu'elle allonge le coût et la durée de l'instruction de sa demande d'autorisation.
Tel n'est pas le cas de la décision de dispense d'étude d'impact.
Ainsi cette décision paraît cohérente. En effet, la décision de dispense n'est rien si
le projet qu'elle prépare n'est pas mis en œuvre. Elle a, en outre, le mérite de
simplifier la procédure d’instruction des projets qui ne sont pas soumis à étude
d’impact.
Il reste désormais à savoir si la solution retenue par le juge administratif d’Amiens
sera confirmée.

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  • 1. Pour le Tribunal Administratif d’Amiens, la décision de ne pas soumettre à étude d’impact un projet relevant de la procédure de cas par cas n’est pas susceptible de recours de la part des tiers. Voilà une jurisprudence qui devrait intéresser promoteurs, aménageurs et constructeurs. Le tribunal administratif d'Amiens a jugé que les tiers ne sont pas recevables à attaquer la décision par laquelle le préfet décide de dispenser d'étude d'impact un projet relevant d'un examen au cas par cas qui a le caractère d'une mesure préparatoire (TA Amiens 8 juillet 2014, Association R.O.S.O et Association Le Petit Rapporteur Mesnilois, req; n° 1302660). 1. Les faits de l’espèce. L'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet à étude d'impact ou à un examen au cas par cas, les travaux, ouvrages ou aménagements qui sont énumérés dans un tableau qui lui est annexé. L'article R. 122.3 du même code prévoit que l'autorité administrative définie à l'article R. 122-6, décide, au regard des informations fournies par le demandeur, si le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact. Dans l'affaire examinée par le tribunal, le pétitionnaire avait déposé une demande de permis d'aménager. Saisi sur le fondement de l'article R. 122-3, le préfet de la région Picardie avait, par un arrêté du 17 avril 2013, décidé de dispenser le projet d'étude d'impact. Saisi par deux associations, le tribunal administratif a jugé "qu'une décision de dispense d'étude d'impact, qui intervient au cours de la procédure d'instruction du dossier de permis, a le caractère d'une mesure préparatoire qui ne fait grief qu'au seul pétitionnaire, sans préjudice du droit des tiers à contester la décision d'octroi ou de refus dudit permis; que les conclusions de l'association Le petit rapporteur Mesnilois et de l'association ROSO, qui ont la qualité de tiers par rapport à l'arrêté attaqué, dirigées contre la décision du 17 avril 2013, sont donc irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées". 2. Une décision à caractère préparatoire est une décision qui, à elle seule, est dépourvue d'effets juridiques. Elle s'insère dans un processus qui permet d'aboutir à
  • 2. une décision. Tel est ainsi le cas de la délibération d'un conseil municipal qui sollicite du préfet une déclaration d'utilité publique (CE 5 décembre 2014, req. n° 369522). Dans le même sens, la lettre par laquelle le préfet informe le demandeur que le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles est porté de quatre à six mois en application des dispositions de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) revêt le caractère d'une mesure préparatoire et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE 31 mars 2014, rem. n° 361332). A l'inverse, la décision du ministre de l'éducation nationale qui n'appelle aucune autre mesure ultérieure et qui contient des dispositions impératives à caractère général, ne présente pas le caractère d'une mesure préparatoire (CE 15 octobre 2014, req. n° 369965). Une décision à caractère préparatoire n'est toutefois pas insusceptible de recours puisque sa légalité pourra être examinée à l'occasion du recours formé contre la décision dont elle aura permis l'édiction. Ainsi, si les propositions de comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations présentent le caractère d'acte préparatoire, il peut être excipé de leur illégalité à l'appui d'une demande d'annulation du décret les approuvant (CE 6 mars 2002, req. n° 226248). 3. Une solution cohérente qui devra être confirmée. Dans l'affaire examinée par le tribunal administratif, plusieurs éléments peuvent plaider en faveur de la décision rendue. En premier lieu, la décision de dispense d'étude d'impact constitue un élément de la procédure de délivrance du permis d'aménager. L'article R. 441-5 du code de l'urbanisme prévoit en effet que le dossier de demande de permis d'aménager comprend, selon les cas, l'étude d'impact ou la décision de l'autorité administrative dispensant le demandeur de réaliser une étude d'impact. La décision de dispense s'inscrit dans la procédure d'élaboration de délivrance du permis d'aménager.
  • 3. Elle pourra donc être critiquée, par voie d'exception, dans le cadre d'un recours contre le permis d'aménager. En second lieu, il résulte de l'article R. 122-2 I du code de l'environnement, que ce sont les travaux, ouvrages ou aménagements qui peuvent être soumis ou dispensés d'étude d'impact. Sans eux, la décision de dispense d'étude d'impact est sans effets. La décision de dispense n'est donc rien sans son corollaire qui est, le cas échéant, le permis de construire ou le permis d'aménager ou toute autre décision permettant l'exécution de travaux, ouvrages ou aménagements. Ainsi, dépourvue à elle seule d'effets juridiques et s'inscrivant dans le processus d'élaboration d'une décision administrative, la décision de dispense d'impact présente donc bien les caractères d'une mesure à caractère préparatoire qui ne fait pas grief aux tiers. En troisième et dernier lieu, l'argument selon lequel si l'article R.122-3 du code de l'environnement ouvre la possibilité d'un recours contre la décision imposant la réalisation d'une étude d'impact, il devrait en être de même contre la décision de dispense, est critiquable. La décision imposant la réalisation d'une étude d'impact fait grief au demandeur puisqu'elle allonge le coût et la durée de l'instruction de sa demande d'autorisation. Tel n'est pas le cas de la décision de dispense d'étude d'impact. Ainsi cette décision paraît cohérente. En effet, la décision de dispense n'est rien si le projet qu'elle prépare n'est pas mis en œuvre. Elle a, en outre, le mérite de simplifier la procédure d’instruction des projets qui ne sont pas soumis à étude d’impact. Il reste désormais à savoir si la solution retenue par le juge administratif d’Amiens sera confirmée.