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La formation des prix des logements anciens
Nicolas Thouvenin
La formation
des prix des logements anciens
Les apports de la théorie des prix hédoniques
Préface de René Pallincourt
Président de la FNAIM
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une
utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par
quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est
illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code
de la propriété intellectuelle.
© 2010, Nicolas Thouvenin
Edition : Books on Demand, 12/14 rond-point des Champs-Elysées, 75008 Paris
Impression : Books on Demand, 22848 Norderstedt, Allemagne
ISBN : 9782810611232
Dépôt légal : mai 2010
Préface
René Pallincourt
Président de la FNAIM
En France, trois principales sources de données peuvent être utilisées pour appré-
cier la valeur des prix des logements anciens et répondre aux besoins d’information
des ménages. Elles correspondent aux diagnostics réalisés à la mise en vente du
logement, à la signature du compromis de vente et à la signature de l’acte notarié.
Les portails d’annonces Internet, en assurant la publicité des mandats confiés
aux professionnels, fournissent une première approximation de la valeur des prix des
logements. Avec une offre qui totalise en France plus d’un million de références, ils
permettent en effet aux ménages de se faire une idée du budget nécessaire qu’ils
doivent consacrer pour réaliser leur projet immobilier. Toutefois, ce diagnostic n’est
pas suffisant, pour deux raisons principales : il mélange souvent des offres, pour
des mêmes biens, établies à des prix différents lorsque le bien n’est pas confié en
exclusivité à un professionnel, et il n’intègre pas les révisions de prix qui interviennent
en moyenne dans les six mois suivant la mise en vente du logement.
Le diagnostic fait par les professionnels à la signature des compromis, le moment
où les vendeurs et les acheteurs s’entendent sur le prix, est sans aucun doute le
plus fidèle à la réalité du marché. Par ailleurs, et même s’il ne tient pas compte
des transactions réalisées entre particuliers, il apparaît le plus adapté pour rendre
compte des tendances à court et moyen termes.
Enfin, les observations que font les notaires au moment de la signature de l’acte
notarié, et le cas échéant, lors du déblocage du prêt accordé, sont les plus exhaustives.
Mais de six à neuf mois se sont déjà écoulés pour un bien dont la mise en vente a été
i
suivie d’une transaction effective : une grande part de l’information a donc perdu
de sa fraîcheur.
Au cours des dix dernières années, l’essor des nouvelles technologies et la baisse
des coûts liés à l’informatisation des processus auront permis de développer des bases
de données immobilières très riches et très utiles pour parfaire la transparence du
marché au travers de la connaissance des prix. Toutefois, dans la multiplicité des
sources disponibles et face à la profusion des indicateurs, le ménage profane peut
s’y perdre ! Cas d’école en phase de retournement du marché : une baisse des prix
des transactions enregistrée à la signature des compromis ne peut pas être observée
par les portails d’annonces et ne le sera que quelques mois plus tard à la signature
de l’acte. Plus encore, la seule connaissance du prix au mètre carré qui caractérise
un quartier est insuffisante, car elle ne permet pas d’expliquer les différences de prix
observées pour des biens a priori comparables. Une œuvre de pédagogie doit donc
précéder l’analyse.
C’est justement l’objet de cet ouvrage qui a pour objectif la recherche d’une
modélisation opérationnelle des prix des logements anciens. Dans une démarche
logique et pédagogique, il propose de parcourir l’ensemble de la littérature consacrée
à la théorie des prix hédoniques, véritable pilier de la recherche économique appliquée
à l’étude des prix des biens hétérogènes, et dont le logement constitue une sorte
d’archétype. Considérant que les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes mais pour
les services qu’ils rendent, la théorie des prix hédoniques propose, en effet, d’estimer
le prix d’un bien à partir de ses caractéristiques et d’en inférer les comportements
des ménages.
En découvrant les méthodes économétriques et les modèles mathématiques ados-
sés à la théorie des prix hédoniques, les lecteurs initiés, économiste, statisticien
ou informaticien, seront encouragés à tirer profit des bases méthodologiques et des
principes rigoureux d’expertise des bases de données présentés. Ils pourront ainsi
transposer les modèles théoriques et mettre en oeuvre, par exemple, au service des
acteurs de l’immobilier, l’approche retenue pour conseiller la clientèle qui se pré-
sente en agence à la recherche d’un logement et positionner les offres de prix lors
des prises de mandat par les professionnels. Le lecteur non initié, quant à lui, privi-
légiera sans aucun doute les apports empiriques et les conclusions opérationnelles de
cet ouvrage. Entre abstraction et réalité, il appréciera, entre autres, ce qui se cache
derrière les méthodes de construction des indices de prix et trouvera une justification
du bien-fondé des estimations.
ii
Au delà, les développements de cet ouvrage conduits dans le prisme de la théorie
des prix hédoniques s’avèreront utiles aux investisseurs, bien sûr, mais aussi aux
décideurs, dès lors qu’ils permettront de définir une lecture économique et statis-
tique du marché dépassant les difficultés à maîtriser complètement l’hétérogénéité
des marchés et des territoires. Toutefois, si les techniques d’évaluation sur lesquelles
repose la théorie des prix hédoniques comportent intrinsèquement une valeur incer-
taine, à l’échelle de l’estimation de la valeur d’un logement donné, les professionnels
de l’immobilier se doivent d’en évoquer les limites : les statistiques de prix ne sauront
jamais remplacer leur propre connaissance du marché, telle celle qu’ils appréhendent,
chaque jour, pour concilier les intérêts des vendeurs et des acheteurs. La statistique
est un métier ; l’immobilier aussi, il ne faut pas oublier !
iii
-
iv
Avant-Propos
Cet ouvrage est la version sensiblement remaniée d’une thèse de Doctorat de
Troisième Cycle en Sciences Économiques soutenue en novembre 2005 à l’Univer-
sité de Paris X Nanterre. Nous tenons à remercier Monsieur Michel Mouillart pour
sa direction de recherche et ses précieux conseils, ainsi que Monsieur Pierre Llau,
Professeur Émérite à l’Université de Paris X Nanterre, pour avoir accepté de prési-
der le jury de soutenance. Nous tenons également à remercier, pour leur soutien et
leur encouragement, l’ensemble des rapporteurs et membres du jury : Monsieur An-
dré Babeau, Professeur Émérite à l’Université de Paris IX Dauphine (rapporteur),
Monsieur Jean-Claude Driant, Professeur à l’Institut d’Urbanisme de Paris - Univer-
sité de Paris XII Val-de-Marne (rapporteur), Monsieur Olivier Favereau, Professeur
à l’Université de Paris X Nanterre, et Monsieur René Pallincourt, Président de la
FNAIM. Nous remercions enfin chaleureusement toutes celles et ceux qui nous ont
accompagnés, professionnellement et amicalement, dans le cadre de la réalisation de
nos travaux de recherche et de cet ouvrage.
v
La formation des prix des logements anciens
A mes parents
A ma sœur
La formation des prix des logements anciens
Introduction générale
Dans l’analyse néoclassique traditionnelle, le logement est très souvent assimilé
à n’importe quel autre bien, qu’il soit considéré comme un bien de consommation
durable ou qu’il soit assimilé au service qu’il est censé rendre à son propriétaire ou
à son occupant. Les conditions de formation de son prix résultent des hypothèses
classiques de la concurrence pure et parfaite : le prix du logement qui est ainsi
formé par la rencontre d’une offre et d’une demande permet d’assurer l’équilibre du
marché. Mais la plupart des modèles néoclassiques ne s’intéressent pas directement
au prix du logement. Ce sont très souvent des modèles d’économie urbaine ou de
détermination de la valeur et de la rente foncière (Alonso [1964] et Muth [1969]) où
le prix du logement est davantage considéré comme le prix que fixe un offreur pour
maximiser son profit.
Dans le cadre de la théorie des prix hédoniques et suivant l’approche proposée
par Rosen [1974], le logement est défini par un ensemble de caractéristiques homo-
gènes et l’étude des mécanismes de formation de son prix permet d’appréhender
les conditions dans lesquelles la demande exprime ses préférences. Il s’agit alors de
mesurer la valeur, ou le plaisir dérivé, des attributs d’un bien : cela nécessite la
définition d’une fonction hédonique qui permet de décrire un bien à partir de ses
caractéristiques et qui peut être interprétée comme la fonction qui désagrège les prix
des biens en prix implicites : c’est-à-dire estimés et révélant les dispositions margi-
nales à payer d’un consommateur qui cherche à maximiser l’utilité que lui procure
la consommation de chacune des caractéristiques sous contrainte de revenu. Cepen-
dant, ces prix implicites ne sont pas directement observables. Pour qu’ils aient un
sens économique et qu’ils ne soient pas le résultat d’un artefact statistique, il faut que
les variables choisies comme caractéristiques représentent ce que l’acheteur valorise
effectivement dans l’achat du bien (les caractéristiques intrinsèques du logement :
1
surface, nombre de pièces, type et qualité des équipements, niveau de confort..., les
caractéristiques liées à l’environnement économique et social à l’origine de la seg-
mentation des marchés : positionnement des logements dans l’espace, qualité des
établissements d’enseignement à proximité...).
Toutefois, dans la pratique des marchés immobiliers, les hypothèses de la concur-
rence pure et parfaite paraissent peu réalistes. Les hypothèses d’hétérogénéité des
produits et d’imperfection de l’information semblent mieux correspondre à la spéci-
ficité de ces marchés. Sur la base de travaux conduits par Chamberlin [1933] sur la
concurrence monopolistique, le prix de vente d’un logement constituerait davantage
une variable contrôlée par les offreurs qui, selon le pouvoir d’achat des clientèles et
le niveau de qualité des biens offerts, déterminent les propositions de prix.
Depuis près d’un demi-siècle, les économistes (principalement d’outre-Atlantique)
ont multiplié les utilisations des prix hédoniques en privilégiant bien souvent à l’as-
pect pratique les différents aspects théoriques de cette méthode et ce, depuis la res-
titution d’une analyse fine du marché par la sélection de variables jusqu’au choix des
formes fonctionnelles et des procédures économétriques d’estimations des équations
de prix, en passant par la formalisation des comportements d’offre et de demande
des caractéristiques des biens. Les applications de nature opérationnelle ont été,
quant à elles, peu nombreuses en raison principalement de l’insuffisance des données
disponibles nécessaires à sa mise en oeuvre.
Cet ouvrage a pour objectif de bien saisir les problématiques sous-jacentes à
l’utilisation de la théorie des prix hédoniques afin de mieux répondre aux questions
soulevées actuellement autour de sa portée et de ses limites lorsqu’elle est appliquée
à l’étude de la formation des prix des logements anciens. En s’appuyant sur la base
de données de la FNAIM, il s’inscrit en outre dans le développement d’un outil
d’aide à la décision destiné aux professionnels de la transaction immobilière qui leur
propose, dans le prisme de cette théorie, une lecture économique et statistique du
marché destinée à renforcer leur capacité de conseil.
Dans une première partie intitulée Les déterminants des prix des logements an-
ciens, nous proposons de mettre en parallèle les travaux consacrés à la formation des
prix des logements réalisés dans la lignée du modèle séminal de Rosen. Nous présen-
terons les principaux résultats auxquels ils permettent de parvenir et illustrerons les
principaux débats qui concernent :
— le cadre d’analyse de la théorie des prix hédoniques (chapitre 1),
— les méthodes d’estimation de la fonction de prix hédoniques (chapitre 2),
2
— les méthodes de construction d’indices de prix des logements (chapitre 3),
— les problèmes inhérents à la collecte des données par la présentation des sources
disponibles (chapitre 4).
Dans le premier chapitre, nous étudierons les fondements de la théorie des prix hé-
doniques. Nous verrons qu’elle constitue un cadre d’analyse adapté aux mécanismes
de formation des prix des logements anciens, même si la méthode reste critiquable et
si la structure organisationnelle parfaite des marchés qu’elle retient peut être remise
en cause. De plus, nous démontrerons que l’approche en termes de caractéristiques
résidentielles qu’elle propose permet de définir la valeur économique d’un logement
comme le reflet du niveau des avantages et des inconvénients que lui reconnaît chaque
ménage, en appréhendant sa qualité intrinsèque mais aussi l’hétérogénéité de l’espace
dans lequel il s’insère et dont il est indissociable compte tenu de son immobilité.
Dans le deuxième chapitre, nous déterminerons comment la valeur d’un logement
peut être reconstituée, sur un terrain davantage pratique, à partir des variables re-
tenues pour le décrire. Nous présenterons alors les modèles d’évaluation des prix les
plus adaptés en nous concentrant sur le choix des formes fonctionnelles, les inter-
prétations économiques sous-jacentes et les techniques afférentes aux estimations, et
étudierons également les possibilités d’amélioration de leurs capacités explicatives
et prédictives par le traitement de l’hétérogénéité et des dépendances spatiales.
Dans le troisième chapitre, nous présenterons les contributions et les réflexions
faisant intervenir le temps dans ces modèles, mises d’ailleurs souvent à l’épreuve de
méthodes concurrentes, comme celle des ventes répétées. L’ensemble des méthodes
disponibles à ce jour sera passé en revue, la dernière en date ayant été mise au
point par l’INSEE en collaboration avec les notaires, avant d’envisager la sélection
du meilleur système. Nous aviserons alors si une analyse de l’évolution des prix
fondée sur un indice hédonique tenant compte de l’hétérogénéité des biens est plus
pertinente.
Enfin, dans le quatrième chapitre, nous identifierons les difficultés et les coûts
inhérents à la fabrication d’un matériau statistique fiable et représentatif pour mettre
en oeuvre des applications de nature opérationnelle. Nous présenterons une analyse
comparée des différentes sources disponibles sur les prix de l’ancien et sur celles
permettant d’apprécier les caractéristiques des biens et envisagerons les modalités
d’implantation d’un Système d’Informations Géographiques (SIG) qui peut venir
enrichir la description du marché par l’appréhension de la qualité physique et sociale
de l’environnement. Au terme de ce quatrième chapitre, nous disposerons d’éléments
de comparaison pour valoriser la banque de données de la FNAIM.
Dans une seconde partie, intitulée à la recherche du juste prix des logements
3
anciens, nous tenterons alors de dépasser les limites les plus souvent avancées de la
méthode lors de la mise en oeuvre de notre étude appliquée à la formation des prix
des logements anciens en France. Nous présenterons alors :
— une expertise de la banque de données immobilières de la FNAIM (chapitre 5),
— les modèles d’évaluation des prix des logements anciens retenus (chapitre 6),
— les bases du développement d’un outil d’aide à l’évaluation d’un investissement
dans l’ancien (chapitre 7).
Pour cela, nous recenserons dans le cinquième chapitre l’ensemble des informa-
tions disponibles que rassemble la banque de données immobilières de la FNAIM
et envisagerons la possibilité d’améliorer leur exhaustivité en intégrant notamment
des éléments descriptifs de la localisation des biens. Nous élaborerons un système
expert de contrôle et de traitement de ces informations afin d’ouvrir la possibilité
de leur utilisation à des fins statistiques, et étudierons leur couverture géographique
ainsi que leur représentativité. Nous déterminerons ainsi quelles sont les potentiali-
tés d’analyses offertes par la base de données de la FNAIM et verrons qu’elle peut
sans aucun doute être mise à profit dans une perspective hédonique.
Dans le sixième chapitre, nous mettrons à l’épreuve des données de la FNAIM
les méthodes d’estimation exposées dans les deuxième et troisième chapitres. Les
capacités explicatives et prédictives des différents modèles seront comparées entre
elles. A l’aide de ces éléments de comparaison, nous justifierons la méthode retenue
pour estimer les modèles d’évaluation des prix dans le cadre de notre application.
Arrivés à ce stade de l’étude, il sera non seulement possible d’apporter une justifica-
tion au modèle de formation des prix retenu, mais aussi d’en déterminer la capacité
d’expertise et les limites.
Enfin, dans le septième et dernier chapitre, nous présenterons une méthode d’ana-
lyse du marché immobilier mise au point pour aider les ménages candidats à un achat
dans l’ancien à mieux définir leurs projets immobiliers et à les rassurer sur la ra-
tionalité économique de leurs choix. Illustrée à partir des ressources de la base de
données de la FNAIM, cette méthode est à l’origine d’un outil d’aide à la décision
que la FNAIM a souhaité mettre à disposition de ses adhérents pour répondre au
besoin d’information de leur clientèle et parce qu’il s’inscrit parfaitement dans la
perspective de valorisation de leur professionnalisme.
4
Première partie
Les déterminants des prix des
logements anciens
5
Chapitre 1
Théorie des prix hédoniques
1.1 Introduction
Imaginons un marché du logement rassemblant un grand nombre de ménages,
propriétaires ou accédants à la propriété, différents par leur taille, leur composition
et leur niveau de revenu, qui désirent acheter un logement. Supposons que le parc de
logements disponibles à la vente offre un éventail de biens présentant une grande va-
riété de caractéristiques. On peut penser que parmi ces ménages certains souhaitent
changer de logement pour disposer d’un produit mieux situé, de plus grande surface
ou de meilleure qualité, et améliorer ainsi leur bien-être dans l’occupation de leur
logement. Suivant cette logique, les ménages sont supposés accorder beaucoup de
valeur aux flux de services générés par les différentes caractéristiques du logement et
non pas seulement au logement lui-même. L’étude de leurs comportements renvoie
alors à la “nouvelle théorie du consommateur” et à l’analyse de la demande de biens
différenciés1 (Lancaster [1966]). L’analyse de la demande de biens différenciés est en
rupture avec l’approche classique traditionnelle qui suppose que les biens eux-mêmes
1
La notion de différentiation des produits a été introduite par Chamberlin [1933]. Elle repose
sur l’hypothèse que les firmes vendent sur de nombreux marchés des produits qui sont étroitement
substituables les uns aux autres, sans être cependant parfaitement homogènes. Les produits sont
alors différentiables sur leur qualité intrinsèque et sur les conditions dans lesquelles ils sont ven-
dus (importance du circuit commercial, dépenses de publicité, représentation plus ou moins bonne
acquise dans le passé par le vendeur).
6
procurent de l’utilité. Les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes mais pour les
services qu’ils rendent car ils sont associés à des “activités de consommation” qui
produisent chacune un “vecteur spécifique de caractéristiques”2 .
L’application la plus immédiate de cette approche est la théorie des prix hédo-
niques. A l’origine, l’analyse des prix hédoniques a été introduite par Court3 [1941]
pour supprimer les biais introduits dans la mesure de l’évolution des prix des au-
tomobiles en tenant compte de l’amélioration de leur qualité. Plus tard, elle a été
popularisée par Griliches [1971], puis utilisée pour expliquer les variations des prix
des biens différenciés saisies en coupe instantanée et pour examiner les compor-
tements de demande de biens différenciés. Comme le souligne Triplett [1986], les
modèles hédoniques ont été développés et employés bien avant que leur composante
théorique ait été comprise en faisant référence au modèle de Rosen [1974]. La pre-
mière application de la théorie des prix hédoniques à l’économie du logement a été
proposée par Ridker et Henning [1967], mais il revient à Freeman [1979] d’avoir été
le premier à en justifier l’usage pour expliquer les prix des logements. Follain et
Jimenez [1985a] proposent depuis une synthèse et une analyse critique des travaux
appliqués à l’économie du logement.
Nous verrons, au cours de ce premier chapitre, que la théorie des prix hédoniques
est devenue un cadre d’analyse adapté aux mécanismes de formation des prix des
logements anciens, puisque le coeur de la méthodologie se trouve dans l’évaluation
de la contribution des attributs d’un logement à son prix en expliquant sa valeur
observée par ses caractéristiques. La méthode reste néanmoins critiquable et la struc-
ture organisationnelle parfaite des marchés qu’elle retient peut être remise en cause.
Cependant, l’approche en termes de caractéristiques résidentielles qu’elle propose
permet de définir la valeur économique d’un logement comme le reflet du niveau des
avantages et des inconvénients que lui reconnait chaque ménage, en appréhendant
sa qualité intrinsèque mais aussi l’hétérogénéité de l’espace dans lequel il s’insère et
dont il est indissociable compte tenu de son immobilité.
2
Lancaster propose de renouveler la notion de bien en opérant une transformation entre l’espace
des biens et l’espace des caractéristiques. Cette transformation permet de résoudre le programme de
maximisation de l’utilité du consommateur, définie par hypothèse dans l’espace des caractéristiques,
sous une contrainte de budget, définie dans l’espace des biens.
3
Les travaux de Court [1941] concernent la construction d’indices des prix automobiles corrigés,
principalement, des évolutions de leurs poids et de leurs puissances. Ils sont illustrés dans Goodman
[1988].
7
1.2 La théorie des prix hédoniques : principe de la mé-
thode
Le corpus théorique de l’analyse des prix hédoniques proposé par Rosen est tou-
jours d’une extrême influence, bien que des aménagements aient été apportés. En
complément de l’article original de Rosen que nous reprendrons ici, le modèle théo-
rique est couvert avec détail par Bartik et Smith [1987], Epple [1987], Palmquist
[1984, 1999], Sheppard [1999] ou encore Eckland et alii [2001].
Rosen expose le principe de la méthode sous deux angles distincts :
— un angle statistique et économique qui concerne la définition d’une fonction
hédonique permettant de décrire un bien par ses caractéristiques et d’expliquer
les variations de prix de biens différenciés saisies en coupe instantanée,
— un angle davantage théorique qui permet de déduire de la fonction hédonique
une représentation des comportements des participants du marché.
Le modèle de Rosen distingue ainsi deux étapes. La première prévoit l’estimation
d’une fonction hédonique qui suppose que le prix d’un logement est une expression
directe de ses attributs. La seconde concerne la spécification à partir de ce cadre
réduit, des équations d’offre et de demande des caractéristiques sur un marché de
concurrence pure et parfaite.
1.2.1 La fonction de prix hédoniques
Dans un cadre hédonique, l’hétérogénéité des biens est réduite à un ensemble de
caractéristiques censé être représentatif du bien logement et de ce qu’il représente
pour le ménage qui l’acquiert. Le prix d’un logement est alors supposé dépendre
de différents facteurs qui définissent un vecteur de caractéristiques () où les 
( = 1    ) représentent les montants ou les niveaux des  caractéristiques rete-
nues pour décrire le logement :
 = (1 2     ) (1.1)
Le vecteur de caractéristiques distingue généralement les caractéristiques structu-
relles du logement, les caractéristiques de son environnement et les caractéristiques
socio-économiques de son voisinage.
1.2.1.1 Définition
La théorie des prix hédoniques suppose que le prix d’un logement est déterminé
par une combinaison particulière de ses caractéristiques. Il peut ainsi être exprimé
8
formellement par une fonction  de ses valeurs prises par le vecteur des caractéris-
tiques :
 =  () (1.2)
Ainsi, dans sa définition la plus large, l’analyse hédonique nécessite l’écriture
d’une relation qui associe à une variable dépendante représentant le prix du bien,
ses caractéristiques (1.1) que l’on qualifiera de variable indépendante ou explicative.
Cette relation (1.2) est la fonction de prix hédoniques.
1.2.1.2 Interprétation mathématique
Une fois les caractéristiques identifiées et mesurées par une analyse de régres-
sion, la fonction hédonique est interprétée comme la fonction qui désagrège les prix
des biens en prix implicites. Ils sont qualifiés d’implicites car estimés à l’aide de
méthodes économétriques et non directement observables. Le prix du bien reflète
alors le fonctionnement des marchés implicites sur lesquels se négocient les caracté-
ristiques qui sont considérées comme des biens de nature particulière, puisque pour
ces biens, il n’existe pas de marché et donc pas de prix directement observable. Plus
précisément, la dérivée première partielle de la fonction  par rapport à toute ca-
ractéristique 
³
()

