Histoire et figures de la non-violence. — 06b. Jean-Marie Muller (1939-2021)

I
Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des ConflitsInstitut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits
Trombinoscope historique de la non-violence
6 bis – Jean-Marie Muller
1939-2021
Étienne Godinot
avec la participation d’Alain Refalo
- 12.03.2023
Poursuivre et amplifier
le travail de Jean-Marie Muller
Jean-Marie Muller est décédé en décembre 2021. Philosophe
de la non-violence, mais également stratège de l’action non-
violente, il nous laisse une œuvre immense, reconnue au-delà de nos
frontières. Écrivain, conférencier, formateur, militant, il a consacré sa vie à
la non-violence, plus exactement à s’efforcer de relever le défi de la non-
violence dans un monde dominé par ce qu’il appelait « l’idéologie de la
violence nécessaire, légitime et honorable ».
Sa disparition nous invite à poursuivre et à amplifier son travail de
discernement des enjeux éthiques et politiques de la non-violence afin de
construire une culture de la non-violence qui transforme notre civilisation.
La non-violence n’est pas une idée désincarnée, elle est une sagesse
pratique, un idéal qui s’incarne dans l’aujourd’hui, au plus près de la réalité
des violences qui nous entourent.
Avec son Dictionnaire de la non-violence (2005), l'une de ses
œuvres majeures, Jean-Marie Muller nous a donnés les clefs du langage
de la non-violence. Il nous appartient désormais de lui donner corps pour
que la non-violence, au-delà des mots, s'inscrive dans nos existences,
dans nos luttes, dans notre aujourd'hui comme dans notre à-venir
commun. Alain Refalo
Jean-Marie Muller
1939-2021
Sommaire
- Sa vie
- Les grands axes de sa pensée
Sources
- Jean-Marie Muller, penseur et acteur de la non-violence,
Alain Refalo, Centre de ressources sur la non-violence de Midi-
Pyrénées, collection Culture de non-violence, n° 7, sept. 2022
- site Internet http://www.jean-marie-muller.fr/
1 - Sa vie Vesoul, Nancy, Algérie,
Pithiviers, Orléans
Jean-Marie Muller nait à Vesoul en septembre 1939. Après une
classe préparatoire ‘Maths sup’ et une année de philo à l’université de
Nancy, il est mobilisé en Algérie comme officier de réserve en août
1962, alors que les accords d'Évian, mettant fin aux hostilités, ont été
signés au mois de mars de la même année.
Constatant toutes les conséquences de la guerre, il prend
conscience que la violence s'avère incapable d'apporter une solution
humaine aux conflits humains. Il est libéré de ses obligations militaires
en avril 1963.
Il est professeur de philosophie dans un établissement secon-
daire de Pithiviers (Loiret).
Le 10 octobre 1966, âgé de 27 ans, il donne sa toute première
conférence publique à Orléans sur le t’hème « La non-violence et
l’évangile", à laquelle participent également l’évêque d’Orléans Guy
Riobé et le pasteur Miroglio, responsable de l’Église réformée
d’Orléans. Il y fait le constat que « le monde est en état de violence »
et qu’ « il est menacé par la violence jusque dans son existence
même. (…) Face à cela, que devons nous-faire ? Que pouvons-nous
faire ? »
1969 : le procès d’Orléans
Premier livre
En 1967, il demande, en tant qu’officier de réserve, à bénéficier du
statut des objecteurs de conscience en manifestant sa volonté d’assurer
ses responsabilités civiques dans le cadre d’une défense civile non-
violente. Après le refus de la commission juridictionnelle de le lui accor-
der, il renvoie son livret militaire au Ministre de la Défense. Il manifeste
ainsi sa volonté d'assumer désormais ses responsabilités civiques dans
le cadre d'une défense civile non-violente.
Le 8 janvier 1969, avec Jean Desbois et Jean-Pierre Perrin, il
comparaît devant le Tribunal correctionnel d'Orléans qui le condamne à 3
mois de prison avec sursis, 1000 francs d'amende et 5 ans de privation
de ses droits civiques. Il est dégradé de son grade d'officier.
La même année paraît son premier ouvrage, L’évangile de la non-
violence, qui apporte les premiers éclairages sur la non-violence dans
une perspective chrétienne. Il montre les insuffisances et les contradic-
tions de la théologie de la guerre juste. Il soutient que la non-violence est
une des exigences essentielles du christianisme et montre qu’elle est
une voie efficace pour promouvoir la justice, la paix et la liberté.
Photo : Tribunal judiciaire d’Orléans
Grève de la faim à Orléans
et séjour aux États-Unis
Professeur de philosophie jusqu'en 1970, Jean-Marie Muller
quitte alors l'enseignement pour se consacrer à plein temps à des
travaux de recherche sur la non-violence, ainsi qu'à sa mise en oeuvre
au niveau de l'information, de la formation et de l'action.
En juin 1970, il entreprend à Orléans, avec Jean Desbois, une
grève de la faim de deux semaines pour protester contre la vente de
seize "Mirage" au gouvernement des généraux brésiliens. Cette action a
un grand retentissement dans l'opinion publique et reçoit de soutien de
nombreux mouvements et personnalités, dont l’évêque d’Orléans, Guy-
Marie Riobé.
En 1972, il fait un séjour prolongé aux États-Unis. Il rencontre de
nombreux responsables des mouvements non-violents américains alors
engagés dans la résistance à la guerre du Vietnam. Il rencontre égale-
ment plusieurs dirigeants du mouvement pour les droits civiques, ainsi
que Cesar Chavez, le leader de la lutte des travailleurs agricoles de
Califormie, les Chicanos.
Photos : Cesar Chavez (1927-1993)
Guy-Marie Riobé (1911-1978)
Été 1973 : l’action non-violente contre les essais
nucléaires français dans l’océan Pacifique
En juillet-août 1973, le ‘Bataillon de la paix’, composé de Jacques de
Bollardière, Brice Lalonde, Jean-Marie Muller, Gilbert Nicolas et Jean Toulat,
mène une action de protestation contre les essais nucléaires à Moruroa, dans
l’océan Pacifique.
Leur bateau, le Fri, voilier de l'organisation Peace Media, est arraison-
né par la marine nationale à l'intérieur de la zone interdite.
D’autres personnalités soutiennent l’action à Papeete : le sénateur de la
Polynésie, Pouvanaa a Oopa et le député de la Polynésie Francis Sanford,
les députés Louis Besson, Charles Josselin, Anne-Marie Fritch, Jean-Jacques
Servan-Schreiber*, le dominicain Charles Avril, le pasteur Georges Richard-
Mollard.
* Jean-Jacques Servan-Schreiber (photo) démissionnera l’année suivante, après 9 jours, de son poste
de ministre des Réformes de V. Giscard d’Estaing, par opposition à la reprise des essais nucléaires.
Le voilier Fri Jean-Marie Muller, Jean Toulat Bollardière à la barre du Fri
et Jacques de Bollardière à Papeete
Juillet-août 1973 : le ‘bataillon de la paix’
L’équipage du Fri et ses passagers sont transférés d’abord à
Hao, puis à Papeete où ils entament une grève de la faim. Le 22 juillet,
le général de Bollardière est directement évacué sur Paris au prétexte
de raisons de santé. Le 31 juillet, en gage de protestation, il écrit au
Président de la République, lui demandant de le faire rayer de l’Ordre
de la Légion d’Honneur dont il est Grand Officier.
L’archevêque de Cambrai, Émile Guerry et l’évêque de Verdun,
Pierre Boillon prennent position contre l’arme et les essais nucléaires.
L’évêque d’Orléans, Guy-Marie Riobé (1911-1979), qui soutient aussi
les protestataires, est renvoyé "à ses oignons" par l’amiral Marc de
Joybert (1912-1989, auteur de La paix nucléaire).
La France met fin aux essais nucléaires dans l’atmosphère après
juillet 1974.
Au total, 46 essais nucléaires aériens ont été réalisés en Polynésie.
3 200 tonnes de déchets radioactifs issus de la recherche militaire en
Polynésie française sont jetés à la mer entre 1967 et 1975.
Dès 2013, la déclassification obtenue d'une partie des archives montre que
les retombées des essais touchent toute la Polynésie. En 2021, une étude menée
par l’université de Princeton affirme que les essais ont en réalité touché un
territoire grand comme le continent européen et 110 000 habitants.
1974 : la création du Mouvement pour une
Alternative Non-violente (MAN)
La mouvance non-violente en France jusqu’en 1974 était
représentée par le ‘Mouvement international de la Réconciliation’
(MIR-IFOR), mouvement chrétien œcuménique fondé en 1919, et par
‘l’Arche’ de Lanza del Vasto, communautés spirituelles d’inspiration
gandhienne fondées après 1946.
En 1973, sur la base d’un ‘Manifeste pour une alternative non-
violente’ dont il a rédigé la première mouture, Jean-Marie Muller avait
pris contact avec des personnes et des groupes en vue de constituer
le ‘Mouvement pour une alternative non-violente’ (MAN), destiné à se
situer clairement dans la sphère politique et dans une visée non-
confessionnelle.
Le ‘Mouvement pour une Alternative non-violente’ (MAN) est
créé en 1974 à Poitiers par des groupes rassemblés à son initiative.
Le MAN
Depuis bientôt 50 ans, ses principaux axes d’action du MAN sont
- le soutien aux luttes non-violentes à travers le monde (contre les
dictatures sud-américaines, l’apartheid, le totalitarisme en Europe de
l’Est, l’occupation militaire de la Palestine par Israël, l’agression de
l’Ukraine, etc.),
- les luttes contre l’exclusion, la discrimination, le racisme, le sexisme,
- les luttes pour la préservation de l’environnement et la biodiversité
(contre le nucléaire civil, les plants OGM en plein champ, etc.)
- le combat contre l’arme nucléaire
- le promotion de la recherche sur les stratégies civiles de défense
(défense civile non-violente)
- la promotion des stratégies d’intervention non-violente dans les conflits
à travers le monde (intervention civile de paix)
- le développement d’une culture de non-violence dans tous les secteurs
de la vie sociale (éducation, rapports sociaux, quartiers sensibles,
médias, etc.)
Le combat du Larzac
En octobre 1978, Jean-Marie Muller participe à Paris à une
grève de la faim de quatre jours avec Lanza del Vasto*, Jacques de
Bollardière, Jean Toulat, Jean Goss et quatre paysan(ne)s du Larzac afin
d'interpeller l'opinion et les pouvoirs publics sur le projet d’extension du
camp militaire du Larzac.
François Mitterrand leur rend visite et les assure de sa solidarité.
Le MAN contribue notamment au combat du Larzac par deux actions de
désobéissance civile : les renvois de livrets militaires et le refus-
redistribution d’une partie de l’impôt sur le revenu.
Mitterrand, élu président de la République en 1981, tient sa
promesse et abandonne le projet d’extension. Le magistrat Louis Joinet
(1934-2019), collaborateur du Premier ministre, contribue au montage
juridique et à la création de la ‘Société civile des terres du Larzac.’
* Lanza del Vasto, quant à lui, avait déjà jeûné 15 jours en 1972 au village de La Cavalerie,
sur le plateau du Larzac, ce qui a conduit au serment des 103 paysans.
Photos : - Jean-Marie Muller et son épouse Hélène Roussier au forum du Larzac en 1977
- Jean-Marie Muller, Lanza del Vasto et Jacques de Bollardière pendant la grève de la
faim au Larzac
La loi sur l’objection de conscience
au service militaire
En 1982, Jean-Marie Muller participe au Comité consultatif créé par
le Premier ministre en vue d'établir une concertation sur le dossier relatif
au vote d'une nouvelle loi sur l'objection de conscience. Parmi les
réformes qui seront adoptées, il est désormais possible aux réservistes
d'obtenir le statut légal des objecteurs de conscience.
En 1983, la loi Joxe assouplit considérablement les conditions d'obtention du
statut d'objecteur de conscience. En effet, sous réserve d'envoyer une lettre type
mentionnant que « pour des motifs de conscience » l'appelé « se déclare opposé à
l'usage personnel des armes et demande donc à être admis au bénéfice des
dispositions relatives à l'objection de conscience », l'obtention du statut devient
automatique. On peut demander le statut d'objecteur après avoir accompli son
service militaire et tant que l'on est mobilisable. L'objection devient dès lors une
forme de service civil assez comparable aux autres formes de services non-
militaires.
Toutefois, la durée du service civil reste double de celle du service militaire.
La conscription obligatoire sera abolie par Jacques Chirac en 1997
Images : Le fusil brisé, logo de l’organisation Wars Resisters International (Internationale des
Résistants à la Guerre); J.-M. Muller en conférence, dessiné par Cabu
1984 : l’IRNC
En 1983, le ministre de la Défense Charles Hernu demande à Jean-
Marie Muller de conduire une étude sur la défense civile non-violente.
Cette étude, réalisée en collaboration avec Christian Mellon et Jacques
Sémelin, sera été publiée en 1985 par la Fondation pour les Études de
Défense Nationale sous le titre La dissuasion civile.
En 1984, il participe à la création de ‘l'Institut de Recherche sur la
Résolution Non-violente des Conflits’ (IRNC) avec Christian Delorme,
François Marchand, Christian Mellon et Jacques Sémelin.
Il intervient fin 1985 à Strasbourg au premier colloque de l’IRNC sur
‘Les stratégies civiles de défense’ (photos).
Dans les années 1985-1990, J.-M. Muller participe, dans le cadre de
l’IRNC, à des réunions de travail avec des représentants du Secrétariat
Général de la Défense Nationale (SGDN),
en 2000-2001 avec le Commandement des Organismes de Formation
de l’Armée de Terre (COFAT),
mais il n’est plus en état de participer en 2018 et 2019 aux rencontres
de l’IRNC avec les officiers supérieurs du cabinet d’analyse stratégique ‘La
Vigie’.
Les voyages militants de J.-M. Muller
à travers le monde
Amérique latine et Caraïbes
En février 1974, Muller prend part à Medellin (Colombie) à la
"Conférence pour la stratégie non-violente de libération en Amérique
Latine". Il anime ensuite un séminaire de formation sur l'action non-
violente à Riobamba (Équateur), à l'invitation de Léonidas Proano,
l'évêque des Indiens.
