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Viroinval / Treignes : la villa gallo-romaine des Bruyères.

    Nouvelle interprétation chronologique des premières
                    phases d'occupation

                      Saskia BOTT et Pierre CATTELAIN



Il y a un peu plus de deux ans, (BOTT S. ET CATTELAIN P., 1998.
Viroinval/Treignes : la villa gallo-romaine des Bruyères, premières phases
d'occupation. Chronique de l'Archéologie wallonne. Activités 1997, 6, p. 171-172),
nous avons proposé une première interprétation chronologique des premières
phases d'occupation gallo-romaine du site de la villa des Bruyères à Treignes, basée
sur nos recherches menées de 1994 à 1997, en comparant nos résultats à ceux
publiés par J.-M. Doyen à la suite des fouilles Amphora, effectuées de 1980 à 1987.
La poursuite de nos fouilles en 1998 et l'avancement de l'étude du matériel
archéologique, effectuée secteur par secteur, nous ont mené à modifier
sensiblement cette première interprétation : " Errare humanum est, perseverare
diabolicum "

                                   La phase 1
La première phase reconnue par J.-M. Doyen se présentait sous la forme de fossés
creusés dans le schiste en place, montrant un remplissage de blocs et de tuiles
provenant d'un bâtiment non encore retrouvé, selon lui d'époque flavienne, comme
les fossés (DOYEN J.-M., 1981b. Les thermes romains de Treignes (Campagnes
1980 et 1981) : rapport préliminaire. Bull. du Club Archéologique Amphora, 26, p.
7-8; DOYEN J.-M., 1987. Villa romaine à Treignes. Archéologie en Wallonie
1980-1985. Découvertes des Cercles archéologiques, Namur, FAW, p. 266). Le
remplissage de ces fossés, totalement fouillés par Amphora, a livré du matériel (terra
rubra, fibule,) qui peut être situé entre la fin du règne d'Auguste ou le début du règne
de Tibère et la fin du règne de Néron, soit entre 10 et 69 ap. J.-C., ainsi que de la
sigillée et une fibule de la fin du Ier ou du début du IIe siècle. A notre sens, le
creusement de ces fossés de drainage est à mettre en rapport avec le bâtiment le
plus ancien que nous avons découvert sur le site, sous les pièces P23, P24 et moitié
est de P28 de la pars urbana de la villa des IIe et IIIe siècles (fig. 1). Ce bâtiment 1
présente une première assise de blocs assez réguliers, bien équarris sur 5 faces,
surmontés par une assise de blocs plus gros, un peu plus frustes, constituant une
sorte de sablière basse sur laquelle venaient s'élever les murs probablement réalisés
en torchis, recouverts par endroits d'enduits peints, montrant le plus souvent des
aplats de couleur jaune ocre, gris noir et rouge, plus rarement verdâtre. Ce bâtiment
1 a été détruit par un incendie : à une quarantaine de cm à l'extérieur des assises de
fondation sud, les murs sont longés par une épaisse ligne de tuiles d'une
quarantaine de cm de large, cassées et brûlées, dont un exemplaire porte la marque
"LCS". Quelques tuiles, vestiges probables d'un alignement du même type, ont été
retrouvées à quelques dizaines de cm au nord du mur séparant les pièces P27 et
P28 de la villa, dans une coupe stratigraphique levée dans une petite zone non
touchée par les anciennes fouilles. Ce mur de la villa, plus tardif, a probablement été
contruit sur les fondations du mur nord du bâtiment 1. Il semble donc que ce dernier
était recouvert d'une toiture en tuiles à 2 pans, dont la faîtière était orientée est-
ouest.