´
définit le prix marginal implicite de cette caractéristique et
fournit une mesure de l’accroissement du prix du logement pour une variation de
cette caractéristique4 .
La définition d’une fonction hédonique et l’estimation des prix implicites per-
mettent donc :
— de mesurer la contribution de chacune des caractéristiques du bien à la forma-
tion de son prix,
— et ainsi d’expliquer le différentiel de prix qui peut être observé entre deux biens
de même nature.
1.2.1.3 Interprétation économique
La théorie des prix hédoniques repose sur l’hypothèse que les ménages valorisent
les caractéristiques des biens qui affectent leur satisfaction5 ou encore les externali-
4
“Hedonic Prices are defined as the implicit price of attributes and are revealed to economics
agents from observed prices of differentiated products and the specific amounts of characteristics
associated with them” (Rosen, 1974, page 34).
5
Les préférences du consommateur sont ici représentées par une simple classification pour décrire
leurs sensations subjectives associées à la satisfaction ou au plaisir qui découle de la consommation
d’un bien. Elle fait référence à une mesure ordinale.
9
tés (positives ou négatives) qu’elles génèrent. Elle fait écho à la théorie classique qui
suppose que les agents effectuent des choix rationnels, leur but étant la maximisa-
tion de leur satisfaction procurée par l’acquisition d’un bien. Dans ce contexte, les
prix implicites représentent les dispositions marginales à payer des ménages pour la
consommation d’une caractéristique particulière6 . Si les conditions d’équilibre du
marché sont réunies, elles révèlent la dépense maximale qu’ils consentiraient à payer
pour bénéficier de leur usage.
Les dispositions marginales à payer La théorie classique permet d’intégrer
le logement dans le calcul économique du consommateur et d’obtenir une formali-
sation de son prix. Plus exactement, les caractéristiques du logement apparaissent
comme des biens traditionnels auxquels le ménage doit consacrer une certaine somme
d’argent pour les consommer. Le consommateur rationnel décidera alors du prix en-
visageable pour son logement en tenant compte d’une contrainte de revenu. En
supposant qu’il dispose d’un revenu  et que ses préférences peuvent être représen-
tées par une fonction d’utilité  qui dépend des caractéristiques  du logement et
de la consommation d’un bien composite  de prix , son vecteur de consommation
optimal doit vérifier le programme suivant :
⎧
⎪⎨
⎪⎩
  ( )
s.c. :  +  () ≤ 
(1.3)
La maximisation de l’utilité du consommateur est achevée lorsque les utilités
marginales de chacun des arguments de sa fonction d’utilité pondérées par leurs
prix sont égales7 :
 ( )

Á
 ( )

=
 ()

Á
 (1.4)
Cette condition d’optimalité (1.4) précise quelle quantité additionnelle de bien 
le consommateur doit disposer pour compenser la réduction (marginale) d’une unité
de consommation de la caractéristique  sous la contrainte du maintien de son
6
La disposition marginale à payer est quant à elle une mesure cardinale de la valeur. Elle décrit
le montant qu’un agent est disposé à payer pour consommer une unité supplémentaire du bien.
7
La solution du programme du consommateur est définie par la condition du premier ordre du
système.
10
utilité8 . Multipliée par , elle indique donc le coût marginal de cette perte. Au-
trement dit, elle exprime la disponibilité marginale à payer9 (1.5) du consommateur
pour éviter cette perte :

µ
 ( )

Á
 ( )

¶
=
 ()

= 
0
() (1.5)
Graphique 1.1. La fonction de prix hédoniques
Nous pouvons illustrer la fonction hédonique par un graphique qui montre com-
ment la quantité d’une caractéristique particulière d’un logement, soit 1 sa sur-
face, influence son prix, la quantité des autres caractéristiques demeurant inchangée
(2     ) = (∗
2     ∗
) 
Dans cet exemple (graphique 1.1), la croissance de la fonction hédonique traduit
l’hypothèse intuitive que le prix d’un logement est d’autant plus élevé que sa surface
est grande (figure A). Par ailleurs, sa concavité renvoie à la décroissance du prix
marginal en fonction de la taille du logement : le consommateur sera prêt à payer
davantage pour disposer d’un m2 supplémentaire pour un logement de 30 m2 que
pour un logement de 100 m2. Les dispositions marginales à payer pour un change-
ment dans le niveau de 1 à niveau d’utilité constante sont reportées sur la figure
8
Ce n’est autre que le taux marginal de substitution entre le bien  et la caractéristique .
9
La disposition marginale à payer indique le montant maximum que le consommateur serait
prêt à payer pour bénéficier, par exemple, d’une pièce supplémentaire, d’une salle de bains supplé-
mentaire, et plus généralement d’une unité supplémentaire de caractéristique.
11
B ci-dessus : elles précisent le montant additionnel qu’un consommateur serait prêt
à payer pour se déplacer vers un ensemble de caractéristiques (1 ∗
2     ∗
) avec
plus de 1.
L’équilibre du consommateur L’équilibre du consommateur présenté par Rosen
n’est autre qu’une généralisation de l’équilibre standard à un univers comportant
 + 1 biens (les  caractéristiques auxquelles s’ajoute le bien composite). Sur un
marché régi par la concurrence pure et parfaite, les ménages, preneurs de prix10 ,
maximisent alors leur utilité en se déplaçant simultanément sur chaque courbe de
prix implicite jusqu’à ce qu’ils atteignent un point où leur disposition marginale
à payer égalise le prix implicite de chacune des caractéristiques. Si le marché est
supposé à l’équilibre, le prix implicite d’une caractéristique
³

