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« Statistics for the last five years show a dramatic divergence between the profits
companies reported to investors and other measures of profit growth. This is clear evidence
that many, perhaps most, large companies were fudging their numbers »
Paul Krugman, Greed turns out to be bad business [Corporate Mischief] :
The New York Times, 5 Juin 2002, p. 8.
Le groupe « National Economic Research Associates » (NERA) avait publié en juin 2002 un article de
Steven Schwartz (désormais introuvable ?!) relatif au pouvoir de marché et, de là, l’éventuelle
déduction du niveau de profit que certaines entreprises réalisent de manière durable. La question
qui était alors est posée par Lawrence Wu (directeur de publication) était : « Do firms with high
profits have market power ? »
Cette question est toujours d’actualité et il s'agit donc, ici, de revenir tout d'abord sur la question
des modes alternatifs de détermination du pouvoir de marché détenu par les entreprises agissant
sur celui-ci, et ensuite de préciser (afin de nous mettre en garde ?) les conséquences d'une
surestimation d'une telle méthode à l'égard des procès antitrust et des demandes d'autorisation de
concentration.
1. RAPPEL
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler tout d'abord que, sauf erreur de ma part, ce qui est partagé
par tous les économistes et les juristes, c'est que les lois antitrust ont été édictées afin
d'appréhender, de façon plus ou moins similaire, le pouvoir de marché. Selon les économistes, en
effet, le but essentiel des lois antitrust est de contrôler la création et la perpétuation d'un pouvoir
de marché.
a) Une entreprise a un pouvoir de marché dès lors qu'il lui est possible de fixer avec profit un prix
supérieur à celui qui serait pratiqué par la concurrence [Voir : Market power in antitrust cases, W. M.
Landes et R. A. Posner, Harvard Law Review, volume 94, Mars 1981 (n° 5), p. 937.], qui est
habituellement égal au coût marginal (c'est ce que rappelait alors la première page de l’article).
Cette possibilité de fixer un prix supérieur aux coûts marginaux doit, en principe, être évaluée dans
le cadre du concept de « concurrence parfaite ». Mais cette construction est tellement extrême que,
si on devait l'appliquer strictement, toutes les entreprises détiendraient un pouvoir de marché.
PROFITS & POUVOIR DE MARCHE
Isbn : 978-2-35695-004-8
Ref : ANT-1-AF_02_24_514894
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Par conséquent, et en schématisant, lorsqu'un tribunal juge qu'une entreprise possède un pouvoir
de marché, c'est que celle-ci possède un pouvoir de marché anormalement élevé et cela, durant
une période de temps déterminée (c'est certainement ce qu'a jugé bon de préciser l'auteur lorsqu'il
décida de titrer son article « The bottom line on the persistence of profits ».
Le problème, bien évidemment, que rencontrent les économistes et les juristes est de savoir ce que
l'on entend par « pouvoir de marché anormalement élevé ».
Faut-il, par exemple, que le prix soit supérieur de 7% par rapport au coût marginal pendant 1 an ?
Ou bien faut-il que celui-ci soit simplement supérieur de 5% , mais pendant 2 ans ?
La difficulté réside aussi dans le calcul de ce coût marginal. On a donc, depuis longtemps, compris
la difficulté de calculer les augmentations de prix par rapport à ce coût.
Comme on le sait, il existe une méthode de mesure indirecte qui consiste à calculer l'élasticité prix
de la demande résiduelle adressée à une entreprise. Cette élasticité traduit la capacité de
l'entreprise à exercer un pouvoir de marché.
b) Mais cette conception qui associe le pouvoir de marché et la possibilité des entreprises de
maintenir un prix excessif (et donc de générer pour l'entreprise des « profits exorbitants » ou
excessif ») par rapport au prix en situation de concurrence (donc, celui égal au coût marginal), n'est
pas la seule. En effet, comme il est parfois impossible d'effectuer une estimation correcte de
l'élasticité prix parce que les chiffres sont inadéquats ou manquants, les économistes nous ont
offert une seconde possibilité consistant, cette fois-ci, à associer le pouvoir de marché et la
détention d'une large part de ce marché.
C'est tout l'intérêt, évidemment, de la définition du marché pertinent que les juristes et les
économistes connaissent par coeur.