Dans la ligne de tuiles sud, nous avons retrouvé, à la fin de 1996, un aureus de
Claude, frappé à Rome entre 50 et 54 de notre ère, en très bon état. Ce type de
monnaie devient très rare après la réforme monétaire de Néron en 64, et
exceptionnel après le règne de Domitien. Par ailleurs, la fouille de l'intérieur du
bâtiment 1 nous a livré trois fibules. La première d'entre elles appartient au type
Feugère 26b3, qui apparaît à l'époque de Néron; et dont la fabrication ne dépasse
pas l'époque flavienne. Elle date essentiellement du troisième quart du Ier siècle. La
deuxième appartient au type Feugère 14c1, et a été découverte à la base de la
couche de scories ayant servi au remblayage du bâtiment. Ce type est
particulièrement bien daté de la fin du règne de Claude jusqu'au début du IIe siècle,
soit entre 60 et 80/110. Il est particulièrement fréquent dans le troisième quart du Ier
siècle. La troisième fibule enfin appartient au type Feugère 14b1b, dont l'usage se
limite principalement aux règnes de Tibère à Néron, avec de rares exemplaires au IIe
et même au IIIe siècle. La céramique, quant à elle, constitue un ensemble cohérent
du troisième quart du Ier siècle (50-70 ap. J.-C.). Bien qu'elle soit peu abondante,
elle comporte suffisamment d'éléments caractéristiques pour étayer cette position
chronologique : terra rubra, céramique vernissée d'Argonne et terre sigillée (Drag.
15/17 et 33a).

Ces divers éléments nous poussent à placer l'occupation de ce bâtiment 1 et donc
de la phase 1 du site vers le milieu du Ier siècle jusqu'à la fin du troisième quart du
Ier siècle, ce qui correspond bien à une partie du matériel découvert dans les fossés
par Amphora. Sa destruction est à situer au plus tard dans le quatrième quart du Ier
siècle. Ces dépôts du Ier siècle sont scellés par une épaisse couche de scories de
fer, vestiges d'une activité de forge, bien nivelées.

                                    La phase 2
D'après J.-M. Doyen, la deuxième phase de construction sur le site se caractérise
par l'édification d'une série (?) de petits bâtiments en torchis au début du IIe siècle,
sous le règne de Trajan (DOYEN J.-M., 1981b, p. 8). Le seul bâtiment décrit et dont
un plan a été publié (IBID., pl. 3, 1 et DOYEN J.-M., 1987, p. 266-267) est très étroit
et fort allongé (23,4 x 3,9 m), situé sous l'aile ouest de la villa proprement dite (cour
ouverte, P6, extrémité ouest de P28 et 27, moitié ouest de P7-8). Ce bâtiment
("bâtiment A" - DOYEN J.-M., 1981a, Treignes (Viroinval) : rapport préliminaire de la
campagne 1980. Bull. du Club Archéologique Amphora, 23, p. 36 et DOYEN J.-M.,
1981b, pl. 3) est construit en torchis sur un soubassement de pierres sèches, de
taille assez soignée. Il possède une seule pièce montrant un sol en chaux lissée et
une toiture en tuiles portant souvent la marque "LCS" (DOYEN J.-M., 1987, p. 266).
Ce bâtiment a probablement servi de forge, ou, de toute manière, a été lié à des
activités métallurgiques (présence d'un bas-fourneau : "structure A"). Ces activités
ont provoqué sa destruction par le feu (éléments de charpente calcinée dans toute la
zone fouillée) dans le courant du IIe siècle (IBID., p. 267), ou avant la fin de celui-ci
(DOYEN J.-M., 1981a, p. 36). Il est à signaler que dans un article intermédiaire
(DOYEN J.-M., 1981b, p. 8), J.-M. Doyen nous dit que cet ensemble fut démoli, mais
qu'aucune trace de destruction n'a été relevée...

Lors de la reprise des travaux par nos soins, les vestiges de ce bâtiment 2 avaient
presque complètement disparu. Nous n'en avons retrouvé que deux tronçons du mur
ouest, ainsi que quelques blocs épars du mur est, en P7-8 et au nord de celle-ci (fig.
2). Un tronçon du mur nord était établi sur le remplissage d'un des fossés de la
phase 1, ce qui le rend de manière évidente postérieur à celle-ci. Aucun autre
élément ne nous permet de confirmer ou d'infirmer la datation proposée pour son
édification, en l'absence de tout matériel publié. En revanche, en fonction de
l'analyse provenant des données de la phase 3, la date de sa destruction nous
semble à situer dans la première moitié du IIe siècle.