0
()
´
est alors égal
à la disponibilité marginale à payer du consommateur pour cette caractéristique.
Par conséquent, la fonction de prix hédoniques fournit en un point, une évaluation
de celle-ci. C’est pourquoi la fonction de prix implicites apparaît comme le lieu des
équilibres potentiels pour le consommateur. Pour établir ce résultat, Rosen réserve
une place centrale au concept de la fonction d’enchères pour faire référence aux
modèles de localisation résidentielle d’Alonso [1964] et Muth [1969].
Dans un modèle où le prix est déterminé par un mécanisme d’enchères, chaque
bien est attribué au plus offrant. Sur cette base, l’affectation des biens immobiliers
dépend du pouvoir d’achat des différents agents et de leurs préférences. Le modèle
d’Alonso et Muth suppose que les agents économiques préfèrent les biens les plus
centraux parce que les facteurs attractifs sont situés au centre et qu’ils sont prêts à
payer plus cher un logement pour être proches de leur lieu de travail11 parce qu’ils
cherchent à économiser les coûts de transport. Le raisonnement mené par Alonso et
Muth sur deux caractéristiques du logement (quantité de sol et distance du centre)
est généralisé par Rosen pour un bien quelconque à  caractéristiques12 .
10
Les ménages peuvent être vus comme faisant face à des barêmes de prix marginaux.
11
Le résultat prédit par le modèle prévoit la décroissance des prix des logements du centre vers
la périphérie (cette hypothèse est vérifiée dans les pays latins où les catégories les plus riches ont
tendance à se localiser au centre, renvoyant ainsi les moins riches dans des logements plus denses à
la périphérie. Le modèle anglo-saxon, quant à lui, prévoit l’inverse : les ménages riches sont localisés
à la périphérie et les moins riches dans le centre).
12
La fonction d’enchères indique le montant maximum que le consommateur est prêt à payer
pour consommer une combinaison particulière de caractéristiques, son niveau d’utilité et son revenu
demeurant constants. Sa dérivée partielle première par rapport à la `
caractéristique révèle la
dépense maximale que le consommateur consentirait à payer pour bénéficier d’une unité supplé-
mentaire de caractéristiques.
12
Exprimée sous sa forme réduite et intégrée dans le calcul économique du consom-
mateur, la fonction de prix hédoniques révèle ainsi la dépense maximale que le
consommateur consentirait à payer pour bénéficier de son usage. Mais elle ne repré-
sente les comportements d’aucun des participants du marché. C’est pourquoi Rosen
propose d’en inférer la fonction de demande dans un second temps.
1.2.2 La demande de caractéristiques
La fonction de demande d’un bien est “habituellement” estimée par l’observation
des prix et des quantités achetées de ce dernier. Le principe d’estimation de la
demande d’un bien différencié est analogue à la différence près que les prix des
caractéristiques ne sont pas observés (Maleyre [1994]). C’est pourquoi leur estimation
justifie l’existence de la “première étape” de la méthode proposée par Rosen.
1.2.2.1 Stratégie d’estimation
Rosen propose d’estimer la fonction de demande d’une caractéristique particu-
lière13 en combinant les prix implicites issus de la première étape et les attributs
socio-économiques des ménages. Dans son exposé, il indique que les prix margi-
naux calculés et introduits comme variables dépendantes de la fonction de demande
produisent une variété d’observations, “a garden variety”, similaire à ce que donne
l’observation directe de prix dans le cadre habituel de biens homogènes. Ainsi, les
prix implicites, supposés représentatifs des disponibilités marginales à payer, sont
régressés sur les quantités de caractéristiques observées et sur un jeu de variables
pertinentes permettant de distinguer des catégories de ménages ou susceptibles d’in-
fluencer leurs goûts et leurs préférences : revenu, âge et niveau d’éducation par
exemple.
1.2.2.2 Equilibre du marché
Selon Rosen, la réalisation de l’équilibre provient de l’interaction entre offreurs
et demandeurs aux objectifs divergents : les acheteurs veulent acquérir un bien qui
leur procure un maximum d’utilité à bas prix, alors que les vendeurs souhaitent
vendre un bien au prix le plus haut. Le marché concilie ces objectifs en mélangeant
offreurs et demandeurs14 de sorte qu’à contrainte de revenu donnée, l’acheteur ne
13
Il s’agit plus exactement ici de déduire la fonction de demande inverse des dispositions margi-
nales à payer.
14
Dans le modèle de Rosen, l’équation hédonique résulte de l’interaction sur le marché de consom-
mateurs et d’offreurs. Les offreurs, en adoptant un comportement symétrique à celui du consomma-
13
peut augmenter son utilité et qu’à technologie de production donnée, le vendeur ne
peut accroître son profit en augmentant le prix.
Le marché définit ainsi un ensemble de prix comme lieu d’équilibre qui repré-
sente les montants que les ménages sont disposés à payer pour un bien (ou une
caractéristique) et la volonté des offreurs à accepter ces offres. A ces prix, aucun
ménage n’est capable d’accroître l’utilité que lui procure l’acquisition d’un logement
déterminé. C’est l’hypothèse fondamentale de la théorie des prix hédoniques. Les
prix implicites sont déduits des prix observés sur un marché supposé à l’équilibre
à un moment donné, en concurrence pure et parfaite, et ne sont significatifs qu’au
voisinage de cet équilibre.
La réalisation de cet équilibre nécessite néanmoins que les conditions de la concur-
rence pure et parfaite soient réunies :
— les ménages disposent d’une information parfaite : acheteurs et vendeurs ont un
accès facile à l’information et sont pleinemement informés des prix de chacune
des caractéristiques de chacun des biens15 ,
— l’espace dans sa globalité peut être traité comme un marché unique de service
logement : les individus doivent posséder de l’information sur tous les choix
alternatifs qu’ils peuvent réaliser et sont libres de choisir un bien,
— les consommateurs sont preneurs de prix et ne peuvent pas les influencer par
le jeu de leurs actions individuelles : les transactions s’effectuent sur la base
d’un barême de prix unique. La fonction hédonique s’ajuste simultanément à
des changements qui opèrent dans l’expression de l’offre et de la demande : en
changeant les conditions de la demande (de nouveaux ménages migrent sur le
marché) ou de l’offre (de nouveaux logements sont disponibles à la vente et
d’autres disparaissent), le marché se réajustera et un nouvel ensemble de prix
hédoniques en résultera.
Ainsi les coûts d’ajustement (principalement du côté de la demande) sont nuls :
qu’il s’agisse des coûts de transactions qui peuvent intervenir dans le prix global
d’un bien (temps de recherche, frais d’agence, frais de notaire, taxes...) ou des coûts
de déplacement (pas d’obstacle à la mobilité géographique des ménages).
Cette version des interactions qui peuvent intervenir sur le marché est bien en-
tendu très simpliste, la réalité des marchés étant bien plus complexe. Les difficultés
teur, proposent des prix d’offre qui dépendent des caractéristiques des biens. On peut supposer que,
pour des applications concernant l’immobilier, il ne soit pas nécessaire de modéliser le côté offre du
marché car les quantités et les caractéristiques des logements sont prédéterminées et fixes.
15
Dans le cas contraire, leurs valorisations implicites seraient en perpétuel changement et varie-
raient de vente en vente.
14
de mise en oeuvre de la méthode et les débats que la théorie soulève viennent en
témoigner.
1.3 Les limites
Le modèle théorique de Rosen apparaît aujourd’hui incontournable dans l’ana-
lyse des marchés des biens différenciés. Il est d’un apport fondamental car il permet
d’étudier les mécanismes de formation des prix : la fonction hédonique révèle les prix
implicites des caractéristiques qui, rapprochés des déterminants socio-économiques
de la demande, révèlent à leur tour les préférences des agents. Mais la mise en oeuvre
de la méthode est délicate, ce qui peut venir limiter sa validité et son interpréta-
tion. En effet, les problèmes de spécification de l’équation de prix, de définition de
la structure organisationnelle des marchés et d’identification de la demande de ca-
ractéristiques sont de nature à remettre en cause le modèle théorique, alors que les
difficultés liées à la construction de bases de données nécessaires à son estimation
sont propices à limiter son aspect opérationnel.
1.3.1 La spécification de l’équation de prix
Le modèle de Rosen ne précise pas la nature de la forme fonctionnelle de l’équation
de prix. Or si ce choix est généralement réalisé sur la base de la qualité statistique
des travaux empiriques, il n’est pas une fin en soi car il constitue la première étape
de la fonction de demande et peut être de nature à remettre en cause la nature de
l’équilibre.
1.3.1.1 Linéarité versus non linéarité
L’hypothèse de linéarité de la fonction hédonique peut paraître discutable dans
la mesure où elle implique que le prix d’une caractéristique ne dépend ni de sa quan-
tité consommée, ni de la quantité consommée des autres caractéristiques. A ce titre,
Rosen ne suppose pas cette relation linéaire en postulant que les consommateurs
arbitrent entre les différents attributs d’un bien en les “détachant” et en les “repa-
ckageant”. C’est pourquoi une fonction non linéaire peut être préférée car le niveau
des prix est alors commandé par celui des quantités des attributs sélectionnés. Mais
dans ce cas, les prix implicites peuvent varier d’un consommateur à l’autre, les indi-
vidus ne faisant généralement pas l’acquisition des mêmes quantités de services. Par
conséquent, la non linéarité de la fonction soulève à son tour un problème : un pro-
blème théorique de significativité de l’équilibre car les quantités de caractéristiques
15
peuvent être échangées à des prix différents.
1.3.1.2 Stabilité de la forme fonctionnelle
Si les marchés sont parfaitement concurrentiels, toutes les transactions s’effec-
tueront sur la base d’une série de prix unique. Au contraire, si les préférences des
ménages et si les caractéristiques des logements disponibles à la vente - les deux clés
de l’analyse - sont différentes d’un marché à un autre, il est possible que les consom-
mateurs paient des prix différents et qu’alors coexistent de multiples séries16 de
prix. C’est pourquoi la théorie suggère d’exploiter l’hypothèse de segmentation des
marchés (Straszheim [1975]) et d’estimer différentes fonctions hédoniques sur chacun
des sous-marchés considérés, afin d’admettre l’identité des prix implicites sur chacun
de ces derniers. D’ailleurs les développements tels que les présentent Smith, Rosen
et Fallis [1988] indiquent que la tendance est plutôt à des modélisations spatialisées
sur des marchés restreints.
1.3.2 L’estimation de la demande de caractéristiques
L’estimation de la seconde étape soulève deux principaux problèmes économé-
triques : un problème d’endogénéité et un problème d’identification. Le premier se
pose si l’hypothèse de non linéarité de la fonction hédonique est retenue, car les
prix et les quantités de caractéristiques sont alors endogènes puisque déterminés si-
multanément par le consommateur. Le second renvoie quant à lui à la difficulté de
distinguer l’équation de demande de caractéristiques de l’équation de prix car les
prix marginaux sont souvent uniques. Pour remédier au problème d’identification, de
nombreux auteurs pensent que la meilleure solution est d’agréger les prix implicites
estimés sur différents marchés et sur les paramètres de la demande représentatifs
des marchés considérés17 . Ils supposent qu’une fois les variables socio-économiques
contrôlées, il n’existe pas de différences systématiques entre les individus de localités
différentes.
Une stratégie alternative pour identifier la demande est de placer des restrictions
fonctionnelles sur l’équation de prix hédoniques. Par exemple, Mendelsohn [1985]
propose de contraindre le gradient de prix à être compatible avec les équations
structurelles (du système d’offre et de demande de Rosen), ces dernières ne pouvant
16
Si les prix observés sont plus importants sur un marché donné, on peut s’attendre à ce qu’il
en soit de même pour les prix implicites.
17
Les travaux de Follain et Jimenez [1985b] présentent des estimations de la demande de carac-
téristiques suivant cette logique.
16
être identifiées que s’il y autant de paramètres linéairement indépendants dans le
gradient de prix qu’il y en a besoin pour estimer les fonctions d’offre et de demande.
Il achève ainsi l’identification de la demande en contraignant la forme fonctionnelle
(par une expansion polynomiale) aux équations structurelles inconnues, c’est-à-dire
que lorsque les équations sont combinées à l’observation des caractéristiques des
offreurs et des demandeurs, elles génèrent le gradient de prix observé.
1.3.3 La segmentation des marchés et la concurrence monopolis-
tique
La spécificité du bien logement et la différentiation des produits qui en découle
sont de nature à déterminer une segmentation des marchés. Comme l’illustre Jayet
et Kazmierczak [2001], au problème d’hétérogénéité des biens s’ajoute celui des dis-
parités de la demande des ménages. En effet, la diversité des préférences et des
contraintes budgétaires des ménages entraîne à travers le mode de fixation des prix
une forme de ségrégation. En comparant la disposition à payer d’un célibataire et
d’un couple avec enfants pour un logement en fonction de sa surface, ils montrent
que les prix exprimés sur le marché ne représentent que les dispositions à payer des
agents les plus élevés18 . Mouillart [1995] estime d’ailleurs que le caractère durable
du bien logement rend permanentes les différentiations éventuelles des offres et des
demandes et qu’ainsi les offreurs se trouvent en situation de quasi-monopole face à
une demande abondante, compte tenu du niveau des besoins économiques et sociaux
à satisfaire. Les prix ne jouent alors plus le rôle de variables d’ajustement selon la
logique de marché décrite par la concurrence pure et parfaite, ils sont en revanche des
variables sous contrôle des offreurs qui déterminent les prix auxquels ils proposent
les logements suivant le pouvoir d’achat de la clientèle. Si l’on suppose ainsi que
les marchés du logement sont hiérarchisés et segmentés, l’hypothèse selon laquelle le
marché est régi par la concurrence pure et parfaite mérite d’être reconsidérée.
La concurrence monopolistique est une notion intermédiaire entre la concurrence
parfaite et le monopole19 .
18
Le ménage avec enfants ayant des besoins plus importants en termes de surface, sa disposition
à payer sera supérieure à celle d’un célibataire quand les logements seront suffisamment grands. A
l’inverse, le célibataire sera prêt à payer proportionnellement davantage pour des logements de plus
petite surface.
19
On dit qu’une entreprise est en position de monopole lorsqu’elle est seule à offrir un certain type
de bien. Il s’agit donc d’une situation opposée à celle de la concurrence parfaite. Sur les marchés de
concurrence parfaite, offreurs et demandeurs sont en nombre très élevé et aucun d’entre eux n’est
individuellement responsable de la détermination des prix. A l’inverse, l’entreprise en situation de
17
Comme sur un marché de concurrence parfaite, la concurrence monopolistique est
caractérisée par le grand nombre de vendeurs. Toutefois, en concurrence parfaite les
produits échangés sont parfaitement normalisés et standardisés et en conséquence,
l’identité du vendeur ne compte pas. Un marché de concurrence parfaite correspond
alors à la confrontation totalement anonyme de l’ensemble des acheteurs et de l’en-
semble des vendeurs. Sur un marché de concurrence monopolistique, les acheteurs
ont en revanche une préférence plus ou moins marquée pour la variété vendue par
tel ou tel vendeur. Chaque vendeur dispose alors d’une certaine latitude dans la
détermination du prix de ses produits et c’est ce qui rapproche la concurrence mo-
nopolistique d’un marché de monopole. Comme pour le monopole, un vendeur en
situation de concurrence monopolistique tient compte de la relation entre le prix
des produits qu’il commercialise et la demande qui lui est adressée en repérant ses
propriétés. Toutefois, à la différence d’un marché de monopole où le produit est
supposé ne pas avoir de substitut proche, un marché de concurrence monopolistique
rassemble des agents qui proposent des biens étroitement substituables les uns aux
autres.
En résumé, la concurrence monopolistique se rapproche du cadre de la concur-
rence parfaite par le grand nombre de vendeurs, mais elle s’en différencie du fait de
la préférence plus ou moins marquée qu’ont les acheteurs pour la variété de carac-
téristiques vendue par telle ou telle entreprise. Elle se rapproche du monopole, car
les vendeurs décident du prix auquel ils vendent leurs produits en tenant compte
de la relation entre le prix et la demande qui leur est adressée et s’en distingue
cependant, car pour chaque vendeur il existe des concurrents qui commercialisent
des biens étroitement substituables à son propre portefeuille.
Ce cadre ainsi défini permet d’échafauder un système de référence dans lequel se
forment les prix, véritables indicateurs de la capacité à payer des agents économiques.
Dans cette structure particulière de marché, la demande se voit donc attribuer un
rôle prédominant dans l’analyse et laisse peu de place aux agents pour ce qui est de
la formation de l’offre.
1.3.4 Le problème des données
La mise en oeuvre de la méthode est délicate car elle nécessite de rassembler des
prix de transactions. La meilleure solution pour estimer la fonction de prix hédo-
niques est, sans nul doute, d’utiliser les prix de ventes réalisées. Nous verrons dans
monopole est seule à offrir le bien envisagé et c’est elle qui détermine le prix auquel elle vend sa
production. On dit qu’elle est “faiseur de prix” par opposition aux agents qui interviennent sur des
marchés de concurrence parfaite qui sont preneurs de prix.
18
le chapitre quatre qu’en pratique des solutions alternatives sont souvent utilisées, de
nombreux auteurs ayant recours à des prix d’offre, à des évaluations d’experts ou
encore à des prix moyens issus de rencensements suffisamment homogènes. De plus,
comme l’objectif de la théorie des prix hédoniques est de déterminer l’effet d’une
caractéristique sur le prix d’un bien, toutes choses égales par ailleurs, des problèmes
apparaissent avec la mesure des caractéristiques structurelles du logement et de son
environnement et le contrôle des biais liés à l’omission de variables. Le choix du
vecteur de caractéristiques soulève alors plusieurs questions importantes :
— Quelles mesures de caractéristiques doivent être utilisées ?
— Est-il possible de séparer les effets de différentes caractéristiques quand ces
mesures sont corrélées ?
— Est-ce que les individus sont assez proches les uns des autres dans la perception
de la qualité des logements, laquelle est supposée gouverner les choix reflétés
dans les prix des biens ?
Par ailleurs de nombreux auteurs ont essayé d’estimer la demande pour les ca-
ractéristiques d’un logement en suivant la méthodologie en deux étapes suggérée
par Rosen : une estimation d’une équation de dépense hédonique et une estimation
d’un système d’équations structurelles, en combinant les prix estimés générés par
la fonction hédonique avec les variables modifiées d’offre et de demande observées.
Mais la création de la “garden variety” de Rosen est délicate, sinon impossible, car
rares sont les observatoires qui associent la composante revenu d’un ménage à la
transaction qu’il réalise20 .
Les difficultés liées à la deuxième phase de la méthode ne remettent cependant
pas en cause l’intérêt de la première phase qui peut être menée pour valoriser les
caractéristiques du logement, même si les études consacrées à la spécification d’une
fonction hédonique des prix des logements existants souffrent encore de deux prin-
cipaux écueils :
— elles se limitent à des territoires définis par les frontières communales, les “Me-
tropolitan Statistical Areas”, et sont rarement disponibles à l’échelle d’un pays ;
— elles présentent un caractère ponctuel, les résultats produits étant peu souvent
actualisés à périodicité fixe.
20
On notera par exemple l’Observatoire du Financement du Logement (OFL) de CSA qui dispose
précisément de l’ensemble de ces données.
19
1.4 La rationalité de la demande : le service logement
En leur conférant des propriétés similaires aux prix “ordinaires”, les prix im-
plicites permettent de valoriser les caractéristiques du logement. Les prix des ca-
ractéristiques diffèrent cependant en certains points des prix ordinaires. En effet,
ils doivent être estimés avec la fonction hédonique car ils ne sont pas directement
observables, et, de plus, les relations entre ces derniers peuvent être complexes et
difficilement interprétables. Si les caractéristiques estimées à partir de la fonction
hédonique doivent avoir un sens économique et pas seulement constituer un artefact
statistique d’une régression, il faut alors que les variables choisies comme caracté-
ristiques en aient un également : elles auront du sens si elles représentent ce que
l’acheteur désire dans l’achat du bien21 (Triplett [1986]). La valeur économique de
chaque bien doit refléter le niveau des avantages et des inconvénients du moment
ou des potentiels que lui reconnaît chaque ménage. Par exemple, le ménage peut
arbitrer entre les zones de localisation, et en acceptant de payer un prix plus élevé
il accèdera à un segment de meilleure qualité. C’est dans un sens très large que la
localisation est prise ici : c’est en effet un terme polysémique (Rhein [1998]) ren-
voyant tout autant à des lieux précis et des milieux définis qu’à des types d’habitats
ou de tissus urbains. Dans cette optique, le service logement est un vecteur de ca-
ractéristiques généralement décomposé en trois sous-ensembles distincts (Mouillart
[1995]) : il s’agit des caractéristiques structurelles du logement pour le premier, des
caractéristiques liées à son environnement physique pour le deuxième et enfin de son
positionnement dans son environnement socio-économique pour le troisième.
1.4.1 Les caractéristiques structurelles
Le premier jeu de variables le plus couramment utilisé pour valoriser un logement
concerne le confort du logement et la qualité du bâti. Il permet de caractériser l’unité
habitée par une multitude d’attributs et par son environnement spécifique. Les prix
implicites des caractéristiques structurelles sont supposés positifs sous l’hypothèse
naturelle que le prix d’un logement est d’autant plus élevé que son confort est grand.
Mais ils peuvent être négatifs : c’est le cas lorsque la “valeur prise” ou le niveau d’une
caractéristique permet de révéler un différentiel de prix. Par exemple, si le type de
maison est distingué, une décote (prix implicite négatif) peut être observée pour
une maison par rapport à une villa (prix implicite positif) en référence au pavillon.
21
En effet le consommateur, agent économique rationnel, vise par hypothèse à retirer la plus
grande satisfaction possible de la consommation du service logement, défini dans la tradition de
Lancaster par l’agrégation des services rendus par chacune de ses caractéristiques.
20
Suivant le même principe, le prix implicite de la caractéristique “exposition” pourra
être positif si le séjour est orienté vers le sud, et de signe opposé s’il fait face au
nord.
1.4.1.1 L’unité habitée
La catégorie du logement précise le type d’habitat, collectif ou individuel22 .
Elle permet de distinguer les appartements à rénover, neufs, anciens, les villas, les
pavillons, les maisons traditionnelles. La taille du logement constitue un élément
important, ceci s’expliquant par une disposition à payer plus grande par des consom-
mateurs voulant plus d’espace, et plus particulièrement d’espace fonctionnel (Li et
Brown [1980], Fletcher et alii [2000]). Elle peut être appréhendée à la fois en termes
de superficie (totale et du séjour), de nombre de pièces et de chambres, de nombre
de niveaux. L’agencement des pièces et leur exposition peuvent être également pris
en compte. L’ensemble des éléments de confort de l’unité habitée fait référence à
l’existence d’une cuisine équipée ou aménageable, d’une ou plusieurs salles de bains
et/ou salles d’eau, d’un balcon et/ou d’une terrasse, d’un chauffage électrique, d’une
chaudière ou d’un ballon, si l’eau chaude n’est pas collective, d’une installation de
climatisation, de vitres spéciales et d’autres matériaux d’isolation acoustique ou
thermique.
1.4.1.2 L’environnement spécifique du bien
L’environnement spécifique du bien concerne les caractéristiques du bâtiment et
de son voisinage immédiat.
Les caractéristiques du bâtiment font référence dans l’ensemble à son année de
construction23 , son architecture, son état général, aux caractéristiques de son chauf-
fage et aux annexes du logement : présence de garages, parkings, caves. Plus précisé-
ment, pour les appartements, les étages sont dénombrés (l’emplacement du logement
à l’intérieur du bâtiment peut être défini), l’existence d’ascenseur est précisée, le stan-
ding de l’immeuble est apprécié. Pour les maisons, le type de couverture est identifié
22
Un logement collectif (type appartement) est un logement situé dans un immeuble avec plu-
sieurs logements. Un logement individuel (type maison) est lui situé dans une construction compre-
nant un seul logement.
23
L’âge du bâtiment permet de prendre en compte la dépréciation des logements (Malpezzi et alii
[1987]) : toutes choses égales par ailleurs, pour un logement construit à la date , la vente observée
en  + 1 est supposée de prix moindre. A ce titre, Knight et alii [2000] proposent de repérer les
travaux de maintenance qui permettent de compenser cette dépréciation et de conserver le bien “en
l’état” (le montant de ces opérations n’étant pas significatif dans leur modèle).
21
(tuile, ardoise...), les greniers et les sous-sols sont repérés et l’existence de dépen-
dances est précisée. Il peut être en outre indiqué si les habitations sont mitoyennes
ou si elles font partie d’un lotissement.
L’environnement spécifique du bien est défini par les caractéristiques de la cein-
ture du logement, qu’il s’agisse de sa sécurité à l’entrée : présence d’un gardien, d’un
digicode ou encore d’un interphone dans le hall de l’immeuble, ou de son environ-
nement immédiat : parties privatives, piscine, espaces verts24 (pour les maisons, la
surface du terrain est mesurée), jardins, parcs, implantation de barrières autour de
la résidence, présence de milices privées...
1.4.2 L’environnement physique
Le second jeu de variables concerne le positionnement du logement dans l’espace.
Les localisations à proximité d’infrastructures qui permettent d’atteindre rapidement
les centres urbains sont les plus recherchées et donc plus coûteuses que celles mal
reliées au reste de l’agglomération. En effet, elles sont appréciées pour la présence
d’équipements publics, commerciaux, culturels et éducatifs à proximité et plus gé-
néralement pour les caractéristiques de l’environnement ou les aménités25 des sites.
La mesure des attributs d’une localisation est délicate, car ils sont source d’exter-
nalités qui peuvent générer un coût ou un bénéfice pour le ménage. Les externalités
positives sont celles qui sont perçues comme bénéfiques et qui ont une influence posi-
tive sur le prix. A l’inverse, les externalités qui génèrent un coût sont dites négatives
et affectent, à la baisse, les prix. De plus, il se peut qu’une externalité soit perçue
à la fois positivement et négativement. C’est le cas typique d’un centre commercial
qui produit par sa convenance une externalité positive et une externalité négative
en raison des problèmes de congestion de trafic et de pollution que sa présence peut
entraîner ou bien encore des infrastructures de transport qui autorisent des gains
de temps lors des déplacements mais qui sont à l’origine de pollution urbaine. Par
ailleurs, la plupart des externalités ont un impact local : leurs effets et la perception
de leurs intensités s’amenuisent à mesure que les ménages s’en éloignent. Les rési-
dents proches de la source de l’externalité seront directement affectés, alors que ceux
24
Au Canada, Des Rosiers et alii [2002] estiment que les appartements gagnent en moyenne 7,7%
de valeur à proximité des terrains verts.
25
En anglais moderne, les amenities font référence aux équipements collectifs. Par là, ce mot est
revenu en français, au pluriel, pour évoquer les agréments d’une ville et certains équipements qui y
contribuent (jardins publics, trottoirs ombreux, rives paysagées). Cette reprise en faux sens traduit
l’accent qui est mis sur la qualité du cadre de vie.
22
plus éloignés le seront dans une moindre mesure (Fujita26 [1989]). C’est pourquoi
les variables descriptives de l’environnement physique du bien sont mesurées par des
distances de proximité (distances euclidiennes, distances temps, distances réseaux)
et plus exactement par des fonctions non monotones de la distance pour prendre en
compte les arbitrages entre les effets bénéfiques d’une grande accessibilité et le coût
de la proximité.
1.4.2.1 Les infrastructures de transport
Le repérage des infrastructures de transport, routières ou ferroviaires, permet
de valoriser les zones résidentielles. Les systèmes de transport facilitent l’accès au
travail et à diverses activités culturelles ou de loisirs... et génèrent des gains de
temps que les ménages sont prêts à capitaliser dans le prix d’un logement : un
logement situé dans une zone bien desservie présentera un niveau plus élevé qu’un
même logement situé dans une zone mal desservie. Ainsi en France, Deymier [2002]
propose de mesurer les effets des gains d’accessibilité induits par la mise en place du
périphérique nord de Lyon sur les prix des logements par le recours à une analyse de
prix hédoniques. Dans son analyse des configurations urbaines, Peggy [2002] montre
que la distance au centre comme déterminant microéconomique de la localisation des
ménages apparaît comme prépondérante27 . Aux Etats-Unis, Grass [1992] observe
des prix des logements plus élevés à proximité des stations de métro à Washington.
Dans cette même ville, Benjamin et Sirmans [1996] repèrent une diminution des
loyers d’habitation à mesure que les logements s’éloignent des stations de métro :
chaque augmentation de 1/10 de mile28 de la distance de la station se traduit
par une diminution de loyer d’environ 2.5%. Le modèle de Landis et Cevero [1995]
mesurant les impacts du train express californien (le “Bay Area Rapid Transit”) sur
les prix des logements illustre encore bien cela : un logement à proximité immédiate
du réseau de transport est vendu 38% plus cher qu’un logement qui en est distant.
26
Dans son modèle de choix de localisation résidentielle avec externalité, Fujita [1989] distingue
différents types d’aménités : les citygoods qui se caractérisent par un niveau de service homogène
sur l’ensemble de la commune, les neighborhoodgoods qui sont offerts de façon localisée si bien que
les ménages en retirent d’autant plus de bénéfices qu’ils habitent à proximité de ce bien et les
superneighborhoodgoods qui sont des biens dont les bénéfices dépendent également de la localisation
des ménages par rapport à l’offre mais qui peuvent occasionner des débordements.
27
Peggy [2002] note par ailleurs que l’augmentation des densités se trouve renforcée à mesure que
le niveau de revenu moyen des ménages s’accroît. Cette observation laisse penser que les ménages
priviligieraient une durée de transport moindre compte tenu d’une valeur temps croissante avec le
revenu.
28
Soit environ 160 mètres.
23
En Californie toujours, Boarnet et Charlempong [2001] isolent un effet positif sur
les prix des logements lié à la construction d’une autoroute à péage dans le comté
d’Orange. Armstrong [1994] estime que les résidences de Boston situées à proximité
d’une gare de banlieue gagnent 6.7% de valeur. Au Canada, Bajic [1983] estime
que les logements de la banlieue de Torento desservis par le train peuvent gagner
en valeur jusqu’à C$ 2237. Au Japon, So et alii [1997] montrent que les prix des
logements de Hong-Kong29 dépendent de leur proximité aux stations de métro et
aux arrêts de “mini-bus” qui favorisent le lien entre les différents modes de transports
(métro, bus, ferry...).
1.4.2.2 Les équipements commerciaux, culturels et éducatifs
Les ménages s’orientent vers les zones permettant d’accéder efficacement aux
centres générateurs d’externalités. La présence à proximité de centres d’achats (épi-
ceries, commerces), d’installations de loisirs (équipements sportifs, gymnases, pis-
cines), d’un centre médical ou d’un hôpital ou encore d’un bureau de poste, rendent
la vie beaucoup plus agréable et plus facile. Par exemple, Sirpal [1994] examine les
différences de prix des résidences de Gainesville (Floride, Etats-Unis) observées à
proximité des centres commerciaux. Ses résultats indiquent que la présence d’un
centre commercial a un impact positif sur la valeur des biens voisins et que cet
impact est en outre proportionnel à la taille du centre commercial considéré.
Parmi l’ensemble des équipements qui peuvent avoir une influence dans le choix
du quartier, nous retiendrons que la proximité d’établissements scolaires joue un rôle
de premier plan (Downes et Zabel [1997], Crone [1998], Brasington [1999]). Deux in-
dicateurs sont généralement retenus pour apprécier la qualité des écoles (secondaires
notamment). Le premier indicateur renvoie à des critères de performances (mesure
des taux de réussite aux examens) ou de qualité de l’enseignement telles que les
parents peuvent la percevoir : montant des dépenses engagées par enfant pour la
scolarité, ratio du nombre d’enseignants par nombre d’élèves, taille moyenne de la
classe. Dans le district de Dallas (Etats-Unis), Hayes et Taylor [1996] estiment par
exemple qu’une hausse de 1% de la qualité des écoles peut entraîner une augmen-
tation du prix des biens d’environ 0.3%. Le second indicateur concerne le repérage
des districts ou des cartes scolaires (Bogart et Cromwell [1991]). Il offre une vision
plus large de la qualité des écoles et permet de les comparer entre elles. Ainsi les
résultats de Black [1988] révèlent que les ménages américains marquent une préfé-
29
A Hong-Kong et plus qu’ailleurs, 90% des ménages utilisent les transports en commun en raison
d’une grande densité de population, de la concentration des activités et des problèmes de congestion
du trafic.
24
rence pour les écoles privées. Ils indiquent en outre que les logements à proximité
d’une école qui présente un taux de réussite de 5% supérieur à celui de l’école voi-
sine peuvent gagner en valeur jusqu’à 2%. De même en France, les travaux de Rhein
[1988] mettent en évidence l’inégale répartition des lycées et collèges au sein de l’ag-
glomération parisienne et les rapports entre les structures socioprofessionnelles des
ménages et le type d’offre scolaire, privée / publique, enseignement général / ensei-
gnement technique : les cadres et les professions intellectuelles supérieures accèdent
à un marché du logement qui coïncide avec une offre d’enseignement privé spatia-
lement plus concentrée dans les beaux quartiers et les banlieues huppées (Neuilly-
sur-Seine, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud) que l’offre publique. Pour les communes
du Val-d’Oise, Martinez et alii [1995] mettent en évidence qu’une hausse de 10%
du redoublement en cinquième30 entraîne une dépréciation de la valeur des biens
immobiliers de l’ordre de 1.7% [en 1990].
1.4.2.3 Les aménités des sites
L’esthétique de la localisation d’un bien joue également un rôle important dans
le choix d’un logement (Boyle et Kiel [2001], Jackson [2001]). En effet, les ménages
apprécient la vue qu’offre le logement sur certains sites naturels (mer, lac, montagne,
vallée...), cette appréciation pouvant dépendre de sa qualité (vue sur l’horizon, par-
tiellement ou peu dégagée). Par exemple aux Etats-Unis, Benson et alii [1998] es-
timent que les logements de Bellingham (Washington) situés face à la mer peuvent
gagner de 25 à 75% de valeur selon qu’ils proposent une vue dégagée ou non31 .
Selon Asabere et Huffman [1996], les logements à proximité d’un terrain de golf à
Mount Laurel (New Jersey) sont négociés près de 8% plus cher. Au Canada, Michael
et alii [1996] illustrent que la vue sur les lacs du Maine est capitalisée dans les prix
des logements. Au Japon, So et alii [1997] remarquent une forte corrélation entre la
vue et l’étage des appartements, ceux situés en hauteur offrant une vue plus déga-
gée. Les ménages peuvent également valoriser l’image de leur quartier et préférer les
espaces composés principalement d’habitations récentes et bien entretenues aux es-
paces composés majoritairement de propriétés insalubres, voire laissées à l’abandon.
30
Les auteurs considèrent que le taux de redoublement en cinquième est plus significatif que celui
de la sixième ou du baccalauréat car c’est en cinquième qu’est “toléré” le premier vrai décrochage
des élèves qui présentent un retard scolaire, alors qu’en sixième, il est d’usage de ne pas favoriser le
redoublement.
31
Benson et alii [1998] mettent en outre en évidence que ce gain diminue à mesure que les
logements sont éloignés de la mer, les logements situés à 2 miles présentant alors une plus-value
oscillant entre 4 et 30%.
25
La fonction hédonique de Simons et alii [1998] appliquée au marché de Cleveland
(Ohio, Etats-Unis) permet ainsi d’isoler un effet positif de la construction neuve
sur le voisinage. Dans le cas français, le repérage des plans locaux d’habitat pré-
voyant la restauration d’un centre-ville par exemple, réalisés par l’Agence nationale
de l’Habitat (ANAH), pourrait permettre d’isoler des zones davantage attractives.
A l’inverse, la proximité de certains sites peut être perçue comme une nuisance.
C’est le cas par exemple lorsque le logement donne sur un cimetière (Tse et Love
[2000]), se situe près de centres d’enfouissement de déchets (Michaels et Smith
[1990]), est à proximité d’une usine polluante et plus ou moins sonore, ou est voisin
d’aéroports (Uyeno et alii [1993], Bell [2001]). En France, Martinez et alii [1995]
trouvent une justification économique à la résistance des associations de riverains à
l’installation d’une troisième piste à l’aéroport de Roissy, la valeur des biens fonciers
étant dépréciée à sa proximité (en 1990, ils estiment qu’un logement qui s’éloigne
d’un kilomètre de Roissy gagne 5900 francs). Dans tous ces cas, on considère que les
nuisances sont capitalisées négativement dans le prix et que cette différence de prix
représente le consentement à payer pour bénéficier d’un environnement de meilleure
qualité.
1.4.3 Les facteurs socio-économiques
Enfin une dernière vision plus large permet d’appréhender les facteurs socio-
économiques du bassin d’habitat et d’activité. C’est l’objet des grandes variables
macroéconomiques et financières qui permettent d’homogénéiser les territoires et
de les différencier par leur activité économique ou par leur richesse. Une étude de
la fiscalité peut également permettre de repérer les territoires attractifs, un haut
niveau de taxes pouvant s’apparenter par exemple à un indicateur de service public
de qualité.
Mais si la différence sociale entre les individus semble hiérarchiser les lieux de
résidences (Tabard [1993]), il n’apparaît pas nécessaire d’introduire simultanément
ce troisième jeu de variables et la spécificité de l’environnement physique du bien
dans le vecteur de caractéristiques. Ce dernier risque alors d’être surdéterminé car
les différentes mesures peuvent être corrélées entre elles, la “segmentation environ-
nementale” du territoire ayant comme corrolaire la “segmentation sociale” de l’es-
pace. Les ménages les plus riches ont en effet une capacité financière et sont prêts
à payer plus cher des logements de qualité, bien situés, alors que les populations
financièrement moins bien dotées sont repoussées dans les localisations où les prix
des logements sont moins élevés justement parce que les acquéreurs ont une moindre
capacité d’enchères.
26
1.4.3.1 Le revenu
Il est naturel de considérer le revenu comme le principal argument de la formation
des prix des logements. En effet, selon Mouillart [1995, 1998b], le prix maximal d’un
logement est déterminé suivant les conditions de solvabilité de la demande32 (en
référence aux règles que les établissements de crédit imposent) et par comparaison
entre l’opération et celles déjà réalisées dans le voisinage. C’est pourquoi la distance
sociale entre les individus semble hiérarchiser leurs lieux de résidence, tant pour
les quartiers à l’intérieur d’une même ville que pour les villes à l’intérieur d’une
région. Les travaux de Tabard [1993] l’illustrent bien : en appréhendant la hiérarchie
sociale du territoire par la composition socio-professionnelle de la population et par
l’activité économique des établissements où travaillent les actifs employés d’une unité
géographique, elle fait apparaître des regroupements et des oppositions stables dans
le temps33 .
1.4.3.2 L’environnement sociologique
L’environnement sociologique est souvent utilisé pour constituer un indicateur
d’image du quartier et de ses environs si les stratégies résidentielles sont commandées
par une double logique d’agrégation et de ségrégation (Morlet [2000]). Il est en effet
largement reconnu que les voisins, à travers leurs caractéristiques sociales, culturelles,
économiques et démographiques, jouent le rôle de modèle pour les jeunes et peuvent
influencer positivement ou négativement le développement de leur sens34 de valeur.
Les territoires où les problèmes sociaux sont importants peuvent être identifiés par
un niveau élevé du taux de chômage ou par l’intensité du chômage de longue durée.
L’hétérogénéité sociale du territoire peut être appréhendée par la proportion de
personnes de nationalité étrangère ainsi que celles dont la nationalité française s’est
faite par naturalisation, ou en faisant le quotient du nombre de cadres par celui des
32
Selon Mouillart [2002], les prix des logements anciens s’établissent en moyenne à 2,7 années de
revenus en longue période et cette régularité a déjà pu être observée sur les 25 dernières années.
33
Tabard [1993] propose un résumé de la structure socio-économique du territoire par le recense-
ment des professions et branches d’activités des actifs. La distribution des ménages selon leur statut
et leur lieu de résidence vient enrichir la présentation. Cette photographie permet de positionner
les quartiers et les communes sur un plan factoriel qui distingue les zones les plus riches des zones
les plus pauvres, tout en faisant référence à leur statut défini précédemment.
34
Pour Brun [1995], le quartier est une entité malaisée à cerner : c’est “une réalité vécue, un
territoire au sens d’espace qu’un individu ou un groupe s’approprie symboliquement à travers un
certain nombre de pratiques et d’images, au point que l’appartenance à cette entité contribue au
sentiment qu’il éprouve de son identité sociale”.
27
ouvriers35 (les deux positions professionnelles qui s’excluent le plus dans l’espace
urbain).
En Australie, Reed [2002] procède à l’analyse de la relation entre la composition
sociale des quartiers de Brisbane et la valeur des biens. Il appréhende la dimension
sociale du territoire à l’aide d’une analyse en composante principale qui permet
d’expliquer 80% des variations de prix observées entre les quartiers, à l’aide de deux
facteurs principaux : le premier concerne le statut socio-économique du ménage
(mesuré par son revenu et son niveau d’éducation), le second renvoie au statut du
ménage lui-même (identifié par l’âge moyen du ménage, son statut marital, le nombre
d’enfants).
1.4.3.3 La fiscalité
Dans la perspective des modèles de choix résidentiels et de capitalisation des
biens publics locaux, les ménages, complètement libres dans leur choix de localisation
résidentielle, procèdent à un shopping fiscal : supposés bien informés et agir de façon
rationnelle, ils chercheraient à optimiser leur localisation, au sens où leur recherche
de logement porterait avant tout sur les localités où le rapport entre les taxes et
les niveaux d’équipements collectifs leur serait le plus favorable, c’est-à-dire où le
taux d’imposition serait minimal et le nombre et la qualité des équipements collectifs
maximaux. Des indicateurs de pression fiscale (montant de l’impôt foncier, niveau de
la taxe d’habitation) peuvent ainsi être introduits dans la fonction hédonique pour
révéler un service public de qualité. Ils peuvent également distinguer les communes
qui entretiennent des cercles vertueux, des communes qui entretiennent des cercles
vicieux36 (Cuenca et Moreau [1998]).
35
Redfearn [1999] propose une mesure de la similarité de la structure de l’emploi qui fait référence
à une distance euclidienne entre la composition industrielle de deux villes. Il définit la distance
industrielle à un instant  entre deux villes  et  par  =