2. PRISES DE POSITIONS
a) Selon F. Fisher [Horizontal mergers : Triage and Treament, Journal of Economic Perspective, Vol 1.
n° 2, Automne 1987], « La définition du marché est une construction artificielle créée par la
législation antitrust. Du point de vue de l'analyse économique, la question binaire de savoir si une
entreprise particulière ou des produits particuliers sont "à l'intérieur" ou "à l'extérieur" d'un marché
donné est une question vide de sens [...] ». « Hélas, poursuit-il, on a accordé dans le passé une
importance trop grande à cette activité de définition du marché ».
Cette réflexion met au jour un débat (purement académique ?) postulant que la définition du
marché pertinent n'est pas un passage obligé pour établir un pouvoir de marché. [le sujet a été
remis sur la table lors de la révision et la publication des nouvelles Merger Guidelines américaines]
Au mieux, selon eux, ce dernier serait un bien médiocre indicateur de ce pouvoir.
b) Landes et Posner, quant à eux, avaient déjà affirmé qu'il était possible de mesurer le degré de
pouvoir de marché directement sans référence à un marché pertinent ou parts de marché. [Market
power in Antitrust cases, 94 Harvard Law Review. 937 ( 1981 )]. C'est d'ailleurs ce qui semble ressortir
régulièrement des nombreuses matinée-débats auxquelles nous participons régulièrement avec
joie.
c) Il faut, cependant, bien se rendre à l'évidence que la CJCE a toujours considéré la délimitation du
marché pertinent comme un préalable indispensable [Voir par exemple, NV L'Oréal et SA L'Oréal
contre PVBA « De Nieuwe AMCK ». Affaire 31/80. Recueil 1980 p.3775]: « Dans l'examen de la
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position, éventuellement dominante d'une entreprise, la délimitation du marché, ainsi que la Cour
l'a souligné [...] est d'une importance fondamentale [...] ».
d) Il semble en aller de même pour la Cour suprême des États-Unis qui a observé que « [...] sans une
définition de marché, il n'y a pas de moyen de mesurer la possibilité, pour le défendeur, de réduire
ou détruire la concurrence » [Walker Process Equip., Inc v. Food Mach & Chem. Corp., 382 U.S. 172, 177
( 1965 )]. Voir, exemple parmi tant d’autres, l'affaire Spectrum Sports, Inc. v. McQuillan, [506 U.S. 447,
456 ( 1993 )] : « In order to determine whether there is a dangerous probability of monopolisation,
courts have found it necessary to consider the relevant market and the defendant's ability to lessen
or destroy competition in that market », ainsi que la page 4 du « Conlusion of law » du juge Jackson
dans l'affaire Microsoft en date du 03 avril 2000.
Alors pourquoi s’être posé à l’époque la question de telles questions et pourquoi sont-elles
toujours d'actualité ?
3. ACTUALITÉ (Nb : en 2002)
Si le sujet semble entendu (et clos ?), il est symptomatique que le NERA ait consacré une courte
étude sur le sujet.
a) En effet, comme le rappelle Steven Schwartz, l'actualité américaine se fait l'écho de la question
des relations « hauts profits - pouvoir de marché » via les récentes attaques (antitrust) à l'encontre
des compagnies pétrolières, pharmaceutiques [V. l'article de Sebastian Mallaby « Tax evasion as a
patriotic exercise », Washington Post du 5 juin 2002 : « Or take the pharmaceutical lobby. Its member
firms charge so much for their drugs that they are more profitable than other industries »].
b) Il faut aussi constater que lors du procès Microsoft Corp. [désormais clos] des questions que l'on
considérait comme entendues ont pu réapparaître et installer le doute sur le pouvoir de marché
détenu par l'entreprise de Redmond. On remarquera, par ailleurs, que Franklin Fischer et Richard. A.
Posner ont été deux des plus importants protagonistes de l'affaire qui a débutée en 1997. En effet,
le premier a été l'expert choisi par l'administration antitrust, le second, le juge médiateur des
parties à l'époque.
4. ALTERNATIVES
Steven Schwartz décide donc de se pencher sur la question des profits élevés que réalisent les
entreprises afin de déterminer si une telle présence permet de dégager l'existence d'un
quelconque pouvoir de marché. Précisons qu'il ne s'agit pas, pour lui, directement d'une
alternative à l'établissement d'un éventuel pouvoir de marché.