En août 1988, participation, en tant que consultant étranger de la
Universidad para la Paz de San Jose (Université de paix des Nations
Unies au Costa Rica), à une mission chargée par le gouvernement du
Nicaragua de faire connaître aux dirigeants les théories et les pratiques
de la défense civile non-violente.
En avril 1994, séjour à Washington (USA) où il rencontre le
président de la République d'Haïti, Jean-Bertrand Aristide, et plusieurs
personnalités politiques haïtiennes en exil pour étudier la possibilité
d'une résistance non-violente en Haïti qui vit alors sous le régime
militaire du général Cedras.
Photo : Leonidas Proano (1910-1988), évêque de Riobamba
Caraïbes et Amérique latine
Amérique du Nord
En octobre 1994, participation à Villa de Leyva, en Colombie,
au Séminaire international sur la négociation dans les conflits armés.
En décembre 1994, participation à Sao Leopoldo, au Brésil, à
la conférence triennale de ‘l'Internationale des Résistants à la Guerre’
(IRG).
En octobre-novembre 1998, participation à une mission de
paix en Colombie. Avec une délégation française, il rencontre le
CINEP et les "communautés de paix" de la région de l'Uraba.
En 29 sept.-octobre 2007, nouveau séjour au Brésil.
Participation aux manifestations organisées à l'occasion de la 1ère
Journée internationale de la non-violence du 2 octobre.
En janvier 2001, séjour à Montréal (Québec), conférences sur
la non-violence dans le cadre de la préparation de la résistance civile
au ‘Sommet des Amériques’ (America Summit) qui doit se tenir au
Canada au mois d'avril suivant.
Images :
- Logo du Centro de Investigación y Educación Popular / Programa por la Paz (CINEP / PPP)
- Journée internationale de la non-violence : 2 octobre
Amérique latine
En décembre 2004, séjour en Colombie, intervention au
séminaire international organisé par la municipalité de Bogota sur le
thème : « La non-violence et la résistance civile comme instruments
pour la réconciliation ».
En janvier 2005, participation à Porto Alegre (Brésil) au
‘Forum Social Mondial’ (150 000 participants) où il donne une
conférence sur le thème « L'option non-violente dans les luttes
sociales et politiques ».
En novembre 2005, séjour à Sao Paulo (Brésil) à l'invitation
de l'association Palas Athena*. Conférences à l'université UNINOVE
et au Centre Culturel de Sao Paulo, animation d'un séminaire de 15
heures.
En mai 2006, séjour à Recife (Brésil), animation d'un atelier.
conférence au ‘Congrès de la santé et de la culture de paix et de
non-violence’.
* Centre d'études philosophiques, maison d'édition, élaboration de programmes et de
projets socio-éducatifs pour les réseaux de participation citoyenne. Logo ci-contre
Afrique noire
En mars 1993, séjour au Tchad à
l'invitation du mouvement ‘Tchad non-violence’. Nouveau séjour au
Tchad en février 1994, animation de deux séminaires de formation.
En février-mars 2004, séjour au Cameroun, animation de
sessions de formation à la non-violence à Maroua, Mokolo et
Yaoundé.
En mai 2006, nouveau séjour au Cameroun : conférence
publique à Bafoussam, animation d'ateliers à Bafoussam,
animation d'une session de formation à la non-violence à
Mbalmayo.
En décembre 2006, nouveau séjour au Cameroun,
animation d'une session de formation à la non-violence à
Bafoussam.
Images :
Logo de l’association ‘Tchad non-violence’
Au Cameroun
Russie, Inde, Afrique du Nord
En octobre 1973, Jean-Marie Muller participe à Moscou au
‘Congrès mondial des forces de paix’.
En 1977, séjour de deux mois en Inde sur les traces de Gandhi.
En janvier 1997, séjour au Maroc, rencontre avec Jean-Pierre
Schumacher, l'un des deux survivants des moines de Tibhirine.
En février-mars 2001, séjour en Inde, visite de l'ashram de
Gandhi à Ahmedabad.
Image : Jean-Pierre Schumacher (1924-2021)
En Europe
En mars 1975, séjour en Grèce, rencontres et conférences.
En 1987, séjour de deux semaines en Pologne avec François
Vaillant, rencontre avec les principaux dirigeants de l’opposition
démocratique (mouvement ‘Liberté et Paix’, Komitet Obrony Robot-
ników, KOR, etc.) dont Jacek Kuron et Adam Michnik. En 1985, son
livre Stratégie de l'action non-violente avait été publié en polonais
dans une édition clandestine.
En septembre 1998, participation à la triennale de ‘l'Internatio-
nale des Résistants à la Guerre’ à Porec (Croatie).
En octobre 1990, participation à ‘l'Assemblée Européenne des
Citoyens’ (AEC) à Prague (Tchéquie). Participation et intervention à
cette même AEC en décembre 1993 à Ankara (Turquie), et en août
1994 à Bratislava (Slovaquie).
En octobre 2004, conférence inaugurale au Colloque sur l'action
non-violente organisé à Magdebourg (Allemagne).
En octobre 2004, intervention au Colloque sur la résistance non-
violente à San Sebastian (Espagne).
En novembre 2004, participation et intervention au colloque sur
l'intervention civile de paix à Figuerès (Espagne).
En Europe
En décembre 2004, animation d’un séminaire pour les
étudiants en science politique de l'Université de Pise (Italie) à
l'occasion de la publication en italien de son livre Il principio
nonviolenza.
En avril 2016, à Rome, ’, à l’invitation de AUNOHR et de sa
fondatrice Ogarit Younan, intervention à la conférence internationale
sur "La non-violence et la paix juste", organisée par le ‘Conseil
pontifical Justice et Paix’ et ‘Pax Christi International*.
Suite à cette conférence, J.-M. Muller et O. Younan sont sollicités à
contribuer à la préparation du texte du pape François sur « La non-
violence, style de vie » prononcé le 1er janvier 2017 pour la journée
mondiale de la paix.
Photo du bas : à Rome en 2016 avec Ogarit Younan
Au Moyen Orient
En 1989, première rencontre avec Walid Slaybi et Ogarit Younan
du Liban, les deux pionniers de la non-violence dans le monde arabe.
Depuis, et pendant plus de 25 ans de sa vie active, Jean-Marie Muller
sera introduit dans ce monde arabe, au Liban en particulier, puis en
Palestine, Jordanie, Syrie, Irak y compris le Kurdistan.
En septembre 1990, la guerre civile au Liban n’étant pas encore
terminée, J.-M. Muller est invité par le mouvement ‘ Action sociale
culturelle’ – ASC* » devenue plus tard Movement for People's Rights –
MPR). Premier séjour de trois semaines, participation à la formation de
61 animateurs, activistes et éducateurs sociaux non-violents, avec la
collaboration d'Hervé Ott (France), François Bazier (Belgique), et Michel
Mégard (Suisse).
En septembre 1993, séjour au Liban de deux semaines, invité par
le MPR, pour une formation de jeunes étudiants et activistes. Rencontre
du cheikh leader chiite modéré Mohammad Hassan Fadlallah.
* fondé par Ogarit Younan et Walid Slaybi ( photos)
Au Moyen Orient
En août 1997, séjour de deux semaines au Liban, à l’invitation du
MPR pour une formation de jeunes, en collaboration avec François
Bazier de ‘l'Université de Paix’ (Belgique).
En décembre 2005 : séjour en Palestine. Intervention lors de la
rencontre internationale sur la résistance palestinienne non-violente
organisée à Bethléem.
En janvier 2006, puis en octobre-novembre 2006, à Amman
(Jordanie), animation de deux sessions de formation à la non-violence,
en partenariat avec la Lebane Association for Civil Rights (LACR, ex-
MPR), pour des Palestiniens, Irakiens, Syriens et Libanais.
En 12 juin-juillet 2008, séjour en Syrie, conférences au Cercle
culturel français de Damas et à l'ambassade de France en Syrie,
animation d'une session à Marmarita organisée par le groupe Maaber*.
En août 2008, nouveau séjour au Liban, à l’invitation de LACR,
formation de 80 participant.e.s (Palestine, Syrie, Éypte, Liban, Irak,
Kurdistan, Jordanie, Soudan, Tunisie).
*dont les fondateurs et autres membres ont participé dès 2004 aux formations à la non-
violence au Liban avec l‘association LACR et ensuite avec l'Université AUNOHR.
Photos : Université Aunorh en 2009 avec Ziad Medoukh.
Aunorh en 2013
Au Moyen Orient
En août 2009, séjour au Liban : inauguration, avec Adolfo
Esquivel, Arun Gandhi, Federico Mayor, Mairead Maguire et
autres, de l'Academic University for Non-Violence and Human Rights
(AUNOHR).
En nov. 2009, en avril 2010, puis en sept.-oct. 2012, participation
au ‘Forum national irakien pour la non-violence’ à Erbil (Kurdistan
irakien), sessions de formation, rencontres avec des ministres, des
parlementaires, des présidents d'universités et des représentants
d'ONG.
En août 2010, en mai-juin 2011, en juillet 2012, en juillet 2013, en
juillet-août 2015, séjours au Liban, formations académiques à
l‘université AUNOHR*
Notamment :
Une demi-journée consacrée à la 1ère présentation de son livre « Désarmer les Dieux »
récemment sorti en français, en présence d'un public de six pays arabes y compris des religieux
musulmans et chrétiens;
Rencontres avec Jawdat Said, le cheikh penseur et activiste non-violent de Syrie, avec le
Père Wissam Maalouf, fondateur de ‘Mission de Vie’ au Liban et qui a fait sa thèse de doctorat
sur Jean-Marie Muller, et avec Zouhaier Debbie, le cheikh non-violent de Palestine (les trois
poursuivaient des cours à AUNOHR); Rencontre avec le Président de la république du Liban ;
Formations co-animées avec Antonella Verdiani, ex.directrice du programme Éducation à
l'Unesco, qui a proposé et publié le livre de Muller De la non-violence en éducation ;
Célébration de la signature de la traduction et publication en arabe du livre de Muller Désarmer
les dieux, etc.
Photos : avec Jawdat Saïd ; au Forum irakien à Erbil; Logo de l’AUNORH
Conférences, formations et colloques
en France
Pendant de nombreuses décennies, Jean-Marie Muller donne à
travers la France des conférences, des formations, et intervient à des
rencontres, colloques, festivals, universités d’été, etc.
Par exemple, formations sur la non-violence lors des sessions
de l’association ‘Intercordia’ destinées à des jeunes partant pour une
mission en France ou à l’étranger.
Entre 1985 et 1992, il est chargé de cours à ‘l'Institut d'Études
Politiques’ de l‘université de Lyon où il donne un enseignement sur la
stratégie de l'action non-violente.
Il intervient notamment aux colloques organisés à l’IUT de St
Denis par l’IRNC, le MAN et ‘Non-violence XXI’.
Photos :
- En juin 2009 à Colomiers, près de Toulouse, lors du Festival Camino, Jean-Marie Muller est
en compagnie de Ziad Medoukh, professeur de français à l'Université de Gaza. La citation
écrite est celle-ci : "La violence ne peut que construire des murs et détruire des ponts. La non-
violence nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts".
- Conférence à Nantes en 2010
- En juin 2015, colloque à l’IUT de St Denis, avec Patrick Viveret
Un prix international
En septembre 2013, Jean-Marie Muller est le lauréat 2013 du
prix international de la fondation indienne Jamnalal Bajaj* pour la
promotion des valeurs gandhiennes en dehors de l’Inde.
La brochure qui présente le lauréat précise : « Deux actions conduites
par Jean-Marie Muller et le MAN posent des questions qui ont actuellement un
intérêt majeur pour le monde : - Le désarmement nucléaire et, plus particuliè-
rement, une campagne pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France ;
- La lutte pour la paix et la justice au Moyen-Orient et plus particu-lièrement en
Palestine. »
La distinction lui est remise à Bombay le 14 novembre par le
président de la République indienne : « Jean-Marie Muller affirme sa
conviction que l’humanité ne sera pas capable de relever les défis
auxquelles elle est confrontée dans le monde d’aujourd’hui si elle ne
rejoint pas les intuitions de Gandhi. »
Dans sa réponse, J.-M. Muller déclare : « Le génie de Gandhi
est d’avoir réconcilié (…) les exigences de la vie spirituelle et les
contraintes de l’action politique. (…) Gandhi nous invite à revisiter les
héritages de nos traditions historiques - aussi bien philosophi-ques,
religieuses que politiques -, et à prendre conscience de toutes les
complicités que nos cultures ont entretenues avec l'empire de la
violence.
* Dossier présenté par l’association française ‘Gandhi International’, à l’initiative de
Louis Campana, et par l’IRNC.
Derniers combats et écrits
Affaibli par la maladie, J.-M. Muller à la fin de sa vie continue
dans sa maison de Chanteau, près d’Orléans, d’écrire des
ouvrages et articles, notamment pour le désarmement nucléaire et la
promotion d’une culture de non-violence.
Un article de lui en mars 2018 appelle à une déclaration de la Conférence
épiscopale française contre l’arme nucléaire : « Ces mêmes évêques qui se
taisent aujourd’hui peuvent oser prendre la parole demain. L’espérance est fragile,
mais encore possible. »
Dans son dernier texte en janvier 2020, il écrit : « Le non de "non-violence"
est un non de résistance, un non de résistance aux violences meurtrières qui
s'exercent contre les hommes, mais aussi et d'abord un non de résistance aux
justifications de la violence. (…) Le défi est donc que les différentes cultures
s'investissent pour reconnaître le statut philosophique de la non-violence et
découvrent les éléments de la stratégie qu'elle implique. L'histoire elle-même
pourra alors devenir non-violente. »
Il décède le 18 décembre 2021. Ses obsèques sont célébrées
en l’église de Fleury-les-Aubrais. De nombreux amis du monde de la
non-violence sont présents. Plusieurs d’entre eux rendent hommage à
l’infatigable militant et écrivain qui nous a donnés des repères essen-
tiels sur la non-violence et la stratégie de l’action non-violente.
Photos : - Devant la maison à Chanteau en 2019.