 ( − )21
2
où  représente
la proportion de l’emploi en  de la ville  dans l’industrie .
36
Selon Cuenca et Moreau [1998], l’attractivité spatiale suit une logique cumulative. Les com-
munes dont le tissu productif est dynamique, collectent des montants importants de taxe profes-
sionnelle. La contrainte de budget se relâchant, elles peuvent alors se permettre de baisser le taux
de taxe professionnelle. Cette baisse peut encourager de nouvelles implantations et ainsi renforcer
leur attractivité. Pour les communes frappées par le chômage, les résidents étant moins solvables,
la contrainte de budget communal se reporte sur les activités restantes. Cela se traduit par une
augmentation de la taxe professionnelle qui peut conduire à des délocalisations ou dissuader l’ins-
tallation. Le cercle vicieux est ainsi renforcé et l’espace est de moins en moins attractif.
28
1.5 Conclusion
Le logement se distingue des autres marchandises ou des biens de consommation
traditionnels, sa définition révélant ses propriétés de durabilité, d’hétérogénéité et
de fixité dans l’espace :
— c’est un espace de liberté qui se caractérise par une multitude d’attributs,
— il est un abri dont la complexité des équipements et des aménagements permet
de se protéger des agressions extérieures,
— il assure une vie sociale que rend possible son environnement et en est le reflet
que lui confère son apparence.
La théorie des prix hédoniques propose précisément de prendre en compte cette
spécificité et d’évaluer les coûts qui sont associés à chacun des attributs qui le ca-
ractérisent. Le principe de la méthode nécessite la spécification de deux étapes : la
première concerne la définition d’une fonction hédonique permettant de décrire un
bien à partir d’un vecteur de caractéristiques ; la seconde concerne la spécification,
à partir de ce cadre réduit, des équations d’offre et de demande de caractéristiques
sur un marché régi depuis le modèle proposé à l’origine par Rosen en 1974 par la
concurrence pure et parfaite.
Dans le cadre d’un marché concurrenciel réunissant des agents bien informés, la
convergence des prix en fonction des caractéristiques du logement telle qu’elle est
appréciée par les experts est assurée. Mais compte tenu de l’expansion des marchés
et de la différentiation croissante des produits sur chaque marché, les acheteurs sont
davantage considérés comme des profanes : les candidats à l’achat sont souvent en
situation de sous-information, l’offre étant accompagnée par une information limitée,
voire imprécise, tant sur la qualité du logement que sur celle de son environnement.
Dans ce cas, il devient nécessaire, pour aider le consommateur, de disposer d’indi-
cateurs spécifiques qui quantifient les caractéristiques des produits commercialisés :
c’est le rôle du professionnel de l’immobilier.
De plus, si le prix d’un logement est considéré a priori comme sensible aux carac-
téristiques du logement, il l’est également aux conditions d’expression de la demande
qui se traduisent dans la structure des préférences et dans les contraintes budgétaires
des ménages. En outre, le caractère durable du bien logement rend permanentes
les différentiations éventuelles des offreurs et des demandeurs. Ainsi, les offreurs se
trouvent en situation de quasi-monopole face à une demande abondante compte
tenu des besoins économiques et sociaux à satisfaire. Selon le pouvoir d’achat de la
clientèle, ils déterminent les prix auxquels ils proposent les logements. Les prix ne
jouent plus le rôle de variable d’ajustement selon la logique décrite par la concurrence
29
pure et parfaite, mais ils deviennent des variables sous leur contrôle. On pourrait
alors supposer, dans ce cas, que les professionnels de l’immobilier deviennent “price
maker” et proposent des prix pour lesquels les ménages vont s’accorder.
Si l’hypothèse selon laquelle le marché est régi par la concurrence pure et par-
faite mérite d’être ainsi reconsidérée, cela est sans conséquence sur la logique de la
démarche proposée. D’autant que le recours à la théorie des prix hédoniques est sou-
vent réduit à la première étape. Cela tient le plus souvent au manque d’informations,
l’analyse peinant à identifier les comportements d’offre et de demande à partir de
données suffisamment fournies et fines. Les difficultés liées à la deuxième phase de
la méthode ne remettent pas en cause l’intérêt de la première phase qui peut être
menée pour valoriser les caractéristiques du logement. Plus qu’un outil d’analyse de
la demande d’un bien différencié, la théorie des prix hédoniques est une méthode de
traitement de l’information fournie par le marché.
Le coeur de la méthodologie se trouve dans la mesure de la contribution des
attributs d’un produit à son prix, en expliquant la valeur observée du bien par les
prix implicites de chacune des caractéristiques qui le définissent. Dans ce cadre,
l’hétérogénéité des biens est alors réduite à un ensemble de caractéristiques censées
être représentatives du bien logement et de ce qu’il représente pour le ménage qui
l’acquiert : les caractéristiques intrinsèques du logement et de son bâtiment ainsi
que celles de son environnement physique et social à l’origine de la segmentation des
marchés.
Durant ces trente dernières années, la théorie des prix hédoniques a fait l’objet
de nombreuses contributions, mais rares sont aujourd’hui les applications de nature
opérationelle, en raison des difficultés inhérentes à la collecte de données nécessaires
à leur mise en oeuvre. Si les contributions présentées Outre Atlantique sont trop
nombreuses pour qu’elles puissent toutes être recensées ici, les études appliquées à
l’économie du logement dans le cas français ont été jusqu’alors ponctuelles.
30
Chapitre 2
Méthode d’estimation de la
fonction de prix hédoniques
2.1 Introduction
Appliqués à la théorie des prix hédoniques, les travaux consacrés à la formation
des prix des logements sont développés dans deux directions :
— une théorique d’une part où ils s’attachent, dans le cadre d’un modèle d’offre
et de demande de biens différenciés, à la définition d’une fonction hédonique
permettant d’expliquer les différences de prix observées sur un grand nombre
de logements vendus par leurs différences de caractéristiques, dès lors que ces
dernières sont source d’utilité pour les ménages qui les consomment ;
— une statistique et économétrique d’autre part, à la recherche des méthodes les
plus efficaces pour estimer cette fonction, autrement dit des modèles d’évalua-
tion des prix qui présentent les propriétés explicatives et prédictives globale-
ment les plus performantes.
Le chapitre précédent, consacré aux déterminants des prix, présentait un cadre
théorique permettant de définir la nature et le sens des variables susceptibles d’ex-
pliquer la valeur des logements. Il reste désormais à préciser comment elle peut être
reconstituée, sur un terrain davantage pratique, à partir des variables retenues pour
décrire le logement.
Nous ferons dans un premier temps référence à la technique d’estimation, la plus
connue et communément utilisée, appliquée aux modèles paramétriques : la méthode
des moindres carrés ordinaires. Si le recours à cette méthode nécessite de préciser
une relation prédéterminée entre les prix des logements et leurs caractéristiques,
nous présenterons alors les formes fonctionnelles les plus fréquemment utilisées.
31
Nous porterons dans un deuxième temps notre attention sur les hypothèses qui
conditionnent la validité des résultats obtenus dans ce cadre d’analyse. Nous éva-
luerons alors dans quelle mesure, soumises à l’étude de la formation des prix des
logements, elles sont susceptibles d’être violées. Cela nous permettra de rappeler
le mode de construction d’un modèle linéaire généralisé d’évaluation des prix des
logements et de décrire les tests utilisés pour juger de sa qualité.
Puis dans un troisième temps, nous intégrerons les caractéristiques spatiales des
observations dans les estimations par le recours aux outils de l’économétrie spatiale.
Enfin, dans un quatrième et dernier temps, nous examinerons les modèles non
paramétriques et semi-paramétriques qui peuvent être introduits pour dépasser les
limites que peuvent présenter les modèles paramétriques, notamment celles concer-
nant les restrictions sur le choix de la forme fonctionnelle.
2.2 Le choix de la forme fonctionnelle
Le recours aux méthodes paramétriques d’estimation de la fonction de prix hé-
doniques nécessite le choix d’une forme fonctionnelle pour gouverner les variables
explicatives des prix des logements et les paramètres associés. Les formes linéaires ou
non linéaires de type semi-logarithmique sont les plus fréquemment utilisées (Hal-
vorsen et Pollakowski [1981], Judge et allii [1980], Linneman [1980]). Mais si aucune
justification dans leur choix ne s’impose a priori, nous verrons qu’il peut être déter-
miné de façon empirique à l’issue de tests de spécification.
2.2.1 La forme linéaire
La forme fonctionnelle la plus simple et la plus immédiate pour spécifier la fonc-
tion de prix hédoniques est linéaire entre le prix d’un logement () et l’ensemble
des variables (  = 1  ) retenues pour le décrire :
 = 0 +
1X
=1
 +
X
=1+1
 +  (2.1)
avec 1 le nombre de variables continues, 2 (=  − 1) le nombre de variables dicho-
tomiques utilisées pour désigner la présence ou l’absence d’un attribut particulier,
et  est un terme erreur aléatoire. Ce terme erreur, ou résidu, peut être assimilé à
une variation du prix dont les causes ne sont pas connues, sachant que le prix d’un
même logement peut être différent si les circonstances de la vente sont différentes,
32
si les acheteurs sont plus ou moins bien informés ou si encore leurs préférences sont
différentes1 .
Ce modèle peut s’écrire sous forme matricielle pour l’ensemble des références
concernant les transactions réalisées retenues pour son estimation ( = 1     ) :
 =  + , avec  le vecteur des  valeurs des prix des logements à expliquer
(endogènes du modèle),  la matrice des  + 1 variables explicatives (exogènes du
modèle),  le vecteur des coefficients à estimer et  le vecteur des erreurs.
2.2.1.1 Prix absolus
Les coefficients  s’interprétent comme les contributions marginales à la valeur
d’un logement associées aux caractéristiques . Ils permettent de mesurer, en valeur
absolue, le différentiel de prix entre deux logements, de prix 1 et 2, qui ne diffèrent
que par la présence ou l’absence de la caractéristique .
En effet, lorsqu’une variable intervient sous forme continue dans le modèle, la
dérivée partielle première de la fonction hédonique par rapport à cette variable donne
toutes choses égales par ailleurs : 

= . Lorsqu’une variable est introduite sous
forme dichotomique dans le modèle, on a : 1 − 2 = 0 +  − 0 = .
Une fois les prix des caractéristiques estimés, il est possible d’interpréter la
constante de régression 0 comme le prix moyen d’un logement de “base” qui ne
bénéficierait d’aucune des caractéristiques particulières  valorisées dans l’équation
de prix.
2.2.1.2 Interactions et intensités des contributions
Les prix implicites des caractéristiques définis par la relation (21) sont constants
et ne sont pas affectés par les autres attributs du logement. La valeur accordée à une
pièce supplémentaire est ainsi, par exemple, supposée être la même quelle que soit la
taille du logement. Mais en pratique, on peut supposer l’existence d’interactions entre
les différents attributs du logement. Les influences croisées de chacune des variables
sont alors éliminées en introduisant dans le modèle des variables indicatrices définies
par le produit de deux variables distinctes, ce qui permet d’établir l’apport explicatif
marginal propre à chacune des caractéristiques.
Il est aussi possible de préciser l’intensité des contributions marginales des va-
riables explicatives continues en les transformant. La transformation exponentielle
1
Plus généralement, le résidu de l’équation de prix permet de synthétiser l’ensemble des infor-
mations non explicitées par le modèle : peuvent y contribuer l’omission de variables ou une erreur
dans le choix de la forme de l’équation.
33
permet d’accroître les écarts les séparant (exposant supérieur à 1) ou de les com-
primer (exposant compris entre 0 et 1). Les transformations les plus couramment
utilisées demeurent l’élévation au carré (contribution marginale croissante) ou la
racine carrée (contribution marginale décroissante). La transformation réciproque,
fondée sur le principe de contribution marginale décroissante, se prête bien à la prise
en compte de l’effet distance.
Ainsi, des variantes au modèle linéaire de base peuvent être utilisées pour te-
nir compte des influences croisées entre les variables et préciser l’intensité de leur
contribution :
 = 0 +
X
=1
 +
1X
=1
2
 +
X
=1
−1X
0=1
0 0 +  (2.2)
Ce type de modèle (22) est non linéaire par rapport aux variables exogènes, mais
reste linéaire par rapport aux coefficients.
2.2.2 Les formes non linéaires
Les formes non linéaires présentent l’avantage d’autoriser des interactions directes
entre les variables. Elles sont souvent retenues lorsque les distributions de prix s’ap-
parentent à des lois log-normales plutôt qu’à des lois normales car, dans ce type de
cas, elles permettent de stabiliser, voire même de réduire, la variance de la variable
dépendante. La forme la plus courante est la forme semi-logarithmique, encore ap-
pelée forme exponentielle ou forme log-linéaire (23). La forme log-log (24) est plus
rare car elle n’autorise pas l’introduction de variables dichotomiques, le logarithme
de 0 n’étant pas défini. En reprenant les mêmes notations que précédemment, les
modèles correspondants s’écrivent :
 = exp
³
0 +
P1
=1  +
P
=1+1  + 
´
⇔
ln () = 0 +
P1
=1  +
P
=1+1  + 
(2.3)
 = exp (0)
1Y
=1

 exp () ⇔ ln () = 0 +
1X
=1
 ln () +  (2.4)
34
2.2.2.1 Prix relatifs et élasticités
Dans le cas d’un modèle semi-logarithmique, le coefficient d’une variable conti-
nue (multiplié par 100) mesure la variation du prix (en %) engendrée par une mo-
dification infinitésimale de cette variable :  =  ln()

= 1
 × 

. Dans le cas
d’un modèle log-log, il peut être interprété comme une élasticité, puisqu’il éta-
blit un rapport entre les variations relatives des prix et de la variable associée :
 =  ln()
 ln() = 

= 
.
L’interprétation des coefficients est différente si les variables du modèle semi-
logarithmique sont dichotomiques. L’effet relatif sur  de la présence d’un facteur
représenté par une variable dichotomique n’est pas égal à la valeur même du coeffi-
cient, mais à son exponentiel moins un2 .
En effet, supposons qu’il n’existe qu’une seule variable dichotomique  dans
l’équation (23) à laquelle on affecte le coefficient  (formulation a) ou le coefficient
 (formulation b) :
()  = (1 + )
exp
³
0 +
P1
 
´
() ln () = 0 +
P1
  + 
Considérons deux biens de prix 1 et 2 qui ne diffèrent que par la présence
(absence) de la caractéristique  soit :
() ⇒
⎧
⎪⎨
⎪⎩
1 = (1 + ) exp
³
0 +
P1
 
´
2 = exp
³
0 +
P1
 
´ () ⇒
⎧
⎪⎨
⎪⎩
ln (1) = 0 +
P1
  + 
ln (2) = 0 +
P1
 
L’écart de prix relatif entre ces deux biens peut être quantifié, selon les cas, par :
() =
1
2
= (1 + ) ⇔
1 − 2
2
= 
() = ln (1) − ln (2) =  ⇔
1
2
= exp () ⇔
1 − 2
2
= exp () − 1
Ainsi le coefficient c de la variable dichotomique de l’équation (b) est égal à
ln (1 + ). Son effet relatif sur  est donc égal à exp () − 13 . Assimiler  à  est
2
Pour un modèle linéaire, l’effet relatif d’une caractéristique particulière sur le prix d’un logement
peut être déterminé par le rapport entre la valeur du coefficient et celle de la constante de régression.
3
Exprimé en pourcentage, il est égal à 100 ×  soit à 100 × {exp () − 1}.
35
toutefois acceptable pour des petites valeurs de  (Halvorsen et Palmquist [1980]).
Mais pour des plus grandes valeurs, l’erreur induite en supposant que  est égal à 
peut être substantielle4 (tableau 2.1).
Tableau 2.1 : Variables dichotomiques et effets prix relatifs d’un modèle semi-log
c -1,50 -1,25 -1,00 -0,75 -0,50 -0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50
g -0,78 -0,71 -0,63 -0,53 -0,39 -0,22 0,00 0,28 0,65 1,12 1,72 2,49 3,48
2.2.2.2 Tests de spécification
Les tests de spécification ont pour but de choisir un modèle compte tenu de
deux alternatives. Le test de Ramsey5 [1969] peut être employé pour tester une
spécification linéaire contre une spécification non linéaire. De façon plus générale, le
test de Box et Cox [1964] permet de déduire la forme fonctionnelle des données elles-
mêmes et non de l’imposer a priori. Il consiste à transformer la relation à estimer par
l’introduction de facteurs de transformation. Avec  le prix du bien  transformé à
travers le paramètre  et  la caractéristique continue  du bien  transformée à
travers le paramètre , le modèle s’écrit :