Avant d'étudier celle-ci, rappelons brièvement qu'il peut exister d'autres alternatives.
Par exemple (liste non exhaustive), :
a) La mesure de la demande résiduelle
La demande résiduelle (ou élasticité de la demande résiduelle), se réfère à la demande d'un produit
d'une entreprise donnée après qu'ait été prise en compte les ventes des concurrents pour le même
produit. On peut donc dire, dans ce cas, qu'un vrai « monopoleur » (dans le sens accordé à ce mot
par l'auteur lui-même dans sa conclusion et par la plupart des auteurs américains) à une courbe de
demande résiduelle égale à la courbe de la demande du marché.
Au contraire, une entreprise confrontée à une concurrence « parfaite » (qui rappelons-le n'existe
pas) a une courbe de demande résiduelle horizontale, signifiant le fait que le concurrent perdra
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toutes ses ventes s'il tente de faire payer plus que le prix du marché (Si une entreprise, dans une
situation de concurrence parfaite, choisit de faire payer moins que le prix du marché, elle pourra
vendre autant de produit qu'il lui plait (en imaginant évidemment que les concurrents
maintiennent leurs prix), et suivra, par conséquent, la courbe de la demande.)
Or ce test est, indirectement utilisé par les autorités européennes et américaines puisque l'on
pourrait dire, et naturellement sous contrôle d'un économiste, que le test SSNIP n'est rien d'autre
qu'un mécanisme pour mesurer l'élasticité de la demande résiduelle d'un groupe d'entreprises [V.
d'ailleurs: Scheffman et Spiller, Geographic market definition under the DoJ Merger Guidelines, 30. J. L
& Econ. 123 ( 1987 )]. Rien de nouveau donc ?
b) La présence, persistante, d'une discrimination (≠ différenciation) en prix
Selon H. Hovenkamp [Federal Antitrust Policy, (1994), Chapitre XIV], la discrimination en prix est utile
comme alternative pour mesurer le pouvoir de marché d'une entreprise.
Supposons, par exemple, que nous ayons défini le niveau d'exercice du pouvoir de marché comme
étant celui de pouvoir augmenter les prix de 10% au-dessus des prix de concurrence (cf. certains
tests SSNIP). Nous observons maintenant qu'un vendeur de produits x a divisé le marché en deux
groupes d'acheteurs. Le premier groupe de clients paie 1€ par unité de produit x alors que le
second groupe paie 1,15€ (par exemple sur Internet selon la localisation de l’adresse IP)
On ne connaît pas le coût marginal, mais on suppose que le prix de 1€ est égal au coût marginal. Il
se peut que ce prix dépasse le coût marginal, mais cela ne fait qu'augmenter le pouvoir de marché
total du vendeur.
En présumant que le prix le plus bas est égal au coût marginal, le prix le plus haut, lui, dépasse de
15% celui-là. Avec cette information on peut conclure que le groupe de vente au prix le plus élevé
constitue un marché pertinent ; ou bien, on peut conclure que la preuve d'un pouvoir de marché
(déduit du niveau plus élevé de prix) a été apportée, et cela sans qu'il ait été nécessaire de définir
un marché pertinent.
c) Enfin, et c'est l'objet ici, l'analyse de la performance d'une entreprise
On pourrait estimer que le degré de puissance économique sur un marché peut être déduit tout
aussi directement grâce à l'analyse de sa « performance ».
En effet, la théorie économique traditionnelle veut que tout monopoleur qui maximise son
bénéfice, augmente son ouput jusqu'au niveau où son coût de production marginal (croissant)
égale son revenu marginal (baissant).
Il est donc sensé vendre son ouput à un prix qui excède son coût de production moyen. En
revanche, les entreprises qui opèrent dans les conditions de concurrence dite « parfaite »
perçoivent, quel que soit leur output, un revenu marginal égal à leur coût de production marginal
(qui égale leur coût de production moyen).
Dans ces conditions, l'output du monopoleur est inférieur à celui réalisé par l'ensemble des
entreprises qui opèrent dans des conditions de parfaite concurrence. Son prix de vente est, aussi,
plus élevé que le prix d'un marché parfaitement concurrentiel. En ce sens, le prix d'un
«monopoleur» est excessif. Donc, logiquement, il paraît possible de vérifier si une entreprise
détient un pouvoir de marché en examinant le niveau de ses prix de vente et par conséquent le
niveau de ses profits.