                                   La phase 3
Selon J.-M. Doyen, le "bâtiment A" de la phase 2, fut, après sa destruction,
rapidement reconstruit sur le même plan, quoique légèrement décalé vers l'est, avec
l'adjonction d'un important massif à l'angle nord-ouest (DOYEN J.-M., 1987, p. 267).
Les blocs de fondations apparaissaient beaucoup moins équarris que ceux de la
phase précédente (IBID., p. 268). Dans un premier temps (DOYEN J.-M., 1981a, p.
38), J.-M. Doyen considère que ce nouveau bâtiment a été démonté à la fin du IIe
siècle. Dans la publication suivante (DOYEN J.-M., 1981b, p. 8-9), il parle d'une
destruction par le feu, avec vestiges d'une toiture effondrée (tuiles souvent marquées
"LCS") mélangée aux fragments calcinés de la charpente, au plus tôt sous le règne
d'Hadrien. Enfin, dans la publication la plus récente (DOYEN J.-M., 1987, p. 266), il
en revient à la première interprétation, c'est-à-dire que la villa proprement dite a été
édifiée après que le bâtiment de la phase 3 a été soigneusement démonté et arasé à
la fin du IIe ou au tout début du IIIe siècle en vue de la construction de la phase 4.
Ces divergences d'interprétation sont probablement dues à une confusion temporaire
des vestiges des phases 2 et 3.

Nos propres recherches et découvertes nous poussent à corriger une partie de cette
interprétation.

Tout d'abord, elles nous permettent d'affirmer que le bâtiment 3 ne possède pas un
plan semblable à celui du bâtiment 2 décrit par J.-M. Doyen, dont les vestiges
retrouvés lors de nos propres recherches confirment le plan général.

En effet, nous avons retrouvé, en toute certitude, plusieurs tronçons du mur ouest de
ce bâtiment 3, déjà partiellement dégagés par Amphora, mais surtout, une grande
partie des murs sud et est et un petit tronçon du mur nord, non encore dégagés
auparavant. Loin d'être allongé et étroit, le bâtiment 3, mesure 16,50 m de large sur
presque 25 m de long (fig. 3).

Ensuite, loin de présenter une assise de blocs de fondation moins bien équarris que
ceux de la phase 2, le bâtiment 3 présente une première assise de blocs assez
réguliers, bien équarris sur 5 faces, surmontés par une assise de blocs plus gros, un
peu plus frustes, sur lesquels venaient s'élever les murs en torchis (dont des
éléments ont été retrouvés en place), recouverts par endroits d'enduits peints
(essentiellement blancs avec des lignes rouges, noires ou jaune orange).

Enfin, nous confirmons la deuxième interprétation de J.-M. Doyen. Le bâtiment 3 a,
de toute évidence, été détruit par un incendie violent : à l'extérieur du bâtiment,
comme c'était le cas pour le bâtiment 1, à une quarantaine de cm des assises de
fondation, les murs sont longés, à l'est et à l'ouest, par une épaisse ligne de tuiles
d'une quarantaine de cm de large, cassées et brûlées. De très nombreuses tuiles
portent la marque d'atelier "LCS", et seulement celle-ci. Ceci suggère également une
toiture à deux pans, comme pour le bâtiment 1, mais cette fois-ci orientée nord-sud.

Enfin, la date proposée en 1987 pour la destruction du bâtiment 3, vers la fin du IIe
ou le début du IIIe siècle, nous semble un peu trop récente et nous en revenons à la
chronologie proposée en 1981 (DOYEN J.-M., 1981b, p. 9). En effet, à notre sens, si
les ruines du bâtiment 3 ont été soigneusement arasées, c'est, après sa destruction
accidentelle, pour préparer l'édification de la villa. Le nivellement a été partiellement
réalisé à l'aide des scories résultant des activités antérieures, qui viennent s'appuyer
sur, et parfois recouvrir les maçonneries résiduelles, notamment celles de la phase
3. Or, cette couche de scories, bien individualisée, a notamment livré au contact de
sa surface plusieurs fragments de terre sigillée Drag. 27 (formes du Ier et du IIe
siècles), dont l'utilisation ne semble pas dépasser la fin du règne d'Antonin le Pieux
(160 ap. J.-C.). J.-M. Doyen signale par ailleurs, dans cette même couche de
scories, un tesson d'Argonne qui pourrait également remonter au règne d'Hadrien
(117-138 ap. J.-C.) (DOYEN J.-M., 1981b, p. 9). Enfin, une partie du matériel
contemporain de la construction de la villa proprement dite (phase 4) semble assez
clairement dater de la deuxième moitié du IIe siècle ou en tout cas du dernier quart.

Il nous reste à signaler, sous les pièces P11-P12, un tronçon de mur de fondation
est-ouest (bâtiment X), tout à fait semblable aux murs déjà décrits pour les phases 1
à 3 (fig. 4). L'absence de tout contexte pour cette fondation ne nous permet pas de la
rattacher plus précisément à une de ces phases.