()
 = 0 +
1X
=1

()
 +
X
=1+1
 +  (2.5)
()
=
⎧
⎪⎨
⎪⎩
−1

ln 
( 6= 0)
( = 0)

()
 =
⎧
⎪⎨
⎪⎩


 −1

ln 
( 6= 0)
( = 0)
Les paramètres ,  et  de l’équation (25) sont estimés par la méthode du
maximum de vraisemblance. Les “vraies” liaisons peuvent ainsi associer variables
naturelles (lorsque le facteur de transformation d’une variable tend vers 1) et va-
riables logarithmiques (lorsque le facteur de transformation d’une variable tend vers
4
En effet, la relation entre  et  quand la valeur absolue de  est plus petite que 1 peut être
exprimée par une expansion de  : ln (1 + ) =  − 1
2
2
+ 1
3
3
−   
5
Le test “Reset” de Ramsey, acronyme de l’expression anglaise REgression Specification Error
Test, est un test général d’erreur de spécification. Il permet d’identifier si l’introduction de non-
linéarités dans le modèle linéaire de référence améliore sa qualité à l’aide d’un test de Fisher. Pour
ce faire, les valeurs prédites à l’aide de ce modèle élevées à  ordres donnés sont introduites dans la
liste des variables explicatives d’une spécification alternative.
36
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La formation des prix des logements anciens