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5. POSITION DE STEVEN SCHWARTZ
a) L'auteur nous indiquait, tout d'abord, qu'il ne faut évidemment pas confondre les « Accounting
profits » avec les « Economic profits ».
L'affaire Enron de 2002 (l'auteur n'y faisait pas directement allusion mais elle s'impose avec une
telle évidence qu'on s'en veut presque de la mentionner) est bien là pour en témoigner.
On pourrait même rappeler les propos de Lawrence. J. White [The computer Industry Newsletter,
Spring 1999, « Wanted: A market definition paradigm for monopolisation cases »] :
« [...] Since the early 1980s, a set of critiques (Benston, 1982; Fisher & McGowan, 1982;
Fisher 1984) have argued that the standard accounting data that are used to report
corporate profits are unreliable indicators of true economic profits, casting doubt on this
route to the demonstration of market power ».
b) Steven Schwartz estime, ensuite, et après démonstration que, concernant l'analyse de la
performance d'une entreprise (§ 4.c) : « Persistent economic profits are often, but not always,
meaningful as a measure of market power and anticompetitive capabilities » [...]. « The fact that a firm
has some market power by itself says nothing about the competitive consequence of that power ». Il
conclut cette partie en estimant que: « [...] It is a common misconception that economic profits and
anticompetitive behaviour go hand in hand; that simply is not so ». (p. 4 et 5)
6. CONVERGENCE US & UE ?
a) Pour appuyer, si besoin était, les propos de Steven Schwartz, il semblait évident que cette
méthode n'est pas exempte de toute critiques (laquelle, d'ailleurs, le serait ?).
En effet, une certaine « conception communautaire » du droit de la concurrence pourrait nous
pousser à estimer :
 qu'il est d’abord injuste de penser que les entreprises ne cherchent qu'à maximiser leurs
bénéfices [V. par exemple, la position de la Cour de Justice des Communautés européennes qui
a pu estimer que l'« [...] on ne saurait exclure qu'une entreprise dominante choisisse délibérément
de baisser ses prix en vue de mettre ses concurrents sous pression », Hoffman-La-Roche, ( 85/76 ) -
Rec 1979, page 461, points 39 et 74.] et
 qu'il est tout à fait possible qu'une entreprise (dite « dominante ») dégage, grâce à son
efficacité, un bénéfice excessif d'un prix de vente qui est du reste comparable à celui de ses
concurrents. [C'est la différence entre les concepts économiques de « rente de monopole » et
de « rente différentielle ». La dernière étant due à l'efficacité de l'entreprise.]
b) Si la Cour de Justice semble se méfier du raccourci mentionné ci-dessus, la Cour suprême et les
autorités américaines, elles, semblent moins soucieuses du problème.
Déjà, en effet, dans l'affaire Du Pont [« Cellophane » : 351 US 377, 76. S. Ct. 994 ( 1956 )], les preuves
ont montré que l'entreprise faisait de très important profits sur les ventes de cellophane (31 %
après impôts).
Ce type d'argument a été assez utilisé par la suite aussi bien par la Cour Suprême que par les autres
juridictions [420-421 n. 15, 76 S.Ct. ; ainsi que Borden Inc v. FTC, 674 F.2d 498, 512 ( 6 th Circ.1982 );
461 US 940, 103 S.Ct 2115 ( 1983 )]. [Voir aussi R. Pitofsky, New definition of Relevant Market and the
assault on antitrust, 90 Col. L. Rev.1805, 1846-47 ( 1990 )].
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7. CONCLUSION
Selon Steven Schwartz donc :
« Don't give in to the temptation to focus on the accounting bottom line for your signals about
who is - and is not - earning monopoly profits ».
« Persistent accounting profits do not mean a thing ».
