L’Europe en dates et en figures. — 04. Quelle Europe voulons-nous ?
1. L’Europe
en dates et en figures
4 - Quelle Europe voulons-nous ?
Étienne Godinot .23.05.2022
2. Les défis de l’Europe
L’Europe, et particulièrement l’Union européenne, si
nous le voulons, permet d’affronter collectivement des défis
face auxquels ses États-membres sont impuissants dans le
cadre national :
- Environnement et lutte contre le réchauffement
climatique,
- Migrations,
- Instauration d’un nouvel ordre économique mondial, lutte
contre la financiarisation de l’économie et pour le contrôle
des entreprises multinationales,
- Sécurité, lutte contre le terrorisme,
- Désarmement, promotion d’alternatives non-violentes
de défense et d’intervention extérieure.
3. 2020 - Initiative d’organisations de pays européens pour le
désarmement nucléaire et les alternatives non-violentes
Le 10 mars 2020, une trentaine d’organisations de divers pays européens (UE et
hors UE) demandent à David Sassoli, président du Parlement européen et aux
eurodéputés :
1 - une action en vue de la signature par le maximum d'États européens du ‘Traité
sur l’interdiction des armes nucléaires’ (TIAN) voté par 122 pays à l’ONU en juillet 2017, et
un rôle moteur de l’UE dans les processus internationaux de désarmement ;
2 - l’affectation de 10 % du futur budget européen de la défense à la formation et à
l’envoi par l'UE de missions d'intervention civile de paix dans le cadre de sa politique de
sécurité et de paix ; ../..
4. 2020 - Initiative d’organisations de pays européens
pour le désarmement nucléaire et les alternatives non-violentes
3 - sur le long terme, une action de l’UE en vue de l'information des députés,
des gouvernants et des citoyens européens sur les stratégies non-violentes de
défense face à un agresseur externe ou à un pouvoir illégitime et face à des
dangers non militaires.
5. 2020 - L’objectif de neutralité carbone
« Cela nous met sur le chemin de la neutralité
carbone pour 2050 », se félicite la Présidente de la
Commission Ursula von der Leyen.
L'accord a été bloqué de longues heures par la
Pologne, soucieuse d'obtenir des garanties sur les aides
financières qu'elle obtiendrait en échange du verdissement
de son économie.
Photo : Ursula von der Leyen (Allemagne) et Charles Michel (Belgique),
président du Conseil européen depuis décembre. 2019
À la veille du 5ème anniversaire des
accords de Paris, les 27 pays de l'Union
européenne annoncent le 11 décembre 2020 un
accord pour réduire d'au moins 55% leurs
émissions de CO2 d'ici 2030, par rapport au
niveau de 1990, contre un objectif précédent de
40%.
6. 2021 - Gaspard Koenig : "L’avenir de l’Europe,
c’est la paix dans le monde"
Gaspard Koenig, né en 1982, est un philosophe, essayiste et
romancier français. Auteur de nombreux essais et romans, il est prési-
dent du think tank ‘Génération libre’ qu’il a lancé en 2013. Il défend le
libéralisme classique.
Dans sa chronique au quotidien Les Échos du 12 mai 2021,
intitulée ‘L’Europe naïve ? Et si c’était justement notre force…’, il écrit :
« Félicitons-nous que, pour régler leurs désaccords, nos chefs
d’État passent des nuits blanches à négocier dans les tristes couloirs du
Conseil Européen. (…) Cette ère de Pax europaea explique l’attitude de
l’Europe en politique étrangère. Là encore, la naïveté qu’on lui reproche
me semble plutôt un signe de maturité. Nous ne gagnerons rien à
transformer l’Europe en une entité étatique comme les autres, solitaire,
méchante et brutale dans le grand jeu de la realpolitik internationale.
Permettons-lui d’incarner, au milieu des ricanements virilistes, la
règle de droit et le multilatéralisme. Applaudissons le calme que
conservent ses représentants devant les diatribes des autocrates. La
conférence sur l’avenir de l’Europe qui vient d’être lancée pourrait être
l’occasion d’établir cette ligne de manière plus affirmée et stratégique.
Restons un tantinet idéalistes : l’avenir de l’Europe, c’est la paix dans le
monde. »
7. 2021 - Céline Spector :
Une Europe de la solidarité
Céline Spector est professeure de philosophie politique à ‘Sorbonne
Université’ et spécialiste de la philosophie des Lumières. Avec sa connais-
sance pointue des institutions et mécanismes politiques européens, dans
leur forces et leurs faiblesses, elle soutient la proposition d’une "république
fédérative européenne".