- En 2020
2 - Les grands axes de la pensée
de Jean-Marie Muller
Ses ouvrages
J.-M. Muller est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages (livres ou
brochures). Plusieurs d’entre eux ont été traduits et publiés à l’étranger.
On peut les classer en 5 catégories :
1. La philosophie de la non-violence
Simone Weil, l'exigence de non-violence (1991), Lexique de la non-violence (1988),
Gandhi - La sagesse de la non-violence (1994), Le principe de non-violence - Parcours
philosophique (1995), Comprendre la non-violence (avec Jacques Sémelin, 1995),
Paroles de non-violence (1996), Vers une culture de non-violence (avec Alain Refalo,
1999), Paroles de bonté (1999), Le courage de la non-violence - Nouveau parcours
philosophique (2001), Délégitimer la violence (2004), Penser avec Albert Camus - Le
meurtre est la question (2013), Dictionnaire de la non-violence (2005), Entrer dans l'âge
de la non-violence (2011), La violence juste n'existe pas - Oser la non-violence (2017).
2. La spiritualité, les religions
L'évangile de la non-violence (1969), Guy Riobé et Jacques Gaillot- Portraits croisés
(1995), Les moines de Tibhirine, "témoins" de la non-violence (1999), Charles de
Foucauld, frère universel ou moine-soldat ? (2002), Désarmer les dieux, le christianisme
et l'islam face à la non-violence (2010), Le christianisme face au défi des armes
nucléaires (2011). La violence juste n’existe pas. Oser la non-violence (2017).
Ses ouvrages
3. La stratégie de l'action non-violente
Stratégie de l'action non-violente (1971), César Chavez, un combat non-violent (avec
Jean Kalman, 1977), Gandhi, la sagesse de la non-violence (1994), Gandhi l'insurgé -
L'épopée de la marche du sel (1997), Désobéir à Vichy - La résistance civile des
fonctionnaires de police (1994), Choisir la non-violence pour rendre un autre monde
possible (2006), La non-violence en action (2007), Principes et méthodes de
l'intervention civile (1997), L'impératif de désobéissance - Fondements philosophiques
et stratégiques de la désobéissance civile (2011).
4. L’arme nucléaire et les questions de défense
La bombe en question (1973), L'héritage - Quelle défense pour quel socialisme ?
(1977), Vous avez dit "Pacifisme" ? - De la menace nucléaire à la défense civile non-
violente (1984), La dissuasion civile (avec Christian Mellon et Jacques Sémelin,1985),
Et si nous décidions de ne plus faire de complexe militaro-industriel ? (1988), La
nouvelle donne de la paix (1992), Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l'arme
nucléaire ? (2010), Libérer la France des armes nucléaires (2014).
5. Sur des sujets divers
De la non-violence en éducation (2002), Supplique à un prix Nobel en guerre (2010),
Nelson Mandela - Le choix de la lutte armée (2015).
Penser la non-violence
Pour élaborer une pensée rationnelle de la non-violence, J.-M.
Muller a la conviction qu'il est primordial de pratiquer la non-violence. « Et
si le philosophe n'a pas l'expérience corporelle de l'action non-violente,
comment pourrait-il élaborer une pensée rationnelle de la non-violence ? »
« La non-violence n'est pas une idée, elle est une pensée. Elle est
une pensée qui pense la violence ou, plus précisément (étymologique-
ment, "penser", du latin pensare, signifie peser, évaluer, apprécier), qui
pèse la violence et en mesure tout le poids qui accable l'existence de
l'homme. Et cette pensée découvre que la violence n'est pas une fatalité,
qu'elle n'est qu'une possibilité de l'homme et que la bonté est une autre
possibilité. »
« L'option pour la non-violence n'est pas fondée sur le rêve d'une
société libérée de toute emprise de la violence, mais sur la prise de
conscience d'une société encore largement dominée par la loi de la
violence. C'est moins par idéalisme que par réalisme que l'homme choisit
la non-violence. »
Une exigence spirituelle
et une attitude
« La philosophie de la non-violence permet d'approcher dans
un même mouvement la pensée vraie et l'action juste. »
« En réalité, tout à l'inverse d'une vérité dogmatique se
présentant comme un système d'idées abstraites fermé sur lui-même et qui
prétendrait détenir l'explication du monde, la non-violence est essentielle-
ment une exigence spirituelle, une requête de l'esprit. »
« La vérité de la non-violence n'est jamais donnée sous une forme
achevée et figée ». Elle est un processus, une dynamique, un chemin où,
continuellement, elle est mise à l'épreuve dans la relation à l'autre.
« Avant d'être une action, la non-violence est d'abord et essentielle-
ment une attitude, une attitude autre que la lâcheté et la violence, une
autre attitude envers les autres hommes qui engendre une autre attitude à
l'égard de la mort et du meurtre. Elle est l'attitude éthique et spirituelle de
l'homme debout qui reconnaît la violence comme la négation de l'humanité
et qui décide de refuser de se soumettre à sa domination. »
Philosophie et stratégie
« Lorsqu'on parle de "non-violence", il importe d'introduire et de
maintenir une distinction fondamentale entre l'exigence philosophique
de non-violence et la stratégie de l'action non-violente. L'une et l'autre
se situent sur des registres différents qu'il importe de distinguer, non pas
pour les séparer, mais pour ne pas les confondre. En tant que principe
philosophique, la non-violence est une "requête de sens", en tant que
méthode d'action, elle est une recherche d'efficacité. »
Bien souvent, ceux qui dénient à la non-violence toute efficacité
n'ont pas une réelle connaissance de l'histoire de la non-violence, de
ses potentialités et de ses résultats. S'il ne s'agit pas d'idéaliser l'effica-
cité de la non-violence, il convient de ne pas la minimiser. Mais pour
Jean-Marie Muller, la pertinence de la non-violence ne doit pas être
jugée à l'aune de son efficacité.
« Parce que la violence finit toujours par trahir et pervertir la fin
qu’elle prétend servir, il est donc essentiel de rechercher des équiva-
lents fonctionnels à la violence qui soient en cohérence avec la fin
poursuivie. Seule la non-violence offre cette cohérence tout en visant à
l’efficacité. »
Dissimuler les malentendus …
Avec une pensée rigoureuse, Jean-Marie Muller est précis sur le
choix des mots dont il aime à rappeler l’étymologie. Il affirme, après
Gandhi, qu’on peut être révolutionnaire sans être révolté, radical sans être
exacerbé, intransigeant sans être sectaire, déterminé sans être violent.
Il a le souci de clarifier les concepts de distinguer la force et la
violence. « La force et la contrainte obligent l'adversaire à céder et à
négocier. Elles ne doivent pas être confondues avec la violence qui le
détruit ou le meurtrit ».
Pour déraciner la violence, affirme-t-il, il faut réhabiliter le conflit, qui
permet la parole, le dialogue, la confrontation. « Ce qui menace la paix, ce
ne sont pas les conflits, mais l'idéologie qui fait croire aux hommes que la
violence est le seul moyen de résoudre les conflits. »
Il distingue la non-violence du pacifisme et de l’antimilitarisme*.
La non-violence, explique-t-il, est une lutte contre l'injustice dans une
visée de réconciliation et de justice, non de vengeance ou d'écrasement.
Cela suppose un accord profond entre la fin poursuivie et les moyens
utilisés et le refus de toute parole et de tout acte qui enfermerait l'adver-
saire dans sa propre violence.
* Son article dans le 1er numéro de ma revue Alternatives non-violentes fin 1973 s’intitule
« L’antimilitarisme, maladie infantile de la non-violence »
…. et clarifier les concepts
« La violence peut être utilisée au service de causes justes, mais
elle n'en devient pas juste pour autant. Même légalisée par l'État ou
légitimée par les autorités morales, la violence meurtrit l'humanité de
l'homme, à la fois de celui qui la subit et de celui qui l'exerce. En tant
que méthode d'action, la violence exige, plutôt qu’une condamnation,
une alternative efficace dans l'action politique. »
« Une philosophie de la non-violence doit penser ensemble la
lutte et le refus de la violence : la lutte, parce qu’elle est la condition
même de la vie, et le refus de la violence, parce qu’elle porte atteinte à
la vie. »
Une affirmation essentielle qui lui est chère est que la lutte est
compatible avec l’amour, en l’occurrence le respect de l’adversaire :
« La non-violence réconcilie la lutte et l’amour. Elle est le chaînon
manquant entre la violence et l’amour. »
Une stratégie d’action
Le principe essentiel de la stratégie de l'action non-violente,
explique Muller, est le principe de non-coopération* : la force des injusti-
ces dans une société vient de ce qu'elles bénéficient de la coopération de
la majorité des membres de cette société : soumission, acceptation,
silence, complicité, indifférence, résignation. La non-violence vient rompre
cette coopération
La stratégie du combat non-violent met en oeuvre des moyens
- de persuasion : démarches, demandes, lettres ouvertes, appel à l'opinion
publique, pétitions, campagnes de lettres, heures de silence, etc.,
- de pression : marches, jeûnes, manifestations, renvoi de décorations,
enchaînements, intrusions, occupations, sit-in, die-in, ville morte, etc.,
- et de contrainte : grèves, grèves de la faim, boycott, désobéissance
civile.
Elle comprend donc des étapes**, des répertoires variés d’action,
des moyens adaptés à l’objectif à atteindre, parfois des objectifs intermé-
diaires.
* déjà exprimé par Étienne de la Boétie et développé par Henry-David Thoreau
** Prise de la décision d’agir; analyse de la situation; choix de l’objectif; choix de l’organisation;
premières négociations; appel à l’opinion publique; envoi d’un ultimatum; actions directes de non-
coopération et d’intervention; programme constructif; résistance à la répression; négociations
finales.
La nécessité de la contrainte
« Il n'existe aucun déterminisme, fondé sur la " force de la
vérité ", qui obligerait quiconque à se rendre aux raisons de celui
qui défend une cause juste. Mais surtout, au niveau des conflits
sociaux et politiques, les adversaires ne sont pas des personnes, ni
même des groupes de personnes, mais des groupes d'intérêts
soudés par des idéologies opposées. De tels groupes ne se lais-
sent pas convaincre. Lorsqu'il s'agit de lutter contre les injustices
structurelles du désordre établi, c'est la contrainte exercée par
l'action collective qui est déterminante dans le succès d'une
stratégie non-violente. »
« Quand j’ai demandé à Cesar Chavez si la lutte des
Chicanos changeait le cœur des propriétaires, il m’a répondu :
"Oui, nous changeons le cœur des propriétaires, car leur cœur,
c’est leur porte-monnaie, et notre lutte a un effet sur leur porte
monnaie !" »
Images : La marche du sel (1930)
Le boycott des bus de Montgomery (1955)
Le boycott des raisins en Californie demandé aux consommateurs par l’United
Farm Workers
* Le devoir de désobéissance civile
« L'histoire nous apprend que la démocratie est beaucoup plus
souvent menacée par l'obéissance aveugle des citoyens que par leur
désobéissance. Si l'obéissance des citoyens fait la force des régimes
totalitaires, leur désobéissance peut devenir le fondement de la
résistance à ces mêmes régimes. »
« Pour autant que la loi remplit sa fonction au service de la justice,
elle mérite notre obéissance. Mais lorsqu'elle couvre, cautionne ou
engendre elle- même des injustices, elle mérite notre désobéissance.
Car l'obéissance à la loi ne dégage pas le citoyen de sa responsabilité :
celui qui se soumet à une loi injuste porte une part de la responsabilité
de cette injustice. Ce qui fait l'injustice, ce n'est pas tant la loi injuste
que l'obéissance à la loi injuste. »
« La désobéissance civile renforce la démocratie en impliquant
chaque citoyen dans l’élaboration des lois. »
* La désobéissance à la loi, explique Muller, peut prendre deux formes de nature
totalement différente : 1) une désobéissance individualiste qui ne se soucie pas de l'évolution de
la loi et qui tend à favoriser le repli sur soi; 2) une désobéissance citoyenne qui vise non
seulement à la cohérence éthique personnelle, mais aussi à interpeller l'opinion publique et à
faire avancer le débat législatif. La couverture du livre L’impératif de désobéissance (2011)
choisie par l’éditeur évoque hélas la première forme….
Action, négociation, pardon
« Peut-être faudra-t-il accepter un certain compromis qui
permette à l'adversaire de " sauver la face ". Mais il ne faut rien céder sur
l'essentiel sous prétexte de parvenir à un pareil compromis. Celui-ci ne
saurait renvoyer dos à dos les victimes de l'injustice et ceux qui en sont
responsables. »
Au final, l’ambition des militants de la non-violence est de se
retrouver avec leurs adversaires autour de la table de négociations. Ce
dernier moment, incertain, transforme des adversaires en partenaires
dans la construction d’un avenir commun.
« À ce stade, le pardon peut souvent être nécessaire, non pas
pour oublier le passé, mais pour avoir de nouveau un avenir. Cependant,
le pardon ne libère que si l'autre accepte d'être pardonné ou s'il le
demande. Sans pardon, la haine et la vengeance peuvent resurgir
intactes. Pour que viennent les conditions du pardon, il faut d'abord
(r)établir la justice et, pour cela, les coupables doivent être jugés. »
Désarmer et dédogmatiser les religions
Une préoccupation constante de Muller est de "dédogmatiser" et de
désarmer les religions pour les orienter vers une voie spirituelle, celle de la
règle d’or, "Ne fais pas à autrui le mal que tu ne voudrais pas qu’il te fasse,
fais lui le bien que tu voudrais qu’il te fasse", celle du combat non-violent
pour la dignité, la justice, la paix et le bien commun.
L’écriture de Désarmer les dieux, ouvrage paru en janvier 2010, a
été pour lui « une aventure intellectuelle est spirituelle », et ce livre, disait-il
à ses amis, est « le fruit de six années de labeur ».
Le cœur de l’ouvrage est la conviction que la non-violence est
« comme le porche qui ouvre à l’homme le chemin de la bonté ». Celle-ci
– qu’on appelle encore la bienveillance, la douceur, la charité, l’amour, la
tendresse, le pardon, lui semble « la plus haute expression de la trans-
cendance ». « C’est la bonté qui permet de s’approcher du mystère de
Dieu.»
