Les programmes de prévention du suicide en milieu scolaire - nouvelles perspectives
1. (
Les programmes de prévention du suicide en
milieu scolaire – nouvelles perspectives
Bogdan Balan, UQO
2. Objectifs:
Décrire les principaux modèles en prévention du
suicide en milieu scolaire.
Présenter l’état des connaissances sur l’efficacité
de certains de ces programmes.
Générer de l’espoir et de l’optimisme.
3. Le suicide est deuxième cause de décès pour le groupe d’âge 15-19 ans
7.3% des décès, devancé juste par les accidents de la route (Patton et al,
2009)
Prévalence à vie des tentatives suicidaires à l’adolescence : autour de 4%,
autant en Europe qu’aux ÉU.
Impact important des comportements suicidaires sur les jeunes, leur famille
et la communauté.
La prévention du suicide chez les jeunes est une priorité de santé nationale
dans de nombreux pays.
Le suicide chez les jeunes
4. L’école serait un environnement de choix pour l’implantation de
programmes de prévention :
Audience captive durant des heures.
Continuité du soutien par le personnel (au moins en théorie)
Étape développementale importante, avec enjeux spécifiques d’individualisation
et de socialisation.
Aux ÉU dans les années ’80, suite à une augmentation des suicides chez les
jeunes on assiste à l’apparition d’un nombre de programmes de prévention
en milieu scolaire. Après une diminution de l’intérêt dans les années ’90 on
assiste à un renouveau depuis 10-15 ans et à un intérêt particulier pour
l’évaluation scientifique des programmes de prévention.
Prévention du suicide à l’école – pourquoi ?
5. La plupart des programmes de prévention visent un ou plusieurs des
objectifs suivants :
Sensibilisation par rapport au risque suicidaire
Identifier des personnes à risque à travers :
Une démarche éducationnelle visant l’identification des signes et la demande d’aide.
Des démarches de dépistage.
Offrir des informations aux jeunes, parents et/ou professeurs sur les ressources
en santé mentale.
Améliorer les capacités de gestion du stress et d’adaptation des jeunes.
Prévention du suicide à l’école – pourquoi ?
6. La plupart des analyses des résultats de recherche arrivent à la même
conclusion : les programmes de prévention ont certains résultats
encourageants mais leur efficacité (surtout sur les comportements
suicidaires) reste difficile à prouver – des recherches supplémentaires
seraient nécessaires.
Bennett et al. (2015) “A Youth Suicide Prevention Plan for Canada: A Systematic
Review of Reviews”
Conclusions:
Aucune ECR qui prouve un effet des programmes de prévention en milieu
scolaire sur les décès par suicide. Deux ECR avec des effets sur les tentatives et
les idéations sérieuses. La plupart des études mettent en évidence des effets sur
des variables intermédiaires.
D’autres études sont nécessaires – on recommande la création d’un réseau
national canadien de « research-to-practice ».
Prévention du suicide à l’école – pourquoi ?
7. Une recommandation est faite habituellement de continuer avec leur
implantation malgré une base de preuves insuffisante, en attente de
démarches mieux prouvées.
McLennan (2015) conteste cette recommandation :
Les effets positifs d’une intervention pourraient être difficiles à observer en raison
des limites méthodologiques – mais les effets négatifs aussi.
Continuer des interventions qui ne sont pas suffisamment prouvées constituerait
une des causes du « fossé entre la recherche et la pratique » (research-practice
gap) – elles peuvent empêcher le développement ou l’implantation
d’interventions meilleures.
Allouer des ressources pour une intervention non prouvée empêche de les
allouer ailleurs, pour de meilleures démarches.
Prévention du suicide à l’école – pourquoi ?
8. Le besoin d’élaborer, implanter et surtout bien évaluer des programmes de
prévention du suicide en milieu scolaire, basés sur les modèles disponibles.
Le besoin de faire régulièrement des revues systématiques des recherches
disponibles.
Contribution du CRISE
Conclusions:
9. Interventions organisées en quatre catégories :
« Curriculum based programs » - Programmes éducatifs :
Sensibilisation au suicide – vise à modifier les attitudes et les connaissances
en lien avec le suicide
Développement des compétences spécifiques
Programmes de soutien par les pairs
Programmes de dépistage
Formation de sentinelles.
Programmes de prévention du suicide en milieu scolaire
10. Hypothèse : Les jeunes suicidaires ont tendance à parler à leurs pairs en premier –
l’intérêt que ceux-ci soient capables d’identifier les signes de risque de suicide,
aient des attitudes efficaces et sachent les orienter vers les ressources d’aide
adéquates.