Dans son ouvrage No demos - Souveraineté et démocratie à l’épreu-
ve de l’Europe (Seuil, 2021), elle montre que le souverainisme, qui confine
la politique à l’État-nation, est une illusion philosophique et une erreur
pratique. Les principes de la démocratie moderne (peuple, citoyenneté,
volonté générale) ne sont pas niés par le projet européen, ils peuvent y
trouver l’occasion d’un approfondissement.
Elle voit l’identité collective d’un peuple européen se constituer via les
institutions politiques appropriées qu’il s’agit de mettre en place ou de réfor-
mer. Ce peuple civique s’appuiera sur une « culture politique européenne »
déjà établie dans les faits. Elle affirme : « Après la paix et la prospérité, la
solidarité doit devenir la finalité nouvelle de l’Union européenne. » Une
Europe sociale et environnementale pourra se réaliser grâce à un New Deal
européen incluant une fiscalité européenne.
8. 2022 - Olivier Guez :
Une Europe unie par la culture
Olivier Guez, né en 1974 (études à Sciences-Po Strasbourg,
à la London School of Economics et au ‘Collège d'Europe’ de Bruges)
est un journaliste, essayiste et écrivain français, auteur notamment de
La disparition de Josef Mengele.
Dans Le grand tour (2022), plaidoyer en faveur d'une Europe
unie par la culture, il réunit les textes de 27 auteurs européens, un par
État membre de l'Union européenne, sur des lieux évocateurs de la
culture et de l’histoire européennes. Dans les récits et les nouvelles
inédits qui composent ce recueil, les mémoires, les regards et les
climats d’une Europe de chair et de sang s’entrecroisent. Il ébauche
une carte émouvante de l’esprit européen du début des années 2020.
« L’histoire européenne est une succession de transgres-
sions. C’est une transgression des idées, des dogmes, de la terre,
des frontières. C’est aussi l’invention de l’ironie, avec Cervantès.
L’Europe, c’est une culture de la transgression. »
« L’Europe charnelle, c’est le rapport au paysage, à la nour-
riture, à la musique, tout ce qui touche à l’émotion. Et tout ce de quoi
la constitution européenne s’est écartée, dans son projet technocrat-
ique et bureaucratique. »
9. Sébastien Maillard :
« Le projet de paix de l’UE est en train
de devenir un projet de puissance »
Pour Sébastien Maillard, journaliste, membre de ‘l’Institut Jacques-
Delors’, face à la guerre en Ukraine, l’UE doit s’affirmer comme puissance
de paix et empêcher à tout prix que s’établisse « un nouveau rideau de
fer » opposant l’Occident, dans lequel elle serait "diluée", à un bloc russo-
chinois. Il pointe deux chantiers prioritaires : l’énergie et la défense.
« Interdépendance, respect du droit, réconciliation : ce sont ces trois
processus qui ont fini par rendre entre Européens la « guerre impensable », selon le
but visé par Robert Schuman en 1950, qui justifiait : « L’Europe n’a pas été faite,
nous avons eu la guerre. » Là où elle n’est pas faite, la guerre éclate. Le conflit trahit
soudainement notre dépendance aux hydrocarbures russes et à la sécurité militaire
américaine. C’est pourquoi l’union de l’énergie et l’union de la défense s’imposent
dans l’urgence comme les deux grands chantiers européens à reprendre. (…)
Mais ce faisant, l’Europe ne doit pas se barricader à l’abri d’un monde hostile.
La guerre en Ukraine invite à déjà penser l’après-guerre, à réunir les conditions pour
rendre la paix irréversible cette fois sur toute l’étendue de notre continent. Il faudra
mettre l’Ukraine sur la « trajectoire européenne » promise, en engageant d’abord sa
reconstruction. Mais aussi en entraînant un pays meurtri et exsangue dans le patient
triple processus d’interdépendance économique, de respect du droit et de réconcilia-
tion des sociétés. Il sera aussi à mener avec une Russie post-Poutine pour la
relever. »
10. Un exemple de chantier écologique et politique
urgent pour l’Europe
Il est urgent, dans le cadre d’un vaste chantier européen,
de remonter du fond de la Manche et de la mer Baltique les
500 000 tonnes d’armes chimiques des deux Guerres mondiales
qui y rouillent lentement et qui constituent une menace majeure
pour l’environnement.
Sans action de dépollution, des scientifiques prédisent un
désastre environnemental. Au fond de la mer, les fuselages
métalliques qui confinent les substances chimiques se corrodent.
La plupart de de ces substances restent toxiques en se décom-
posant dans l'eau.
Ce chantier indispensable doit être déclaré comme une
priorité par les peuples et par les dirigeants des pays européens,
et notamment par les pays qui ont immergé ces armes chimiques.
Photos : Les armes chimiques et leur localisation
11. La responsabilité de l’Europe
Par son histoire et par sa construction (très imparfaite),
l'Europe a même une responsabilité planétaire pour l'avenir de
l'humanité.