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Nouvelle interprétation - Villa de Treignes

  • 1. Viroinval / Treignes : la villa gallo-romaine des Bruyères. Nouvelle interprétation chronologique des premières phases d'occupation Saskia BOTT et Pierre CATTELAIN Il y a un peu plus de deux ans, (BOTT S. ET CATTELAIN P., 1998. Viroinval/Treignes : la villa gallo-romaine des Bruyères, premières phases d'occupation. Chronique de l'Archéologie wallonne. Activités 1997, 6, p. 171-172), nous avons proposé une première interprétation chronologique des premières phases d'occupation gallo-romaine du site de la villa des Bruyères à Treignes, basée sur nos recherches menées de 1994 à 1997, en comparant nos résultats à ceux publiés par J.-M. Doyen à la suite des fouilles Amphora, effectuées de 1980 à 1987. La poursuite de nos fouilles en 1998 et l'avancement de l'étude du matériel archéologique, effectuée secteur par secteur, nous ont mené à modifier sensiblement cette première interprétation : " Errare humanum est, perseverare diabolicum " La phase 1 La première phase reconnue par J.-M. Doyen se présentait sous la forme de fossés creusés dans le schiste en place, montrant un remplissage de blocs et de tuiles provenant d'un bâtiment non encore retrouvé, selon lui d'époque flavienne, comme les fossés (DOYEN J.-M., 1981b. Les thermes romains de Treignes (Campagnes 1980 et 1981) : rapport préliminaire. Bull. du Club Archéologique Amphora, 26, p. 7-8; DOYEN J.-M., 1987. Villa romaine à Treignes. Archéologie en Wallonie 1980-1985. Découvertes des Cercles archéologiques, Namur, FAW, p. 266). Le remplissage de ces fossés, totalement fouillés par Amphora, a livré du matériel (terra rubra, fibule,) qui peut être situé entre la fin du règne d'Auguste ou le début du règne de Tibère et la fin du règne de Néron, soit entre 10 et 69 ap. J.-C., ainsi que de la sigillée et une fibule de la fin du Ier ou du début du IIe siècle. A notre sens, le creusement de ces fossés de drainage est à mettre en rapport avec le bâtiment le plus ancien que nous avons découvert sur le site, sous les pièces P23, P24 et moitié est de P28 de la pars urbana de la villa des IIe et IIIe siècles (fig. 1). Ce bâtiment 1 présente une première assise de blocs assez réguliers, bien équarris sur 5 faces, surmontés par une assise de blocs plus gros, un peu plus frustes, constituant une sorte de sablière basse sur laquelle venaient s'élever les murs probablement réalisés en torchis, recouverts par endroits d'enduits peints, montrant le plus souvent des aplats de couleur jaune ocre, gris noir et rouge, plus rarement verdâtre. Ce bâtiment 1 a été détruit par un incendie : à une quarantaine de cm à l'extérieur des assises de fondation sud, les murs sont longés par une épaisse ligne de tuiles d'une quarantaine de cm de large, cassées et brûlées, dont un exemplaire porte la marque "LCS". Quelques tuiles, vestiges probables d'un alignement du même type, ont été retrouvées à quelques dizaines de cm au nord du mur séparant les pièces P27 et
  • 2. P28 de la villa, dans une coupe stratigraphique levée dans une petite zone non touchée par les anciennes fouilles. Ce mur de la villa, plus tardif, a probablement été contruit sur les fondations du mur nord du bâtiment 1. Il semble donc que ce dernier était recouvert d'une toiture en tuiles à 2 pans, dont la faîtière était orientée est- ouest. Dans la ligne de tuiles sud, nous avons retrouvé, à la fin de 1996, un aureus de Claude, frappé à Rome entre 50 et 54 de notre ère, en très bon état. Ce type de monnaie devient très rare après la réforme monétaire de Néron en 64, et exceptionnel après le règne de Domitien. Par ailleurs, la fouille de l'intérieur du bâtiment 1 nous a livré trois fibules. La première d'entre elles appartient au type Feugère 26b3, qui apparaît à l'époque de Néron; et dont la fabrication ne dépasse pas l'époque flavienne. Elle date essentiellement du troisième quart du Ier siècle. La deuxième appartient au type Feugère 14c1, et a été découverte à la base de la couche de scories ayant servi au remblayage du bâtiment. Ce type est particulièrement bien daté de la fin du règne de Claude jusqu'au début du IIe siècle, soit entre 60 et 80/110. Il est particulièrement fréquent dans le troisième quart du Ier siècle. La troisième fibule enfin appartient au type Feugère 14b1b, dont l'usage se limite principalement aux règnes de Tibère à Néron, avec de rares exemplaires au IIe et même au IIIe siècle. La céramique, quant à elle, constitue un ensemble cohérent du troisième quart du Ier siècle (50-70 ap. J.