Parmi les premiers modèles pour les programmes de prévention. Les résultats des
évaluations de l’efficacité de « première vague » sont contradictoires : quelques
effets positifs, parfois des effets négatifs et très souvent aucun effet.
Programmes d’information et sensibilisation sur le suicide
11. Modèle prometteur « Signs of Suicide » (SOS)
Programme universel incluant sensibilisation/éducation et dépistage. L’accent
est mis sur le lien entre le suicide et la maladie mentale.
À travers des vidéos et des discussions guidées, les élèves apprennent à :
Identifier les « signes de suicide »
Communiquer leur inquiétude au pair suicidaire
Communiquer avec un adulte
Un dépistage en fin de programme avec un questionnaire (Brief Screen for
Adolescent Depression)
Programmes d’information et sensibilisation sur le suicide
12. Modèle prometteur « Signs of Suicide » (SOS)
Plusieurs recherches d’évaluation bien structurées (Aseltine et al. 2004 et 2007) :
2100 élèves dans cinq écoles
À trois mois : augmentation des connaissances sur le suicide; diminution des tentatives
de suicide auto rapportées; aucune différence dans les comportements de demande
d’aide.
Étude de réplication : 4133 élèves de neuf écoles. Résultats semblables après un an.
Programmes d’information et sensibilisation sur le suicide
13. Hypothèse : les jeunes suicidaires ont des déficits au niveau des compétences
d’adaptation, de résolution de problèmes et de compétences cognitives. Ces
programmes misent sur le développement de telles compétences – une
«immunisation » contre les comportements suicidaires.
Programmes de développement des compétences
14. Programmes de développement des compétences
Zuni Life Skills Development (LaFromboise, Howard-Pitney, 1995)
Introduit dans une école tribale du Nouveau Mexique mais
adapté pour 20 communautés différentes.
Étude – 31 paires d’étudiants.
Effets positifs sur la « probabilité du suicide » et le désespoir.
15. Programmes de développement des compétences
CARE (Care, Assess, Respond, Empower)/CAST (Coping and Support Training)
CARE – programme de dépistage des jeunes à risque en milieu scolaire.
Une première entrevue de dépistage assistée par ordinateur suivie par
une rencontre avec un intervenant. Vise les jeunes de 14 à 18 ans.
CAST – « Formation en habiletés d’adaptation et soutien ». Petits groupes,
12 rencontres (2 par semaine) animés par des professionnels formés et
expérimentés.
Effets positifs sur les idées suicidaires, diminution de la dépression et du
désespoir.
16. The Good Behavior Game (GBG).
Pour les classes primaires, programme qui vise à créer un environnement positif et
supportant, sans comportements agressifs. Réduction prouvée pour la
consommation de tabac et de drogues à l’adolescence et jeune adulte.
ECR (Wilcox, 2008) – 41 classes primaires en 19 écoles ont suivi le programme
durant deux ans. Entrevues de suivi régulières durant 15 ans par la suite.
1918 participants (83% de l’échantillon initial)
Effets bénéfiques sur l’idéation suicidaire (50% de moins), les tentatives de suicide
(réduction estimée de 30% du risque)
Programmes de développement des compétences
17. Young Aware of Mental health (YAM) – composante du projet SELYE (Wasserman
et al. 2015)
Les amis de ZIPPY. Passeport s’équiper pour la vie.
Programmes de développement des compétences
18. Hypothèse : les jeunes suicidaires vont se confier à leurs pairs. Ceux-ci vont
rarement communiquer avec les adultes et ne vont pas répondre d’une manière
efficace (surtout les garçons). Le programme vise à équiper les jeunes pour
intervenir auprès de leurs amis.
Ce type de programme a connu un développement important initialement.
Résultats plutôt controversés.
Formation des pairs aidants
19. Lewis et Lewis (1996) – une enquête sur des programmes de pairs aidants de l’état
de Washington.
17% étaient encadrés par professionnels sans formation clinique – dans ces écoles le
taux de suicide était supérieur aux écoles sans programme ou avec un programme
encadré par des cliniciens.
Deux des 25 suicides dans la période visée étaient des pairs aidants eux-mêmes.
Leur conclusion – ces programmes mettent trop de poids sur les épaules des
jeunes qui n’ont pas une maturité suffisante.
Recommandent de limiter les responsabilités des pairs.
Formation des pairs aidants
20. Modèle prometteur : Sources of Strenght (Wyman 2010)
Des « peer leaders » - identifiés par l’école sont formés pour
encourager leurs amis à demander de l’aide aux adultes.
Similaire à un programme de développement des compétences,
utilisant les « peer leaders » pour l’implantation.