« En tout homme, la lumière de l’attention, l’intelligence du cœur,
l’exigence de la conscience et la connaissance de la raison orientent le
choix de la liberté et la décision de sa volonté en le conduisant sur la voie
de la sagesse et de la vérité ».
L’exigence spirituelle de la bonté
Muller dénonce avec force certaines spiritualités évanescentes qui
veulent atteindre la plénitude de la « paix intérieure » avant de se décider
à agir pour la justice et la paix dans le monde.
« Ce qui divise les hommes, ce n’est ni le conflit, ni la lutte, mais
l’injustice, l’indifférence, la résignation et la lâcheté. (…) La spiritualité ne
prend sa véritable signification que dans l’action pour la justice ». En
définitive, « c’est la bonté de l’homme envers l’autre homme qui révèle la
transcendance de l’être humain et qui ouvre l’existence à la Transcen-
dance que, dans leur langage incertain, les religions nomment
Dieu ».
« Cette révolution de la théologie bouleverse l’anthropologie :
l’humanité de l’homme s’accomplit non pas dans l’éclat de la puissance,
mais dans la douceur de la bonté. Ce qui inaugure l’humanité de
l’homme, ce n’est pas l’acte de foi en Dieu, mais l’acte de bonté envers
l’autre homme. (…) La Bonté est l’Ordre du monde. »
L’héritage de Gandhi
« Gandhi s'est toujours présenté comme un "chercheur de
vérité". C'est en cherchant la vérité qu'il s'est convaincu que seul le
chemin de la non-violence pouvait conduire à sa découverte. Il en vint
à affirmer que la non-violence est l'expression de la vérité de l'homme.
Selon lui, c'est en réalisant dans son existence l'exigence de non-
violence que l'homme accomplit son humanité en tant qu'être
raisonnable, en tant qu'être spirituel. Ainsi, la non-violence est une
requête de l'esprit qui ouvre à la transcendance et à l'universel. »
« Gandhi ne nous offre pas des réponses à répéter, mais il nous
invite à poser les questions essentielles dont l'enjeu concerne le sens
même de notre existence et de notre histoire. Comme lui-même a
tenté de le faire en son temps, il nous appartient d'inventer ici et
maintenant les meilleures réponses possibles. »
« Nos sociétés, le monde, l’humanité sont malades de la
violence. Mais Gandhi nous l’a montré : la violence n’est pas une
fatalité. Aux jours de lassitude, la violence peut apparaître comme une
fatalité. En réalité, c’est une fatalité tout entière construite de mains
d’homme. Cela signifie que tous ensemble, avec nos mains nues,
avec nos mains désarmées, nous pouvons la déconstruire. »
Le combat de Jean-Marie Muller
contre l’arme nucléaire
Un des combats qui tenait le plus à cœur J.-M. Muller et qui l’a
mobilisé pendant plus de 50 ans, dans l'action et par l'écriture, est le
combat contre la bombe atomique. La question de l'arme nucléaire, disait-
il, touche au sens de nos existences et au sens de notre histoire. Rien à
ses yeux n’est plus immoral que la préméditation de ce crime absolu
préparé en toute bonne conscience dans l'ignorance de ses conséquences,
à savoir le meurtre de milliers d'innocents.
« Par sa structure même, la dissuasion nucléaire implique la
démission des citoyen(ne)s qui abandonnent leur destin à la seule décision
du Président de la République. »
« Le plus grave, et donc le plus inquiétant, c’est le triomphe de la
mentalité nucléaire qui inhibe la conscience des citoyens. Ceux-ci ont
perdu toute faculté d’indignation devant le fait que l’ingéniosité de l’homme
se pervertit dans la fabrication d’armes de destruction massive. »
« L’existence même de l’arme nucléaire est le renoncement à la
civilisation, elle consacre l’échec de toutes les morales, de toutes les philo-
sophies, de toutes les spiritualités, de toutes les sagesses, de toutes les
religions. La dissuasion nucléaire est la défaite de la raison, la défaite de la
pensée, la défaite de l’intelligence. »
Libérer la France et le monde
des armes nucléaires
« La dissuasion nucléaire française n’est ni moralement, ni
politiquement, ni stratégiquement, ni économiquement acceptable.
L’arme nucléaire n’est pas une arme légitime de défense, mais une
arme criminelle de terreur, de destruction, de dévastation et d’anéan-
tissement. Pour la société française, elle n’est pas une protection, mais
une menace. »
« La raison décisive qui justifie la bombe, c’est la raison d’État.
Mais en démocratie, les exigences de la simple raison doivent prévaloir
contre les prétentions de la raison d’État. »
« En réalité, la croyance dans l’arme nucléaire se fonde irration-
nellement dans la confiance qui nous a été inculquée par la civilisation
moderne dans la Technique et dans l’État. Pour renoncer à la bombe, il
faudrait que l’homme d’aujourd’hui ait le courage d’oser se libérer de
cette double emprise qui le rend inconscient et irresponsable. »
* Photo du haut : Pendant le jeûne du 6 au 9 août 2012, au ‘Mur de la Paix’ à Paris. Jean-
Marie Muller, partisan du désarmement nucléaire unilatéral de la France, échange avec
Dominique Lalanne, président du réseau ‘Abolition des armes nucléaires’, qui prône un
désarmement multilatéral. Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) voté à l’ONU
en 2017 les mettra d’accord, car il propose aux États une démarche à la fois unilatérale et
multilatérale.
Promouvoir
une défense civile non-violente (DCNV)
« L’objectif ultime de tout pouvoir illégitime qui veut prendre le con-
trôle d’une société est d’obtenir, par la conjugaison de moyens de persua-
sion, de pression, de contrainte et de répression, la collaboration et la
complicité objective des citoyens, du moins du plus grand nombre d’entre
eux. Dès lors, l’axe central d’une stratégie de défense civile est l’organisa-
tion du refus généralisé, mais sélectif et ciblé, de cette collaboration. »
La DCNV vise à défendre la démocratie. C'est « une politique de
défense contre toute tentative de déstabilisation, de contrôle ou d'occupa-
tion de notre société, conjuguant, de manière préparée et organisée, des
actions non-violentes collectives de non-coopération et de confrontation
avec l'adversaire, en sorte que celui -ci soit mis dans l'incapacité d'atteindre
les objectifs de son agression : l'influence idéologique, la domination
politique, l'exploitation économique. »
En d'autres termes, il s'agit de rendre la société insaisissable ou
indigérable par un agresseur, inexploitable économiquement, incontrôlable
politiquement, insoumettable idéologiquement, et de dissuader l'agresseur
de s'attaquer à cette société, car les coûts qu'il risquerait de subir seraient
supérieurs aux gains qu'il pourrait espérer : c'est la dissuasion civile.
Image du bas : L’ouvrage de Christian Mellon, Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin La
dissuasion civile (1985) traduit en serbe
* Développer l’intervention civile de paix
Entre les insuffisances de l'action humanitaire, et l'impossibi-
lité, l'absence de pertinence ou de cohérence et les insuffisances des
interventions militaires, il y a place pour l'ingérence politique par une
stratégie d'intervention civile.
« L'intervention civile est l'intervention non armée de forces
extérieures, mandatées par une organisation intergouvernementale,
gouvernementale ou non gouvernementale, qui s'engagent dans un
conflit local ou régional afin d'accomplir, sur les lieux- mêmes de
l'affrontement, des missions d'observation, d'information, d'interpo-
sition ou de médiation et de coopération, en vue de prévenir ou de
faire cesser la violence, de veiller au respect des droits de l'homme,
de promouvoir les valeurs de la démocratie et de la citoyenneté, et de
créer les conditions d'une solution politique du conflit qui reconnaisse
et garantisse les droits fondamentaux de chacune des parties en
présence, et leur permette de définir les règles d'une coexistence
pacifique. »
Il s'agit, dans un premier temps, se séparer les ennemis qui
se battent, et, dans un deuxième temps, de les réunir pour qu'ils se
parlent, puisque seuls les acteurs du conflit sont en mesure de lui
apporter une solution durable.
* La couverture du livre de Jean-Marie Muller Principes et méthodes de l’intervention
civile (1997) choisie par l’éditeur n’évoque pas l’intervention civile, mais la résistance civile…
Israël-Palestine
Jean-Marie Muller, toute sa vie durant, fait le triste constat de
l’échec dramatique de la résistance armée des Palestiniens à l’occupa-
tion militaire et au grignotage de leur pays par Israël.
Sa conviction, partagée peu à peu par d’autres qui étaient initiale-
ment d’un avis différent*, est que seule une stratégie clairement non-
violente, mais offensive, pourra libérer les Palestiens de l’oppression
militaire et du régime d’apartheid imposé par la droite et l’extrême-droite
religieuse israéliennes en suscitant le soutien des démocrates israéliens
et de la société internationale.
« Le mur de Berlin est tombé sous la pression de la résistance
non-violente des femmes et des hommes des sociétés civiles de
l’Est, qui avaient pris les plus grands risques pour conquérir leur
dignité et leur liberté. »
« Pour faire tomber le mur de Jérusalem, le réalisme devrait
conduire les Palestiniens à faire le choix de la stratégie non-
violente. »
* comme Bernard Ravenel, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Images : Le grignotage des territoires palestiniens par Isräel. L’arrachage des oliviers
des Palestiniens par les colons israéliens. Les jets de pierre des jeunes Palestiniens. Le livre
de Bernard Ravenel
Une culture de non-violence
« Par nature, écrit J.-M. Muller, l’homme n’est ni violent, ni non-
violent, mais il est capable à la fois d’être violent et d’être non-violent.(…)
La question est de savoir quelle part de lui-même il décide de cultiver,
aussi bien individuellement que collectivement. »
« Le premier acte de la culture de la non-violence, c’est de
déshonorer et de délégitimer la violence, de déconstruire l’idéologie qui
justifie la violence comme un droit de l’homme et l’honore comme la vertu
de l’homme fort. Cultiver la terre, ce n’est pas seulement semer de
bonnes plantes, c’est aussi arracher les mauvaises herbes. »
Une culture de la non-violence est le développement des savoirs,
des mœurs, des manières de vivre, des institutions sociales, des échelles
conscientes et inconscientes de valeurs, bref de l’ethos collectif tout
entier dans sa profondeur, en vue de favoriser le recul de la violence
individuelle et sociale et d’inscrire dans les pratiques vécues d’un peuple
les pratiques non-violentes des conflits ».
« Pour se développer et avoir réellement prise sur l’évènement, la
non-violence a besoin d’un milieu humain qui crée une atmosphère
intellectuelle et spirituelle favorable à sa culture. Il est de la responsa-
bilité de chacun d’y contribuer. »
Abattre les murs, bâtir des ponts
« La violence ne peut que détruire des ponts et construire des murs. La non-violence
nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts. Malheureusement, il est plus
difficile de construire des ponts que des murs. L’architecture des murs ne demande aucune
imagination : il suffit de suivre la loi de la pesanteur. L’architecture des ponts exige
infiniment plus d’intelligence : il faut vaincre la force de la pesanteur. »
Images : Le mur de séparation entre Israël et la Palestine en Cisjordanie.
Le pont de Shaharah au Yémen
« Les murs les plus visibles qui séparent les hommes sont les
murs de béton qui martyrisent la géographie et divisent la terre qu’il
faudrait partager. (…) Mais il existe aussi des murs dans le cœur et
dans l’esprit des hommes. Ce sont les murs des idéologies, des
préjugés, des mépris, des stigmatisations, des rancœurs, des ressen-
timents, des peurs. La conséquence la plus dramatique de la
violence, c’est qu’elle construit des murs de haine. Seuls ceux qui,
dans quelque camp qu’ils se trouvent, auront la lucidité, l’intelligence
et le courage de déconstruire ces murs et de construire des ponts qui
permettent aux hommes, aux communautés et aux peuples de se
rencontrer, de se reconnaître, de se parler et de commencer à se
comprendre, seuls ceux-là sauvegardent l’espérance qui donne sens
à l’à-venir de l’humanité. »
Avec humour
Jean-Marie Muller était un orateur apprécié* et un débatteur
redoutable.**
En privé ou dans ses conférences publiques, ayant conscience
que ses relations avec ses compagnons de lutte n’étaient pas toujours
sereines et qu’ « il ne faut pas poéter plus haut que son luth ! », il aimait
à manier l’humour :
« Face à la réalité des menaces, le pacifisme est un vœu pieux.
Certes, il vaut mieux formuler des vœux pieux que des vœux impies,
mais cela ne change rien à la réalité ! »
« Il faut corriger ce que Gandhi a pu dire par ce qu’il a fait, et se
méfier du gandhiraton… »
« Les affiches "Debré ou de force, nous garderons le Larzac !" ,
"Faites labour, pas la guerre" illustrent très bien que l’humour est une
composante essentielle de l’action non-violente. Il nous dispense de
mépriser notre adversaire. Si nous faisions davantage l’humour, nous
ferions moins souvent la guerre ! »
* Par exemple, « L’argent-roi s‘est toujours montré généreux, audacieux, courageux, impé-
tueux pour financer la préparation de la guerre et, dans le même temps, il s’est montré parci-
monieux, avaricieux, lésineux, cupideux pour financer la préparation de la paix. »
** À un contradicteur très cérébral qui, depuis cinq minutes lui opposait la nécessité de la
lutte armée contre l’oppression et l’injustice, il pose la question : « Monsieur, vous avez de beaux
discours, mais à titre personnel, dans quel mouvement violent militez-vous ? ».
Dans la chaîne des penseurs et acteurs
passés, présents et futurs
de la non-violence
Jean-Marie Muller savait tout ce qu’il devait à Jésus de Naza-
reth, à Tolstoï, Gandhi, Martin Luther King, Cesar Chavez et Lanza
del Vasto. Il a échangé avec Johan Galtung, Gene Sharp, Christian
Mellon, Jacques Sémelin, Albert Jacquard, Jawdat Saïd, Pierre
Claverie, etc.
Aimant à rappeler que « le nain assis sur l’épaule du géant
voit plus loin que le géant », il disait qu’il y a dans l’histoire de la
non-violence un avant-Gandhi et un après-Gandhi.
Ajoutons que dans l’histoire de la non-violence en France et
en Europe, il y a aussi un après-Muller.