Arnaud FOURNIER To have a more detailled document
and references about this subject :
Paris, 10 juin 2002
http://fr.viadeo.com/fr/profile/arnaud.fournier18353
http://fr.linkedin.com/pub/arnaud-fournier/a/521/949/

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Antitrust PoV - PROFITS & POUVOIR DE MARCHE (FR)

  • 1. 9 782356 950048 © Consultantitrust « Statistics for the last five years show a dramatic divergence between the profits companies reported to investors and other measures of profit growth. This is clear evidence that many, perhaps most, large companies were fudging their numbers » Paul Krugman, Greed turns out to be bad business [Corporate Mischief] : The New York Times, 5 Juin 2002, p. 8. Le groupe « National Economic Research Associates » (NERA) avait publié en juin 2002 un article de Steven Schwartz (désormais introuvable ?!) relatif au pouvoir de marché et, de là, l’éventuelle déduction du niveau de profit que certaines entreprises réalisent de manière durable. La question qui était alors est posée par Lawrence Wu (directeur de publication) était : « Do firms with high profits have market power ? » Cette question est toujours d’actualité et il s'agit donc, ici, de revenir tout d'abord sur la question des modes alternatifs de détermination du pouvoir de marché détenu par les entreprises agissant sur celui-ci, et ensuite de préciser (afin de nous mettre en garde ?) les conséquences d'une surestimation d'une telle méthode à l'égard des procès antitrust et des demandes d'autorisation de concentration. 1. RAPPEL Il n'est peut-être pas inutile de rappeler tout d'abord que, sauf erreur de ma part, ce qui est partagé par tous les économistes et les juristes, c'est que les lois antitrust ont été édictées afin d'appréhender, de façon plus ou moins similaire, le pouvoir de marché. Selon les économistes, en effet, le but essentiel des lois antitrust est de contrôler la création et la perpétuation d'un pouvoir de marché. a) Une entreprise a un pouvoir de marché dès lors qu'il lui est possible de fixer avec profit un prix supérieur à celui qui serait pratiqué par la concurrence [Voir : Market power in antitrust cases, W. M. Landes et R. A. Posner, Harvard Law Review, volume 94, Mars 1981 (n° 5), p. 937.], qui est habituellement égal au coût marginal (c'est ce que rappelait alors la première page de l’article). Cette possibilité de fixer un prix supérieur aux coûts marginaux doit, en principe, être évaluée dans le cadre du concept de « concurrence parfaite ». Mais cette construction est tellement extrême que, si on devait l'appliquer strictement, toutes les entreprises détiendraient un pouvoir de marché. PROFITS & POUVOIR DE MARCHE Isbn : 978-2-35695-004-8 Ref : ANT-1-AF_02_24_514894 Folder # A.2
  • 2. 2 / 6 © Consultantitrust 29, rue Bassano I 75008 I Paris Par conséquent, et en schématisant, lorsqu'un tribunal juge qu'une entreprise possède un pouvoir de marché, c'est que celle-ci possède un pouvoir de marché anormalement élevé et cela, durant une période de temps déterminée (c'est certainement ce qu'a jugé bon de préciser l'auteur lorsqu'il décida de titrer son article « The bottom line on the persistence of profits ». Le problème, bien évidemment, que rencontrent les économistes et les juristes est de savoir ce que l'on entend par « pouvoir de marché anormalement élevé ». Faut-il, par exemple, que le prix soit supérieur de 7% par rapport au coût marginal pendant 1 an ? Ou bien faut-il que celui-ci soit simplement supérieur de 5% , mais pendant 2 ans ? La difficulté réside aussi dans le calcul de ce coût marginal. On a donc, depuis longtemps, compris la difficulté de calculer les augmentations de prix par rapport à ce coût. Comme on le sait, il existe une méthode de mesure indirecte qui consiste à calculer l'élasticité prix de la demande résiduelle adressée à une entreprise. Cette élasticité traduit la capacité de l'entreprise à exercer un pouvoir de marché. b) Mais cette conception qui associe le pouvoir de marché et la possibilité des entreprises de maintenir un prix excessif (et donc de générer pour l'entreprise des « profits exorbitants » ou excessif ») par rapport au prix en situation de concurrence (donc, celui égal au coût marginal), n'est pas la seule. En effet, comme il est parfois impossible d'effectuer une estimation correcte de l'élasticité prix parce que les chiffres sont inadéquats ou manquants, les économistes nous ont offert une seconde possibilité consistant, cette fois-ci, à associer le pouvoir de marché et la détention d'une large part de ce marché. C'est tout l'intérêt, évidemment, de la définition du marché pertinent que les juristes et les économistes connaissent par coeur. 