  • 2. Nicolas Thouvenin La formation des prix des logements anciens Les apports de la théorie des prix hédoniques Préface de René Pallincourt Président de la FNAIM
  • 3. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © 2010, Nicolas Thouvenin Edition : Books on Demand, 12/14 rond-point des Champs-Elysées, 75008 Paris Impression : Books on Demand, 22848 Norderstedt, Allemagne ISBN : 9782810611232 Dépôt légal : mai 2010
  • 4. Préface René Pallincourt Président de la FNAIM En France, trois principales sources de données peuvent être utilisées pour appré- cier la valeur des prix des logements anciens et répondre aux besoins d’information des ménages. Elles correspondent aux diagnostics réalisés à la mise en vente du logement, à la signature du compromis de vente et à la signature de l’acte notarié. Les portails d’annonces Internet, en assurant la publicité des mandats confiés aux professionnels, fournissent une première approximation de la valeur des prix des logements. Avec une offre qui totalise en France plus d’un million de références, ils permettent en effet aux ménages de se faire une idée du budget nécessaire qu’ils doivent consacrer pour réaliser leur projet immobilier. Toutefois, ce diagnostic n’est pas suffisant, pour deux raisons principales : il mélange souvent des offres, pour des mêmes biens, établies à des prix différents lorsque le bien n’est pas confié en exclusivité à un professionnel, et il n’intègre pas les révisions de prix qui interviennent en moyenne dans les six mois suivant la mise en vente du logement. Le diagnostic fait par les professionnels à la signature des compromis, le moment où les vendeurs et les acheteurs s’entendent sur le prix, est sans aucun doute le plus fidèle à la réalité du marché. Par ailleurs, et même s’il ne tient pas compte des transactions réalisées entre particuliers, il apparaît le plus adapté pour rendre compte des tendances à court et moyen termes. Enfin, les observations que font les notaires au moment de la signature de l’acte notarié, et le cas échéant, lors du déblocage du prêt accordé, sont les plus exhaustives. Mais de six à neuf mois se sont déjà écoulés pour un bien dont la mise en vente a été i
  • 5. suivie d’une transaction effective : une grande part de l’information a donc perdu de sa fraîcheur. Au cours des dix dernières années, l’essor des nouvelles technologies et la baisse des coûts liés à l’informatisation des processus auront permis de développer des bases de données immobilières très riches et très utiles pour parfaire la transparence du marché au travers de la connaissance des prix. Toutefois, dans la multiplicité des sources disponibles et face à la profusion des indicateurs, le ménage profane peut s’y perdre ! Cas d’école en phase de retournement du marché : une baisse des prix des transactions enregistrée à la signature des compromis ne peut pas être observée par les portails d’annonces et ne le sera que quelques mois plus tard à la signature de l’acte. Plus encore, la seule connaissance du prix au mètre carré qui caractérise un quartier est insuffisante, car elle ne permet pas d’expliquer les différences de prix observées pour des biens a priori comparables. Une œuvre de pédagogie doit donc précéder l’analyse. C’est justement l’objet de cet ouvrage qui a pour objectif la recherche d’une modélisation opérationnelle des prix des logements anciens. Dans une démarche logique et pédagogique, il propose de parcourir l’ensemble de la littérature consacrée à la théorie des prix hédoniques, véritable pilier de la recherche économique appliquée à l’étude des prix des biens hétérogènes, et dont le logement constitue une sorte d’archétype. Considérant que les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes mais pour les services qu’ils rendent, la théorie des prix hédoniques propose, en effet, d’estimer le prix d’un bien à partir de ses caractéristiques et d’en inférer les comportements des ménages. En découvrant les méthodes économétriques et les modèles mathématiques ados- sés à la théorie des prix hédoniques, les lecteurs initiés, économiste, statisticien ou informaticien, seront encouragés à tirer profit des bases méthodologiques et des principes rigoureux d’expertise des bases de données présentés. Ils pourront ainsi transposer les modèles théoriques et mettre en oeuvre, par exemple, au service des acteurs de l’immobilier, l’approche retenue pour conseiller la clientèle qui se pré- sente en agence à la recherche d’un logement et positionner les offres de prix lors des prises de mandat par les professionnels. Le lecteur non initié, quant à lui, privi- légiera sans aucun doute les apports empiriques et les conclusions opérationnelles de cet ouvrage. Entre abstraction et réalité, il appréciera, entre autres, ce qui se cache derrière les méthodes de construction des indices de prix et trouvera une justification du bien-fondé des estimations. ii
  • 6. Au delà, les développements de cet ouvrage conduits dans le prisme de la théorie des prix hédoniques s’avèreront utiles aux investisseurs, bien sûr, mais aussi aux décideurs, dès lors qu’ils permettront de définir une lecture économique et statis- tique du marché dépassant les difficultés à maîtriser complètement l’hétérogénéité des marchés et des territoires. Toutefois, si les techniques d’évaluation sur lesquelles repose la théorie des prix hédoniques comportent intrinsèquement une valeur incer- taine, à l’échelle de l’estimation de la valeur d’un logement donné, les professionnels de l’immobilier se doivent d’en évoquer les limites : les statistiques de prix ne sauront jamais remplacer leur propre connaissance du marché, telle celle qu’ils appréhendent, chaque jour, pour concilier les intérêts des vendeurs et des acheteurs. La statistique est un métier ; l’immobilier aussi, il ne faut pas oublier ! iii
  • 8. Avant-Propos Cet ouvrage est la version sensiblement remaniée d’une thèse de Doctorat de Troisième Cycle en Sciences Économiques soutenue en novembre 2005 à l’Univer- sité de Paris X Nanterre. Nous tenons à remercier Monsieur Michel Mouillart pour sa direction de recherche et ses précieux conseils, ainsi que Monsieur Pierre Llau, Professeur Émérite à l’Université de Paris X Nanterre, pour avoir accepté de prési- der le jury de soutenance. Nous tenons également à remercier, pour leur soutien et leur encouragement, l’ensemble des rapporteurs et membres du jury : Monsieur An- dré Babeau, Professeur Émérite à l’Université de Paris IX Dauphine (rapporteur), Monsieur Jean-Claude Driant, Professeur à l’Institut d’Urbanisme de Paris - Univer- sité de Paris XII Val-de-Marne (rapporteur), Monsieur Olivier Favereau, Professeur à l’Université de Paris X Nanterre, et Monsieur René Pallincourt, Président de la FNAIM. Nous remercions enfin chaleureusement toutes celles et ceux qui nous ont accompagnés, professionnellement et amicalement, dans le cadre de la réalisation de nos travaux de recherche et de cet ouvrage. v
  • 10. A mes parents A ma sœur
  • 12. Introduction générale Dans l’analyse néoclassique traditionnelle, le logement est très souvent assimilé à n’importe quel autre bien, qu’il soit considéré comme un bien de consommation durable ou qu’il soit assimilé au service qu’il est censé rendre à son propriétaire ou à son occupant. Les conditions de formation de son prix résultent des hypothèses classiques de la concurrence pure et parfaite : le prix du logement qui est ainsi formé par la rencontre d’une offre et d’une demande permet d’assurer l’équilibre du marché. Mais la plupart des modèles néoclassiques ne s’intéressent pas directement au prix du logement. Ce sont très souvent des modèles d’économie urbaine ou de détermination de la valeur et de la rente foncière (Alonso [1964] et Muth [1969]) où le prix du logement est davantage considéré comme le prix que fixe un offreur pour maximiser son profit. Dans le cadre de la théorie des prix hédoniques et suivant l’approche proposée par Rosen [1974], le logement est défini par un ensemble de caractéristiques homo- gènes et l’étude des mécanismes de formation de son prix permet d’appréhender les conditions dans lesquelles la demande exprime ses préférences. Il s’agit alors de mesurer la valeur, ou le plaisir dérivé, des attributs d’un bien : cela nécessite la définition d’une fonction hédonique qui permet de décrire un bien à partir de ses caractéristiques et qui peut être interprétée comme la fonction qui désagrège les prix des biens en prix implicites : c’est-à-dire estimés et révélant les dispositions margi- nales à payer d’un consommateur qui cherche à maximiser l’utilité que lui procure la consommation de chacune des caractéristiques sous contrainte de revenu. Cepen- dant, ces prix implicites ne sont pas directement observables. Pour qu’ils aient un sens économique et qu’ils ne soient pas le résultat d’un artefact statistique, il faut que les variables choisies comme caractéristiques représentent ce que l’acheteur valorise effectivement dans l’achat du bien (les caractéristiques intrinsèques du logement : 1
  • 13. surface, nombre de pièces, type et qualité des équipements, niveau de confort..., les caractéristiques liées à l’environnement économique et social à l’origine de la seg- mentation des marchés : positionnement des logements dans l’espace, qualité des établissements d’enseignement à proximité...). Toutefois, dans la pratique des marchés immobiliers, les hypothèses de la concur- rence pure et parfaite paraissent peu réalistes. Les hypothèses d’hétérogénéité des produits et d’imperfection de l’information semblent mieux correspondre à la spéci- ficité de ces marchés. Sur la base de travaux conduits par Chamberlin [1933] sur la concurrence monopolistique, le prix de vente d’un logement constituerait davantage une variable contrôlée par les offreurs qui, selon le pouvoir d’achat des clientèles et le niveau de qualité des biens offerts, déterminent les propositions de prix. Depuis près d’un demi-siècle, les économistes (principalement d’outre-Atlantique) ont multiplié les utilisations des prix hédoniques en privilégiant bien souvent à l’as- pect pratique les différents aspects théoriques de cette méthode et ce, depuis la res- titution d’une analyse fine du marché par la sélection de variables jusqu’au choix des formes fonctionnelles et des procédures économétriques d’estimations des équations de prix, en passant par la formalisation des comportements d’offre et de demande des caractéristiques des biens. Les applications de nature opérationnelle ont été, quant à elles, peu nombreuses en raison principalement de l’insuffisance des données disponibles nécessaires à sa mise en oeuvre. Cet ouvrage a pour objectif de bien saisir les problématiques sous-jacentes à l’utilisation de la théorie des prix hédoniques afin de mieux répondre aux questions soulevées actuellement autour de sa portée et de ses limites lorsqu’elle est appliquée à l’étude de la formation des prix des logements anciens. En s’appuyant sur la base de données de la FNAIM, il s’inscrit en outre dans le développement d’un outil d’aide à la décision destiné aux professionnels de la transaction immobilière qui leur propose, dans le prisme de cette théorie, une lecture économique et statistique du marché destinée à renforcer leur capacité de conseil. Dans une première partie intitulée Les déterminants des prix des logements an- ciens, nous proposons de mettre en parallèle les travaux consacrés à la formation des prix des logements réalisés dans la lignée du modèle séminal de Rosen. Nous présen- terons les principaux résultats auxquels ils permettent de parvenir et illustrerons les principaux débats qui concernent : — le cadre d’analyse de la théorie des prix hédoniques (chapitre 1), — les méthodes d’estimation de la fonction de prix hédoniques (chapitre 2), 2
  • 14. — les méthodes de construction d’indices de prix des logements (chapitre 3), — les problèmes inhérents à la collecte des données par la présentation des sources disponibles (chapitre 4). Dans le premier chapitre, nous étudierons les fondements de la théorie des prix hé- doniques. Nous verrons qu’elle constitue un cadre d’analyse adapté aux mécanismes de formation des prix des logements anciens, même si la méthode reste critiquable et si la structure organisationnelle parfaite des marchés qu’elle retient peut être remise en cause. De plus, nous démontrerons que l’approche en termes de caractéristiques résidentielles qu’elle propose permet de définir la valeur économique d’un logement comme le reflet du niveau des avantages et des inconvénients que lui reconnaît chaque ménage, en appréhendant sa qualité intrinsèque mais aussi l’hétérogénéité de l’espace dans lequel il s’insère et dont il est indissociable compte tenu de son immobilité. Dans le deuxième chapitre, nous déterminerons comment la valeur d’un logement peut être reconstituée, sur un terrain davantage pratique, à partir des variables re- tenues pour le décrire. Nous présenterons alors les modèles d’évaluation des prix les plus adaptés en nous concentrant sur le choix des formes fonctionnelles, les inter- prétations économiques sous-jacentes et les techniques afférentes aux estimations, et étudierons également les possibilités d’amélioration de leurs capacités explicatives et prédictives par le traitement de l’hétérogénéité et des dépendances spatiales. Dans le troisième chapitre, nous présenterons les contributions et les réflexions faisant intervenir le temps dans ces modèles, mises d’ailleurs souvent à l’épreuve de méthodes concurrentes, comme celle des ventes répétées. L’ensemble des méthodes disponibles à ce jour sera passé en revue, la dernière en date ayant été mise au point par l’INSEE en collaboration avec les notaires, avant d’envisager la sélection du meilleur système. Nous aviserons alors si une analyse de l’évolution des prix fondée sur un indice hédonique tenant compte de l’hétérogénéité des biens est plus pertinente. Enfin, dans le quatrième chapitre, nous identifierons les difficultés et les coûts inhérents à la fabrication d’un matériau statistique fiable et représentatif pour mettre en oeuvre des applications de nature opérationnelle. Nous présenterons une analyse comparée des différentes sources disponibles sur les prix de l’ancien et sur celles permettant d’apprécier les caractéristiques des biens et envisagerons les modalités d’implantation d’un Système d’Informations Géographiques (SIG) qui peut venir enrichir la description du marché par l’appréhension de la qualité physique et sociale de l’environnement. Au terme de ce quatrième chapitre, nous disposerons d’éléments de comparaison pour valoriser la banque de données de la FNAIM. Dans une seconde partie, intitulée à la recherche du juste prix des logements 3
  • 15. anciens, nous tenterons alors de dépasser les limites les plus souvent avancées de la méthode lors de la mise en oeuvre de notre étude appliquée à la formation des prix des logements anciens en France. Nous présenterons alors : — une expertise de la banque de données immobilières de la FNAIM (chapitre 5), — les modèles d’évaluation des prix des logements anciens retenus (chapitre 6), — les bases du développement d’un outil d’aide à l’évaluation d’un investissement dans l’ancien (chapitre 7). Pour cela, nous recenserons dans le cinquième chapitre l’ensemble des informa- tions disponibles que rassemble la banque de données immobilières de la FNAIM et envisagerons la possibilité d’améliorer leur exhaustivité en intégrant notamment des éléments descriptifs de la localisation des biens. Nous élaborerons un système expert de contrôle et de traitement de ces informations afin d’ouvrir la possibilité de leur utilisation à des fins statistiques, et étudierons leur couverture géographique ainsi que leur représentativité. Nous déterminerons ainsi quelles sont les potentiali- tés d’analyses offertes par la base de données de la FNAIM et verrons qu’elle peut sans aucun doute être mise à profit dans une perspective hédonique. Dans le sixième chapitre, nous mettrons à l’épreuve des données de la FNAIM les méthodes d’estimation exposées dans les deuxième et troisième chapitres. Les capacités explicatives et prédictives des différents modèles seront comparées entre elles. A l’aide de ces éléments de comparaison, nous justifierons la méthode retenue pour estimer les modèles d’évaluation des prix dans le cadre de notre application. Arrivés à ce stade de l’étude, il sera non seulement possible d’apporter une justifica- tion au modèle de formation des prix retenu, mais aussi d’en déterminer la capacité d’expertise et les limites. Enfin, dans le septième et dernier chapitre, nous présenterons une méthode d’ana- lyse du marché immobilier mise au point pour aider les ménages candidats à un achat dans l’ancien à mieux définir leurs projets immobiliers et à les rassurer sur la ra- tionalité économique de leurs choix. Illustrée à partir des ressources de la base de données de la FNAIM, cette méthode est à l’origine d’un outil d’aide à la décision que la FNAIM a souhaité mettre à disposition de ses adhérents pour répondre au besoin d’information de leur clientèle et parce qu’il s’inscrit parfaitement dans la perspective de valorisation de leur professionnalisme. 4
  • 16. Première partie Les déterminants des prix des logements anciens 5
  • 17. Chapitre 1 Théorie des prix hédoniques 1.1 Introduction Imaginons un marché du logement rassemblant un grand nombre de ménages, propriétaires ou accédants à la propriété, différents par leur taille, leur composition et leur niveau de revenu, qui désirent acheter un logement. Supposons que le parc de logements disponibles à la vente offre un éventail de biens présentant une grande va- riété de caractéristiques. On peut penser que parmi ces ménages certains souhaitent changer de logement pour disposer d’un produit mieux situé, de plus grande surface ou de meilleure qualité, et améliorer ainsi leur bien-être dans l’occupation de leur logement. Suivant cette logique, les ménages sont supposés accorder beaucoup de valeur aux flux de services générés par les différentes caractéristiques du logement et non pas seulement au logement lui-même. L’étude de leurs comportements renvoie alors à la “nouvelle théorie du consommateur” et à l’analyse de la demande de biens différenciés1 (Lancaster [1966]). L’analyse de la demande de biens différenciés est en rupture avec l’approche classique traditionnelle qui suppose que les biens eux-mêmes 1 La notion de différentiation des produits a été introduite par Chamberlin [1933]. Elle repose sur l’hypothèse que les firmes vendent sur de nombreux marchés des produits qui sont étroitement substituables les uns aux autres, sans être cependant parfaitement homogènes. Les produits sont alors différentiables sur leur qualité intrinsèque et sur les conditions dans lesquelles ils sont ven- dus (importance du circuit commercial, dépenses de publicité, représentation plus ou moins bonne acquise dans le passé par le vendeur). 6
  • 18. procurent de l’utilité. Les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes mais pour les services qu’ils rendent car ils sont associés à des “activités de consommation” qui produisent chacune un “vecteur spécifique de caractéristiques”2 . L’application la plus immédiate de cette approche est la théorie des prix hédo- niques. A l’origine, l’analyse des prix hédoniques a été introduite par Court3 [1941] pour supprimer les biais introduits dans la mesure de l’évolution des prix des au- tomobiles en tenant compte de l’amélioration de leur qualité. Plus tard, elle a été popularisée par Griliches [1971], puis utilisée pour expliquer les variations des prix des biens différenciés saisies en coupe instantanée et pour examiner les compor- tements de demande de biens différenciés. Comme le souligne Triplett [1986], les modèles hédoniques ont été développés et employés bien avant que leur composante théorique ait été comprise en faisant référence au modèle de Rosen [1974]. La pre- mière application de la théorie des prix hédoniques à l’économie du logement a été proposée par Ridker et Henning [1967], mais il revient à Freeman [1979] d’avoir été le premier à en justifier l’usage pour expliquer les prix des logements. Follain et Jimenez [1985a] proposent depuis une synthèse et une analyse critique des travaux appliqués à l’économie du logement. Nous verrons, au cours de ce premier chapitre, que la théorie des prix hédoniques est devenue un cadre d’analyse adapté aux mécanismes de formation des prix des logements anciens, puisque le coeur de la méthodologie se trouve dans l’évaluation de la contribution des attributs d’un logement à son prix en expliquant sa valeur observée par ses caractéristiques. La méthode reste néanmoins critiquable et la struc- ture organisationnelle parfaite des marchés qu’elle retient peut être remise en cause. Cependant, l’approche en termes de caractéristiques résidentielles qu’elle propose permet de définir la valeur économique d’un logement comme le reflet du niveau des avantages et des inconvénients que lui reconnait chaque ménage, en appréhendant sa qualité intrinsèque mais aussi l’hétérogénéité de l’espace dans lequel il s’insère et dont il est indissociable compte tenu de son immobilité. 2 Lancaster propose de renouveler la notion de bien en opérant une transformation entre l’espace des biens et l’espace des caractéristiques. Cette transformation permet de résoudre le programme de maximisation de l’utilité du consommateur, définie par hypothèse dans l’espace des caractéristiques, sous une contrainte de budget, définie dans l’espace des biens. 3 Les travaux de Court [1941] concernent la construction d’indices des prix automobiles corrigés, principalement, des évolutions de leurs poids et de leurs puissances. Ils sont illustrés dans Goodman [1988]. 7
  • 19. 1.2 La théorie des prix hédoniques : principe de la mé- thode Le corpus théorique de l’analyse des prix hédoniques proposé par Rosen est tou- jours d’une extrême influence, bien que des aménagements aient été apportés. En complément de l’article original de Rosen que nous reprendrons ici, le modèle théo- rique est couvert avec détail par Bartik et Smith [1987], Epple [1987], Palmquist [1984, 1999], Sheppard [1999] ou encore Eckland et alii [2001]. Rosen expose le principe de la méthode sous deux angles distincts : — un angle statistique et économique qui concerne la définition d’une fonction hédonique permettant de décrire un bien par ses caractéristiques et d’expliquer les variations de prix de biens différenciés saisies en coupe instantanée, — un angle davantage théorique qui permet de déduire de la fonction hédonique une représentation des comportements des participants du marché. Le modèle de Rosen distingue ainsi deux étapes. La première prévoit l’estimation d’une fonction hédonique qui suppose que le prix d’un logement est une expression directe de ses attributs. La seconde concerne la spécification à partir de ce cadre réduit, des équations d’offre et de demande des caractéristiques sur un marché de concurrence pure et parfaite. 1.2.1 La fonction de prix hédoniques Dans un cadre hédonique, l’hétérogénéité des biens est réduite à un ensemble de caractéristiques censé être représentatif du bien logement et de ce qu’il représente pour le ménage qui l’acquiert. Le prix d’un logement est alors supposé dépendre de différents facteurs qui définissent un vecteur de caractéristiques () où les  ( = 1    ) représentent les montants ou les niveaux des  caractéristiques rete- nues pour décrire le logement :  = (1 2     ) (1.1) Le vecteur de caractéristiques distingue généralement les caractéristiques structu- relles du logement, les caractéristiques de son environnement et les caractéristiques socio-économiques de son voisinage. 1.2.1.1 Définition La théorie des prix hédoniques suppose que le prix d’un logement est déterminé par une combinaison particulière de ses caractéristiques. Il peut ainsi être exprimé 8
  • 20. formellement par une fonction  de ses valeurs prises par le vecteur des caractéris- tiques :  =  () (1.2) Ainsi, dans sa définition la plus large, l’analyse hédonique nécessite l’écriture d’une relation qui associe à une variable dépendante représentant le prix du bien, ses caractéristiques (1.1) que l’on qualifiera de variable indépendante ou explicative. Cette relation (1.2) est la fonction de prix hédoniques. 1.2.1.2 Interprétation mathématique Une fois les caractéristiques identifiées et mesurées par une analyse de régres- sion, la fonction hédonique est interprétée comme la fonction qui désagrège les prix des biens en prix implicites. Ils sont qualifiés d’implicites car estimés à l’aide de méthodes économétriques et non directement observables. Le prix du bien reflète alors le fonctionnement des marchés implicites sur lesquels se négocient les caracté- ristiques qui sont considérées comme des biens de nature particulière, puisque pour ces biens, il n’existe pas de marché et donc pas de prix directement observable. Plus précisément, la dérivée première partielle de la fonction  par rapport à toute ca- ractéristique  ³ ()  ´ définit le prix marginal implicite de cette caractéristique et fournit une mesure de l’accroissement du prix du logement pour une variation de cette caractéristique4 . La définition d’une fonction hédonique et l’estimation des prix implicites per- mettent donc : — de mesurer la contribution de chacune des caractéristiques du bien à la forma- tion de son prix, — et ainsi d’expliquer le différentiel de prix qui peut être observé entre deux biens de même nature. 1.2.1.3 Interprétation économique La théorie des prix hédoniques repose sur l’hypothèse que les ménages valorisent les caractéristiques des biens qui affectent leur satisfaction5 ou encore les externali- 4 “Hedonic Prices are defined as the implicit price of attributes and are revealed to economics agents from observed prices of differentiated products and the specific amounts of characteristics associated with them” (Rosen, 1974, page 34). 5 Les préférences du consommateur sont ici représentées par une simple classification pour décrire leurs sensations subjectives associées à la satisfaction ou au plaisir qui découle de la consommation d’un bien. Elle fait référence à une mesure ordinale. 9
  • 21. tés (positives ou négatives) qu’elles génèrent. Elle fait écho à la théorie classique qui suppose que les agents effectuent des choix rationnels, leur but étant la maximisa- tion de leur satisfaction procurée par l’acquisition d’un bien. Dans ce contexte, les prix implicites représentent les dispositions marginales à payer des ménages pour la consommation d’une caractéristique particulière6 . Si les conditions d’équilibre du marché sont réunies, elles révèlent la dépense maximale qu’ils consentiraient à payer pour bénéficier de leur usage. Les dispositions marginales à payer La théorie classique permet d’intégrer le logement dans le calcul économique du consommateur et d’obtenir une formali- sation de son prix. Plus exactement, les caractéristiques du logement apparaissent comme des biens traditionnels auxquels le ménage doit consacrer une certaine somme d’argent pour les consommer. Le consommateur rationnel décidera alors du prix en- visageable pour son logement en tenant compte d’une contrainte de revenu. En supposant qu’il dispose d’un revenu  et que ses préférences peuvent être représen- tées par une fonction d’utilité  qui dépend des caractéristiques  du logement et de la consommation d’un bien composite  de prix , son vecteur de consommation optimal doit vérifier le programme suivant : ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩   ( ) s.c. :  +  () ≤  (1.3) La maximisation de l’utilité du consommateur est achevée lorsque les utilités marginales de chacun des arguments de sa fonction d’utilité pondérées par leurs prix sont égales7 :  ( )  Á  ( )  =  ()  Á  (1.4) Cette condition d’optimalité (1.4) précise quelle quantité additionnelle de bien  le consommateur doit disposer pour compenser la réduction (marginale) d’une unité de consommation de la caractéristique  sous la contrainte du maintien de son 6 La disposition marginale à payer est quant à elle une mesure cardinale de la valeur. Elle décrit le montant qu’un agent est disposé à payer pour consommer une unité supplémentaire du bien. 7 La solution du programme du consommateur est définie par la condition du premier ordre du système. 10
  • 22. utilité8 . Multipliée par , elle indique donc le coût marginal de cette perte. Au- trement dit, elle exprime la disponibilité marginale à payer9 (1.5) du consommateur pour éviter cette perte :  µ  ( )  Á  ( )  ¶ =  ()  =  0 () (1.5) Graphique 1.1. La fonction de prix hédoniques Nous pouvons illustrer la fonction hédonique par un graphique qui montre com- ment la quantité d’une caractéristique particulière d’un logement, soit 1 sa sur- face, influence son prix, la quantité des autres caractéristiques demeurant inchangée (2     ) = (∗ 2     ∗ )  Dans cet exemple (graphique 1.1), la croissance de la fonction hédonique traduit l’hypothèse intuitive que le prix d’un logement est d’autant plus élevé que sa surface est grande (figure A). Par ailleurs, sa concavité renvoie à la décroissance du prix marginal en fonction de la taille du logement : le consommateur sera prêt à payer davantage pour disposer d’un m2 supplémentaire pour un logement de 30 m2 que pour un logement de 100 m2. Les dispositions marginales à payer pour un change- ment dans le niveau de 1 à niveau d’utilité constante sont reportées sur la figure 8 Ce n’est autre que le taux marginal de substitution entre le bien  et la caractéristique . 9 La disposition marginale à payer indique le montant maximum que le consommateur serait prêt à payer pour bénéficier, par exemple, d’une pièce supplémentaire, d’une salle de bains supplé- mentaire, et plus généralement d’une unité supplémentaire de caractéristique. 11