La fécondité déjà visible de son œuvre est celle de tous les
hommes et femmes fidèles à leurs intuitions profondes et à leur
vocation, et qui y consacrent leur vie.
Image : Pendant une action, une militante d’ANV Cop21 lit un extrait du livre de Jean-
Marie Muller Stratégie de l’action non-violente
Le sens de l’histoire
« C’est seulement en expérimentant la non-violence qu’on en découvre
les possibilités et qu’on en perçoit alors les limites. Mais on peut apprendre
à les repousser. »
« Inventons le possible, rien que le possible, mais tout le possible. »
« L’homme ne s’est jamais grandi qu’en luttant pour faire reculer les
limites du possible. »
« Le sens de l’histoire, ce n’est pas celui que l’histoire imposerait aux
hommes, c’est celui que les hommes doivent imposer à l’histoire ».
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Histoire et figures de la non-violence. — 06b. Jean-Marie Muller (1939-2021)

  • 1. Trombinoscope historique de la non-violence 6 bis – Jean-Marie Muller 1939-2021 Étienne Godinot avec la participation d’Alain Refalo - 12.03.2023
  • 2. Poursuivre et amplifier le travail de Jean-Marie Muller Jean-Marie Muller est décédé en décembre 2021. Philosophe de la non-violence, mais également stratège de l’action non- violente, il nous laisse une œuvre immense, reconnue au-delà de nos frontières. Écrivain, conférencier, formateur, militant, il a consacré sa vie à la non-violence, plus exactement à s’efforcer de relever le défi de la non- violence dans un monde dominé par ce qu’il appelait « l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable ». Sa disparition nous invite à poursuivre et à amplifier son travail de discernement des enjeux éthiques et politiques de la non-violence afin de construire une culture de la non-violence qui transforme notre civilisation. La non-violence n’est pas une idée désincarnée, elle est une sagesse pratique, un idéal qui s’incarne dans l’aujourd’hui, au plus près de la réalité des violences qui nous entourent. Avec son Dictionnaire de la non-violence (2005), l'une de ses œuvres majeures, Jean-Marie Muller nous a donnés les clefs du langage de la non-violence. Il nous appartient désormais de lui donner corps pour que la non-violence, au-delà des mots, s'inscrive dans nos existences, dans nos luttes, dans notre aujourd'hui comme dans notre à-venir commun. Alain Refalo
  • 3. Jean-Marie Muller 1939-2021 Sommaire - Sa vie - Les grands axes de sa pensée Sources - Jean-Marie Muller, penseur et acteur de la non-violence, Alain Refalo, Centre de ressources sur la non-violence de Midi- Pyrénées, collection Culture de non-violence, n° 7, sept. 2022 - site Internet http://www.jean-marie-muller.fr/
  • 4. 1 - Sa vie Vesoul, Nancy, Algérie, Pithiviers, Orléans Jean-Marie Muller nait à Vesoul en septembre 1939. Après une classe préparatoire ‘Maths sup’ et une année de philo à l’université de Nancy, il est mobilisé en Algérie comme officier de réserve en août 1962, alors que les accords d'Évian, mettant fin aux hostilités, ont été signés au mois de mars de la même année. Constatant toutes les conséquences de la guerre, il prend conscience que la violence s'avère incapable d'apporter une solution humaine aux conflits humains. Il est libéré de ses obligations militaires en avril 1963. Il est professeur de philosophie dans un établissement secon- daire de Pithiviers (Loiret). Le 10 octobre 1966, âgé de 27 ans, il donne sa toute première conférence publique à Orléans sur le t’hème « La non-violence et l’évangile", à laquelle participent également l’évêque d’Orléans Guy Riobé et le pasteur Miroglio, responsable de l’Église réformée d’Orléans. Il y fait le constat que « le monde est en état de violence » et qu’ « il est menacé par la violence jusque dans son existence même. (…) Face à cela, que devons nous-faire ? Que pouvons-nous faire ? »
  • 5. 1969 : le procès d’Orléans Premier livre En 1967, il demande, en tant qu’officier de réserve, à bénéficier du statut des objecteurs de conscience en manifestant sa volonté d’assurer ses responsabilités civiques dans le cadre d’une défense civile non- violente. Après le refus de la commission juridictionnelle de le lui accor- der, il renvoie son livret militaire au Ministre de la Défense. Il manifeste ainsi sa volonté d'assumer désormais ses responsabilités civiques dans le cadre d'une défense civile non-violente. Le 8 janvier 1969, avec Jean Desbois et Jean-Pierre Perrin, il comparaît devant le Tribunal correctionnel d'Orléans qui le condamne à 3 mois de prison avec sursis, 1000 francs d'amende et 5 ans de privation de ses droits civiques. Il est dégradé de son grade d'officier. La même année paraît son premier ouvrage, L’évangile de la non- violence, qui apporte les premiers éclairages sur la non-violence dans une perspective chrétienne. Il montre les insuffisances et les contradic- tions de la théologie de la guerre juste. Il soutient que la non-violence est une des exigences essentielles du christianisme et montre qu’elle est une voie efficace pour promouvoir la justice, la paix et la liberté. Photo : Tribunal judiciaire d’Orléans
  • 6. Grève de la faim à Orléans et séjour aux États-Unis Professeur de philosophie jusqu'en 1970, Jean-Marie Muller quitte alors l'enseignement pour se consacrer à plein temps à des travaux de recherche sur la non-violence, ainsi qu'à sa mise en oeuvre au niveau de l'information, de la formation et de l'action. En juin 1970, il entreprend à Orléans, avec Jean Desbois, une grève de la faim de deux semaines pour protester contre la vente de seize "Mirage" au gouvernement des généraux brésiliens. Cette action a un grand retentissement dans l'opinion publique et reçoit de soutien de nombreux mouvements et personnalités, dont l’évêque d’Orléans, Guy- Marie Riobé. En 1972, il fait un séjour prolongé aux États-Unis. Il rencontre de nombreux responsables des mouvements non-violents américains alors engagés dans la résistance à la guerre du Vietnam. Il rencontre égale- ment plusieurs dirigeants du mouvement pour les droits civiques, ainsi que Cesar Chavez, le leader de la lutte des travailleurs agricoles de Califormie, les Chicanos. Photos : Cesar Chavez (1927-1993) Guy-Marie Riobé (1911-1978)
  • 7. Été 1973 : l’action non-violente contre les essais nucléaires français dans l’océan Pacifique En juillet-août 1973, le ‘Bataillon de la paix’, composé de Jacques de Bollardière, Brice Lalonde, Jean-Marie Muller, Gilbert Nicolas et Jean Toulat, mène une action de protestation contre les essais nucléaires à Moruroa, dans l’océan Pacifique. Leur bateau, le Fri, voilier de l'organisation Peace Media, est arraison- né par la marine nationale à l'intérieur de la zone interdite. D’autres personnalités soutiennent l’action à Papeete : le sénateur de la Polynésie, Pouvanaa a Oopa et le député de la Polynésie Francis Sanford, les députés Louis Besson, Charles Josselin, Anne-Marie Fritch, Jean-Jacques Servan-Schreiber*, le dominicain Charles Avril, le pasteur Georges Richard- Mollard. * Jean-Jacques Servan-Schreiber (photo) démissionnera l’année suivante, après 9 jours, de son poste de ministre des Réformes de V. Giscard d’Estaing, par opposition à la reprise des essais nucléaires. Le voilier Fri Jean-Marie Muller, Jean Toulat Bollardière à la barre du Fri et Jacques de Bollardière à Papeete
  • 8. Juillet-août 1973 : le ‘bataillon de la paix’ L’équipage du Fri et ses passagers sont transférés d’abord à Hao, puis à Papeete où ils entament une grève de la faim. Le 22 juillet, le général de Bollardière est directement évacué sur Paris au prétexte de raisons de santé. Le 31 juillet, en gage de protestation, il écrit au Président de la République, lui demandant de le faire rayer de l’Ordre de la Légion d’Honneur dont il est Grand Officier. L’archevêque de Cambrai, Émile Guerry et l’évêque de Verdun, Pierre Boillon prennent position contre l’arme et les essais nucléaires. L’évêque d’Orléans, Guy-Marie Riobé (1911-1979), qui soutient aussi les protestataires, est renvoyé "à ses oignons" par l’amiral Marc de Joybert (1912-1989, auteur de La paix nucléaire). La France met fin aux essais nucléaires dans l’atmosphère après juillet 1974. Au total, 46 essais nucléaires aériens ont été réalisés en Polynésie. 3 200 tonnes de déchets radioactifs issus de la recherche militaire en Polynésie française sont jetés à la mer entre 1967 et 1975. Dès 2013, la déclassification obtenue d'une partie des archives montre que les retombées des essais touchent toute la Polynésie. En 2021, une étude menée par l’université de Princeton affirme que les essais ont en réalité touché un territoire grand comme le continent européen et 110 000 habitants.
  • 9. 1974 : la création du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN) La mouvance non-violente en France jusqu’en 1974 était représentée par le ‘Mouvement international de la Réconciliation’ (MIR-IFOR), mouvement chrétien œcuménique fondé en 1919, et par ‘l’Arche’ de Lanza del Vasto, communautés spirituelles d’inspiration gandhienne fondées après 1946. En 1973, sur la base d’un ‘Manifeste pour une alternative non- violente’ dont il a rédigé la première mouture, Jean-Marie Muller avait pris contact avec des personnes et des groupes en vue de constituer le ‘Mouvement pour une alternative non-violente’ (MAN), destiné à se situer clairement dans la sphère politique et dans une visée non- confessionnelle. Le ‘Mouvement pour une Alternative non-violente’ (MAN) est créé en 1974 à Poitiers par des groupes rassemblés à son initiative.
  • 10. Le MAN Depuis bientôt 50 ans, ses principaux axes d’action du MAN sont - le soutien aux luttes non-violentes à travers le monde (contre les dictatures sud-américaines, l’apartheid, le totalitarisme en Europe de l’Est, l’occupation militaire de la Palestine par Israël, l’agression de l’Ukraine, etc.), - les luttes contre l’exclusion, la discrimination, le racisme, le sexisme, - les luttes pour la préservation de l’environnement et la biodiversité (contre le nucléaire civil, les plants OGM en plein champ, etc.) - le combat contre l’arme nucléaire - le promotion de la recherche sur les stratégies civiles de défense (défense civile non-violente) - la promotion des stratégies d’intervention non-violente dans les conflits à travers le monde (intervention civile de paix) - le développement d’une culture de non-violence dans tous les secteurs de la vie sociale (éducation, rapports sociaux, quartiers sensibles, médias, etc.)
  • 11. Le combat du Larzac En octobre 1978, Jean-Marie Muller participe à Paris à une grève de la faim de quatre jours avec Lanza del Vasto*, Jacques de Bollardière, Jean Toulat, Jean Goss et quatre paysan(ne)s du Larzac afin d'interpeller l'opinion et les pouvoirs publics sur le projet d’extension du camp militaire du Larzac. François Mitterrand leur rend visite et les assure de sa solidarité. Le MAN contribue notamment au combat du Larzac par deux actions de désobéissance civile : les renvois de livrets militaires et le refus- redistribution d’une partie de l’impôt sur le revenu. Mitterrand, élu président de la République en 1981, tient sa promesse et abandonne le projet d’extension. Le magistrat Louis Joinet (1934-2019), collaborateur du Premier ministre, contribue au montage juridique et à la création de la ‘Société civile des terres du Larzac.’ * Lanza del Vasto, quant à lui, avait déjà jeûné 15 jours en 1972 au village de La Cavalerie, sur le plateau du Larzac, ce qui a conduit au serment des 103 paysans. Photos : - Jean-Marie Muller et son épouse Hélène Roussier au forum du Larzac en 1977 - Jean-Marie Muller, Lanza del Vasto et Jacques de Bollardière pendant la grève de la faim au Larzac
  • 12. La loi sur l’objection de conscience au service militaire En 1982, Jean-Marie Muller participe au Comité consultatif créé par le Premier ministre en vue d'établir une concertation sur le dossier relatif au vote d'une nouvelle loi sur l'objection de conscience. Parmi les réformes qui seront adoptées, il est désormais possible aux réservistes d'obtenir le statut légal des objecteurs de conscience. En 1983, la loi Joxe assouplit considérablement les conditions d'obtention du statut d'objecteur de conscience. En effet, sous réserve d'envoyer une lettre type mentionnant que « pour des motifs de conscience » l'appelé « se déclare opposé à l'usage personnel des armes et demande donc à être admis au bénéfice des dispositions relatives à l'objection de conscience », l'obtention du statut devient automatique. On peut demander le statut d'objecteur après avoir accompli son service militaire et tant que l'on est mobilisable. L'objection devient dès lors une forme de service civil assez comparable aux autres formes de services non- militaires. Toutefois, la durée du service civil reste double de celle du service militaire. La conscription obligatoire sera abolie par Jacques Chirac en 1997 Images : Le fusil brisé, logo de l’organisation Wars Resisters International (Internationale des Résistants à la Guerre); J.-M. Muller en conférence, dessiné par Cabu
  • 13. 1984 : l’IRNC En 1983, le ministre de la Défense Charles Hernu demande à Jean- Marie Muller de conduire une étude sur la défense civile non-violente. Cette étude, réalisée en collaboration avec Christian Mellon et Jacques Sémelin, sera été publiée en 1985 par la Fondation pour les Études de Défense Nationale sous le titre La dissuasion civile. En 1984, il participe à la création de ‘l'Institut de Recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits’ (IRNC) avec Christian Delorme, François Marchand, Christian Mellon et Jacques Sémelin. Il intervient fin 1985 à Strasbourg au premier colloque de l’IRNC sur ‘Les stratégies civiles de défense’ (photos). Dans les années 1985-1990, J.-M. Muller participe, dans le cadre de l’IRNC, à des réunions de travail avec des représentants du Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN), en 2000-2001 avec le Commandement des Organismes de Formation de l’Armée de Terre (COFAT), mais il n’est plus en état de participer en 2018 et 2019 aux rencontres de l’IRNC avec les officiers supérieurs du cabinet d’analyse stratégique ‘La Vigie’.