« L’Europe est en train de réaliser un projet inédit dans
l’histoire de l’humanité, que jamais aucun peuple, aucune nation,
aucun ensemble humain n’avait été capable de réaliser : constituer
une communauté politique large, plurinationale, pluriculturelle, par
d’autres voies que la guerre. »
Patrick Viveret (photo)
Il nous appartient de faire en sorte que la construction de
l’Europe soit l’affaire des peuples et pas seulement des dirigeants,
aussi inspirés soient-ils.
12. Puissance ou rayonnement ?
Appliquée aux relations internationales, la puissance désigne
la capacité d’un acteur à obtenir des autres acteurs qu’ils infléchissent
leurs actions et leurs conduites dans le sens de ses propres intérêts,
sans consentir en retour de concessions de même valeur (Wikipédia).
La puissance implique la contrainte. C'est ainsi que les termes
‘grande puissance’ ou ‘superpuissance’ désignent les pays qui se
distinguent d’abord par leurs capacités économiques, politiques et
militaires, accessoirement leur influence culturelle.
Au contraire, le rayonnement - terme plus positif que celui
d’‘influence’, celle-ci étant l’action exercée sur quelqu’un ou quelque
chose sans contrainte - est l’impression de vie que dégage une
personne (Petit Robert 2017). Autrement dit, le rayonnement d’un
peuple ou d’une fédération de peuples est l’influence qu’il/elle
dégage par sa bienfaisance, son humanité, son ouverture, sa
culture, sa beauté, sa bonté, sa créativité.
13. L’Europe : Puissance ou rayonnement ?
On le sait, les traces les plus durables dans l’histoire ne
sont pas laissées par les personnalités qui sont dans la puissance,
mais par celles qui sont dans le rayonnement.
Cela ne veut pas dire qu’en voulant d’abord être un acteur
mondial par son rayonnement, l’Union européenne doive renoncer
à des actions de puissance ou de contrainte, par ex. des sanctions
économiques, bien au contraire.
Tout l’enjeu de l’Europe est de savoir si elle veut se posi-
tionner dans la puissance ou dans le rayonnement.
Face aux immenses défis de l’humanité au troisième
millénaire, il faut affirmer que la résolution non-violente des
inévitables conflits humains doit devenir une option essentielle des
peuples et des gouvernants de l’Europe, au même titre que la lutte
contre la misère, le réchauffement climatique et la chute de la
biodiversité.
C’est la société civile, appuyée par les chercheurs de sens
dans une dynamique internationale, interculturelle et interconvic-
tionnelle, qui imposera ces choix.
14. La dimension spirituelle
de la construction européenne
Le constat qu’on a pu faire dans ces diaporamas est
que les précurseurs de l’Europe étaient des hommes
spirituels, c’est-à-dire animés par une quête de sens
(: signification, direction, sensation), et particulièrement par
une interrogation sur le sens de l’aventure humaine.
Face aux immenses défis auxquels est confrontée
aujourd’hui l’humanité, beaucoup ont la conviction que la
construction de l’Europe a aussi une dimension spirituelle.
Notre continent (riche foyer de culture, mais aussi à l’origine
du colonialisme et des deux Guerres mondiales) et particulièrement
l’Union européenne, ont une mission spécifique dans la construction,
sur notre petite planète bleue,
- de la justice et de la paix,
- d’un savoir-être des humains dans leur environnement naturel,
- et d’un dialogue fructueux entre les cultures et les traditions
religieuses et spirituelles de l’humanité.
15. La dimension spirituelle
de la construction européenne
C’est pourquoi les Églises et les groupes de réflexion spirituelle
et d’action sociétale s’intéressent à l’Europe et entrent en dialogue
avec les institutions européennes.
Ainsi la COMECE (Commission des Épiscopats de l'Union européenne),
créé en 1980, est composée d’évêques délégués par les Conférences
épiscopales catholiques des 27 États-membres de l’Union européenne.
Ainsi les sections de ‘Pax Christi’ en Europe ont publié le manifeste
européen « L’Europe que nous voulons » du 3 avril 2019 à l’occasion des
élections du Parlement européen. Ce manifeste encourage les candidats et les
citoyens à choisir un projet européen renouvelé basé sur la solidarité, la
fraternité et la paix.
Ainsi le G3i (Groupe international, interculturel et interconvictionnel),
groupe de réflexion et de pression, a depuis 2008 un statut participatif au Conseil
de l’Europe. Le G3i souhaite œuvrer à la création de nouveaux espaces publics
laïcs, qui permettent le dialogue et la partage entre des personnes pouvant se
réclamer d’une identité humaniste - athée, agnostique ou religieuse.
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