  • 23. B ci-dessus : elles précisent le montant additionnel qu’un consommateur serait prêt à payer pour se déplacer vers un ensemble de caractéristiques (1 ∗ 2     ∗ ) avec plus de 1. L’équilibre du consommateur L’équilibre du consommateur présenté par Rosen n’est autre qu’une généralisation de l’équilibre standard à un univers comportant  + 1 biens (les  caractéristiques auxquelles s’ajoute le bien composite). Sur un marché régi par la concurrence pure et parfaite, les ménages, preneurs de prix10 , maximisent alors leur utilité en se déplaçant simultanément sur chaque courbe de prix implicite jusqu’à ce qu’ils atteignent un point où leur disposition marginale à payer égalise le prix implicite de chacune des caractéristiques. Si le marché est supposé à l’équilibre, le prix implicite d’une caractéristique ³  0 () ´ est alors égal à la disponibilité marginale à payer du consommateur pour cette caractéristique. Par conséquent, la fonction de prix hédoniques fournit en un point, une évaluation de celle-ci. C’est pourquoi la fonction de prix implicites apparaît comme le lieu des équilibres potentiels pour le consommateur. Pour établir ce résultat, Rosen réserve une place centrale au concept de la fonction d’enchères pour faire référence aux modèles de localisation résidentielle d’Alonso [1964] et Muth [1969]. Dans un modèle où le prix est déterminé par un mécanisme d’enchères, chaque bien est attribué au plus offrant. Sur cette base, l’affectation des biens immobiliers dépend du pouvoir d’achat des différents agents et de leurs préférences. Le modèle d’Alonso et Muth suppose que les agents économiques préfèrent les biens les plus centraux parce que les facteurs attractifs sont situés au centre et qu’ils sont prêts à payer plus cher un logement pour être proches de leur lieu de travail11 parce qu’ils cherchent à économiser les coûts de transport. Le raisonnement mené par Alonso et Muth sur deux caractéristiques du logement (quantité de sol et distance du centre) est généralisé par Rosen pour un bien quelconque à  caractéristiques12 . 10 Les ménages peuvent être vus comme faisant face à des barêmes de prix marginaux. 11 Le résultat prédit par le modèle prévoit la décroissance des prix des logements du centre vers la périphérie (cette hypothèse est vérifiée dans les pays latins où les catégories les plus riches ont tendance à se localiser au centre, renvoyant ainsi les moins riches dans des logements plus denses à la périphérie. Le modèle anglo-saxon, quant à lui, prévoit l’inverse : les ménages riches sont localisés à la périphérie et les moins riches dans le centre). 12 La fonction d’enchères indique le montant maximum que le consommateur est prêt à payer pour consommer une combinaison particulière de caractéristiques, son niveau d’utilité et son revenu demeurant constants. Sa dérivée partielle première par rapport à la ` caractéristique révèle la dépense maximale que le consommateur consentirait à payer pour bénéficier d’une unité supplé- mentaire de caractéristiques. 12
  • 24. Exprimée sous sa forme réduite et intégrée dans le calcul économique du consom- mateur, la fonction de prix hédoniques révèle ainsi la dépense maximale que le consommateur consentirait à payer pour bénéficier de son usage. Mais elle ne repré- sente les comportements d’aucun des participants du marché. C’est pourquoi Rosen propose d’en inférer la fonction de demande dans un second temps. 1.2.2 La demande de caractéristiques La fonction de demande d’un bien est “habituellement” estimée par l’observation des prix et des quantités achetées de ce dernier. Le principe d’estimation de la demande d’un bien différencié est analogue à la différence près que les prix des caractéristiques ne sont pas observés (Maleyre [1994]). C’est pourquoi leur estimation justifie l’existence de la “première étape” de la méthode proposée par Rosen. 1.2.2.1 Stratégie d’estimation Rosen propose d’estimer la fonction de demande d’une caractéristique particu- lière13 en combinant les prix implicites issus de la première étape et les attributs socio-économiques des ménages. Dans son exposé, il indique que les prix margi- naux calculés et introduits comme variables dépendantes de la fonction de demande produisent une variété d’observations, “a garden variety”, similaire à ce que donne l’observation directe de prix dans le cadre habituel de biens homogènes. Ainsi, les prix implicites, supposés représentatifs des disponibilités marginales à payer, sont régressés sur les quantités de caractéristiques observées et sur un jeu de variables pertinentes permettant de distinguer des catégories de ménages ou susceptibles d’in- fluencer leurs goûts et leurs préférences : revenu, âge et niveau d’éducation par exemple. 1.2.2.2 Equilibre du marché Selon Rosen, la réalisation de l’équilibre provient de l’interaction entre offreurs et demandeurs aux objectifs divergents : les acheteurs veulent acquérir un bien qui leur procure un maximum d’utilité à bas prix, alors que les vendeurs souhaitent vendre un bien au prix le plus haut. Le marché concilie ces objectifs en mélangeant offreurs et demandeurs14 de sorte qu’à contrainte de revenu donnée, l’acheteur ne 13 Il s’agit plus exactement ici de déduire la fonction de demande inverse des dispositions margi- nales à payer. 14 Dans le modèle de Rosen, l’équation hédonique résulte de l’interaction sur le marché de consom- mateurs et d’offreurs. Les offreurs, en adoptant un comportement symétrique à celui du consomma- 13
  • 25. peut augmenter son utilité et qu’à technologie de production donnée, le vendeur ne peut accroître son profit en augmentant le prix. Le marché définit ainsi un ensemble de prix comme lieu d’équilibre qui repré- sente les montants que les ménages sont disposés à payer pour un bien (ou une caractéristique) et la volonté des offreurs à accepter ces offres. A ces prix, aucun ménage n’est capable d’accroître l’utilité que lui procure l’acquisition d’un logement déterminé. C’est l’hypothèse fondamentale de la théorie des prix hédoniques. Les prix implicites sont déduits des prix observés sur un marché supposé à l’équilibre à un moment donné, en concurrence pure et parfaite, et ne sont significatifs qu’au voisinage de cet équilibre. La réalisation de cet équilibre nécessite néanmoins que les conditions de la concur- rence pure et parfaite soient réunies : — les ménages disposent d’une information parfaite : acheteurs et vendeurs ont un accès facile à l’information et sont pleinemement informés des prix de chacune des caractéristiques de chacun des biens15 , — l’espace dans sa globalité peut être traité comme un marché unique de service logement : les individus doivent posséder de l’information sur tous les choix alternatifs qu’ils peuvent réaliser et sont libres de choisir un bien, — les consommateurs sont preneurs de prix et ne peuvent pas les influencer par le jeu de leurs actions individuelles : les transactions s’effectuent sur la base d’un barême de prix unique. La fonction hédonique s’ajuste simultanément à des changements qui opèrent dans l’expression de l’offre et de la demande : en changeant les conditions de la demande (de nouveaux ménages migrent sur le marché) ou de l’offre (de nouveaux logements sont disponibles à la vente et d’autres disparaissent), le marché se réajustera et un nouvel ensemble de prix hédoniques en résultera. Ainsi les coûts d’ajustement (principalement du côté de la demande) sont nuls : qu’il s’agisse des coûts de transactions qui peuvent intervenir dans le prix global d’un bien (temps de recherche, frais d’agence, frais de notaire, taxes...) ou des coûts de déplacement (pas d’obstacle à la mobilité géographique des ménages). Cette version des interactions qui peuvent intervenir sur le marché est bien en- tendu très simpliste, la réalité des marchés étant bien plus complexe. Les difficultés teur, proposent des prix d’offre qui dépendent des caractéristiques des biens. On peut supposer que, pour des applications concernant l’immobilier, il ne soit pas nécessaire de modéliser le côté offre du marché car les quantités et les caractéristiques des logements sont prédéterminées et fixes. 15 Dans le cas contraire, leurs valorisations implicites seraient en perpétuel changement et varie- raient de vente en vente. 14
  • 26. de mise en oeuvre de la méthode et les débats que la théorie soulève viennent en témoigner. 1.3 Les limites Le modèle théorique de Rosen apparaît aujourd’hui incontournable dans l’ana- lyse des marchés des biens différenciés. Il est d’un apport fondamental car il permet d’étudier les mécanismes de formation des prix : la fonction hédonique révèle les prix implicites des caractéristiques qui, rapprochés des déterminants socio-économiques de la demande, révèlent à leur tour les préférences des agents. Mais la mise en oeuvre de la méthode est délicate, ce qui peut venir limiter sa validité et son interpréta- tion. En effet, les problèmes de spécification de l’équation de prix, de définition de la structure organisationnelle des marchés et d’identification de la demande de ca- ractéristiques sont de nature à remettre en cause le modèle théorique, alors que les difficultés liées à la construction de bases de données nécessaires à son estimation sont propices à limiter son aspect opérationnel. 1.3.1 La spécification de l’équation de prix Le modèle de Rosen ne précise pas la nature de la forme fonctionnelle de l’équation de prix. Or si ce choix est généralement réalisé sur la base de la qualité statistique des travaux empiriques, il n’est pas une fin en soi car il constitue la première étape de la fonction de demande et peut être de nature à remettre en cause la nature de l’équilibre. 1.3.1.1 Linéarité versus non linéarité L’hypothèse de linéarité de la fonction hédonique peut paraître discutable dans la mesure où elle implique que le prix d’une caractéristique ne dépend ni de sa quan- tité consommée, ni de la quantité consommée des autres caractéristiques. A ce titre, Rosen ne suppose pas cette relation linéaire en postulant que les consommateurs arbitrent entre les différents attributs d’un bien en les “détachant” et en les “repa- ckageant”. C’est pourquoi une fonction non linéaire peut être préférée car le niveau des prix est alors commandé par celui des quantités des attributs sélectionnés. Mais dans ce cas, les prix implicites peuvent varier d’un consommateur à l’autre, les indi- vidus ne faisant généralement pas l’acquisition des mêmes quantités de services. Par conséquent, la non linéarité de la fonction soulève à son tour un problème : un pro- blème théorique de significativité de l’équilibre car les quantités de caractéristiques 15
  • 27. peuvent être échangées à des prix différents. 1.3.1.2 Stabilité de la forme fonctionnelle Si les marchés sont parfaitement concurrentiels, toutes les transactions s’effec- tueront sur la base d’une série de prix unique. Au contraire, si les préférences des ménages et si les caractéristiques des logements disponibles à la vente - les deux clés de l’analyse - sont différentes d’un marché à un autre, il est possible que les consom- mateurs paient des prix différents et qu’alors coexistent de multiples séries16 de prix. C’est pourquoi la théorie suggère d’exploiter l’hypothèse de segmentation des marchés (Straszheim [1975]) et d’estimer différentes fonctions hédoniques sur chacun des sous-marchés considérés, afin d’admettre l’identité des prix implicites sur chacun de ces derniers. D’ailleurs les développements tels que les présentent Smith, Rosen et Fallis [1988] indiquent que la tendance est plutôt à des modélisations spatialisées sur des marchés restreints. 1.3.2 L’estimation de la demande de caractéristiques L’estimation de la seconde étape soulève deux principaux problèmes économé- triques : un problème d’endogénéité et un problème d’identification. Le premier se pose si l’hypothèse de non linéarité de la fonction hédonique est retenue, car les prix et les quantités de caractéristiques sont alors endogènes puisque déterminés si- multanément par le consommateur. Le second renvoie quant à lui à la difficulté de distinguer l’équation de demande de caractéristiques de l’équation de prix car les prix marginaux sont souvent uniques. Pour remédier au problème d’identification, de nombreux auteurs pensent que la meilleure solution est d’agréger les prix implicites estimés sur différents marchés et sur les paramètres de la demande représentatifs des marchés considérés17 . Ils supposent qu’une fois les variables socio-économiques contrôlées, il n’existe pas de différences systématiques entre les individus de localités différentes. Une stratégie alternative pour identifier la demande est de placer des restrictions fonctionnelles sur l’équation de prix hédoniques. Par exemple, Mendelsohn [1985] propose de contraindre le gradient de prix à être compatible avec les équations structurelles (du système d’offre et de demande de Rosen), ces dernières ne pouvant 16 Si les prix observés sont plus importants sur un marché donné, on peut s’attendre à ce qu’il en soit de même pour les prix implicites. 17 Les travaux de Follain et Jimenez [1985b] présentent des estimations de la demande de carac- téristiques suivant cette logique. 16
  • 28. être identifiées que s’il y autant de paramètres linéairement indépendants dans le gradient de prix qu’il y en a besoin pour estimer les fonctions d’offre et de demande. Il achève ainsi l’identification de la demande en contraignant la forme fonctionnelle (par une expansion polynomiale) aux équations structurelles inconnues, c’est-à-dire que lorsque les équations sont combinées à l’observation des caractéristiques des offreurs et des demandeurs, elles génèrent le gradient de prix observé. 1.3.3 La segmentation des marchés et la concurrence monopolis- tique La spécificité du bien logement et la différentiation des produits qui en découle sont de nature à déterminer une segmentation des marchés. Comme l’illustre Jayet et Kazmierczak [2001], au problème d’hétérogénéité des biens s’ajoute celui des dis- parités de la demande des ménages. En effet, la diversité des préférences et des contraintes budgétaires des ménages entraîne à travers le mode de fixation des prix une forme de ségrégation. En comparant la disposition à payer d’un célibataire et d’un couple avec enfants pour un logement en fonction de sa surface, ils montrent que les prix exprimés sur le marché ne représentent que les dispositions à payer des agents les plus élevés18 . Mouillart [1995] estime d’ailleurs que le caractère durable du bien logement rend permanentes les différentiations éventuelles des offres et des demandes et qu’ainsi les offreurs se trouvent en situation de quasi-monopole face à une demande abondante, compte tenu du niveau des besoins économiques et sociaux à satisfaire. Les prix ne jouent alors plus le rôle de variables d’ajustement selon la logique de marché décrite par la concurrence pure et parfaite, ils sont en revanche des variables sous contrôle des offreurs qui déterminent les prix auxquels ils proposent les logements suivant le pouvoir d’achat de la clientèle. Si l’on suppose ainsi que les marchés du logement sont hiérarchisés et segmentés, l’hypothèse selon laquelle le marché est régi par la concurrence pure et parfaite mérite d’être reconsidérée. La concurrence monopolistique est une notion intermédiaire entre la concurrence parfaite et le monopole19 . 18 Le ménage avec enfants ayant des besoins plus importants en termes de surface, sa disposition à payer sera supérieure à celle d’un célibataire quand les logements seront suffisamment grands. A l’inverse, le célibataire sera prêt à payer proportionnellement davantage pour des logements de plus petite surface. 19 On dit qu’une entreprise est en position de monopole lorsqu’elle est seule à offrir un certain type de bien. Il s’agit donc d’une situation opposée à celle de la concurrence parfaite. Sur les marchés de concurrence parfaite, offreurs et demandeurs sont en nombre très élevé et aucun d’entre eux n’est individuellement responsable de la détermination des prix. A l’inverse, l’entreprise en situation de 17
  • 29. Comme sur un marché de concurrence parfaite, la concurrence monopolistique est caractérisée par le grand nombre de vendeurs. Toutefois, en concurrence parfaite les produits échangés sont parfaitement normalisés et standardisés et en conséquence, l’identité du vendeur ne compte pas. Un marché de concurrence parfaite correspond alors à la confrontation totalement anonyme de l’ensemble des acheteurs et de l’en- semble des vendeurs. Sur un marché de concurrence monopolistique, les acheteurs ont en revanche une préférence plus ou moins marquée pour la variété vendue par tel ou tel vendeur. Chaque vendeur dispose alors d’une certaine latitude dans la détermination du prix de ses produits et c’est ce qui rapproche la concurrence mo- nopolistique d’un marché de monopole. Comme pour le monopole, un vendeur en situation de concurrence monopolistique tient compte de la relation entre le prix des produits qu’il commercialise et la demande qui lui est adressée en repérant ses propriétés. Toutefois, à la différence d’un marché de monopole où le produit est supposé ne pas avoir de substitut proche, un marché de concurrence monopolistique rassemble des agents qui proposent des biens étroitement substituables les uns aux autres. En résumé, la concurrence monopolistique se rapproche du cadre de la concur- rence parfaite par le grand nombre de vendeurs, mais elle s’en différencie du fait de la préférence plus ou moins marquée qu’ont les acheteurs pour la variété de carac- téristiques vendue par telle ou telle entreprise. Elle se rapproche du monopole, car les vendeurs décident du prix auquel ils vendent leurs produits en tenant compte de la relation entre le prix et la demande qui leur est adressée et s’en distingue cependant, car pour chaque vendeur il existe des concurrents qui commercialisent des biens étroitement substituables à son propre portefeuille. Ce cadre ainsi défini permet d’échafauder un système de référence dans lequel se forment les prix, véritables indicateurs de la capacité à payer des agents économiques. Dans cette structure particulière de marché, la demande se voit donc attribuer un rôle prédominant dans l’analyse et laisse peu de place aux agents pour ce qui est de la formation de l’offre. 1.3.4 Le problème des données La mise en oeuvre de la méthode est délicate car elle nécessite de rassembler des prix de transactions. La meilleure solution pour estimer la fonction de prix hédo- niques est, sans nul doute, d’utiliser les prix de ventes réalisées. Nous verrons dans monopole est seule à offrir le bien envisagé et c’est elle qui détermine le prix auquel elle vend sa production. On dit qu’elle est “faiseur de prix” par opposition aux agents qui interviennent sur des marchés de concurrence parfaite qui sont preneurs de prix. 18
  • 30. le chapitre quatre qu’en pratique des solutions alternatives sont souvent utilisées, de nombreux auteurs ayant recours à des prix d’offre, à des évaluations d’experts ou encore à des prix moyens issus de rencensements suffisamment homogènes. De plus, comme l’objectif de la théorie des prix hédoniques est de déterminer l’effet d’une caractéristique sur le prix d’un bien, toutes choses égales par ailleurs, des problèmes apparaissent avec la mesure des caractéristiques structurelles du logement et de son environnement et le contrôle des biais liés à l’omission de variables. Le choix du vecteur de caractéristiques soulève alors plusieurs questions importantes : — Quelles mesures de caractéristiques doivent être utilisées ? — Est-il possible de séparer les effets de différentes caractéristiques quand ces mesures sont corrélées ? — Est-ce que les individus sont assez proches les uns des autres dans la perception de la qualité des logements, laquelle est supposée gouverner les choix reflétés dans les prix des biens ? Par ailleurs de nombreux auteurs ont essayé d’estimer la demande pour les ca- ractéristiques d’un logement en suivant la méthodologie en deux étapes suggérée par Rosen : une estimation d’une équation de dépense hédonique et une estimation d’un système d’équations structurelles, en combinant les prix estimés générés par la fonction hédonique avec les variables modifiées d’offre et de demande observées. Mais la création de la “garden variety” de Rosen est délicate, sinon impossible, car rares sont les observatoires qui associent la composante revenu d’un ménage à la transaction qu’il réalise20 . Les difficultés liées à la deuxième phase de la méthode ne remettent cependant pas en cause l’intérêt de la première phase qui peut être menée pour valoriser les caractéristiques du logement, même si les études consacrées à la spécification d’une fonction hédonique des prix des logements existants souffrent encore de deux prin- cipaux écueils : — elles se limitent à des territoires définis par les frontières communales, les “Me- tropolitan Statistical Areas”, et sont rarement disponibles à l’échelle d’un pays ; — elles présentent un caractère ponctuel, les résultats produits étant peu souvent actualisés à périodicité fixe. 20 On notera par exemple l’Observatoire du Financement du Logement (OFL) de CSA qui dispose précisément de l’ensemble de ces données. 19
  • 31. 1.4 La rationalité de la demande : le service logement En leur conférant des propriétés similaires aux prix “ordinaires”, les prix im- plicites permettent de valoriser les caractéristiques du logement. Les prix des ca- ractéristiques diffèrent cependant en certains points des prix ordinaires. En effet, ils doivent être estimés avec la fonction hédonique car ils ne sont pas directement observables, et, de plus, les relations entre ces derniers peuvent être complexes et difficilement interprétables. Si les caractéristiques estimées à partir de la fonction hédonique doivent avoir un sens économique et pas seulement constituer un artefact statistique d’une régression, il faut alors que les variables choisies comme caracté- ristiques en aient un également : elles auront du sens si elles représentent ce que l’acheteur désire dans l’achat du bien21 (Triplett [1986]). La valeur économique de chaque bien doit refléter le niveau des avantages et des inconvénients du moment ou des potentiels que lui reconnaît chaque ménage. Par exemple, le ménage peut arbitrer entre les zones de localisation, et en acceptant de payer un prix plus élevé il accèdera à un segment de meilleure qualité. C’est dans un sens très large que la localisation est prise ici : c’est en effet un terme polysémique (Rhein [1998]) ren- voyant tout autant à des lieux précis et des milieux définis qu’à des types d’habitats ou de tissus urbains. Dans cette optique, le service logement est un vecteur de ca- ractéristiques généralement décomposé en trois sous-ensembles distincts (Mouillart [1995]) : il s’agit des caractéristiques structurelles du logement pour le premier, des caractéristiques liées à son environnement physique pour le deuxième et enfin de son positionnement dans son environnement socio-économique pour le troisième. 1.4.1 Les caractéristiques structurelles Le premier jeu de variables le plus couramment utilisé pour valoriser un logement concerne le confort du logement et la qualité du bâti. Il permet de caractériser l’unité habitée par une multitude d’attributs et par son environnement spécifique. Les prix implicites des caractéristiques structurelles sont supposés positifs sous l’hypothèse naturelle que le prix d’un logement est d’autant plus élevé que son confort est grand. Mais ils peuvent être négatifs : c’est le cas lorsque la “valeur prise” ou le niveau d’une caractéristique permet de révéler un différentiel de prix. Par exemple, si le type de maison est distingué, une décote (prix implicite négatif) peut être observée pour une maison par rapport à une villa (prix implicite positif) en référence au pavillon. 21 En effet le consommateur, agent économique rationnel, vise par hypothèse à retirer la plus grande satisfaction possible de la consommation du service logement, défini dans la tradition de Lancaster par l’agrégation des services rendus par chacune de ses caractéristiques. 20
  • 32. Suivant le même principe, le prix implicite de la caractéristique “exposition” pourra être positif si le séjour est orienté vers le sud, et de signe opposé s’il fait face au nord. 1.4.1.1 L’unité habitée La catégorie du logement précise le type d’habitat, collectif ou individuel22 . Elle permet de distinguer les appartements à rénover, neufs, anciens, les villas, les pavillons, les maisons traditionnelles. La taille du logement constitue un élément important, ceci s’expliquant par une disposition à payer plus grande par des consom- mateurs voulant plus d’espace, et plus particulièrement d’espace fonctionnel (Li et Brown [1980], Fletcher et alii [2000]). Elle peut être appréhendée à la fois en termes de superficie (totale et du séjour), de nombre de pièces et de chambres, de nombre de niveaux. L’agencement des pièces et leur exposition peuvent être également pris en compte. L’ensemble des éléments de confort de l’unité habitée fait référence à l’existence d’une cuisine équipée ou aménageable, d’une ou plusieurs salles de bains et/ou salles d’eau, d’un balcon et/ou d’une terrasse, d’un chauffage électrique, d’une chaudière ou d’un ballon, si l’eau chaude n’est pas collective, d’une installation de climatisation, de vitres spéciales et d’autres matériaux d’isolation acoustique ou thermique. 1.4.1.2 L’environnement spécifique du bien L’environnement spécifique du bien concerne les caractéristiques du bâtiment et de son voisinage immédiat. Les caractéristiques du bâtiment font référence dans l’ensemble à son année de construction23 , son architecture, son état général, aux caractéristiques de son chauf- fage et aux annexes du logement : présence de garages, parkings, caves. Plus précisé- ment, pour les appartements, les étages sont dénombrés (l’emplacement du logement à l’intérieur du bâtiment peut être défini), l’existence d’ascenseur est précisée, le stan- ding de l’immeuble est apprécié. Pour les maisons, le type de couverture est identifié 22 Un logement collectif (type appartement) est un logement situé dans un immeuble avec plu- sieurs logements. Un logement individuel (type maison) est lui situé dans une construction compre- nant un seul logement. 23 L’âge du bâtiment permet de prendre en compte la dépréciation des logements (Malpezzi et alii [1987]) : toutes choses égales par ailleurs, pour un logement construit à la date , la vente observée en  + 1 est supposée de prix moindre. A ce titre, Knight et alii [2000] proposent de repérer les travaux de maintenance qui permettent de compenser cette dépréciation et de conserver le bien “en l’état” (le montant de ces opérations n’étant pas significatif dans leur modèle). 21
  • 33. (tuile, ardoise...), les greniers et les sous-sols sont repérés et l’existence de dépen- dances est précisée. Il peut être en outre indiqué si les habitations sont mitoyennes ou si elles font partie d’un lotissement. L’environnement spécifique du bien est défini par les caractéristiques de la cein- ture du logement, qu’il s’agisse de sa sécurité à l’entrée : présence d’un gardien, d’un digicode ou encore d’un interphone dans le hall de l’immeuble, ou de son environ- nement immédiat : parties privatives, piscine, espaces verts24 (pour les maisons, la surface du terrain est mesurée), jardins, parcs, implantation de barrières autour de la résidence, présence de milices privées... 1.4.2 L’environnement physique Le second jeu de variables concerne le positionnement du logement dans l’espace. Les localisations à proximité d’infrastructures qui permettent d’atteindre rapidement les centres urbains sont les plus recherchées et donc plus coûteuses que celles mal reliées au reste de l’agglomération. En effet, elles sont appréciées pour la présence d’équipements publics, commerciaux, culturels et éducatifs à proximité et plus gé- néralement pour les caractéristiques de l’environnement ou les aménités25 des sites. La mesure des attributs d’une localisation est délicate, car ils sont source d’exter- nalités qui peuvent générer un coût ou un bénéfice pour le ménage. Les externalités positives sont celles qui sont perçues comme bénéfiques et qui ont une influence posi- tive sur le prix. A l’inverse, les externalités qui génèrent un coût sont dites négatives et affectent, à la baisse, les prix. De plus, il se peut qu’une externalité soit perçue à la fois positivement et négativement. C’est le cas typique d’un centre commercial qui produit par sa convenance une externalité positive et une externalité négative en raison des problèmes de congestion de trafic et de pollution que sa présence peut entraîner ou bien encore des infrastructures de transport qui autorisent des gains de temps lors des déplacements mais qui sont à l’origine de pollution urbaine. Par ailleurs, la plupart des externalités ont un impact local : leurs effets et la perception de leurs intensités s’amenuisent à mesure que les ménages s’en éloignent. Les rési- dents proches de la source de l’externalité seront directement affectés, alors que ceux 24 Au Canada, Des Rosiers et alii [2002] estiment que les appartements gagnent en moyenne 7,7% de valeur à proximité des terrains verts. 25 En anglais moderne, les amenities font référence aux équipements collectifs. Par là, ce mot est revenu en français, au pluriel, pour évoquer les agréments d’une ville et certains équipements qui y contribuent (jardins publics, trottoirs ombreux, rives paysagées). Cette reprise en faux sens traduit l’accent qui est mis sur la qualité du cadre de vie. 22
  • 34. plus éloignés le seront dans une moindre mesure (Fujita26 [1989]). C’est pourquoi les variables descriptives de l’environnement physique du bien sont mesurées par des distances de proximité (distances euclidiennes, distances temps, distances réseaux) et plus exactement par des fonctions non monotones de la distance pour prendre en compte les arbitrages entre les effets bénéfiques d’une grande accessibilité et le coût de la proximité. 1.4.2.1 Les infrastructures de transport Le repérage des infrastructures de transport, routières ou ferroviaires, permet de valoriser les zones résidentielles. Les systèmes de transport facilitent l’accès au travail et à diverses activités culturelles ou de loisirs... et génèrent des gains de temps que les ménages sont prêts à capitaliser dans le prix d’un logement : un logement situé dans une zone bien desservie présentera un niveau plus élevé qu’un même logement situé dans une zone mal desservie. Ainsi en France, Deymier [2002] propose de mesurer les effets des gains d’accessibilité induits par la mise en place du périphérique nord de Lyon sur les prix des logements par le recours à une analyse de prix hédoniques. Dans son analyse des configurations urbaines, Peggy [2002] montre que la distance au centre comme déterminant microéconomique de la localisation des ménages apparaît comme prépondérante27 . Aux Etats-Unis, Grass [1992] observe des prix des logements plus élevés à proximité des stations de métro à Washington. Dans cette même ville, Benjamin et Sirmans [1996] repèrent une diminution des loyers d’habitation à mesure que les logements s’éloignent des stations de métro : chaque augmentation de 1/10 de mile28 de la distance de la station se traduit par une diminution de loyer d’environ 2.5%. Le modèle de Landis et Cevero [1995] mesurant les impacts du train express californien (le “Bay Area Rapid Transit”) sur les prix des logements illustre encore bien cela : un logement à proximité immédiate du réseau de transport est vendu 38% plus cher qu’un logement qui en est distant. 26 Dans son modèle de choix de localisation résidentielle avec externalité, Fujita [1989] distingue différents types d’aménités : les citygoods qui se caractérisent par un niveau de service homogène sur l’ensemble de la commune, les neighborhoodgoods qui sont offerts de façon localisée si bien que les ménages en retirent d’autant plus de bénéfices qu’ils habitent à proximité de ce bien et les superneighborhoodgoods qui sont des biens dont les bénéfices dépendent également de la localisation des ménages par rapport à l’offre mais qui peuvent occasionner des débordements. 27 Peggy [2002] note par ailleurs que l’augmentation des densités se trouve renforcée à mesure que le niveau de revenu moyen des ménages s’accroît. Cette observation laisse penser que les ménages priviligieraient une durée de transport moindre compte tenu d’une valeur temps croissante avec le revenu. 28 Soit environ 160 mètres. 23