2. PRISES DE POSITIONS a) Selon F. Fisher [Horizontal mergers : Triage and Treament, Journal of Economic Perspective, Vol 1. n° 2, Automne 1987], « La définition du marché est une construction artificielle créée par la législation antitrust. Du point de vue de l'analyse économique, la question binaire de savoir si une entreprise particulière ou des produits particuliers sont "à l'intérieur" ou "à l'extérieur" d'un marché donné est une question vide de sens [...] ». « Hélas, poursuit-il, on a accordé dans le passé une importance trop grande à cette activité de définition du marché ». Cette réflexion met au jour un débat (purement académique ?) postulant que la définition du marché pertinent n'est pas un passage obligé pour établir un pouvoir de marché. [le sujet a été remis sur la table lors de la révision et la publication des nouvelles Merger Guidelines américaines] Au mieux, selon eux, ce dernier serait un bien médiocre indicateur de ce pouvoir. b) Landes et Posner, quant à eux, avaient déjà affirmé qu'il était possible de mesurer le degré de pouvoir de marché directement sans référence à un marché pertinent ou parts de marché. [Market power in Antitrust cases, 94 Harvard Law Review. 937 ( 1981 )]. C'est d'ailleurs ce qui semble ressortir régulièrement des nombreuses matinée-débats auxquelles nous participons régulièrement avec joie. c) Il faut, cependant, bien se rendre à l'évidence que la CJCE a toujours considéré la délimitation du marché pertinent comme un préalable indispensable [Voir par exemple, NV L'Oréal et SA L'Oréal contre PVBA « De Nieuwe AMCK ». Affaire 31/80. Recueil 1980 p.3775]: « Dans l'examen de la
  • 3. 3 / 6 © Consultantitrust 29, rue Bassano I 75008 I Paris position, éventuellement dominante d'une entreprise, la délimitation du marché, ainsi que la Cour l'a souligné [...] est d'une importance fondamentale [...] ». d) Il semble en aller de même pour la Cour suprême des États-Unis qui a observé que « [...] sans une définition de marché, il n'y a pas de moyen de mesurer la possibilité, pour le défendeur, de réduire ou détruire la concurrence » [Walker Process Equip., Inc v. Food Mach & Chem. Corp., 382 U.S. 172, 177 ( 1965 )]. Voir, exemple parmi tant d’autres, l'affaire Spectrum Sports, Inc. v. McQuillan, [506 U.S. 447, 456 ( 1993 )] : « In order to determine whether there is a dangerous probability of monopolisation, courts have found it necessary to consider the relevant market and the defendant's ability to lessen or destroy competition in that market », ainsi que la page 4 du « Conlusion of law » du juge Jackson dans l'affaire Microsoft en date du 03 avril 2000. Alors pourquoi s’être posé à l’époque la question de telles questions et pourquoi sont-elles toujours d'actualité ? 3. ACTUALITÉ (Nb : en 2002) Si le sujet semble entendu (et clos ?), il est symptomatique que le NERA ait consacré une courte étude sur le sujet. a) En effet, comme le rappelle Steven Schwartz, l'actualité américaine se fait l'écho de la question des relations « hauts profits - pouvoir de marché » via les récentes attaques (antitrust) à l'encontre des compagnies pétrolières, pharmaceutiques [V. l'article de Sebastian Mallaby « Tax evasion as a patriotic exercise », Washington Post du 5 juin 2002 : « Or take the pharmaceutical lobby. Its member firms charge so much for their drugs that they are more profitable than other industries »]. b) Il faut aussi constater que lors du procès Microsoft Corp. [désormais clos] des questions que l'on considérait comme entendues ont pu réapparaître et installer le doute sur le pouvoir de marché détenu par l'entreprise de Redmond. On remarquera, par ailleurs, que Franklin Fischer et Richard. A. Posner ont été deux des plus importants protagonistes de l'affaire qui a débutée en 1997. En effet, le premier a été l'expert choisi par l'administration antitrust, le second, le juge médiateur des parties à l'époque. 