  • 14. Les voyages militants de J.-M. Muller à travers le monde Amérique latine et Caraïbes En février 1974, Muller prend part à Medellin (Colombie) à la "Conférence pour la stratégie non-violente de libération en Amérique Latine". Il anime ensuite un séminaire de formation sur l'action non- violente à Riobamba (Équateur), à l'invitation de Léonidas Proano, l'évêque des Indiens. En août 1988, participation, en tant que consultant étranger de la Universidad para la Paz de San Jose (Université de paix des Nations Unies au Costa Rica), à une mission chargée par le gouvernement du Nicaragua de faire connaître aux dirigeants les théories et les pratiques de la défense civile non-violente. En avril 1994, séjour à Washington (USA) où il rencontre le président de la République d'Haïti, Jean-Bertrand Aristide, et plusieurs personnalités politiques haïtiennes en exil pour étudier la possibilité d'une résistance non-violente en Haïti qui vit alors sous le régime militaire du général Cedras. Photo : Leonidas Proano (1910-1988), évêque de Riobamba
  • 15. Caraïbes et Amérique latine Amérique du Nord En octobre 1994, participation à Villa de Leyva, en Colombie, au Séminaire international sur la négociation dans les conflits armés. En décembre 1994, participation à Sao Leopoldo, au Brésil, à la conférence triennale de ‘l'Internationale des Résistants à la Guerre’ (IRG). En octobre-novembre 1998, participation à une mission de paix en Colombie. Avec une délégation française, il rencontre le CINEP et les "communautés de paix" de la région de l'Uraba. En 29 sept.-octobre 2007, nouveau séjour au Brésil. Participation aux manifestations organisées à l'occasion de la 1ère Journée internationale de la non-violence du 2 octobre. En janvier 2001, séjour à Montréal (Québec), conférences sur la non-violence dans le cadre de la préparation de la résistance civile au ‘Sommet des Amériques’ (America Summit) qui doit se tenir au Canada au mois d'avril suivant. Images : - Logo du Centro de Investigación y Educación Popular / Programa por la Paz (CINEP / PPP) - Journée internationale de la non-violence : 2 octobre
  • 16. Amérique latine En décembre 2004, séjour en Colombie, intervention au séminaire international organisé par la municipalité de Bogota sur le thème : « La non-violence et la résistance civile comme instruments pour la réconciliation ». En janvier 2005, participation à Porto Alegre (Brésil) au ‘Forum Social Mondial’ (150 000 participants) où il donne une conférence sur le thème « L'option non-violente dans les luttes sociales et politiques ». En novembre 2005, séjour à Sao Paulo (Brésil) à l'invitation de l'association Palas Athena*. Conférences à l'université UNINOVE et au Centre Culturel de Sao Paulo, animation d'un séminaire de 15 heures. En mai 2006, séjour à Recife (Brésil), animation d'un atelier. conférence au ‘Congrès de la santé et de la culture de paix et de non-violence’. * Centre d'études philosophiques, maison d'édition, élaboration de programmes et de projets socio-éducatifs pour les réseaux de participation citoyenne. Logo ci-contre
  • 17. Afrique noire En mars 1993, séjour au Tchad à l'invitation du mouvement ‘Tchad non-violence’. Nouveau séjour au Tchad en février 1994, animation de deux séminaires de formation. En février-mars 2004, séjour au Cameroun, animation de sessions de formation à la non-violence à Maroua, Mokolo et Yaoundé. En mai 2006, nouveau séjour au Cameroun : conférence publique à Bafoussam, animation d'ateliers à Bafoussam, animation d'une session de formation à la non-violence à Mbalmayo. En décembre 2006, nouveau séjour au Cameroun, animation d'une session de formation à la non-violence à Bafoussam. Images : Logo de l’association ‘Tchad non-violence’ Au Cameroun
  • 18. Russie, Inde, Afrique du Nord En octobre 1973, Jean-Marie Muller participe à Moscou au ‘Congrès mondial des forces de paix’. En 1977, séjour de deux mois en Inde sur les traces de Gandhi. En janvier 1997, séjour au Maroc, rencontre avec Jean-Pierre Schumacher, l'un des deux survivants des moines de Tibhirine. En février-mars 2001, séjour en Inde, visite de l'ashram de Gandhi à Ahmedabad. Image : Jean-Pierre Schumacher (1924-2021)
  • 19. En Europe En mars 1975, séjour en Grèce, rencontres et conférences. En 1987, séjour de deux semaines en Pologne avec François Vaillant, rencontre avec les principaux dirigeants de l’opposition démocratique (mouvement ‘Liberté et Paix’, Komitet Obrony Robot- ników, KOR, etc.) dont Jacek Kuron et Adam Michnik. En 1985, son livre Stratégie de l'action non-violente avait été publié en polonais dans une édition clandestine. En septembre 1998, participation à la triennale de ‘l'Internatio- nale des Résistants à la Guerre’ à Porec (Croatie). En octobre 1990, participation à ‘l'Assemblée Européenne des Citoyens’ (AEC) à Prague (Tchéquie). Participation et intervention à cette même AEC en décembre 1993 à Ankara (Turquie), et en août 1994 à Bratislava (Slovaquie). En octobre 2004, conférence inaugurale au Colloque sur l'action non-violente organisé à Magdebourg (Allemagne). En octobre 2004, intervention au Colloque sur la résistance non- violente à San Sebastian (Espagne). En novembre 2004, participation et intervention au colloque sur l'intervention civile de paix à Figuerès (Espagne).
  • 20. En Europe En décembre 2004, animation d’un séminaire pour les étudiants en science politique de l'Université de Pise (Italie) à l'occasion de la publication en italien de son livre Il principio nonviolenza. En avril 2016, à Rome, ’, à l’invitation de AUNOHR et de sa fondatrice Ogarit Younan, intervention à la conférence internationale sur "La non-violence et la paix juste", organisée par le ‘Conseil pontifical Justice et Paix’ et ‘Pax Christi International*. Suite à cette conférence, J.-M. Muller et O. Younan sont sollicités à contribuer à la préparation du texte du pape François sur « La non- violence, style de vie » prononcé le 1er janvier 2017 pour la journée mondiale de la paix. Photo du bas : à Rome en 2016 avec Ogarit Younan
  • 21. Au Moyen Orient En 1989, première rencontre avec Walid Slaybi et Ogarit Younan du Liban, les deux pionniers de la non-violence dans le monde arabe. Depuis, et pendant plus de 25 ans de sa vie active, Jean-Marie Muller sera introduit dans ce monde arabe, au Liban en particulier, puis en Palestine, Jordanie, Syrie, Irak y compris le Kurdistan. En septembre 1990, la guerre civile au Liban n’étant pas encore terminée, J.-M. Muller est invité par le mouvement ‘ Action sociale culturelle’ – ASC* » devenue plus tard Movement for People's Rights – MPR). Premier séjour de trois semaines, participation à la formation de 61 animateurs, activistes et éducateurs sociaux non-violents, avec la collaboration d'Hervé Ott (France), François Bazier (Belgique), et Michel Mégard (Suisse). En septembre 1993, séjour au Liban de deux semaines, invité par le MPR, pour une formation de jeunes étudiants et activistes. Rencontre du cheikh leader chiite modéré Mohammad Hassan Fadlallah. * fondé par Ogarit Younan et Walid Slaybi ( photos)
  • 22. Au Moyen Orient En août 1997, séjour de deux semaines au Liban, à l’invitation du MPR pour une formation de jeunes, en collaboration avec François Bazier de ‘l'Université de Paix’ (Belgique). En décembre 2005 : séjour en Palestine. Intervention lors de la rencontre internationale sur la résistance palestinienne non-violente organisée à Bethléem. En janvier 2006, puis en octobre-novembre 2006, à Amman (Jordanie), animation de deux sessions de formation à la non-violence, en partenariat avec la Lebane Association for Civil Rights (LACR, ex- MPR), pour des Palestiniens, Irakiens, Syriens et Libanais. En 12 juin-juillet 2008, séjour en Syrie, conférences au Cercle culturel français de Damas et à l'ambassade de France en Syrie, animation d'une session à Marmarita organisée par le groupe Maaber*. En août 2008, nouveau séjour au Liban, à l’invitation de LACR, formation de 80 participant.e.s (Palestine, Syrie, Éypte, Liban, Irak, Kurdistan, Jordanie, Soudan, Tunisie). *dont les fondateurs et autres membres ont participé dès 2004 aux formations à la non- violence au Liban avec l‘association LACR et ensuite avec l'Université AUNOHR. Photos : Université Aunorh en 2009 avec Ziad Medoukh. Aunorh en 2013
  • 23. Au Moyen Orient En août 2009, séjour au Liban : inauguration, avec Adolfo Esquivel, Arun Gandhi, Federico Mayor, Mairead Maguire et autres, de l'Academic University for Non-Violence and Human Rights (AUNOHR). En nov. 2009, en avril 2010, puis en sept.-oct. 2012, participation au ‘Forum national irakien pour la non-violence’ à Erbil (Kurdistan irakien), sessions de formation, rencontres avec des ministres, des parlementaires, des présidents d'universités et des représentants d'ONG. En août 2010, en mai-juin 2011, en juillet 2012, en juillet 2013, en juillet-août 2015, séjours au Liban, formations académiques à l‘université AUNOHR* Notamment : Une demi-journée consacrée à la 1ère présentation de son livre « Désarmer les Dieux » récemment sorti en français, en présence d'un public de six pays arabes y compris des religieux musulmans et chrétiens; Rencontres avec Jawdat Said, le cheikh penseur et activiste non-violent de Syrie, avec le Père Wissam Maalouf, fondateur de ‘Mission de Vie’ au Liban et qui a fait sa thèse de doctorat sur Jean-Marie Muller, et avec Zouhaier Debbie, le cheikh non-violent de Palestine (les trois poursuivaient des cours à AUNOHR); Rencontre avec le Président de la république du Liban ; Formations co-animées avec Antonella Verdiani, ex.directrice du programme Éducation à l'Unesco, qui a proposé et publié le livre de Muller De la non-violence en éducation ; Célébration de la signature de la traduction et publication en arabe du livre de Muller Désarmer les dieux, etc. Photos : avec Jawdat Saïd ; au Forum irakien à Erbil; Logo de l’AUNORH
  • 24. Conférences, formations et colloques en France Pendant de nombreuses décennies, Jean-Marie Muller donne à travers la France des conférences, des formations, et intervient à des rencontres, colloques, festivals, universités d’été, etc. Par exemple, formations sur la non-violence lors des sessions de l’association ‘Intercordia’ destinées à des jeunes partant pour une mission en France ou à l’étranger. Entre 1985 et 1992, il est chargé de cours à ‘l'Institut d'Études Politiques’ de l‘université de Lyon où il donne un enseignement sur la stratégie de l'action non-violente. Il intervient notamment aux colloques organisés à l’IUT de St Denis par l’IRNC, le MAN et ‘Non-violence XXI’. Photos : - En juin 2009 à Colomiers, près de Toulouse, lors du Festival Camino, Jean-Marie Muller est en compagnie de Ziad Medoukh, professeur de français à l'Université de Gaza. La citation écrite est celle-ci : "La violence ne peut que construire des murs et détruire des ponts. La non- violence nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts". - Conférence à Nantes en 2010 - En juin 2015, colloque à l’IUT de St Denis, avec Patrick Viveret
  • 25. Un prix international En septembre 2013, Jean-Marie Muller est le lauréat 2013 du prix international de la fondation indienne Jamnalal Bajaj* pour la promotion des valeurs gandhiennes en dehors de l’Inde. La brochure qui présente le lauréat précise : « Deux actions conduites par Jean-Marie Muller et le MAN posent des questions qui ont actuellement un intérêt majeur pour le monde : - Le désarmement nucléaire et, plus particuliè- rement, une campagne pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France ; - La lutte pour la paix et la justice au Moyen-Orient et plus particu-lièrement en Palestine. » La distinction lui est remise à Bombay le 14 novembre par le président de la République indienne : « Jean-Marie Muller affirme sa conviction que l’humanité ne sera pas capable de relever les défis auxquelles elle est confrontée dans le monde d’aujourd’hui si elle ne rejoint pas les intuitions de Gandhi. » Dans sa réponse, J.-M. Muller déclare : « Le génie de Gandhi est d’avoir réconcilié (…) les exigences de la vie spirituelle et les contraintes de l’action politique. (…) Gandhi nous invite à revisiter les héritages de nos traditions historiques - aussi bien philosophi-ques, religieuses que politiques -, et à prendre conscience de toutes les complicités que nos cultures ont entretenues avec l'empire de la violence. * Dossier présenté par l’association française ‘Gandhi International’, à l’initiative de Louis Campana, et par l’IRNC.
  • 26. Derniers combats et écrits Affaibli par la maladie, J.-M. Muller à la fin de sa vie continue dans sa maison de Chanteau, près d’Orléans, d’écrire des ouvrages et articles, notamment pour le désarmement nucléaire et la promotion d’une culture de non-violence. Un article de lui en mars 2018 appelle à une déclaration de la Conférence épiscopale française contre l’arme nucléaire : « Ces mêmes évêques qui se taisent aujourd’hui peuvent oser prendre la parole demain. L’espérance est fragile, mais encore possible. » Dans son dernier texte en janvier 2020, il écrit : « Le non de "non-violence" est un non de résistance, un non de résistance aux violences meurtrières qui s'exercent contre les hommes, mais aussi et d'abord un non de résistance aux justifications de la violence. (…) Le défi est donc que les différentes cultures s'investissent pour reconnaître le statut philosophique de la non-violence et découvrent les éléments de la stratégie qu'elle implique. L'histoire elle-même pourra alors devenir non-violente. » Il décède le 18 décembre 2021. Ses obsèques sont célébrées en l’église de Fleury-les-Aubrais. De nombreux amis du monde de la non-violence sont présents. Plusieurs d’entre eux rendent hommage à l’infatigable militant et écrivain qui nous a donnés des repères essen- tiels sur la non-violence et la stratégie de l’action non-violente. Photos : - Devant la maison à Chanteau en 2019. - En 2020
  • 27. 2 - Les grands axes de la pensée de Jean-Marie Muller Ses ouvrages J.-M. Muller est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages (livres ou brochures). Plusieurs d’entre eux ont été traduits et publiés à l’étranger. On peut les classer en 5 catégories : 1. La philosophie de la non-violence Simone Weil, l'exigence de non-violence (1991), Lexique de la non-violence (1988), Gandhi - La sagesse de la non-violence (1994), Le principe de non-violence - Parcours philosophique (1995), Comprendre la non-violence (avec Jacques Sémelin, 1995), Paroles de non-violence (1996), Vers une culture de non-violence (avec Alain Refalo, 1999), Paroles de bonté (1999), Le courage de la non-violence - Nouveau parcours philosophique (2001), Délégitimer la violence (2004), Penser avec Albert Camus - Le meurtre est la question (2013), Dictionnaire de la non-violence (2005), Entrer dans l'âge de la non-violence (2011), La violence juste n'existe pas - Oser la non-violence (2017). 2. La spiritualité, les religions L'évangile de la non-violence (1969), Guy Riobé et Jacques Gaillot- Portraits croisés (1995), Les moines de Tibhirine, "témoins" de la non-violence (1999), Charles de Foucauld, frère universel ou moine-soldat ? (2002), Désarmer les dieux, le christianisme et l'islam face à la non-violence (2010), Le christianisme face au défi des armes nucléaires (2011). La violence juste n’existe pas. Oser la non-violence (2017).