  • 35. En Californie toujours, Boarnet et Charlempong [2001] isolent un effet positif sur les prix des logements lié à la construction d’une autoroute à péage dans le comté d’Orange. Armstrong [1994] estime que les résidences de Boston situées à proximité d’une gare de banlieue gagnent 6.7% de valeur. Au Canada, Bajic [1983] estime que les logements de la banlieue de Torento desservis par le train peuvent gagner en valeur jusqu’à C$ 2237. Au Japon, So et alii [1997] montrent que les prix des logements de Hong-Kong29 dépendent de leur proximité aux stations de métro et aux arrêts de “mini-bus” qui favorisent le lien entre les différents modes de transports (métro, bus, ferry...). 1.4.2.2 Les équipements commerciaux, culturels et éducatifs Les ménages s’orientent vers les zones permettant d’accéder efficacement aux centres générateurs d’externalités. La présence à proximité de centres d’achats (épi- ceries, commerces), d’installations de loisirs (équipements sportifs, gymnases, pis- cines), d’un centre médical ou d’un hôpital ou encore d’un bureau de poste, rendent la vie beaucoup plus agréable et plus facile. Par exemple, Sirpal [1994] examine les différences de prix des résidences de Gainesville (Floride, Etats-Unis) observées à proximité des centres commerciaux. Ses résultats indiquent que la présence d’un centre commercial a un impact positif sur la valeur des biens voisins et que cet impact est en outre proportionnel à la taille du centre commercial considéré. Parmi l’ensemble des équipements qui peuvent avoir une influence dans le choix du quartier, nous retiendrons que la proximité d’établissements scolaires joue un rôle de premier plan (Downes et Zabel [1997], Crone [1998], Brasington [1999]). Deux in- dicateurs sont généralement retenus pour apprécier la qualité des écoles (secondaires notamment). Le premier indicateur renvoie à des critères de performances (mesure des taux de réussite aux examens) ou de qualité de l’enseignement telles que les parents peuvent la percevoir : montant des dépenses engagées par enfant pour la scolarité, ratio du nombre d’enseignants par nombre d’élèves, taille moyenne de la classe. Dans le district de Dallas (Etats-Unis), Hayes et Taylor [1996] estiment par exemple qu’une hausse de 1% de la qualité des écoles peut entraîner une augmen- tation du prix des biens d’environ 0.3%. Le second indicateur concerne le repérage des districts ou des cartes scolaires (Bogart et Cromwell [1991]). Il offre une vision plus large de la qualité des écoles et permet de les comparer entre elles. Ainsi les résultats de Black [1988] révèlent que les ménages américains marquent une préfé- 29 A Hong-Kong et plus qu’ailleurs, 90% des ménages utilisent les transports en commun en raison d’une grande densité de population, de la concentration des activités et des problèmes de congestion du trafic. 24
  • 36. rence pour les écoles privées. Ils indiquent en outre que les logements à proximité d’une école qui présente un taux de réussite de 5% supérieur à celui de l’école voi- sine peuvent gagner en valeur jusqu’à 2%. De même en France, les travaux de Rhein [1988] mettent en évidence l’inégale répartition des lycées et collèges au sein de l’ag- glomération parisienne et les rapports entre les structures socioprofessionnelles des ménages et le type d’offre scolaire, privée / publique, enseignement général / ensei- gnement technique : les cadres et les professions intellectuelles supérieures accèdent à un marché du logement qui coïncide avec une offre d’enseignement privé spatia- lement plus concentrée dans les beaux quartiers et les banlieues huppées (Neuilly- sur-Seine, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud) que l’offre publique. Pour les communes du Val-d’Oise, Martinez et alii [1995] mettent en évidence qu’une hausse de 10% du redoublement en cinquième30 entraîne une dépréciation de la valeur des biens immobiliers de l’ordre de 1.7% [en 1990]. 1.4.2.3 Les aménités des sites L’esthétique de la localisation d’un bien joue également un rôle important dans le choix d’un logement (Boyle et Kiel [2001], Jackson [2001]). En effet, les ménages apprécient la vue qu’offre le logement sur certains sites naturels (mer, lac, montagne, vallée...), cette appréciation pouvant dépendre de sa qualité (vue sur l’horizon, par- tiellement ou peu dégagée). Par exemple aux Etats-Unis, Benson et alii [1998] es- timent que les logements de Bellingham (Washington) situés face à la mer peuvent gagner de 25 à 75% de valeur selon qu’ils proposent une vue dégagée ou non31 . Selon Asabere et Huffman [1996], les logements à proximité d’un terrain de golf à Mount Laurel (New Jersey) sont négociés près de 8% plus cher. Au Canada, Michael et alii [1996] illustrent que la vue sur les lacs du Maine est capitalisée dans les prix des logements. Au Japon, So et alii [1997] remarquent une forte corrélation entre la vue et l’étage des appartements, ceux situés en hauteur offrant une vue plus déga- gée. Les ménages peuvent également valoriser l’image de leur quartier et préférer les espaces composés principalement d’habitations récentes et bien entretenues aux es- paces composés majoritairement de propriétés insalubres, voire laissées à l’abandon. 30 Les auteurs considèrent que le taux de redoublement en cinquième est plus significatif que celui de la sixième ou du baccalauréat car c’est en cinquième qu’est “toléré” le premier vrai décrochage des élèves qui présentent un retard scolaire, alors qu’en sixième, il est d’usage de ne pas favoriser le redoublement. 31 Benson et alii [1998] mettent en outre en évidence que ce gain diminue à mesure que les logements sont éloignés de la mer, les logements situés à 2 miles présentant alors une plus-value oscillant entre 4 et 30%. 25
  • 37. La fonction hédonique de Simons et alii [1998] appliquée au marché de Cleveland (Ohio, Etats-Unis) permet ainsi d’isoler un effet positif de la construction neuve sur le voisinage. Dans le cas français, le repérage des plans locaux d’habitat pré- voyant la restauration d’un centre-ville par exemple, réalisés par l’Agence nationale de l’Habitat (ANAH), pourrait permettre d’isoler des zones davantage attractives. A l’inverse, la proximité de certains sites peut être perçue comme une nuisance. C’est le cas par exemple lorsque le logement donne sur un cimetière (Tse et Love [2000]), se situe près de centres d’enfouissement de déchets (Michaels et Smith [1990]), est à proximité d’une usine polluante et plus ou moins sonore, ou est voisin d’aéroports (Uyeno et alii [1993], Bell [2001]). En France, Martinez et alii [1995] trouvent une justification économique à la résistance des associations de riverains à l’installation d’une troisième piste à l’aéroport de Roissy, la valeur des biens fonciers étant dépréciée à sa proximité (en 1990, ils estiment qu’un logement qui s’éloigne d’un kilomètre de Roissy gagne 5900 francs). Dans tous ces cas, on considère que les nuisances sont capitalisées négativement dans le prix et que cette différence de prix représente le consentement à payer pour bénéficier d’un environnement de meilleure qualité. 1.4.3 Les facteurs socio-économiques Enfin une dernière vision plus large permet d’appréhender les facteurs socio- économiques du bassin d’habitat et d’activité. C’est l’objet des grandes variables macroéconomiques et financières qui permettent d’homogénéiser les territoires et de les différencier par leur activité économique ou par leur richesse. Une étude de la fiscalité peut également permettre de repérer les territoires attractifs, un haut niveau de taxes pouvant s’apparenter par exemple à un indicateur de service public de qualité. Mais si la différence sociale entre les individus semble hiérarchiser les lieux de résidences (Tabard [1993]), il n’apparaît pas nécessaire d’introduire simultanément ce troisième jeu de variables et la spécificité de l’environnement physique du bien dans le vecteur de caractéristiques. Ce dernier risque alors d’être surdéterminé car les différentes mesures peuvent être corrélées entre elles, la “segmentation environ- nementale” du territoire ayant comme corrolaire la “segmentation sociale” de l’es- pace. Les ménages les plus riches ont en effet une capacité financière et sont prêts à payer plus cher des logements de qualité, bien situés, alors que les populations financièrement moins bien dotées sont repoussées dans les localisations où les prix des logements sont moins élevés justement parce que les acquéreurs ont une moindre capacité d’enchères. 26
  • 38. 1.4.3.1 Le revenu Il est naturel de considérer le revenu comme le principal argument de la formation des prix des logements. En effet, selon Mouillart [1995, 1998b], le prix maximal d’un logement est déterminé suivant les conditions de solvabilité de la demande32 (en référence aux règles que les établissements de crédit imposent) et par comparaison entre l’opération et celles déjà réalisées dans le voisinage. C’est pourquoi la distance sociale entre les individus semble hiérarchiser leurs lieux de résidence, tant pour les quartiers à l’intérieur d’une même ville que pour les villes à l’intérieur d’une région. Les travaux de Tabard [1993] l’illustrent bien : en appréhendant la hiérarchie sociale du territoire par la composition socio-professionnelle de la population et par l’activité économique des établissements où travaillent les actifs employés d’une unité géographique, elle fait apparaître des regroupements et des oppositions stables dans le temps33 . 1.4.3.2 L’environnement sociologique L’environnement sociologique est souvent utilisé pour constituer un indicateur d’image du quartier et de ses environs si les stratégies résidentielles sont commandées par une double logique d’agrégation et de ségrégation (Morlet [2000]). Il est en effet largement reconnu que les voisins, à travers leurs caractéristiques sociales, culturelles, économiques et démographiques, jouent le rôle de modèle pour les jeunes et peuvent influencer positivement ou négativement le développement de leur sens34 de valeur. Les territoires où les problèmes sociaux sont importants peuvent être identifiés par un niveau élevé du taux de chômage ou par l’intensité du chômage de longue durée. L’hétérogénéité sociale du territoire peut être appréhendée par la proportion de personnes de nationalité étrangère ainsi que celles dont la nationalité française s’est faite par naturalisation, ou en faisant le quotient du nombre de cadres par celui des 32 Selon Mouillart [2002], les prix des logements anciens s’établissent en moyenne à 2,7 années de revenus en longue période et cette régularité a déjà pu être observée sur les 25 dernières années. 33 Tabard [1993] propose un résumé de la structure socio-économique du territoire par le recense- ment des professions et branches d’activités des actifs. La distribution des ménages selon leur statut et leur lieu de résidence vient enrichir la présentation. Cette photographie permet de positionner les quartiers et les communes sur un plan factoriel qui distingue les zones les plus riches des zones les plus pauvres, tout en faisant référence à leur statut défini précédemment. 34 Pour Brun [1995], le quartier est une entité malaisée à cerner : c’est “une réalité vécue, un territoire au sens d’espace qu’un individu ou un groupe s’approprie symboliquement à travers un certain nombre de pratiques et d’images, au point que l’appartenance à cette entité contribue au sentiment qu’il éprouve de son identité sociale”. 27
  • 39. ouvriers35 (les deux positions professionnelles qui s’excluent le plus dans l’espace urbain). En Australie, Reed [2002] procède à l’analyse de la relation entre la composition sociale des quartiers de Brisbane et la valeur des biens. Il appréhende la dimension sociale du territoire à l’aide d’une analyse en composante principale qui permet d’expliquer 80% des variations de prix observées entre les quartiers, à l’aide de deux facteurs principaux : le premier concerne le statut socio-économique du ménage (mesuré par son revenu et son niveau d’éducation), le second renvoie au statut du ménage lui-même (identifié par l’âge moyen du ménage, son statut marital, le nombre d’enfants). 1.4.3.3 La fiscalité Dans la perspective des modèles de choix résidentiels et de capitalisation des biens publics locaux, les ménages, complètement libres dans leur choix de localisation résidentielle, procèdent à un shopping fiscal : supposés bien informés et agir de façon rationnelle, ils chercheraient à optimiser leur localisation, au sens où leur recherche de logement porterait avant tout sur les localités où le rapport entre les taxes et les niveaux d’équipements collectifs leur serait le plus favorable, c’est-à-dire où le taux d’imposition serait minimal et le nombre et la qualité des équipements collectifs maximaux. Des indicateurs de pression fiscale (montant de l’impôt foncier, niveau de la taxe d’habitation) peuvent ainsi être introduits dans la fonction hédonique pour révéler un service public de qualité. Ils peuvent également distinguer les communes qui entretiennent des cercles vertueux, des communes qui entretiennent des cercles vicieux36 (Cuenca et Moreau [1998]). 35 Redfearn [1999] propose une mesure de la similarité de la structure de l’emploi qui fait référence à une distance euclidienne entre la composition industrielle de deux villes. Il définit la distance industrielle à un instant  entre deux villes  et  par  =   ( − )21 2 où  représente la proportion de l’emploi en  de la ville  dans l’industrie . 36 Selon Cuenca et Moreau [1998], l’attractivité spatiale suit une logique cumulative. Les com- munes dont le tissu productif est dynamique, collectent des montants importants de taxe profes- sionnelle. La contrainte de budget se relâchant, elles peuvent alors se permettre de baisser le taux de taxe professionnelle. Cette baisse peut encourager de nouvelles implantations et ainsi renforcer leur attractivité. Pour les communes frappées par le chômage, les résidents étant moins solvables, la contrainte de budget communal se reporte sur les activités restantes. Cela se traduit par une augmentation de la taxe professionnelle qui peut conduire à des délocalisations ou dissuader l’ins- tallation. Le cercle vicieux est ainsi renforcé et l’espace est de moins en moins attractif. 28
  • 40. 1.5 Conclusion Le logement se distingue des autres marchandises ou des biens de consommation traditionnels, sa définition révélant ses propriétés de durabilité, d’hétérogénéité et de fixité dans l’espace : — c’est un espace de liberté qui se caractérise par une multitude d’attributs, — il est un abri dont la complexité des équipements et des aménagements permet de se protéger des agressions extérieures, — il assure une vie sociale que rend possible son environnement et en est le reflet que lui confère son apparence. La théorie des prix hédoniques propose précisément de prendre en compte cette spécificité et d’évaluer les coûts qui sont associés à chacun des attributs qui le ca- ractérisent. Le principe de la méthode nécessite la spécification de deux étapes : la première concerne la définition d’une fonction hédonique permettant de décrire un bien à partir d’un vecteur de caractéristiques ; la seconde concerne la spécification, à partir de ce cadre réduit, des équations d’offre et de demande de caractéristiques sur un marché régi depuis le modèle proposé à l’origine par Rosen en 1974 par la concurrence pure et parfaite. Dans le cadre d’un marché concurrenciel réunissant des agents bien informés, la convergence des prix en fonction des caractéristiques du logement telle qu’elle est appréciée par les experts est assurée. Mais compte tenu de l’expansion des marchés et de la différentiation croissante des produits sur chaque marché, les acheteurs sont davantage considérés comme des profanes : les candidats à l’achat sont souvent en situation de sous-information, l’offre étant accompagnée par une information limitée, voire imprécise, tant sur la qualité du logement que sur celle de son environnement. Dans ce cas, il devient nécessaire, pour aider le consommateur, de disposer d’indi- cateurs spécifiques qui quantifient les caractéristiques des produits commercialisés : c’est le rôle du professionnel de l’immobilier. De plus, si le prix d’un logement est considéré a priori comme sensible aux carac- téristiques du logement, il l’est également aux conditions d’expression de la demande qui se traduisent dans la structure des préférences et dans les contraintes budgétaires des ménages. En outre, le caractère durable du bien logement rend permanentes les différentiations éventuelles des offreurs et des demandeurs. Ainsi, les offreurs se trouvent en situation de quasi-monopole face à une demande abondante compte tenu des besoins économiques et sociaux à satisfaire. Selon le pouvoir d’achat de la clientèle, ils déterminent les prix auxquels ils proposent les logements. Les prix ne jouent plus le rôle de variable d’ajustement selon la logique décrite par la concurrence 29
  • 41. pure et parfaite, mais ils deviennent des variables sous leur contrôle. On pourrait alors supposer, dans ce cas, que les professionnels de l’immobilier deviennent “price maker” et proposent des prix pour lesquels les ménages vont s’accorder. Si l’hypothèse selon laquelle le marché est régi par la concurrence pure et par- faite mérite d’être ainsi reconsidérée, cela est sans conséquence sur la logique de la démarche proposée. D’autant que le recours à la théorie des prix hédoniques est sou- vent réduit à la première étape. Cela tient le plus souvent au manque d’informations, l’analyse peinant à identifier les comportements d’offre et de demande à partir de données suffisamment fournies et fines. Les difficultés liées à la deuxième phase de la méthode ne remettent pas en cause l’intérêt de la première phase qui peut être menée pour valoriser les caractéristiques du logement. Plus qu’un outil d’analyse de la demande d’un bien différencié, la théorie des prix hédoniques est une méthode de traitement de l’information fournie par le marché. Le coeur de la méthodologie se trouve dans la mesure de la contribution des attributs d’un produit à son prix, en expliquant la valeur observée du bien par les prix implicites de chacune des caractéristiques qui le définissent. Dans ce cadre, l’hétérogénéité des biens est alors réduite à un ensemble de caractéristiques censées être représentatives du bien logement et de ce qu’il représente pour le ménage qui l’acquiert : les caractéristiques intrinsèques du logement et de son bâtiment ainsi que celles de son environnement physique et social à l’origine de la segmentation des marchés. Durant ces trente dernières années, la théorie des prix hédoniques a fait l’objet de nombreuses contributions, mais rares sont aujourd’hui les applications de nature opérationelle, en raison des difficultés inhérentes à la collecte de données nécessaires à leur mise en oeuvre. Si les contributions présentées Outre Atlantique sont trop nombreuses pour qu’elles puissent toutes être recensées ici, les études appliquées à l’économie du logement dans le cas français ont été jusqu’alors ponctuelles. 30
  • 42. Chapitre 2 Méthode d’estimation de la fonction de prix hédoniques 2.1 Introduction Appliqués à la théorie des prix hédoniques, les travaux consacrés à la formation des prix des logements sont développés dans deux directions : — une théorique d’une part où ils s’attachent, dans le cadre d’un modèle d’offre et de demande de biens différenciés, à la définition d’une fonction hédonique permettant d’expliquer les différences de prix observées sur un grand nombre de logements vendus par leurs différences de caractéristiques, dès lors que ces dernières sont source d’utilité pour les ménages qui les consomment ; — une statistique et économétrique d’autre part, à la recherche des méthodes les plus efficaces pour estimer cette fonction, autrement dit des modèles d’évalua- tion des prix qui présentent les propriétés explicatives et prédictives globale- ment les plus performantes. Le chapitre précédent, consacré aux déterminants des prix, présentait un cadre théorique permettant de définir la nature et le sens des variables susceptibles d’ex- pliquer la valeur des logements. Il reste désormais à préciser comment elle peut être reconstituée, sur un terrain davantage pratique, à partir des variables retenues pour décrire le logement. Nous ferons dans un premier temps référence à la technique d’estimation, la plus connue et communément utilisée, appliquée aux modèles paramétriques : la méthode des moindres carrés ordinaires. Si le recours à cette méthode nécessite de préciser une relation prédéterminée entre les prix des logements et leurs caractéristiques, nous présenterons alors les formes fonctionnelles les plus fréquemment utilisées. 31
  • 43. Nous porterons dans un deuxième temps notre attention sur les hypothèses qui conditionnent la validité des résultats obtenus dans ce cadre d’analyse. Nous éva- luerons alors dans quelle mesure, soumises à l’étude de la formation des prix des logements, elles sont susceptibles d’être violées. Cela nous permettra de rappeler le mode de construction d’un modèle linéaire généralisé d’évaluation des prix des logements et de décrire les tests utilisés pour juger de sa qualité. Puis dans un troisième temps, nous intégrerons les caractéristiques spatiales des observations dans les estimations par le recours aux outils de l’économétrie spatiale. Enfin, dans un quatrième et dernier temps, nous examinerons les modèles non paramétriques et semi-paramétriques qui peuvent être introduits pour dépasser les limites que peuvent présenter les modèles paramétriques, notamment celles concer- nant les restrictions sur le choix de la forme fonctionnelle. 2.2 Le choix de la forme fonctionnelle Le recours aux méthodes paramétriques d’estimation de la fonction de prix hé- doniques nécessite le choix d’une forme fonctionnelle pour gouverner les variables explicatives des prix des logements et les paramètres associés. Les formes linéaires ou non linéaires de type semi-logarithmique sont les plus fréquemment utilisées (Hal- vorsen et Pollakowski [1981], Judge et allii [1980], Linneman [1980]). Mais si aucune justification dans leur choix ne s’impose a priori, nous verrons qu’il peut être déter- miné de façon empirique à l’issue de tests de spécification. 2.2.1 La forme linéaire La forme fonctionnelle la plus simple et la plus immédiate pour spécifier la fonc- tion de prix hédoniques est linéaire entre le prix d’un logement () et l’ensemble des variables (  = 1  ) retenues pour le décrire :  = 0 + 1X =1  + X =1+1  +  (2.1) avec 1 le nombre de variables continues, 2 (=  − 1) le nombre de variables dicho- tomiques utilisées pour désigner la présence ou l’absence d’un attribut particulier, et  est un terme erreur aléatoire. Ce terme erreur, ou résidu, peut être assimilé à une variation du prix dont les causes ne sont pas connues, sachant que le prix d’un même logement peut être différent si les circonstances de la vente sont différentes, 32
  • 44. si les acheteurs sont plus ou moins bien informés ou si encore leurs préférences sont différentes1 . Ce modèle peut s’écrire sous forme matricielle pour l’ensemble des références concernant les transactions réalisées retenues pour son estimation ( = 1     ) :  =  + , avec  le vecteur des  valeurs des prix des logements à expliquer (endogènes du modèle),  la matrice des  + 1 variables explicatives (exogènes du modèle),  le vecteur des coefficients à estimer et  le vecteur des erreurs. 2.2.1.1 Prix absolus Les coefficients  s’interprétent comme les contributions marginales à la valeur d’un logement associées aux caractéristiques . Ils permettent de mesurer, en valeur absolue, le différentiel de prix entre deux logements, de prix 1 et 2, qui ne diffèrent que par la présence ou l’absence de la caractéristique . En effet, lorsqu’une variable intervient sous forme continue dans le modèle, la dérivée partielle première de la fonction hédonique par rapport à cette variable donne toutes choses égales par ailleurs :   = . Lorsqu’une variable est introduite sous forme dichotomique dans le modèle, on a : 1 − 2 = 0 +  − 0 = . Une fois les prix des caractéristiques estimés, il est possible d’interpréter la constante de régression 0 comme le prix moyen d’un logement de “base” qui ne bénéficierait d’aucune des caractéristiques particulières  valorisées dans l’équation de prix. 2.2.1.2 Interactions et intensités des contributions Les prix implicites des caractéristiques définis par la relation (21) sont constants et ne sont pas affectés par les autres attributs du logement. La valeur accordée à une pièce supplémentaire est ainsi, par exemple, supposée être la même quelle que soit la taille du logement. Mais en pratique, on peut supposer l’existence d’interactions entre les différents attributs du logement. Les influences croisées de chacune des variables sont alors éliminées en introduisant dans le modèle des variables indicatrices définies par le produit de deux variables distinctes, ce qui permet d’établir l’apport explicatif marginal propre à chacune des caractéristiques. Il est aussi possible de préciser l’intensité des contributions marginales des va- riables explicatives continues en les transformant. La transformation exponentielle 1 Plus généralement, le résidu de l’équation de prix permet de synthétiser l’ensemble des infor- mations non explicitées par le modèle : peuvent y contribuer l’omission de variables ou une erreur dans le choix de la forme de l’équation. 33
  • 45. permet d’accroître les écarts les séparant (exposant supérieur à 1) ou de les com- primer (exposant compris entre 0 et 1). Les transformations les plus couramment utilisées demeurent l’élévation au carré (contribution marginale croissante) ou la racine carrée (contribution marginale décroissante). La transformation réciproque, fondée sur le principe de contribution marginale décroissante, se prête bien à la prise en compte de l’effet distance. Ainsi, des variantes au modèle linéaire de base peuvent être utilisées pour te- nir compte des influences croisées entre les variables et préciser l’intensité de leur contribution :  = 0 + X =1  + 1X =1 2  + X =1 −1X 0=1 0 0 +  (2.2) Ce type de modèle (22) est non linéaire par rapport aux variables exogènes, mais reste linéaire par rapport aux coefficients. 2.2.2 Les formes non linéaires Les formes non linéaires présentent l’avantage d’autoriser des interactions directes entre les variables. Elles sont souvent retenues lorsque les distributions de prix s’ap- parentent à des lois log-normales plutôt qu’à des lois normales car, dans ce type de cas, elles permettent de stabiliser, voire même de réduire, la variance de la variable dépendante. La forme la plus courante est la forme semi-logarithmique, encore ap- pelée forme exponentielle ou forme log-linéaire (23). La forme log-log (24) est plus rare car elle n’autorise pas l’introduction de variables dichotomiques, le logarithme de 0 n’étant pas défini. En reprenant les mêmes notations que précédemment, les modèles correspondants s’écrivent :  = exp ³ 0 + P1 =1  + P =1+1  +  ´ ⇔ ln () = 0 + P1 =1  + P =1+1  +  (2.3)  = exp (0) 1Y =1   exp () ⇔ ln () = 0 + 1X =1  ln () +  (2.4) 34
  • 46. 2.2.2.1 Prix relatifs et élasticités Dans le cas d’un modèle semi-logarithmique, le coefficient d’une variable conti- nue (multiplié par 100) mesure la variation du prix (en %) engendrée par une mo- dification infinitésimale de cette variable :  =  ln()  = 1  ×   . Dans le cas d’un modèle log-log, il peut être interprété comme une élasticité, puisqu’il éta- blit un rapport entre les variations relatives des prix et de la variable associée :  =  ln()  ln() =   =  . L’interprétation des coefficients est différente si les variables du modèle semi- logarithmique sont dichotomiques. L’effet relatif sur  de la présence d’un facteur représenté par une variable dichotomique n’est pas égal à la valeur même du coeffi- cient, mais à son exponentiel moins un2 . En effet, supposons qu’il n’existe qu’une seule variable dichotomique  dans l’équation (23) à laquelle on affecte le coefficient  (formulation a) ou le coefficient  (formulation b) : ()  = (1 + ) exp ³ 0 + P1   ´ () ln () = 0 + P1   +  Considérons deux biens de prix 1 et 2 qui ne diffèrent que par la présence (absence) de la caractéristique  soit : () ⇒ ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩ 1 = (1 + ) exp ³ 0 + P1   ´ 2 = exp ³ 0 + P1   ´ () ⇒ ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩ ln (1) = 0 + P1   +  ln (2) = 0 + P1   L’écart de prix relatif entre ces deux biens peut être quantifié, selon les cas, par : () = 1 2 = (1 + ) ⇔ 1 − 2 2 =  () = ln (1) − ln (2) =  ⇔ 1 2 = exp () ⇔ 1 − 2 2 = exp () − 1 Ainsi le coefficient c de la variable dichotomique de l’équation (b) est égal à ln (1 + ). Son effet relatif sur  est donc égal à exp () − 13 . Assimiler  à  est 2 Pour un modèle linéaire, l’effet relatif d’une caractéristique particulière sur le prix d’un logement peut être déterminé par le rapport entre la valeur du coefficient et celle de la constante de régression. 3 Exprimé en pourcentage, il est égal à 100 ×  soit à 100 × {exp () − 1}. 35
  • 47. toutefois acceptable pour des petites valeurs de  (Halvorsen et Palmquist [1980]). Mais pour des plus grandes valeurs, l’erreur induite en supposant que  est égal à  peut être substantielle4 (tableau 2.1). Tableau 2.1 : Variables dichotomiques et effets prix relatifs d’un modèle semi-log c -1,50 -1,25 -1,00 -0,75 -0,50 -0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 g -0,78 -0,71 -0,63 -0,53 -0,39 -0,22 0,00 0,28 0,65 1,12 1,72 2,49 3,48 2.2.2.2 Tests de spécification Les tests de spécification ont pour but de choisir un modèle compte tenu de deux alternatives. Le test de Ramsey5 [1969] peut être employé pour tester une spécification linéaire contre une spécification non linéaire. De façon plus générale, le test de Box et Cox [1964] permet de déduire la forme fonctionnelle des données elles- mêmes et non de l’imposer a priori. Il consiste à transformer la relation à estimer par l’introduction de facteurs de transformation. Avec  le prix du bien  transformé à travers le paramètre  et  la caractéristique continue  du bien  transformée à travers le paramètre , le modèle s’écrit :  ()  = 0 + 1X =1  ()  + X =1+1  +  (2.5) () = ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩ −1  ln  ( 6= 0) ( = 0)  ()  = ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩    −1  ln  ( 6= 0) ( = 0) Les paramètres ,  et  de l’équation (25) sont estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. Les “vraies” liaisons peuvent ainsi associer variables naturelles (lorsque le facteur de transformation d’une variable tend vers 1) et va- riables logarithmiques (lorsque le facteur de transformation d’une variable tend vers 4 En effet, la relation entre  et  quand la valeur absolue de  est plus petite que 1 peut être exprimée par une expansion de  : ln (1 + ) =  − 1 2 2 + 1 3 3 −    5 Le test “Reset” de Ramsey, acronyme de l’expression anglaise REgression Specification Error Test, est un test général d’erreur de spécification. Il permet d’identifier si l’introduction de non- linéarités dans le modèle linéaire de référence améliore sa qualité à l’aide d’un test de Fisher. Pour ce faire, les valeurs prédites à l’aide de ce modèle élevées à  ordres donnés sont introduites dans la liste des variables explicatives d’une spécification alternative. 36