4. ALTERNATIVES Steven Schwartz décide donc de se pencher sur la question des profits élevés que réalisent les entreprises afin de déterminer si une telle présence permet de dégager l'existence d'un quelconque pouvoir de marché. Précisons qu'il ne s'agit pas, pour lui, directement d'une alternative à l'établissement d'un éventuel pouvoir de marché. Avant d'étudier celle-ci, rappelons brièvement qu'il peut exister d'autres alternatives. Par exemple (liste non exhaustive), : a) La mesure de la demande résiduelle La demande résiduelle (ou élasticité de la demande résiduelle), se réfère à la demande d'un produit d'une entreprise donnée après qu'ait été prise en compte les ventes des concurrents pour le même produit. On peut donc dire, dans ce cas, qu'un vrai « monopoleur » (dans le sens accordé à ce mot par l'auteur lui-même dans sa conclusion et par la plupart des auteurs américains) à une courbe de demande résiduelle égale à la courbe de la demande du marché. Au contraire, une entreprise confrontée à une concurrence « parfaite » (qui rappelons-le n'existe pas) a une courbe de demande résiduelle horizontale, signifiant le fait que le concurrent perdra
  • 4. 4 / 6 © Consultantitrust 29, rue Bassano I 75008 I Paris toutes ses ventes s'il tente de faire payer plus que le prix du marché (Si une entreprise, dans une situation de concurrence parfaite, choisit de faire payer moins que le prix du marché, elle pourra vendre autant de produit qu'il lui plait (en imaginant évidemment que les concurrents maintiennent leurs prix), et suivra, par conséquent, la courbe de la demande.) Or ce test est, indirectement utilisé par les autorités européennes et américaines puisque l'on pourrait dire, et naturellement sous contrôle d'un économiste, que le test SSNIP n'est rien d'autre qu'un mécanisme pour mesurer l'élasticité de la demande résiduelle d'un groupe d'entreprises [V. d'ailleurs: Scheffman et Spiller, Geographic market definition under the DoJ Merger Guidelines, 30. J. L & Econ. 123 ( 1987 )]. Rien de nouveau donc ? b) La présence, persistante, d'une discrimination (≠ différenciation) en prix Selon H. Hovenkamp [Federal Antitrust Policy, (1994), Chapitre XIV], la discrimination en prix est utile comme alternative pour mesurer le pouvoir de marché d'une entreprise. Supposons, par exemple, que nous ayons défini le niveau d'exercice du pouvoir de marché comme étant celui de pouvoir augmenter les prix de 10% au-dessus des prix de concurrence (cf. certains tests SSNIP). Nous observons maintenant qu'un vendeur de produits x a divisé le marché en deux groupes d'acheteurs. Le premier groupe de clients paie 1€ par unité de produit x alors que le second groupe paie 1,15€ (par exemple sur Internet selon la localisation de l’adresse IP) On ne connaît pas le coût marginal, mais on suppose que le prix de 1€ est égal au coût marginal. Il se peut que ce prix dépasse le coût marginal, mais cela ne fait qu'augmenter le pouvoir de marché total du vendeur. En présumant que le prix le plus bas est égal au coût marginal, le prix le plus haut, lui, dépasse de 15% celui-là. Avec cette information on peut conclure que le groupe de vente au prix le plus élevé constitue un marché pertinent ; ou bien, on peut conclure que la preuve d'un pouvoir de marché (déduit du niveau plus élevé de prix) a été apportée, et cela sans qu'il ait été nécessaire de définir un marché pertinent. c) Enfin, et c'est l'objet ici, l'analyse de la performance d'une entreprise On pourrait estimer que le degré de puissance économique sur un marché peut être déduit tout aussi directement grâce à l'analyse de sa « performance ». En effet, la théorie économique traditionnelle veut que tout monopoleur qui maximise son bénéfice, augmente son ouput jusqu'au niveau où son coût de production marginal (croissant) égale son revenu marginal (baissant). Il est donc sensé vendre son ouput à un prix qui excède son coût de production moyen. En revanche, les entreprises qui opèrent dans les conditions de concurrence dite « parfaite » perçoivent, quel que soit leur output, un revenu marginal égal à leur coût de production marginal (qui égale leur coût de production moyen). Dans ces conditions, l'output du monopoleur est inférieur à celui réalisé par l'ensemble des entreprises qui opèrent dans des conditions de parfaite concurrence. Son prix de vente est, aussi, plus élevé que le prix d'un marché parfaitement concurrentiel. En ce sens, le prix d'un «monopoleur» est excessif. Donc, logiquement, il paraît possible de vérifier si une entreprise détient un pouvoir de marché en examinant le niveau de ses prix de vente et par conséquent le niveau de ses profits.