-C.). Bien qu'elle soit peu abondante, elle comporte suffisamment d'éléments caractéristiques pour étayer cette position chronologique : terra rubra, céramique vernissée d'Argonne et terre sigillée (Drag. 15/17 et 33a). Ces divers éléments nous poussent à placer l'occupation de ce bâtiment 1 et donc de la phase 1 du site vers le milieu du Ier siècle jusqu'à la fin du troisième quart du Ier siècle, ce qui correspond bien à une partie du matériel découvert dans les fossés par Amphora. Sa destruction est à situer au plus tard dans le quatrième quart du Ier siècle. Ces dépôts du Ier siècle sont scellés par une épaisse couche de scories de fer, vestiges d'une activité de forge, bien nivelées. La phase 2 D'après J.-M. Doyen, la deuxième phase de construction sur le site se caractérise par l'édification d'une série (?) de petits bâtiments en torchis au début du IIe siècle, sous le règne de Trajan (DOYEN J.-M., 1981b, p. 8). Le seul bâtiment décrit et dont un plan a été publié (IBID., pl. 3, 1 et DOYEN J.-M., 1987, p. 266-267) est très étroit et fort allongé (23,4 x 3,9 m), situé sous l'aile ouest de la villa proprement dite (cour ouverte, P6, extrémité ouest de P28 et 27, moitié ouest de P7-8). Ce bâtiment ("bâtiment A" - DOYEN J.-M., 1981a, Treignes (Viroinval) : rapport préliminaire de la campagne 1980. Bull. du Club Archéologique Amphora, 23, p. 36 et DOYEN J.-M., 1981b, pl. 3) est construit en torchis sur un soubassement de pierres sèches, de taille assez soignée. Il possède une seule pièce montrant un sol en chaux lissée et une toiture en tuiles portant souvent la marque "LCS" (DOYEN J.-M., 1987, p. 266). Ce bâtiment a probablement servi de forge, ou, de toute manière, a été lié à des activités métallurgiques (présence d'un bas-fourneau : "structure A"). Ces activités ont provoqué sa destruction par le feu (éléments de charpente calcinée dans toute la zone fouillée) dans le courant du IIe siècle (IBID., p. 267), ou avant la fin de celui-ci
  • 3. (DOYEN J.-M., 1981a, p. 36). Il est à signaler que dans un article intermédiaire (DOYEN J.-M., 1981b, p. 8), J.-M. Doyen nous dit que cet ensemble fut démoli, mais qu'aucune trace de destruction n'a été relevée... Lors de la reprise des travaux par nos soins, les vestiges de ce bâtiment 2 avaient presque complètement disparu. Nous n'en avons retrouvé que deux tronçons du mur ouest, ainsi que quelques blocs épars du mur est, en P7-8 et au nord de celle-ci (fig. 2). Un tronçon du mur nord était établi sur le remplissage d'un des fossés de la phase 1, ce qui le rend de manière évidente postérieur à celle-ci. Aucun autre élément ne nous permet de confirmer ou d'infirmer la datation proposée pour son édification, en l'absence de tout matériel publié. En revanche, en fonction de l'analyse provenant des données de la phase 3, la date de sa destruction nous semble à situer dans la première moitié du IIe siècle. La phase 3 Selon J.-M. Doyen, le "bâtiment A" de la phase 2, fut, après sa destruction, rapidement reconstruit sur le même plan, quoique légèrement décalé vers l'est, avec l'adjonction d'un important massif à l'angle nord-ouest (DOYEN J.-M., 1987, p. 267). Les blocs de fondations apparaissaient beaucoup moins équarris que ceux de la phase précédente (IBID., p. 268). Dans un premier temps (DOYEN J.-M., 1981a, p. 38), J.-M. Doyen considère que ce nouveau bâtiment a été démonté à la fin du IIe siècle. Dans la publication suivante (DOYEN J.