  • 28. Ses ouvrages 3. La stratégie de l'action non-violente Stratégie de l'action non-violente (1971), César Chavez, un combat non-violent (avec Jean Kalman, 1977), Gandhi, la sagesse de la non-violence (1994), Gandhi l'insurgé - L'épopée de la marche du sel (1997), Désobéir à Vichy - La résistance civile des fonctionnaires de police (1994), Choisir la non-violence pour rendre un autre monde possible (2006), La non-violence en action (2007), Principes et méthodes de l'intervention civile (1997), L'impératif de désobéissance - Fondements philosophiques et stratégiques de la désobéissance civile (2011). 4. L’arme nucléaire et les questions de défense La bombe en question (1973), L'héritage - Quelle défense pour quel socialisme ? (1977), Vous avez dit "Pacifisme" ? - De la menace nucléaire à la défense civile non- violente (1984), La dissuasion civile (avec Christian Mellon et Jacques Sémelin,1985), Et si nous décidions de ne plus faire de complexe militaro-industriel ? (1988), La nouvelle donne de la paix (1992), Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l'arme nucléaire ? (2010), Libérer la France des armes nucléaires (2014). 5. Sur des sujets divers De la non-violence en éducation (2002), Supplique à un prix Nobel en guerre (2010), Nelson Mandela - Le choix de la lutte armée (2015).
  • 29. Penser la non-violence Pour élaborer une pensée rationnelle de la non-violence, J.-M. Muller a la conviction qu'il est primordial de pratiquer la non-violence. « Et si le philosophe n'a pas l'expérience corporelle de l'action non-violente, comment pourrait-il élaborer une pensée rationnelle de la non-violence ? » « La non-violence n'est pas une idée, elle est une pensée. Elle est une pensée qui pense la violence ou, plus précisément (étymologique- ment, "penser", du latin pensare, signifie peser, évaluer, apprécier), qui pèse la violence et en mesure tout le poids qui accable l'existence de l'homme. Et cette pensée découvre que la violence n'est pas une fatalité, qu'elle n'est qu'une possibilité de l'homme et que la bonté est une autre possibilité. » « L'option pour la non-violence n'est pas fondée sur le rêve d'une société libérée de toute emprise de la violence, mais sur la prise de conscience d'une société encore largement dominée par la loi de la violence. C'est moins par idéalisme que par réalisme que l'homme choisit la non-violence. »
  • 30. Une exigence spirituelle et une attitude « La philosophie de la non-violence permet d'approcher dans un même mouvement la pensée vraie et l'action juste. » « En réalité, tout à l'inverse d'une vérité dogmatique se présentant comme un système d'idées abstraites fermé sur lui-même et qui prétendrait détenir l'explication du monde, la non-violence est essentielle- ment une exigence spirituelle, une requête de l'esprit. » « La vérité de la non-violence n'est jamais donnée sous une forme achevée et figée ». Elle est un processus, une dynamique, un chemin où, continuellement, elle est mise à l'épreuve dans la relation à l'autre. « Avant d'être une action, la non-violence est d'abord et essentielle- ment une attitude, une attitude autre que la lâcheté et la violence, une autre attitude envers les autres hommes qui engendre une autre attitude à l'égard de la mort et du meurtre. Elle est l'attitude éthique et spirituelle de l'homme debout qui reconnaît la violence comme la négation de l'humanité et qui décide de refuser de se soumettre à sa domination. »
  • 31. Philosophie et stratégie « Lorsqu'on parle de "non-violence", il importe d'introduire et de maintenir une distinction fondamentale entre l'exigence philosophique de non-violence et la stratégie de l'action non-violente. L'une et l'autre se situent sur des registres différents qu'il importe de distinguer, non pas pour les séparer, mais pour ne pas les confondre. En tant que principe philosophique, la non-violence est une "requête de sens", en tant que méthode d'action, elle est une recherche d'efficacité. » Bien souvent, ceux qui dénient à la non-violence toute efficacité n'ont pas une réelle connaissance de l'histoire de la non-violence, de ses potentialités et de ses résultats. S'il ne s'agit pas d'idéaliser l'effica- cité de la non-violence, il convient de ne pas la minimiser. Mais pour Jean-Marie Muller, la pertinence de la non-violence ne doit pas être jugée à l'aune de son efficacité. « Parce que la violence finit toujours par trahir et pervertir la fin qu’elle prétend servir, il est donc essentiel de rechercher des équiva- lents fonctionnels à la violence qui soient en cohérence avec la fin poursuivie. Seule la non-violence offre cette cohérence tout en visant à l’efficacité. »
  • 32. Dissimuler les malentendus … Avec une pensée rigoureuse, Jean-Marie Muller est précis sur le choix des mots dont il aime à rappeler l’étymologie. Il affirme, après Gandhi, qu’on peut être révolutionnaire sans être révolté, radical sans être exacerbé, intransigeant sans être sectaire, déterminé sans être violent. Il a le souci de clarifier les concepts de distinguer la force et la violence. « La force et la contrainte obligent l'adversaire à céder et à négocier. Elles ne doivent pas être confondues avec la violence qui le détruit ou le meurtrit ». Pour déraciner la violence, affirme-t-il, il faut réhabiliter le conflit, qui permet la parole, le dialogue, la confrontation. « Ce qui menace la paix, ce ne sont pas les conflits, mais l'idéologie qui fait croire aux hommes que la violence est le seul moyen de résoudre les conflits. » Il distingue la non-violence du pacifisme et de l’antimilitarisme*. La non-violence, explique-t-il, est une lutte contre l'injustice dans une visée de réconciliation et de justice, non de vengeance ou d'écrasement. Cela suppose un accord profond entre la fin poursuivie et les moyens utilisés et le refus de toute parole et de tout acte qui enfermerait l'adver- saire dans sa propre violence. * Son article dans le 1er numéro de ma revue Alternatives non-violentes fin 1973 s’intitule « L’antimilitarisme, maladie infantile de la non-violence »
  • 33. …. et clarifier les concepts « La violence peut être utilisée au service de causes justes, mais elle n'en devient pas juste pour autant. Même légalisée par l'État ou légitimée par les autorités morales, la violence meurtrit l'humanité de l'homme, à la fois de celui qui la subit et de celui qui l'exerce. En tant que méthode d'action, la violence exige, plutôt qu’une condamnation, une alternative efficace dans l'action politique. » « Une philosophie de la non-violence doit penser ensemble la lutte et le refus de la violence : la lutte, parce qu’elle est la condition même de la vie, et le refus de la violence, parce qu’elle porte atteinte à la vie. » Une affirmation essentielle qui lui est chère est que la lutte est compatible avec l’amour, en l’occurrence le respect de l’adversaire : « La non-violence réconcilie la lutte et l’amour. Elle est le chaînon manquant entre la violence et l’amour. »
  • 34. Une stratégie d’action Le principe essentiel de la stratégie de l'action non-violente, explique Muller, est le principe de non-coopération* : la force des injusti- ces dans une société vient de ce qu'elles bénéficient de la coopération de la majorité des membres de cette société : soumission, acceptation, silence, complicité, indifférence, résignation. La non-violence vient rompre cette coopération La stratégie du combat non-violent met en oeuvre des moyens - de persuasion : démarches, demandes, lettres ouvertes, appel à l'opinion publique, pétitions, campagnes de lettres, heures de silence, etc., - de pression : marches, jeûnes, manifestations, renvoi de décorations, enchaînements, intrusions, occupations, sit-in, die-in, ville morte, etc., - et de contrainte : grèves, grèves de la faim, boycott, désobéissance civile. Elle comprend donc des étapes**, des répertoires variés d’action, des moyens adaptés à l’objectif à atteindre, parfois des objectifs intermé- diaires. * déjà exprimé par Étienne de la Boétie et développé par Henry-David Thoreau ** Prise de la décision d’agir; analyse de la situation; choix de l’objectif; choix de l’organisation; premières négociations; appel à l’opinion publique; envoi d’un ultimatum; actions directes de non- coopération et d’intervention; programme constructif; résistance à la répression; négociations finales.
  • 35. La nécessité de la contrainte « Il n'existe aucun déterminisme, fondé sur la " force de la vérité ", qui obligerait quiconque à se rendre aux raisons de celui qui défend une cause juste. Mais surtout, au niveau des conflits sociaux et politiques, les adversaires ne sont pas des personnes, ni même des groupes de personnes, mais des groupes d'intérêts soudés par des idéologies opposées. De tels groupes ne se lais- sent pas convaincre. Lorsqu'il s'agit de lutter contre les injustices structurelles du désordre établi, c'est la contrainte exercée par l'action collective qui est déterminante dans le succès d'une stratégie non-violente. » « Quand j’ai demandé à Cesar Chavez si la lutte des Chicanos changeait le cœur des propriétaires, il m’a répondu : "Oui, nous changeons le cœur des propriétaires, car leur cœur, c’est leur porte-monnaie, et notre lutte a un effet sur leur porte monnaie !" » Images : La marche du sel (1930) Le boycott des bus de Montgomery (1955) Le boycott des raisins en Californie demandé aux consommateurs par l’United Farm Workers
  • 36. * Le devoir de désobéissance civile « L'histoire nous apprend que la démocratie est beaucoup plus souvent menacée par l'obéissance aveugle des citoyens que par leur désobéissance. Si l'obéissance des citoyens fait la force des régimes totalitaires, leur désobéissance peut devenir le fondement de la résistance à ces mêmes régimes. » « Pour autant que la loi remplit sa fonction au service de la justice, elle mérite notre obéissance. Mais lorsqu'elle couvre, cautionne ou engendre elle- même des injustices, elle mérite notre désobéissance. Car l'obéissance à la loi ne dégage pas le citoyen de sa responsabilité : celui qui se soumet à une loi injuste porte une part de la responsabilité de cette injustice. Ce qui fait l'injustice, ce n'est pas tant la loi injuste que l'obéissance à la loi injuste. » « La désobéissance civile renforce la démocratie en impliquant chaque citoyen dans l’élaboration des lois. » * La désobéissance à la loi, explique Muller, peut prendre deux formes de nature totalement différente : 1) une désobéissance individualiste qui ne se soucie pas de l'évolution de la loi et qui tend à favoriser le repli sur soi; 2) une désobéissance citoyenne qui vise non seulement à la cohérence éthique personnelle, mais aussi à interpeller l'opinion publique et à faire avancer le débat législatif. La couverture du livre L’impératif de désobéissance (2011) choisie par l’éditeur évoque hélas la première forme….
  • 37. Action, négociation, pardon « Peut-être faudra-t-il accepter un certain compromis qui permette à l'adversaire de " sauver la face ". Mais il ne faut rien céder sur l'essentiel sous prétexte de parvenir à un pareil compromis. Celui-ci ne saurait renvoyer dos à dos les victimes de l'injustice et ceux qui en sont responsables. » Au final, l’ambition des militants de la non-violence est de se retrouver avec leurs adversaires autour de la table de négociations. Ce dernier moment, incertain, transforme des adversaires en partenaires dans la construction d’un avenir commun. « À ce stade, le pardon peut souvent être nécessaire, non pas pour oublier le passé, mais pour avoir de nouveau un avenir. Cependant, le pardon ne libère que si l'autre accepte d'être pardonné ou s'il le demande. Sans pardon, la haine et la vengeance peuvent resurgir intactes. Pour que viennent les conditions du pardon, il faut d'abord (r)établir la justice et, pour cela, les coupables doivent être jugés. »
  • 38. Désarmer et dédogmatiser les religions Une préoccupation constante de Muller est de "dédogmatiser" et de désarmer les religions pour les orienter vers une voie spirituelle, celle de la règle d’or, "Ne fais pas à autrui le mal que tu ne voudrais pas qu’il te fasse, fais lui le bien que tu voudrais qu’il te fasse", celle du combat non-violent pour la dignité, la justice, la paix et le bien commun. L’écriture de Désarmer les dieux, ouvrage paru en janvier 2010, a été pour lui « une aventure intellectuelle est spirituelle », et ce livre, disait-il à ses amis, est « le fruit de six années de labeur ». Le cœur de l’ouvrage est la conviction que la non-violence est « comme le porche qui ouvre à l’homme le chemin de la bonté ». Celle-ci – qu’on appelle encore la bienveillance, la douceur, la charité, l’amour, la tendresse, le pardon, lui semble « la plus haute expression de la trans- cendance ». « C’est la bonté qui permet de s’approcher du mystère de Dieu.» « En tout homme, la lumière de l’attention, l’intelligence du cœur, l’exigence de la conscience et la connaissance de la raison orientent le choix de la liberté et la décision de sa volonté en le conduisant sur la voie de la sagesse et de la vérité ».