Résultats positifs sur les attitudes et les connaissances.
L’évaluation des effets sur les tentatives et l’idéation suicidaire est
en cours dans une ECR.
Formation des pairs aidants
21. Hypothèse : peu des jeunes décédés par suicide avaient été évalués par des
professionnels en santé mentale et les symptômes de dépression sont difficiles à
identifier chez les adolescents. L’utilisation d’instruments auto rapportés ou
d’entrevues structurées permettrait d’identifier les jeunes à risque et d’intervenir.
Poser des questions sur le risque suicidaire à des adolescents ne va pas
augmenter leurs idées ou comportement suicidaires (Gould, 2005).
Programmes de dépistage
22. Modèle prometteur (à part SOS décrit plus haut): TeenScreen
Grande sensibilité – mais beaucoup de faux positifs.
Supporté par les organisations professionnelles et les organismes
gouvernementaux.
Certaines critiques sur un possible financement par les compagnies
pharmaceutiques (non confirmé par une enquête officielle).
Le consentement écrit des parents est requis.
Programmes de dépistage
23. Hypothèse : le risque suicidaire chez les jeunes est sous identifié. Deux tiers de
cliniciens scolaires croient qu’ils seraient incapables d’identifier un jeune à risque
(King et al. 1999). En offrant une formation sur l’identification et la gestion du
risque suicidaire aux adultes dans les milieux scolaires (professeurs, autres
intervenants) on augmente la probabilité de dépistage précoce et d’intervention.
Les résultats des études d’évaluation sont prometteurs mais des recherches plus
approfondies sont nécessaires.
Programmes de formation de sentinelles (« gatekeepers »)
24. Modèle prometteur : QPR (Question, Persuade, Refer). Le
programme vise la formation des professeurs au QPR mais aussi
des cliniciens scolaires pour l’évaluation approfondie et
l’organisation d’un système de prise en charge professionnelle.
Effets positifs sur les attitudes et les connaissances des professeurs
formés mais pas d’effet observable sur les références et
l’utilisation des services de santé mentale (Wyman et al, 2008,
Tompkins, 2009).
Programmes de formation de sentinelles (« gatekeepers »)
25. Saving and Empowering Young Lives in Europe (SEYLE) – étude randomisée,
multicentrique de trois démarches de prévention du suicide en milieu scolaire.
11110 élèves (14-16 ans) dans 168 écoles de la communauté européenne, 10 pays.
8,1% - symptômes dépressifs modérés à sévères.
4,7% - symptômes anxieux modérés à sévères.
10,3% - problèmes de comportement.
4,2% - au moins une tentative suicidaire à vie.
Assignés d’une manière aléatoire dans un des quatre groupes :
QPR.
Young Aware of Mental health (YAM) – programme de développement de
compétences.
Screening par des professionnels (ProfScreen) avec référence des élèves à risque.
Groupe contrôle.
Le programme SEYLE (Wasserman et al, 2015)
26. Résultats :
Aucune différence significative après trois mois
Après un an : réduction significative des comportements suicidaires et
des idéations suicidaires sérieuses dans le groupe YAM.
14 tentatives dans le groupe YAM vs 34 tentatives dans le groupe
contrôle.
Les deux autres groupes ont eu des diminutions des tentatives (22
pour QPR et 20 pour ProfScreen) mais sans atteindre la signification
statistique.
Le projet SELYE (Wasserman et al, 2015)
27. Programme pour les 14-16 ans qui vise à :
Augmenter la confiance en soi et les connaissances sur la santé mentale.
Aborder la stigmatisation des troubles mentaux.
Augmenter les stratégies d’adaptation.
Cultiver l’empathie.
Enseigner comment et quand demander de l’aide.
Cinq rencontres :
Rencontre 1 – présentation et éléments généraux sur l’importance de la santé
Rencontres 2 à 4 – ateliers de jeux de rôles interactifs et supervisés pour explorer des
scénarios variés.
Rencontre 5 – conclusion et récapitulation. Orientation vers la demande d’aide.
Le projet SELYE (Wasserman et al, 2015)
29. De nombreux programmes de prévention du suicide en milieu scolaire
existent. Plusieurs modèles d’intervention sont utilisés, séparément ou
en combinaison.
Le niveau de preuve scientifique de l’efficacité de ces programmes est
variable. Certains résultats sont encourageants mais tout le monde
s’entend sur le besoin de plus de recherches et d’une meilleure
articulation recherche-pratique.
Le domaine est en effervescence – de nouvelles études importantes
sont publiées chaque année. Le besoin de revues régulières de la
littérature est réel.
Conclusions