-M., 1981b, p. 8-9), il parle d'une destruction par le feu, avec vestiges d'une toiture effondrée (tuiles souvent marquées "LCS") mélangée aux fragments calcinés de la charpente, au plus tôt sous le règne d'Hadrien. Enfin, dans la publication la plus récente (DOYEN J.-M., 1987, p. 266), il en revient à la première interprétation, c'est-à-dire que la villa proprement dite a été édifiée après que le bâtiment de la phase 3 a été soigneusement démonté et arasé à la fin du IIe ou au tout début du IIIe siècle en vue de la construction de la phase 4. Ces divergences d'interprétation sont probablement dues à une confusion temporaire des vestiges des phases 2 et 3. Nos propres recherches et découvertes nous poussent à corriger une partie de cette interprétation. Tout d'abord, elles nous permettent d'affirmer que le bâtiment 3 ne possède pas un plan semblable à celui du bâtiment 2 décrit par J.-M. Doyen, dont les vestiges retrouvés lors de nos propres recherches confirment le plan général. En effet, nous avons retrouvé, en toute certitude, plusieurs tronçons du mur ouest de ce bâtiment 3, déjà partiellement dégagés par Amphora, mais surtout, une grande partie des murs sud et est et un petit tronçon du mur nord, non encore dégagés auparavant. Loin d'être allongé et étroit, le bâtiment 3, mesure 16,50 m de large sur presque 25 m de long (fig. 3). Ensuite, loin de présenter une assise de blocs de fondation moins bien équarris que ceux de la phase 2, le bâtiment 3 présente une première assise de blocs assez réguliers, bien équarris sur 5 faces, surmontés par une assise de blocs plus gros, un peu plus frustes, sur lesquels venaient s'élever les murs en torchis (dont des
  • 4. éléments ont été retrouvés en place), recouverts par endroits d'enduits peints (essentiellement blancs avec des lignes rouges, noires ou jaune orange). Enfin, nous confirmons la deuxième interprétation de J.-M. Doyen. Le bâtiment 3 a, de toute évidence, été détruit par un incendie violent : à l'extérieur du bâtiment, comme c'était le cas pour le bâtiment 1, à une quarantaine de cm des assises de fondation, les murs sont longés, à l'est et à l'ouest, par une épaisse ligne de tuiles d'une quarantaine de cm de large, cassées et brûlées. De très nombreuses tuiles portent la marque d'atelier "LCS", et seulement celle-ci. Ceci suggère également une toiture à deux pans, comme pour le bâtiment 1, mais cette fois-ci orientée nord-sud. Enfin, la date proposée en 1987 pour la destruction du bâtiment 3, vers la fin du IIe ou le début du IIIe siècle, nous semble un peu trop récente et nous en revenons à la chronologie proposée en 1981 (DOYEN J.-M., 1981b, p. 9). En effet, à notre sens, si les ruines du bâtiment 3 ont été soigneusement arasées, c'est, après sa destruction accidentelle, pour préparer l'édification de la villa. Le nivellement a été partiellement réalisé à l'aide des scories résultant des activités antérieures, qui viennent s'appuyer sur, et parfois recouvrir les maçonneries résiduelles, notamment celles de la phase 3. Or, cette couche de scories, bien individualisée, a notamment livré au contact de sa surface plusieurs fragments de terre sigillée Drag. 27 (formes du Ier et du IIe siècles), dont l'utilisation ne semble pas dépasser la fin du règne d'Antonin le Pieux (160 ap. J.-C.). J.-M. Doyen signale par ailleurs, dans cette même couche de scories, un tesson d'Argonne qui pourrait également remonter au règne d'Hadrien (117-138 ap. J.-C.) (DOYEN J.-M., 1981b, p. 9). Enfin, une partie du matériel contemporain de la construction de la villa proprement dite (phase 4) semble assez clairement dater de la deuxième moitié du IIe siècle ou en tout cas du dernier quart. Il nous reste à signaler, sous les pièces P11-P12, un tronçon de mur de fondation est-ouest (bâtiment X), tout à fait semblable aux murs déjà décrits pour les phases 1 à 3 (fig. 4). L'absence de tout contexte pour cette fondation ne nous permet pas de la rattacher plus précisément à une de ces phases.