  • 39. L’exigence spirituelle de la bonté Muller dénonce avec force certaines spiritualités évanescentes qui veulent atteindre la plénitude de la « paix intérieure » avant de se décider à agir pour la justice et la paix dans le monde. « Ce qui divise les hommes, ce n’est ni le conflit, ni la lutte, mais l’injustice, l’indifférence, la résignation et la lâcheté. (…) La spiritualité ne prend sa véritable signification que dans l’action pour la justice ». En définitive, « c’est la bonté de l’homme envers l’autre homme qui révèle la transcendance de l’être humain et qui ouvre l’existence à la Transcen- dance que, dans leur langage incertain, les religions nomment Dieu ». « Cette révolution de la théologie bouleverse l’anthropologie : l’humanité de l’homme s’accomplit non pas dans l’éclat de la puissance, mais dans la douceur de la bonté. Ce qui inaugure l’humanité de l’homme, ce n’est pas l’acte de foi en Dieu, mais l’acte de bonté envers l’autre homme. (…) La Bonté est l’Ordre du monde. »
  • 40. L’héritage de Gandhi « Gandhi s'est toujours présenté comme un "chercheur de vérité". C'est en cherchant la vérité qu'il s'est convaincu que seul le chemin de la non-violence pouvait conduire à sa découverte. Il en vint à affirmer que la non-violence est l'expression de la vérité de l'homme. Selon lui, c'est en réalisant dans son existence l'exigence de non- violence que l'homme accomplit son humanité en tant qu'être raisonnable, en tant qu'être spirituel. Ainsi, la non-violence est une requête de l'esprit qui ouvre à la transcendance et à l'universel. » « Gandhi ne nous offre pas des réponses à répéter, mais il nous invite à poser les questions essentielles dont l'enjeu concerne le sens même de notre existence et de notre histoire. Comme lui-même a tenté de le faire en son temps, il nous appartient d'inventer ici et maintenant les meilleures réponses possibles. » « Nos sociétés, le monde, l’humanité sont malades de la violence. Mais Gandhi nous l’a montré : la violence n’est pas une fatalité. Aux jours de lassitude, la violence peut apparaître comme une fatalité. En réalité, c’est une fatalité tout entière construite de mains d’homme. Cela signifie que tous ensemble, avec nos mains nues, avec nos mains désarmées, nous pouvons la déconstruire. »
  • 41. Le combat de Jean-Marie Muller contre l’arme nucléaire Un des combats qui tenait le plus à cœur J.-M. Muller et qui l’a mobilisé pendant plus de 50 ans, dans l'action et par l'écriture, est le combat contre la bombe atomique. La question de l'arme nucléaire, disait- il, touche au sens de nos existences et au sens de notre histoire. Rien à ses yeux n’est plus immoral que la préméditation de ce crime absolu préparé en toute bonne conscience dans l'ignorance de ses conséquences, à savoir le meurtre de milliers d'innocents. « Par sa structure même, la dissuasion nucléaire implique la démission des citoyen(ne)s qui abandonnent leur destin à la seule décision du Président de la République. » « Le plus grave, et donc le plus inquiétant, c’est le triomphe de la mentalité nucléaire qui inhibe la conscience des citoyens. Ceux-ci ont perdu toute faculté d’indignation devant le fait que l’ingéniosité de l’homme se pervertit dans la fabrication d’armes de destruction massive. » « L’existence même de l’arme nucléaire est le renoncement à la civilisation, elle consacre l’échec de toutes les morales, de toutes les philo- sophies, de toutes les spiritualités, de toutes les sagesses, de toutes les religions. La dissuasion nucléaire est la défaite de la raison, la défaite de la pensée, la défaite de l’intelligence. »
  • 42. Libérer la France et le monde des armes nucléaires « La dissuasion nucléaire française n’est ni moralement, ni politiquement, ni stratégiquement, ni économiquement acceptable. L’arme nucléaire n’est pas une arme légitime de défense, mais une arme criminelle de terreur, de destruction, de dévastation et d’anéan- tissement. Pour la société française, elle n’est pas une protection, mais une menace. » « La raison décisive qui justifie la bombe, c’est la raison d’État. Mais en démocratie, les exigences de la simple raison doivent prévaloir contre les prétentions de la raison d’État. » « En réalité, la croyance dans l’arme nucléaire se fonde irration- nellement dans la confiance qui nous a été inculquée par la civilisation moderne dans la Technique et dans l’État. Pour renoncer à la bombe, il faudrait que l’homme d’aujourd’hui ait le courage d’oser se libérer de cette double emprise qui le rend inconscient et irresponsable. » * Photo du haut : Pendant le jeûne du 6 au 9 août 2012, au ‘Mur de la Paix’ à Paris. Jean- Marie Muller, partisan du désarmement nucléaire unilatéral de la France, échange avec Dominique Lalanne, président du réseau ‘Abolition des armes nucléaires’, qui prône un désarmement multilatéral. Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) voté à l’ONU en 2017 les mettra d’accord, car il propose aux États une démarche à la fois unilatérale et multilatérale.
  • 43. Promouvoir une défense civile non-violente (DCNV) « L’objectif ultime de tout pouvoir illégitime qui veut prendre le con- trôle d’une société est d’obtenir, par la conjugaison de moyens de persua- sion, de pression, de contrainte et de répression, la collaboration et la complicité objective des citoyens, du moins du plus grand nombre d’entre eux. Dès lors, l’axe central d’une stratégie de défense civile est l’organisa- tion du refus généralisé, mais sélectif et ciblé, de cette collaboration. » La DCNV vise à défendre la démocratie. C'est « une politique de défense contre toute tentative de déstabilisation, de contrôle ou d'occupa- tion de notre société, conjuguant, de manière préparée et organisée, des actions non-violentes collectives de non-coopération et de confrontation avec l'adversaire, en sorte que celui -ci soit mis dans l'incapacité d'atteindre les objectifs de son agression : l'influence idéologique, la domination politique, l'exploitation économique. » En d'autres termes, il s'agit de rendre la société insaisissable ou indigérable par un agresseur, inexploitable économiquement, incontrôlable politiquement, insoumettable idéologiquement, et de dissuader l'agresseur de s'attaquer à cette société, car les coûts qu'il risquerait de subir seraient supérieurs aux gains qu'il pourrait espérer : c'est la dissuasion civile. Image du bas : L’ouvrage de Christian Mellon, Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin La dissuasion civile (1985) traduit en serbe
  • 44. * Développer l’intervention civile de paix Entre les insuffisances de l'action humanitaire, et l'impossibi- lité, l'absence de pertinence ou de cohérence et les insuffisances des interventions militaires, il y a place pour l'ingérence politique par une stratégie d'intervention civile. « L'intervention civile est l'intervention non armée de forces extérieures, mandatées par une organisation intergouvernementale, gouvernementale ou non gouvernementale, qui s'engagent dans un conflit local ou régional afin d'accomplir, sur les lieux- mêmes de l'affrontement, des missions d'observation, d'information, d'interpo- sition ou de médiation et de coopération, en vue de prévenir ou de faire cesser la violence, de veiller au respect des droits de l'homme, de promouvoir les valeurs de la démocratie et de la citoyenneté, et de créer les conditions d'une solution politique du conflit qui reconnaisse et garantisse les droits fondamentaux de chacune des parties en présence, et leur permette de définir les règles d'une coexistence pacifique. » Il s'agit, dans un premier temps, se séparer les ennemis qui se battent, et, dans un deuxième temps, de les réunir pour qu'ils se parlent, puisque seuls les acteurs du conflit sont en mesure de lui apporter une solution durable. * La couverture du livre de Jean-Marie Muller Principes et méthodes de l’intervention civile (1997) choisie par l’éditeur n’évoque pas l’intervention civile, mais la résistance civile…
  • 45. Israël-Palestine Jean-Marie Muller, toute sa vie durant, fait le triste constat de l’échec dramatique de la résistance armée des Palestiniens à l’occupa- tion militaire et au grignotage de leur pays par Israël. Sa conviction, partagée peu à peu par d’autres qui étaient initiale- ment d’un avis différent*, est que seule une stratégie clairement non- violente, mais offensive, pourra libérer les Palestiens de l’oppression militaire et du régime d’apartheid imposé par la droite et l’extrême-droite religieuse israéliennes en suscitant le soutien des démocrates israéliens et de la société internationale. « Le mur de Berlin est tombé sous la pression de la résistance non-violente des femmes et des hommes des sociétés civiles de l’Est, qui avaient pris les plus grands risques pour conquérir leur dignité et leur liberté. » « Pour faire tomber le mur de Jérusalem, le réalisme devrait conduire les Palestiniens à faire le choix de la stratégie non- violente. » * comme Bernard Ravenel, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) Images : Le grignotage des territoires palestiniens par Isräel. L’arrachage des oliviers des Palestiniens par les colons israéliens. Les jets de pierre des jeunes Palestiniens. Le livre de Bernard Ravenel
  • 46. Une culture de non-violence « Par nature, écrit J.-M. Muller, l’homme n’est ni violent, ni non- violent, mais il est capable à la fois d’être violent et d’être non-violent.(…) La question est de savoir quelle part de lui-même il décide de cultiver, aussi bien individuellement que collectivement. » « Le premier acte de la culture de la non-violence, c’est de déshonorer et de délégitimer la violence, de déconstruire l’idéologie qui justifie la violence comme un droit de l’homme et l’honore comme la vertu de l’homme fort. Cultiver la terre, ce n’est pas seulement semer de bonnes plantes, c’est aussi arracher les mauvaises herbes. » Une culture de la non-violence est le développement des savoirs, des mœurs, des manières de vivre, des institutions sociales, des échelles conscientes et inconscientes de valeurs, bref de l’ethos collectif tout entier dans sa profondeur, en vue de favoriser le recul de la violence individuelle et sociale et d’inscrire dans les pratiques vécues d’un peuple les pratiques non-violentes des conflits ». « Pour se développer et avoir réellement prise sur l’évènement, la non-violence a besoin d’un milieu humain qui crée une atmosphère intellectuelle et spirituelle favorable à sa culture. Il est de la responsa- bilité de chacun d’y contribuer. »
  • 47. Abattre les murs, bâtir des ponts « La violence ne peut que détruire des ponts et construire des murs. La non-violence nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts. Malheureusement, il est plus difficile de construire des ponts que des murs. L’architecture des murs ne demande aucune imagination : il suffit de suivre la loi de la pesanteur. L’architecture des ponts exige infiniment plus d’intelligence : il faut vaincre la force de la pesanteur. » Images : Le mur de séparation entre Israël et la Palestine en Cisjordanie. Le pont de Shaharah au Yémen « Les murs les plus visibles qui séparent les hommes sont les murs de béton qui martyrisent la géographie et divisent la terre qu’il faudrait partager. (…) Mais il existe aussi des murs dans le cœur et dans l’esprit des hommes. Ce sont les murs des idéologies, des préjugés, des mépris, des stigmatisations, des rancœurs, des ressen- timents, des peurs. La conséquence la plus dramatique de la violence, c’est qu’elle construit des murs de haine. Seuls ceux qui, dans quelque camp qu’ils se trouvent, auront la lucidité, l’intelligence et le courage de déconstruire ces murs et de construire des ponts qui permettent aux hommes, aux communautés et aux peuples de se rencontrer, de se reconnaître, de se parler et de commencer à se comprendre, seuls ceux-là sauvegardent l’espérance qui donne sens à l’à-venir de l’humanité. »
  • 48. Avec humour Jean-Marie Muller était un orateur apprécié* et un débatteur redoutable.** En privé ou dans ses conférences publiques, ayant conscience que ses relations avec ses compagnons de lutte n’étaient pas toujours sereines et qu’ « il ne faut pas poéter plus haut que son luth ! », il aimait à manier l’humour : « Face à la réalité des menaces, le pacifisme est un vœu pieux. Certes, il vaut mieux formuler des vœux pieux que des vœux impies, mais cela ne change rien à la réalité ! » « Il faut corriger ce que Gandhi a pu dire par ce qu’il a fait, et se méfier du gandhiraton… » « Les affiches "Debré ou de force, nous garderons le Larzac !" , "Faites labour, pas la guerre" illustrent très bien que l’humour est une composante essentielle de l’action non-violente. Il nous dispense de mépriser notre adversaire. Si nous faisions davantage l’humour, nous ferions moins souvent la guerre ! » * Par exemple, « L’argent-roi s‘est toujours montré généreux, audacieux, courageux, impé- tueux pour financer la préparation de la guerre et, dans le même temps, il s’est montré parci- monieux, avaricieux, lésineux, cupideux pour financer la préparation de la paix. » ** À un contradicteur très cérébral qui, depuis cinq minutes lui opposait la nécessité de la lutte armée contre l’oppression et l’injustice, il pose la question : « Monsieur, vous avez de beaux discours, mais à titre personnel, dans quel mouvement violent militez-vous ? ».
  • 49. Dans la chaîne des penseurs et acteurs passés, présents et futurs de la non-violence Jean-Marie Muller savait tout ce qu’il devait à Jésus de Naza- reth, à Tolstoï, Gandhi, Martin Luther King, Cesar Chavez et Lanza del Vasto. Il a échangé avec Johan Galtung, Gene Sharp, Christian Mellon, Jacques Sémelin, Albert Jacquard, Jawdat Saïd, Pierre Claverie, etc. Aimant à rappeler que « le nain assis sur l’épaule du géant voit plus loin que le géant », il disait qu’il y a dans l’histoire de la non-violence un avant-Gandhi et un après-Gandhi. Ajoutons que dans l’histoire de la non-violence en France et en Europe, il y a aussi un après-Muller. La fécondité déjà visible de son œuvre est celle de tous les hommes et femmes fidèles à leurs intuitions profondes et à leur vocation, et qui y consacrent leur vie. Image : Pendant une action, une militante d’ANV Cop21 lit un extrait du livre de Jean- Marie Muller Stratégie de l’action non-violente
  • 50. Le sens de l’histoire « C’est seulement en expérimentant la non-violence qu’on en découvre les possibilités et qu’on en perçoit alors les limites. Mais on peut apprendre à les repousser. » « Inventons le possible, rien que le possible, mais tout le possible. » « L’homme ne s’est jamais grandi qu’en luttant pour faire reculer les limites du possible. » « Le sens de l’histoire, ce n’est pas celui que l’histoire imposerait aux hommes, c’est celui que les hommes doivent imposer à l’histoire ». ■