  • 5. 5 / 6 © Consultantitrust 29, rue Bassano I 75008 I Paris 5. POSITION DE STEVEN SCHWARTZ a) L'auteur nous indiquait, tout d'abord, qu'il ne faut évidemment pas confondre les « Accounting profits » avec les « Economic profits ». L'affaire Enron de 2002 (l'auteur n'y faisait pas directement allusion mais elle s'impose avec une telle évidence qu'on s'en veut presque de la mentionner) est bien là pour en témoigner. On pourrait même rappeler les propos de Lawrence. J. White [The computer Industry Newsletter, Spring 1999, « Wanted: A market definition paradigm for monopolisation cases »] : « [...] Since the early 1980s, a set of critiques (Benston, 1982; Fisher & McGowan, 1982; Fisher 1984) have argued that the standard accounting data that are used to report corporate profits are unreliable indicators of true economic profits, casting doubt on this route to the demonstration of market power ». b) Steven Schwartz estime, ensuite, et après démonstration que, concernant l'analyse de la performance d'une entreprise (§ 4.c) : « Persistent economic profits are often, but not always, meaningful as a measure of market power and anticompetitive capabilities » [...]. « The fact that a firm has some market power by itself says nothing about the competitive consequence of that power ». Il conclut cette partie en estimant que: « [...] It is a common misconception that economic profits and anticompetitive behaviour go hand in hand; that simply is not so ». (p. 4 et 5) 6. CONVERGENCE US & UE ? a) Pour appuyer, si besoin était, les propos de Steven Schwartz, il semblait évident que cette méthode n'est pas exempte de toute critiques (laquelle, d'ailleurs, le serait ?). En effet, une certaine « conception communautaire » du droit de la concurrence pourrait nous pousser à estimer :  qu'il est d’abord injuste de penser que les entreprises ne cherchent qu'à maximiser leurs bénéfices [V. par exemple, la position de la Cour de Justice des Communautés européennes qui a pu estimer que l'« [...] on ne saurait exclure qu'une entreprise dominante choisisse délibérément de baisser ses prix en vue de mettre ses concurrents sous pression », Hoffman-La-Roche, ( 85/76 ) - Rec 1979, page 461, points 39 et 74.] et  qu'il est tout à fait possible qu'une entreprise (dite « dominante ») dégage, grâce à son efficacité, un bénéfice excessif d'un prix de vente qui est du reste comparable à celui de ses concurrents. [C'est la différence entre les concepts économiques de « rente de monopole » et de « rente différentielle ». La dernière étant due à l'efficacité de l'entreprise.] b) Si la Cour de Justice semble se méfier du raccourci mentionné ci-dessus, la Cour suprême et les autorités américaines, elles, semblent moins soucieuses du problème. Déjà, en effet, dans l'affaire Du Pont [« Cellophane » : 351 US 377, 76. S. Ct. 994 ( 1956 )], les preuves ont montré que l'entreprise faisait de très important profits sur les ventes de cellophane (31 % après impôts). Ce type d'argument a été assez utilisé par la suite aussi bien par la Cour Suprême que par les autres juridictions [420-421 n. 15, 76 S.Ct. ; ainsi que Borden Inc v. FTC, 674 F.2d 498, 512 ( 6 th Circ.1982 ); 461 US 940, 103 S.Ct 2115 ( 1983 )]. [Voir aussi R. Pitofsky, New definition of Relevant Market and the assault on antitrust, 90 Col. L. Rev.1805, 1846-47 ( 1990 )].
  • 6. 6 / 6 © Consultantitrust 29, rue Bassano I 75008 I Paris 7. CONCLUSION Selon Steven Schwartz donc : « Don't give in to the temptation to focus on the accounting bottom line for your signals about who is - and is not - earning monopoly profits ». « Persistent accounting profits do not mean a thing ». Arnaud FOURNIER To have a more detailled document and references about this subject : Paris, 10 juin 2002 http://fr.viadeo.com/fr/profile/arnaud.fournier18353 http://fr.linkedin.com/pub/arnaud-fournier/a/521/949/